1. Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 7
L’Andalousie, potager et verger de l’Europe
André HUMBERT
Université Nancy 2
Résumé
Alors que l’Andalousie était, dans les années 1950 et 1960, une région exemplaire du sous-
développement des mezzogiornos méditerranéens avec ses insurmontables problèmes sociaux, elle
est devenue en quelques décennies le potager d’hiver de l’Europe et un de ses vergers. Un climat
d’hiver favorable, des innovations culturales extrêmement performantes et une capacité d’accueil des
marchés de l’Europe développée ont favorisé la naissance d’un véritable front pionnier agricole au
long des littoraux. Cette réussite n’est pas sans nuages car le prix social et environnemental à payer
n’est pas négligeable et la durabilité de cette économie pourrait être mise en question aussi bien par
la montée des concurrences que par l’apparition de seuils de rentabilité. Ce dynamisme a aussi
aggravé les déséquilibres régionaux auxquels des initiatives récentes tentent de remédier dans une
certaine mesure par la revalorisation des productions d’anciens terroirs méditerranéens.
La porte de l’Europe s’est ouverte pour l’Espagne le 1 er janvier 1986. En réalité, elle ne s’est
ouverte que progressivement car certains pays – et notamment la France – ne voyaient pas d’un très
bon œil l’irruption d’un pays méditerranéen qui allait inonder les marchés européens avec des produits
meilleur marché que les leurs. Ces craintes expliquent les réticences puis les précautions prises pour
limiter le choc d’une concurrence qui était particulièrement redoutée pour les produits agricoles. Ainsi
s’explique la progressivité, imposée à l’Espagne, de la suppression des prix de références et des
droits de douane. Si l’Andalousie était peu concernée par les prix de référence pour ses produits
primeurs, elle pouvait être gênée, en revanche, par des droits de douane parfois plus lourds que ceux
qui étaient appliqués à certains pays non communautaires.
L’Espagne entretenait depuis longtemps des relations commerciales, pour ses produits
agricoles, avec les pays de l’Europe, communautaires ou non. Le développement de la culture
spécialisée des agrumes dans les plaines méditerranéennes de Valence et Murcie est largement dû
aux exportations favorisées par la révolution des transports et l’introduction du froid industriel.
L’Andalousie est entrée en scène plus tardivement que le Levant même si elle envoyait déjà, à la fin
du XIXe siècle, des raisins frais, pour Noël, vers différents pays de l’Europe du Nord-Ouest. C’est au
cours du dernier quart de siècle qu’elle a progressivement imposé ses produits sur les marchés
européens en leur proposant des légumes frais et des fruits tout au long de l’hiver. Comment ce
mezzogiorno attardé, et handicapé par des problèmes sociaux qu’il tentait de résoudre par
l’exportation des hommes, est-il devenu en quelques décennies un des plus grands fournisseurs de
nourriture végétale fraîche de l’Europe, au point d’importer à son tour des hommes pour satisfaire la
demande ?
Le potager plastifié de l’Europe
Les paysages créés par l’agriculture moderne andalouse sont parfois si surprenants qu’ils ont
mobilisé les médias qui en ont amplement diffusé les images. Le plus emblématique de ces paysages
est sans aucun doute cette étendue de voiles plastiques qui tapisse plusieurs dizaines de milliers
d’hectares dans la plaine du Campo de Dalías, à l’ouest d’Alméria. Cet ensemble presque
ininterrompu de serres dissimule un « terroir » très particulier produisant chaque année des centaines
de milliers de tonnes de tomates, de cucurbitacées divers, de poivrons, etc., entre le mois de
novembre et le mois de mai. Il s’agit bien d’une agriculture de contre-saison qui est née et s’est
développée, à partir de la fin des années 1950, dans une plaine littorale qui jusque-là était considérée
comme le pire des terroirs de la région tout juste bon à fournir une médiocre récolte d’orge et à
recevoir des troupeaux transhumants en hiver. Christian Mignon a expliqué longuement grâce à quelle
révolution agronomique s’est produite la conversion (Mignon, 1980 et 1990). Avant l’introduction d’une
innovation qui allait faire la fortune de la plaine – et de tout un chapelet d’autres au long du littoral –
une initiative de l’Institut National de Colonisation (INC) a été décisive. Cet organisme officiel créé par
le régime franquiste avait la mission de mettre en place une réforme agraire fondée sur l’installation de
petits paysans sur des espaces colonisés grâce à l’irrigation. Des prospections hydrologiques ont
montré la richesse des aquifères qui dormaient sous la dalle calcaire de la plaine et des puits ont été
forés pour alimenter une forme classique d’agriculture méditerranéenne. Les résultats ont été
extrêmement décevants. C’est alors qu’a été mise en œuvre une technique de culture inventée
1
2. fortuitement quelque part sur le littoral andalou qui consiste à créer un sol totalement artificiel
composé d’une couche de fumier d’une dizaine de centimètres recouverte de sable que l’on trouve en
abondance tout au long de la côte. Ce sol irrigué – bien évidemment – a des vertus filtrantes pour le
sel souvent présent, calorifiques (grâce au sable) et nutritives grâce au fumier qui, de surcroît, restitue
durant la nuit, la chaleur transmise le jour par le sable. Ce procédé, l’enarenado ou culture sur sable,
permet une récolte avancée d’au moins 15 jours à trois semaines par rapport à l’agriculture classique
de plein champ. En dépit de la douceur du climat, les paysans devaient néanmoins protéger leurs
cultures délicates contre les coulées d’air froid venant de la montagne ; ils le faisaient en construisant
un compartimentage de haies de roseaux coupés. Un nouveau progrès a été réalisé avec l’apparition
des serres recouvertes de film plastique (invernaderos) créant au-dessus des cultures une
atmosphère artificielle, chaude et humide, qui accuse le forçage et permet d’avancer la récolte, à
nouveau, d’une quinzaine de jours. Cet eldorado maraîcher n’est pas resté cantonné dans le Campo
de Dalías (photo 1) ; le modèle s’est diffusé vers l’est dans le Campo de Níjar et, surtout vers l’ouest
dans toutes les petites plaines qui se succèdent jusqu’à la Vega de Motril où la vague est venue buter
sur les champs de canne à sucre héritiers d’une vieille tradition culturale médiévale. Cette résistance a
fini par s’effondrer puisqu’en 2006 la dernière sucrerie a cessé sa production et la canne depuis n’est
plus récoltée. Mais les plaines de cette façade maritime de la Costa del Sol orientale sont souvent
exiguës et l’espace est venu à manquer. C’est pourquoi la paysannerie pionnière et entreprenante a
conquis les versants de la montagne où les invernaderos s’accrochent de plus en plus haut recouvrant
souvent les anciennes terrasses abandonnées autrefois occupées par la vigne et les amandiers
(photo 2).
La recherche d’espace n’explique pas seule, cependant, la présence de ces constructions
audacieuses et coûteuses ; en effet, les champs artificiels inclinés face au sud reçoivent les rayons du
soleil d’hiver sous un angle presque droit (plus favorable que les surfaces horizontales) et la récolte en
est encore avancée de quelques semaines. Cette course à la précocité est essentielle car les prix de
début de saison son évidemment plus intéressants et permettent un amortissement plus rapide
d’installations très coûteuses. Mais les invernaderos de la Costa del Sol produisent tout au long de
l’hiver ; d’un hiver prolongé, en fait, par deux mois d’automne et le début du printemps. Les
organismes officiels de statistiques divisent souvent l’année agricole en trois périodes pour certaines
productions comme celle des tomates, par exemple qui constituent la plus grosse part des productions
maraîchères andalouses. Voici, pour l’année 2004-2005, comment s’est répartie la production des
tomates dans la province d’Alméria et dans l’ensemble de l’Andalousie, au cours des trois périodes,
d’étendues inégales, de l’année agricole.
1/10 au 31/12 1/01 au 31/05 1/06 au 30/09 Total 2004-2005
Alméria Andalousie Alaméria Andalousie Alméria Andalousie Total Total
Alméria Andalousie
171 000 284 000 428 000 529 707 67 800 714 629 666 800 1 528 336
Source : d’après Junta de Andalucía.
On constatera que la seule province d’Alméria a produit du 1 er octobre 2004 au 31 mai 2005,
pratiquement les trois-quarts (74 %) des tomates de toute l’Andalousie. En revanche, pendant les
mois d’été, elle n’a fourni que moins de 10 % du tonnage total. Il est intéressant de mettre ces
résultats en regard d’un tableau qui présente les surfaces équipées de serres dans les différentes
provinces de la Communauté Autonome. La province d’Alméria manifeste sa suprématie puisqu’elle
possède à elle seule les deux tiers des surfaces équipées andalouses ; si on y ajoute les serres de la
province de Grenade, c’est presque 80 % des invernaderos qui sont concentrés sur la Costa del Sol
orientale dans une Andalousie qui, par ailleurs, rassemble les deux tiers des surfaces couvertes de
serres en l’Espagne.
Tableau 1 – Surfaces de serres (invernaderos) de l’horticulture andalouse en 2008.
Provinces Surfaces (ha)
Almeria 29 587
Cadix 1 270
Cordoue 91
Grenade 5 220
Huelva 6 570
Jaen 125
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Malaga 1 288
Séville 287
Andalousie 44 445*
Espagne 65 989*
*Certaines sources statistiques utilisent le mot « protégé » au lieu de « serre ». Il est probable que les
deux termes ne recouvrent pas la même réalité : le premier a un sens plus large que le second. En
2006, l’Andalousie possédait 57 379 ha de cultures maraîchères (hortalizas)
« protégées » et l’Espagne tout entière 76 933.
(Anuario Estadística Agroalimentaria, Hortalizas, 2006).
Si les tomates sont le produit phare d’un maraîchage forcé de la Costa del Sol orientale, bien
d’autres légumes sont également produits comme les haricots verts en automne mais aussi les
poivrons et les concombres au cours de la deuxième période de l’hiver.
Alors que le front pionnier de l’agriculture de contre-saison s’épanouissait dans la partie
orientale de l’Andalousie méditerranéenne, un autre front naissait à l’autre extrémité de la région, à la
fin des années 1970, dans les plaines qui bordent les grands marécages atlantiques de la province de
Huelva. La technique de culture est assez semblable à celle du Campo de Dalías avec une
artificialisation très prononcée du sol même si ici, souvent, le sable des plages quaternaires constitue
le support primitif et la matière première in situ. L’originalité de ce nouveau front pionnier est qu’il est
beaucoup plus exclusivement consacré à une culture, celle de la fraise qui dans beaucoup de
secteurs est une monoculture. Le forçage est de mise aussi sur un sol artificiel façonné en cavaillons,
irrigués au goutte à goutte, garnis d’un paillage plastique noir et surmontés d’un abri de plastique clair
en forme de tunnel bas. Les surfaces couvertes au début des années 1980 sont encore modestes
(750 ha) mais elles ont augmenté rapidement au cours de la décennie des années 1980 (Fourneau,
1990) pour se stabiliser à un peu moins de 7 000 ha au cours des années 1990 et même refluer
légèrement au cours des dernières années. Si l’initiative de la culture de « l’or rouge », dans sa forme
moderne et intensive revient à un grand propriétaire éclairé qui possédait des terres marécageuses et
des forêts à l’ouest de Huelva, les progrès de la culture sont surtout le fait de paysans petits ou
moyens possédant des surfaces de l’ordre de 2 ha même si la taille moyenne a eu tendance à
augmenter au fil du temps.
La culture de la fraise est vraiment devenue une spécialité de la province de Huelva, pour ne pas dire
une exclusivité en en faisant un bassin de production exemplaire. En 2008, sur les 6 473 ha de
fraisiers recensés en Andalousie, 6 280 étaient dans la province onubense ! Et l’Andalousie possédait
96 % des surfaces de toute l’Espagne (photos 3, 4 et 5) !
Si l’on considère toutes les productions maraîchères, en y incluant statistiquement les fraises,
l’Andalousie arrive très largement en tête de toutes les communautés autonomes avec 135 000 ha sur
les 395 000 que compte le pays (34 %). Les deux communautés suivantes (Murcie et Castille-La
Manche) sont très loin derrière avec quelque 48 000 ha (2006).
Les progrès de l’arboriculture fruitière
L’Andalousie n’est pas seulement un potager elle est aussi un verger. Elle possède même le
plus grand verger du monde si l’on considère que les quelque 1,4 millions d’hectares d’oliveraies sont
des vergers. Il serait plus raisonnable de considérer cette culture ligneuse comme une culture
industrielle puisque l’essentiel de sa production est consommée après transformation en huile. Il faut
néanmoins retenir que l’huile d’olive arrive en tête de la valeur des exportations agroalimentaires de
l’Andalousie avec environ 1 milliard d’€, loin devant les tomates d’Almeria (4 à 500 millions). Nous
devons, de toute façon considérer que l’oliveraie livre une partie de sa production pour une
consommation sous forme de fruits dont les Européens sont devenus friands. Si les surfaces dédiées
à cette production ne sont pas considérables (environ 100 000 ha), les olives préparées de différentes
façons sont au troisième rang pour la valeur des exportations (350 à 400 millions d’€) (photo 6).
L’Andalousie n’a jamais eu la réputation d’être une grande région de production d’agrumes même si
leur culture y est très ancienne et y a donné naissance à des paysages originaux, notamment dans les
montagnes Bétiques autour du massif de la Sierra Nevada, et de beaux vergers occupaient, il y a 30
ou 40 ans déjà, les terroirs alluviaux irrigués du Guadalquivir. En moins de dix ans, les progrès ont été
spectaculaires : les surfaces totales de la Communauté Autonome ont presque doublé grâce au
nouveau dynamisme des trois provinces des plaines inférieures et moyennes du Guadalquivir (Séville,
Huelva et Cordoue) (photos 7 et 8). Certes, l’Andalousie est loin derrière la Communauté Valencienne
3
4. qui possède pratiquement la moitié des surfaces d’agrumes du pays mais elle arrive désormais bien
avant Murcie. Cette expansion remarquable de la culture des agrumes ne s’est pas traduite, pour
l’instant, dans un progrès parallèle sur les marchés extérieurs : la part de l’Andalousie, en 2008, n’est
encore que de 12 % de la valeur exportée par l’Espagne. Cette modestie relative s’explique sans
doute par l’enracinement beaucoup plus ancien des grands expéditeurs levantins.
Tableau 2 – Surfaces des différentes catégories d’agrumes dans les principales régions productrices
espagnoles, en 2008, et évolution globale au cours de la dernière décennie.
Provinces/Commu oranges mandarine citrons pample. Total agrumes Surf. en
nautés s 1999
Autonomes
Alicante 15 849 6 628 10 349 22 836
Castellón 6 156 35 779 11 -- 41 946
Valence 60 868 52 061 32 251 113 212
C.A. Valence 82 873 95 368 53 600 177 994 180 000
C.A. Murcie 14 184 4 068 26 406 435 45 093 34 500
Almeria 5 313 1 371 2 443 141 9 268 7 000
Cadix 1 610 276 41 -- 1 927 1 900
Cordoue 10 018 838 -- 118 10 974 3 200
Grenade 1 811 -- 120 -- 1 931 900
Huelva 13 415 5 996 84 -- 19 495 10 500
Malaga 4 416 500 3 209 47 8 172 11 800
Séville 29 129 1 999 83 92 31 303 14 100
Andalousie 65 712 10 980 5 980 398 83 070 49 000
Espagne 166 671 120 695 43 233 1 432 332 031 276 000
Source : Anuario de Estadística Agroalimentaria (MARM)
Si les agrumes trouvent des conditions climatiques tout à fait favorables dans la partie
occidentale de la dépression du Guadalquivir, les petites plaines bien abritées de la Costa del sol
occidentale, dans les provinces de Grenade et Malaga, accueillent des arbres fruitiers qui requièrent
un environnement subtropical. Le cortège est limité et, surtout, les surfaces cultivées ne sont pas
considérables. Le plus important est incontestablement l’avocatier qui couvre environ 9 000 ha ; les
surfaces les plus étendues sont dans la province de Malaga (6 000 ha) ; la production totale de fruits
est d’environ 70 000 tonnes dont 70 % sont destinés à l’exportation. D’autres fruits n’ont encore
qu’une présence discrète sur les marchés européens parce que les superficies cultivées sont
réduites ; c’est le cas des nèfles du Japon dont les vergers ne couvrent que 1 100 ha, principalement
dans la province de Granada ; c’est aussi le cas de la chirimoya produit par le chirimoyo (Anona
Cherimolia) dont les gros fruits verts à facettes apparaissent parfois sur nos marchés au moment de
Noël sous le nom d’anone. Les vergers de chirimoyos sont strictement cantonnés dans les vallées les
mieux abritées, comme celle du río Verde, sur la côte grenadine (photos 9 et 10a, 10b). Depuis de
nombreuses années maintenant, les surfaces stagnent à un peu plus de 3 000 ha. Les producteurs
reconnaissent d’ailleurs qu’ils ont du mal à faire adopter leurs fruits hors des marchés espagnols car
ils supportent très mal les voyages et leur prix est élevé (Humbert, 2007).
Toute cette agriculture fruitière andalouse, si elle n’a pas atteint le degré d’artificialisation qui
est celle des légumes de contre-saison, est néanmoins très intensive et fait appel à des engagements
financiers risqués, à des techniques culturales sophistiquées et à une main-d’œuvre abondante à
certaines périodes du cycle agricole.
Les ombres au tableau d’une agriculture pionnière et intensive
L’agriculture moderne andalouse, et surtout l’agriculture de contre-saison qui a su mettre au
point les techniques de forçage lui ouvrant la voie des marchés d’hiver, a métamorphosé des
campagnes longtemps considérées comme sous-développées ; incapables de vivre sur des terroirs
trop exigus ou trop médiocres, les paysans avaient quitté en masse les campagnes dans les années
1950 et 1960. Le développement des fronts pionniers a absorbé les dernières réserves humaines des
montagnes mais la nouvelle agriculture a d’énormes besoins en main-d’œuvre pour la construction
des terroirs, pour la mise en place des semis ou des plantations, pour les récoltes surtout qui, la
plupart du temps, ne peuvent être mécanisées. Longtemps émettrice de flux, l’Andalousie est devenue
5. Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 7
réceptrice. Puisant d’abord dans le réservoir proche du Maghreb elle a accueilli des immigrés
marocains ou algériens de façon plus ou moins occulte et dans des conditions qui ont provoqué des
tensions sociales parfois graves comme celles qui ont dégénéré en véritable émeute, contre les
immigrés marocains, dans le Campo de Dalías, en février 2000. Les conflits peuvent paraître moins
aigus avec de nouveaux immigrés culturellement plus proches des populations espagnoles comme le
sont les Latino-américains, notamment les Équatoriens. Les nouveaux flux venus des anciens pays de
l’Est (Pologne, Roumanie) sont venus diversifier les sources alimentant une masse de main-d’œuvre
dont la composition varie au gré des circonstances et de la législation sur l’admission des travailleurs
étrangers. Le caractère saisonnier du travail agricole, même si la « saison » est assez longue
complique la gestion et le contrôle des travailleurs immigrés. Livrés à eux-mêmes à la fin de la
campagne, ils peuvent disparaître dans la nature et devenir des résidents illégaux. La politique des
quotas menée au cours des années 1990 n’a pas permis de résoudre ce problème de façon
satisfaisante et le gouvernement espagnol a préféré, au début des années 2000, passer des accords
bilatéraux avec les pays émetteurs (Redondo Toronjo, 2008). C’est ce qui a été fait avec le Maroc, la
République dominicaine, la Colombie, l’Équateur mais aussi avec la Pologne, la Roumanie et, un peu
plus tard, avec la Bulgarie. Cette politique est censée permettre un contrôle beaucoup plus efficace
par le biais des « contrats en origine » (ibid.) qui imposent aux travailleurs temporaires un retour chez
eux à l’issue de leur contrat, retour contrôlé par l’obligation de se présenter dans un consulat espagnol
de leur pays. Le système est idéal pour l’agriculture, comme pour le tourisme saisonnier d’ailleurs, et il
connaît un réel succès notamment dans l’aire de production des fraises de Huelva. Entre 2002
et 2007, le nombre de contrats en origine signés a fortement augmenté avec une montée en
puissance des pays de l’Est mais aussi une reprise évidente du Maroc (Tab. 3). Les demandes
formulées par les agriculteurs pour la campagne 2007-2008 confirmaient la poussée, avec presque
38 000 demandes ; mais la liste des pays concernés souligne bien la variabilité des préférences des
employeurs pour les différentes origines possibles : les Polonais jugés trop revendicatifs semblent
avoir disparu, la Roumanie se maintient assez bien, la Bulgarie continue à progresser, les pays
d’Amérique Latine ne représentent presque plus rien mais en revanche, le Maroc revient en force et
de nouvelles origines comme le Sénégal et l’Ukraine entrent en scène (ibid.).
Tableau 3 – Nombre de contrats en origine signés de 2002 à 2007 par les producteurs de Huelva
années Pologne Roumanie Maroc Bulgarie Totaux
étrangers
2002 4 954 970 336 -- 6 409
2003 7 725 4 178 15 -- 12 000
2004 5 488 9 030 359 393 21 000
2005 7 361 13 181 294 604 21 595
2006 9 796 19 153 2 330 941 32 154
2007 -- 20 710 5 277 3 021 29 044
Source : d’après Redondo Toronjo, 2008
Une autre des caractéristiques des contrats en origine signés pour la région de Huelva est la
préférence portée sur les femmes que l’on considère plus habiles pour le travail délicat de la cueillette,
plus dociles, moins revendicatives et surtout dont on est plus sûr qu’elles retourneront dans leur pays
à l’issue de la campagne (Hellio, 2008). Des conditions spéciales sont imposées pour les contrats
engageant des femmes : elles doivent être mariées et avoir entre 20 et 40 ans, être originaires de la
campagne et avoir des liens familiaux nécessitant un retour au pays. Ces contrats sont aussi censés
améliorer les conditions de travail de la main-d’œuvre temporaire et sa protection sociale (salaire,
horaire garanti, minimum du nombre de jour d’emploi dans le mois…). En réalité ces contrats ne
peuvent résoudre tous les problèmes liés au caractère spéculatif de cette agriculture très intensive.
C’est ce que s’efforcent de démontrer les enquêtes sociologiques ou les documentaires réalisés dans
les zones concernées, comme celui diffusé par France 5 (« La rançon de la fraise », 26 mai 2009) qui
aborde aussi les aspects environnementaux. Le caractère très artificiel de cette agriculture ne laisse
évidemment pas de poser le problème, non seulement de la qualité sanitaire des produits, mais aussi
de ses effets sur le milieu : pollution des nappes, déboisement systématique des forêts littorales de
Huelva, empiétement sur des zones « naturelles » protégées. Le recyclage des énormes quantités de
toiles de plastique, employées pour couvrir les serres ou pour le « paillage » des fraisiers, n’est pas
toujours réalisé selon des normes qui se sont précisées au fil du temps. Se pose aussi, évidemment,
le problème de l’eau indispensable à l’irrigation. L’État espagnol a construit un certain nombre de lacs
réservoirs dans les chaînes bétiques, ainsi qu’en Sierra Morena pour la partie occidentale, mais les
5
6. nappes souterraines sont largement sollicitées et les niveaux aquifères partout ont baissé, parfois de
façon considérable. Les procédés modernes d’irrigation permettent de réaliser des économies
substantielles mais de nouvelles sources d’approvisionnement sont activement recherchées : en
2007, Veolia annonçait sa participation à la construction d’une usine de dessalement dans le Campo
de Dalías qui devrait permettre, à partir de 2009, de produire 80 000 m3 d’eau douce par jour pour des
usages à la fois domestiques et agricoles. L’eau, l’espace, la main-d’œuvre sont autant de sources de
problèmes pour l’agriculture andalouse qui, par ailleurs doit faire face à de nouveaux concurrents et à
une modification plus contraignante de la Politique Agricole Communautaire
De vieilles productions méditerranéennes revitalisées
Dans les montagnes bétiques et dans le sillon intra-bétique, de bons « pays » ont nourri
pendant des siècles voire plusieurs millénaires des communautés paysannes qui en avaient fait des
jardins opulents grâce à l’abondance des eaux délivrées par les neiges et les résurgences. Les plus
célèbres de ces vegas sont celles des bassins de Grenade et de Guadix plus à l’est ; mais c’est aussi
le versant méridional de la Sierra Nevada, la Alpujarra, auquel les populations musulmanes se sont
accrochées jusqu’à la fin du XVIe siècle. Si la Vega de Grenade semble avoir mieux résisté, du fait de la
présence de la ville proche qui s’étale dans la plaine, les terroirs de montagne ont été désertés et
n’ont, en aucune façon, participé à la fantastique réussite agricole du littoral. La montagne avec son
étagement climatique a pourtant de réelles possibilités : elle peut produire tout un cortège de légumes
et de fruits méditerranéens, et même des fruits de climat tempéré comme les pommes, les poires ou
les cerises. Mais l’isolement, le potentiel humain affaibli par l’émigration, l’émiettement des structures
agraires l’ont marginalisée. Les quelques tentatives d’agriculture commerciale observées ont tourné
court comme celle que site Ch. Mignon, dans la Alpujarra, de la production de semences de haricots
sélectionnées (Mignon, 1981). Même les valeurs sûres d’antan comme le raisin de Ohanes, de la
Alpujarra almeriense, qui, avant la Première Guerre mondiale, rehaussait la table de réveillon de la
bourgeoisie d’Europe du Nord-Ouest, ont été incapables de se maintenir. La montagne s’est vidée,
inexorablement ; même les terroirs autrefois spécialisés comme le vignoble de Malaga se sont
rétractés abandonnant à la friche des surfaces considérables (Mignon, 1981 ; Villegas et al., 1990).
À défaut de dynamisme agricole, les régions de l’intérieur sont devenues des sanctuaires « naturels »
et des conservatoires du patrimoine lorsque l’Espagne, à son tour, a été gagnée par l’écologisme et le
tourisme patrimonial. Il n’est donc pas anormal que ce mouvement ait débouché sur la réhabilitation
des « bons produits de terroirs ». De jeunes paysans revenus à la terre ont compris le profit qu’ils
pouvaient tirer des rêves et des souhaits d’une société urbanisée espagnole, mais aussi plus
largement européenne. Des niches se sont créées pour d’anciennes productions comme celle des
figues, des amandes, des cerises aussi, et même des châtaignes en Sierra Morena ou dans la
Serranía de Ronda. Pour affirmer la qualité et même l’excellence, les groupements de producteurs,
les collectivités se sont mises en devoir d’obtenir pour leurs productions le sacre d’une labellisation :
les appellations contrôlées (Denominaciones de Origen) se sont multipliées, maintenant relayées par
les DOP (Denominacioces de Origen Protegidas) et les IGP (Indicaciones Geográficas Protegidas).
Même des légumes ont obtenu des appellations comme les asperges produites dans la Vega de
Grenade dans une aire très limitée dont la réputation est fondée sur l’exploitation d’un cultivar issu
d’une asperge sauvage récoltée traditionnellement dans la région (espárago triguero) (Humbert, 1992
et 2007).
Les productions de toutes ces niches culturales n’alimentent que fort modestement les
marchés extérieurs, mais il suffit de se promener sur Internet pour constater que les producteurs
savent utiliser ce moyen de communication pour vendre au loin leurs produits, rendant par là même
bien difficile l’estimation de flux certes faibles. Parmi ces productions de montagne il y en a une,
cependant, bien plus significative en surface et en volumes produits que les autres. Il s’agit des
amandes. Leur culture est ubiquiste en Méditerranée et son développement dans les années 1970,
dans les montagnes andalouses était, de façon paradoxale, le signe évident de la déprise agraire : les
terres de versants laissées sans bras étaient plantées de cet arbre qui n’exige pratiquement aucun
soin ou seulement quelques façons culturales mécanisées. C’est cet entretien négligé qui, aujourd’hui,
sert d’argument pour écouler des fruits issus d’une « culture écologique ». L’Andalousie possède
environ 30 % des quelque 600 000 ha d’amandaies espagnoles. La commercialisation s’est organisée
par le biais de coopératives qui recherchent des débouchés à l’extérieur du pays. Une des plus
importantes, Almendra del Sur, qui regroupe environ 4 200 producteurs, exportait, au milieu des
années 2000, 70 % de sa collecte vers l’Europe Centrale et l’Europe de l’Est mais aussi en Amérique
et dans les pays arabes (Humbert, 2007) (photo 11). L’horizon, cependant, s’est assombri : les
producteurs se plaignent d’une concurrence féroce de la Californie qui contrôle déjà plus de 80 % du
7. Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 7
marché mondial ; la réorientation de la PAC risque aussi d’être moins avantageuse même si la culture
extensive des amandiers correspond davantage que certaines cultures intensives à l’objectif de
durabilité et de respect de l’environnement qui est maintenant affiché.
La revitalisation de la montagne par ces diverses « cultures refuges », ces « produits de
terroir », cette « authenticité » retrouvée ne saurait cependant servir de contrepoids très efficace à la
concentration des activités du littoral. Ces niches culturales encouragées et soutenues bénéficient
certes de l’élargissement d’un marché favorisé par les moyens modernes de communication mais les
volumes écoulés et les effectifs humains concernés demeurent bien modestes. Leur pérennité,
tributaire non seulement des aléas climatiques de la montagne mais surtout de ceux des marchés
internationaux ainsi que de la politique communautaire, n’est pas assurée. Les producteurs de cette
agriculture de montagne rénovée ont bien conscience de cette fragilité et, autant qu’ils le peuvent, ils
diversifient leurs productions afin d’amortir la versatilité du marché. Dans le massif de la Contraviesa
qui domine la côte « plastifiée » de Grenade, à l’est de Motril, les exploitations présentent le plus
souvent une mixité de cultures ligneuses associant notamment de la vigne qui produit un « vin de
pays » (vino de la tierra) bénéficiant d’une IGP depuis 1992, des amandiers installés sur les pentes et
des parcelles de figuiers plantés régulièrement et conduits de façon rationnelle. Ces exploitations
forment maintenant des îlots de campagne soignée au milieu de vastes étendues de croupes
montagneuses encore dominées par les friches de l’ancienne agriculture méditerranéenne.
Tableau 4 – Poids et valeur de légumes et de fruits produits en Andalousie et exportés, en 2008.
Produits Poids (mt) Valeur (M€) % valeur Andal./Esp.
tomates 533 491 58
concombres 374 304 82
melons 112 81 33
aubergines 85 74 81
olives de table 218 423 75
fraises 190 331 84
agrumes 151 92 12
avocats 49 85 87
framboises 12 79 91
Source : Instituto de Comercio Exterior (ICEX)
NB : ces résultats sont extraits de la liste des 21 premiers produits agricoles exportés par la
Communauté Autonome d’Andalousie classés en fonction de leur valeur. Certaines productions
exportées n’apparaissent pas ici en raison de la faiblesse relative des surfaces consacrées
(chirimoyas), de la faiblesse de la diffusion extérieure et/ou des volumes produits (amandes).
Conclusion
Un enchaînement de facteurs favorables a permis à l’Andalousie d’émerger d’un sous-
développement qui avait fait fuir les hommes de ses montagnes et même de ses plaines. L’invention
d’une nouvelle forme d’agriculture fondée sur le forçage associé à des avantages climatiques évidents
est survenue au bon moment. Cette agriculture souvent artificielle et toujours intensive a pu proposer
à l’Europe développée des produits frais tout au long de l’hiver et s’installer en maître sur les marchés
une fois l’Espagne admise dans la Communauté.
Mais dans la conquête des marchés, aucune suprématie n’est définitivement acquise ; les
coûts de production augmentent et la demande se tasse alors même que les concurrents se font plus
pressants. Les nouveaux agriculteurs, artisans du succès des dernières décennies, ont fait preuve
d’un esprit pionnier qui les rend aptes, cependant, à toutes sortes d’adaptations : recherche de
nouveaux créneaux culturaux, utilisation des moyens modernes de l’information et de la
communication, mise à profit des aides encore offertes par la PAC, etc. Mais beaucoup d’indices
laissent présager des lendemains plutôt difficiles. L’Andalousie a cependant l’avantage d’être
solidement installée sur les marchés européens et les difficultés qu’elle rencontre ne sont pas non
plus épargnées à ses concurrents.
7
8. Bibliographie
De Los Llanos Carlos et col., 1990, L’Andalousie Dans l’Europe. L’essor du secteur fruitier et
maraîcher, Madrid, Publications de la Casa de Velázquez, Série Recherches en sciences sociales, X,
178 p.
Fourneau Francis, 1990, La basse Andalousie littorale. Un nouveau Sud agricole pour l’Europe ?,
dans F. Fourneau, A. Humbert et M. Valenzuela, Géographie d’une Espagne en mutation.
Prospections aériennes II, c IX, p. 115-137.
Hellio Emmanuelle, 2008, Importer des femmes pour exporter des fraises, Études Rurales, n° 182,
p. 185-199.
Humbert André, 1992, Oléiculture et nouvelles cultures fruitières dans les Chaînes Subbétiques de
Jaén, dans J.-P. Diry (éd.), Des régions paysannes aux espaces fragiles. Actes du colloque
international en hommage au Professeur A. Fel, Clermont-Ferrand, ceramac, p. 493-5002.
Humbert André, 1997, L’Espagne, 2e édition, Paris, Nathan, Géographie d’aujourd’hui, 192 p.
Humbert André, 2007, Terroirs patrimoniaux andalous : une cohabitation possible avec l’agriculture de
contre-saison ?, Méditerranée, n° 109, p. 85-91.
Mignon Christian, 1981, Campagnes et paysans de l’Andalousie méditerranéenne, Clermont-Ferrand,
Université de Clermont-Ferrand 2.
Mendez Ricardo, 2006, Géographie de l’Espagne, Paris, L’Harmattan
Mignon Christian, 1990, « Une autre Costa del Sol. L’invention de nouvelles huertas en Andalousie
orientale », dans F. Fourneau, A. Humbert et M. Valenzuela, Géographie d’une Espagne en mutation.
Prospections aériennes II, Madrid, Publications de la Casa de Velázquez, Série Recherches en
sciences sociales, IX, p. 73-93.
Redondo Toronjo Dolores, 2008, Les « contrats en origine » dans la production intensive des fraises
de Huelva, Études Rurales, n° 182, p. 169-183.
Villegas Molina Francisco, Ortega Alba Francisco et Miguel Ángel Sánchez del Arbol, 1990, Le
secteur meridional de la Haute Andalousie. Déprise agricole et autres changements visibles, dans
F. Fourneau, A. Humbert et M. Valenzuela, Géographie d’une Espagne en mutation. Prospections
aériennes II, Madrid, Publications de la Casa de Velázquez, Série Recherches en sciences sociales,
IX, p. 95-114.
Commentaires des documents.
Photo 1 – Le Campo de Dalías et la station touristique d’Almerimar (Cl. A. Humbert, juin 2008).
9. Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 7
Prise vers l’est, cette vue, montre le Campo dans toute la splendeur de son habit de plastique. Peu
d’espaces restent encore vierges de serres, si ce ne sont de petites aires en cours de rénovation. Le
cliché montre aussi comment l’espace littoral est disputé entre deux activités qui peuvent entrer en
concurrence non seulement pour la place mais aussi pour l’eau et la main-d’œuvre. La Costa del Sol
orientale est restée longtemps en marge de l’invasion touristique connue par la Côte de Malaga. Un
nouveau concept touristique plus élitiste que le tourisme de masse de beaucoup de côtes espagnoles
a commencé à être appliqué ici avec la station d’Almerimar qui a démarré lentement dans les années
1980. Les activités concurrentes sont au contact l’une de l’autre (voir aussi la photo 3) et l’on peut
constater que les serres sont descendues jusque dans la dépression littorale, en contrebas d’une
falaise que l’on discerne assez bien, jusqu’à la rocade routière qui enveloppe le complexe touristique.
Ce dernier a conquis les anciennes zones humides et saunières dont on aperçoit les vestiges au fond,
à droite.
Photo 2 – Les serres à la conquête des versants de la Sierra de la Contraviesa entre Motril et
Alméria. (Cl. A. Humbert, juin 2008).
Les plaines littorales, le plus souvent exiguës, sont totalement conquises depuis longtemps. Les
invernaderos ont donc dû être installés sur les versants à un coût supérieur mais avec un avantage
appréciable pour ce qui est de l’ensoleillement. Ces serres de versant réoccupent souvent des terroirs
en terrasses de la vieille agriculture méditerranéenne pluviale. L’adaptation aux anciennes structures
n’est pas parfaite mais elle explique cependant la variété de forme et de taille des abris de plastique.
Photo 3 – Contact de la fraisiculture et de la pétrochimie près de Huelva (Cl. A. Humbert,
octobre 2007).
À l’embouchure du río Odiel, à l’aval de Huelva (au fond, à droite), l’espace littoral est partagé entre
les installations du complexe pétrochimique de Mazagón et les champs de fraisiers qui viennent au
contact de ce dernier. La conquête des fraisiers, plus récente, s’est faite sur la plaine couverte de
sables marins, au détriment d’une forêt de pins et d’eucalyptus dont les vestiges sont encore visibles
sur le cordon dunaire, en bas à gauche. Le « paillage » de plastique noir couvre le « terroir » de façon
9
10. ininterrompue mais la protection par les mini-tunnels (voir photo 4) n’est pas encore en place en ce
début du cycle agricole. Le semis des constructions donne une idée de la taille des structures agraires
de production : sauf exception les exploitations ne dépassent pas quelques hectares. Le front pionnier
est parti de cette zone pour progresser vers l’est en ouvrant de larges clairières dans le massif
forestier.
Photo 4 – Le front de la fraisiculture dans les forêts littorales, à l’est de Huelva (Cl. A. Humbert,
octobre 2007).
L’essentiel de la conquête de la fraisiculture s’est fait aux dépens d’un vaste massif forestier assez
semblable à celui de nos Landes de Gascogne mais composé ici à la fois de pinèdes et de bois
d’eucalyptus. Ce front pionnier que l’on observe à quelques dizaines de kilomètres à l’est de Huelva
n’a laissé subsister que quelques lambeaux forestiers. On reconnaît bien tous les éléments de cette
agriculture forcée de contre-saison : le paillage plastique noir, les mini-tunnels protecteurs sur arceaux
(voir photo 5), les réservoirs d’eau d’irrigation et les constructions "techniques" des différentes
exploitations.
Photo 5 – Champ de fraisiers dans la région de Lepe, à l’ouest de Huelva (Cl. C. Renard,
mars 2009).
Les champs de fraisiers sont des constructions très artificielles dans lequel le support pédologique est
surtout destiné à recevoir les nutriments en partie apportés avec l’eau d’irrigation. Le paillage
plastique simplifie les travaux d’entretien et assure la qualité sanitaire de produits délicats. Les mini-
tunnels à arceaux métalliques permettent de réagir de façon souple aux variations climatiques locale
et, en particulier de protéger les fraises contre les gelées matinales toujours possibles. Ces structures
légères sont aussi moins coûteuses que les grandes serres que les producteurs plus puissants ou
enrichis construisent aussi parfois.
11. Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 7
Photo 6 – Grande exploitation oléicole (cortijo) dans la campiña de Jaén (Cl. A. Humbert,
juin 2008).
Sur les croupes marno-calcaires de la dépression amont du Guadalquivir, l’oléiculture occupe
aujourd’hui l’essentiel des terroirs. Les espaces encore occupés naguère par des cultures annuelles
(céréales, tournesol) ont été investis par de nouvelles plantations d’oliviers avec la bénédiction de la
PAC. On peut observer ces progrès, ici, autour d’un cortijo de la province de Jaén où quelques
grandes pièces de terre ont été récemment conquises.
Photo 7 – Hacienda d’agrumes de la vallée du Guadalquivir, près de Carmona (province de
Séville). (Cl. A. Humbert, octobre 2007).
Même si l’Andalousie arrive loin derrière le Levant pour la production des agrumes, ses progrès ont
été spectaculaires au cours de la dernière décennie. La basse vallée du Guadalquivir a confirmé une
vocation ancienne et les grandes exploitations se sont multipliées sur les terroirs alluviaux de la vallée,
comme cette hacienda, proche de Carmona, entourée de ces vergers d’orangers irriguée par les eaux
pompées dans le réservoir visible sur la gauche du cliché.
11
12. Photo 8 – Exploitation d’agrumes près de la Redondela, province de Huelva (Cl. A. Humbert,
octobre 2007).
C’est dans la partie occidentale de l’Andalousie que les progrès de la culture des agrumes a été le
plus spectaculaire. Plus que les orangers, ce sont les mandariniers qui ont occupé les nouveaux
défrichements des plaines et collines occidentales de Huelva. La sophistication agricole conduit même
les agriculteurs à utiliser des pratiques culturales de protection ou de forçage assez inhabituelles dans
la culture des agrumes comme ce voilage d’un vaste verger de mandariniers sur la commune de la
Redondela.
Photo 9 – La niche culturale des chirimoyos dans la vallée du río Verde (province de Grenade)
(Cl. A. Humbert, novembre 2008).
L’expression « niche culturale » est à prendre ici dans un double sens. Il s’agit bien d’une niche dans
le sens économique en raison du caractère presque confidentiel de la culture de cet arbre fruitier
tropical ; il s’agit aussi d’une niche écologique limitée au fond de la petite vallée du río Verde. La photo
prise de la mer vers la montagne montre la nappe ininterrompue des arbres à la frondaison d’un vert
soutenu qui occupe quelques milliers d’hectares en arrière de la petite ville d’Almuñécar une des
stations balnéaires préférées des Grenadins.
13. Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 7
Photos 10 a et b – Chirimoyas d’Almuñécar. (Cl ; C. Renard, février 2007)
La chirimoya (Anona cherimolia), appelée anone sur les marchés français, est un gros fruit vert à
facettes à la pulpe sucrée et très parfumée. C’est un fruit cher au transport délicat. Il est présent sur
les marchés d’Europe surtout au moment des fêtes de fin d’année.
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Photo 11 – Terroir « patrimonial » de la Sierra Contraviesa, province de Grenade. (Cl.
C. Renard, février 2007).
À quelques kilomètres du littoral « plastifié », la montagne désertée au cours des quatre ou cinq
dernières décennies retrouve parfois une activité agricole fondée sur un retour à « l’authenticité » des
productions de terroir. Aidées par l’Europe et promues par la vertu des appellations d’origine, tout un
cortège d’anciennes productions redonne vie, modestement, à quelques terroirs de montagne. Ici, au
cœur du massif de la Contraviesa, quelques agriculteurs tentent de vivre d’une polyculture
modernisée fondée sur la production d’un « vin de pays » (vino de la tierra), d’amandes
« écologiques » et de figues.
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