8. Première partie : Un poème qui fait suite à la pièce de Molière.
1- Récapitulation des fautes de Don Juan. .
On identifie : le pauvre de Dieu, les femmes séduites et abandonnées, le père Don Luis, Elvire, le Commandeur. Tous accusent Don Juan :
répétition des verbes "montrer , réclamer ". Les défauts de Don Juan sont soulignés : la perfidie, l’audace.
2- Une descente aux Enfers (catabase) qui fait suite au châtiment de Don Juan de l’acte V. Mais le décor, lugubre, est inspiré
par les enfers antiques (Charon, l’obole, la barque, le Styx, les ombres), par exemple de la description du livre VI de L’Enéide de Virgile.
3- Les strophes se présentent comme la description d’un tableau (prédominance de l’imparfait descriptif, attitudes figées des
personnages, mention du noir à deux reprises, pour le ciel et le flot) : c’est le procédé de l’ekphrasis. La poésie rivalise avec la peinture et fixe
pour l’éternité une certaine image de Don Juan.
Deuxième partie :
Un poème qui détourne le personnage de la pièce de Molière ?
1- Une persistance du libertinage du personnage, qui dément le dénouement traditionnel du châtiment de Don Juan.
Loin de se repentir dans l’au-delà, Don Juan revoit son passé de manière très sarcastique . Les personnages qu’il a rencontrés subissent une
déformation par rapport à ce qu’ils étaient dans la pièce de Molière. Par exemple Elvire est "maigre", ce n’est pas une religieuse mais une
femme en deuil, les femmes séduites sont lubriques "Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes" comme des "victimes offertes", le
pauvre de Dieu est devenu un "sombre mendiant " qui cherche à se venger, ayant abandonné sa foi , comme l’indique la comparaison avec
Antisthène … Le tableau décrit est peut-être ce qui est vu par Don Juan pensif pendant sa navigation souterraine, ce sont des souvenirs de sa
vie terrestre, le jugement qu’il porte sur tous ces personnages . Seul Sganarelle paraît sympathique : il rit en réclamant ses gages, mais on
peut aussi voir là une figure de benêt, riant pour l’éternité, hors de propos.
2- Des détails symboliques donnent sens au personnage :
les deux derniers vers constituent une chute (à partir de "Mais") et donnent sens à l’ensemble. Ce sont "la rapière", l’épée que seuls portent les
nobles : Don Juan est toujours cet aristocrate hautain, qui est plein de dédain (Il "ne daignait rien voir"). La tête penchée ("courbé") signale le
penseur, l’intellectuel qui considère son passé , ("le sillage", ou la trace laissée derrière soi) .
3- Valorisation de ce Don Juan toujours indifférent aux autres et seul contre tous :
L’épithète "calme" qui qualifie "le héros" s’oppose aux clameurs qui montent contre lui ("Un long mugissement"), le verbe "regardait" est
positif : c’est le signe de sa méditation , de son orgueil ("et ne daignait rien voir"). Pour Baudelaire, Don Juan incarne la révolte contre l’ordre
imposé par la morale religieuse et sociale. Les deux dernières parties des Fleurs du Mal s’intitulent d’ailleurs "Révolte" et "Mort".