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Décision et
leadership
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La psychologie du contrôle
Il existe deux grands types
d’attribution  : les causes
internes (ce qui m’arrive
dépend de ce que j’ai fait)
et les causes externes (ce
qui m’arrive dépend des
circonstances).!
L’attribution interne (locus
interne) ou externe (locus
externe) est un trait de
personnalité stable au
cours de l’existence.
Les différents types de besoins (1)
Quand la productivité du
travail augmente, les
revenus augmentent et ne
sont plus totalement
dépensés sur les besoins
primaires. Ils se portent
sur les dépenses pour se
faire plaisir.!
L’homme dispose d’une
base de représentations
potentiellement infinie de
ce qui lui fait plaisir.
Les différents types de besoins

Besoins primaires Besoins représentés
Connus Non connus a priori
Finis Infinis
Récurrents Non récurrents
Les facteurs d’accroissement de l’incertitude

L ’ i n c e r t i t u d e
s t r a t é g i q u e e s t
augmentée par deux
facteurs sociologiques :!
1.l’augmentation du
niveau d’éducation des
consommateurs,!
2.l a c r o i s s a n c e
exponentielle de la
disponibilité technique.
La disponibilité technique
Temps
Disponibilité
technique et
représentation
des besoins
Période d’économie de la demande Période d’économie de l’offre
Disponibilité
technique
Représentation
des besoins
6 avril 1917
Nous sommes le 6 avril 1917. Le général en chef Robert Nivelle a été
nommé en décembre 1916 pour préparer une attaque massive au
printemps 1917. Le général Nivelle a prévu d’attaquer avec 800 000
hommes et 3 000 canons le 16 avril au Chemin des Dames. Depuis
que le plan est divulgué, beaucoup d’officiers et de généraux ont fait
connaître leurs réticences au gouvernement. Le ministre de la
guerre, Paul Painlevé, récemment nommé à la suite de la démission
de Lyautey – qui ne croyait pas lui non plus au plan Nivelle – a
clairement pris parti contre le plan Nivelle, après une enquête
approfondie. Le président de la République Raymond Poincaré, lassé
de ces débats et disputes qui affaiblissent l’armée et le
commandement, a convoqué une ultime réunion pour débattre et
décider de lancer l’attaque ou pas.!
! Éléments de contexte  : les États-Unis ont déclaré la guerre à
l’Allemagne quatre jours plus tôt (2 avril 1917). Le Tsar a été renversé
en Russie trois semaines plus tôt, ce qui affaiblit l’alliance russe.
Arguments pour
• Nivelle a été mandaté pour concevoir et mettre en œuvre
un plan d’attaque.!
• Il faut laisser le général en chef conduire les opérations
militaires.!
• Nivelle est sûr de sa stratégie fondée sur l’artillerie et
qu’il a appliqué avec succès en 1916 a Verdun.!
• Pour gagner la guerre, il faut livrer bataille.!
• L’attaque a été «  vendue  » aux Alliés anglais qui vont
effectivement attaquer en même temps que les Français.!
• Il faut se dépêcher de gagner la guerre avant la défection
russe.
Arguments contre
• Aucune attaque pendant cette guerre n’a jamais réussi à
percer le front.!
• Le terrain choisi, le Chemin des Dames, va fortement
favoriser la défense allemande puisqu’il y a des cavernes
inaccessibles à l’artillerie.!
• Qui dit attaque massive dit pertes massives.!
• Les Allemands connaissent le plan d’attaque dans le détail
à la suite de la capture d’un officier qui avait le plan sur lui.!
• La doctrine de l’offensive à outrance due à Foch et dont
s’inspire Nivelle est rendu caduque par l’existence des
mitrailleuses.!
• Les principaux généraux ne croient pas que l’attaque va
permettre de percer le front.
Raymond Poincaré
Président de la République, 56 ans, taille
moyenne. Lorrain, il est opposé à une
paix de compromis. Il soutient plutôt les
généraux favorables à l’offensive. Homme
un peu froid et secret. Carrière politique
éclatante et sans accrocs. Courtois, bien
élevé, conformiste. Il ne va pas contre
l’ordre établi et les institutions, c’est un
politique et un républicain jusqu’au bout
des ongles. Il n’aime pas les personnages
flamboyants (comme Clemenceau). Il
s’ennuie à l’Élysée. Au fond, c’est un
hésitant, il ne sait pas ce qu’il veut en
matière de conduite de la guerre.!
C’est lui qui a choisi de nommer Nivelle
plutôt que Pétain.
Alexandre Ribot
Président du Conseil, 75 ans. Président
du Conseil de transition après la
démission surprise de Briand. Avocat
et pianiste dans sa jeunesse. Homme
politique chenu et manœuvrier. Il
connaît bien Poincaré. Il a participé à
beaucoup de gouvernements sans
l a i s s e r d e t r a c e . I l f u i t l e s
responsabilités. C’est un esprit léger et
jouisseur, n’ayant pas le sens de
l’intérêt général. Il a atteint le sommet
de sa carrière et est content d’être là. Il
en profite.!
Il n’était pas président du Conseil au
moment de la nomination de Nivelle.
Paul Painlevé
Ministre de la Guerre, 53 ans,
petit et replet. Mathématicien
entré en politique où il connaît
une ascension rapide. Il va
d’ailleurs bientôt succéder à
Ribot. Intelligent, très vif, il
analyse les problèmes à fond et
en saisit l’enjeu. Il a au plus haut
point le sens de l’intérêt général,
il s’y dévoue avec passion Il est
apprécié de Poincaré. Sans réel
courage devant la décision.!
Il n’était pas ministre de la
Guerre au moment de la
nomination de Nivelle.
Robert Nivelle
Général en chef, 60 ans, haute taille,
mince, regard direct, geste précis.
Disciple de Foch et Joffre, auquel il a
succédé, pour la doctrine de l’offensive
à outrance. Vainqueur de Verdun après
Pétain. Mondain et séducteur, il sait se
faire bien voir du milieu politique.
Artilleur, il connaît mal l’infanterie.
Courageux, pas intelligent, idéologue.
Homme simple et tout d’une pièce mais
imbu de sa personne. Il croit d’abord en
lui-même. C’est le prototype du militaire
à l’esprit de géométrie mais sans esprit
de finesse.!
Il parle anglais et est soutenu par les
Anglais.
Philippe Pétain
Général d’armée, 60 ans taille
moyenne, regard froid, geste
mesuré. Le seul opposant de poids
à la doctrine de l’offensive à
outrance. Il n’y a jamais cru et l’a
toujours dit. Vainqueur glorieux à
Verdun. Il va succéder à Nivelle
c o m m e g é n é r a l e n c h e f .
Marmoréen, prudent, distant, sûr
de lui et charismatique. Il méprise
ses contemporains, ne doute pas
d’être entouré d’imbéciles. De
tempérament sec, il n’est pas
sympathique.!
Il est hiérarchiquement sous les
ordres de Nivelle.
Joseph Micheler
Général d’armée, 55 ans.
Homme de terrain, inapte
aux débats d’idées. Pas
intelligent mais loyal et
prévisible. Sa carrière n’a
pas été affectée par son
incompétence. Il a la
bêtise conquérante et
bruyante. Volontiers trivial
et grossier.!
Ce sont ses troupes qui
doivent attaquer le 16
avril.
Intelligence et courage
Incompétent
Séducteur
Décideur
Bureaucrate
Courageux
Peu courageux
Peu intelligent Intelligent
Intelligence et courage
Incompétent
Séducteur
Décideur
Bureaucrate
Courageux
Peu courageux
Peu intelligent Intelligent
Poincaré Pétain
Ribot
Nivelle
Painlevé
Micheler
Influence et réalisme
Idéologue
Lucide
Stratège
Irresponsable
Influent
Non influent
Non réaliste Réaliste
Influence et réalisme
Idéologue
Lucide
Stratège
Irresponsable
Influent
Non influent
Non réaliste Réaliste
Poincaré
Painlevé
Micheler
Pétain
Ribot
Nivelle
La décision n’a pas d’inverse
Il est impossible de ne pas
d é c i d e r. L’ i n v e r s e d ’ u n e
décision est une décision.!
!
Nul n’échappe à la décision.!
!
Avant que nous prenions des
décisions, c’est la décision qui
nous prend.!
!
«  Tous les champignons sont
comestibles. Certains une seule
fois. »!
Gracchus Cassar
22
La décision est incertaine
L e s m é t h o d e s q u i
prétendent ramener la
décision à un calcul ne
f o n t q u e m a s q u e r
l’aspect subjectif de la
décision.!
La décision oblige à
comparer ce qui n’est
pas comparable.!
Les matrices de décision
sont construites avec
des coefficients qui font
intervenir la subjectivité.
La décision a un très fort enjeu
Il existe des décisions
meilleures que d’autres.!
Tout l’avenir dépend du
présent.!
Savoir «  bien  » décider
est une des choses les
plus importantes qui soit.!
La volonté est plus forte
q u e l a c h a n c e
(prééminence du locus
interne sur le locus
externe).
Les trois ingrédients de la décision
✓Solitude!
✓Incertitude!
✓Enjeu
Challenger!
28 janvier 1986
Kennedy et la Baie des Cochons
Après le désastre de la
baie des cochons le 17
avril 1961, Kennedy a
réuni son équipe et lui a
dit :!
!
«  Cette opération a été
un désastre et vous me
l’avez tous conseillée.
J e s u i s d o n c
e n t i è r e m e n t
responsable, je n’avais
qu’à pas vous écouter. »
Cuba : 24 octobre 1962
«  Je n’accepte pas
que la seule option
s o i t l a g u e r r e
atomique. »!
John Kennedy
Frederick Taylor
(1856-1915)
George Elton Mayo 

(1880-1949)
Michel Crozier 

(1922-2013)
Bernard Tapie 

(1943--)
École des relations 

humaines
École stratégique
École du
leadership
Taylorisme
Quatre visions du management
La décision est

complexe et
systémique
La décision est

simple et linéaire
L’homme agit en
fonction

de ses intérêts
L’homme agit en
fonction

de ses émotions
- Je cherche un vin
qui se marie bien
avec une très, très,
t r è s m a u v a i s e
nouvelle que je
dois annoncer à
ma femme.
Les lignes de fuite du non décideur
✓ Faire changer
d’épaule au
singe!
✓ L’information
infinie !
✓ Le gourou!
✓ L e
d é c o u p a g e
d e l a
décision
La théorie standard de la décision
Il existe une
m e i l l e u r e
décision et
cette décision
est calculable
à partir des
matrices de
décision.
Je serai bref.
Les postulats de la théorie standard
Ce qui va arriver dépend de la
décision prise.!
L’ e n s e m b l e d e s d o n n é e s
pertinentes pour évaluer la
situation peut être complètement
connu.!
Le critère d’optimisation des
conséquences de chaque choix
peut être défini selon une
dimension unique.!
Les scénarios d’avenir peuvent
être probabilisés.!
La subjectivité du décideur
n’intervient pas.
- J’ai un problème, Daphné : trouvez
immédiatement une solution et apportez-la moi
dans mon bureau.
Le récit  : «  Le Président est mort. Les gardes du corps
n’ont pas pu l’empêcher. La police a arrêté deux
personnes armées. Le Docteur AZ a déclaré que les
dégâts avaient été trop importants, que rien n’aurait pu
sauver la vie du Président. « Tout a été tenté », dit-il. »
À partir du récit précédent, indiquez si
les affirmations suivantes sont vraies,
fausses ou si on ne sait pas : !
1.Nous savons que le Président a été
tué.!
2.Rien n’aurait pu sauver la vie du
Président.!
3.Les blessures du Président étaient
importantes.!
4.Le Docteur AZ a examiné le Président.!
5.Le Docteur AZ a fait une déclaration.!
6.Deux hommes ont été arrêtés.
Lincoln 

et Kennedy
• Tous les deux élus présidents en 60 (Lincoln 1860, Kennedy 1960).!
• Tous les deux élus au Congrès en 46 (1846 et 1946).!
• Tous les deux assassinés d’une balle dans la tête. Assassins nés en 39
(1839 et 1939).!
• Tous les deux ont pour successeur le président Johnson né en 08
(Andrew Johnson - 1808 - et Lyndon Johnson : 1908).!
• La secrétaire de Kennedy s’appelait Lincoln.!
• La secrétaire de Lincoln s’appelait Kennedy.!
• Quand Kennedy a été assassiné, il était dans une Lincoln.!
• Où était Lincoln quand il a été assassiné ?
La rationalité limitée : Herbert Simon
L’attitude la
plus rationnelle
p o u r u n
décideur n’est
pas celle d’une
r a t i o n a l i t é
absolue mais
c e l l e d ’ u n e
«  rationalité
limitée ».!
 
Herbert Simon
(1916 – 2001)
Paul Simon!
(1941 --)
Les postulats de la rationalité limitée
Acquérir l’information a un coût
qui réduit puis annule le gain que
l’on peut attendre en s’informant.!
Plus une décision est projetée
loin dans l’avenir, plus ses
conséquences sont incertaines.
Le décideur rationnel ne vise pas, à travers
ses décisions, des objectifs lointains parce
qu’ils sont trop aléatoires. Il se contente
d’objectifs limités dans le temps et donc de
décisions aux conséquences limitées.
«  P o u r n o t r e
entreprise, cette
question soulève
u n g r a v e
problème éthique
et un problème
économique. Si
personne n’y voit
d’inconvénient,
p a s s o n s
directement au
p r o b l è m e
économique. »
Koutouzov contre Napoléon
«  Tout ce que lui avait dit
Denissov était sérieux et
intelligent. Ce que disait le
général de service était
encore plus sérieux et plus
intelligent mais il était évident
que Koutouzov méprisait et le
savoir et l’intelligence et qu’il
savait quelque chose d’autre
qui devait emporter sa
décision – quelque chose qui
é t a i t i n d é p e n d a n t d e
l’intelligence et du savoir. »!
Léon Tolstoï, Guerre et Paix
Le modèle de la poubelle
L’organisation est un
ensemble de solutions à la
r e c h e r c h e d e l e u r s
problèmes.!
Les problèmes traités ne
constituent qu’une faible
partie des problèmes
potentiels disponibles
dans la «  poubelle à
p r o b l è m e s  » . C e s
problèmes sortent et sont
i d e n t i f i é s c o m m e
problèmes quand une
solution a intérêt à les faire
sortir.
Conséquences du modèle de la poubelle
Des décisions sont prises qui ne
résolvent pas le problème dont
l’identification avait conduit à ces
décisions.!
Des décisions sont prises qui ne
correspondent à aucun problème
identifié.!
Des problèmes non résolus
persistent (la solution se garde bien
de résoudre le problème).
Il est impossible d’attribuer une décision à quelqu’un.!
Une décision est prise par hasard (le décideur était là
par hasard au moment où la situation s’est présentée).
« La bonne décision »
Considérer une décision
comme bonne de façon
absolue supposerait une
connaissance illimitée de
l’avenir.!
Avec le temps, toute
chose peut se retourner
en son contraire.!
Une décision ne peut donc
être bonne que par rapport
à un objectif donné dans
un temps limité.
Héraclite
L’erreur de Descartes
On ne prend
j a m a i s u n e
décision avec
sa raison mais
a v e c s e s
émotions.
La raison des émotions
O n d é c i d e
q u a n d o n
c e s s e d e
raisonner.
Les deux vitesses
de la pensée
Une batte et une balle
coûtent 1,10 dollar.!
La batte coûte 1 dollar de
plus que la balle.!
Combien coûte la balle ?!
!
Un homme et son fils ont un
accident de voiture. Le père
est tué. Le fils est emmené à
l’hôpital. Le chirurgien dit :
«  Je ne peux pas l’opérer
parce que c’est mon fils. »!
Comment est-ce possible ?
Le décideur
Décision
normale
Sérieux, pas
sérieux,
possible,
impossible
Décision
automatique et
inconsciente
Boîte noire du décideur :!
✓croyances,!
✓souvenirs,!
✓émotions,!
✓pulsions,!
✓raisonnements,!
✓valeurs,!
✓etc.
Information Décision
L’occultation du décideur
Il nous arrive de confondre le possible et le réel. Dans ce cas,
c’est une idée a priori du possible qui décide à notre place.!
Le réel est observable, le possible ne l’est pas.!
Nos décisions ont des conséquences sur la vie des autres, y
compris des conséquences qui peuvent les faire souffrir.
Nous pouvons être tenus
pour responsables de
d é c i s i o n s q u e n o u s
n’avons pas conscience
d’avoir prises.!
58
Compte rendu de la réunion du CNTS du
29 mai 1985
« Monsieur le Docteur Garetta indique […] : Avec
2 ou 3 pour mille de donneurs Anti-LAV positifs,
chiffre actuellement admis et des lots de 1.000
litres, soit 4 à 5.000 donneurs, tous nos lots sont
contaminés. […] Monsieur le Docteur Garetta
conclut en indiquant qu’il va faire parvenir très
prochainement une lettre à Monsieur le Docteur
R. Netter, Directeur L.N.S. pour information et
avis, sur la position actuelle du C.N.T.S. à savoir :
[…] non blocage et non rapatriement a posteriori
des lots de produits finis sachant que le calcul
statistique démontre malheureusement que tous
nos pools sont actuellement contaminés.
C’est aux autorités de tutelle de prendre leurs responsabilités sur
ce grave problème et d’éventuellement nous interdire de céder
des produits, avec les conséquences financières que cela
représente. »
Challenger : l’ingénieur, le manager,
l’astronaute
L’erreur dans la décision n’est pas due
à une prise de risque assumée, à un
calcul moral mais à une intoxication
collective de l’information.!
La connaissance procède de façon
collective et paradigmatique (Thomas
Kuhn) qui finit par biaiser la notion de
décision acceptable (Herbert Simon).!
La communication entre les différents
détenteurs de critères de décision est
difficile.!
La complexité ne peut pas être
appréhendée avec les outils qui
permettent d’affronter la complication.
«  L’ e x p l i c a t i o n d u
l a n c e m e n t d e
Challenger est l’histoire
d e g e n s q u i , e n
travaillant ensemble,
o n t c o n s t r u i t d e s
schémas qui les ont
rendus aveugles aux
conséquences de leurs
a c t i o n s .  » D i a n e
Vaughan!
!
«  C’est le moment
d’enlever ton chapeau
d’ingénieur et de mettre
t o n c h a p e a u d e
m a n a g e r .  » V i c e -
président de MTI la
veille du lancement
« L’insomnie tourne rarement
au cauchemar. »!
Gracchus Cassar
Le piège abscons
«  Dès qu’un grand nombre de troupes américaines auront été
engagées dans des combats directs, elles commenceront à
enregistrer de lourdes pertes. Elles sont inadéquatement équipées
pour livrer bataille dans un pays inhospitalier, pour ne pas dire
franchement hostile. Une fois que nous aurons subi de grosses
pertes, nous serons entrés dans un processus quasi-irréversible.
Notre implication sera si grande que nous ne pourrons plus arrêter
avant d’avoir complètement atteint nos objectifs, sauf à accepter une
humiliation nationale. De ces deux possibilités, je pense que
l’humiliation nationale devrait être plus probable que l’atteinte de nos
objectifs, même après que nous aurons subi de lourdes pertes. » !
George Ball : Mémoire au Président Lyndon Johnson, juillet 1965
Le piège abscons
Les conséquences négatives
poussent à une rationalisation du
type  : «  Si j’arrête maintenant,
j’aurai perdu tout cela pour
rien. »!
Cette rationalisation peut
conduire à un véritable piège
a b s c o n s  : p l u s c ’ e s t
catastrophique, plus je vois de
raisons de continuer.!
Ceux qui ont pris des décisions
sont les plus mal placés pour
juger de leurs conséquences et
décider s’il faut poursuivre ou
cesser.
Solitude, incertitude
«  Pour prendre une
décision, il faut toujours
être un nombre impair et
jamais plus de deux. »!
Anatole France
!
!
!
!
!
!
«  Une fois que j’ai pris
une décision, j’hésite
longuement. »!
Jules Renard
Les messages-clés
1. La décision renvoie le décideur à sa solitude. Celui qui décide, c’est
celui qui assume cette solitude.!
2. La décision confronte le décideur à une incertitude radicale.!
3. Comme on est happé par la situation, on ne pense pas, face à la
décision à très fort enjeu, à recadrer le problème, c’est-à-dire à
diviser les enjeux.!
4. Dans la confrontation du courage et de l’intelligence, c’est
généralement le courage qui l’emporte.!
5. La responsabilité ne confère pas de compétence, les grandes
décisions peuvent être prises par des incompétents.!
6. Le décideur est à lui-même son propre risque. Ce n’est pas
l’incertitude qui le met en danger, mais ses œillères. La décision est
déjà jouée dans la boîte noire du décideur.!
7. Les décideurs ne cherchent pas à prendre la « meilleure décision »,
ni même une « bonne décision », car cela leur est inaccessible au
moment de trancher. Ils prennent simplement la décision qui leur
semble la « moins inacceptable », dans la situation du moment.
Sept façons efficaces
de se planter
1. Ne confrontez pas vos
croyances à la réalité
observable.!
2. Ne faites jamais parler vos
émotions.!
3. Cherchez à prendre une
très bonne décision plutôt
qu’une décision acceptable.
4. Faites des prévisions auxquelles vous vous accrochez
plutôt que des scénarios.!
5. Donnez-vous seulement des objectifs lointains et
illimités.!
6. Soyez sûr de vous jusqu’à l’arrogance.!
7. Méprisez l’idée qu’en tant que décideur, vous êtes le
principal danger dans la décision.

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Decision et leadership

  • 2.
  • 3. La psychologie du contrôle Il existe deux grands types d’attribution  : les causes internes (ce qui m’arrive dépend de ce que j’ai fait) et les causes externes (ce qui m’arrive dépend des circonstances).! L’attribution interne (locus interne) ou externe (locus externe) est un trait de personnalité stable au cours de l’existence.
  • 4. Les différents types de besoins (1) Quand la productivité du travail augmente, les revenus augmentent et ne sont plus totalement dépensés sur les besoins primaires. Ils se portent sur les dépenses pour se faire plaisir.! L’homme dispose d’une base de représentations potentiellement infinie de ce qui lui fait plaisir.
  • 5. Les différents types de besoins
 Besoins primaires Besoins représentés Connus Non connus a priori Finis Infinis Récurrents Non récurrents
  • 6. Les facteurs d’accroissement de l’incertitude
 L ’ i n c e r t i t u d e s t r a t é g i q u e e s t augmentée par deux facteurs sociologiques :! 1.l’augmentation du niveau d’éducation des consommateurs,! 2.l a c r o i s s a n c e exponentielle de la disponibilité technique.
  • 7. La disponibilité technique Temps Disponibilité technique et représentation des besoins Période d’économie de la demande Période d’économie de l’offre Disponibilité technique Représentation des besoins
  • 8. 6 avril 1917 Nous sommes le 6 avril 1917. Le général en chef Robert Nivelle a été nommé en décembre 1916 pour préparer une attaque massive au printemps 1917. Le général Nivelle a prévu d’attaquer avec 800 000 hommes et 3 000 canons le 16 avril au Chemin des Dames. Depuis que le plan est divulgué, beaucoup d’officiers et de généraux ont fait connaître leurs réticences au gouvernement. Le ministre de la guerre, Paul Painlevé, récemment nommé à la suite de la démission de Lyautey – qui ne croyait pas lui non plus au plan Nivelle – a clairement pris parti contre le plan Nivelle, après une enquête approfondie. Le président de la République Raymond Poincaré, lassé de ces débats et disputes qui affaiblissent l’armée et le commandement, a convoqué une ultime réunion pour débattre et décider de lancer l’attaque ou pas.! ! Éléments de contexte  : les États-Unis ont déclaré la guerre à l’Allemagne quatre jours plus tôt (2 avril 1917). Le Tsar a été renversé en Russie trois semaines plus tôt, ce qui affaiblit l’alliance russe.
  • 9. Arguments pour • Nivelle a été mandaté pour concevoir et mettre en œuvre un plan d’attaque.! • Il faut laisser le général en chef conduire les opérations militaires.! • Nivelle est sûr de sa stratégie fondée sur l’artillerie et qu’il a appliqué avec succès en 1916 a Verdun.! • Pour gagner la guerre, il faut livrer bataille.! • L’attaque a été «  vendue  » aux Alliés anglais qui vont effectivement attaquer en même temps que les Français.! • Il faut se dépêcher de gagner la guerre avant la défection russe.
  • 10. Arguments contre • Aucune attaque pendant cette guerre n’a jamais réussi à percer le front.! • Le terrain choisi, le Chemin des Dames, va fortement favoriser la défense allemande puisqu’il y a des cavernes inaccessibles à l’artillerie.! • Qui dit attaque massive dit pertes massives.! • Les Allemands connaissent le plan d’attaque dans le détail à la suite de la capture d’un officier qui avait le plan sur lui.! • La doctrine de l’offensive à outrance due à Foch et dont s’inspire Nivelle est rendu caduque par l’existence des mitrailleuses.! • Les principaux généraux ne croient pas que l’attaque va permettre de percer le front.
  • 11. Raymond Poincaré Président de la République, 56 ans, taille moyenne. Lorrain, il est opposé à une paix de compromis. Il soutient plutôt les généraux favorables à l’offensive. Homme un peu froid et secret. Carrière politique éclatante et sans accrocs. Courtois, bien élevé, conformiste. Il ne va pas contre l’ordre établi et les institutions, c’est un politique et un républicain jusqu’au bout des ongles. Il n’aime pas les personnages flamboyants (comme Clemenceau). Il s’ennuie à l’Élysée. Au fond, c’est un hésitant, il ne sait pas ce qu’il veut en matière de conduite de la guerre.! C’est lui qui a choisi de nommer Nivelle plutôt que Pétain.
  • 12. Alexandre Ribot Président du Conseil, 75 ans. Président du Conseil de transition après la démission surprise de Briand. Avocat et pianiste dans sa jeunesse. Homme politique chenu et manœuvrier. Il connaît bien Poincaré. Il a participé à beaucoup de gouvernements sans l a i s s e r d e t r a c e . I l f u i t l e s responsabilités. C’est un esprit léger et jouisseur, n’ayant pas le sens de l’intérêt général. Il a atteint le sommet de sa carrière et est content d’être là. Il en profite.! Il n’était pas président du Conseil au moment de la nomination de Nivelle.
  • 13. Paul Painlevé Ministre de la Guerre, 53 ans, petit et replet. Mathématicien entré en politique où il connaît une ascension rapide. Il va d’ailleurs bientôt succéder à Ribot. Intelligent, très vif, il analyse les problèmes à fond et en saisit l’enjeu. Il a au plus haut point le sens de l’intérêt général, il s’y dévoue avec passion Il est apprécié de Poincaré. Sans réel courage devant la décision.! Il n’était pas ministre de la Guerre au moment de la nomination de Nivelle.
  • 14. Robert Nivelle Général en chef, 60 ans, haute taille, mince, regard direct, geste précis. Disciple de Foch et Joffre, auquel il a succédé, pour la doctrine de l’offensive à outrance. Vainqueur de Verdun après Pétain. Mondain et séducteur, il sait se faire bien voir du milieu politique. Artilleur, il connaît mal l’infanterie. Courageux, pas intelligent, idéologue. Homme simple et tout d’une pièce mais imbu de sa personne. Il croit d’abord en lui-même. C’est le prototype du militaire à l’esprit de géométrie mais sans esprit de finesse.! Il parle anglais et est soutenu par les Anglais.
  • 15. Philippe Pétain Général d’armée, 60 ans taille moyenne, regard froid, geste mesuré. Le seul opposant de poids à la doctrine de l’offensive à outrance. Il n’y a jamais cru et l’a toujours dit. Vainqueur glorieux à Verdun. Il va succéder à Nivelle c o m m e g é n é r a l e n c h e f . Marmoréen, prudent, distant, sûr de lui et charismatique. Il méprise ses contemporains, ne doute pas d’être entouré d’imbéciles. De tempérament sec, il n’est pas sympathique.! Il est hiérarchiquement sous les ordres de Nivelle.
  • 16. Joseph Micheler Général d’armée, 55 ans. Homme de terrain, inapte aux débats d’idées. Pas intelligent mais loyal et prévisible. Sa carrière n’a pas été affectée par son incompétence. Il a la bêtise conquérante et bruyante. Volontiers trivial et grossier.! Ce sont ses troupes qui doivent attaquer le 16 avril.
  • 18. Intelligence et courage Incompétent Séducteur Décideur Bureaucrate Courageux Peu courageux Peu intelligent Intelligent Poincaré Pétain Ribot Nivelle Painlevé Micheler
  • 20. Influence et réalisme Idéologue Lucide Stratège Irresponsable Influent Non influent Non réaliste Réaliste Poincaré Painlevé Micheler Pétain Ribot Nivelle
  • 21. La décision n’a pas d’inverse Il est impossible de ne pas d é c i d e r. L’ i n v e r s e d ’ u n e décision est une décision.! ! Nul n’échappe à la décision.! ! Avant que nous prenions des décisions, c’est la décision qui nous prend.! ! «  Tous les champignons sont comestibles. Certains une seule fois. »! Gracchus Cassar
  • 22. 22
  • 23. La décision est incertaine L e s m é t h o d e s q u i prétendent ramener la décision à un calcul ne f o n t q u e m a s q u e r l’aspect subjectif de la décision.! La décision oblige à comparer ce qui n’est pas comparable.! Les matrices de décision sont construites avec des coefficients qui font intervenir la subjectivité.
  • 24.
  • 25. La décision a un très fort enjeu Il existe des décisions meilleures que d’autres.! Tout l’avenir dépend du présent.! Savoir «  bien  » décider est une des choses les plus importantes qui soit.! La volonté est plus forte q u e l a c h a n c e (prééminence du locus interne sur le locus externe).
  • 26.
  • 27. Les trois ingrédients de la décision ✓Solitude! ✓Incertitude! ✓Enjeu Challenger! 28 janvier 1986
  • 28. Kennedy et la Baie des Cochons Après le désastre de la baie des cochons le 17 avril 1961, Kennedy a réuni son équipe et lui a dit :! ! «  Cette opération a été un désastre et vous me l’avez tous conseillée. J e s u i s d o n c e n t i è r e m e n t responsable, je n’avais qu’à pas vous écouter. »
  • 29. Cuba : 24 octobre 1962 «  Je n’accepte pas que la seule option s o i t l a g u e r r e atomique. »! John Kennedy
  • 30. Frederick Taylor (1856-1915) George Elton Mayo 
 (1880-1949) Michel Crozier 
 (1922-2013) Bernard Tapie 
 (1943--) École des relations 
 humaines École stratégique École du leadership Taylorisme Quatre visions du management La décision est
 complexe et systémique La décision est
 simple et linéaire L’homme agit en fonction
 de ses intérêts L’homme agit en fonction
 de ses émotions
  • 31. - Je cherche un vin qui se marie bien avec une très, très, t r è s m a u v a i s e nouvelle que je dois annoncer à ma femme.
  • 32.
  • 33. Les lignes de fuite du non décideur ✓ Faire changer d’épaule au singe! ✓ L’information infinie ! ✓ Le gourou! ✓ L e d é c o u p a g e d e l a décision
  • 34.
  • 35. La théorie standard de la décision Il existe une m e i l l e u r e décision et cette décision est calculable à partir des matrices de décision.
  • 37. Les postulats de la théorie standard Ce qui va arriver dépend de la décision prise.! L’ e n s e m b l e d e s d o n n é e s pertinentes pour évaluer la situation peut être complètement connu.! Le critère d’optimisation des conséquences de chaque choix peut être défini selon une dimension unique.! Les scénarios d’avenir peuvent être probabilisés.! La subjectivité du décideur n’intervient pas.
  • 38. - J’ai un problème, Daphné : trouvez immédiatement une solution et apportez-la moi dans mon bureau.
  • 39. Le récit  : «  Le Président est mort. Les gardes du corps n’ont pas pu l’empêcher. La police a arrêté deux personnes armées. Le Docteur AZ a déclaré que les dégâts avaient été trop importants, que rien n’aurait pu sauver la vie du Président. « Tout a été tenté », dit-il. » À partir du récit précédent, indiquez si les affirmations suivantes sont vraies, fausses ou si on ne sait pas : ! 1.Nous savons que le Président a été tué.! 2.Rien n’aurait pu sauver la vie du Président.! 3.Les blessures du Président étaient importantes.! 4.Le Docteur AZ a examiné le Président.! 5.Le Docteur AZ a fait une déclaration.! 6.Deux hommes ont été arrêtés.
  • 40. Lincoln 
 et Kennedy • Tous les deux élus présidents en 60 (Lincoln 1860, Kennedy 1960).! • Tous les deux élus au Congrès en 46 (1846 et 1946).! • Tous les deux assassinés d’une balle dans la tête. Assassins nés en 39 (1839 et 1939).! • Tous les deux ont pour successeur le président Johnson né en 08 (Andrew Johnson - 1808 - et Lyndon Johnson : 1908).! • La secrétaire de Kennedy s’appelait Lincoln.! • La secrétaire de Lincoln s’appelait Kennedy.! • Quand Kennedy a été assassiné, il était dans une Lincoln.! • Où était Lincoln quand il a été assassiné ?
  • 41.
  • 42. La rationalité limitée : Herbert Simon L’attitude la plus rationnelle p o u r u n décideur n’est pas celle d’une r a t i o n a l i t é absolue mais c e l l e d ’ u n e «  rationalité limitée ».!   Herbert Simon (1916 – 2001) Paul Simon! (1941 --)
  • 43.
  • 44. Les postulats de la rationalité limitée Acquérir l’information a un coût qui réduit puis annule le gain que l’on peut attendre en s’informant.! Plus une décision est projetée loin dans l’avenir, plus ses conséquences sont incertaines. Le décideur rationnel ne vise pas, à travers ses décisions, des objectifs lointains parce qu’ils sont trop aléatoires. Il se contente d’objectifs limités dans le temps et donc de décisions aux conséquences limitées.
  • 45. «  P o u r n o t r e entreprise, cette question soulève u n g r a v e problème éthique et un problème économique. Si personne n’y voit d’inconvénient, p a s s o n s directement au p r o b l è m e économique. »
  • 46. Koutouzov contre Napoléon «  Tout ce que lui avait dit Denissov était sérieux et intelligent. Ce que disait le général de service était encore plus sérieux et plus intelligent mais il était évident que Koutouzov méprisait et le savoir et l’intelligence et qu’il savait quelque chose d’autre qui devait emporter sa décision – quelque chose qui é t a i t i n d é p e n d a n t d e l’intelligence et du savoir. »! Léon Tolstoï, Guerre et Paix
  • 47.
  • 48. Le modèle de la poubelle L’organisation est un ensemble de solutions à la r e c h e r c h e d e l e u r s problèmes.! Les problèmes traités ne constituent qu’une faible partie des problèmes potentiels disponibles dans la «  poubelle à p r o b l è m e s  » . C e s problèmes sortent et sont i d e n t i f i é s c o m m e problèmes quand une solution a intérêt à les faire sortir.
  • 49.
  • 50. Conséquences du modèle de la poubelle Des décisions sont prises qui ne résolvent pas le problème dont l’identification avait conduit à ces décisions.! Des décisions sont prises qui ne correspondent à aucun problème identifié.! Des problèmes non résolus persistent (la solution se garde bien de résoudre le problème). Il est impossible d’attribuer une décision à quelqu’un.! Une décision est prise par hasard (le décideur était là par hasard au moment où la situation s’est présentée).
  • 51.
  • 52. « La bonne décision » Considérer une décision comme bonne de façon absolue supposerait une connaissance illimitée de l’avenir.! Avec le temps, toute chose peut se retourner en son contraire.! Une décision ne peut donc être bonne que par rapport à un objectif donné dans un temps limité. Héraclite
  • 53. L’erreur de Descartes On ne prend j a m a i s u n e décision avec sa raison mais a v e c s e s émotions.
  • 54. La raison des émotions O n d é c i d e q u a n d o n c e s s e d e raisonner.
  • 55. Les deux vitesses de la pensée Une batte et une balle coûtent 1,10 dollar.! La batte coûte 1 dollar de plus que la balle.! Combien coûte la balle ?! ! Un homme et son fils ont un accident de voiture. Le père est tué. Le fils est emmené à l’hôpital. Le chirurgien dit : «  Je ne peux pas l’opérer parce que c’est mon fils. »! Comment est-ce possible ?
  • 56. Le décideur Décision normale Sérieux, pas sérieux, possible, impossible Décision automatique et inconsciente Boîte noire du décideur :! ✓croyances,! ✓souvenirs,! ✓émotions,! ✓pulsions,! ✓raisonnements,! ✓valeurs,! ✓etc. Information Décision
  • 57. L’occultation du décideur Il nous arrive de confondre le possible et le réel. Dans ce cas, c’est une idée a priori du possible qui décide à notre place.! Le réel est observable, le possible ne l’est pas.! Nos décisions ont des conséquences sur la vie des autres, y compris des conséquences qui peuvent les faire souffrir. Nous pouvons être tenus pour responsables de d é c i s i o n s q u e n o u s n’avons pas conscience d’avoir prises.!
  • 58. 58
  • 59. Compte rendu de la réunion du CNTS du 29 mai 1985 « Monsieur le Docteur Garetta indique […] : Avec 2 ou 3 pour mille de donneurs Anti-LAV positifs, chiffre actuellement admis et des lots de 1.000 litres, soit 4 à 5.000 donneurs, tous nos lots sont contaminés. […] Monsieur le Docteur Garetta conclut en indiquant qu’il va faire parvenir très prochainement une lettre à Monsieur le Docteur R. Netter, Directeur L.N.S. pour information et avis, sur la position actuelle du C.N.T.S. à savoir : […] non blocage et non rapatriement a posteriori des lots de produits finis sachant que le calcul statistique démontre malheureusement que tous nos pools sont actuellement contaminés. C’est aux autorités de tutelle de prendre leurs responsabilités sur ce grave problème et d’éventuellement nous interdire de céder des produits, avec les conséquences financières que cela représente. »
  • 60.
  • 61. Challenger : l’ingénieur, le manager, l’astronaute L’erreur dans la décision n’est pas due à une prise de risque assumée, à un calcul moral mais à une intoxication collective de l’information.! La connaissance procède de façon collective et paradigmatique (Thomas Kuhn) qui finit par biaiser la notion de décision acceptable (Herbert Simon).! La communication entre les différents détenteurs de critères de décision est difficile.! La complexité ne peut pas être appréhendée avec les outils qui permettent d’affronter la complication.
  • 62. «  L’ e x p l i c a t i o n d u l a n c e m e n t d e Challenger est l’histoire d e g e n s q u i , e n travaillant ensemble, o n t c o n s t r u i t d e s schémas qui les ont rendus aveugles aux conséquences de leurs a c t i o n s .  » D i a n e Vaughan! ! «  C’est le moment d’enlever ton chapeau d’ingénieur et de mettre t o n c h a p e a u d e m a n a g e r .  » V i c e - président de MTI la veille du lancement « L’insomnie tourne rarement au cauchemar. »! Gracchus Cassar
  • 63. Le piège abscons «  Dès qu’un grand nombre de troupes américaines auront été engagées dans des combats directs, elles commenceront à enregistrer de lourdes pertes. Elles sont inadéquatement équipées pour livrer bataille dans un pays inhospitalier, pour ne pas dire franchement hostile. Une fois que nous aurons subi de grosses pertes, nous serons entrés dans un processus quasi-irréversible. Notre implication sera si grande que nous ne pourrons plus arrêter avant d’avoir complètement atteint nos objectifs, sauf à accepter une humiliation nationale. De ces deux possibilités, je pense que l’humiliation nationale devrait être plus probable que l’atteinte de nos objectifs, même après que nous aurons subi de lourdes pertes. » ! George Ball : Mémoire au Président Lyndon Johnson, juillet 1965
  • 64. Le piège abscons Les conséquences négatives poussent à une rationalisation du type  : «  Si j’arrête maintenant, j’aurai perdu tout cela pour rien. »! Cette rationalisation peut conduire à un véritable piège a b s c o n s  : p l u s c ’ e s t catastrophique, plus je vois de raisons de continuer.! Ceux qui ont pris des décisions sont les plus mal placés pour juger de leurs conséquences et décider s’il faut poursuivre ou cesser.
  • 65. Solitude, incertitude «  Pour prendre une décision, il faut toujours être un nombre impair et jamais plus de deux. »! Anatole France ! ! ! ! ! ! «  Une fois que j’ai pris une décision, j’hésite longuement. »! Jules Renard
  • 66.
  • 67. Les messages-clés 1. La décision renvoie le décideur à sa solitude. Celui qui décide, c’est celui qui assume cette solitude.! 2. La décision confronte le décideur à une incertitude radicale.! 3. Comme on est happé par la situation, on ne pense pas, face à la décision à très fort enjeu, à recadrer le problème, c’est-à-dire à diviser les enjeux.! 4. Dans la confrontation du courage et de l’intelligence, c’est généralement le courage qui l’emporte.! 5. La responsabilité ne confère pas de compétence, les grandes décisions peuvent être prises par des incompétents.! 6. Le décideur est à lui-même son propre risque. Ce n’est pas l’incertitude qui le met en danger, mais ses œillères. La décision est déjà jouée dans la boîte noire du décideur.! 7. Les décideurs ne cherchent pas à prendre la « meilleure décision », ni même une « bonne décision », car cela leur est inaccessible au moment de trancher. Ils prennent simplement la décision qui leur semble la « moins inacceptable », dans la situation du moment.
  • 68. Sept façons efficaces de se planter 1. Ne confrontez pas vos croyances à la réalité observable.! 2. Ne faites jamais parler vos émotions.! 3. Cherchez à prendre une très bonne décision plutôt qu’une décision acceptable. 4. Faites des prévisions auxquelles vous vous accrochez plutôt que des scénarios.! 5. Donnez-vous seulement des objectifs lointains et illimités.! 6. Soyez sûr de vous jusqu’à l’arrogance.! 7. Méprisez l’idée qu’en tant que décideur, vous êtes le principal danger dans la décision.