1. Le XXIe siècle et les défis de l’accès
aux ressources stratégiques
IVème séminaire franco-chinois sur
l’intelligence compétitive et l’innovation
Christophe-Alexandre PAILLARD
Chambre de commerce et d’industrie de
Paris, salle Montesquieu
22 mai 2012 1
2. •
Éléments de contexte :
Les minerais stratégiques et critiques sont
récemment devenus une question de très haute
importance économique et géopolitique.
La bonne compréhension du sujet se heurte toutefois
à la difficulté de clairement définir ce que sont des
minerais qualifiés de stratégiques, voire de minerais
critiques.
Sont entre autre concernés le platine, l’antimoine, le
chrome, le cobalt, le titane, le niobium, le
molybdène, le vanadium, le tantale et les terres
rares presqu’exclusivement produites par la Chine.
2
3. Différencier les minerais « stratégiques »
des minerais « critiques »
Le caractère « stratégique » d’un minerai est lié à son importance
dans la chaîne de production, à son niveau de rareté et à sa
position géographique.
La caractérisation d un minerai comme stratégique au regard de
ces différents critères est donc variable dans le temps, selon les
applications techniques qui en sont faites, les évolutions de
l offre et les tensions géopolitiques que peuvent connaître
ponctuellement des pays producteurs.
Si un minerai est absolument indispensable à des filières
industrielles spécifiques, concentré géographiquement dans une
région à haut potentiel géopolitique et faisant l objet de
phénomènes de rareté, le minerai est alors considéré comme
« critique ».
Certains de ces minerais rares, dont l exploitation reste
concentrée géographiquement, peuvent constituer des facteurs
de crise : le gallium, le cobalt, le tungstène (uniquement en Chine
et en Corée du Nord), etc. Des minerais pourraient, avec
l émergence de nouvelles technologies, faire l objet d une
attention particulière : c est par exemple le cas du gallium pour la
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téléphonie cellulaire.
5. Une définition restrictive doit être
appliquée
Sans exclure totalement les autres minerais, dont le marché
présente des similitudes intéressantes, la définition des
minerais stratégiques s’applique plus spécifiquement au platine
et aux platinoïdes, à l’antimoine, au cobalt, au chrome, au
titane, au manganèse, au niobium, au molybdène, au vanadium,
au tantale, au coltan et au tungstène. On peut y rattacher le
nickel, même si ce produit n’a pas exactement les mêmes
caractéristiques.
Ces minerais sont primordiaux pour notre industrie. Ils sont
utilisés, sans véritable alternative économiquement rentable
dans de nombreux programmes et composants.
L’acier, qui n est pas un minerai, possède parfois des
problématiques de marché comparables, entre autre pour
l’approvisionnement en aciers spéciaux.
5
6. Certains programmes aéronautiques ,
spatiaux, etc. sont concernés au premier
chef
Certaines matières premières minérales sont utilisées dans la
fabrication des armements.
Parmi les usages spécifiques des minerais, on trouve :
Le cobalt utilisé dans : les alliages de réacteur, les moteurs
d’aviation, les outils tranchants, les turbines à gaz des
centrales électriques.
Le cuivre : les torpilles, les essieux, les soupapes.
Le nickel : les capsules spatiales, l électronique.
Le chrome : les trains d’atterrissage, les tuyaux.
La bauxite (aluminium) : l’ossature des avions.
Le niobium : les réacteurs, les installations électriques.
Le manganèse : l’électronique.
Le platine : les armes nucléaires, les contacts électriques.
L’uranium : l’armement nucléaire, le combustible des
centrales.
6
7. Quels sont les produits et les régions
clefs ?
Quelques pays producteurs clefs : Afrique du Sud, Chili, Chine,
Congo, Russie et États-Unis. Les produits les plus concernés sont :
Platine (Afrique du Sud : 76,8%, Russie : 17%)
Platinoïdes et tungstène (Chine : 78%, Russie : 10,2%)
Antimoine (Chine : 59,7%, Russie : 17,4%)
Chrome (Afrique du Sud : 51,7%, Kazakhstan : 20,9%)
Cobalt (Congo et Zambie : 40%, Finlande : 21,1%)
Titane (Australie : 34,4%, Afrique du Sud : 22,6%)
Manganèse (Chine: 23,6%, Ukraine: 20%, Afrique du Sud:
13,6%)
Cuivre (Chili : 34,7%, États-Unis : 12,7%)
Et aussi, niobium, molybdène, vanadium, tantale, nickel.
Certains minerais ne répondent pas tout à fait de la même
problématique du fait de la nature de leur utilisation industrielle :
Or (Afrique du Sud: 18,9%, États-Unis : 14,3%, Australie:
12,8%),
Étain (Chine: 37,6%, Indonésie: 21,5%),
Argent (Mexique : 14%, Pérou : 13,3%)
7
8. Un constat : la concentration
géographique est forte. Les cas du
palladium et du rhodium
8
15. L’Australie est un exceptionnel réservoir
de minerais
L’Australie dispose de ressources minières et énergétiques
considérables. Elle occupe la 3ème position après les États-Unis
et l’Afrique du Sud pour la production de minerais non
combustibles.
C’est le 1er exportateur au monde de charbon.
Elle se classe au 1er rang mondial pour la production de
bauxite, d’alumine, de diamant (elle possède 50% des réserves
mondiales), d’étain, de titane et de plomb.
Elle se classe au 2ème rang mondial pour l’or, le nickel,
l’uranium et le zinc ; au 4ème rang pour l’argent et le fer ; au
5ème rang pour le le cuivre et le nickel.
15
29. Comme pour les hydrocarbures, le
problème de l’investissement est majeur
La hausse des cours restera structurelle à LT : après 20 ans de
baisse constante, les entreprises minières n ont pas renouvelé leurs
investissements à un rythme suffisant. Le secteur, pris dans son
ensemble, aura des difficultés à répondre à la hausse de la demande
dès que la reprise se manifestera.
Le secteur des mines se caractérise par une forte inertie de
l investissement. Il faut prospecter, exploiter et commercialiser,
alors que les phases de développement sont longues et coûteuses.
Le délai de l effet de l investissement sur l offre effectivement
proposée est aujourd hui de 7 à 8 ans en moyenne, comparable à
celui du secteur pétrolier.
De plus, le marché est peu transparent. Certains pays (Congo,
Russie) ne garantissent pas une stabilité et des garanties politiques
suffisantes. Les cours sont très volatiles et l investissement n est
pas favorisé. Il présente des risques majeurs.
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30. Les prévisions d’évolution des cours
restent incertaines
Il existe de nombreux indicateurs sur le marché des minerais :
l’indicateur Reuters CRB et l’indice publié chaque année par le
rapport Cyclope restent les plus sérieux. Selon eux, les cours ont
augmenté de 40% en 2004, 30% en 2005. En 2006, la production
mondiale avait atteint un pallier. La demande chinoise et celle des
pays émergents étaient en forte augmentation, alors que celle des
pays de l’OCDE restait globalement constante. Cette tendance
haussière des prix s’est inversée en 2008
Pour l’ouvrage de référence « Cyclope », le monde reste dans un
cycle long de croissance des cours de 20 à 25 ans. Le risque de
rupture d’approvisionnement et/ou de pénurie momentanée sont
bien réels, même si les pays développés ont des stocks conséquents.
La logique de rareté, alliée aux caractéristiques structurelles du
marché, laisse donc prévoir une tendance haussière.
30
31. Baisse des stocks, incertitude sur les
réserves et volatilité
La réduction globale des stocks, en particuliers étatiques, ainsi
que l incertitude concernant les quantités effectivement détenues
et disponibles à très court terme entretiennent la volatilité des
cours.
Suite au scandale Lui Qibing, spéculateur chinois ayant engagé
des transactions pour des volumes supérieurs aux stocks
identifiés comme disponibles sur le marché, la flambée des cours
du cuivre en 2005 a déstabilisé l’ensemble des marchés des
minerais.
Dans cette affaire de corruption, au moment prévu des livraisons,
le cours s’envolait du fait de rumeurs de non-respect du contrat,
puis de non-respect des délais. En fait, ces rumeurs
s’enrichissaient de l’ignorance du montant réel des stocks
chinois.
Cette volatilité dissuade les investisseurs et agit directement sur
les consommateurs, les industriels, qui doivent répercuter les
variations des cours sur leurs prix ou leurs marges bénéficiaires.
31
33. Qui sont les régulateurs des marchés ?
La fixation des cours tend aujourd’hui à se normaliser. Deux
places boursières spécialisées concentrent la grande majorité
des échanges : le LMEX London Metal Exchange pour les métaux
non ferreux et la division Commodity Exchange du NYMEX NY
Metal Exchange.
Les transactions sur ces marchés s’accompagnent de l’édition
régulière d’indices permettant d’apprécier le cours global d’un
minerai, chose délicate car toutes les transactions ne
s’effectuent pas par le marché. De plus, des minerais de la
même famille extraits à des endroits et traités différemment ne
présentent pas la même qualité.
Les principaux indices sont : l’indice Reuters CRB (17 éléments
caractéristiques), le Dow Jones AIG Commodity index et l’indice
Goldman-Sachs.
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34. Comment sont fixés les cours ?
Les cours sont fixés dans la logique de l’offre et de la demande,
et en fonction des anticipations.
Il existe deux types de contrats différents : sur le marché à
court terme, ou « marché spot », les contrats sont négociés
pour une livraison rapide. Sur le marché à long terme, les
contrats sont négociables et échangeables. Ils sont réglés à la
livraison. Entre le premier contrat et la livraison, il peut se
passer des mois ou des années, tandis que le contrat transite
par de nombreux acteurs. Leur intervention se limite à une
opération papier, sans livraison, mais jouant sur le prix du
contrat. Les cotations ne sont donc pas les mêmes sur les deux
marchés de Londres et de New York.
Le fonctionnement du marché à long terme laisse une large part
à la spéculation, qui permet d équilibrer le règlement des
contrats. Mais le jeu spéculatif est accentué par deux facteurs :
les anticipations sur la tendance haussière actuelle du marché et
le fait que sur le marché des minerais, il suffit d’avancer
seulement 2 à 5% de la valeur de la transaction pour signer un
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contrat de livraison à terme.
35. Quelles sont les particularités de ces
marchés ?
Certains minerais restent à l’écart du marché, comme le
palladium, dont le prix est fixé par la compagnie russe Norilsk, et
le lithium, négocié au cas par cas.
Les analystes financiers ont remarqué que depuis l’explosion de
la bulle Internet, le marché des minerais est devenu un terrain
de jeu privilégié des spéculateurs.
Pour pallier la variation des cours entre la signature du contrat et
la livraison, date à laquelle le règlement s’effectue, il existe un
système de compensation, ou d’assurance. Cela permet de
couvrir le risque que constitue l’évolution des cours sur le
marché des livraisons à long terme.
Jusqu’à présent, peu d’acteurs se sont couverts, par ignorance
ou imprudence, et ont du faire face à des surcoûts
particulièrement importants, voire des ruptures de livraison. Ce
fut le cas pour Nissan, qui, face à la hausse du cours d’un type
d’acier particulier, a du ralentir sa production en 2004 (les aciers
spéciaux n’intègrent pas la catégorie des minerais stratégiques,
mais leur marché répond à la même logique).
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36. BHP Billiton reste numéro 1
mondial des mines malgré la
crise
BHP Billiton est la plus grande entreprise minière du monde. Elle
est considérée, avec Anglo American et Rio Tinto, comme une
entreprise minière intégrée verticalement. Elle possède des
installations minières et de traitement dans 25 pays, employant
36.000 personnes.
Elle résulte de la fusion en 2001 de l’Australienne BHP (Broken
Hill Proprietary Company) et de la Britannique Billiton. Entreprise
bicéphale, les décisions pour BHP sont prises à Melbourne, alors
que les décisions pour Billiton sont prises à Londres. En juin
2005, BHP Billiton a acquis WMC Resources pour 7,3 milliards de
dollars.
C’est le 2ème producteur mondial de cuivre, après le groupe public
chilien Codelco, et le 3ème producteur mondial de nickel derrière
le Canadien Inco et le Russe Norilsk. C’est aussi un producteur
de fer, de diamants, de charbon, de pétrole, de gaz et de bauxite.
C’est le responsable de la tentative d’OPA géante contre le
numéro deux mondial Rio Tinto.
36
39. IV. Les minerais stratégiques et
critiques : principaux enjeux pour les
20 ans à venir
39
40. Les marchés : une diversité d’acteurs ne
jouant pas tous la transparence
commerciale
Il existe trois types d’acteur sur les marchés des minerais : des
sociétés privées, multinationales pour la plupart; des acteurs
étatiques; des acteurs purement financiers jouant la
spéculation. Ces acteurs sont entremêlés et ne jouent pas tous
la transparence; ce qui entretient la volatilité des cours.
De plus, les statuts légaux sont différents dans les régions
concernées et l’État reste un acteur hégémonique dans certains
pays : le Chili tout d’abord, premier producteur mondial de
cuivre avec Codelco, société nationalisée, mais aussi la Russie,
avec Norilsk, qui fixe les cours mondiaux du palladium.
Le nombre d’acteurs est très variable selon les cas et certains
marchés se distinguent par une forte concentration. C est le cas
du manganèse, du lithium et du palladium.
La tendance actuelle est à la concentration, et parfois à la
nationalisation, comme en Russie.
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41. Les entreprises : une concentration qui
s’accentue
Elle est d’abord verticale : il s’agit alors de partenariats
stratégiques entre clients et fournisseurs. C est le cas du Chilien
Codelco qui a signé un partenariat avec le Chinois Minmetals le
24 février 2006 en vue de garantir l’approvisionnement en cuivre
de la Chine. Minmetals investit chez Codelco, avec pour objectif
d’augmenter la production de 52% en six ans.
Elle est aussi horizontale : il s’agit alors principalement
d’opérations de fusion/acquisition qui permettent des
augmentations de capital significatives et relancent les
possibilités d’investissement.
Dans certains cas, les acteurs (et particulièrement l’État)
entretiennent une culture du secret, notamment sur la quantité
de ressources exploitables de façon rentable, les réserves de
court terme, mais aussi la répartition de leur capital. De plus,
certains contrats de long terme ont des clauses secrètes sur le
cours pratiqué lors de la transaction.
Le jeu de certains États peu transparents et souhaitant conserver
ou acquérir la mainmise sur leur ressources minérales est un
frein réel à la rationalisation du marché.
41
42. Le cas spécifique des terres rares ?
Les terres rares sont un groupe de métaux aux propriétés voisines
comprenant le scandium21Sc, l'yttrium39Y et les quinze lanthanides. Ces
métaux sont assez répandus dans l'écorce terrestre. Leur nom vient du fait
qu’on les a découverts au début du 19ème siècle avec d’autres minerais;
d’où le nom de « terres » : terres rares signifie en fait « minerais rares ».
42
48. La conquête des terres rares est lancée à
travers le monde
48
49. En 1992, Deng Xiaoping aurait déclaré : « le Moyen Orient a le pétrole et
nous avons les terres rares ».
Existe-t-il une politique chinoise de
restriction de l’offre des « terres rares » ?
o La production mondiale est minuscule : environ 125.000 tonnes
par an. C’est aujourd’hui suffisant pour répondre aux nouveaux
besoins des industries de pointe, dites vertes. 96% est
o 10 à 15 kilos de terres rares sont indispensables à la
fabrication du moteur et de la batterie électrique de la Prius, la
voiture hybride de Toyota.
o Il n y a pas d’ampoules à basse consommation sans terbium
(800.000 dollars la tonne). Si tous les pays remplacent toutes
les ampoules au tungstène par des modèles de basse
consommation, la demande en terbium va exploser.
o Le néodyme sert à fabriquer des aimants surpuissants. Les
éoliennes utilisent également des aimants au néodyme et
seraient sans doute moins efficaces si on devait les remplacer
par leurs équivalent en ferrite.
49
50. Une politique chinoise des terres rares
o Les autorités chinoises ont restreint les quotas d exportation
pour ne pas léser leurs industries et de suspendre les
exportations des terres rares parmi les plus recherchées.
o Le dernier projet chinois de réglementation, le Rare Earths
Industry Development Plan 2009-2015, prévoit d'interdire
l'exportation du terbium, du dysprosium, de l'yttrium, du
thulium, et du lutetium.
o Les autres terres rares seraient soumises à un quota
d'exportation de 35.000 tonnes par an.
o La Chine cherche aussi à attirer des industriels employant les
terres rares pour exporter des produits finis à forte valeur
ajoutée. Le Japon a donc signé à l’été 2009 un accord avec le
Kazakhstan pour exploiter ses gisements de terres rares.
50
52. La querelle devant l’OMC s’est engagée
en 2011
o En juillet 2011, un panel de l’Organisation mondiale du
commerce a jugé que les restrictions à l’exportation de matières
premières instituées par la Chine étaient contraires au droit du
commerce international, à la suite de plaintes déposées par des
chefs d’entreprise américains et mexicains.
o La Chine avait cependant 60 jours pour faire appel de sa
condamnation. En septembre 2011, la Chine a donc fait appel.
Elle estimait que sa politique concernant les terres rares visait
d’abord à préserver son environnement.
o Le 31 janvier 2012, la Chine a perdu son appel devant
l’Organisation mondiale du commerce sur les restrictions à
l’exportation qu’elle impose sur les matières premières. La
Chine avait annoncé le 17 février 2012 qu’elle procéderait à une
évaluation sérieuse du verdict de l’OMC : elle poursuivra la
gestion scientifique de ses ressources naturelles avec le respect
habituel vis-à-vis des règles de l'OMC et des engagements pris
lors de son adhésion.
52
53. Cette querelle devant l’OMC va se
poursuivre jusqu’en septembre 2014
o Le 13 mars 2012, les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon
ont déposé une plainte devant l’Organisation mondiale du
commerce (OMC) du fait des limitations imposées par la Chine à
l’exportation de 17 métaux indispensables à la fabrication des
produits de haute technologie, communément appelés « terres
rares ».
o Les termes utilisés par les Européens et les Américains pour ce
dépôt de plainte sont extrêmement offensifs et dénotent que ce
sujet est d’une importance majeure pour les plaignants. Ainsi, le
Secrétaire américain au Commerce Ron Kirk, dans un
communiqué en date du 13 mars 2012, estime que « la Chine
restreint de plus en plus ses exportations ; ce qui provoque des
distorsions massives et des interruptions dommageables de la chaîne
d’approvisionnement de ces matériaux sur le marché mondial ».
o L’affaire devrait être terminée au plus tard devant l’OMC en mai
ou juin 2013 et la Chine aura jusqu’à septembre 2014 pour se
mettre en conformité, uniquement si l’OMC donne raison aux
plaignants. 53
54. Les principaux risques globaux
Le critère principal pour déterminer le caractère stratégique
d’un minerai est donc de déterminer son propre niveau de
dépendance et la concentration géographique des zones de
production.
Pour la France, la dépendance à l’importation est de 100%
pour tous les minerais, sauf le nickel, le cobalt et l’or.
Pour la provenance, certains minerais sont très concentrés
géographiquement. La concentration géographique associée
aux problèmes structurels évoqués peut favoriser l’aggravation
d’une crise et mener à une situation de pénurie.
Il existe, en outre, des risques géopolitiques. C’est le cas par
exemple au Congo où l’instabilité chronique ne peut
qu’accentuer la faiblesse de investissement et où la logique
d’accaparement reste prégnante.
54
55. Le risque lié aux énergies « vertes »
o Un argument régulièrement entendu consiste à dire que les
panneaux photovoltaïques et les éoliennes sont les sources
d une énergie verte libre de dépendances géopolitiques et
d émissions polluantes.
o Rien n’est plus faux. Ces énergies renouvelables font émerger
de nouvelles dépendances et de nouvelles vulnérabilités.
o L’éolien ne peut pas se passer de néodyme, un métal de la
famille des terres rares, utilisé dans la fabrication des turbines
les plus performantes. Le néodyme est un métal gris argent du
groupe des terres rares. Il fait partie de la famille des
lanthanides. La présence de néodyme est également
nécessaire aux panneaux solaires en couche mince, plus
performants que les panneaux traditionnels à base de silice.
o Le néodyme vient à 90% de Chine.
o Réduire la dépendance française vis-à-vis du néodyme
suppose d’une part d’engager des recherches sur le recyclage
comme le fait Rhodia et d’autre part d’engager une vraie
politique d’approvisionnement.
55
56. La R&D (recherche et développement)
et les pistes de solution
On parvient à recycler 80% du platine. Le recyclage reste
délicat pour des alliages complexes et ne permet pas de faire
face à une demande mondiale en augmentation, dopée par la
croissance des pays émergents.
Les nouvelles technologies dans l’extraction permet de rendre
plus rentables de nouvelles exploitations.
Des produits de substitution existent parfois. C’est le cas pour
les matériaux composites. Ils sont légers, résistants, durable,
ininflammables et présentent des propriétés de
remplacement intéressantes, notamment pour l’aéronautique.
Leur coût est néanmoins élevé. La recherche en
nanotechnologie est également très prometteuse.
56
58. Problématique des minerais
La compétitivité industrielle doit remplir deux objectifs
principaux : produire des matériels de qualité et remplissant
leurs fonctions opérationnelles ; garantir la pérennité des
savoirs faire technologiques, dont dépend notre
indépendance industrielle.
Or cette industrie se nourrit de matières premières, et
particulièrement de minerais.
Depuis sept ans, différents indicateurs rendent compte d une
évolution à la hausse des cours des minerais. Ainsi, les cours
du cobalt et du cuivre ont été multipliés par deux.
Cette hausse générale s accompagne d une forte volatilité
des cours, et cette instabilité semble entretenue par la
nature même du marché et par la situation économique
mondiale.
58
59. La politique communautaire à l’égard
des minerais : préserver les règles de
concurrence
La politique européenne en matière de minerais stratégiques est une
politique de respect des règles de la concurrence au sein du marché
unique. Ce fut le cas pour le dossier BHP Billiton/Rio Tinto : le
groupe anglo-australien BHP Billiton a cherché à racheter son
concurrent Rio Tinto au cours de l année 2008. Le plan de rachat
portait sur 30 milliards de dollars. Les synergies attendues étaient
de 3,7 milliards de dollars par an.
Ce projet de regroupement aurait permis de créer un géant mondial
des mines. Il a fait l’objet d’objections fortes de l’autorité antitrust
de la concurrence de la Commission européenne, contrairement à
l autorité équivalente australienne. Il fallait aussi s’attendre à une
opposition des autorités d’Afrique du Sud et du Canada.
La Commission insista sur les conséquences négatives d’une telle
fusion sur le marché international du minerai de fer (principale
matière première de l’acier). Étaient aussi concernées les activités
dans l’uranium, le charbon et l’oxyde de titane. La crise a fait
échouer l’opération le 26 novembre 2008.
59
60. Le contexte communautaire : vers un plan
européen pour les approvisionnements en
ressources minérales ?
La Commission européenne a proposé le 4 novembre 2008 de
lancer une stratégie visant à assurer aux entreprises
européennes un accès aisé et équitable aux matières
premières dont elle a besoin.
La Commission souhaite établir, avec les Etats membres et
les entreprises concernées, une liste complète des
ressources minérales critiques. La commission cherche aussi
(a) à assurer des conditions non faussées d échange sur les
marchés mondiaux, (b) à établir un cadre propice à un
approvisionnement durable et (c) à renforcer l efficacité
dans l exploitation des ressources, en particulier la
promotion du recyclage.
Elle a proposé le 20 novembre 2008 une politique
européenne arctique incluant les minerais, en réaction aux
politiques de la Russie et des Etats-Unis.
60
61. Que fait l’Allemagne ?
o Le 30 janvier 2012, la fédération de l’industrie allemande, le
BDI, a créé une entreprise baptisée Alliance pour la
sécurisation des matières premières.
o Les fondateurs sont douze grandes entreprises allemandes,
parmi lesquelles BASF, Bayer, Wacker Chemie (chimie),
BMW, Daimler (automobiles), ThyssenKrupp, Stahl-Holding-
Saar (sidérurgie) ou encore Bosch.
o Sa tâche est de repérer en amont les projets d’exploration à
l’étude dans le monde, d’y participer, d’évaluer les gisements
et éventuellement d’offrir aux entreprises membres des
participations à leur exploitation.
o Les entreprises allemandes engagées veulent s’assurer un
approvisionnement suffisant en matières premières et
notamment en terres rares.
o Cette initiative est une priorité du gouvernement allemand.
61
62. Que fait la France ?
La France est dans une situation de quasi dépendance
intégrale. Elle subit les variations des cours et reste soumise
aux risques de marché, d’où par exemple des conséquences
négatives de prix sur Airbus. En 1996, à l’instar de nombreux
pays occidentaux, la France a décidé de solder son stock
stratégique de minerais. Cette décision s’inscrit dans la
logique industrielle des flux tendus.
Le ministère de l’industrie a lancé une politique de veille
stratégique pour pallier les risques liés au marché des
minerais.
Les entreprises françaises risquent d’être confrontées à des
ruptures d’approvisionnement.
62
63. Un dispositif français d’intelligence
stratégique en matière de minerais ?
Son industrie, et plus particulièrement le secteur de
l armement, pourrait être affectée et gravement handicapée
par la hausse des cours des minerais qui semble s installer
dans un cycle long, sur un marché peu transparent et qui
présente des caractéristiques propres.
Il est indispensable que les acteurs industriels et les
responsables politiques prennent conscience de cet enjeu.
Des institutions gouvernementales jouent un rôle
centralisateur et de diffusion de l information clef. Il faut citer
le BRGM (Bureau de la Recherche géologique et minière) et la
DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat). Le BRGM a
été mandaté en 2010 pour engager un travail sur ce sujet
particulièrement stratégique.
63
64. Un exemple industriel clef : les
transports
o Aéronautique : le Sénat français rappelait dans son rapport du 8
mars 2011 l’importance de ces minerais : « des tensions récentes
sont apparues sur les structures d avion, portant, par ordre de criticité,
sur le titane, les fibres de carbone et l aluminium … La réduction des
risques portant sur les matières stratégiques doit s organiser sur les
moyen et long termes, et se focaliser sur les moyens de transformation
adaptés aux exigences aéronautiques avec implantation sur le territoire
de l UE, sur la sécurisation des sources de matières premières hors
UE ».
o Automobiles : de plus en plus de minerais intègrent les
composants de ce secteur industriel clef pour l’avenir de
l’Europe. « Des difficultés d’approvisionnement ou un renchérissement
extrême de ces métaux se répercutent sur la compétitivité de nos
entreprises. C est pourquoi nous avons besoin d un engagement des
politiques en charge de la question, qui nous assure la disponibilité de
ces matières premières », selon Matthias Wissmann, patron de la
Fédération allemande de l automobile, la VDA (Verband der
Automobilindustrie). Le numéro un mondial de la sous-traitance
automobile, Bosch, qui emploie des terres rares pour fabriquer
des éléments de moteurs électriques, juge « vital » d en
sécuriser l’accès d ici 2020.
64
66. Points clefs
Une meilleure diversité des sources d’approvisionnement et des
changements des modes de consommation.
Un effort accru de R&D : recyclage en particulier.
Prendre en compte de possibles limitations d’accès aux ressources
naturelles dans les réflexions stratégiques.
Définir nos intérêts et moyens. Un plan français peut déboucher sur
des propositions concrètes en européen.
La constitution de stocks stratégiques est en réalité une fausse
bonne idée.
Parvenir à une meilleure maîtrise des aléas et des risques du
marché en établissant une stratégie de veille.
Instaurer des mécanismes de concertation et de communication
européens pour peser plus lourd sur le marché des minerais.
Renforcer la concertation et la négociation multilatérale et
harmoniser les législations, actuellement très disparates,
notamment concernant le développement durable, l’environnement
et l’exploitation des gisements.
66