3. À Carthage, la cité légendaire, pour son
2828ème anniversaire.
Puisse ce modeste roman contribuer à honorer
ta mémoire…
4. Il existe un lieu où le monde de la lumière rencontre
celui des ténèbres. C’est là que tout se produit : dans
la terre des ombres, où tout est rare, confus, incertain.
Nous sommes les gardiens de cette frontière. Mais
parfois, quelque chose réussit à passer. Et moi, je dois
le renvoyer dans l’obscurité.
Donato Carrisi, Le Tribunal des âmes
« Telle est la raison pour laquelle j’existe dans ce
monde. Ou, à rebours : telle est l’unique raison pour
laquelle ce monde existe en moi.
C’est une sorte de paradoxe, comme une image
reflétée à l’infini dans des miroirs qui se font face. Je
suis une part de ce monde, ce monde est une part de
moi. »
Haruki Murakami, 1Q84
5. AVERTISSEMENT
Ce roman est une fiction. Toutefois, les références
historiques, mythologiques, scientifiques, littéraires et
artistiques, ici présentées, sont authentiques et
appuyées par des notes, détaillées dans une section
spécifique qui leur a été réservée, à la fin du livre.
6. 6
Compte à rebours… 50
*
Lilith
Adam – Village Labyar, à Tunis…
Au-dessus, le ciel nocturne ; en-dessous, l’enfer.
Adam alluma une cigarette, et inspira
profondément une bouffée en regardant le village qui
s’étendait devant lui. Un vent léger se leva, remuant
ses cheveux, pendant qu’il se tenait immobile,
contemplant la route, illuminée par la pâle lueur de la
lune. Il rassembla dans sa tête les informations dont il
disposait et qui l’avaient amené jusqu’ici. Des volutes
de fumée se formèrent au-dessus de lui, avant de se
dissiper dans l’obscurité.
Labyar était un petit village perdu situé près de
Tunis, le plus ancien où cohabitaient des Tunisiens de
différentes confessions.
Adam écrasa le mégot sous sa chaussure, mit les
mains dans les poches et avança tranquillement vers
le village.
Il entra dans la première auberge qu’il croisa. Le
propriétaire était un homme trapu qui l’accueillit avec
un regard méfiant.
-Quel bon vent vous amène ici, Étranger ?
7. 7
-Je voyage. Je me suis arrêté pour une nuit ou
deux.
Le propriétaire ne sembla pas convaincu. Il nota
sur un grand registre la date d’arrivée : le 23 juin
1972. Il examina le passeport qu’Adam lui tendait :
-Vous avez une double nationalité ?
-Je travaille à Londres.
L’homme lui rendit le passeport en disant :
-Ne vous aventurez pas dehors ce soir. Lilith est en
train de rôder.
-Lilith ?
-Le démon qui s’attaque aux bébés. Les habitants
de confession musulmane n’y croient pas, mais nous,
nous savons parfaitement que ce démon a choisi cet
endroit pour poursuivre ses sinistres desseins.
Adam l’écoutait attentivement. Manifestement, il
était arrivé un peu tard. Quelque chose se passait déjà
au village. Il demanda d’un ton faussement détaché :
-Qu’est-il arrivé au juste ?
Le propriétaire répondit d’une voix basse, comme
s’il murmurait un secret :
-Deux femmes ont été trouvées sauvagement
assassinées. On leur a enlevé leurs fœtus. Qui d’autre
serait capable d’une abomination pareille ?
Adam hocha lentement la tête, sans commenter. Le
propriétaire lui demanda :
-Cette histoire ne vous trouble pas ?
8. 8
-Si, mais je ne pense pas que ce soit l’œuvre d’un
démon. Ceci dit, je respecte votre croyance.
L’homme le dévisagea, puis lui tendit la clé de la
chambre:
-En tout cas, soyez prudent. Des jours sombres
attendent ce village. Que Dieu ait pitié de nous tous.
Adam prit la clé, salua l’homme d’un signe de la
tête et gagna sa chambre. Une fois à l’intérieur, il
rangea ses maigres affaires et s’étendit sur le lit,
heureux de pouvoir enfin se reposer un peu après son
voyage.
Il avait quarante-trois ans et il était journaliste
indépendant. Il avait voyagé un peu partout dans le
monde. Son ex-femme, Nora, n’était pas parvenue à
accepter ce mode de vie et ils avaient divorcé il y a à
peine un an.
Ses anciennes enquêtes lui avaient appris que rien
n’était exclu, même un démon venu du monde des
Enfers, choisissant Labyar pour répandre sa terreur.
Sa dernière enquête portait sur une secte secrète
britannique, que tout le monde croyait dissoute et dont
l’objectif était d’entrer en contact avec des entités
démoniaques.
Adam avait frôlé la mort en enquêtant sur cette
organisation. Il referma les yeux et laissa libre cours à
ses pensées.
Des jours sombres attendent ce village.
9. 9
Les mots résonnaient dans sa tête comme un
mauvais présage.
***
[Découvrez la suite de ce chapitre dans
le roman Dix-Neuf]
10. 10
Compte à rebours… 49
*
Rayan et Renée
Rayan – Tunis…
Douleur.
Elle se propageait le long de son crâne, sourde et
impitoyable, lui arrachant un gémissement.
« Rayan »
Un murmure.
« Rayan, réveille-toi ! »
Un léger parfum éveillait ses sens. Des doigts lui
touchaient le visage. Il ouvrit difficilement les yeux. Il
vit une ombre se pencher sur lui. Une jeune femme le
regardait avec une inquiétude mêlée d’impatience.
Cette douleur…
« Rayan, où sont mes parents ? »
Une inconnue dans son appartement. Il la regarda
avec méfiance et murmura difficilement :
-Qui es-tu ?
Sa vue s’améliorait. Il distingua les traits de la
jeune femme. Elle avait la vingtaine, estima-t-il. Des
boucles noires entouraient son beau visage,
contrastant avec la blancheur de sa peau.
Il répéta sa question, plus durement cette fois. La
jeune femme recula et demanda :
11. 11
-Tu ne te souviens plus de moi ?
Il ne l’avait jamais vue de sa vie. Il secoua
lentement la tête. La femme s’impatienta :
-Voyons Rayan, nous ne nous sommes peut-être
rencontrés que deux fois, mais tu ne peux pas oublier
qui je suis. Où sont mes parents ? répéta-t-elle.
Il essaya de remettre de l’ordre dans ses idées, puis
répondit :
-Je ne sais pas ce qui se passe, je me sens un peu
perdu. Comment es-tu entrée ici ?
Elle lui montra une clé:
-Le double. Tu le gardes toujours chez mon père.
J’ai longtemps frappé à la porte, mais tu ne répondais
pas.
-Et qui est ton père ?
Elle recula, surprise, puis le considéra longuement.
Rayan se rendit compte qu’il avait posé la mauvaise
question. Elle finit par constater :
-Quelque chose de grave t’est arrivé. Tu as des
hématomes sur le visage. Peut-être que tu souffres
d’une amnésie. Et mes parents ont disparu après
t’avoir raccompagné, hier soir. Quelle est la dernière
chose dont tu te souviennes ?
Rayan essaya de se rappeler. Rien. Un blanc total.
-Je ne me souviens de rien, dit-il en essayant de se
lever. Qui es-tu ? Qui sont tes parents ?
12. 12
-Renée. Je m’appelle Renée. Mon père, Antoine
Goya, est ton encadreur de thèse, et vous êtes devenus
très proches.
Rayan l’écoutait attentivement. Il ne se souvenait
de rien de ce qu’elle lui racontait. De quelle thèse
parlait-elle ?
Renée poursuivit :
-Vous êtes sortis ensemble, mon père, ma mère et
toi hier. Ils ne sont pas revenus. Cela fait presque
vingt-quatre heures. Tu es dans cet état, et eux ont
complètement disparu. Je voudrais comprendre ce qui
s’est passé.
-Et je suis dans l’impossibilité de te répondre, dit
Rayan, du moins maintenant. Peut-être que cela me
reviendra.
-Écoute-moi bien, Rayan, je voudrais bien te
croire, mais, là, il s’agit de mes propres parents. Tu es
la dernière personne à les avoir vus. Je suis désolée,
mais c’est à toi de m’expliquer.
L’inquiétude qui se dessinait sur le visage de
Rayan avait fini par dissiper tous les doutes de Renée.
Elle posa sur lui un long regard, puis se leva, passa
nerveusement la main dans sa chevelure sombre et
dit :
-Peut-être que tu as raison, je devrais te laisser te
reposer. Mais je suis morte d’inquiétude.
13. 13
Rayan la considéra, hésita quelques secondes puis
posa la main sur son épaule et dit en essayant de
sourire sans succès :
-Je suis sûr que tout ira bien. Ils ont peut-être eu
une urgence. Ils sont peut-être déjà chez eux,
maintenant.
La jeune femme lui tendit la clé :
-Je dois rentrer maintenant. Appelle chez nous si
tu te souviens de quoi que ce soit, s’il te plaît,
d’accord ?
Sans lui laisser le temps de répondre, elle se glissa
hors de l’appartement et disparut.
***
[Découvrez la suite de ce chapitre dans
le roman Dix-Neuf]
14. 14
Compte à rebours… 24
*
Les souvenirs du guerrier
Date : Septembre 216 avant J-C
Lieu : Carthage
J’étais finalement rentré au pays. Nous l’avions
quitté deux années auparavant, avions traversé les
côtes de la Méditerranée, les Pyrénées puis les Alpes,
en compagnie de notre commandant suprême, le
général Hannibal Barca.
Beaucoup d’hommes avaient péri, mais nous
avions réussi à écraser l’armée romaine. De bataille en
bataille : Trasimène il y a un an, puis Cannes, il y a à
peine un mois, les éléphants du général traçaient le
chemin de la gloire.
Nous étions cinquante mille. Les romains quatre-
vingt-mille. Mais le général Hannibal avait développé
une tactique qui permit de remporter une victoire
foudroyante, en encerclant l’armée romaine, qui se
retrouva piégée de tous les côtés. Une idée de génie
consistant à former un véritable étau humain autour
de l’armée ennemie, de pousser et de comprimer, de
façon à ce que la majorité des romains soient
15. 15
incapables de combattre, entassés ainsi, les uns contre
les autres. Seuls les soldats de l’extérieur étaient en
face des Carthaginois, qui les attaquaient de toutes
parts.
Après cette victoire, le général autorisa certains
d’entre nous à rentrer.
C’est un véritable miracle que je sois encore en vie.
Que je puisse revoir de nouveau ma femme. Elle était
enceinte, lorsque j’étais parti. À mon retour, elle avait
un bébé dans les bras. Un bébé qui portait mes traits.
Je levai mon fils de deux ans vers le ciel en
remerciant les dieux de m’avoir épargné et de ne pas
en avoir fait un orphelin. Je serrai ma femme dans
mes bras. Elle pleura longtemps sur mon épaule.
Le soir, je me réveillais souvent en sursaut. Mon
esprit était resté sur le champ de bataille. Le bruit des
glaives qui s’entrechoquaient, les cris des hommes, le
sang qui giclait à flots de leurs blessures et l’odeur de
la terre qui recueillait ses enfants, me hantaient.
N’arrivant pas à me débarrasser de ces
cauchemars, ma femme m’emmena voir une
guérisseuse. Elle disait que cette dame faisait des
miracles, alors je me pliai à sa volonté.
Au moment où mes yeux tombèrent sur la jeune
femme, je sus que cette rencontre allait évoluer d’une
manière spectaculaire. La dame était d’une beauté à
16. 16
couper le souffle. Sa peau, d’une extrême blancheur
faisait naître le désir chez les hommes. Ses yeux
étaient immenses, dorés, et son regard hypnotique.
Une bouche ressemblant à un fruit mûr se dessinait
sur son visage éclatant de beauté. Sa voix était
chantante, douce, et comme ses yeux, elle donnait
envie de se perdre et de se laisser emporter vers un
territoire inconnu, dont elle seule détenait le secret.
La deuxième fois, je visitai la guérisseuse seul. La
troisième fois je tombai amoureux d’elle. Je ne suis pas
sûr que mon cœur de guerrier ait connu l’amour,
mais cette femme m’avait réduit à un état que je ne
pouvais décrire. Une fascination aveugle.
Cette femme était inaccessible. Aucun homme ne
pouvait l’atteindre. En revanche, tous se seraient
donnés à elle sans conditions. Elle n’était pas dans le
rang des femmes mais dans celui des déesses, ou bien
au-dessus.
L’envie de la posséder se transformait, par un
sombre mécanisme de l’esprit, en une envie de lui
appartenir. Et seulement lui appartenir.
Je la baptisai La Belle Dame sans merci. Nos
rencontres se multiplièrent. D’abord à l’endroit où
elle exerçait comme guérisseuse. Ensuite dans son
château qui donnait sur la mer.
17. 17
Je remarquai qu’elle portait un étrange médaillon
sur lequel on pouvait lire :
À Astarté-Pygmalion
Yadamalek, fils de Poddaï, Pygmalion
délivre qui il lui plaît
Elle ne me laissait pas la toucher. Je me contentai
juste de rester près d’elle, et simplement la regarder.
C’était la relation la plus étrange que j’avais
jamais eue avec une femme. Mais j’étais heureux.
À maintes reprises, je voulais lui demander qui
était ce Pygmalion et pourquoi il était associé à notre
déesse, Astarté, ou Ishtar, mais je ne le fis jamais.
Parfaitement consciente de l’effet qu’elle me faisait,
un jour elle me dit :
-Je t’ai choisi.
Je demandai, émerveillé, les yeux posés sur le
médaillon qui lui entourait le cou :
-Tu m’as choisi pour quoi ?
-Tu es l’élu, répondit-elle mystérieusement.
***
Seigneur de mes terres, guerrier au cœur de pierre
de l’armée carthaginoise, je n’avais jamais envisagé,
ni même imaginé de devenir « élu ». Ce terme, utilisé
18. 18
par La Belle Dame sans merci, voulait en réalité
désigner celui qui allait l’accompagner, la protéger,
veiller sur elle mais, surtout, exaucer tous ses désirs.
C’était une relation complexe. Intrigante. Ma
femme ne se doutait de rien. Je continuai à
accompagner la Belle Dame, jusqu’au jour où elle me
convoqua dans son château. Elle ordonna à sa
servante de me dire de l’attendre dans l’une des
immenses salles. Le temps passa. Je regardai, par la
fenêtre, la mer qui s’étendait jusqu’à l’horizon,
lorsque je l’entendis venir. Je me retournai, mais
restai figé sur place.
Elle était vêtue d’une tunique blanche, laissant
montrer, à travers deux longues fentes, des hanches
d’une blancheur d’ivoire, qui apparaissaient et
disparaissaient, au fur et à mesure qu’elle avançait
vers moi. La tunique lui couvrait le corps, mais son
ventre était découvert. Lentement, elle s’approcha de
moi en soutenant mon regard de ses yeux.
En la voyant ainsi, les fragments de raison qui me
restaient s’effondrèrent. J’étais frappé par la beauté de
cette créature qui éveillait en moi une seule envie : me
mettre à genoux et pleurer.
La Belle Dame sans merci me demanda de
m’asseoir, parce qu’elle avait une mission pour moi.
Si je la réussissais, elle me récompenserait à sa
19. 19
manière. J’écoutais les détails de la mission, en me
concentrant sur les noms, les lieux, les chemins que je
devais prendre.
« Je suis mourante » dit-elle. Mon cœur battait à
tout rompre. J’étais même prêt à affronter le dieu de la
mort en personne, pour qu’elle vive. « Pour survivre,
il me faut un objet que tu dois m’apporter d’Égypte. »
La dame m’envoyait vers un prêtre égyptien, qui
s’appelait Aïfass, pour lui rapporter un objet d’une
valeur inestimable : celui qui assurerait sa survie.
Selon elle, Aïfass devait également me dire où « les
pierres sacrées » étaient cachées. « La réponse à cette
question est extrêmement importante », précisa-t-elle.
Je me levai, prêt à partir pour ce long voyage. La
Belle Dame me demanda :
-Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?
-J’irai d’abord au temple, pour demander aux
dieux de m’accorder leur bénédiction.
Elle sourit, puis rejeta sa tête en arrière et éclata de
rire. Ses cheveux lui tombaient magnifiquement dans
le dos. Elle se redressa et murmura :
-À genoux, guerrier d’Hannibal Barca.
Je me mis à genoux. Elle enleva son médaillon, me
le mit autour du cou, puis elle posa sa paume sur ma
tête. Je tremblai de tout mon corps à ce contact. Elle
dit :
20. 20
-Je te bénis, guerrier.
Elle prit mon visage entre ses mains, et attira ma
tête contre son ventre. Le contact de sa peau nue était
indescriptible. Je m’approchai dangereusement de la
folie. Elle murmura en serrant ses paumes autour de
ma tête :
-Le seul temple que tu vas vénérer, guerrier, c’est
moi. Je serai ton temple. Tu feras tes prières ici même.
Et j’ouvrirai les bras pour t’accueillir dans la lumière.
Puis elle m’aida à me relever et dit :
-Reviens avec l’objet. Et avec une réponse.
Ainsi, je partis en Égypte, en quête du mystérieux
remède.
***
Mon voyage en Égypte fut une aventure. Je
rencontrai des dangers sur la route. Je fis couler le
sang de plusieurs hommes. Mais à chaque fois, je
pensais à Ma Belle Dame sans merci, et je continuai,
imperturbable, mon chemin.
Je revins au bout de deux mois, rapportant l’objet
mystérieux qui était enveloppé dans un tissu en soie
de couleur bleue. C’était une statuette sculptée dans
un matériau étrange, de couleur argentée, que je
n’avais jamais vu auparavant. Je le transportai avec
toutes les précautions. La vie de la Belle Dame en
dépendait.
21. 21
Sur la route, je fus attaqué par des loups, des
hyènes et des voleurs. Le soir, je me réveillais en
sursaut. Je rêvais que je trouvais la Belle Dame déjà
morte à mon retour. Ces visions me torturaient, alors
je chevauchais nuit et jour, de peur d’arriver trop
tard.
Mais La Belle Dame sans merci n’était pas morte.
Elle m’attendait dans son château. Ses yeux
s’illuminèrent lorsqu’elle aperçut, dans ma main, la
statuette qui brillait dans son étoffe de soie.
Elle s’enquit à propos des « pierres sacrées » et je
lui remis un bout de parchemin que le prêtre m’avait
donné. Il y était simplement écrit : « Jérémie, XLIII,
8,9 ». Serrant la statuette précieuse contre elle, elle
me demanda si Aïfass m’avait dit autre chose. Je
répondis :
-Il a dit de faire attention aux distances. Il a dit
qu’il y a eu une erreur d’inversion. Il a dit qu’elle a
causé la disparition de l’île derrière les colonnes
d’Hercule. Les vagues se sont abattues sur elle et l’île
a été engloutie en une seule nuit dans les profondeurs
de l’océan.
La Belle Dame caressa la statuette comme si elle
rêvassait :
-L’inversion. Je comprends.
Elle me regarda dans les yeux et demanda :
22. 22
-As-tu vu la Bête de pierre ?
-Oui, je l’ai vue. Elle gardait les pyramides au
milieu du désert. Aïfass me l’a montrée.
-Raconte-moi comment elle était.
-Magnifique. Le corps d’un lion et la tête d’un
homme.
Elle caressa encore une fois la statuette et dit :
-Quand le temps viendra, la Bête se montrera. Elle
sera identique à celle que tu as vue. Elle arrivera de
loin. D’un autre monde. Quand elle entendra l’appel,
elle viendra jusqu’à nous.
Je ne comprenais pas de quoi elle parlait, alors je
lui posai la question qui me brûlait les lèvres depuis
que je lui avais apporté la statuette :
-Avec ça, survivras-tu ? Dis-moi que tu survivras.
Elle serra davantage la statuette contre elle et
murmura :
-Avec ça, je survivrai des siècles.
***
J’accompagnai La Belle Dame sans merci à un
endroit sur la colline de Carthage où elle avait dit
devoir enterrer la statuette. « C’est là qu’elle reposera,
pour l’Éternité » avait-elle dit.
Elle s’était hissée sur la pointe des pieds, avait
effleuré mes lèvres des siennes et, d’un geste rapide,
23. 23
m’avait ôté le médaillon pour le remettre de nouveau
autour de son cou.
***
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le roman Dix-Neuf
27. 27
Titre : Oblation
Auteurs : Moez Tabia, Abir Gasmi
Format : A5 (14,8 x 21)
Nombre de pages : 50
Prix : 7,8 Dt/ 7,8 Euros
ISBN : 978-9938-883-02-2
Quatrième de couverture :
Oblation est une bande dessinée illustrant une fillette s’aventurant
au gré du hasard à la recherche de la tête de sa peluche disparue, à
travers des univers hostiles, angoissants et truffés de dangers.
Assistée par de mystérieux et bienveillants personnages, la fillette
mènera sa quête avec un courage exceptionnel. Un livre destiné
aux enfants qui peuvent admirer les dessins mais surtout aux
adultes vu la symbolique de l’histoire, ».