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PARTIE DU MONDE !
Michel Korinman
Outre-terre | Outre-Terre
2005/2 - no 11
pages 9 à 15
ISSN 1636-3671
Article disponible en ligne à l'adresse:
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-outre-terre-2005-2-page-9.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Korinman Michel, « Partie du monde ! »,
Outre-Terre, 2005/2 no 11, p. 9-15. DOI : 10.3917/oute.011.0009
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Pour Goethe et Hegel, l’Afrique, ça n’existait pas. L’Europe occidentale qui
a colonisé et « décolonisé » le continent donne volontiers des leçons d’Afrique
in vitro. Comme si le « sous-continent » (au sens figuré) autorisait les jeux d’es-
pace, de stratégie pure, de guerre abstraite. Une Afrique spatialement décalée.
Gondwana de type nouveau, à plus grande échelle, sans le Sud de l’Amérique,
l’Inde et l’Australie, mais Madagascar incluse, séparé du Laurasia (Amérique
du Nord, Europe et Asie) par une barrière historique et morale. Toutes les
combinaisons, en Afrique, sont dès lors permises.
Il se trouve maintenant des africanistes institutionnels pour y prôner, surtout
à l’oral, une résolution « antibiotique » des conflits, c’est-à-dire la relève des
gouvernements en place par le mouvement insurrectionnel du moment.
D’autres provoquent l’enthousiasme de certains milieux en retraçant les
frontières, au sud du Sahara, de telle sorte qu’émergent des territoires macro-
ethniquement fondés. Ce sont, par exemple, les opérations d’un Bernard Lugan
(maître de conférences à l’université de Lyon III) qui commence par éliminer les
« options » suivantes : la recolonisation, qui serait à coup sûr porteuse de pros-
périté sous mandat de vingt-cinq ou trente ans, parce qu’il ne se trouvera pas de
pays européen assez « masochiste » pour accepter semblable « cadeau empoi-
sonné » et que les problèmes n’en seraient pas pour autant résolus sur la longue
durée ; l’abandon du pays à lui-même – soit des massacres sans fin jusqu’à ce
qu’un des protagonistes l’emporte « un jour » et établisse la dictature de son
ethnie – puisque c’est inacceptable du point de vue de la communauté interna-
tionale. L’essayiste appelle donc à une solution « révolutionnaire », celle du
redécoupage partiel. La recette n’est pas très compliquée. Vous prenez, au
hasard, un pays comme la Côte d’Ivoire ; vous formez par Anschluss successifs
un Kruland, à partir des territoires de l’Ouest ivoirien et du Sud-Est libérien,
puis un Kwaland où se regrouperont Baoulé et Agni, au Centre/Sud-Est du pays,
Partie du monde !
Michel Korinman
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10 Michel Korinman
1. Cf. Bernard Lugan, Afrique De la colonisation philanthropique à la recolonisation huma-
nitaire, Paris, Christian de Bartillat, 1995, p. 320, 322-23 et « La partition ethnique de
l’Afrique », afriquepluriel, ruwenzori.net/ethnisme.htm ; du même, God bless Africa : contre
la mort du continent noir, Chatou, Carnot, 2003.
2. Cf. HEI, université de Laval, Paix et sécurité internationales,
http://www.psi.iqhei.ulaval.ca.default.asp?Groupe=3&Niveau=4&Page=1
avec leurs « cousins » du Ghana (renvoi aux « Mandé » quelques phrases plus
haut – Gondwana ?) ; le sort des populations du Nord étant renvoyé à un traite-
ment ultérieur ; voilà les problèmes liquidés. Ceci vaut, certes, uniquement pour
le cas où « la Côte d’Ivoire et le Ghana dev(r)aient être, à leur tour, emportés
dans le tourbillon des guerres ethniques1 ».
D’autres enfin passent avec armes et bagages du côté des Peace Studies, de
la Wissenschaft, de la science (dure) avec ses lois et ses taxinomies, ses règles
et ses typologies, ses définitions et ses modules, lesquels s’appliquent sous tous
les climats et toutes les latitudes2
. L’étudiant a le loisir de se familiariser, très
vite, avec un articulation majeure bien que quelque peu tautologique : le main-
tien de la paix, c’est « la prévention, la limitation, la modération et la cessation
des hostilités entre ou au sein des États, grâce à l’intervention d’une tierce
partie, organisée et dirigée à l’échelle internationale, faisant appel à du person-
nel militaire, policier et civil pour restaurer la paix » (« traduction libre » de l’ori-
ginal emprunté au général Indar Jit Riktye, ancien président de l’Académie
mondiale pour la paix). Ajout modeste, néanmoins, des « scientifiques » : « Le
maintien de la paix est tout aussi difficile à définir précisément qu’à catégoriser. »
*
* *
On sait qu’en Sierra Leone l’élite des crios (créoles), descendants d’esclaves
des États-Unis et des Antilles, réfugiés en Angleterre, a réussi à imposer son
pidgin à tout le pays, de même qu’au Liberia les congos afro-américains ont
soumis les indigènes de l’intérieur à un sauvage black colonialism. Les interve-
nants extérieurs, Nations unies, ONG de toutes catégories, mais aussi bien la
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CDEAO) ou l’Union
du fleuve Mano (Guinée, Liberia, Sierra Leone), aménagent des stratégies de
dénégation, de contournement, de « bagatellisation » (psychanalyse et géopoli-
tique) ; ils préfèrent occulter l’héritage des conflits précoloniaux et les causali-
tés historiques qui en découlent pour renvoyer aux relations avec l’Occident :
commerce des matières premières (bois, caoutchouc, minerai de fer) ; respon-
sabilité afférente d’États « sauvages » et dilapidateurs ; expatriés affairistes. Le
géopolitiquement correct interdit d’appréhender les guerres africaines d’aujour-
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Partie du monde ! 11
3. Cf. l’important travail, à cet égard, de Michel Galy, « Le savoir de l’Occident », Cultures
et conflits, n° 37, vol. 2.
4. Cf. les recherches et analyses de Christophe Sandlar, Migrations et problématiques iden-
titaires en Côte d’Ivoire : de la xénophilie au national-régionalisme de la Charte du Nord et
de l’ivoirisation à l’ivoirité, mémoire de DEA, Marne-La-Vallée, 2002-2003, avec cartes.
5. Cf. Gadji Dagbo Joseph, L’affaire Kragbé Gnagbé, un autre regard 32 ans après, Abidjan,
Nouvelles éditions ivoiriennes, 2002.
6. Cf. Abidjan la cosmopolite, Une étude démographique de la ville d’Abidjan, Abidjan,
Institut national de la statistique (INS), 1994.
d’hui comme greffées sur une segmentarité fluide, mouvante, instable qui va du
local à l’international en passant par les ethnies, le cas échéant, conquérantes
(cf.Jean-Baptiste Onana), recomposées ou pas, souvent fédérées autour de pôles
internes ou transfrontaliers. Au passage, ce n’est pas parce que les catégories
furent en son temps construites par le colonisateur qu’elles en ont moins de
pertinence pour les peuples et les sujets concernés qui, d’ailleurs, vont jusqu’à
tuer en leur nom. Comme s’il fallait, en définitive, gommer à tout prix l’Un-
heimlichkeit, l’inquiétante étrangeté des sociétés africaines, ramenées à du
connu, rassurant et quantifiable3
.
« Tragédies africaines », sans doute. Mais il y a des rémissions (provi-
soires ?) comme « par dispositif », les protagonistes s’en remettant à l’usure du
temps et de l’adversaire. Restons en Côte d’Ivoire, l’inévitable « grand Liberia »
annoncé par certains spécialistes et autres fonctionnaires onusiens4
. Il faut
d’abord se référer ici au passionnant antécédent de l’insurrection bété (ethnie de
l’actuel président Laurent Gbagbo!) de Kragbé Gnagbé, héraut passager de la
« république d’Éburnie », dans l’Ouest du pays, en 1970 5
. Le mouvement, bien-
tôt écrasé, n’avait pas pour objectif une sécession territoriale, mais un élargis-
sement à tout le pays. Ces sortes de « ligues » préconisant, à l’italienne, non pas
une chirurgie géopolitique, mais la marche sur Rome/Abidjan. Problème
majeur, justement, que la capitale économique du pays. L’« ethnofascisation »
convoquée par certains à l’endroit du pouvoir actuellement en place se heurte-
rait à des faits têtus. Il n’est que de consulter les statistiques qui remontent
évidemment à 1988.
Les Mandé du Nord comptent pour respectivement 15 à 19 % à Abobo, 10 à
14 % à Yopougon, Adjamé et Treichville, 5 à 9 % sur le reste de la ville, à part
Port-Bouët et le Plateau où ils font moins de 4 %6
. En composite, les Mandé du
Sud : 6 à 9 % à Abobo, Attécoubé, Yopougon et au Plateau. Et les Voltaïques
(Gur) du Centre-Nord et du Nord-Est : 6-8 % à Abobo et à Adjamé, et 3 à 5 %
à Yopougon. Sans compter la population étrangère : manœuvres, ouvriers et
commerçants, soit plus de la moitié de la population de Port-Bouët et de Treich-
ville, de 40 à 49 % à Attécoubé, Adjamé, Codody, Marcory et Koumassi, et
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12 Michel Korinman
7. Ibid., p. 48 : 25 703 personnes appartiennent soit à la haute administration, soit aux socié-
tés, le cas échéant au corps diplomatique accrédité, et vivent dans les quartiers riches.
nulle part en dessous des 15 % 7
; ce sont généralement les Burkinabé qui l’em-
portent, sauf à Abobo et Treichville où les Maliens ont le dessus. Comment, dès
lors réaliser l’« ethnofascisation », d’autant que la communauté internationale
Plan d’Abidjan.
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Partie du monde ! 13
8. L’Inter, 20 février 2005.
9. http://mpigo.info/pop/art.php?newsid=17
10. MPCI.info08/02/2005 (note3/3).
ne supporterait en aucun cas des transferts de population massifs à l’intérieur ou
à partir d’un pays considéré, jusqu’il y a peu, comme un modèle de stabilité sur
le continent.
Raisonnement qui vaut en sens inverse. Un « rebelle » comme Major Doum-
bia (cf. plus loin) s’effraie à bon droit des machiavélismes et cynismes croisés.
Il appelle dorénavant ses anciens amis au maintien de l’unité nationale et de
l’intégrité territoriale : « Nous tenons à rappeler que la raison unique pour
laquelle nous avions apporté en son temps notre caution morale à l’action du 19
septembre 2002 était qu’elle portait en elle un espoir populaire et [qu’elle était]
présentée comme une action démocratique8. » C’est que la superposition des
cartes ouest-africaine et ivoirienne des « aires culturelles » et des États augure
non pas, à terme, d’une partition territoriale, mais d’un morcellement (cf. Jean-
Pierre Dozon, plus loin) en fonction à la fois des patronages et des groupes
ethniques.
Les factions « nordistes » ne s’accusent-elles pas réciproquement de
travailler pour l’étranger ? Les partisans de Guillaume Soro imputant à son
adversaire Ibrahim Coulibaly (IB) une collaboration avec le Mali (et Laurent
Gbagbo9
), alors que les amis de ce dernier se demandent ironiquement sur qui
le premier va s’appuyer dès lors qu’il a été lâché par le Burkina Faso et que le
président togolais, Étienne Gnassingbé Éyadéma, son « parrain », a disparu 10
.
D’autant que le Nord accuse un retard économique justement dénoncé par
ses partisans sur le Sud. Et puis les fonctionnaires ne continuent-ils pas à être
salariés par l’appareil d’État, même si une administration parallèle se met en
place ?
Attention cependant au réarmement, incessant, des loyalistes à Conakry et
de la rébellion par le Burkina Faso. Des combattants du Liberia encaissent leur
prime de démobilisation à Monrovia pour aller s’engager en terre ivoirienne. Le
tout comblant les marchands d’armes recyclées de l’ex-bloc soviétique.
*
* *
Passage de l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala à l’émission Tout le
monde en parle, le 11 décembre 2004. Le personnage procède par insinuation,
c’est-à-dire qu’il agit, comme l’indique le Robert, de manière subtile, faisant
entendre une chose qu’il n’affirme pas positivement. Plus précisément, quant à
un prétendu complot international contre l’Afrique : certains laboratoires occi-
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14 Michel Korinman
Plan d’Abidjan.
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Partie du monde ! 15
11. Cf. Mark Siemons, « Bäume der Erkenntnis Afrikas Nobelpreis : Wangari Maathai über
Aids und Kultur », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 18 décembre 2004.
dentaux auraient fabriqué le Sida pour exterminer les populations du continent
noir. Un soupçon largement répandu en Afrique, au demeurant, et auquel l’ora-
teur se réfère, pour exhiber aussitôt son incapacité à trancher. Mais de s’avouer
quand même habité par un trouble persistant : Wangari Maathai, kenyane, prix
Nobel de la paix, « mère des arbres » (dont trente millions ont été plantés dans
son pays par le Green Belt Movement qu’elle dirige), aurait corroboré la thèse
« conspirationniste ».
Or, madame Maathai nie avec véhémence avoir tenu les propos qu’on lui
prête et elle restitue sa démonstration en trois phases11
:
– la pandémie, en Afrique, ne s’explique pas, contrairement à ce qui est commu-
nément avancé en Europe, par une quelconque prédisposition des cultures afri-
caines, mais au contraire par la déstructuration de celles-ci dans le contexte
colonial. C’est l’anéantissement de la famille traditionnelle, avec l’exode de la
force de travail masculine dans les villes, qui a constitué le point de départ du
tourisme sexuel et de la prostitution, contribuant ainsi, à terme, à la propagation
massive de la maladie ;
– sans qu’il faille pour autant souscrire à un quelconque fondamentalisme cultu-
rel et idolâtrer les traditions en tant que telles. Nombre d’Africains perçoivent
le Sida comme un fléau divin et ils imaginent s’immuniser, voire se guérir en
multipliant les rapports sexuels avec de jeunes vierges. Résultat de semblables
fantasmagories, un développement significatif des viols et de la pédophilie ;
– ce sont les missionnaires qui ont ruiné les fondements de la culture tradition-
nelle. Ils ont singulièrement invité les Africains à se départir des rituels et
croyances « païens » – ascension du mont Kenya, figuiers sacrés –, alors que
s’ancrait ici une « écosophie », une sagesse mêlant symbolique naturelle et
économie de survie : lutter à la fois contre l’érosion et la désertification.
En substance, Wangari Maathai, Kikuyu et catholique, élevée à la Loreto
Girls’ High School près de Nairobi, puis formée dans un lycée de bénédictines
aux États-Unis, plaide pour une synthèse des deux civilisations.
Pas plus de conspiration, dans le discours du prix Nobel cité, que d’emprunts
aux Protocoles des Sages de Sion. Peut-être l’animateur de Tout le monde en
parle pourrait-il animer son émission, dans une des prochaines livraisons, en
levant ce doute ? Il y aurait là contribution à la démocratie.
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Oute 011 0009

  • 1. PARTIE DU MONDE ! Michel Korinman Outre-terre | Outre-Terre 2005/2 - no 11 pages 9 à 15 ISSN 1636-3671 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-outre-terre-2005-2-page-9.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Korinman Michel, « Partie du monde ! », Outre-Terre, 2005/2 no 11, p. 9-15. DOI : 10.3917/oute.011.0009 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Outre-terre. © Outre-terre. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre
  • 2. Pour Goethe et Hegel, l’Afrique, ça n’existait pas. L’Europe occidentale qui a colonisé et « décolonisé » le continent donne volontiers des leçons d’Afrique in vitro. Comme si le « sous-continent » (au sens figuré) autorisait les jeux d’es- pace, de stratégie pure, de guerre abstraite. Une Afrique spatialement décalée. Gondwana de type nouveau, à plus grande échelle, sans le Sud de l’Amérique, l’Inde et l’Australie, mais Madagascar incluse, séparé du Laurasia (Amérique du Nord, Europe et Asie) par une barrière historique et morale. Toutes les combinaisons, en Afrique, sont dès lors permises. Il se trouve maintenant des africanistes institutionnels pour y prôner, surtout à l’oral, une résolution « antibiotique » des conflits, c’est-à-dire la relève des gouvernements en place par le mouvement insurrectionnel du moment. D’autres provoquent l’enthousiasme de certains milieux en retraçant les frontières, au sud du Sahara, de telle sorte qu’émergent des territoires macro- ethniquement fondés. Ce sont, par exemple, les opérations d’un Bernard Lugan (maître de conférences à l’université de Lyon III) qui commence par éliminer les « options » suivantes : la recolonisation, qui serait à coup sûr porteuse de pros- périté sous mandat de vingt-cinq ou trente ans, parce qu’il ne se trouvera pas de pays européen assez « masochiste » pour accepter semblable « cadeau empoi- sonné » et que les problèmes n’en seraient pas pour autant résolus sur la longue durée ; l’abandon du pays à lui-même – soit des massacres sans fin jusqu’à ce qu’un des protagonistes l’emporte « un jour » et établisse la dictature de son ethnie – puisque c’est inacceptable du point de vue de la communauté interna- tionale. L’essayiste appelle donc à une solution « révolutionnaire », celle du redécoupage partiel. La recette n’est pas très compliquée. Vous prenez, au hasard, un pays comme la Côte d’Ivoire ; vous formez par Anschluss successifs un Kruland, à partir des territoires de l’Ouest ivoirien et du Sud-Est libérien, puis un Kwaland où se regrouperont Baoulé et Agni, au Centre/Sud-Est du pays, Partie du monde ! Michel Korinman 000 Début texte 6/06/05 15:38 Page 9 Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre
  • 3. 10 Michel Korinman 1. Cf. Bernard Lugan, Afrique De la colonisation philanthropique à la recolonisation huma- nitaire, Paris, Christian de Bartillat, 1995, p. 320, 322-23 et « La partition ethnique de l’Afrique », afriquepluriel, ruwenzori.net/ethnisme.htm ; du même, God bless Africa : contre la mort du continent noir, Chatou, Carnot, 2003. 2. Cf. HEI, université de Laval, Paix et sécurité internationales, http://www.psi.iqhei.ulaval.ca.default.asp?Groupe=3&Niveau=4&Page=1 avec leurs « cousins » du Ghana (renvoi aux « Mandé » quelques phrases plus haut – Gondwana ?) ; le sort des populations du Nord étant renvoyé à un traite- ment ultérieur ; voilà les problèmes liquidés. Ceci vaut, certes, uniquement pour le cas où « la Côte d’Ivoire et le Ghana dev(r)aient être, à leur tour, emportés dans le tourbillon des guerres ethniques1 ». D’autres enfin passent avec armes et bagages du côté des Peace Studies, de la Wissenschaft, de la science (dure) avec ses lois et ses taxinomies, ses règles et ses typologies, ses définitions et ses modules, lesquels s’appliquent sous tous les climats et toutes les latitudes2 . L’étudiant a le loisir de se familiariser, très vite, avec un articulation majeure bien que quelque peu tautologique : le main- tien de la paix, c’est « la prévention, la limitation, la modération et la cessation des hostilités entre ou au sein des États, grâce à l’intervention d’une tierce partie, organisée et dirigée à l’échelle internationale, faisant appel à du person- nel militaire, policier et civil pour restaurer la paix » (« traduction libre » de l’ori- ginal emprunté au général Indar Jit Riktye, ancien président de l’Académie mondiale pour la paix). Ajout modeste, néanmoins, des « scientifiques » : « Le maintien de la paix est tout aussi difficile à définir précisément qu’à catégoriser. » * * * On sait qu’en Sierra Leone l’élite des crios (créoles), descendants d’esclaves des États-Unis et des Antilles, réfugiés en Angleterre, a réussi à imposer son pidgin à tout le pays, de même qu’au Liberia les congos afro-américains ont soumis les indigènes de l’intérieur à un sauvage black colonialism. Les interve- nants extérieurs, Nations unies, ONG de toutes catégories, mais aussi bien la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CDEAO) ou l’Union du fleuve Mano (Guinée, Liberia, Sierra Leone), aménagent des stratégies de dénégation, de contournement, de « bagatellisation » (psychanalyse et géopoli- tique) ; ils préfèrent occulter l’héritage des conflits précoloniaux et les causali- tés historiques qui en découlent pour renvoyer aux relations avec l’Occident : commerce des matières premières (bois, caoutchouc, minerai de fer) ; respon- sabilité afférente d’États « sauvages » et dilapidateurs ; expatriés affairistes. Le géopolitiquement correct interdit d’appréhender les guerres africaines d’aujour- 000 Début texte 6/06/05 15:38 Page 10 Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre
  • 4. Partie du monde ! 11 3. Cf. l’important travail, à cet égard, de Michel Galy, « Le savoir de l’Occident », Cultures et conflits, n° 37, vol. 2. 4. Cf. les recherches et analyses de Christophe Sandlar, Migrations et problématiques iden- titaires en Côte d’Ivoire : de la xénophilie au national-régionalisme de la Charte du Nord et de l’ivoirisation à l’ivoirité, mémoire de DEA, Marne-La-Vallée, 2002-2003, avec cartes. 5. Cf. Gadji Dagbo Joseph, L’affaire Kragbé Gnagbé, un autre regard 32 ans après, Abidjan, Nouvelles éditions ivoiriennes, 2002. 6. Cf. Abidjan la cosmopolite, Une étude démographique de la ville d’Abidjan, Abidjan, Institut national de la statistique (INS), 1994. d’hui comme greffées sur une segmentarité fluide, mouvante, instable qui va du local à l’international en passant par les ethnies, le cas échéant, conquérantes (cf.Jean-Baptiste Onana), recomposées ou pas, souvent fédérées autour de pôles internes ou transfrontaliers. Au passage, ce n’est pas parce que les catégories furent en son temps construites par le colonisateur qu’elles en ont moins de pertinence pour les peuples et les sujets concernés qui, d’ailleurs, vont jusqu’à tuer en leur nom. Comme s’il fallait, en définitive, gommer à tout prix l’Un- heimlichkeit, l’inquiétante étrangeté des sociétés africaines, ramenées à du connu, rassurant et quantifiable3 . « Tragédies africaines », sans doute. Mais il y a des rémissions (provi- soires ?) comme « par dispositif », les protagonistes s’en remettant à l’usure du temps et de l’adversaire. Restons en Côte d’Ivoire, l’inévitable « grand Liberia » annoncé par certains spécialistes et autres fonctionnaires onusiens4 . Il faut d’abord se référer ici au passionnant antécédent de l’insurrection bété (ethnie de l’actuel président Laurent Gbagbo!) de Kragbé Gnagbé, héraut passager de la « république d’Éburnie », dans l’Ouest du pays, en 1970 5 . Le mouvement, bien- tôt écrasé, n’avait pas pour objectif une sécession territoriale, mais un élargis- sement à tout le pays. Ces sortes de « ligues » préconisant, à l’italienne, non pas une chirurgie géopolitique, mais la marche sur Rome/Abidjan. Problème majeur, justement, que la capitale économique du pays. L’« ethnofascisation » convoquée par certains à l’endroit du pouvoir actuellement en place se heurte- rait à des faits têtus. Il n’est que de consulter les statistiques qui remontent évidemment à 1988. Les Mandé du Nord comptent pour respectivement 15 à 19 % à Abobo, 10 à 14 % à Yopougon, Adjamé et Treichville, 5 à 9 % sur le reste de la ville, à part Port-Bouët et le Plateau où ils font moins de 4 %6 . En composite, les Mandé du Sud : 6 à 9 % à Abobo, Attécoubé, Yopougon et au Plateau. Et les Voltaïques (Gur) du Centre-Nord et du Nord-Est : 6-8 % à Abobo et à Adjamé, et 3 à 5 % à Yopougon. Sans compter la population étrangère : manœuvres, ouvriers et commerçants, soit plus de la moitié de la population de Port-Bouët et de Treich- ville, de 40 à 49 % à Attécoubé, Adjamé, Codody, Marcory et Koumassi, et 000 Début texte 6/06/05 15:38 Page 11 Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre
  • 5. 12 Michel Korinman 7. Ibid., p. 48 : 25 703 personnes appartiennent soit à la haute administration, soit aux socié- tés, le cas échéant au corps diplomatique accrédité, et vivent dans les quartiers riches. nulle part en dessous des 15 % 7 ; ce sont généralement les Burkinabé qui l’em- portent, sauf à Abobo et Treichville où les Maliens ont le dessus. Comment, dès lors réaliser l’« ethnofascisation », d’autant que la communauté internationale Plan d’Abidjan. 000 Début texte 6/06/05 15:38 Page 12 Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre
  • 6. Partie du monde ! 13 8. L’Inter, 20 février 2005. 9. http://mpigo.info/pop/art.php?newsid=17 10. MPCI.info08/02/2005 (note3/3). ne supporterait en aucun cas des transferts de population massifs à l’intérieur ou à partir d’un pays considéré, jusqu’il y a peu, comme un modèle de stabilité sur le continent. Raisonnement qui vaut en sens inverse. Un « rebelle » comme Major Doum- bia (cf. plus loin) s’effraie à bon droit des machiavélismes et cynismes croisés. Il appelle dorénavant ses anciens amis au maintien de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale : « Nous tenons à rappeler que la raison unique pour laquelle nous avions apporté en son temps notre caution morale à l’action du 19 septembre 2002 était qu’elle portait en elle un espoir populaire et [qu’elle était] présentée comme une action démocratique8. » C’est que la superposition des cartes ouest-africaine et ivoirienne des « aires culturelles » et des États augure non pas, à terme, d’une partition territoriale, mais d’un morcellement (cf. Jean- Pierre Dozon, plus loin) en fonction à la fois des patronages et des groupes ethniques. Les factions « nordistes » ne s’accusent-elles pas réciproquement de travailler pour l’étranger ? Les partisans de Guillaume Soro imputant à son adversaire Ibrahim Coulibaly (IB) une collaboration avec le Mali (et Laurent Gbagbo9 ), alors que les amis de ce dernier se demandent ironiquement sur qui le premier va s’appuyer dès lors qu’il a été lâché par le Burkina Faso et que le président togolais, Étienne Gnassingbé Éyadéma, son « parrain », a disparu 10 . D’autant que le Nord accuse un retard économique justement dénoncé par ses partisans sur le Sud. Et puis les fonctionnaires ne continuent-ils pas à être salariés par l’appareil d’État, même si une administration parallèle se met en place ? Attention cependant au réarmement, incessant, des loyalistes à Conakry et de la rébellion par le Burkina Faso. Des combattants du Liberia encaissent leur prime de démobilisation à Monrovia pour aller s’engager en terre ivoirienne. Le tout comblant les marchands d’armes recyclées de l’ex-bloc soviétique. * * * Passage de l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala à l’émission Tout le monde en parle, le 11 décembre 2004. Le personnage procède par insinuation, c’est-à-dire qu’il agit, comme l’indique le Robert, de manière subtile, faisant entendre une chose qu’il n’affirme pas positivement. Plus précisément, quant à un prétendu complot international contre l’Afrique : certains laboratoires occi- 000 Début texte 6/06/05 15:38 Page 13 Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre
  • 7. 14 Michel Korinman Plan d’Abidjan. 000 Début texte 6/06/05 15:38 Page 14 Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre
  • 8. Partie du monde ! 15 11. Cf. Mark Siemons, « Bäume der Erkenntnis Afrikas Nobelpreis : Wangari Maathai über Aids und Kultur », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 18 décembre 2004. dentaux auraient fabriqué le Sida pour exterminer les populations du continent noir. Un soupçon largement répandu en Afrique, au demeurant, et auquel l’ora- teur se réfère, pour exhiber aussitôt son incapacité à trancher. Mais de s’avouer quand même habité par un trouble persistant : Wangari Maathai, kenyane, prix Nobel de la paix, « mère des arbres » (dont trente millions ont été plantés dans son pays par le Green Belt Movement qu’elle dirige), aurait corroboré la thèse « conspirationniste ». Or, madame Maathai nie avec véhémence avoir tenu les propos qu’on lui prête et elle restitue sa démonstration en trois phases11 : – la pandémie, en Afrique, ne s’explique pas, contrairement à ce qui est commu- nément avancé en Europe, par une quelconque prédisposition des cultures afri- caines, mais au contraire par la déstructuration de celles-ci dans le contexte colonial. C’est l’anéantissement de la famille traditionnelle, avec l’exode de la force de travail masculine dans les villes, qui a constitué le point de départ du tourisme sexuel et de la prostitution, contribuant ainsi, à terme, à la propagation massive de la maladie ; – sans qu’il faille pour autant souscrire à un quelconque fondamentalisme cultu- rel et idolâtrer les traditions en tant que telles. Nombre d’Africains perçoivent le Sida comme un fléau divin et ils imaginent s’immuniser, voire se guérir en multipliant les rapports sexuels avec de jeunes vierges. Résultat de semblables fantasmagories, un développement significatif des viols et de la pédophilie ; – ce sont les missionnaires qui ont ruiné les fondements de la culture tradition- nelle. Ils ont singulièrement invité les Africains à se départir des rituels et croyances « païens » – ascension du mont Kenya, figuiers sacrés –, alors que s’ancrait ici une « écosophie », une sagesse mêlant symbolique naturelle et économie de survie : lutter à la fois contre l’érosion et la désertification. En substance, Wangari Maathai, Kikuyu et catholique, élevée à la Loreto Girls’ High School près de Nairobi, puis formée dans un lycée de bénédictines aux États-Unis, plaide pour une synthèse des deux civilisations. Pas plus de conspiration, dans le discours du prix Nobel cité, que d’emprunts aux Protocoles des Sages de Sion. Peut-être l’animateur de Tout le monde en parle pourrait-il animer son émission, dans une des prochaines livraisons, en levant ce doute ? Il y aurait là contribution à la démocratie. 000 Début texte 6/06/05 15:38 Page 15 Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre Documenttéléchargédepuiswww.cairn.info---41.189.33.50-03/07/201307h58.©Outre-terre