Le manager dans l’urgence : entre réflexes et réflexion
1. Le cas du secours à personne dans la gestion des
Accidents Catastrophiques à Effets Limités
SAINT Anaïs, ROCHET Claude
AGOPIAN Philippe
BERTOLUCCI Marius, TIBERGHIEN Bruno
EGPA 2013 –Edimbourg
vendredi 13 septembre 2013
2. Introduction
L’Accident Catastrophique à Effets Limités (ACEL)
: une situation de gestion extrême…
… où le manager décide dans l’urgence :
En s’appuyant sur la règle, il n’en est pas moins
capable de s’en écarter pour créer un savoir pratique
contextualisé
Par quels moyens le manager dans l’urgence
enrichit-il les réflexes décisionnels par sa
réflexion personnelle ?
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4. ACEL : cadre juridique
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
L’ACEL est un évènement non prévu engageant un
nombre important de victimes sans être
comparable à la catastrophe d’envergure.
La réponse de la sécurité civile se fait suivant le plan
ORSEC qui énonce les dispositifs réglementaires
encadrant la mobilisation des services, la mise en
œuvre et la coordination de leurs actions pour une
« organisation commune de gestion
d’évènement ».
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5. Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
Directeur des
opérations de secours
(Préfet de département ou maire de
commune)
Commandant des
opérations de secours
(Directeur du SDIS ou du BMPM)
Directeur des secours
incendie
(mobilisé sur la chaîne de secours
hors chaîne médicale)
Moyens Secours
(hors médical)
Directeur des secours
médicaux
mobilisé sur les secours à personne
(médecin chef du SDIS ou du SAMU)
Moyens
médicaux
Sécurité publique
Police & gendarmerie, que l'on
considère ici comme une boîte noire
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6. ACEL : une arène pour la décision
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
La prise de décision est indissociable de son contexte
(Mintzberg, 1973) d’où notre intérêt pour la situation de
gestion
Girin, 1990 :
Des participants sont réunis (sapeurs-pompiers et autres
services de sécurité civile)
Un temps déterminé (cadre temporel marqué par le début
d’un évènement)
Une action collective (la protection et le secours à personne)
Pour un résultat soumis à un jugement externe
(responsabilité du Directeur des Opérations de Secours)
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7. Situations extrêmes, d’urgence, de
crise ?
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
L’urgence selon Jauréguiberry (2006) : un scénario aux
conséquences dramatiques ou inacceptables que seule une
action « d’une exceptionnelle rapidité » peut arrêter.
La situation extrême : un environnement potentiellement
évolutif, incertain et risqué (Lièvre, 2005) et une situation
soumise à la pression du temps (Hoc, 2001).
La situation de crise : survenue d’un évènement déclencheur…
mais dont le cadre spatio-temporel est étendu (Lagadec,
1991).
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8. La décision
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
La fin du mythe rationnel (Simon et la rationalité
limitée – 1960) mène à des modèles émergents :
La dimension politique des décisions (March, 1962 ;
March & Olsen, 1989)
Le Sensemaking de Weick (2011)
La Naturalistic Decision Making (Klein, 1998) : le choix
se fonde sur la capacité à reconnaître la situation (simple
match) puis sur un diagnostic (diagnose the situation) et
une évaluation par simulation mentale (evaluate course
of action)
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9. La décision dans l’urgence
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
Lors d’une situation d’urgence, la contrainte de
temps empêche le recours à une situation
analytique prolongée : il faut donc que le décideur
soit un expert (Klein & Hoffman, 1993) d’une part…
… et soit en possession d’une expérience antérieure
dont il saura tirer parti (Klein, 1993) d’autre part.
Cette capacité exige néanmoins un long travail conscient
et inconscient et requiert une constante réactualisation.
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11. Une approche compréhensive
L’étude des processus décisionnels ne peut se faire a
posteriori (Rix-Lièvre et al., 2011) d’où l’intérêt de
restituer une vue subjective de l’action
Nous avons donc opté pour des entretiens semi-
directifs avec les décideurs des ACEL menés dans
une optique exploratoire : l’objectif était l’émergence
des constructions symboliques (Le Moigne, 1995)
avec lesquelles ils travaillent dans l’action.
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
11
11
12. Echantillonnage
Une femme et huit hommes de 35 à 60 ans
interrogés pendant une à deux heures en Juin 2013 :
4 officiers de sapeurs-pompiers qui se sont trouvés en
situation de Commandant des opérations de secours
(COS) et Directeur des Opérations Incendies (DSI)
5 médecins de sapeurs-pompiers s’étant trouvés en
situation de Directeur des Opérations Médicales (DSM)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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13. - Une situation de gestion extrême et urgente
- Le décideur sous contrainte
- Entre formation et adaptation
- Le rôle de l’expérience
- Une simulation mentale avant l’action
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14. L’ACEL est une situation extrême et
d’urgence
Un cadre spatio-temporel limité
« une base d’une demi-journée » (COS 3) : une projection
temporaire de moyens humains et matériels…
… car une cinétique presque nulle : « l’évènement est arrivé, il
est fait, déjà. » (COS 2)
Ceci n’empêche pas une gestion dynamique de la chaîne
médicale qui, elle, est soumise à l’urgence durant le temps
de la régulation : « la première demi-heure, trois quarts
d’heure, ce sont les plus intéressantes. Parce que là qu’on
prend vraiment des décisions » (DSM 4)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
14
15. L’ACEL est une situation extrême et
d’urgence
Une singularité des situations…
« chaque évènement est unique » (COS 1) à cause des
acteurs, du lieu, des conditions, de l’évènement en lui-
même…
… Mais une faible occurrence (1 à 2 par an, et de
moins en moins fréquents).
Et une dimension humaine forte.
Surtout pour l’officier de sapeur-pompier : « il y a un
aspect affectif contextuel, un peu l’horreur deCadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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16. Le COS et le DSM sont tous deux
des décideurs sous contraintes
Des contraintes liées au contexte :
La cognition et la décision sont inextricablement liées à
la situation :
« Nous avons été obligés, de par la présence d’un vent à 130
km/h, de modifier complètement notre structure d’accueil
PMA… et de ce fait nos procédures d’accueil des victimes »
(DSM 5)
« Je regarde quels sont les points négatifs : les lignes à haute
tension pour poser des hélicoptères, la présence d’une voie
ferrée, tout ce qu’il peut y avoir. » (COS 1)
« Tout est amplifié là-dedans […] il y a du bruit et il y a des
gens […] il y a une ambiance assez pesante. » (DSM 2)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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17. Le COS et le DSM sont tous deux
des décideurs sous contraintes
Des contraintes liées au décideur lui-même :
Obtention difficile de l’information :
Le décideur doit assimiler l’information : « Sur ce type de
mission, vous devez en quelques minutes intégrer la situation »
(COS 2)
Un processus qui peut être entravé par le stress : « Le stress
[…] peut engendrer […] de mauvaises décisions. » (COS 1)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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18. Le COS et le DSM sont tous deux
des décideurs sous contraintes
Le stress est donc un facteur d’influence de la décision
lié au temps
Pour les médecins, il dure le temps de prise en charge des
victimes : « Le temps de la prise de décision est modelé par le
temps qu’exige l’état des blessés. Le temps est une
préoccupation permanente ». (DSM 1) « C’est moment-
dépendant, heure, presque minute-dépendant. » (DSM 3)
Pour les officiers de SP, il retombe au fur et à mesure de
l’évènement, tout comme le temps devient moins une
contrainte : « Le stress suit la même courbe que la notion de
temps » (COS 1) ; « Bien souvent, on est obligés de prendre des
décisions en dix, quinze, vingt secondes. » (COS 2)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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19. Le COS et le DSM sont tous deux
des décideurs sous contraintes
Le stress est aussi une source positive lorsqu’il est
maîtrisé autant pour le COS que pour le DSM :
« Il y a le bon stress qui va permettre d’activer l’ensemble de
nos neurones et de réagir très vite » (COS 1)
« L’effet positif [du stress] intervient alors au niveau du
groupe » (COS 2)
« Le tout, c’est de ne pas le communiquer aux autres avec qui
on travaille. Parce que l’on est tous stressés dans ces moments-
là, c’est évident. » (DSM 1)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
19
20. La prise de décision : entre
formation et adaptation
La prise de décision ne se fait pas seul :
Le COS est soutenu par le poste de commandement (PC)… : « Un
poste de commandement de site, c’est cinq officiers qui travaillent
avec [le COS] » (COS 3)
… ainsi que par le DSM : « Après il y a des choses que l’on va
discuter, il y a des décisions qui se prennent en commun entre le
directeur des secours médicaux et le commandant des opérations de
secours » (DSM 2)
Et le bagage produit par la formation est important :
« Les interventions programmées ainsi que tous les exercices nous
sont d’une grande utilité et une véritable source d’expérience pour les
futurs « vrais » ACEL. C’est dans ces moments-là que nous percevons
nos défauts et nos points faibles. » (DSM 3)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
20
21. La prise de décision : entre
formation et adaptation
Les procédures sont fortement présentes dans les
esprits, tant pour le COS que pour le DSM :
« On est un petit peu cadenassé par toutes ces normes, ces
notes, toutes ces directives, tous ces arbres… qui cadenassent
les initiatives. » (COS 4)
« Le déroulé est figé dans notre tête. » (DSM 1)
Paradoxalement elles sont aussi le cadre des adaptations :
« Parfois j’ai désobéi de manière éhontée parce que je sentais
que c’est ça qu’il fallait faire. » (COS 4)
« C’est l’expérience qui va faire que l’on va s’adapter, on a
l’habitude. » (DSM 1)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
FORMATION
EXPERIENCE
INTUITION
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22. La prise de décision : entre
formation et adaptation
Il existe ici une notion de « puiser » dans le stock de
l’expérience personnelle :
« Au départ […] en très peu de temps il faut que l’on
acquiert la situation. Acquérir ; il faut aller la chercher.
Ce n’est pas un donné mais un construit. Donc ce
n’est pas un réflexe opérationnel c’est aussi quelque part
se reposer, trouver un point d’appui sur quelque
chose que je sais que je connais, que j’ai déjà vu, que
je maîtrise. » (COS 1) => le décideur n’est pas passif,
il est l’auteur d’une investigation active.
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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23. La prise de décision : le rôle de
l’expérience
Le rôle de l’expérience semble donc prépondérant dans la
prise de décision. Elle est d’une part souvent liée à l’âge :
« On arrive à prendre un recul que l’on n’arrive peut-être pas à
prendre à 20 ans, quand on est projeté dans quelque chose qui
est inconfortable. » (DSM 4)
Elle exige également un effort de questionnement :
« Plus une décision va amener chez le COS l’obligation a
posteriori de se poser cette question-là, plus il va faire évoluer
en lui sa perception de la bonne décision à venir et plus cela va
impacter les décisions à venir. » (COS 2)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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24. La prise de décision : une
simulation mentale
Les répondants ont évoqué la nécessité de se
projeter dans le futur :
« Il faut que je sache me détacher de l’évènement, que je
voie un peu plus loin. » (COS 3)
« Avant de prendre la décision il faut voir les
conséquences de la décision que l’on prend. » (COS 4)
L’on perçoit déjà ici la notion de « simulation
mentale »
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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25. La prise de décision : une
simulation mentale
Cette simulation mentale est particulièrement présente (et
parfaitement consciente !) lors de la phase précédant
immédiatement l’ACEL :
« Dans la voiture et bien déjà on se dit ‘qu’est-ce qui peut y
avoir ?’ On se fait un film. » (DSM 3)
« Et on se fait déjà une représentation mentale de ce qu’il y a et
de ce qu’il faudrait faire. » (COS 2)
Même si cette représentation sera forcément modifiée
lors de l’arrivée de l’acteur sur les lieux :
« Neuf fois sur dix les informations que l’on a au départ ne
sont pas réelles. » (DSM 2)
Cadre conceptuel
Cadre
méthodologique
Résultats &
Discussion
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26. Conclusion
L’Accident Catastrophique à Effets Limités (ACEL) est
une situation de gestion extrême et urgente
Le COS et le DSM sont les forces de décision même si
l’action est collective.
La décision est tributaire de l’expérience personnelle
bien au-delà des formations fournies.
Une représentation mentale permet au décideur de
se projeter dans l’avenir afin de concilier Réflexes
décisionnels issus de sa formation et Expérience…
pour aboutir à la décision.
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28. Nos remerciements vont également
aux officiers de sapeur-pompier et
médecins de sapeur-pompier du SDIS
13 qui se sont prêtés au jeu et nous ont
conté leurs aventures…
anais.saint@gmail.com