2. Rapport Open Innovation / Awex
Table des matières
1. Pourquoi l’open innovation p4
La genèse de l’industrialisation de l’innovation p4
Les laboratoires-citadelles des années 1960 p5
L’ouverture comme réponse à la complexité p6
Sous-traitance et marché de la propriété intellectuelle p6
2012, un plus grand besoin d‘ouverture, encore… p9
“Pourquoi l’open innovation s’impose chez nous?” :
Interview - Didier Malherbe, Administrateur délégué UCB Belgique p12
2. Une approche à multiples facettes p15
Glissement de paradigme p15
Les différents visages de l’open innovation p16
Définitions souples et restrictives p18
3. Une brève cartographie de l’open innovation p21
Clusters et pôles de compétitivité p21
C.E.S.A.R – Porto Digital (Recife, Brésil) p23
L’innovation avec les fournisseurs p25
Atol rapatrie sa production en France pour co-innover avec ses sous-traitants p27
Innovation avec les concurrents p28
Un modèle de co-opétition dans le secteur des panneaux solaires p29
Idea Markets et communautés d’innovation p30
Precyse reçoit 33 suggestions utiles collectées en 90 jours p32
La co-création et le crowdsourcing p33
Tchibo-Ideas.de, un exemple de co-création C2C p35
Le Henkel innovation Challenge : un concours d’innovation
sur les réseaux sociaux p36
Le Pepsi Refresh Project : co-innover dans le domaine du marketing p37
Swisscom Labs : « user-driven innovation » p39
Une grande marge de progression en matière d’open innovation
dans de très nombreux secteurs p40
p2
3. Rapport Open Innovation / Awex
4. Un état d’esprit approprié p41
L’importance d’un cadre de confiance – L’exemple de l’accord Texas A&M / Awex p42
Le rôle positif des « connecteurs » p45
Comment Xerox pratique l’open innovation de six façons différentes et simultanées p47
5. Les PME et l’open innovation p49
“Le PME ont tout à gagner de l’open innovation,
même si elles ne doivent pas oublier d’être prudentes”:
Interview - Jeffrey Baumgartner, consultant-expert de l’innovation
collaborative dans les PME : p49
Internalisation de la R&D des PME p52
L’influence du modèle open source p53
Les petites structures sont comme des grandes grâce au crowdsourcing p55
ConCLuSIon p58
Photo de couverture : Fiat Mio CC
Source : Fiatmio.br
p3
4. Rapport Open Innovation / Awex
1. Pourquoi l’open innovation
“SI vouS vouLEz METTRE LE DoIGT SuR DE GRAnDES IDéES,
vouS DEvEz En AvoIR bEAuCouP.” Thomas Edison
LA GEnèSE DE L’InDuSTRIALISATIon DE L’InnovATIon
Thomas Edison, né en 1847, fut l’un des innovateurs les plus prolifiques de l’ère moderne.
L’Humanité lui doit les téléscripteurs, les micros pour les premiers téléphones, le phonographe
ou, bien sûr, l’ampoule électrique. Les historiens s’entendent pour dire qu’Edison est à l’orgine de
l’industrialisation de l’innovation.
Au cours de sa carrière, Edison déposa plus d’un millier de brevets.
Cette fécondité, l’inventeur la doit à une curiosité sans borne. Edison avait l’habitude de collaborer
avec des acteurs très divers dans les domaines tant scientifiques qu’économiques et politiques. Le
destin d’Edison n’aurait jamais été le même si ce dernier n’avait systématiquement associé à ses L’un des premiers prototypes d’ampoule
explorations des partenaires tiers. à incandescence développé par
Thomas Edison
Tout au long de sa vie, l’inventeur américain n’envisagea jamais l’innovation comme une démarche
purement isolée1. S’il fut bien un impulseur, ses inventions ont la plupart du temps bénéficié des
inputs de collaborateurs brillants dont il s’entourait et de partenaires extérieurs. Les biographies
de Thomas Edison racontent ainsi qu’il passait une grande partie de ses journées et de ses soirées
à réseauter avec autant de personnes que possible.
Pour l’ampoule à incandescence2, Thomas Edison partit d’un prototypes vieux de vingt ans qu’il
persista sans relâche à améliorer. Au bout de quelque 6.000 essais différents et un an et demi de
travail, Edison trouva la solution3.
L’inventeur ne s’arrêta toutefois pas en chemin. Sans un réseau électrique et un parc de
générateurs, l’ampoule à incendescence n’avait aucun intérêt.
Thomas Edison s’associa donc avec des experts en réseau et des industriels pour mettre au point
le premier réseau électrique intégral.
non seulement il mit au point une technologie nouvelle. Mais grâce à ses contacts, il put
également contribuer à bâtir l’ensemble de la filière électrique. L’aventure du téléscripteur, du
1
Même si, avec plus de 60 chercheurs sous sa responsabilité directe à Menlo Park, dans l’Etat du new Jersey, Thomas Edison a créé le premier laboratoire industriel de l’Histoire.
2
Invention qui rendit la première Edison célèbre.
3
problème des prototypes d’ampoules précédants était que la durée de vie du filament n’était que de quelques heures. L’invention était donc inexploitable en situation d’utilisation réelle.
En utilisant de la fibre de bambou, il put porter la durée de vie du filament d’une ampoule à plus de 600 heures. Cette dernière devenait ainsi commercialisable.
p4
5. Rapport Open Innovation / Awex
phonographe voire même du cinéma furent à peine différentes.
A la fin de sa vie, Thomas Edison dirigeait un empire industriel ainsi que l’un des plus importants
regroupements de scientifiques et d’ingénieurs du globe.
LES LAboRAToIRES-CITADELLES DES AnnéES 1960
A partir de l’époque Edison, les activités d’innovation au sein des entreprises se sont
professionnalisées.
L’image d’Epinal du savant génial et échevelé, enfermé jour et nuit dans son laboratoire, a
laissé la place à des équipes organisées. La recherche s’est organisée autour de protocoles. Des
départements Innovation à part entière ont vu le jour dans les organisations industrielles, avec
leurs propres budgets, leurs propres recrutements, dans lesquels furent logées les tâches relatives
à la recherche et à l’innovation. La recherche s’est “taylorisée”.
Ce faisant, toutefois, les équipes spécifiquement dédiées à l’innovation se sont parfois isolées du
reste de l’organisation.
Les tâches liées à l’innovation furent réservées à des profils d’employés et de cadres bien
définis et identifiés au sein de l’organisation, et non à l’ensemble des salariés. Encore moins
à des intervenants extérieurs. Les départements d’innovation se sont transformés en citadelle,
protégeant des cohortes de chercheurs isolés du monde extérieur.
Cette évolution correspondait alors, à un contexte historique. Les priorités étaient dissemblables.
En période de forte croissance, en effet, dans les années 50 et 60, l’enjeu, pour la plupart des
entreprises industrielles, était de conquérir de nouveaux marchés de masse. La concurrence était
moins rude. L’environnement économique était plus prévisible. Les entreprises pouvaient gérer
leur processus d’innovation de façon linéaire, en se basant sur simple analyse des rapports coût/
bénéfice.
A partir des années 70, toutefois, la crise est apparue. Le contexte économique s’est durci. Les
projets d’innovation ont été dotés d’échéances plus précises. Des objectifs à plus court terme se
sont imposés.
Dans les années 80, les principes de la gestion de la qualité inspirés du « miracle » industriel
japonais ont intégré les méthodes de gestion de l’innovation des entreprises européennes et
américaines. L’amélioration de la qualité et des performances des produits existants est devenue
l’une des priorités des labos et des ingénieurs.
Avec l’intensification de la mondialisation, dans les années 90, les entreprises ont investi dans
des systèmes sophistiqués visant à raccourcir les distances entre leurs clients et leurs fournisseurs
p5
6. Rapport Open Innovation / Awex
(optimisation de la supply chain). La priorité en matière d’innovation a glissé vers la recherche des
réductions de coûts, aux dépens, parfois, de l’innovation de produits.
L’ouvERTuRE CoMME RéPonSE à LA CoMPLEXITé
L’économie et les processus industriels n’ont cessé, depuis, de se complexifier.
La digitalisation de l’information a accéléré les cycles d’innovation, dans le même temps qu’elle
rendait les consommateurs plus critiques. De nou acteurs ont pris leur essor en Asie et dans
d’autres pays émergents.
Les marchés sont devenus plus concurrentiels et plus volatiles. Les offres de produits se sont
enrichies. Dans les produits alimentaires, les boissons, les céréales ou les articles de confection,
par exemple, la variété des articles proposée aux consommateurs augmente de 25% par an1.
En 2010, les fabricants de combinés portables commercialisaient 900 modèles différents de
téléphones portables en plus qu’en 2001…
Les technologies sont plus complexes. un « Smartphone » moderne est couvert pas près de 300
brevets différents, dans des domaines très variables qui vont des modules radios à la structure
informatique ou aux économiseurs de batteries.
Cette inflation de nouveaux produits toujours plus intégrés nécessite, désormais, des approches
multidisciplinaires.
Pour les entreprises s’arc-boutant sur la maîtrise de A à z, en interne, de leurs processus
d’innovation, les choses sont devenues plus compliquées. En même temps, elles sont tenues,
pour rester compétitives, de garder contact avec des matières toujours plus hétéroclites.
L’unique moyen, pour nombre d’entre elles, de relever les défis modernes de l’innovation consiste
à s’ouvrir. A mettre en œuvre des collaborations. A embrasser les principes et la dynamique de
l’open Innovation.
SouS-TRAITAnCE ET MARCHé DE LA PRoPRIéTé
InTELLECTuELLE
Certes, l’open innovation n’est pas une nouveauté pour certaines entreprises.
Depuis les années 90, certaines grandes entreprises réduisent et sous-traitent une partie de leurs
efforts en R&D.
4
McKinsey Quarterly
p6
7. Rapport Open Innovation / Awex
ETATS-UNIS : ÉVOLUTION DE LA PART DE LA R&D SUPPORTÉE
PAR LES GRANDES ENTREPRISES DEPUIS LES ANNÉES 60
Pourcentage de la R&D
A B
industrielle aux mains des
90% 2,0% grandes entreprises américaines
85% (+ de 10.000 salariés)
80%
2,0% Investissements en R&D
75%
des grandes entreprises en
70%
pourcentage du PIB américain
65% 1,5%
60% A Pourcentage de la R&D
55% industrielle aux américain.
1,0%
50%
45% B Pourcentage du PIB américain.
40% 0,5%
1960 1970 1980 1990 2000 2010
Source : Open Innovation in Europe effects, determinants and Policy, Oslo, July 19th 2011
Les investisseurs financiers ont incité les capitaines d’industrie à se détourner du modèle du
conglomérat industriel, pour se concentrer sur certaines tâches plus spécifiques.
Ainsi, aux Etats-unis, la part des dépenses R&D assumées par les entreprises de plus de 10.000
employés a fondu, entre 1990 et 2000, de 77% à 53% du total de dépenses de R&D dans l’industrie
américaine (voir graphique). Les investissements en R&D au sens large ont néanmoins continué
de croître.
Selon les cas, l’ouverture des processus d’innovation s’est toutefois opérée de façon très différente.
Dans certains secteurs, comme les technologies de l’information ou les biotechnologies, le
développement rapide du marché du capital-risque permit de transférer une partie du risque
d’innovation vers des petites structures agiles et très innovantes (startups, spinoffs, etc.).
Dans l’automobile, l’électronique ou l’aéronautique, les fournisseurs de composants et de pièces
détachées ont, eux, été invités par leurs donneurs d’ordre à prendre en charge une partie des frais
de développement.
L’innovation est devenue, pour ces sous-traitants, une composante essentielle de leur relation
contractuelle avec les grands ensembliers. Le mouvement d’externalisation de quelques grandes
marques a permis aux fournisseurs, comme valéo, Delphi, HTC ou FlexTronics, de se transformer
en véritables multinationales, au point, parfois, de renverser le rapport de force. Les fournisseurs
de premier ou second rang fixent désormais souvent le tempo de l’innovation de leurs clients
constructeurs.
Parallèlement, un marché de la propriété intellectuelle s’est développé.
En Europe, 17% des brevets déposés par les entreprises ne sont pas exploités. Plutôt que de
laisser ces actifs dormir dans les tiroirs, leurs propriétaires les ont mis en vente.
5
Les Programmes-cadres pour la recherche et le développement technologique sont pluri-annuels (FP1,.. FP6, FP7, etc.). Le premier a démarré en 1984 et s’est clôturé en 1988.
Il était doté de 3,5 milliards d’euros. Le FP8 s’étalera de 2014 à 2020 et devrait être crédité de 80 milliards d’euros.
6
Les critères d’attribution des fonds impose la formation de consortia incluant la participation d’acteurs venus de plusieurs Etats membres différents.
p7
8. Rapport Open Innovation / Awex
un shopping de la propriété intellectuelle s’est ainsi développé. Les universités, elles-mêmes, ont
adopté des stratégies de vente ou de cession des technologies développées en leur sein, via la
commercialisation de licences et/ou de royalties.
Les autorités publiques, pour leur part, ont encouragé le déploiement, au niveau local, de
pôles scientifiques et de recherche spécialisés, afin de compenser les dégâts causés par la
désindustrialisation de larges zones économiques d’Europe ou d’Amérique du nord. Les centres
de recherche, les clusters, les partenariats publics-privés avec les universités, les contrats de
recherche, les chèques-innovation et autres instruments de soutien à l’innovation ont ainsi vu le
rôle au fur et à mesure des années.
En Europe, le renforcement du rôle des fonds européens de soutien à l’innovation et à la recherche,
comme le Programme Cadre Européen5, a stimulé la mise en place de collaborations structurelles
entre les opérateurs de différents Etats membres6. Le réseau européen EEn (Enterprise Europe
network), par exemple, met en relation des centres d’innovation européens afin de féconder de
nouvelles opportunités. La recherche fondamentale et l’innovation précompétitive se retrouvent
intégrés dans des réseaux de partenariats englobant opérateurs privés externes.
p8
9. Rapport Open Innovation / Awex
2012, un PLuS GRAnD bESoIn D‘ouvERTuRE,
EnCoRE…
Si ces évolutions récentes ont substantiellement enrichi les processus d’innovation, un nouveau
chapitre semble désormais s’ouvrir.
La croissance économique molle des vingt dernières années en Europe, ajoutée à l’échec relatif
de la stratégie de Lisbonne 2000-20107, amène les responsables européens à envisager une
nécessaire évolution des modèles d’innovation.
Cette réflexion se justifie d’autant plus que le contexte économico-technologique a changé. En un
peu plus de dix ans, internet a modifié les modes d’interactions entre les acteurs. L’information
est devenue surabondante, disponible en un instant où que l’on se trouve sur le Globe.
Parallèlement, le cercle des acteurs pertinents dans le domaine de l’innovation s’est élargi. Les
pays émergents sont à présent des acteurs à part entière du progrès technologique mondial.
Enfin, la compréhension des dynamiques propres de l’innovation a évolué et s’est affinée, ces
dernières années.
Longtemps, l’innovation fut perçue comme un processus linéaire. L’augmentation des dépenses en
R&D, pensait-on, assurait un retour sur investissement proportionnel aux montants engagés. or,
le parcours de certains pays réputés pour l’importance de leurs investissements en R&D, comme
la Suède ou le Japon, a montré les limites de cette vision. Malgré leurs efforts, ces derniers
n’enregistrent plus de performances économiques supérieures à celles de leurs pairs, balayant
ainsi certaines perceptions jusque là bien ancrées.
En fait, à côté de l’innovation dure (« hard »), qui recouvre les aspects liés à la technologie,
à la recherche scientifique, aux essais de mise en production industrielle, l’innovation possède
une dimension « soft » au moins aussi critique. Cette dernière prend en compte des aspects
comme la création de nouveaux services, le design, l’innovation de business modèle, les relations
humaines…
L’innovation ne se décrète pas. Pas plus qu’elle ne se manufacture selon des recettes toutes faites.
L’innovation naît d’une alchimie, faite d’essais et d’erreurs, de hasards, de recherche d’information
et de relations interpersonnelles… La proximité avec le marché accroît, par ailleurs, la qualité de
l’innovation. une technologie qui ne répond pas à un besoin, qui n’anticipe pas un nouvel usage,
qui ne s’adapte pas à son public et à son contexte d’utilisation, perd rapidement toute valeur
économique. Qu’importe le degré de sophistication de cette dernière.
7
La stratégie de Lisbonne visait à faire de l’économie européenne l’économie la plus compétitive du monde à l’horizon 2010. Faute d’indicateurs pertinents,
de cohérence et de suivi effectif des mesures, cette stratégie à échoué. http://fr.wikipedia.org/wiki/Strat%C3%A9gie_de_Lisbonne
p9
10. Rapport Open Innovation / Awex
Dans ce cadre, ouvrir les processus d’innovation devient un atout.
Les autorités européennes, à travers les voix des commissaires européennes respectivement en
charge de la Recherche, Máire Geoghegan-Quinn, ou des Technologies numériques, nellie Kroes,
commencent à défendre cette vision plus ouverte de l’innovation.
nellie Kroes, par exemple, a reconnu la valeur de l’ « open source »8 dans l’économie moderne.
Les navigateurs internet, reconnaît-elle, les applications mobiles, les systèmes opérationnels
pour serveurs informatiques les plus populaires de la planète tournent aujourd’hui, souvent,
sur des plates-formes mises au point en open source9. Sans cette forme d’innovation ouverte,
le monde des nouvelles technologies tel que nous le connaissons de nos jours ne serait sans
doute pas aussi avancé. D’où la volonté de la commissaire de protéger et de mettre en avant ces
approches ouvertes.
Plus largement, la digitalisation des échanges d’information concerne aujourd’hui tous les
« knowledge workers » et donc tous les innovateurs. Ces dynamiques d’échange ouvrent de
nouvelles perspectives de collaboration. L’émergence des réseaux sociaux permet à des individus
de se trouver dans le cadre de thématiques d’innovation partagées, indépendamment de liens
préexistants entre les structures auxquelles ils appartiennent. Ils démultiplient ainsi les
opportunités de connexion, sans prérequis sectoriels ou nécessité d’une proximité géographique10.
En vue de gagner des marchés à l’étranger, les entreprises doivent être en mesure d’accroître leurs
capacités de collaborer avec d’autres acteurs internationaux sur le plan de la R&D, du testing ou
encore de l’exploration de nouveaux marchés.
Encore une fois, ce défi nécessite une dynamique d’ouverture : ouverture des processus, ouverture
des organisations, mais aussi, ouverture des mentalités. Tout cela dans un environnement
technologique et économique global.
A côté de formes de collaboration classiques, vieilles parfois de plusieurs décennies, de nouvelles
pratiques émergent.
Dans la prochaine partie, nous passerons en revue certaines des nouvelles approches qui se
développent dans le domaine de l’open innovation. Certaines permettent d’accélérer la phase
de prototypage. D’autres donnent l’occasion de recueillir plus rapidement les feedbacks des
utilisateurs. Ils permettent de multiplier les partenariats qui, souvent, grâce aux réseaux, se
multiplient et se traduisent par une augmentation du nombre des opportunités commerciales qui
se présentent dans d’autres secteurs ou d’autres pays…
8
Les codes sources des logiciels sont libres d’utilisation par n’importe qui, sans frais. Et chacun peut apporter ses modifications.
9
une partie de l’innovation dans le domaine informatique repose sur des communautés de développeurs indépendants qui se coordonnent sur internet pour travailler sur des projets communs
dont ils ne cherchent pas à protéger les droits d’utilisation, pour se rémunérer sur la vente de licence. Leur motivation repose, en général, sur leur passion et à leur volonté d’accroître leur
expérience/expertise personnelle. Ils valoriseront ensuite celle-ci, autrement (en prestant des services ou en développant d’autres produits).
10
Les plus récentes initiatives de l’union européenne, telles que le « European Design Innovation Initiative (EDII)”, visent à supporter davantage l’innovation non technologique ainsi
qu’une plus grande proximité entre les utilisateurs, les chercheurs, les ingénieurs et les innovateurs au sens large.
p 10
11. Rapport Open Innovation / Awex
« Indeed, we need to ask ourselves some pretty profound uestions about how best to foster
innovation in the early 21st century. It may be by promoting the growing trend towards greater
openness. on the other hand, firms will inevitably vary in terms of how open they want to be,
depending on their line of business. »11 Máire Geoghegan-Quinn
« (…) I am talking about providing the European research and innovation community with a
platform that allows large scale experimentation and evaluation of smart service concepts under
real-life conditions. (…) The real challenge here is the now clichéd shift from working in silos to
collaborations. (…) openness is central to the success of the initiative. (…) Take San Francisco
and the issue of public sector information. In the second half of 2010 San Francisco created
regulations mandating open data, and made some software development tools available to the
public. Citizens have taken ownership of these facilities and created numerous applications that
use the city’s data. The next step is a shared process in which knowledge is made available
openly and transparently for all to develop Internet-based products and services on the new
platform. »12 Nellie Kroes
11
La commissaire européenne en charge de la Recherche,
5 mars 2010, Innovation Summit, Lisbon Council http://ec.europa.eu/ireland/press_office/speeches-press_releases/geoghegan-quinn-innovation-summit-mar10_en.htm
12
neelie Kroes, vice-President of the European Commission responsible for the Digital Agenda “unlocking the digital future through open Innovation”, 4th pan-European Intellectual
Property Summit brussels, 3 December 2010
p 11
12. Rapport Open Innovation / Awex
“PouRQuoI L’oPEn InnovATIon S’IMPoSE CHEz nouS?” Interview - Didier Malherbe
Deuxièmement, les autorités de régulation, dans le monde, sont
de plus en plus strictes et demandent, aujourd’hui, des garanties
croissantes.
Troisièmement, nous sommes désormais dans une industrie où
nous devons être globaux dès le départ. on ne peut plus se
permettre de développer une molécule seulement pour l’Europe
et les Etats-unis. Il faut également intégrer le brésil, la Chine,
la Russie...
Didier Malherbe Les tests cliniques, dès lors, sont plus longs et coûteux. Il faut
Administrateur délégué UCB Belgique tenir compte des paramètres physiologiques de chaque région du
monde.
Le groupe pharmaceutique belge uCb occupe 11.000 personnes
dans le monde. Ses spécialités sont l’immunologie et les maladies La forte augmentation des investissements en R&D, induite par
neuronales. Chaque année, la firme dépense 700 millions d’euros tous ces éléments, nous incite à ouvrir les processus d’innovation
en recherche & développement (R&D). pour partager davantage les risques et impliquer davantage
d’acteurs...
Didier Malherbe, administrateur délégué d’uCb belgique, explique
en quoi l’open innnovation s’est imposée à l’entreprise.
Quelle forme prend l’open innovation au sein du
groupe?
Pour l’open innovation s’est-elle imposée au groupe
UCB ? En premier lieu, on l’applique en interne, en rompant les silos.
Dès qu’une piste d’innovation se précise pour le développement
D’abord parce que l’innovation coûte de plus en plus cher. d’une molécule, des groupes de travail multidisciplinaires se
forment. on implique directement des chercheurs, avec des
Quand je suis arrivé chez uCb, tout le processus de développement responsables marketing, des directeurs de projets, des experts en
d’une molécule représentait un investissement d’environ 1 milliard financements, etc.
de dollars uS. Cinq ans plus tard, nous sommes à 2 milliards de
dollars uS. nous ouvrons, par ailleurs, les processus d’innovation vers
l’extérieur. Que ce soit au niveau des tests cliniques, de la
recherche ou du déploiement commercial, nous cherchons chaque
Pour quelles raisons ? fois à nous associer avec d’autres. on partage ainsi les risques.
D’abord, il ne s’agit plus aujourd’hui de découvrir les remèdes Le groupe américain Amgen, par exemple, travaille avec uCb
contre quelques grandes maladies. nous entrons sur le territoire sur la phase 3 d’un médicament sur l’osthéoporose. La nécessité
de pathologies plus complexes, comme Alzheimer ou Parkinson, est apparue assez tôt, sur base des informations émises par nos
que nous ne pouvons encore guérir… laboratoires. Comme nous avons également un certain nombre
de pistes de recherche prometteuses en la matière et que nos
p 12
13. Rapport Open Innovation / Awex
ressources ne sont pas infinies, le fait de collaborer avec des tiers des stars de l’epilepsie, par exemple, est devenu un tout petit
nous permet de mener nos explorations plus loin. monde, qui ne connaît plus les frontières...
Enfin, une troisième forme d’open innovation touche les Au cours des cinq dernières, l’évolution la plus marquante est bien
investissements en recherche fondamentale. nous nouons que la planète semble devenue un village. La référence n’est plus
des accords avec les universités, notamment dans le cadre de le binôme Europe-Etats-unis auquel on pouvait ajouter le Japon.
partenariats publics-privés soutenus par les pouvoirs publics. Désormais, notre environnement direct est multipolaire. L’Inde, la
Cela nous permet d’accéder à des projets de recherche très tôt Russie et d’autres deviennent des interlocuteurs importants dans
dans le développement. notre industrie. Le pôle asiatique prend une importance majeure...
Cela nous oblige à rencontrer un maximum d’opérateurs à travers
le globe. De rencontrer des parcs scientifiques chinois, de nous
Comment trouver et nouer les contacts avec des adapter à d’autres modes de pensée. De collaborer. D’imaginer de
partenaires externes, en matière d’innovation ? nouveaux accords... La maîtrise des soft skils est extrêmement
importantes pour pouvoir nouer la confiance, indispensable en
C’est toute la problématique du travail de business development. matière d’open innovation.
D’une part, nous sommes en quête constante de nouvelles
molécules, développées par d’autres compagnies, et dont les
licences sont à vendre. Va-t-on, chez UCB, vers toujours plus d’ouverture
dans les processus d’innovation ?
Dans les cas où ce sont des molécules que nous détenons et
développons, nous nous mettons à l’affût d’équipes de recherche Certainement. L’ouverture interviendra plus tôt, plus rapidement.
actives dans le domaines pour collaborer avec nous. on se trouve Elle sera davantage multisectorielle. nous devons réfléchir
beaucoup via les congrès, les lectures de revues spécialisées et, de plus en plus au delà du médicament. nous devons réfléchir
bien sûr, internet. aux appareils médicaux, aux nouvelles façons d’avaler un
médicaments, aux autres instruments d’injection, etc. A titre
Les affinités humaines demeurent essentielles. Si les relations d’exemple, nous développons des auto-injecteurs pour permettre
sont bonnes avec les interlocuteurs de certains universités, aux patients de se signer eux-mêmes. nous devons nous poser
par exemple, les projets de collaboration auront sans doute des questions telles que celle de savoir si nous ne devrions pas
des chances de se répéter. Cela dit, comme notre univers est travailler avec des acteurs hors de notre secteur. un producteur
également global, nous aurons tendance à rechercher les meilleurs de plastique, des producteurs informatiques comme Apple ou HP,
à ce niveau. demain, par exemple, afin que le patient n’oublie pas de prendre
son traitement ou ne se trompe pas de dosage.
vu qu’uCb s’est spécialisé, ces dernières année, sur les maladies
du système nerveux central, il est plus facile de trouver les experts nous ne nous posions pas ce type de question aussi
dans les domaines qui nous intéressent, d’où qu’ils viennent, de systématiquement, voici trois ans. L’évolution des technologies
Chine, d’Europe ou du Canada... La qualité des scientifique et leur rend désormais possible des rapprochements entres des secteurs
focus nous permet de concrétiser les contacts nécessaires. que l’on ne pensait pas réalisables hier. Les nanotechnologies, par
exemple, pour mieux diffuser les principes actifs dans le corps.
Que change l’évolution de nouveaux outils web dans
votre approche en matière d’open innovation ? Est-ce qu’un travail sur la culture d’entreprise est
nécessaire pour entrer dans une logique d’open
L’information est ouverte à tous. Quelqu’un qui souhaite se faire innovation ?
connaître peut se rendre visible sans trop de difficultés. L’univers
p 13
14. Rapport Open Innovation / Awex
Les gens commencent à comprendre qu’il faut avoir une vision à
360° et qu’il faut se préparer mentalement à mettre en oeuvre
tous les partenariats possibles. Cela ne vaut pas que pour les
entreprises, d’ailleurs. Les universités aussi, par exemple, ont
changé leur vision des choses, en se détachant peu à peu de
la sacro-sainte pureté académique. Elles ont compris qu’elles ne
pouvaient continuer à vivre en vase clos. Cela leur a ouvert un
nouvel appétit pour la protection et à la commercialisation de
leur propriété intellectuelle.
L’innovation dans un groupe comme UCB vient-elle
également, de plus en plus, de plus petites structures,
comme des startups ou des spinoffs universitaires ?
Les équipes de business development passent en revue des
initiatives de ce genre, des produits développés par des startups
qui n’ont pas d’intention de commercialiser le produit de leur
recherche. D’autres cèdent l’utilisation de leur technologie en
échange du paiement de royalties. L’entrepreneurship innovant se
développe beaucoup plus vite dans les petites structures agiles,
c’est clair... Les associer, d’une façon ou d’une autre, fait donc,
effectivement, partie de notre stratégie. Au lieu de devoir engager
des équipes chez nous, on trouve les briques de recherche qui
nous manquent là où elles ont déjà été partiellement développées,
voire testées.
p 14
15. Rapport Open Innovation / Awex
2. Une approche à multiples facettes
GLISSEMEnT DE PARADIGME de licences de royalties sur la vente de chaque appareil intégrant
des processeurs dont l’architecture s’appuie sur son travail
Cela ne surprendra personne : le marché des micro-processeurs a de design. une excellente gestion de ses droits de propriété
beaucoup bougé, ces dernières années. intellectuelle à laquelle s’ajoute un réseau de prestataires et
de partenaires commerciaux extrêmement étendus assure à
Depuis plus de vingt ans, le géant américain Intel est le leader l’entreprise la collecte de son dû.
incontestable des semiconducteurs pour ordinateurs, avec près
de 86% du marché mondial des PC équipés de ses célèbres puces. Ce modèle d’innovation centré sur la dimension immatérielle plaît
Pourtant, Intel perd de sa superbe. Le groupe californien, en beaucoup aux 200 équipementiers électroniques qui collaborent,
effet, a raté le virage des téléphones portables, des décodeurs dans le globe, avec ARM.
pour télévisions ou des tablettes digitales. En fait, Intel s’est
laissé voler la vedette par un acteur beaucoup plus petit que lui: A la différence d’Intel, qui produit et vend des semiconducteurs
ARM. standardisés, les processeurs développés par ARM sont
“customizés” pour chaque produit final. ARM offre du quasi sur-
Groupe originaire du Royaume-uni, ARM équipe en micro- mesure. La firme peut, à l’envi, ajouter des caractéristiques ou
processeurs la plupart des smartphones et des tablettes vendues ôter des fonctionnalités inutiles qui consomment de l’énergie.
dans le globe. Apple, Google ou les fabricants asiatiques Pas besoin de fonctionnalités GPS, par exemple, pour un appareil
d’équipements électronique se fournissent auprès de lui. photo HD... Cette souplesse plaît particulièrement aux grandes
marques de l’électronique, dont la production est de toute façon,
Sur quoi se joue la différence ? aujourd’hui, en grande partie sous-traitée auprès de “contract
manufacturers”.
La firme britannique s’est focalisée sur la vente de son savoir-faire
immatériel. ARM conçoit l’architecture interne des processeurs. ARM est presque 70 plus petit qu’Intel13. La premier n’en fait pas
Grande divergence avec Intel : elle ne fabrique pas ceux-ci... La moins désormais trembler le groupe californien.
production est laissée à des fondeurs indépendants, Samsung ou
Texas Instruments, par exemple. ARM tire ses revenus du paiement ARM a bâti son succès sur une approche ouverte et décentralisée,
maîtrisant à la perfection la gestion des réseaux et des partenariats
LES PARCOURS RÉUSSI DE LA SOCIÉTÉ ARM
externes. Son modèle semble plus en phase avec les équilibres
600
573 qui se forment en ce début de XXIème siècle. De son côté, Intel
743 52%
500 LICENCES 12% Royalties incarne le modèle d’innovation et de développement industriel de
Autres
400 la fin du XXème siècle.
300 6,1
MILLIARDS
200 DE PUCES
100
La flexibilité du modèle d’innovation permet une offre
90,5 2,5
PUCES ARM PAR 36% technologique mieux adaptée aux besoins spécifiques des
Jan 29 sept.
TELEPHONE Licences
2009 2011 différents marchés modernes. Selon le cabinet spécialisé AbI
Research, ARM pourrait rafler plus de 50% du marché global des
Le cours de l’action Les chiffres clefs Les secteurs
A Londres, en pence En 2010 Répartition du chiffre d’affaires microprocesseurs, informatique comprise, d’ici 2014.
du premier semestre 2011
Source : Les Echos
13
2.000 personnes dans le monde, pour 489 millions de dollars uS de chiffre d’affaires pour ARM, contre 35 milliards de dollars uS à Intel et 82.500 personnes.
p 15
16. Rapport Open Innovation / Awex
LES DIFFéREnTS vISAGES DE L’oPEn InnovATIon
L’histoire de ARM est-elle une success story de l’innovation ouverte ?
Indéniablement.
Si ARM est sollicité, c’est d’abord parce que ses clients (HTC, Asus, Apple, etc.) ne cherchent plus
à contrôler l’intégralité de leurs processus de développement et de fabrication.
Le Taïwanais Asus, lui-même, s’est transformé, en une poignée d’années, de sous-traitant de
quelques grands fabricants de l’électronique en leader du marché des netbooks. Le groupe a fondé
cette métamorphose sur sa capacité à fédérer diverses compétences venant de l’extérieur, à les
organiser pour concevoir et assembler un tout nouveau produit. De la feuille à dessin au produit
final, le délai écoulé s’est incroyablement raccourci.
L’innovation ouverte offre aux entreprises l’opportunité de décupler leur capacité de réaction et
de développement rapide.
La notion d’open innovation présente, cela dit, des facettes mutliples. Il existe de nombreuses
façons de mettre en pratique les principes de l’open innovation. Chaque entreprise peut trouver
la sienne propre.
ARM, pour sa part, travaille sur un modèle essentiellement porté sur la vente de sa propriété
intellectuelle à des tiers (via des systèmes de licences et de royalties).
L’avionneur EADS/Airbus, lui, partage les risques d’innovation avec ses fournisseurs de composants.
Le géant américain des produits de grande consommation Procter & Gamble (P&G)14 gère
des unités de veille commerciale et technologique extrêmement pointues qui lui permettent
d’identifier, dans des zones reculées du monde, les détenteurs (PME, individus, université,…) d’un
procédé spécifique ou d’un savoir-faire à haute valeur ajoutée pouvant lui être utile. La firme
les contacte. négocie un partenariat avec eux ainsi qu’un modèle de rétribution. P&G réemballe
ensuite l’ensemble dans un nouveau produit intégrant la technologie ou l’approche sous revue,
avant de le commercialiser dans le monde entier.
La célèbre balayette jettable Swiffer, par exemple, est le fruit d’une collaboration semblable entre
P&G et un petit fabricant japonais de tissus électrostatiques. La crème olaz, autre marque phare
de la multinationale américaine, est née des travaux de recherche d’une PME française, récupérés
ensuite par P&G.
14
Dans le cadre de son programme Connect & Develop.
p 16
17. Rapport Open Innovation / Awex
Pour P&G, cette ouverture est synonyme d’amélioration de ses processus d’innovation et donc de
mise sur le marché plus rapide. Les partenaires de la firme américaine, pour leur part, trouvent en
P&G un spécialiste du marketing et de la distribution de masse au niveau mondial, susceptible de
tailler en diamant la technologie brute développée initialement par eux. P&G leur ouvrent ainsi
la porte des marchés globaux.
Le groupe Daimler, en Allemagne, pratique l’open innovation sous une autre forme.
En 2008-2009, le groupe automobile a mis sur pied une compétition visant à donner à des
designers en herbe l’occasion de créer la ligne du prochain modèle de la micro-voiture Smart.
Ce projet, baptisé Daimler Smart Car, soumit aux internautes tous les outils de conception assistée
par ordinateur pour dessiner la future version de la deux-places de Daimler. Quelque 8.000
participants prirent part au concours organisé sur une plate-forme en ligne. Daimler recueillit
quelque 50.000 idées différentes en six semaines. Ces dernières alimentèrent précieusement la
réflexion des équipes design du constructeur automobile.
En belgique, open ERP est une jeune société informatique active dans le développement de
solutions logicielles de gestion d’entreprise (comptabilité, gestion de flux, CRM, etc.). La PME
compte des milliers de clients. Elle ne dépense pourtant quasi rien en recherche & développement
(R&D). Des centaines de développeurs à travers le monde, réunis au sein de communautés d’initiés,
consacrent des heures, chaque semaine, à développer la plate-forme. Gratuitement.
open ERP est une solution open source. Cette dernière n’appartient à personne, si ce n’est à la
communauté de ses développeurs volontaires. La PME belge se rémunère en vendant des services
d’installation et de personnalisation du logiciel. open ERP valorise son expertise de la sorte. En
2010, la société a levé plus de 3 millions d’euros de capital auprès d’investisseurs.
Citons, pour finir, le géant mondial de la mobilophonie vodafone.
La firme britannique a grandi à coup d’acquisitions. Mais au début des années 2000, de nombreux
cloisonnements limitaient les opportunités de croiser les expériences différentes propres à
différents départements et profils d’individus. Les dynamiques d’innovation en souffraient. Afin
de contourner cet embonpoint, vodafone choisit d’initier une série de collaborations avec de plus
petits partenaires, dans les pays émergents, notamment.
Le groupe de bristol a ainsi soutenu, par exemple, indirectement, le développement de M-Pesa,
un système de paiement par téléphone mobile très performant au Kenya. vodafone a également
constitué son propre fond de capital-risque interne, qui lui permettent d’entrer au capital de
startups innovantes.
Plus récemment, vodafone a mis sur pied une plate-forme internet destinée à recueillir les
idées et suggestions de personnes extérieures à l’entreprise. betavine, le nom de la plate-forme,
15
business Week, 9 avril 2009 http://www.businessweek.com/magazine/content/09_16/b4127052262113_page_2.htm
p 17
18. Rapport Open Innovation / Awex
s’adresse à des développeurs, à des innovateurs qui veulent DéFInITIonS SouPLES
suggérer un projet ou à des utilisateurs heureux de pouvoir tester
de nouveaux prototypes en échange d’un feedback. La plate-
ET RESTRICTIvES
forme betavine supporte les échanges entre des communautés au
niveau international. Elle organise aussi des concours avec des Toutes ces initiatives peuvent, de près ou de loin, se réclamer
écoles d’Afrique, du Moyen-orient ou du Royaume-uni. Plusieurs des principes de l’open innovation. Encore une fois, l’approche
applications mobiles de premier plan, liées par exemple à la déployée par chacune de ces entreprises diffère grandement,
collecte d’informations climatiques pour les agriculteurs, ont vu selon les cas.
le jour grâce à cette plate-forme.
nous avons évoqué comment, au XIXème siècle, Thomas Edison
faisait un usage intensif du dépôt, de l’achat et de la vente de
brevets.
Le principe de la structuration d’écosystèmes locaux à travers les
clusters est un autre visage de l’innovation ouverte.
Si les clusters entrent, selon nous, dans le cadre du concept de
l’open innovation, d’aucuns défendent, notamment dans le monde
académique, une définition plus restrictive.
une étude sur l’open Innovation, commanditée par la Commission
européenne et rendue publique en juillet 201116, propose la
définition suivante : “La recherche d’information/connaissance
à l’extérieur, la sous-traitance des efforts de recherche et
d’innovation auprès de tiers (recherche contractuelle, notamment),
Grâce à la plate-forme collaborative Bétavine, Vodafone a soutenu le les collaborations directes et la commercialisation externe”.
développement de dizaines de services innovants sur le mobile en Afrique
Les auteurs identifient donc quatre dimensions principales en
matière d’open innovation.
“We were a bit naive thinking everything could be done in-
house. now the only way to create a fertile environment for L’étude européenne s’intéresse, cependant, davantage aux
innovation is to have open platforms and leverage them.” dimensions liée à la recherche et développement (R&D). or,
Vittorio Colao, CEO Vodafone Group, 200915 comme on l’a vu, l’innovation déborde largement des seuls
aspects techniques et technologiques (hard).
Les auteurs du rapport soulignent néanmoins l’impact positif
incontestable de la collaboration directe sur la qualité et les
performances en matière d’innovation. une entreprise qui collabore
directement avec des tiers dans un processus d’innovation accroît
ses chances de mieux valoriser le produit de cette innovation par
rapport à un modèle où elle se limite à collecter de l’information.
ou à confier les tâches de développement à l’extérieur.
16
« Open Innovation in Europe: effects, determinants and Policy » Report Prepared for: European Commission Directorate-General Enterprise unit D1 Policy Development for Industrial
Innovation, Project consortium : Austrian Institute of Economic Research, WIFo, vienna, (coordination), Fraunhofer Institut für System- und Innovationsforschung, ISI, Karlsruhe,
Greenovate! Europe, brussels, nIFu, oslo, unu-Merit, Maastricht, MCI Innsbruck, Innsbruck, (subcontractor). oslo, July 19 2011
p 18
19. Rapport Open Innovation / Awex
Henry Chesbrough, professeur à l’université de berkeley, en Californie, propose lui une définition
plus souple de l’open innovation :
“Pour les entreprises, dit-il, l’open innovation consiste, d’une part, à pouvoir intégrer beaucoup plus
rapidement en interne des apports venant de l’extérieur, afin de stimuler et accélérer leurs processus
d’innovation. D’autre part, l’open innovation consiste également pour les entreprises à identifier
les innovations ou les compétences en interne qui ne sont pas exploitées afin de les valoriser avec
des tiers.”
En 2006, Henry Chesbrough a fortement popularisé le concept de l’open Innovation, grâce à
son livre “Open Innovation : Researching a New Paradigm”18. Le professeur de berkeley insiste
justement, lui, sur l’importance d’aborder l’innovation au delà de sa seule dimension R&D. Et donc
« L’innovation n’est plus seulement de l’ouvrir à d’autres disciplines, pratiques et états de pensée19.
une affaire de blouses blanches. Les
processus d’innovation doivent s’ouvrir Selon Henry Chesbrough, l’open innovation englobe à présent bien plus de pratiques que lors de
davantage. » la sortie de son premier livre, au milieu des années 200020.
Henry Chesbrough,
Executive Director Center for Open “Au début de mes travaux, explique Henry Chesbrough, on parlait, pour l’essentiel, du cas de
Innovation, Berkeley l’entreprise X ou de l’entreprise Y qui avaient ouvert leur centre de R&D pour autoriser des partenariats
__ avec des tiers à tel et tel endroit. Entre-temps, de nouveaux outils et de nouvelles plates-formes
Source : http://facultybio.haas.berkeley.edu/faculty- digitales sont apparues. Ces dernières permettent à plus de personnes et plus de profils d’interagir
list/chesbrough-henry les uns avec les autres”.
“De nos jours, les idées des employés, par exemple, peuvent être plus facilement écoutées et leurs
idées valorisées ailleurs. Cela offre l’avantage de réduire leur frustration de n’être jamais entendu
dans leur propre organisation”.
Dans les années 90 et 2000, les entreprises se sont focalisées sur l’optimisation de leurs processus
et de la chaîne logistique d’approvisionnement. Ces méthodes et ces techniques ont depuis fait le
tour du monde. Elles sont désormais partagées par la plupart des opérateurs à travers le monde.
Elles ne sont plus un facteur différenciateur.
Les relais de croissance de demain passent donc, selon Chesbrough, par la relance des dynamiques
d’innovation.
Comment ?
Par une plus grande ouverture de l’organisation et une plus grande proximité avec les clients,
répond Henry Chesbrough.
18
Open Innovation: Researching a New Paradigm (oxford, 2006)
19
« En 2003, se souvient Henry Chesbrough, lorsque que je faisais une recherche sur Google à propos du terme ‘Open Innovation’, je tombais sur 200 résultats. Huit ans plus tard, Google extrait
plus de 13 millions de ressources”.
20
“L’open innovation comme un profond changement de méthode, de philosophie et d’approche de dynamiques d’innovation”.
p 19
20. Rapport Open Innovation / Awex
LISIÈRE FLOUE DÉVELOPPEMENT COMMERCIALISATION L’open innovation peut aussi inclure des clients, des voisins, des
communautés d’experts, voire Monsieur et Madame Toutlemonde,
grâce, notamment, aux outils digitaux.
Modèle Revenus réalisés Enfin, la vente de propriété intellectuelle22, les contrats de
R&D fermé sur coeur de marché
recherche ou la collecte systématique d’informations constituent
Open Revenus réalisés
innovation sur coeur de marché aujourd’hui une pratique d’open innovation bien rodée.
Les opérateurs économiques ont la possibilité de s’aventurer plus
Nouvelles sources loin et de s’ouvrir encore davantage.
de revenus
4 5
3
2 Les logiques économiques et industrielles qui peuvent alimenter
1
la croissance et l’expansion internationale sont en train de
1 Idées et technologies venant de l'extérieur changer.
2 Acquisition d'actifs immatériels et de propriété intellectuelle
3 Vente d'actifs immatériels et de propriété intellectuelle
« Le groupe pharmaceutique belge Janssen Pharmaceutica, fondé
4 Vente Intégration dans des produits partagés
5 Création de spinouts immatériels et de propriété intellectuelle
en 1953, est aujourd’hui l’un des premiers innovateurs du pays. Si
l’entreprise était née à notre époque, observe Philippe Lachapelle,
directeur des partenariats internationaux à l’Awex, Janssen
Source: Bax & Willems Consulting Venturing
Pharmaceutica ne se serait sans doute par créée de la même
façon. Les modèles économiques des grands groupes changent. Ils
L’innovation n’est plus seulement une affaire de blouses blanches, préfèrent travailler avec des partenaires locaux. Cela leur permet
martèle-t-il. Les processus d’innovation doivent s’ouvrir aujourd’hui de tester de nouveaux paradigmes, sans devoir encourir
davantage. Cette ouverture passe, entre autres, par l’acceptation seuls le risque d’un important investissement ».
de nouveaux modèles économiques ainsi que par le développement
intégré de nouveaux services21. Tous les employés de l’entreprise « Certes, la logique de l’open innovation n’est pas sans risque,
peuvent participer d’une façon ou d’une autre à ces dynamiques poursuit Philippe Lachapelle. Toute la difficulté réside dans le
créatives. fait d’identifier la limite jusqu’à laquelle il faut aller en matière
d’ouverture. Cette limite dépend souvent de son positionnement
Les employés ne sont d’ailleurs pas les seuls concernés. Les stratégique et de là où on se trouve… »
fournisseurs, également, sont invités à collaborer au processus
d’innovation. Tout comme les centres de recherche, les universités, Dans la partie qui suit, nous passerons en revue les différentes
sans oublier les clusters ou les pôles de compétitivité dans lequels formes que peut prendre l’open innovation.
les Grandes entreprises les PME et startups peuvent resserrer leurs
liens et leurs échanges.
21
Le dernier livre du professeur de berkeley, sorti en janvier 2011, s’intitule “Open Services Innovation- Rethinking your business to grow and compete in a new Era”. Jossey-bass, 2011
Exemple cité par le professeur de berkeley : la compagnie américaine Xerox. La firme a rencore beacoup de copier, mais il offre aussi managed print services à travers le monde. Il facture
seulement les copies imprimées et livrées. un client se moque de devoir gérer l’équipment chez lui. C’est aussi un changement.
22
Des plates-formes existent, comme Acquitech, en Wallonie.
p 20
21. Rapport Open Innovation / Awex
3. Une brève cartographie
de l’open innovation
1. CLuSTERS ET PôLES DE CoMPéTITIvITé
« Un cluster d’entreprises est une concentration géographique d’opérateurs économiques
interconnectés, de fournisseurs et d’acteurs institutionnels dans un domaine particulier ».
Michael Porter, professeur à la Harvard business School, a théorisé cette approche des clusters
(grappes, en français) d’entreprises voici près de trente ans.
Des dizaines de clusters sont aujourd’hui opérationnels dans la plupart des régions d’Europe.
Citons le cluster de la nano-électronique en Grèce ou la Solar valley à Thalheim, en Allemagne,
pour ne prendre que deux exemples parmi des dizaines.
Les clusters ne sont pas nouveaux au sens où l’approche fut mise en œuvre parfois très tôt, dans
certains pays. Dans le nord de l’Italie, à brescia ou en vénétie, les acteurs n’ont pas attendu
Michael Porter pour bâtir des clusters très dynamiques23, dans l’agro-alimentaire, la confection ou
les articles de sport. Au Royaume-uni, les autorités de la région de Cambridge ont commencé dès
les années 80 à structurer un vaste cluster couvrant les soins de santé.
Le modèle de clusters va parfois plus loin qu’une simple mise en relation organisée.
C’est le cas en Wallonie et en France, où s’est développé le concept de pôles de compétitivité24. outre
le fait d’organiser des rencontres entre acteurs d’un même secteur économico-technologique, un
pôle de compétitivité favorise les collaborations concrètes entre universités, grandes entreprises
et PME à travers le financement de projets d’innovation concrets25.
La dynamique entrepreneuriale et innovante qu’engendre les clusters, quelle que soit leurs formes,
a nourri la création de centaines de milliers d’emplois en Europe.
Les clusters sont aussi des aimants pour attirer les investissements étrangers. La présence d’une
constellation d’acteurs spécialisés dans une discipline et fortement interconnectés assure la
disponibilité de ressources humaines indispensables à la croissance d’un futur investissement.
Les clusters continueront sans doute à jouer un rôle majeur dans le développement économique
des pays européens, dans les années à venir. Les entreprises qui se tiendront à l’écart de ces
réseaux d’acteurs risquent de se retrouver éloignées des évolutions futures dans leur propre
secteur. Cet isolement peut leur devenir dommageable.
23
La forte concentration de connaissances et de compétences spécifiques à un secteur d’activité, d’une part, l’excellent maillage, la facilité d’accès et la communication ouverte entre les
acteurs autochtones, d’autres, ont permis le regroupement des forces et des dynamiques innovantes.
24
Les six pôles de compétitivité wallons sont Mecatech, biowin, Skywin, Wagrallim, Wallonia Logistics et WinGreen.
25
A côté des pôles de compétitivité, la Wallonie soutien également l’animation de clusters à part entière, tels que Infopôle-ClusterTIC, Twist, etc. dans des secteurs aussi divers que l’énergie,
l’informatique ou les nouveaux matériaux.
p 21
22. Rapport Open Innovation / Awex
notons que le modèle du cluster n’est plus, aujourd’hui, nécessairement limité à un bassin
géographique local. Les clusters se mettent désormais en relation les uns avec les autres26.
D’aucuns parlent désormais de la formation de méga-clusters. Le Royaume-uni, tout entier, par
exemple, se définit désormais comme un méga-cluster dans le domaine des biotechnologies27.
Les clusters s’internationalisent aussi. Dans les zones frontalières. Mais aussi bien au-delà. Parfois
à des milliers de kilomètres. Les pays émergents, eux-mêmes, comme le brésil, la Chine ou l’Inde,
adoptent des stratégies de formation de clusters, selon des schémas qui leur sont propres (lire
l’exemple de Recife).
Les clusters sont des outils stratégiques de l’innovation moderne. Ils fécondent les collaborations
entre opérateurs susceptibles d’innover et de créer des projets ensemble.
Reste que les clusters peuvent aussi, parfois, induire quelques inconvénients. La philosophie qui
sous-tend l’existence du cluster demeure relativement exclusive, propre à une discipline ou un
secteur, ce qui peut attiser le risque de repli thématique.
C’est ce que reproche, entre autres, Gunjan bhardwaj, professeur de management de la croissance
et de l’innovation à la European business School (EbS) : « Les décideurs politiques, dit–il, devraient
revoir certaines priorités afin d’accroître les bénéfices potentiels pour leur région ou leur pays de
s’inscrire dans des réseaux plus ouverts. Ils offriront ainsi à leurs entreprises un cadre différent pour
leur permettre de générer des innovations plus radicales et créatives. »
Dès lors, outre l’appartenance à un cluster spécialisé, il sera intéressant d’engager parallèlement
des relations avec des réseaux/clusters ouverts à d’autres thématiques. Des clusters dans d’autres
pays peuvent également s’avérer une porte d’entrée pour nouer le contact avec d’éventuels futurs
partenaires étrangers.
26
En Europe, un observatoire européen des clusters a d’ailleurs vu le jour.
27
L’industrie biotech britannique représente, à elle seule, 20% du portefeuille des produits biotech européen…
p 22
23. Rapport Open Innovation / Awex
C.E.S.A.R
Porto Digital
(Recife, Brésil)
A Recife, dans le nord-est du brésil, un cluster régional a pris, en quelques années, une dimension
nationale et internationale.
L’incubateur C.E.S.A.R. (Recife Center for Advanced Studies and Systems), a vu le jour à Recife, en
1996, sous l’impulsion de différents professeurs de l’université fédérale de Pernambuco28. Porto
Digital, par ailleurs, est une initiative publique soutenue par l’Etat de Pernambuco, dont Recife
est la capitale.
un écosystème digital très dynamique a germé des efforts conjoints de ces deux opérateurs. Grâce
à eux, Recife est devenu le cœur de l’innovation digitale au brésil.
Porto Digital compte aujourd’hui 173 entités membres, dont 143 entreprises privées, pour un
chiffre d’affaires annuel de 431 millions de dollars uS.
L’impact de l’écosysème fut considérable pour cet Etat rural et pauvre du nord-est du brésil.
Entre 2001 et 2009, le poids du secteur des technologies de l’information dans le PIb de l’Etat du
Pernambuco est passé de 1,6% du PIb à 4%. D’ici 2020, le gouvernement local espère atteindre les
10%. Recife, grâce à sa dynamique de cluster, deviendra alors une technopole digitale mondiale.
Aujourd’hui, Porto Digital et C.E.S.A.R. donnent de l’emploi à des centaines de chercheurs,
spécialisés dans les technologies de l’information. Ils développent des processus, des services,
des produits ou des composants technologiques utilisables dans des domaines divers comme les
télécommunications, l’énergie, la finance…
Le cluster est également un extraordinaire moteur commercial bien au-delà des limites de Recife.
un peu plus de quinze ans après sa création, les clients locaux ne représentent plus que 2% du
chiffre d’affaires de C.E.S.A.R.
Mieux, Porto Digital est reconnu comme un bassin de talents mondial dans des niches comme
les jeu, la sécurité électronique et d’autres. De grandes marques globales, telles que Microsoft,
Motorola, nokia, Alcatel, ou encore Dell, s’installent à Recife pour collaborer avec les acteurs de
l’écosystème local. Coca Cola y a fait développer un jeu publicitaire.
Cette intégration internationale donne à Porto Digital un rôle de tête de pont pour les entreprises
et startups membres du cluster. Elle donne aussi l’opportunité aux acteurs brésiliens du digital
28
http://thenextweb.com/la/2011/05/22/why-brazils-most-innovative-institution-comes-from-recife/?awesm=tnw.to_18R8R&utm_content=spreadus_master&utm_medium=tnw.to-
other&utm_source=direct-tnw.to , http://www.businessweek.com/magazine/content/05_30/b3944085_mz058.htm
p 23
24. Rapport Open Innovation / Awex
de se faire connaître et de nouer des accords commerciaux avec des clients non-nationaux. Le
client final est, dans ce cas, en Chine, en Inde, en Israël, aux Etats-unis, en Angola ou en Europe.
Les acteurs de Porto Digital ont participé au projet de télévision digitale lancé par l’union
Européenne. En contrepartie, C.E.S.A.R. a ramené de nouvelles connaissances qui lui ont permis
de contribuer au développement de la première chaîne de télévision interactive lancée au brésil.
p 24
25. Rapport Open Innovation / Awex
2. L’InnovATIon AvEC POURCENTAGE DES INVESTISSEMENTS EN R&D
DES ENTREPRISES AMÉRICAINES EFFECTUÉS À
LES FouRnISSEuRS L'ÉTRANGER, PAR SECTEUR (2008)
L’innovation avec les fournisseurs a beaucoup gagné en popularité. Pharmacie
Semiconducteurs
Ces dernières années, elle fut l’un des facteurs de changement
Informatique
les plus marquants dans l’industrie moderne. En cause : la Chimie
difficulté grandissante de maîtriser des processus d’innovation Equipements électriques
Textiles et vêtements
de plus en plus complexes, rapides et pluridisciplinaires, d’une Automobile
part ; la volonté de répartir les risques financiers relatifs aux
0% 10% 20% 30% 40% 50%
investissements en innovation sur un plus grand nombre
d’acteurs, d’autre part.
Source : National Science Foundation, Business R&D and Innovation Survey
Dans l’industrie électronique, les groupes comme Philips, Dell,
Hewlett-Packard ou Motorola sous-traitent depuis longtemps L’optimisation de la chaîne d’approvisionnement n’est plus
une partie de la conception technique de leurs appareils, cantonnée aux questions de production et de distribution.
principalement en Asie (Taïwan, Corée du Sud, Japon, Chine, La logique s’étend désormais aux tâches propres au processus
Inde…). d’innovation30. En 2008, aux Etats-unis, la sous-traitance des
efforts d’innovation représentait déjà plus de 20à 25% du total
Les grandes marques se sont concentrées sur le rôle d’ensemblier. des investissements en R&D (voir le graphique ci-dessous).
Elles ont transféré une partie de la responsabilité en matière
d’innovation à des sous-traitants qualifiés de original-design Le secteur automobile est, aujourd’hui, sans doute l’un de ceux
manufacturer (oMD). Certains de ces oMD - tels que les Taïwanais qui est allé le plus loin dans l’externalisation de ses processus
Foxconn, HTC, Flextronics ou Quanta – se sont transformés en d’innovation.
véritables multinationales. Ils maîtrisent aujourd’hui l’intégralité
de la conception technique de certains produits électroniques Comme dans l’électronique, les constructeurs automobiles sous-
(télévision, téléphones portables, etc.). Pour les grandes marques traitent non seulement la production de parties complètes de
internationales, l’innovation passe parfois par un simple shopping systèmes. une grande partie de l’innovation embarquée dans les
auprès de ces géants industriels. Ces derniers leur proposent voitures neuves est le fruit des investissements R&D de sous-
régulièrement de nouvelles solutions technologiques, incluant le traitants tels que bosch, valeo, Delphi ou visteon. Ces fournisseurs
développement, la production en masse et la livraison. de premier ordre occupent plusieurs milliers de personnes dans le
monde, maîtrisent de A à z la conception et la production de
Si, à la fin des années 90, le groupe informatique Apple, par sous-systèmes - l’injection motorisée pour bosch, par exemple,
exemple, a pu s’aventurer sur le terrain des baladeurs musicaux ou les modules de commande électronique pour valeo…- que
(iPod) puis de la mobilophonie (iPhone), malgré une absence Peugeot-Citroën, Ford ou Fiat n’ont plus qu’à intégrer sur la ligne
d’expérience dans ce domaine, l’entreprise californienne le doit d’assemblage.
notamment à l’essor des oMD.
Si les constructeurs conçoivent les véhicules dans les grandes
Ce transfert des activités d’innovation vers les sous-traitants n’est lignes, l’innovation des sous-ensembles est du ressort de ces
pas propre aux secteurs de l’électronique, professionnelle ou grand sous-traitants intégrés. Et ces derniers, eux-mêmes, s’appuient
public. Dans le domaine des sciences du vivant, les sous-traitants sur de plus petits sous-traitants en deuxième ligne et troisième
offrent des prestations de plus en plus sophistiquées, tout comme ligne. La chaîne de l’innovation se retrouve ainsi éclatée, à l’instar
dans les secteurs de l’automobile ou de l’aéronautique29. de la chaîne de production ou de la chaîne logistique31.
29
outsourcing Innovation, business Week, 21 Mars 2005
30
Même si des variations subsistent selon les secteurs.
31
R&D : Vers la co-traitance, Le nouvel Economiste, 16/02/2011 Pour ces raisons, le comportement des acheteurs dans les grands groupes nécessite aujourd’hui de changer, également,
à ce niveau, pour passer la logique du rapport de force à une logique de collaboration.
p 25
26. Rapport Open Innovation / Awex
Le scénario est à peine différent dans le secteur de l’aéronautique.
Pour la production de son 787 Dreamliner, par exemple, boeing
a mis au point un modèle de sous-traitance, à la fois sur la
production et la co-innovation, reposant sur un nombre limité
de cinquante sous-traitants stratégiques, répartis à travers le
monde32.
Chaque sous-traitant est responsable d’un sous-système de
l’avion. Ce partenaire contractuel est tenu de s’occuper à la
fois du développement et de la production (voir graphique). De
gigantesques pièces détachées (empennage, nez, etc.) voyagent
ainsi à travers le monde jusqu’au hangar d’assemblage33.
Spirit Aerosystem fournit à Boeing le nez du B787, le sous-traitant prenant en
Les sous-traitants de premier ordre prennent en charge la gestion charge le développement d’une partie du système
des processus d’innovation, pour le système qui les concerne, __
Source : Spirit Aerosystem
avec des partenaires qui leur sont propres. Au total, 5.400 usines
sont englobées dans ce vaste réseau.
LES PARTIES DU BOEING 787
DÉVELOPPÉES ET PRODUITES
Cette évolution vers une chaine d’approvisionnement globale, PAR DES SOUS-TRAITANTS
Forward fuselage
impliquant les fournisseurs dans le processus d’innovation, est AUTOUR DU GLOBE Spirit, U.S.
doublement importante pour les PME. En particulier les PME Forward fuselage II
Fixes and movable Kawasaki, Japan
actives dans la production de produits semi-finis. Disposer de leading edge
Spirit, U.S. Center fuselage
la capacité de participer aux processus d’innovation devient Alenia, Italy
un argument commercial à part entière dans les négociations Wing
Mitsubishi, Japan
commerciales avec les donneurs d’ordre34.
Wing tips
KAL-ASD, Korea
Aft Fuselage
La taille limitée d’une organisation n’est plus un frein pour Movable trailing edge Vought, U.S.
Boeing, Australia Horizontal stabilizer
décrocher un contrat international. Les clusters, les programmes
Alenia, Italy
de recherche publics-privés, les nouvelles formes modernes d’open
Engine Tail n
innovation (voir plus loin) sont autant de façon, pour une PME, de Passenger-entry doors Rolls-Royce, U.K.
Latecoere, France Boeing, U.S.
and GE, U.S.
déployer à son tour ses propres capacités d’innovation.
Engine housings
Goodrich, U.S.
une nouvelle culture de la collaboration se diffuse, aujourd’hui, Cargo-access doors
Saab, Sweden
dans le monde des petites et moyennes entreprises. n’importe
quelle PME peut aujourd’hui prendre l’initiative d’actions de
co-innovation avec des partenaires, des fournisseurs voire des Landing gear Landing-geardoors Center Main landing-gear
Messier-Dowty, Boeing, Canada wing box wheel well
concurrents. U.K. Fuji, Japan Kawasaki, Japan
C’est ce que font de plus en plus d’acteurs, à l’instar du lunetier
Source : Boeing
français Atol. Grâce à cette approche collaborative, Atol a pu se
recréer un écosystème innovant en France et redéfinir son modèle
économique.
32
http://www.businessinsider.com/dreamliner-supply-chain-2011-9?op=1
33
Le 787 Dreamliner accuse trois années de retard au niveau de ses livraisons aux transporteurs aériens. Les problèmes tiennent toutefois davantage à la gestion de la chaîne logistique
qu’à la qualité de l’innovation produite par les fournisseurs extérieurs.
34
En France, 80% des entreprises investissent dans leur innovation. L’organisation des efforts en la matière reste toutefois très isolée et trop peu intégrés, tant en interne qu’en externe,
selon une étude du consultant Lowendalmasaï, en octobre 2011.
p 26
27. Rapport Open Innovation / Awex
Atol
rapatrie sa production
en France pour
co-innover avec ses
sous-traitants
Au début des années 2000, le fabricant de lunettes Atol, basé dans le Jura français, avait pris la
décision de délocaliser sa production en Chine. Cinq ans plus tard, la firme fit marche arrière et
rapatria une partie de sa production en Europe. but : gagner en proximité avec ses partenaires
afin d’améliorer les processus de co-innovation avec eux.
Grâce à cette démarche de co-innovation, Atol a pu concevoir de nouveaux produits plus originaux
et monter en gamme. La mise au point de branches interchangeables « clipables », entre autres,
lui a permis d’élever le prix de vente des lunettes à 200 euros. La firme a ainsi pu viabiliser le
retour du dispositif de production en Europe.
La possibilité d’entrer dans une dimension de partenariats étroits avec les fournisseurs, et de
co-innover avec eux, était indispensable. Le gain justifiait le risque lié à la hausse des coûts de
production consécutive au retour dans des usines de l’Hexagone.
« En France, nous n’avons pas la barrière de la langue, justifie néanmoins Philippe Peyrard, Pdg du
groupe d’Atol35. Nos sous-traitants savent ce que nous souhaitons. Leur savoir-faire leur permet de
trouver des solutions, de nous faire des propositions. C’est ainsi que nous avons pu baisser le coût
de revient de nos lunettes à montures métalliques, en concevant des modèles sans vis ni soudures ».
Si le groupe a relocalisé sa production dans le Jura, c’est surtout, aussi, parce que les industriels
locaux s’inscrivaient eux-mêmes dans une démarche d’ouverture et de co-innovation. « Pour y
avoir déjà travaillé, je savais que les industriels locaux pouvaient innover davantage, et nous
apporter une valeur ajoutée stratégique pour nous démarquer de la concurrence », explique Philippe
Peyrard36.
Atol s’est inscrite dans une politique de customisation et de design qui renforce l’importance de
la réactivité, de la vitesse de création, de la mise en production et, donc, de partenariats ouverts
très souples.
Source : http://www.opticiens-atol.com/img/pages/
collections/tae2/tae2_branches_background.jpg
35
Atol mise plus que jamais sur le Made in France, Le Figaro, 26/08/2011
36
Idem
p 27