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MOULOUDI HAFSA
ELALAOUI CHAIMAE
Les Matériaux Spécifiques
pour Usage Nucléaire
Introduction
Conclusion
Les matériaux dans les
réacteurs
Effets d’irradiation sur les
matériaux
01
02
03
04
Introduction
01.
 L'industrie nucléaire utilise de nombreux matériaux sélectionnés en raison de leurs propriétés nucléaires,
ou de leurs propriétés d'emploi. Ils sont aussi généralement soumis à divers flux de rayonnements qui
modifient leurs structures, compositions et propriétés.
 Certains particularismes induits par le nucléaire, essentiellement liés aux effets d'irradiation, conduisent
cependant à des comportements spécifiques. Il est impératif de les maîtriser suffisamment pour pouvoir
les prendre en compte lors de la conception et de l'utilisation industrielle.
Tout ce système industriel est bien évidemment constitué de matériaux qui doivent répondre à des
cahiers des charges très spécifiques. On doit distinguer :
Les matériaux nucléaires proprement dits (combustible, barres de contrôle) dont les caractéristiques
doivent permettre de gérer convenablement l’économie de neutrons.
Les matériaux en environnement nucléaire qui doivent présenter des propriétés mécaniques
suffisantes, dans la durée, dans un environnement qui peut être chimiquement agressif.
Les matériaux de la machine thermique elle-même qui sont essentiellement sollicités du point de vue
des contraintes (pression), de la chimie (corrosion) et de la tenue à chaud.
 Au fur et à mesure que l’on se rapproche du cœur de la centrale, du combustible, les matériaux sont de
plus en plus soumis à l’irradiation par les neutrons. Cette sollicitation, spécifique à l’industrie nucléaire,
bouleverse les piliers fondamentaux du comportement des matériaux.
i. Elle perturbe l’ordre cristallographique en créant de nombreux défauts qui condensent sous forme de
« boucles de dislocation » : le matériau devient plus dur, et à cette augmentation de dureté est associée
une fragilisation du matériau.
ii. Elle perturbe la chimie des matériaux en conduisant certains atomes absorbant des neutrons, ou
certains atomes subissant une fission, à changer de nature chimique.
iii. Elle perturbe le transport des espèces chimiques, en accélérant la diffusion, en biaisant les transports
d’espèce, phénomènes qui peuvent conduire à des ségrégations chimiques inattendues.
Le dommage d’irradiation se produit au niveau atomique, et conduit à des conséquences sur le comportement
macroscopique des matériaux.
Les matériaux utilisés
dans certains réacteurs
02.
Les réacteurs à eau pressurisée
Les réacteurs à neutrons rapides
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à eau pressurisée :
Le combustible nucléaire d'un REP est de l'oxyde d'uranium faiblement enrichi. Le combustible se présente sous la forme d'environ 272 petites
pastilles cylindriques empilées et maintenues dans des gaines en zircaloy appelées crayons combustibles, mises sous pression d'hélium. La
gaine des crayons combustibles constitue la première des trois barrières de sûreté qui empêche la dispersion des produits radioactifs contenus
dans le combustible. 264 crayons combustibles sont agencés sous forme d'assemblages dont la tenue mécanique est assurée par des grilles. Des
grappes de contrôle, regroupant chacune 24 crayons absorbants de neutrons (composés d’un alliage d’argent, cadmium et indium), permettent
de réguler la puissance du réacteur ou de l’arrêter totalement.
1
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à eau pressurisée :
Le cœur est disposé à l’intérieur d’une cuve en acier au carbone revêtue d’une « peau » en acier inoxydable, munie d’un couvercle qui est enlevé pour les
opérations de renouvellement du combustible. La cuve d'un réacteur REP est soumise aux conditions de pression et de température du circuit primaire,
ainsi qu'à l'irradiation neutronique engendrée par les réactions nucléaires qui se produisent dans le cœur.
La cuve constitue une partie de la deuxième barrière de confinement des éléments radioactifs et son rôle pour la sûreté de l'installation est primordial. La
cuve est un composant considéré crucial et, en conséquence, sa conception, sa fabrication, sa réception et son suivi en service font l'objet de dispositions
de contrôle particulièrement exigeantes.
Cuve :
1
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à eau pressurisée :
L’acier de cuve utilisés est un acier faiblement allié, c’est-à-dire comprenant un faible pourcentage, généralement inférieur à 8 %, d'éléments d'alliage.
Il a de structure cristalline cubique centrée qui offre un bon compromis entre résistance mécanique et ténacitéhy. Un revêtement inoxydable interne
pallie sa mauvaise tenue à la corrosion aqueuse.
Sous l’effet de l’irradiation des neutrons, la courbe de ténacité se décale vers des températures plus élevées. À température donnée, la ténacité baisse
donc avec l’irradiation : l’acier se fragilise. La cuve est la deuxième barrière de sûreté du réacteur dont l’exploitant doit démontrer l’intégrité tout au
long de la vie du réacteur. Pour cela, la ténacité de l’acier doit rester suffisante pour garantir la stabilité de tout défaut. La cuve est, de plus, un
composant non remplaçable: son inaptitude au service signifie la fin de vie du réacteur.
Cuve :
1
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à eau pressurisée :
C’est la transparence aux neutrons du zirconium qui est la raison de la sélection des alliages à base de Zr pour le gainage du combustible :
La composition chimique et la gamme de fabrication de l’alliage Zircaloy-4 ont été optimisées pour améliorer la résistance mécanique et la tenue à
la corrosion. L’oxygène est un élément interstitiel dans le réseau cristallin hexagonal compact du zirconium, qui contribue fortement à accroître la
limite d’élasticité de l’alliage. L’étain (Sn), en substitution, améliore significativement la tenue au fluage. Le fer et le chrome ont des limites de
solubilité modestes dans le zirconium; ils précipitent sous forme de phases intermétalliques qui limitent la taille de grains et améliorent la tenue à la
corrosion.
Gainage du combustible :
1
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides :
Le combustible nucléaire d’un RNR-Na est un mélange d’environ 80 % d’uranium 238 (238U) et 20 % de plutonium 239 (239Pu). Dans le cœur du
réacteur, les neutrons fissionnent les atomes 239Pu. Ces derniers émettent d’autres neutrons qui cassent à leur tour d’autres atomes, et ainsi de suite.
Parallèlement, les atomes fertiles (non-fissiles) 238U capturent des neutrons et se transforment en 239Pu (fissile).
Dans un RNR-Na, le fluide caloporteur est du sodium – quand celui des réacteurs actuels est de l’eau – qui présente l’avantage de rester liquide
jusqu’à 900 °C. Dans le cœur, une pompe pousse du sodium froid entre les assemblages de combustible pour qu’il récupère l’énergie produite par les
réactions de fission. En sortie du cœur, le sodium atteint 550 °C. Sa chaleur est extraite du circuit primaire par l’échangeur intermédiaire d’un
deuxième circuit dans lequel circule également du sodium. Ainsi réchauffé, le sodium du circuit secondaire est dirigé vers un dispositif qui convertit sa
chaleur pour actionner un turbogénérateur et produire de l’électricité.
2
Les gaines des premiers cœurs de réacteurs de fission à neutrons rapides étaient en acier inoxydable de type 316 hypertrempé. C’est sur ce type d’acier
que fut découvert le phénomène du gonflement qui allait limiter les taux de combustion.
Le gonflement est une augmentation de volume, induite par l’agglomération sous forme de cavités des lacunes formées pendant l’irradiation. C’est un
facteur limitant la durée d’utilisation du matériau dans le réacteur, par suite des modifications de propriétés mécaniques et dimensionnelles induites :
au-delà de 6% de gonflement volumique, la chute de la ductilité devenait inacceptable, et c’est ce critère qui a limité le taux de combustion des
réacteurs à neutrons rapides (RNR) et motivé la recherche d’aciers à résistance au gonflement améliorée.
D’après la figure au-dessus, il est clair que Les endommagements macroscopiques qui en résultent (en particulier gonflement, durcissement et
fragilisation) dépendent fortement de la structure cristalline et de la composition chimique du matériau irradié et limitent sa durée d’utilisation dans les
réacteurs nucléaires.
Cuve :
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides :
2
Le gonflement des aciers austénitiques (316Ti et 15/15 Ti) est un phénomène à seuil, caractérisé par l’existence de deux régimes consécutifs :
o un premier régime, dit d’incubation, pendant lequel le gonflement est négligeable.
o Puis, au-delà d’une dose critique, dite dose d’incubation, une vitesse de gonflement stationnaire apparaît. La dose d’incubation dépend fortement de
la composition chimique. Le gonflement induisant une fragilisation supplémentaire inacceptable au-delà de ~ 2 % de déformation. Ces aciers ne
sont donc pas envisagés comme matériaux de structure de la première paroi des futurs réacteurs.
Cuve :
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides :
2
À l’opposé, les aciers ferritiques et martensitiques irradiés par des neutrons de fission ont une excellente résistance au gonflement pour les doses
explorées inférieures à ~ 150 dpa. Sous irradiation par des ions produisant uniquement des déplacements atomiques (pas de réactions nucléaires). Cette
bonne résistance au gonflement et une tenue mécanique à chaud raisonnable jusqu’à environ 550 °C font des aciers martensitiques de bons candidats
pour le matériau de structure du tube hexagonal (TH) enveloppe de l’assemblage combustible des RNR.
Cependant, des optimisations de l’état métallurgique et/ou de la composition chimique seront-ils nécessaires pour améliorer la résistance au
gonflement, permettant d’atteindre les doses >150 dpa envisagées pour la filière des RNR.
Cuve :
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides :
2
Pour les métaux cubiques centrés, la mobilité des dislocations est thermiquement activée et la limite élastique décroît avec la température. Il en
résulte une température de transition fragile-ductile (TTFD), entre régime fragile à basse température et régime ductile à haute température.
o Pour des températures inférieures à la TTFD, l’énergie nécessaire à la propagation d’une fissure et la ténacité sont faibles : on parle de
rupture fragile.
o Au-dessus de la TTFD, la forte déformation plastique nécessaire à la propagation d’une fissure conduit à des énergies à rupture et des
ténacités très élevées.
Les amas de défauts ponctuels créés par l’irradiation aux neutrons rapides sont des obstacles au glissement des dislocations. Ils conduisent donc
à un durcissement, et par conséquent à une augmentation de la TTFD. Il y a alors danger de fragilisation du matériau en conditions de service.
Pour éviter de se trouver dans le domaine de rupture fragile, la bonne pratique de l’ingénieur veut que les matériaux de structure sélectionnés
gardent, en toute circonstance, une température de transition inférieure aux températures de service et de manutention.
Cuve :
Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides :
2
Conclusion
Ce rapide panorama des matériaux utilisés dans les centrales actuelles, des raisons de leurs choix, et des
mécanismes de leur dégradation donne une idée des défis et des difficultés, du point de vue de la
science des matériaux, rencontrés dans la conception des générateurs de prochaine génération : les
températures de fonctionnement seront plus élevées, le spectre de neutrons différents, les doses
d’irradiations atteintes plus élevées. Cela conduit à développer de nouveaux matériaux de gainage, à
modifier les cahiers des charges des cuves, à être plus vigilants sur la corrosion éventuelle des
échangeurs thermiques. Il faudra là encore associer études expérimentales poussées et simulations
numériques avec une réflexion d’ingénierie pour que la 4e génération soit plus performante et plus sûre
que les générations précédentes.
Les Effets d’irradiation
sur les matériaux
03.
Cascades de déplacements atomiques
Production d’atomes étrangers
évolution cinétique de la microstructure
Introduction
Sous irradiation de neutrons rapides, l’alliage subit en permanence de fortes perturbations des trois principaux paramètres qui
contrôlent ses propriétés d’usage, à savoir : la structure cristalline, la composition chimique et la microstructure.
Les interactions des neutrons avec la matière peuvent être élastiques ou inélastiques. Les premières sont à l’origine des cascades
de déplacements et de la création des défauts ponctuels, lacunes et interstitiels. Les secondes créent des atomes étrangers par
réactions de fission et de transmutation qui peuvent affecter la cohésion des solides sous irradiation.
Les cascades de déplacements atomiques :
1
 Vers la fin de leur parcours, les atomes frappés provoquent des cascades de déplacements atomiques. Un déplacement atomique est formé
d’une lacune, qui est la place laissée libre par l’atome éjecté de son site cristallin, et d’un atome interstitiel qui s’insère entre les atomes de
la structure cristalline initiale. Chaque déplacement étant caractérisé par une paire de défauts ponctuels.
 Une cascade de déplacements est un événement localisé dans l’espace et le temps, et qui affecte fortement la structure cristalline du solide
irradié. La taille typique d’une cascade est de l’ordre de 10 nm.
Pendant la première phase (balistique) qui dure quelques 0,1 ps, il y a création d’un grand nombre de défauts.
À la fin de cette seconde phase, il reste des amas résiduels de défauts, très difficiles à mettre en évidence expérimentalement.
Pendant la seconde phase (recuit) qui dure pendant les 1 à 10 ps suivantes, la majorité de défauts s’éliminent par recombinaison ou
migration, ce qui correspond à environ 10 à 100 vibrations du réseau cristallin.
Les cascades de déplacements atomiques :
1
Exemple : Évolution d’une cascade de déplacements atomiques due à un PKA (Primary Knocked-out Atoms) de 10 keV dans un alliage fer-
1%cuivre, en fonction du temps en picosecondes.
• Les lacunes sont en jaune, les interstitiels en rouge et les atomes remplacés en bleu. L’atome plus gros en bleu clair est le PKA.
• Dans un premier temps (0,10 et 0,41 ps après le choc, images a et b), on observe la formation de la cascade. Entre 1 et 15 ps (images c
et d), la majorité des interstitiels se recombinent avec des lacunes. Dans l’image d, la plupart des lacunes et des interstitiels se sont
recombinés.
La production d’atomes étrangers:
2
Les réactions de transmutation, introduisent des atomes d’hélium et d’hydrogène dans les matériaux de structure. Les neutrons produits par
la fusion du deutérium et du tritium, ayant une énergie plus élevée (14 MeV) que ceux de la fission (~2 MeV), la production d’éléments de
transmutation, notamment l’hélium et l’hydrogène, sera d’un à deux ordres de grandeur plus élevée dans les réacteurs de fusion que dans les
RNR.
L’hélium a un rôle essentiel dans l’apparition du gonflement, car il favorise la germination des cavités. De nombreuses irradiations par
particules  montrent que l’hélium provoque des phénomènes de fragilisation et doit donc affecter la cohésion des joints de grains. De
même, la fragilisation en fluage thermique des gaines des RNR est attribuée à l’hélium de transmutation, même si les quantités produites en
spectre de RNR sont modestes.
Les réactions de transmutation produisent aussi des isotopes radioactifs, qui ont pour conséquence une activation nucléaire des matériaux.
Un acier martensitique conventionnel, de composition chimique Fe-9%Cr-1%Mo-V-Nb, émettra après une irradiation de ~ 100 dpa dans un
réacteur de fusion un fort rayonnement gamma qui le fera considérer comme déchet de haute activité, jusqu’à ~ 105 ans après son emploi.
L’évolution cinétique de la microstructure
3
On appelle défaut ponctuel toute perturbation d’un cristal que l’on peut localiser dans un volume de l’ordre du volume atomique. Il est ainsi
facile d’imaginer les divers types de défauts ponctuels : impureté substitutionnelle ou interstitielle, lacune, auto interstitiel.
• Les lacunes correspondent à un vide laissé dans la structure sur un site normalement occupé par un atome.
• Les atomes interstitiels sont des atomes en surnombre dans une structure ou bien des impuretés placés sur des sites
normalement vides.
• Dans le cas où un atome occupe un site normalement occupé par un atome de nature chimique différente, on parle d’impureté
substitutionnelle.
La part des défauts ponctuels :
L’évolution cinétique de la microstructure
3
Aux températures des réacteurs électrogènes, les défauts ponctuels sont mobiles et peuvent soit se recombiner (c’est la disparition de la
paire lacune, auto-interstitiel), soit s’éliminer sur divers puits (joints de grains, dislocations, interfaces entre diverses phases précipitées et la
matrice), soit encore s’agglomérer. Les lacunes ou les auto-interstitiels peuvent s’agglomérer sous la forme de boucles de dislocation ; les
lacunes s’agglomèrent sous forme de cavités.
Les interactions élastiques entre défauts ponctuels et dislocations sont essentielles pour comprendre la croissance des cavités de gonflement
et le fluage d’irradiation. La dilatation du réseau cristallin autour de l’auto-interstitiel est plus importante que dans le cas de la lacune. Il en
résulte que l’auto-interstitiel interagit plus fortement avec le champ élastique des dislocations que la lacune et s’élimine de préférence sur
ces dernières. Ainsi, dans les conditions d’un métal écroui où les conditions de germination des cavités sont réalisées (présence d’hélium),
au surplus d’auto-interstitiels s’éliminant sur le réseau de dislocations correspondra un surplus de lacunes s’éliminant sur les cavités, qui
peuvent ainsi croître, bien que l’irradiation produise les deux types de défauts en nombre égal.
D’une manière générale, il y a accumulation de défauts ponctuels, sous forme de cavités ou de bulles d’hélium, mais aussi sous forme de
boucles de dislocations. Ce sont autant d’obstacles au glissement des dislocations, qui contribuent à l’augmentation de la limite d’élasticité,
donc au durcissement dû à l’irradiation.
La part des défauts ponctuels :
L’évolution cinétique de la microstructure
3
Sous irradiation, une grande variété de transformations de phase a pu être observée : dissolution, amorphisation de phases initialement
présentes, précipitation de phases hors d’équilibre. Cette apparente variété où tout semble possible peut, en réalité, se rationaliser par le fait
que, sous irradiation, la stabilité d’une phase ne découle pas du minimum de l’énergie libre, comme hors pile, mais d’un régime stationnaire,
résultant de la compétition entre le désordre balistique créé par l’irradiation et la guérison induite par la diffusion.
À basse température, le désordre balistique l’emporte. C’est le domaine des effets spécifiques de l’irradiation. Des composés thermiquement
stables peuvent se dissoudre ou devenir amorphes sous irradiation. On peut citer, dans cette catégorie, l’amorphisation-dissolution des
phases de laves Zr (Fe, Cr)2 et la remise en solution du Fe dans l’alliage Zircaloy-4, à laquelle on attribue une augmentation de la cinétique
de corrosion, et l’amorphisation du carbure de silicium à basse température.
À plus haute température, la guérison par la diffusion domine, et les instabilités constatées à basse température disparaissent. Cependant, on
ne retrouve pas une situation identique à celle que l’on aurait hors irradiation. D’une part, la sursaturation des défauts ponctuels accélère la
diffusion, mais, d’autre part, surtout, le couplage entre solutés et flux de défauts ponctuels s’éliminant sur les puits produit des ségrégations
hors d’équilibre, induites par l’irradiation.
La stabilité de phases sous irradiation :
Conclusion
Les modifications des propriétés d’usage, dont le comportement mécanique des matériaux sous
irradiation, sont donc contrôlées par la production, la migration et l’agglomération des défauts
ponctuels ou des produits de transmutation créés par l’irradiation, et, dans certains cas, par l’interaction
du matériau avec son milieu environnant (par exemple, la formation d’hydrures dans les alliages de
zirconium comme conséquence de la corrosion par l’eau du matériau). Les mécanismes ont été
succinctement décrits. Ils ne sont pas nécessairement tous bien identifiés, comme, par exemple, le rôle
de la composition chimique sur le gonflement ou encore le mécanisme exact du fluage d’irradiation.
On remarquera que ces mécanismes s’étendent depuis des échelles de temps inférieures à la
picoseconde, pour la cascade, à plusieurs années, en ce qui concerne l’évolution de la microstructure, et
du dixième de nanomètre pour les défauts ponctuels à une dizaine de microns pour le glissement des
dislocations qui contrôle la plasticité.
Conclusion Général
04.
Quel que soit le domaine d’activité, le design des produits et le choix des matériaux dépendra des conditions de
service de l’équipement à réaliser. Et dans le domaine du nucléaire, ces conditions de service sont étroitement
liées aux paramètres suivants : Durées de vie d’installation longue - Taux de marche élevé - Facteurs
environnementaux plus ou moins extrêmes.
L’ensemble de ces facteurs ont forcément une influence sur les matériaux au cours du temps : on parle alors de
phénomène de vieillissement au sens large pour inclure à la fois l’évolution des propriétés physiques et
mécaniques des matériaux mais également les éventuelles possibilités d’érosion ou/et de corrosion.
Par matériaux pour réacteurs, on entend les combustibles nucléaires (non seulement l'uranium, mais aussi le
plutonium et le thorium), les matières utilisées pour le gainage du combustible et pour les conduites et
réservoirs dans lesquels circule le fluide de refroidissement ( c'est-à-dire une grande variété d'alliages d'acier,
d'aluminium, de zirconium, etc.), les ralentisseurs (graphite, béryllium, etc.), les écrans de protection (ciments
de diverses compositions) et les métaux utilisés pour les organes mécaniques du réacteur. Toutes ces substance
sont soumises à une forte corrosion parce qu’elles sont en contact avec le fluide de refroidissement à des
températures et des pressions élevées, et exposées aux rayonnements ; de plus, les rayonnements diminuent la
résistance de certains matériaux à la corrosion.
Les matériaux spécifiques pour usage nucléaire

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Les matériaux spécifiques pour usage nucléaire

  • 2. Introduction Conclusion Les matériaux dans les réacteurs Effets d’irradiation sur les matériaux 01 02 03 04
  • 4.  L'industrie nucléaire utilise de nombreux matériaux sélectionnés en raison de leurs propriétés nucléaires, ou de leurs propriétés d'emploi. Ils sont aussi généralement soumis à divers flux de rayonnements qui modifient leurs structures, compositions et propriétés.  Certains particularismes induits par le nucléaire, essentiellement liés aux effets d'irradiation, conduisent cependant à des comportements spécifiques. Il est impératif de les maîtriser suffisamment pour pouvoir les prendre en compte lors de la conception et de l'utilisation industrielle. Tout ce système industriel est bien évidemment constitué de matériaux qui doivent répondre à des cahiers des charges très spécifiques. On doit distinguer : Les matériaux nucléaires proprement dits (combustible, barres de contrôle) dont les caractéristiques doivent permettre de gérer convenablement l’économie de neutrons. Les matériaux en environnement nucléaire qui doivent présenter des propriétés mécaniques suffisantes, dans la durée, dans un environnement qui peut être chimiquement agressif. Les matériaux de la machine thermique elle-même qui sont essentiellement sollicités du point de vue des contraintes (pression), de la chimie (corrosion) et de la tenue à chaud.
  • 5.  Au fur et à mesure que l’on se rapproche du cœur de la centrale, du combustible, les matériaux sont de plus en plus soumis à l’irradiation par les neutrons. Cette sollicitation, spécifique à l’industrie nucléaire, bouleverse les piliers fondamentaux du comportement des matériaux. i. Elle perturbe l’ordre cristallographique en créant de nombreux défauts qui condensent sous forme de « boucles de dislocation » : le matériau devient plus dur, et à cette augmentation de dureté est associée une fragilisation du matériau. ii. Elle perturbe la chimie des matériaux en conduisant certains atomes absorbant des neutrons, ou certains atomes subissant une fission, à changer de nature chimique. iii. Elle perturbe le transport des espèces chimiques, en accélérant la diffusion, en biaisant les transports d’espèce, phénomènes qui peuvent conduire à des ségrégations chimiques inattendues. Le dommage d’irradiation se produit au niveau atomique, et conduit à des conséquences sur le comportement macroscopique des matériaux.
  • 6. Les matériaux utilisés dans certains réacteurs 02. Les réacteurs à eau pressurisée Les réacteurs à neutrons rapides
  • 7. Les matériaux utilisés dans les réacteurs à eau pressurisée : Le combustible nucléaire d'un REP est de l'oxyde d'uranium faiblement enrichi. Le combustible se présente sous la forme d'environ 272 petites pastilles cylindriques empilées et maintenues dans des gaines en zircaloy appelées crayons combustibles, mises sous pression d'hélium. La gaine des crayons combustibles constitue la première des trois barrières de sûreté qui empêche la dispersion des produits radioactifs contenus dans le combustible. 264 crayons combustibles sont agencés sous forme d'assemblages dont la tenue mécanique est assurée par des grilles. Des grappes de contrôle, regroupant chacune 24 crayons absorbants de neutrons (composés d’un alliage d’argent, cadmium et indium), permettent de réguler la puissance du réacteur ou de l’arrêter totalement. 1
  • 8. Les matériaux utilisés dans les réacteurs à eau pressurisée : Le cœur est disposé à l’intérieur d’une cuve en acier au carbone revêtue d’une « peau » en acier inoxydable, munie d’un couvercle qui est enlevé pour les opérations de renouvellement du combustible. La cuve d'un réacteur REP est soumise aux conditions de pression et de température du circuit primaire, ainsi qu'à l'irradiation neutronique engendrée par les réactions nucléaires qui se produisent dans le cœur. La cuve constitue une partie de la deuxième barrière de confinement des éléments radioactifs et son rôle pour la sûreté de l'installation est primordial. La cuve est un composant considéré crucial et, en conséquence, sa conception, sa fabrication, sa réception et son suivi en service font l'objet de dispositions de contrôle particulièrement exigeantes. Cuve : 1
  • 9. Les matériaux utilisés dans les réacteurs à eau pressurisée : L’acier de cuve utilisés est un acier faiblement allié, c’est-à-dire comprenant un faible pourcentage, généralement inférieur à 8 %, d'éléments d'alliage. Il a de structure cristalline cubique centrée qui offre un bon compromis entre résistance mécanique et ténacitéhy. Un revêtement inoxydable interne pallie sa mauvaise tenue à la corrosion aqueuse. Sous l’effet de l’irradiation des neutrons, la courbe de ténacité se décale vers des températures plus élevées. À température donnée, la ténacité baisse donc avec l’irradiation : l’acier se fragilise. La cuve est la deuxième barrière de sûreté du réacteur dont l’exploitant doit démontrer l’intégrité tout au long de la vie du réacteur. Pour cela, la ténacité de l’acier doit rester suffisante pour garantir la stabilité de tout défaut. La cuve est, de plus, un composant non remplaçable: son inaptitude au service signifie la fin de vie du réacteur. Cuve : 1
  • 10. Les matériaux utilisés dans les réacteurs à eau pressurisée : C’est la transparence aux neutrons du zirconium qui est la raison de la sélection des alliages à base de Zr pour le gainage du combustible : La composition chimique et la gamme de fabrication de l’alliage Zircaloy-4 ont été optimisées pour améliorer la résistance mécanique et la tenue à la corrosion. L’oxygène est un élément interstitiel dans le réseau cristallin hexagonal compact du zirconium, qui contribue fortement à accroître la limite d’élasticité de l’alliage. L’étain (Sn), en substitution, améliore significativement la tenue au fluage. Le fer et le chrome ont des limites de solubilité modestes dans le zirconium; ils précipitent sous forme de phases intermétalliques qui limitent la taille de grains et améliorent la tenue à la corrosion. Gainage du combustible : 1
  • 11. Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides : Le combustible nucléaire d’un RNR-Na est un mélange d’environ 80 % d’uranium 238 (238U) et 20 % de plutonium 239 (239Pu). Dans le cœur du réacteur, les neutrons fissionnent les atomes 239Pu. Ces derniers émettent d’autres neutrons qui cassent à leur tour d’autres atomes, et ainsi de suite. Parallèlement, les atomes fertiles (non-fissiles) 238U capturent des neutrons et se transforment en 239Pu (fissile). Dans un RNR-Na, le fluide caloporteur est du sodium – quand celui des réacteurs actuels est de l’eau – qui présente l’avantage de rester liquide jusqu’à 900 °C. Dans le cœur, une pompe pousse du sodium froid entre les assemblages de combustible pour qu’il récupère l’énergie produite par les réactions de fission. En sortie du cœur, le sodium atteint 550 °C. Sa chaleur est extraite du circuit primaire par l’échangeur intermédiaire d’un deuxième circuit dans lequel circule également du sodium. Ainsi réchauffé, le sodium du circuit secondaire est dirigé vers un dispositif qui convertit sa chaleur pour actionner un turbogénérateur et produire de l’électricité. 2
  • 12. Les gaines des premiers cœurs de réacteurs de fission à neutrons rapides étaient en acier inoxydable de type 316 hypertrempé. C’est sur ce type d’acier que fut découvert le phénomène du gonflement qui allait limiter les taux de combustion. Le gonflement est une augmentation de volume, induite par l’agglomération sous forme de cavités des lacunes formées pendant l’irradiation. C’est un facteur limitant la durée d’utilisation du matériau dans le réacteur, par suite des modifications de propriétés mécaniques et dimensionnelles induites : au-delà de 6% de gonflement volumique, la chute de la ductilité devenait inacceptable, et c’est ce critère qui a limité le taux de combustion des réacteurs à neutrons rapides (RNR) et motivé la recherche d’aciers à résistance au gonflement améliorée. D’après la figure au-dessus, il est clair que Les endommagements macroscopiques qui en résultent (en particulier gonflement, durcissement et fragilisation) dépendent fortement de la structure cristalline et de la composition chimique du matériau irradié et limitent sa durée d’utilisation dans les réacteurs nucléaires. Cuve : Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides : 2
  • 13. Le gonflement des aciers austénitiques (316Ti et 15/15 Ti) est un phénomène à seuil, caractérisé par l’existence de deux régimes consécutifs : o un premier régime, dit d’incubation, pendant lequel le gonflement est négligeable. o Puis, au-delà d’une dose critique, dite dose d’incubation, une vitesse de gonflement stationnaire apparaît. La dose d’incubation dépend fortement de la composition chimique. Le gonflement induisant une fragilisation supplémentaire inacceptable au-delà de ~ 2 % de déformation. Ces aciers ne sont donc pas envisagés comme matériaux de structure de la première paroi des futurs réacteurs. Cuve : Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides : 2
  • 14. À l’opposé, les aciers ferritiques et martensitiques irradiés par des neutrons de fission ont une excellente résistance au gonflement pour les doses explorées inférieures à ~ 150 dpa. Sous irradiation par des ions produisant uniquement des déplacements atomiques (pas de réactions nucléaires). Cette bonne résistance au gonflement et une tenue mécanique à chaud raisonnable jusqu’à environ 550 °C font des aciers martensitiques de bons candidats pour le matériau de structure du tube hexagonal (TH) enveloppe de l’assemblage combustible des RNR. Cependant, des optimisations de l’état métallurgique et/ou de la composition chimique seront-ils nécessaires pour améliorer la résistance au gonflement, permettant d’atteindre les doses >150 dpa envisagées pour la filière des RNR. Cuve : Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides : 2
  • 15. Pour les métaux cubiques centrés, la mobilité des dislocations est thermiquement activée et la limite élastique décroît avec la température. Il en résulte une température de transition fragile-ductile (TTFD), entre régime fragile à basse température et régime ductile à haute température. o Pour des températures inférieures à la TTFD, l’énergie nécessaire à la propagation d’une fissure et la ténacité sont faibles : on parle de rupture fragile. o Au-dessus de la TTFD, la forte déformation plastique nécessaire à la propagation d’une fissure conduit à des énergies à rupture et des ténacités très élevées. Les amas de défauts ponctuels créés par l’irradiation aux neutrons rapides sont des obstacles au glissement des dislocations. Ils conduisent donc à un durcissement, et par conséquent à une augmentation de la TTFD. Il y a alors danger de fragilisation du matériau en conditions de service. Pour éviter de se trouver dans le domaine de rupture fragile, la bonne pratique de l’ingénieur veut que les matériaux de structure sélectionnés gardent, en toute circonstance, une température de transition inférieure aux températures de service et de manutention. Cuve : Les matériaux utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides : 2
  • 16. Conclusion Ce rapide panorama des matériaux utilisés dans les centrales actuelles, des raisons de leurs choix, et des mécanismes de leur dégradation donne une idée des défis et des difficultés, du point de vue de la science des matériaux, rencontrés dans la conception des générateurs de prochaine génération : les températures de fonctionnement seront plus élevées, le spectre de neutrons différents, les doses d’irradiations atteintes plus élevées. Cela conduit à développer de nouveaux matériaux de gainage, à modifier les cahiers des charges des cuves, à être plus vigilants sur la corrosion éventuelle des échangeurs thermiques. Il faudra là encore associer études expérimentales poussées et simulations numériques avec une réflexion d’ingénierie pour que la 4e génération soit plus performante et plus sûre que les générations précédentes.
  • 17. Les Effets d’irradiation sur les matériaux 03. Cascades de déplacements atomiques Production d’atomes étrangers évolution cinétique de la microstructure
  • 18. Introduction Sous irradiation de neutrons rapides, l’alliage subit en permanence de fortes perturbations des trois principaux paramètres qui contrôlent ses propriétés d’usage, à savoir : la structure cristalline, la composition chimique et la microstructure. Les interactions des neutrons avec la matière peuvent être élastiques ou inélastiques. Les premières sont à l’origine des cascades de déplacements et de la création des défauts ponctuels, lacunes et interstitiels. Les secondes créent des atomes étrangers par réactions de fission et de transmutation qui peuvent affecter la cohésion des solides sous irradiation.
  • 19. Les cascades de déplacements atomiques : 1  Vers la fin de leur parcours, les atomes frappés provoquent des cascades de déplacements atomiques. Un déplacement atomique est formé d’une lacune, qui est la place laissée libre par l’atome éjecté de son site cristallin, et d’un atome interstitiel qui s’insère entre les atomes de la structure cristalline initiale. Chaque déplacement étant caractérisé par une paire de défauts ponctuels.  Une cascade de déplacements est un événement localisé dans l’espace et le temps, et qui affecte fortement la structure cristalline du solide irradié. La taille typique d’une cascade est de l’ordre de 10 nm. Pendant la première phase (balistique) qui dure quelques 0,1 ps, il y a création d’un grand nombre de défauts. À la fin de cette seconde phase, il reste des amas résiduels de défauts, très difficiles à mettre en évidence expérimentalement. Pendant la seconde phase (recuit) qui dure pendant les 1 à 10 ps suivantes, la majorité de défauts s’éliminent par recombinaison ou migration, ce qui correspond à environ 10 à 100 vibrations du réseau cristallin.
  • 20. Les cascades de déplacements atomiques : 1 Exemple : Évolution d’une cascade de déplacements atomiques due à un PKA (Primary Knocked-out Atoms) de 10 keV dans un alliage fer- 1%cuivre, en fonction du temps en picosecondes. • Les lacunes sont en jaune, les interstitiels en rouge et les atomes remplacés en bleu. L’atome plus gros en bleu clair est le PKA. • Dans un premier temps (0,10 et 0,41 ps après le choc, images a et b), on observe la formation de la cascade. Entre 1 et 15 ps (images c et d), la majorité des interstitiels se recombinent avec des lacunes. Dans l’image d, la plupart des lacunes et des interstitiels se sont recombinés.
  • 21. La production d’atomes étrangers: 2 Les réactions de transmutation, introduisent des atomes d’hélium et d’hydrogène dans les matériaux de structure. Les neutrons produits par la fusion du deutérium et du tritium, ayant une énergie plus élevée (14 MeV) que ceux de la fission (~2 MeV), la production d’éléments de transmutation, notamment l’hélium et l’hydrogène, sera d’un à deux ordres de grandeur plus élevée dans les réacteurs de fusion que dans les RNR. L’hélium a un rôle essentiel dans l’apparition du gonflement, car il favorise la germination des cavités. De nombreuses irradiations par particules  montrent que l’hélium provoque des phénomènes de fragilisation et doit donc affecter la cohésion des joints de grains. De même, la fragilisation en fluage thermique des gaines des RNR est attribuée à l’hélium de transmutation, même si les quantités produites en spectre de RNR sont modestes. Les réactions de transmutation produisent aussi des isotopes radioactifs, qui ont pour conséquence une activation nucléaire des matériaux. Un acier martensitique conventionnel, de composition chimique Fe-9%Cr-1%Mo-V-Nb, émettra après une irradiation de ~ 100 dpa dans un réacteur de fusion un fort rayonnement gamma qui le fera considérer comme déchet de haute activité, jusqu’à ~ 105 ans après son emploi.
  • 22. L’évolution cinétique de la microstructure 3 On appelle défaut ponctuel toute perturbation d’un cristal que l’on peut localiser dans un volume de l’ordre du volume atomique. Il est ainsi facile d’imaginer les divers types de défauts ponctuels : impureté substitutionnelle ou interstitielle, lacune, auto interstitiel. • Les lacunes correspondent à un vide laissé dans la structure sur un site normalement occupé par un atome. • Les atomes interstitiels sont des atomes en surnombre dans une structure ou bien des impuretés placés sur des sites normalement vides. • Dans le cas où un atome occupe un site normalement occupé par un atome de nature chimique différente, on parle d’impureté substitutionnelle. La part des défauts ponctuels :
  • 23. L’évolution cinétique de la microstructure 3 Aux températures des réacteurs électrogènes, les défauts ponctuels sont mobiles et peuvent soit se recombiner (c’est la disparition de la paire lacune, auto-interstitiel), soit s’éliminer sur divers puits (joints de grains, dislocations, interfaces entre diverses phases précipitées et la matrice), soit encore s’agglomérer. Les lacunes ou les auto-interstitiels peuvent s’agglomérer sous la forme de boucles de dislocation ; les lacunes s’agglomèrent sous forme de cavités. Les interactions élastiques entre défauts ponctuels et dislocations sont essentielles pour comprendre la croissance des cavités de gonflement et le fluage d’irradiation. La dilatation du réseau cristallin autour de l’auto-interstitiel est plus importante que dans le cas de la lacune. Il en résulte que l’auto-interstitiel interagit plus fortement avec le champ élastique des dislocations que la lacune et s’élimine de préférence sur ces dernières. Ainsi, dans les conditions d’un métal écroui où les conditions de germination des cavités sont réalisées (présence d’hélium), au surplus d’auto-interstitiels s’éliminant sur le réseau de dislocations correspondra un surplus de lacunes s’éliminant sur les cavités, qui peuvent ainsi croître, bien que l’irradiation produise les deux types de défauts en nombre égal. D’une manière générale, il y a accumulation de défauts ponctuels, sous forme de cavités ou de bulles d’hélium, mais aussi sous forme de boucles de dislocations. Ce sont autant d’obstacles au glissement des dislocations, qui contribuent à l’augmentation de la limite d’élasticité, donc au durcissement dû à l’irradiation. La part des défauts ponctuels :
  • 24. L’évolution cinétique de la microstructure 3 Sous irradiation, une grande variété de transformations de phase a pu être observée : dissolution, amorphisation de phases initialement présentes, précipitation de phases hors d’équilibre. Cette apparente variété où tout semble possible peut, en réalité, se rationaliser par le fait que, sous irradiation, la stabilité d’une phase ne découle pas du minimum de l’énergie libre, comme hors pile, mais d’un régime stationnaire, résultant de la compétition entre le désordre balistique créé par l’irradiation et la guérison induite par la diffusion. À basse température, le désordre balistique l’emporte. C’est le domaine des effets spécifiques de l’irradiation. Des composés thermiquement stables peuvent se dissoudre ou devenir amorphes sous irradiation. On peut citer, dans cette catégorie, l’amorphisation-dissolution des phases de laves Zr (Fe, Cr)2 et la remise en solution du Fe dans l’alliage Zircaloy-4, à laquelle on attribue une augmentation de la cinétique de corrosion, et l’amorphisation du carbure de silicium à basse température. À plus haute température, la guérison par la diffusion domine, et les instabilités constatées à basse température disparaissent. Cependant, on ne retrouve pas une situation identique à celle que l’on aurait hors irradiation. D’une part, la sursaturation des défauts ponctuels accélère la diffusion, mais, d’autre part, surtout, le couplage entre solutés et flux de défauts ponctuels s’éliminant sur les puits produit des ségrégations hors d’équilibre, induites par l’irradiation. La stabilité de phases sous irradiation :
  • 25. Conclusion Les modifications des propriétés d’usage, dont le comportement mécanique des matériaux sous irradiation, sont donc contrôlées par la production, la migration et l’agglomération des défauts ponctuels ou des produits de transmutation créés par l’irradiation, et, dans certains cas, par l’interaction du matériau avec son milieu environnant (par exemple, la formation d’hydrures dans les alliages de zirconium comme conséquence de la corrosion par l’eau du matériau). Les mécanismes ont été succinctement décrits. Ils ne sont pas nécessairement tous bien identifiés, comme, par exemple, le rôle de la composition chimique sur le gonflement ou encore le mécanisme exact du fluage d’irradiation. On remarquera que ces mécanismes s’étendent depuis des échelles de temps inférieures à la picoseconde, pour la cascade, à plusieurs années, en ce qui concerne l’évolution de la microstructure, et du dixième de nanomètre pour les défauts ponctuels à une dizaine de microns pour le glissement des dislocations qui contrôle la plasticité.
  • 27. Quel que soit le domaine d’activité, le design des produits et le choix des matériaux dépendra des conditions de service de l’équipement à réaliser. Et dans le domaine du nucléaire, ces conditions de service sont étroitement liées aux paramètres suivants : Durées de vie d’installation longue - Taux de marche élevé - Facteurs environnementaux plus ou moins extrêmes. L’ensemble de ces facteurs ont forcément une influence sur les matériaux au cours du temps : on parle alors de phénomène de vieillissement au sens large pour inclure à la fois l’évolution des propriétés physiques et mécaniques des matériaux mais également les éventuelles possibilités d’érosion ou/et de corrosion. Par matériaux pour réacteurs, on entend les combustibles nucléaires (non seulement l'uranium, mais aussi le plutonium et le thorium), les matières utilisées pour le gainage du combustible et pour les conduites et réservoirs dans lesquels circule le fluide de refroidissement ( c'est-à-dire une grande variété d'alliages d'acier, d'aluminium, de zirconium, etc.), les ralentisseurs (graphite, béryllium, etc.), les écrans de protection (ciments de diverses compositions) et les métaux utilisés pour les organes mécaniques du réacteur. Toutes ces substance sont soumises à une forte corrosion parce qu’elles sont en contact avec le fluide de refroidissement à des températures et des pressions élevées, et exposées aux rayonnements ; de plus, les rayonnements diminuent la résistance de certains matériaux à la corrosion.