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ACCEPTATION DES RISQUES
Étude Comparée En Common Law
Et Droit Civil
5 juillet 2014
Chirine Haddad
Chirine Haddad
1
Acceptation Du Risque
Étude Comparée En Common Law Et Droit Civil
Introduction:
Le Canada est un des pays où coexistent deux régimes juridiques fondamentalement distincts;
la common law et le droit civil. L’héritage de cette dualité juridique au Canada est le fruit des
rapports de complémentarité historiques que la common law et le droit civil ont entretenu et qui
ont été traduits par l’Acte de Québec 1774 et, plus tard, par le partage des compétences
législatives établi par la Loi constitutionnelle de 1867.
Mais que ce soit en droit civil ou en common law, une fois que le demandeur réussisse à
démontrer les éléments constitutifs de la faute sous l’article 1457 du Code civil du Québec 1
ou
du délit de négligence en common law, le défendeur peut faire recours à un éventail de moyens
de défenses officiels, comme par exemple la négligence contributive du demandeur en common
law ou la faute contributoire en droit civil. La common law, à l’instar du droit civil, a légiféré
dans ce domaine, et les deux systèmes se ressemblent conceptuellement dans leur analyse du
partage de la responsabilité. Ce n’est toutefois pas le cas en ce qui a attrait à la défense de
l’acceptation volontaire du risque ou volenti non fit injuria qui soulève beaucoup de controverses
en droit civil et en common law.
1 Art 1457 CcQ (« Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la
loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à
autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait
des biens qu'elle a sous sa garde »).
Chirine Haddad
2
La théorie d’acceptation des risques puise son origine du droit romain comme indiqué par
l’auteur Patrice Deslaurier2
qui a reproduit les 1ères
décisions anglaises adoptant cette théorie :
« [l]e Codex Justinianus énonçait : « nec umquam volenti dolus inferatur, fustra de dolo
querimini » c’est-à-dire qu’une fraude ne peut être commise l’encontre d’une personne
qui y consent et que cette dernière ne peut pas intenter de recours. Certains textes du
Digeste faisant également référence à l’acceptation des risques. Pomponius énonçait de
manière plus générale : « Quod quis ex culpa suo dammun sentit non intellilur dammun
sentire », c’est-à-dire qu’une personne qui souffre d’un préjudice par sa propre faute ne
peut s’en plaindre.
(…)
Une des premières décisions anglaises faisant référence à la maxime volenti remonte à
1607. Dans l’affaire Horne c Wildlake, elle fut alors soulevée comme moyen de défense à
l’encontre d’une action en intrusion. En l’instance, le défendeur avait un droit de passage
sur le terrain du demandeur. Ce dernier ayant labouré sa terre, le défendeur détourna le
passage. L’action du demandeur reposait sur la destruction de sa pelouse par le
défendeur. L’action fut rejetée aux motifs qu’en labourant sa terre, le demandeur avait
consenti implicitement à détourner le passage et par conséquent à abîmer une partie de
son terrain. L’utilisation de la maxime dans une situation de pure négligence n’est
toutefois apparue qu’à la fin du XVIIIe
siècle. Ainsi dans l’affaire Cruden c Fentham, le
demandeur fut blessé gravement en passant à cheval entre deux carrioles allant à
contresens. Le demandeur ne peut être dédommagé car, par son attitude téméraire, il avait
consenti au risque de se blesser. »
Au Canada, l’acceptation des risques est particulièrement soulevée comme moyen de défense
lorsqu’une personne s’embarque dans une activité en toute connaissance de causes de ses
dangers, et la question est de savoir si elle préserve encore le droit de se plaindre au cas où elle
subit un préjudice résultant précisément de la réalisation de ces risques.
2 Patrice Deslauriers et Christina Parent-Roberts, « De l’impact de la création d’un risque sur la réparation du
préjudice corporel », dans Le préjudice corporel, Vol 252, Service de la formation continue Barreau du Québec,
Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2006, 139 à la pp 142 [Deslauriers].
Chirine Haddad
3
Afin de répondre à cette question, il est important d’examiner la théorie de l’acceptation
volontaire des risques selon les normes adoptés en droit civil québécois et celles qui sont adoptés
en common law, tout en opérant une comparaison entre ces deux systèmes.
1. L’acceptation des risques en droit civil
1.1 Définition :
La défense d'acceptation volontaire du risqué ou defence of voluntary assumption of
risk; volenti defence; defence of volenti; volenti non fit injuria defence; defence of volenti non
fit injuria; voluntary assumption of risk defence, est régie par l’article 1477 CcQ3
.
Dans l’affaire Centre d'expédition et de plein air laurentien c. Légaré4
la Cour d’appel de
Québec a défini ce moyen de défense comme suit :
«Théorie de l'acceptation des risques
L'auteur Royal-Poupart définit ainsi l'acceptation des risques:
Cette théorie trouve son application lorsque la victime a librement et
consciemment, en pleine connaissance de cause, consenti à un risque ou
danger, dont elle pouvait parfaitement bien apprécier la nature ou
l'étendue et en a ainsi tacitement accepté d'avance les suites...
Pour sa part, l'auteur Jean-Louis Baudouin tient sensiblement les mêmes propos dans
son traité sur la responsabilité civile:
[...] Il faut cependant alors une preuve claire que la victime a
volontairement accepté de participer à une activité comportant certains
risques, d'une part et, d'autre part, que la nature et l'intensité de ces
risques aient bien été préalablement dévoilées. Enfin, il faut que le
dommage ait été causé par la réalisation normale du risque et non par
une aggravation de celui-ci causée par un comportement fautif de
l'agent.
3 Art 1477 CcQ ( « L'acceptation des risques par la victime, même si elle peut, eu égard aux circonstances, être considérée
comme une imprudence, n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice »).
4 [1998] RRA 40 (CA), [1998] JQ no 154, (disponible sur CanLII) [Centre d'expédition et de plein air laurentien].
Chirine Haddad
4
Il rappelle également que: «la victime doit avoir bénéficié d'une
information suffisante pour lui permettre de réaliser les conséquences
possibles de sa conduite et de sa participation à l'activité.»
Deux facteurs sont en cause: la prévisibilité du risque et la nature de l'activité
sportive.
Au fil des ans, la jurisprudence a, dans l'évaluation de l'acceptation des risques, tenu
compte de certaines circonstances particulières comme l'âge, l'expérience de la
victime et la nature de l'activité.»
En pratique, comme son nom l’indique, ce moyen de défense exige une activité qui comporte
un certain risque ou danger5 .
Pour se prévaloir de cette défense, le défendeur doit respecter les conditions qui y sont associés
afin de limiter ou même d’annuler sa responsabilité prima facie établie par le demandeur.
1.2 Condition d’application de la théorie d’acceptation des risques en droit
civil
Afin de réfuter la responsabilité prima facie établie par le demandeur en soulevant la défense
d’acceptation volontaire du risque, le défendeur doit respecter les conditions suivantes :
1. Porter la preuve que le demandeur avait pleine connaissance du risque de l’activité en cause.
2. Porter la preuve que le demandeur avait volontairement accepté de participer à une activité
comportant certains risques ou dangers.
5 Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, Vol 1, 7e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007 à la pp
643 [Baudouin] (l’auteur Baudouin affirme que: « [c]elui qui accepte en connaissance de cause, de participer, soit comme acteur,
soit comme spectateur, à une activité sportive, un divertissement ou un jeu dont l’exercice comporte certains dangers accepte les
risques inhérents à ceux-ci. Ainsi en est-il du skieur ou planchiste, du golfeur, du motoneigiste, du joueur de baseball, du
gymnaste, du cavalier, du plongeur, du joueur de hockey, du coureur d’automobile, du patineur, etc. de même que du spectateur
de compétitions sportives »).
Chirine Haddad
5
3. Établir l’existence d’un lien de causalité entre l’acceptation volontaire des risques par le
demandeur et le préjudice qu’il a subit.
Et comme la Cour d’appel au Québec a indiqué dans l’affaire Centre d’expédition et de plein
air laurentien c Légaré6
: «Le juge devait vérifier si les conditions préalables à l'application de la
théorie de l'acceptation des risques étaient présentes. L'existence d'un danger ou d'un risque réel, la
connaissance de ce danger par la victime et la manifestation par celle-ci de son acceptation du
risque».
1.2.1 Le demandeur doit avoir une pleine connaissance du risque inhérent à l’activité en
cause :
Si un individu participe à l’expédition du rafting, comme c’est le cas dans l’affaire Centre
d’expédition et de plein air laurentien c Légaré7
, il faut qu’il connaît les risques qui y sont
associés, comme par exemple le lieu où il va faire le rafting, et si cet individu est débutant, il lui
faut une personne qui lui fournit tous les détails requises afin d’évaluer les dangers inhérents à
cette activité. Si le moniteur omet de fournir les informations nécessaires pour que la personne
6 Centre d'expédition et de plein air laurentien, supra note 4.
7 Ibid (l’analyse de la Cour d’appel au Québec dans l’affaire précitée fournit une explication de cette condition comme suit:
«Ici, les risques inhérents à la pratique du «rafting» comportent la chute à l'eau et la noyade. Le juge conclut que compte tenu du haut
débit de la rivière et des conditions printanières du 31 mai 1987, le danger que survienne un accident semblable à celui de Fabien
Gauthier était prévisible, particulièrement pour des guides d'expérience. Il l'était beaucoup moins, cependant, pour des non-initiés à ce
sport comme c'était le cas de la victime. Relativement à la connaissance du risque par la victime, je suis d'avis, comme le premier juge,
que les participants ne pouvaient, au début de l'expédition, connaître les dangers graves auxquels ils s'exposaient. Premièrement, la
rivière était, au départ, relativement calme. Deuxièmement, seuls deux participants avaient descendu la Rivière-aux-Écorces et ce,
dans des conditions estivales et, troisièmement, les informations données par les guides, avant la descente, ne laissaient aucunement
présumer du haut niveau de difficulté de l'expédition. De plus, la preuve ne permet pas de conclure selon le poids des probabilités que
la victime, même avec une faiblesse au cou, n'avait pas les capacités suffisantes pour pratiquer une descente en «rafting» dans des
conditions normales et non exceptionnelles comme c'était le cas. Je ne crois donc pas que la victime ait bénéficié de l'information
suffisante lui permettant de réaliser les conséquences possibles de sa participation à cette descente de «rafting» »).
Chirine Haddad
6
débutante soit en pleine connaissance des risques liés à l’activité qu’elle entente exercer, la
première condition exigée par la défense d’acceptation des risques ne serait pas remplie, et le
défendeur ne pourrait pas la soulever en cas de préjudice.
De même cette première condition était analysée en détail dans l’affaire Capers Stanford c
Mont Tremblant Lodge Inc.8
Dans cette affaire la demanderesse était une débutante en ski, et elle
a fait un virage qu’elle ne pouvait pas y faire et a skié dans une région inconnue où il y avait un
vice caché, un tuyau servant à la manufacture de neige artificielle qui longeait le côté de la pente
(en descente) couverte de neige. Par la suite, elle s’est fracturé le fémur gauche. Le centre lui a
opposé la défense d’acceptation volontaire des risques, en alléguant que même si la victime était
une débutante, elle a accepté le risque de skier lorsqu’elle a fait ce sport.
La Cour a trouvé que le moniteur n’avait pas informé la demanderesse de ce vice caché alors
qu’il pouvait raisonnablement prévoir que comme débutante, la demanderesse n’est pas apte de
8 (1979) CS 953 (AZIMUT) [Capers] (la Cour a considéré que : «[d]ans la présente affaire le tribunal estime que le moniteur
Hughes, préposé des défendeurs qui doivent répondre de sa faute le cas échéant, a été négligent de ne pas informer et avertir ses
élèves que les lignes extrêmes de la "Lower Nansen" n’étaient pas les arbres la longeant de chaque côté mais bien à certains
endroits un tuyau dont il avait connaissance et qu'il aurait dû remarquer n’être pas alors visible parce que recouvert de neige.
Qu'une skieuse débutante pas trop habile ne puisse faire un virage sur la partie roulée de la pente et pense pouvoir avec sécurité
se ralentir dans la neige non roulée de 1'accotement ne devait certainement pas être imprévisible pour un moniteur dûment
accrédité d'une école de ski. Celui qui enseigne un sport tel le ski a envers les débutants peu habiles qui lui remettent leur entière
confiance l’obligation de prévoir ce qui peut être un danger qui était hors des connaissances normales et ordinaires des débutants
sans expérience et de le mettre en garde de la présence cachée ce qui peut être un obstacle sérieux pour un tel débutant même s’il
ne le serait peut-être pour le skieur plus expérimenté et connaissant au présumé connaitre les circonstances de lieux.»
Il est évident qu'un danger non visible existait pour toute personne qui quittait la partie roulée de la pente; un moniteur "bon père
de famille" enseignant des débutants pouvait raisonnablement prévoir que ceux-ci pourraient manquer un virage, quitter la piste
et, en l’absence d'une connaissance d'un danger réel, s'engager en toute confiance sur l'accotement recouvert de neige
"poudreuse" plutôt que de s’arrêter en se jetant par terre. C'eut été un soin ordinaire et raisonnable de sa part dans les
circonstances que d'avertir ses élèves du danger caché existant. Il n’était pas entièrement déraisonnable pour la débutante qu'était
la demanderesse de se croire en sécurité dans la neige "poudreuse" qu'elle pouvait espérer utiliser pour ralentir sa course qui ne
pouvait être très rapide considérant le peu d'inclinaison de la pente à l'endroit de l’accident. On ne lui avait pas signalé la
présence de l'obstacle caché et qui n’était pas en l'espèce prévisible et normal; il ne peut donc être dit qu'elle a accepté ce risque
en toute connaissance de cause »).
Chirine Haddad
7
faire le virage donc elle pourrait se dévier de la piste, et en quittant le trajet, ce vice caché
pouvait lui causer un préjudice corporel.
Donc au niveau de la première condition nécessaire à l’acceptation des risques, celle-ci n’est
pas vraiment remplie puisque la victime ne connaissait pas le danger dissimulé, et elle faisait
face à un risque non prévu, par conséquence, il existe une problématique au niveau de cette
condition afin de prouver que la victime accepté les risques en pleine connaissance de cause.
Pour bien expliquer ce point, prenons l’exemple d’un individu qui se dirige vers une maison où
il y a un risque dissimulé qu’il ne peut pas prévoir, et aucune personne ne l’informe à cet égard.
Par la suite il est blessé en raison de ce piège. il serait absurde de lui opposer qu’il avait accepté
les risques puisqu’il n’a aucune connaissance du danger, c’était un obstacle caché, et il n’est pas
censé d’avoir connaissance de quelque chose qui n’est pas raisonnablement prévu. S’il y a un
piège, ou un obstacle dissimulé, il faut bien être averti à son égard.
Donc si la victime qui a subi un préjudice ne peut pas avoir connaissance du danger parce qu’il
n’est pas raisonnablement prévisible, le défendeur ne peut pas lui opposer l’acceptation des
risques comme moyen de défense. Ce cas constitue un premier moyen pour réfuter cette défense.
Pour le défendeur, c’est dans son intérêt de démontrer que la victime avait une connaissance
préalable du danger. Mais si le danger est dissimulé, il aurait du mal à prouver cette connaissance
et la victime pourrait contester ce moyen de défense.
Il est nécessaire que la victime d’un préjudice ait une pré-connaissance du danger et le plus
qu’on connait un sport, le plus on est censé avoir connaissance des risques qui y sont associés et
le défendeur a plus de chance d’établir cette première condition. Le critère applicable afin
Chirine Haddad
8
d’établir l’admissibilité de la défense d’acceptation du risque au niveau de la 1ère condition,
c’est le critère objectif qui consiste à déterminer si une personne raisonnable placée dans les
mêmes circonstances de la victime auraient dû prévoir les risques en question.
Mais cette 1ère
condition ne suffit pas en soi-même afin de conclure que la victime a accepté le
risque inhérent à une activité particulière en toute connaissance de cause; Il faut que cette
dernière s’engage volontairement à participer à cette activité.
1.2.2 La victime avait volontairement accepté de participer à une activité comportant
certains risques :
Une fois que le défendeur a réussi de convaincre le tribunal que la victime connaît les risques,
parce qu’elles étaient raisonnablement prévisibles ou parce que le moniteur lui a décrit les
risques en participant à cette activité, la deuxième condition exigée pour soulever ce moyen de
défense s’applique; il faut que la victime ait volontairement accepté à participer à cette activité.
Mais cela veut dire seulement, en droit civil, que la victime avait accepté le risque physique sans
être assujettie à signer une acceptation légale de responsabilité.
Et suivant cette deuxième condition, avoir volontairement accepté de participer à une activité
comportant des risques n’implique pas en droit civil une acceptation légale du risque, donc de
signer un document exonérant son auteur, le centre de ski par exemple ou n’importe quel
organisateur d’une activité sportive, de toute responsabilité. Il faut simplement connaitre les
risques et volontairement les accepter en participant à l’activité ou au jeu. Donc ce n’est qu’une
acceptation physique du risque et non pas une acceptation légale de celui-ci.
Chirine Haddad
9
Dans l’affaire Capers9
, la victime était au courant d’un danger associé à l’activité du ski, même
si ce n’était pas le risque caché, puisqu’elle éprouvait des inquiétudes envers «son habilité», donc
elle était consciente qu’un danger est inhérent à cette activité, mais elle s’est engagée
volontairement, et elle a échoué de faire le virage ce qui a entrainé sa sortie de la piste. De ce
fait, il y avait un risque accepté de sa part jusqu’un certain point; elle était consciente qu’elle
n’était pas capable de skier sur cette pente plus avancée, et malgré son manque d’expérience, elle
s’est engagée volontairement dans cette activité, ce qui remplit la deuxième condition exigée par
ce moyen de défense.
À la connaissance des risques inhérents à une activité et leur acceptation physique s’ajoute une
troisième condition qui consiste à avoir un lien de causalité entre le préjudice subit et la
réalisation du risque accepté par la victime.
1.2.3 Le lien de causalité
Si la victime était en pleine connaissance des risques, et elle a participé volontairement à
l’activité dangereuse et subit un préjudice, comme il est souligné par Baudouin10
, il faut «que le
9 Ibid à la p 8 (la Cour d’appel s’est prononcée ainsi: « [a]vant de monter au sommet de la "Lower Nansen", le moniteur Hughes
avait suggéré à la demanderesse, devant ses hésitations, de demeurer sur la pente d’instruction employés les trois jours
précédents. Celle-ci, malgré son manque de confiance dans son habilité et afin de ne pas demeurer seule en attendant le groupe, et
afin comme elle le dit de bénéficier des services pour lesquelles elle avait payés, décidait de suivre le groupe. De l'avis du
tribunal, elle acceptait alors le risque inhérent à descendre une pente plus raide dont le résultat était d’augmenter quelque peu la
vitesse à laquelle elle était habituée et peut-être de diminuer le contrôle précaire qu’elle pouvait avoir acquis sur la pente
d'instruction. Elle avait dû remarquer que le moniteur gardait toujours les élèves sur la partie roulée de la pente et ne les amenait
jamais dans la neige poudreuse des accotements. Lorsqu’elle a réalisé qu’elle ne pourrait effectuer son virage sur la partie roulée,
elle aurait dû s’arrêter, soit se jeter par terre plutôt que de s'aventurer vers l'inconnu de la neige non roulée. Si la demanderesse ne
se sentait pas l’habilité nécessaire pour descendre une pente aussi légère que la "Lower Nansen" qu'elle avait déjà skiée une fois
la veille, ni la capacité de s’arrêter brusquement devant une situation inconnue, elle ne devait pas s'y aventurer. Le tribunal
estime donc que la demanderesse a été partiellement responsable de son accident et qu’elle doit en supporter les effets jusqu’à
concurrence de 25% »).
10 Baudouin, Supra note 5 à la p 642.
Chirine Haddad
10
dommage subi par elle ait été la conséquence de la réalisation du risque prévu et non par d’un
risque non prévu ou d’une aggravation de celui-ci».
Donc un lien de causalité est requis entre le préjudice souffert par la victime et son acceptation
des risques, et en absence de ce lien, le défendeur ne peut se prévaloir de ce moyen de défense Et
comme la Cour Supérieur de Québec a énoncé dans l’affaire Brisson c Gagnon11
, tout en
reprenant l’analyse de la juge de 1ère
instance, que pour prétendre une acceptation des risques de
la part de la victime, il faut que certaines conditions soient rencontrées. D'abord, il faut que la
victime ait eu connaissance du danger ou du risque. Il faut également que la victime ait accepté
le risque en question, en participant de façon volontaire à l'activité. L'acceptation doit donc
résulter d'un consentement libre et éclairé. Pour qu'il y ait consentement libre et éclairé, il doit y
avoir information suffisante pour permettre de réaliser les conséquences possibles de la
participation à l'activité. Finalement, il faut que le dommage subi par la victime ait été la
conséquence de la réalisation du risque prévu.
Pour récapituler, si le défendeur désire soulever ce moyen de défense, il y a trois prémisses
qu’il peut aborder : il doit prouver, premièrement, que la victime connaissait suffisamment les
risques, qui ne peuvent pas être des risques non prévus, donc la victime pouvait raisonnablement
prévoir tous les risques de l’activité. Deuxièmement, le défendeur doit démontrer que la victime
a volontairement participé à l’activité en connaissant ses risques. Mais des nuances existent; par
exemple en participant à une activité de hockey il y a des dangers qui sont associés à cette
activité, le joueur peut être frappé accidentellement, il peut subir des blessures, on peut
11 2007 QCCA 617, [2007] JQ no 3805 au para 23.
Chirine Haddad
11
raisonnablement prévoir certaines de ces blessures. Si le joueur, conscient des risques, a
volontairement participé au jeu du hockey, et par la suite il est accidentellement frappé, il y a
acceptation des risques de sa part. Sauf qu’il y a des nuances à faire, parce que si le joueur a été
intentionnellement battu par le défendeur, qui est un autre joueur, dans ce cas ce dernier ne pas se
prévaloir de la défense d’acceptation du risque puisque les règles du jeu n’ont pas été vraiment
respectées. Ainsi la victime doit être cognée dans le cadre de l’activité normale de hockey, et
selon les règles suivies dans ce jeu. L’acceptation des risques ne peut être invoquée que lorsque
les règles du jeu sont complètement respectées. Comme l’auteur Patrice Deslauriers a signalé12
:
«une faute commise dans le jeu sera considérée comme la survenance d’un risque anormale et la
défense d’acceptation des risques ne pourra être accueillie lorsque la conduite du défendeur est
«objectivement blâmable » ou qu’elle constitue un manquement aux normes générales du «fair
play ». »
Ainsi, il y a acceptation du risque dans le jeu de hockey, dans tout ce qui est normalement
prévisible, selon les règles du jeu, si la victime est au courant des risques, elle participe
volontairement à l’activité, et il existe un lien de causalité.
1.3 Les conséquences de l’acceptation volontaires des risques :
Selon l’article 1477 CcQ précité qui exprime clairement que « [l]'acceptation des risques par la
victime, même si elle peut, eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence,
n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice. »
12 Deslauriers, supra note 2 à la p 177.
Chirine Haddad
12
Ce qui signifie que lorsqu’une personne exerce en toute connaissance de cause une activité
dangereuse, le tribunal québécois a droit de lui imputer une part de la responsabilité en cas d’un
préjudice comme il peut lui refuser tout recours entrainant ainsi la pleine exonération du
défendeur.
Cette controverse en droit civil vis-à-vis l’effet de l’acceptation des risques est dû, en principe,
aux termes employés dans l’article 1477 précité où le législateur a clairement stipulé qu’elle peut
«eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence». Cela a poussé la Cour
dans l’affaire Gaudet c Lagacé13
, à poser la question suivante :
«En résulte-t-il un déni de recours ou une faute contributoire? Je cite à nouveau Jean-
Louis Baudouin:
Il existe une certaine controverse doctrinale sur le point de savoir
si l'acceptation des risques est simplement une hypothèse de faute
contributoire de la victime. En courant consciemment et
volontairement un danger, la victime commet une faute dont elle
ne peut, par la suite, éviter les effets au niveau des dommages.
Certains auteurs, au contraire, se basant principalement sur les cas
mettant en oeuvre une présomption légale, se plaisent à distinguer
l'acceptation des risques de la faute. La jurisprudence majoritaire
semble, pour sa part, analyser le problème comme en étant un de
faute contributoire de la victime. L'article 1477 C.c., qui énonce la
règle que la victime, malgré son «impudence» conserve un recours
contre l'auteur du préjudice, semble consacrer cette solution.»
Donc l’affaire Gaudet c Lagacé a entériné cette conception établi par le code et la majorité de la
jurisprudence québécoise a adopté ce courant en concevant l’acceptation des risques par un
participant à une activité dangereuse subissant un préjudice comme une faute contributoire de sa
part.
13 [1998] RJQ 1035, [1998] RRA. 398, (disponible sur CanLII) [Gaudet].
Chirine Haddad
13
Subséquemment, une fois que le défendeur réussit à prouver les trois conditions d’application
de l’acceptation des risques, son effet peut mener à une exonération totale ou partielle du
défendeur, mais habituellement, ce moyen de défense entraine une exonération partielle selon le
courant adopté par la majorité de la jurisprudence québécoise.
Pour reprendre l’affaire Capers ci-mentionnée14
, la Cour a considéré que la victime était au
courant d’un danger associé à l’activité du ski, même si ce n’était pas le risque caché, puisqu’elle
éprouvait des inquiétudes envers «son habileté», donc elle était consciente qu’un danger est
inhérent à cette activité, mais elle s’est engagée volontairement, et elle a échoué de faire le virage
ce qui a entrainé sa sortie de la piste. De ce fait, il y avait un risque accepté par la demanderesse
jusqu’un certain point, puisqu’elle était consciente qu’elle n’était pas capable de skier sur cette
pente plus avancée, donc elle a prévu un risque qu’elle a volontairement accepté en entreprenant
la pente dangereuse, et il y avait un lien de causalité certain entre son acceptation du risque et le
dommage qu’elle a subi, et en conséquence elle a été tenue responsable partiellement.
À la faute de la demanderesse s’ajoute la faute du moniteur, préposé de la défenderesse, parce
qu’il n’a pas prévu l’obstacle caché, alors qu’il aurait dû raisonnablement le prévoir et informer
la demanderesse à son égard. Ainsi il y avait faute de la part des deux parties; il y a acceptation
du risque jusqu’un certain point de la demanderesse, parce qu’en connaissant qu’elle n’était pas
capable de descendre la pente, elle l’a quand même faite, et de l’autre côté, il y avait une
négligence de la part du moniteur parce qu’il n’a pas informé la demanderesse du danger caché,
et pour cette raison, la Cour a conclu à un partage de la responsabilité, en attribuant 25% de la
responsabilité à la victime et 75% à la partie défenderesse.
14 Capers, supra note 8, à la p 9.
Chirine Haddad
14
1.4 L’acceptation des risques dans le cadre de la responsabilité contractuelle
L’acceptation des risques comme moyen de défense peut être soulevé, tant dans le contexte
d’une responsabilité contractuelle que d’une responsabilité extracontractuelle.
Si la victime signe une entente comprenant une clause limitative ou d’exonération de
responsabilité, il incombe à son auteur de la porter à son attention. Cette obligation constitue une
condition nécessaire à la validité de toute clause de ce type afin d’obtenir un consentement
éclairé à son égard. L’article 1475 du CcQ15
dit ceci:
« [u]n avis, qu'il soit ou non affiché, stipulant l'exclusion ou la limitation de l'obligation de
réparer le préjudice résultant de l'inexécution d'une obligation contractuelle n'a d'effet, à l'égard
du créancier, que si la partie qui invoque l'avis prouve que l'autre partie en avait
connaissance au moment de la formation du contrat ».
Pourtant, cette clause perd toute validité en cas de préjudice corporel ou moral, comme stipulé
dans l’article 1474 du CcQ16
qui dit ceci :
«Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à
autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde; la faute lourde est celle qui dénote une
insouciance, une imprudence ou une négligence grossières. Elle ne peut aucunement exclure
ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui. »
Ainsi, l’auteur d’un document comprenant une clause exonératoire ou limitative de
responsabilité signée consciemment et volontairement par la victime ne peut lui empêcher d’aller
15 Art 1475 CcQ.
16 Art 1474 CcQ.
Chirine Haddad
15
en cour, afin d’obtenir une compensation du dommage corporel ou moral, ou en cas de faute
lourde ou intentionnelle, puisqu’on ne peut exclure ou limiter contractuellement la responsabilité
dans ces cas. Cet article, qui est d’ordre public, rend les clauses limitatives de responsabilité
sans effets vu le rôle protecteur attribué au système civiliste. Ces propos ont été confirmés par
Baudouin dans le chapitre traitant des clauses conventionnelles et législatives17
.
Ainsi, la clause limitative ou exonératoire de responsabilité ne parait avoir effet qu’en cas de
préjudice matériel et en absence d’une faute intentionnelle ou lourde de la partie défenderesse et
l’affaire Karawani c Ford Lincoln Gabriel18
y constitue une illustration.
Dans ce cas, le demandeur, M. Karawani confie son véhicule Ford Focus à «Lincoln Gabriel»
pour fin de réparation. Les travaux ne peuvent être complétés la même journée, vu que la pièce
de rechange n’était pas disponible à cette date. Ainsi M. Karawani devait laisser son véhicule
17 Baudouin, supra note 5 ( « contrairement à la common law qui reconnaît la validité d’une telle clause, le Code civil, à l’article
1474 C.c. interdit, en effet désormais, de manière formelle, la limitation ou l’exclusion conventionnelle de la réparation du
préjudice moral ou corporel de la victime. L’ordre public s’y oppose, eu égard aux principes généraux de la Charte des droits et
libertés de la personne, et au respect de la personne humaine » à la p 1158).
18 2007 QCCQ 1331, (disponible sur CanLII) [Karawani] (la Cour, dans cette affaire, a interprété les articles 1474 et 1475
précités, au paragraphe 16 de sa décision comme suit : « Les tribunaux ont eu à maintes reprises à interpréter les dispositions ci-
avant du Code civil , de même la Cour d'appel, dans l'affaire Thérèse Leblond c. Ghislain Dionne et al s'expriment ainsi
relativement à la validité des clauses d'exonération de responsabilité :
«[31] Comme le notent les auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, le législateur reconnaît la validité des clauses
exonératoires contractuelles : 927 – Réforme du Code civil - Le Code civil, aux articles 1472, 1474 à 1476, codifie le droit
antérieur dans l'ensemble. Il reconnaît donc la validité de ces clauses exonératoires, sauf lorsqu'elles s'appliquent au préjudice
corporel ou moral (article 1474 du Code civil), ce qui est nouveau. En outre, dans tous les cas, il impose comme condition
qu'elles ne puissent pas servir à exclure ou llimiter le dommage résultant de la faute lourde ou intentionnelle (article 1474 du
Code civil). Enfin, il précise aux articles 1475 « et 1476 » du Code civil la portée des avis de limitation ou d'exclusion de
responsabilité. Il est donc possible aujourd'hui, sous ces importantes réserves, d'exclure ou de limiter la responsabilité de son
chef, ou du chef de ses agents, préposés ou employés, sauf pour certains contrats où la loi s'y oppose de façon particulière ou
générale .
[32] Seul le préjudice matériel est en cause ici et le bail liant les parties est commercial. Les clauses d'exonération sont
valides et à moins que la faute reprochée aux intimés puisse être qualifiée de lourde, ce à quoi réfère – de façon maladroite, il faut
en convenir – la clause 18 du bail en utilisant les mots «la volonté du BAILLEUR», l'on doit leur donner plein effet.
[33] Or, il n'y a, en l'espèce, ni allégation de faute intentionnelle ni preuve établissant une faute lourde »).
Chirine Haddad
16
chez «Lincoln Gabriel» jusqu'au lendemain, et en agissant ainsi, il laisse dans sa voiture
différents items : 1. équipement complet de hockey; 2. bâton de hockey; 3. une quinzaine de
CD; 4. lunettes de soleil; 5. quelques pièces de monnaie.
En récupérant son véhicule, il s'aperçoit que tous les items ci-avant énumérés ont disparu ou ont
été volés. Il poursuit «Lincoln Gabriel» en argumentant qu’il y a une faute lourde de sa part afin
d’invalider les clauses d’exonération à la base de l’article 1474 précité. «Lincoln Gabriel»
réplique en faisant l’argument qu’elle ne peut pas être tenue responsable pour le vol ou la
disparition des effets personnels de M. Karawani puisqu’à l'intérieur de leur garage, à proximité
du département de service, se trouve une affiche bilingue très visible exonérant la compagnie de
toute responsabilité vis-à-vis les objets perdus ou volés à l’intérieur des véhicules de sa clientèle.
Ainsi que la facture détaillant les travaux à être effectués par la défenderesse comprend un
paragraphe suivant lequel le client admet qu’il exonère la compagnie de toute responsabilité
«quant aux pertes ou dommages se rapportant au véhicule ou objets laissés dans le véhicule en
cas d'incendie, de vol».
La Cour a donné gain de cause à la partie défenderesse, en jugeant que le demandeur avait
pleine connaissance des clauses exonératoires de responsabilité préalablement aux travaux de
réparation, et que ce dernier n’a pas réussi à démontrer une faute lourde ou intentionnelle de la
part de la partie défenderesse afin d’engager sa responsabilité.
De ce fait, la clause exonératoire de responsabilité est valide tant qu’il n’y a pas une faute
intentionnelle ou lourde et la clause d’exonération de responsabilité pour le préjudice matériel est
jugée valide. Par contre, si le préjudice était de type corporel ou moral, les clauses d’exonération
Chirine Haddad
17
deviennent nulles. Il est légitime de dire dans cette affaire, que ces clauses valent connaissance
du danger.
Une autre restriction est imposée pour limiter la portée des clauses exonératoires : celles-ci
«sont formellement interdites dans un contrat de consommation en vertu de la Loi sur la
protection des consommateur »19
.
Mais la question est de savoir si le défendeur peut s’exonérer de toute responsabilité en
affichant des avis. Suivant l’article 1476 CcQ20
« On ne peut, par un avis, exclure ou limiter, à
l'égard des tiers, son obligation de réparer; mais, pareil avis peut valoir dénonciation d'un
danger».
Ce qui signifie que les avis ne valent pas une exclusion ou une limitation de la responsabilité,
et qu’en pratique un avis sert à titre d’information. De ce fait, la victime serait en pleine
connaissance d’un danger, ce qui remplit la première condition d’application de la défense
d’acceptation du risque, donc ce type d’avis a un rôle préventif d’un danger.
Subséquemment la présence de l’avis permet au défendeur d’argumenter la pleine
connaissance de la victime du risque inhérent à l’activité qu’elle a faite. Pour cela un avis peut
contribuer à remplir la première condition nécessaire pour l’acceptation des risques comme
moyen de défense, et qui indique connaissance du danger comme l’énonce clairement l’article
1476 précité.
19 Baudouin, supra note 5 à la p 1158.
20 Art 1476 CcQ.
Chirine Haddad
18
L’affaire Dupont c Veilleux21
, applique cet article et traite les sujets relatifs à l’exonération de
responsabilité et l’acceptation des risques. Dans ce cas, le demandeur, propriétaire d’un véhicule,
l’a stationné devant l’immeuble appartenant aux défendeurs à Québec et au-dessous du toit qui
était couvert de la neige. Les défendeurs avaient installé une affiche indiquant avec des lettres
rouges sur fond noir «Attention chute de neige ou de glace». À un certain moment la glace du
toit est tombée sur le véhicule du demandeur stationné juste au-dessus du toit ce qui a causé des
dommages matériels. La Cour a trouvé que les propriétaires de l’immeuble étaient négligents
puisqu’ils n’ont pas suffisamment déneigé la toiture pour éviter la survenance des dommages
matériaux aux voitures stationnant au-dessous.
La question était de savoir la valeur juridique de cet avis affiché. La Cour a appliqué l’article
1476 du Code civil du Québec en considérant que cet avis ne constitue pas une exclusion de la
responsabilité, mais selon elle, cet avis équivaut à une communication des risques au demandeur
conformément à la première condition de la défense de l’acceptation des risques.
Ainsi la Cour a considéré qu’il y avait acceptation du risque de la part du demandeur, puisque le
risque est prévisible et il y avait un avis à cet égard, ce qui démontre sa connaissance du danger,
et en dépit de cela, il a stationné sa voiture à cet endroit. Subséquemment, la Cour a conclu à un
partage de responsabilité entre le demandeur et les défendeurs et ce partage était de cinquante-
cinquante.
21 2008 QCCQ 10271, (disponible sur CanLII) (selon cette décision « [l]es défendeurs avaient l'obligation de surveiller la
formation de blocs de glace ou de neige en raison de la survenance soudaine de redoux qui pouvait se produire à tout moment. À
cet égard, ils ont failli à l'entretien adéquat de la toiture, sachant que les véhicules y stationnaient tout près de ladite façade» para
15).
Chirine Haddad
19
L’étude intégrale de la théorie de l’acceptation des risques exige de notre part un examen
approfondi de la common law qui adopte une approche différente du droit civil, surtout qu’elle
nécessite une renonciation du risque juridique, et elle conçoit l’acceptation volontaire du risque
comme une défense complète exonérant entièrement la partie défenderesse de toute
responsabilité.
2. L’acceptation des risques en common law
2.1 Définition
Afin de mieux comprendre le concept de ce moyen de défense, la Cour suprême dans l’affaire
Crocker c Sundance northwest resorts ltd22
, a définit l’acceptation des risques comme suit :
« La défense d'acceptation volontaire du risque est fondée sur l'hypothèse morale selon
laquelle celui qui consent ne subit aucun préjudice. En acceptant d'assumer le risque, le
demandeur dégage la défenderesse de toute responsabilité. (…)
Étant donné que le moyen de défense d'acceptation du risque empêche tout
dédommagement et est par conséquent anormal à l'ère du partage de la responsabilité, les
tribunaux lui ont imposé des limites strictes. Il ne s'applique que dans les cas où le
demandeur a assumé à la fois le risque physique et le risque juridique qui découlent de
l'activité. »
Ainsi, l’acceptation des risques est une défense complète fondée sur l’idée d’accepter
volontairement le risque. En common law, face aux délits séparés, on utilise l’acceptation des
risques comme langage lorsqu’on parle uniquement du délit de négligence, et quand il s’agit
d’un délit intentionnel on parle de la défense de consentement. Les deux moyens de défenses ne
sont pas identiques mais ils sont conceptuellement semblables; l’affaire Malette c Shulman23
22 [1988] 1 RCS 1186, 51 DLR (4e
) 321 [Crocker].
23 (1990), 72 RJO (2e
) 417, 67 DLR (4e
) 321 (CA).
Chirine Haddad
20
constitue une illustration de la défense du consentement dont il est question, où il s’agissait d’un
délit intentionnel d’acte de violence de de voies de fait.
2.2 Les conditions d’application de ce moyen de défense
Le défendeur doit respecter trois conditions24
afin de soulever ce moyen de défense avec
succès :
1) le libre arbitre
2) la connaissance du risque physique
3) la renonciation au risque juridique
2.2.1 Le libre arbitre
Le libre arbitre comme première condition, exige que le demandeur ait la capacité juridique
requise afin d’évaluer « les coûts et les bénéfices des actions du défendeur. Cette capacité est
généralement présumée en l’absence de preuve contraire »25
. La Cour peut rejeter la défense
d’acceptation volontaire du risque en l’absence du libre arbitre si le demandeur est mineur ou
quelqu’un qui souffre d’une incapacité mentale ou était sous l’influence des stupéfiants. Ainsi
que cette défense peut être écartée, si le demandeur a accepté les risques sous contrainte, ou la
menace d’utiliser la force, ou par la fraude, ou l’exploitation ou l’iniquité.
2.2.2 La connaissance du risque physique :
La deuxième condition consiste dans la connaissance du risque matériel. Si le demandeur
pourrait accepter volontairement le risque, il faut qu’il le comprenne, il faut qu’il le connaisse.
24 Louis Bélanger – Hardy et Denis Boivin, La responsabilité délictuelle en common law, Cowansville (Qc), Yvon
Blais, 2005 à la p 782 [Bélanger-Hardy].
25 Ibid.
Chirine Haddad
21
En d’autre mot, il incombe au défendeur de prouver que le demandeur savait ou aurait dû savoir
les risques inhérents à la conduite du défendeur. « Le tribunal peut écarter la défense si le risque
physique (c’est-à-dire le danger) créé par le comportement du défendeur n’était ni connu ni
prévisible »26
.
2.2.3 La renonciation au risque juridique :
La troisième condition qui souligne la particularité de la common law face au droit civil, consiste
à renoncer juridiquement au risque. Il faut que les parties se conviennent que le demandeur ne
veut pas poursuivre le défendeur s’il y a un préjudice qui est causé. Littéralement, pour porter
preuve à cette renonciation, le demandeur et le défendeur signent ensemble une entente qui
montre la capacité du demandeur à connaitre les risques et qu’il les accepte volontairement, et
qu’il renonce à son droit de poursuivre le défendeur, donc il accepte le risque juridique.
Normalement la renonciation implicite est très rare, alors que la renonciation explicite qui se fait
par contrat est plus commune en common law.
a) La renonciation expresse au risque juridique
En présence d’un document sur lequel le demandeur a mis son initial, où les lettres sont écrit en
tout petit et qu’on lui a emmené tout cela «au bout du nez» et qu’il n’avait pas tout compris, le
litige prend plutôt une nature contractuelle; donc en contrat, la question est de déterminer si le
demandeur a tout compris, et si la réponse est affirmative, l’entente va être valide et le
demandeur va être considéré comme s’il a accepté volontairement les risques associés à l’activité
qu’il entreprend de faire. De temps en temps, les tribunaux vont reconnaitre contractuellement la
valeur du document qui consiste à accepter volontairement les risques comme la Cour a établi
26 Ibid à la p 783.
Chirine Haddad
22
dans l’affaire Gregorio c Intrans-Corp27
où elle a estimé que la clause limitative de
responsabilité doit être écartée si elle n’a pas été portée à l’attention du signataire par l’auteur du
document avant la naissance de l’obligation contractuelle. De même dans l’affaire Trigg c MI
Movers International Transport Services Ltd 28
, la Cour a établi que pour se prononcer sur la
validité des clauses limitative de responsabilité, l’auteur du document doit bien expliquer leurs
effets avant la signature de celui-ci.
b) La renonciation tacite au risque juridique
La situation devient plus problématique si l’acceptation volontaire du risque est faite tacitement,
en absence de toute renonciation expresse. La décision de la Cour suprême dans l’affaire Dube c
Labar29
constitue un exemple important de renonciation tacite au risque juridique.
Dans ce cas, le demandeur et le défendeur sont deux amis qui passent une soirée ensemble en
consommant de l’alcool. Le lendemain matin, ils se mettent à boire de l’alcool avant de prendre
le volant pour la ville voisine. Au début du trajet le demandeur conduisait la voiture du
défendeur, ensuite il a donné son siège de conducteur à ce dernier, et un accident a eu lieu. Le
demandeur blessé sérieusement poursuit le défendeur. Celui-ci argumente que le demandeur a
passé avec lui la soirée à boire et il savait qu’il a bu autant que lui, donc il a accepté le risque de
monter dans la voiture du défendeur et il comprenait bien ce risque et il l’a accepté
volontairement. Selon la Cour, la question à trancher est de savoir si le demandeur a vraiment
27 (1994), 18 OR (3e
) 527 (CA), 115 DLR. (4e
) 200 [Gregorio].
28 (1991), 4 OR (3e
) 562 (CA), 84 DLR (4e
) 504.
29 [1986] 1 RCS 649, 27 DLR (4e
) 653 [Dube].
Chirine Haddad
23
accepté volontairement le risque; et elle procède à une analyse des conditions d’application de ce
moyen de défense :
Premièrement est-ce que le demandeur avait le libre arbitre?
La cour a dit30
: « [l]e moyen de défense de volenti sera, de plus, forcément inapplicable dans la
plupart des cas où le conducteur est ivre et où le passager est consentant. Il exige une conscience
des circonstances et des conséquences du geste qui existe rarement selon les faits de ces affaires
au moment pertinent.»
Deuxièmement, est-ce que le demandeur connaissait les risques matériels?
Cela était plus facile à prouver puisque normalement une personne qui boit et ensuite se mette au
volant une voiture, il est raisonnablement prévisible qu’un danger est attaché à sa conduite.
Troisièmement, est-ce que le demandeur a renoncé au risque juridique?
À cet étape, l’affaire Dubé est utile, parce que la Cour a conclu que31
:
« le moyen de défense de volenti ne s'applique que lorsque les circonstances sont telles qu'il
est manifeste que le demandeur, connaissant le risque presque certain de préjudice, a
essentiellement convenu de renoncer à son droit de poursuite pour les blessures subies par
suite d'une négligence quelconque du défendeur. – La cour ici dit en toute lettre qu’est-ce
que ça veut dire – L'acceptation du risque peut être expresse ou peut ressortir de façon
nettement implicite de la conduite des parties, mais elle n'est opposable, dans les cas comme
celui en l'espèce, que lorsqu'on peut vraiment dire que les deux parties ont compris que
le défendeur n'assumait aucune responsabilité de diligence pour la sécurité du
demandeur et que le demandeur ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse.»
Ensuite la Cour dit : « [l]e bon sens révèle que ce n'est que rarement qu'un demandeur consentira
vraiment à accepter le risque découlant de la négligence du défendeur.»
30 Ibid para 9.
31 Ibid para 6.
Chirine Haddad
24
Dans cette affaire, la Cour dit, que même si la victime n’a rien signé, lorsqu’on examine la
conduite négligente du défendeur, il faut adopter une interprétation restrictive de la défense
d’acceptation des risques puisque les cas où une personne accepte les risques issus de la négligence
d’autrui sont très rares. Ainsi, même si le demandeur montait dans la voiture sachant que son ami
avait bu, cela ne peut suffire afin d’établir une acceptation volontaire du risque de sa part. Il aurait
fallu une preuve qui confirme que non seulement le demandeur connaissait les risques liés à la
conduite du défendeur mais qu’il avait accepté explicitement ou implicitement le risque juridique32
.
La majorité de la jurisprudence en common law révèle que la seule instance où peut-être
l’acceptation du risque va être admise par le tribunal comme moyen de défense, c’est lorsque le
défendeur a rédigé un bon contrat, et a rempli toutes les conditions exigées. Dans ce cas cette
défense peut être admise par la Cour. L’affaire Ocsko c Cypress Bowl Recreations Ltd33
, y constitue
un bon exemple où la Cour a donné gain de cause à une station de ski qui a soulevé la défense
d’acceptation des risques face à un skieur qui l’a poursuivi. Dans ce cas, le demandeur a subi des
blessures lorsque ses skis ont frappé des rochers situés le long de la frontière d'une piste de ski.
Le demandeur était un skieur expérimenté. Il était conscient des risques qui peuvent exister à la
bordure de la piste y compris la présence de roches. La preuve a révélé que le demandeur avait
acheté un laissez-passer de ski pour la saison, et en même temps il a signé une renonciation sans
la lire. La Cour a trouvé que le demandeur n’a subi aucune pression et de même il n’a pas été
pressé pour signer cette renonciation et rien ne l’empêchait de procéder à sa lecture avant qu’il l'a
32 Ibid («Faire droit au moyen de défense alors que les faits indiquent seulement que le demandeur connaissait le risque et a quand
même choisi de s'y exposer est incompatible avec les arrêts précités de cette Cour qui exigent non seulement la connaissance du risque,
mais encore son acceptation expresse ou implicite sans recours en droit de la part du demandeur et la conclusion que le défendeur n'a
quant à lui assumé aucune responsabilité pour la sécurité du demandeur» para 8).
33 (1992), 74 BCLR (2e
) 73 (BCCA), 95 DLR (4e
) 701.
Chirine Haddad
25
signé. En conséquence, l'action de la partie demanderesse a été rejetée puisque elle a accepté
volontairement les risques tout en signant la renonciation au risque juridique et le centre de ski
s’est réussi à se protéger.
Un autre exemple sur ce point est illustré par l’arrêt de principe dans l’affaire Crocker
précitée34
, où la Cour traite de la valeur juridique d’une renonciation, rédigée par un occupant ou
un organisateur sportif afin de l’exonérer de toute responsabilité. Dans ce cas, afin d’entretenir
son centre de ski, la partie défenderesse-intimée a tenu une compétition où des équipes de deux
personnes glissaient dans des chambres à air géantes sur une partie raide et pleine de bosses d'une
pente. L'appelant s'est inscrit à la compétition, et a signé le formulaire d'inscription et d’exonération
sans le lire pour enfin payer les frais d'inscription. Durant la compétition, l'appelant s'est blessé au
cou et est devenu quadriplégique. Il était de toute évidence en état d’ivresse au début de la seconde
34 Crocker, supra note 22 (au sujet de l’acceptation des risques la Cour suprême procède à l’analyse suivante : « [e]n l'espèce,
on peut tenter de fonder le moyen de défense d'acceptation du risque sur l'un ou l'autre des points suivants: a) la participation
volontaire de Crocker à un sport qui était de toute évidence dangereux ou b) la signature d'un formulaire de renonciation deux
jours avant la compétition. J'examinerai ces fondements l'un après l'autre.
Le premier moyen peut être réglé rapidement. La participation de Crocker à la compétition de chambre à air pourrait être
considérée comme une acceptation des risques physiques qu'elle comportait. Toutefois, même cela est douteux en raison du fait
que son esprit était obscurci par l'alcool à ce moment-là. Toutefois, il est presque impossible de conclure qu'il a assumé le risque
juridique qui en découlait. Descendre une pente dans une chambre à air géante ne peut être considéré en soi comme une
renonciation aux garanties juridiques que Crocker pouvait faire valoir contre Sundance. (…)
[TRADUCTION] Je conclus qu'on n'a pas tenté d'attirer l'attention de M. Crocker sur la clause de décharge, qu'il ne l'a pas lue
et qu'en fait, il n'en connaissait pas l'existence. Par conséquent, Sundance n'avait aucun motif raisonnable de croire que la
décharge exprimait véritablement l'intention de M. Crocker. En fait, dans la mesure où il signait un document autre qu'un
formulaire d'inscription, sa signature ne correspondait pas à sa volonté.
Compte tenu de cette conclusion de fait, il est difficile de conclure que Crocker a volontairement relevé le centre de ski de sa
responsabilité juridique pour la conduite négligente dont elle a fait preuve en lui permettant de participer à sa compétition de
chambre à air, bien qu'il ait été en état d'ébriété. Par conséquent, je conclus que Crocker n'a ni verbalement ni par sa conduite
volontairement assumé le risque juridique que comportait la compétition. Le moyen de défense d'acceptation du risque ne
s'applique pas en l'espèce. »
Alors qu’au sujet de la renonciation au risque juridique la Cour a conclu ceci : « Sundance souligne à bon droit qu'une clause de
décharge contractuelle peut servir de défense complète contre une réclamation en responsabilité délictuelle. (…)
(…) Comme je l'ai déjà mentionné, le juge de première instance a conclu que la renonciation que contenait le formulaire
d'inscription n'avait pas été portée à l'attention du demandeur, que celui-ci ne l'avait pas lue et, en fait, qu'il n'en connaissait pas
l'existence. Il croyait qu'il signait simplement un formulaire d'inscription. Dans ces circonstances, Sundance ne peut se fonder sur
la clause de décharge que contient le formulaire d'inscription »).
Chirine Haddad
26
série, après s'être coupé au-dessus de l'œil dans la première série. Le propriétaire de Sundance a
posé des questions au demandeur afin de déterminer s'il était en mesure de prendre part à la
deuxième série, mais n'a rien fait pour l'en dissuader. Le gérant du centre a également dit que
l'appelant ne devait pas poursuivre la course, mais n'a pris aucune autre mesure pour l'empêcher de
participer lorsqu'il a insisté. La Cour a considéré qu’en principe, «lorsqu'une personne se blesse
accidentellement dans la pratique d'un sport, le droit n'impute la responsabilité à personne d'autre.
La personne blessée doit compter sur une assurance privée et sur le régime public
d'assurance-maladie».
Un troisième cas, illustre aussi un exemple important où la défense d’acceptation du risque était
admise par la Cour; c’est l’affaire Dans l’affaire Karrol c Silver Star Mountain Resorts Ltd35
, la
demanderesse a subi une fracture à la jambe tout en participant à une compétition de ski alpin.
Elle est entrée en collision avec un autre skieur en glissant sur une pente. La demanderesse
prétend que la station de ski du défendeur a été négligente en omettant de s'assurer de la clarté du
trajet avant de lui permettre la descente. Mais la demanderesse avait signé une renonciation au
risque juridique avant de participer à la course. Le formulaire a indiqué expressément les risques
de blessure, et a exonéré le défendeur de toute responsabilité, même si elle était le résultat de sa
propre négligence. La demanderesse avait participé à la même compétition durant les quatre
années précédentes. De plus elle avait expliqué à son ami qu'ils étaient tenus de signer des
renonciations les empêchant de poursuivre l'opérateur des pentes de ski, s’ils ont subi une chute
leur causant des blessures. En dépit de cette conversation, la demanderesse a soutenu qu'elle ne
devrait pas être liée par les termes de cette renonciation, comme elle n'a pas lu le formulaire, et
35 (1988), 33 BCLR (2e
) 160 (BCSC).
Chirine Haddad
27
n'avait pas eu une chance raisonnable de le lire et de comprendre son contenu. La Cour a estimé
que le document était court (une page), rédigé en lettres majuscules, et facile à comprendre. La
demanderesse a admis qu'elle aurait pu le lire dans une à deux minutes. La Cour a conclu que la
demanderesse a accepté volontairement les risques et que le défendeur a pris des mesures
raisonnables pour mettre les clauses d’exonération à l'attention de celle-ci, et a donc le droit de se
prévaloir de ses clauses. L'action de la demanderesse a été rejetée et le moyen de défense soulevé
par la partie défenderesse a été accepté.
La théorie d’acceptation des risques apparait non seulement dans le cadre des moyens de
défenses en négligence, mais aussi dans la Loi sur la responsabilité des occupants36
, notamment
à l’article 4. Pour cela, il est important d’étudier cette théorie dans le contexte de la
responsabilité des occupants.
2.3 La théorie d’acceptation des risques dans le contexte de la responsabilité
des occupants :
2.3.1 Le régime législatif
Comme déjà signalé, ce moyen de défense nécessitait le libre arbitre chez la victime et qu’elle
soit en pleine connaissance du risque associé à l’activité dans laquelle elle s’engage, ainsi qu’elle
accepte le risque juridique. La question s’est posée dans le contexte de la Loi sur la
responsabilité des occupants, essentiellement, est-ce que le législateur a prévu ces conditions-là?
36 Loi sur la responsabilité des occupants, LRO 1990, c O.2 [Loi sur la RO].
Chirine Haddad
28
Lorsque cette loi a été adoptée, les occupants s’inquiétaient de la portée trop onéreuse de leur
responsabilité que le législateur avait créé puisqu’il a éliminé toute l’analyse de l’obligation de
diligence afin d’imposer à tous les occupants une obligation d’être diligent. En effet, ceux-ci se
sentaient menacés - dépendant du type d’occupant - surtout les gens qui appartenaient des
terrains agricoles, des terrains de golfes, et des terrains où sont construits des centres d’achat, des
cinémas. Mais c’est surtout avec les propriétaires des terrains aux milieux ruraux ayant des
vastes propriétés que les préoccupations majeures ont été reconnues au niveau de la portée de
cette responsabilité puisqu’ils avaient de très grands terrains, et l’article 337
de la loi, leur
imposait de prendre les soins raisonnables afin de s’assurer que toutes les personnes qui entrent
sur les lieux soient raisonnablement en sureté lorsqu’ils s’y trouvent, ce qui peut être assez
exigeant, s’il faut que l’occupant patrouille un grand terrain, ou s’il est un type d’occupant
complexe comme un centre d’achat qui est fréquenté par beaucoup de gens.
En conséquence, il y a eu de la pression pour incorporer à la loi les règles autour de
l’acceptation volontaire du risque38
. C’est l’article 439
qui s’intéresse à ce sujet. Sous l’empire de
37 Voir la Loi sur la RO, Ibid, art 3 («Obligation de l’occupant
3. (1) Un occupant des lieux a l’obligation de prendre le soin qui s’avère raisonnable dans toutes les circonstances en cause pour
veiller à ce que les personnes qui entrent dans les lieux et les biens qu’elles y apportent soient raisonnablement en sûreté
lorsqu’ils s’y trouvent.
(2) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe (1) s’applique, que le risque soit causé par l’état des lieux ou par une
activité qui y est exercée.
(3) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe (1) s’applique sauf dans la mesure où l’occupant des lieux est libre de
limiter, de modifier ou d’éviter son obligation et le fait »).
38 Bélanger-Hardy, supra note 22 à la p 549.
39 Loi sur la RO, supra note 36, art 4. (« Risques volontairement assumés
4. (1) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe 3 (1) ne s’applique pas à l’égard des risques volontairement assumés
par la personne qui entre dans les lieux. Toutefois, dans ce cas, l’occupant a envers elle l’obligation de ne créer aucun danger
dans l’intention arrêtée de lui faire du tort ou d’endommager ses biens. Il a également l’obligation de ne pas agir de façon
insouciante en faisant abstraction de la présence de la personne ou de ses biens.
Activité criminelle
Chirine Haddad
29
cet article la norme de diligence va être modifiée quand la personne accepte volontairement les
risques. La norme de conduite prévue à l’article 3 précité qui consiste à prendre le soin
raisonnable dans les circonstances en cause pour s’assurer que les personnes sur les lieux soient
raisonnablement en sûreté va être modifié pour devenir : une obligation de ne créer aucun danger
dans l’intention arrêtée de faire du tort ou d’endommager un bien et obligation de ne pas agir de
manière insouciante en faisant abstraction de la personne ou de ses biens. Cette norme regroupe
deux volets : l’occupant ne peut pas créer un danger à une personne qui vient sur son terrain, en
d’autre mot, sachant qu’il y a un intrus qui passe dans sa cours, l’occupant ne peut pas creuser un
grand trou par exemple et le couvrir par des feuilles d’arbre en espérant qu’il tombe dedans. De
même, suivant cette norme, l’occupant ne peut pas être insouciant envers les personnes qui
passent par son terrain, comme si par exemple il appartient un terrain assez vaste dans une région
rurale tout en sachant qu’il y a des motoneigistes qui passent par son terrain, et qu’il existe des
tuyaux dangereux ou un arbre tombé qui présente un danger, dans ce cas l’occupant ne peut pas
(2) Une personne qui se trouve dans les lieux avec l’intention de commettre des activités criminelles ou qui est en train de les
commettre, est réputée avoir volontairement assumé tous les risques et est assujettie à l’obligation de prendre soin énoncée au
paragraphe (1).
Entrée sans autorisation et activités de loisir permises
(3) Une personne qui entre dans les lieux décrits au paragraphe (4) est réputée avoir volontairement assumé tous les risques et
elle est assujettie à l’obligation de prendre soin énoncée au paragraphe (1) lorsque, selon le cas :
l’entrée en est interdite aux termes de la Loi sur l’entrée sans autorisation;
l’occupant n’a pas affiché d’avis à l’égard de l’entrée ni ne l’a expressément permise autrement;
l’entrée est faite dans le but d’exercer une activité de loisirs et que les conditions suivantes sont réunies :
(i) aucun droit n’est acquitté pour l’entrée de la personne ou l’exercice de l’activité, autre qu’une allocation ou un paiement reçu
d’un gouvernement, d’une agence gouvernementale, d’un club ou d’une association de loisirs à but non lucratif,
(ii) l’occupant ne pourvoit pas au logement de la personne.
Lieux mentionnés au para. (3)
(4) Les lieux mentionnés au paragraphe (3) sont les suivants :
a) des lieux ruraux qui sont :
(i) utilisés à des fins agricoles, y compris des terres en culture, des vergers, des prés, des parcelles boisées et des étangs situés sur
une ferme,
(ii) des lieux vacants ou non développés,
(iii) des lieux boisés ou sauvages;
b) des terrains de golf lorsqu’ils ne sont pas ouverts pour y jouer;
c) des droits de passage ou des couloirs à l’usage des services publics excluant les constructions qui y sont situés;
d) des terrains affectés à l’ouverture éventuelle de routes;
e) des routes privées raisonnablement affichées comme telles au moyen d’un avis;
f) des pistes de loisir raisonnablement affichées comme telles au moyen d’un avis » ).
Chirine Haddad
30
être insouciant vis-à-vis ce qui se passe sur son bien-fonds. Donc, la norme est moins exigeante
dans ce cas; elle consiste à ne pas créer expressément un danger et de ne pas être insouciant si
l’occupant connait qu’il y a des gens qui passent sur son bien-fonds et qu’il existe un certain
danger pour eux.
Donc si l’occupant peut montrer que la victime a assumé volontairement le risque ou a accepté
volontairement le risque, dans ce cas, il va être astreint à la norme moins exigeante de l’article 4
plutôt que la norme plus exigeante de l’article 3.
2.3.2 Interprétation du régime législatif : analyse jurisprudentielle.
Étant donné cela, la question était de savoir qu’est-ce qu’on veut dire par assumer
volontairement le risque dans cette loi; est que le sens est identique à celui que la common law
avait adopté c.à.d. que la personne qui accepte le risque doit avoir la capacité et le libre arbitre et
que la personne qui accepte les risques connait les risques et que la personne qui accepte
volontairement les risques, accepte le risque juridique. Est-ce que le législateur a adopté cette
approche en rédigeant l’article 4? Est-ce que le législateur voulait dans le fond incorporer la
façon dont la common law avait développé l’acceptation volontaire du risque?
Cette question a été posée dans l’affaire Waldick c Malcom40
. Dans ce cas le demandeur M.
Waldick est allé faire couper ses cheveux chez sa sœur qui habitait avec son conjoint en région
rurale. Le demandeur sort pour chercher un objet de sa voiture et retournant vers la maison de sa
sœur, il tombe sur la glace et subit une fracture au crâne. L’entrée et le palier et l’allée étaient
bien nettoyés, mais aucun sable ou sel étaient répandus. M. Waldick poursuit sa sœur et son
40 [1991] 2 RCS 456, 83 DLR (4e
) 114 [Waldick].
Chirine Haddad
31
conjoint pour négligence en se fondant sur la Lois sur la responsabilité de l’occupant de
l’Ontario.
La Cour commente sur la question liée à l’acceptation du risque, tout en analysant l’expression
«risques volontairement assumés par la personne qui entre dans les lieux» incluse dans le texte
de la loi comme suit:
« […] Je ne doute pas que le par. 4(1) de la Loi était censé concrétiser et maintenir le
principe de l'acceptation du risque. On s'en rend compte en examinant l'ensemble du
régime législatif créé par la Loi. Celle-ci visait manifestement à remplacer, à mettre au
point et à harmoniser l'obligation de prendre soin qu'avaient en common law les
occupants de lieux envers les visiteurs qui entraient sur ces lieux.
J'estime que la Loi n'était pas destinée à écarter en bloc les moyens de défense de
common law en matière de responsabilité, et il est révélateur que l'art. 2 ne fasse aucune
mention de ces moyens de défense. Ce point de vue se trouve renforcé quand on se
demande pourquoi il devrait y avoir dans ce domaine du droit une défense autre que celle
de l'acceptation du risque qui peut être soulevée dans les actions pour négligence en
général. Le domaine de la responsabilité des occupants ne semble avoir rien de
particulier qui justifie qu'on se détourne du principe généralement admis de l'acceptation
du risque.»
En effet, la Cour a conclu que le législateur avait probablement l’intention d’incorporer la
common law, et par son interprétation, la Cour suprême semble favoriser les victimes, puisqu’en
common law, la défense de l’acceptation des risques est très difficile à soulever, surtout que c’est
difficile de démontrer que la victime a accepté le risque juridique à moins qu’elle a signé un
document écrit très clairement qui montre qu’elle a accepté volontairement les risques.
En common law, ce que la loi aussi opère par rapport à l’acceptation volontaire du risque c’est
de donner deux instances où on présume que le demandeur a accepté volontairement les risques;
Chirine Haddad
32
et dans ce cas il faut rencontrer les exigences de l’article 441
: le premier c’est lié aux intrus. Si
quelqu’un est un intrus, c.à.d. quelqu’un qui est sur place pour y commettre des infractions, il
«est réputé avoir volontairement assumé tous les risques et est assujettie à l’obligation de prendre
soin énoncé au paragraphe (1). »
Ainsi, un voleur qui entre dans un bien fond pour voler la bicyclette d’un occupant, ce dernier a
une obligation de ne créer aucun danger dans l’intention arrêtée de lui faire du tort, c.à.d. il ne
peut pas creuser un piège par exemple, ou il ne doit pas agir d’une façon insouciante en faisant
abstraction d’un danger dans sa propriété. Tandis que si par exemple, la mère âgée de l’occupant
vient se promener chez lui, elle n’est pas une intruse, elle ne vise pas à commettre une infraction
criminelle, et dans ce cas l’obligation stipulée dans l’article 3 s’applique qui consiste à prendre le
soin raisonnable dans les circonstances en cause pour s’assurer que les personnes sur les lieux
soient raisonnablement en sûreté.
L’autre instance, où la loi crée une présomption que la victime a accepté volontairement les
risques, se trouve aux paragraphes 3 et 4 de l’article 4. Et dans ces cas, l’occupant a l’obligation
de ne créer aucun danger à cause de cette présomption, et c’est pour le demandeur qui se
blesserait dans un des lieux mentionnés au paragraphe 4.
Ainsi, il faut une combinaison entre les conditions stipulées au paragraphe 3 et les lieux
mentionnés au paragraphe 4 de l’article 4 pour réduire la norme de diligence évoqué à l’article 3
à la norme indiquée au paragraphe 1 de l’article 4. En d’autre termes, si la victime rentre dans
une piste de loisir raisonnablement affichée comme telle par un avis, pour faire une activité de
41 Loi sur la RO, supra note 36, art 4.
Chirine Haddad
33
loisir comme le ski, et elle paie, l’occupant ne passe pas à l’exception captée par le paragraphe 1
de l’article 4. Si la victime ne paie pas, la norme énoncée au paragraphe 1 précité s’applique.
3. Entre la common law et le droit civil: étude comparée de
l’acceptation des risques
3.1 Introduction :
Afin de mieux comprendre la portée légale de la défense d’acceptation des risques, il faut établir
une distinction entre les principes régissant ce moyen de défense en droit civil et ceux qui sont
adoptés par la common law.
Des auteurs ont consacré de substantiels développement à cette théorie afin d’exposer à la fois
sa genèse et sa signification en common law et en droit civil. À cette occasion ils expliquent
qu’«[a]u Québec, si l’acceptation des risques a parfois été assimilée à la défense de volenti
propre à la common law, le droit québécois probablement encouragé par les développement sur
la question en droit français a néanmoins pu construire sa propre théorie»42
Cela révèle que, dans des circonstances similaires, le défendeur peut être exonérer totalement
de sa responsabilité en common law, alors qu’en droit civil, il demeurerait responsable aux yeux
du tribunal.
Cette partie vise à examiner les différences et les similarités entre le droit civil et la common
law au niveau de la défense d’acceptation des risques.
42 Deslauriers, supra note 2 à la p 146.
Chirine Haddad
34
3.2 - Distinction générale entre la common law et le droit civil :
L’article 145743
du Code civil du Québec couvre tout type de conduite alors qu’en common
law, le tribunal est pris avec un délit précis. Avant de soulever les moyens de défenses, quel que
soit la nature du délit, il incombe au demandeur d’établir la responsabilité à première vue que ce
soit en droit civil ou en common law. S’il parvient à compléter cette étape en prouvant le
préjudice, le tribunal a à ce moment-là une responsabilité à première vue puisque le demandeur a
réussi de prouver tous les éléments du délit ou tous les éléments de l’article 1457 précité. À ce
stade, le tribunal passe à une deuxième étape de l’analyse: il a obtenu une responsabilité à
première vue du défendeur, le demandeur a démontré tous les éléments du délit. Dans ce cas le
droit permet au défendeur de contester la responsabilité en première vue établie contre lui en
faisant recours aux moyens de défenses : on y trouve des moyens de défenses officiels, et en
common law, en ce qui a attrait à la négligence, il y en a quatre qui peuvent annuler cette
présomption de responsabilité prima facie. Si le défendeur réussisse à convaincre la cour que la
défense évoquée est appropriée, il en résultera une annulation de la responsabilité et le défendeur
va s’en sortir. Et par contre si le défendeur échoue à convaincre la cour que le moyen de défense
est bien fondé, celle-ci passe à l’étape de la réparation.
Pour les moyens de défenses par rapport à la négligence en common law, il y en a quatre qui
sont officiels44
: 1) la négligence contributive qui est très semblable à La faute contributive en
droit civil et c’est un moyen de défense partiel qui va mener à un partage de responsabilité, alors
43 Supra note 1.
44 Bélanger-Hardy, supra note 24 à la p 763.
Chirine Haddad
35
que 2) l’acceptation volontaire des risques, 3) l’illégalité de la conduite du demandeur et 4)
l’accident inévitable, sont des moyens de défense complets.
Donc si le défendeur réussit à convaincre la cour qu’il y a acceptation volontaire du risque,
contrairement au droit civil, il est complètement exonéré de toute responsabilité en common law.
Cela constitue un point de différence assez marqué entre ces deux systèmes.
Ce qui distingue le droit civil de la common law, que cette dernière établit une séparation entre
différent délits. «En droit des délits civils canadien, il existe deux catégories de fautes : la
conduite négligente et la conduite intentionnelle. En quelques mots, la négligence est une action
ou une omission qui crée de façon objective, c.à.d. sans égard aux désirs de l’auteur un risque
déraisonnable de préjudice à autrui.»45
Par contre, un acte intentionnel est posé avec l’intention
spécifique de produire un dommage à autrui. Afin d’obtenir une réparation pour une action en
négligence en common law, les quatre conditions suivantes doivent être prouvées : (a) une règle
imposant au défendeur de se conformer à une norme de conduite; (b) un défaut de la part du
défendeur de se conformer à cette obligation, ou, en d'autres termes, un manquement à
l'obligation de prendre soin (ce manquement à l'obligation est habituellement appelé la
négligence); (c) préjudice causé au demandeur et; (d) un lien de causalité raisonnablement étroit
entre la négligence et le préjudice qui en résulte.
Alors qu’en droit civil, contrairement à la common law, la responsabilité ne repose pas sur un
certain nombre de règles spécifiques interdisant certains types d'activités nuisibles – la
responsabilités civile repose, dans la majorité des cas, sur un principe fondamental qu'il est
45 Ibid à la p 6.
Chirine Haddad
36
illicite de causer des dommages à autrui sans légitime justification ou excuse. Selon l’article
1457 du CcQ, la responsabilité est fondée sur la faute. Suivant les termes de cet article, pour
réussir une action en droit civil, les trois conditions suivantes doivent être respectées : (a)
l’existence d’un acte fautif imputable au défendeur; (b) un préjudice subi par le demandeur; et
un lien de causalité entre la faute et le dommage qui en résulte.
Ainsi, la distinction en droit civil n’existe pas entre la conduite négligente et la conduite
intentionnelle, et l’acceptation des risques s’applique dans les deux cas.
En common law on parle de l’acceptation des risques dans le contexte de la négligence et en
gros c’est l’idée de consentir et le fardeau de la preuve, comme en droit civile, est au défendeur
puisque c’est un moyen de défense et il va falloir que le défendeur démontre l’existence des trois
conditions chez le demandeur afin de montrer que ce dernier a accepté le risque et donc se
prévaloir de ce moyen de défense.
3.3 - Au niveau des conditions d’application de ce moyen de défense :
Suivant notre exposé de ce moyen de défense dans les deux systèmes, on peut déduire que la
connaissance préalable des risques associés à une activité quelconque constitue une condition
exigée par le droit civil et la common law afin de conclure à une acceptation volontaire des
risques par la victime. La common law insiste clairement sur la nécessité que la victime ait le
libre arbitre afin de s’assurer qu’elle avait pleine connaissance de cause, alors qu’en droit civil,
cette condition est présumée du fait que la victime s’est engagée volontairement dans l’activité
dangereuse, et la volonté exige en soi que la victime ait le libre arbitre. Pour cette raison, on
Chirine Haddad
37
constate que le législateur québécois, à la différence de la common law, n’invoque pas cette
condition expressément, afin d’éviter toute tautologie de sa part.
La distinction remarquable entre les deux systèmes s’opère au niveau de la renonciation
juridique exigée par la common law pour appliquer ce moyen de défense; elle est illustrée
clairement par l’affaire Dube c Labar 46
où la Cour suprême a conclu que
«le moyen de défense de volenti ne s'applique que lorsque les circonstances sont telles qu'il
est manifeste que le demandeur, connaissant le risque presque certain de préjudice, a
essentiellement convenu de renoncer à son droit de poursuite pour les blessures subies par
suite d'une négligence quelconque du défendeur. L'acceptation du risque peut être expresse
ou peut ressortir de façon nettement implicite de la conduite des parties, mais elle n'est
opposable, dans les cas comme celui en l'espèce, que lorsqu'on peut vraiment dire que les
deux parties ont compris que le défendeur n'assumait aucune responsabilité de diligence
pour la sécurité du demandeur et que le demandeur ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse».
La marge entre acceptation du risque matériel – ou physique – admise en droit civil et
l’acceptation du risque légale adoptée par la common law est bien traitée dans le passage suivant
reproduit dans cette décision47
:
« [TRADUCTION] [o]n soutient que le secret pour comprendre la portée véritable de la
maxime volens, consiste à établir une distinction entre ce qu'on pourrait appeler le risque
matériel et le risque légal. Le risque matériel est le risque de préjudice véritable. Le risque
légal est le risque de préjudice véritable pour lequel il n'y a pas de recours en droit...
Exprimé en termes généraux, cela veut dire que le moyen de défense de volens ne s'applique
pas lorsque dans son for intérieur le demandeur décide de courir un risque, mais qu'il n'y a
rien dans sa conduite qui indique à l'autre partie qu'il a renoncé à son droit d'action. Pour
constituer un moyen de défense, il faut qu'il y ait eu entente expresse ou tacite entre les
parties en vertu de laquelle le demandeur a renoncé à son droit d'action pour négligence.»
46 Dube, supra note 29.
47 Ibid.
Chirine Haddad
38
Mais pareillement au droit civil, le fait que la victime signe sa renonciation au recours, va à
l’encontre son intérêt comme demandeur, mais les tribunaux vont examiner l’ensemble des
circonstances; est-ce que tous les risques étaient explicites, est-ce que la victime a bien compris
tout ce qui est discuté. Un contrat très bien rédigé où la clause d’acceptation des risques est bien
présentée à la victime, permet à la cour d’admettre, en principe, ce moyen de défense. Pourtant,
selon la common law, si le signataire du document affirme qu’il connait les risques et il les
accepte, cela ne peut être suffisant afin de conclure qu’il a renoncé au risque juridique; la victime
doit montrer qu’elle comprend qu’elle peut subir des blessures à cause des risques associés à une
activité qu’elle désire exercer et qu’elle comprend qu’elle ne peut sous aucune instance
poursuivre l’autre partie et qu’elle accepte ce risque juridique. Dans ce cas le demandeur va faire
face à beaucoup de difficulté pour montrer qu’il n’avait pas accepté les risques. Cette
exonération complète de responsabilité du défendeur trouve son application même en cas de
préjudice corporel ou moral, ce qui marque cette différence importante avec le droit civil où
l’article 1474 CcQ48
dit qu’en cas d’une exclusion ou d’une limitation contractuelle de la
responsabilité pour un préjudice corporel ou moral, ou en cas de faute intentionnelle ou faute
lourde, les clauses sont considérées nulles et à cette distinction s’ajoute deux autres comme déjà
signalé :
1- en droit civil, l’acceptation du risque n’exige pas une renonciation légale du risque, on exige
plutôt d’accepter le risque physique et il n’est pas possible, selon l’article 1474 du CcQ, d’avoir
une renonciation légale pour le préjudice corporel ou moral,
2- l’acceptation des risques peut être une défense partielle donc elle ne constitue pas toujours une
défense complète.
48 Supra note 16.
Chirine Haddad
39
Alors qu’en common law, une clause d’exonération bien ficelée pourrait exclure la
responsabilité pour le dommage corporel ou moral, et le défendeur a le fardeau de démontrer que
victime comprenait ce qui se passait et puis il a accepté ce risque juridique.
Cette distinction entre ces deux systèmes juridiques, s’opère aussi au niveau de l’effet juridique
d’une entente comprenant une clause limitative ou exonératoire de responsabilité, où en droit
civil elle n’est pas requise afin d’établir une acceptation volontaire du risque, contrairement à la
common law où elle est prévue comme une condition nécessaire pour soulever ce moyen de
défense.
En droit québécois, le lien de causalité entre le risque accepté et le dommage subi est indiqué
expressément comme une condition nécessaire à l’invocation de la défense d’acceptation du
risque, alors qu’en common law, cette exigence n’est pas mentionnée parmi les conditions
exigées pour se prévaloir de ce moyen de défense, et peut-être cela est dû à l’idée que la
renonciation juridique de la part de la victime, en cas de son admissibilité, mène à une
exonération totale du défendeur de tout responsabilité sans la nécessité de prouver un lien de
causalité entre le risque accepté et le préjudice subi.
3.4 Au niveau des conséquences de l’acceptation des risques:
Les effets de l’acceptation volontaire des risques par la victime souligne une différence cruciale
entre la common law et le droit civil à l’égard ce moyen de défense; une fois que le demandeur
réussit à établir la responsabilité prima facie du défendeur en common law, c’est uniquement la
négligence contributive qui va mener à un partage de responsabilité régit par la Loi sur le
Chirine Haddad
40
partage de la responsabilité49
, ou le défendeur va soulever les trois autres moyens de défense
complet. En raison de leur effet exonératoire total, l’attitude des tribunaux envers ces défenses
est généralement défavorable parce qu’en examinant les moyens de défense, le demandeur a déjà
établi une responsabilité à première vue du défendeur, donc le demandeur a réussi à prouver les
éléments du délit par rapport au défendeur, qui devient à ce stade responsable de prime abord;
tous les éléments du délit, ou tous les éléments de l’article 1457 du code civil québécois ont été
prouvés contre lui. Ainsi en analysant les moyens de défense, les tribunaux s’attendent du
défendeur qu’il invoque un moyen de défense assez déterminant afin qu’ils modifient leur
présomption de responsabilité à première vue et puis pour qu’ils décident de le libérer de tout
dommage-intérêt. Par contre, vu que la négligence contributive est une défense partielle qui
aboutit à un partage de responsabilité et non à une annulation de celle-ci, les tribunaux, soit en
common law soit en droit civil, ont tendance à être plus ouvert à son égard; le défendeur demeure
négligent aux yeux du tribunal mais le demandeur lui-même n’a pas agi de façon optimal, c.à.d.
il était lui-même négligent, pour cela, la défense de négligence contributive est souvent invoquée
dans les litiges et les tribunaux sont plus favorables à l’admettre. Cette idée est traitée par
Baudouin50
comme suit:
« [p]endant longtemps, le droit anglais et le droit américain ont admis, au contraire du
droit français et québécois, que la faute (negligence) de la victime et sa participation à la
réalisation du préjudice constituaient une fin de non-recevoir absolue à sa
réclamation. C’était le système de la contributory negligence (…). La sévérité de cette
règle, antérieurement aux diverses réformes législatives qui l’ont supprimé, avait
d’ailleurs obligé les tribunaux de common law à des prodiges d’ingéniosité pour
parvenir à des solutions qui ne soient pas trop inéquitables. La jurisprudence
49 Loi sur le partage de la responsabilité, LRO 1990, c N.1.
50 Baudouin, supra note 5 à la pp 645.
Chirine Haddad
41
québécoise, qui aurait pu à cet égard être influencée par la common law, a, au contraire,
dès le siècle dernier, opté pour le système civiliste du partage de responsabilité, système
connu en an anglais sous le vocable de comparative negligence et désormais codifié à
l’article 1478 C.c ».
À cela s’ajoute une autre distinction entre common law et droit civil; à côté du moyen de
défense de la faute contributoire en droit civil, qui équivaut à la négligence contributive,
l’acceptation du risque constitue habituellement une défense partielle plutôt que totale, et cela est
dû à la flexibilité du système civiliste envers ce moyen de défense et l’esprit paternaliste et
protecteur traduit par celui-ci. Ainsi, on trouve beaucoup plus d’arrêt en droit civil qui traite de
cette défense, parce que les tribunaux profite de cette flexibilité, alors qu’en common law les
tribunaux vont être plus réticents à l’admettre, vu son effet exonératoire total et vu l’absence de
toute flexibilité à son égard. Cette idée est confirmée par Patrice Deslauriers comme suit51
:
« [à] la fin du XIXe
siècle, la common law subit une transformation importante.
Constatant que la simple connaissance [du risque] constituait une condition trop étendue,
les tribunaux anglais ont restreint l’application de la règle aux seules circonstances
impliquant une véritable acceptation des risques. Cette interprétation fut également celle
retenue au Canada par la Cour suprême.»
L’article 1477 précité52
exprime clairement que « [l]'acceptation des risques par la victime,
n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice. »
La majorité des tribunaux québécois, comme dans l’affaire Gaudet c Lagacé53
mentionnée
ultérieurement, conçoit l’acceptation des risques comme étant une faute de la victime, elle peut
conclure à un partage de la responsabilité selon la gravité respective des fautes du défendeur et
51 Deslauriers, supra note 2 à la p 144.
52 Supra note 3.
53 Gaudet, supra note 13.
Chirine Haddad
42
puis de la victime. Les deux moyens de défenses, la faute contributoire et l’acceptation des
risques, se rencontrent à ce stade, contrairement au courant jurisprudentiel adopté en common
law, où l’acceptation des risques constitue en soi une défense complète exonérant à 100%
l’auteur du préjudice de toute responsabilité.
Mais, conformément au courant adopté par la common law qui exige que les clauses limitatives
de responsabilité soient portées à l’attention du signataire par leur auteur avant la création de
l’obligation contractuelle (Gregorio c Intrans- Cop54
), l’article 1475 du CcQ précité affirme le
même principe.
Par contre, à la différence de la common law, le législateur québécois est intervenu pour
déclarer l’invalidité d’une telle clause en cas de préjudice corporel ou moral, ou en cas de faute
intentionnelle ou lourde, en rédigeant l’article 1474.
Suivant le droit civil québécois, L’exclusion de la faute lourde et de la faute intentionnelle de la
validité des clauses limitatives de la responsabilité revient à l’idée que :
« [q]uelque généraux que puissent être les termes de ces clauses, elles ne peuvent jamais
avoir pour effet de permettre au débiteur de se soustraire à la responsabilité provenant de
sa faute intentionnelle ou de sa faute lourde. Par faute lourde, le législateur, à l’article
1474 C.c, entend la faute grossière et donc un total mépris des intérêts d’autrui…
Admettre, en effet, la possibilité d’exclure les conséquences d’un acte malicieux,
prémédité, ou d’une négligence très grave, serait une incitation sociale à la fraude ou à
l’incurie grossière à l’égard d’autrui et irait directement contre l’ordre public. »55
54 Gregorio, supra note 27.
55 Baudouin, supra note 5 à la p1159.
Chirine Haddad
43
Et comme illustrée dans l’affaire Karawani56
précitée, en soulevant la défense d’acceptation du
risque, il est possible d’alléguer que ces clauses sont sans effet lorsqu’il s’agit d’une faute lourde
ou intentionnelle ou lorsque le préjudice subit est de nature corporel ou moral. Cette position
adoptée par le droit civil québécois se distingue gravement de la common law, puisqu’il est
conçu comme un système paternaliste, un système où le code vise à protéger l’individu. Le droit
civil semble adopter cette attitude qui consiste à vouloir protéger les individus d'eux-mêmes ou à
tenter de réaliser leur bien sans tenir compte de leur opinion; les mesures imposées par celui-ci
sont justifiées par des principes généraux tell que la dignité humaine par exemple. La Charte des
droits et libertés de la personne57
traduit cet esprit. Inspiré par le droit civil français, le
législateur québécois consacre une grande part au concept de dignité. La Charte québécoise
assure de façon péremptoire le droit à la vie, à la sûreté et à l'intégrité de chaque personne. Cette
déclaration est consolidée par la reconnaissance expresse des droits à la sauvegarde de la dignité
et au respect de la vie privée. Surtout, cette loi quasi constitutionnelle condamne les atteintes aux
attributs principaux de l'être humain. Chaque personne détient en soi-même une valeur
intrinsèque la rendant digne de respect. S'agissant du milieu de travail, l’esprit paternaliste est
traduit par le fait que le Code civil stipule notamment que l'employeur doit adopter les mesures
qui conviennent à la nature du travail afin de conserver la santé, la sécurité et la dignité de son
employé. À cela, dans la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions
56 Karawni, supra note 18.
57 Charte des droits et libertés de la personne, LRQ c C-12, art 2 (« [t]out être humain dont la vie est en péril a droit
au secours. Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du
secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou
d'un autre motif raisonnable »).
Chirine Haddad
44
législatives58
, s'ajoute un bloc de mesures qui traitent le sujet du harcèlement psychologique en
milieu de travail. Cette tendance fait du droit civil québécois un protecteur des personnes
vulnérables contre les forces du marché. Du coup, ça fait aussi de ce droit un guide paternaliste
protégeant les individus contre leurs faiblesses. Cet esprit protecteur du droit civil se révèle aussi
en matière de responsabilité civil, où aucune entreprise québécoise, ne peut s'exclure de sa
responsabilité face à des préjudices physiques ou morale par quelque document que ce soit, ce
qui souligne la tendance protectrice du droit civil envers l’intégrité physique et morale de
l’individu. Elle peut par contre le faire vis-à-vis des préjudices matériels seulement, par le biais
d’un formulaire de décharge clair, dûment exprimé et signé par le client. Encore là, le droit civil
exige que le signataire soit bien avisé des problèmes potentiels et d'accepter les risques en pleine
connaissance de cause. Mais qu'importe le formulaire d'acceptation de risques ou de non-
responsabilité signé, une chose l'invalidera à tout coup : une faute lourde. Elle est généralement
établie lorsque l'erreur paraît évidente pour la personne raisonnable, bien que ce soit toujours le
tribunal qui a le dernier mot.
Cet esprit qui caractérise le droit civil, se distingue de l’esprit individualiste de la common law,
«qui considérait que toute personne était libre de prendre des risques sans pour autant pouvoir
demander l’intervention de la justice. De plus la règle de volenti reposait sur la notion de faute
commise par la victime; une personne qui acceptait les risques devenait pour ainsi dire coauteur
de son préjudice et par conséquent, ne pouvait bénéficier de la protection de la common law»59.
Ainsi l’auteur Bohlen traduit cette idée comme suit :
58 Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives, LQ 2002, c 80.
59 Deslauriers, supra note 2 à la p 143.
Chirine Haddad
45
«[traduction] [l]a maxime ''volenti non fit injuria'' est une expression succincte de la
tendance individualiste de la common law, qui provient du peuple et défend ses libertés,
naturellement la liberté d'action individuelle qui constitue la clé de voûte de l'ensemble de
sa structure. Selon cette aptitude, chaque individu est libre de maitriser ses propres
destinés, il ne doit pas être assujetti à des interventions externes, mais en l'absence de
telles ingérences, il est tenu apte de se protéger. Alors qu’en le protégeant d’une agression
externe, de l'imposition et de la coercition, la common law n'assume pas le rôle de le
protéger contre les vices de sa propre personnalité et des conséquences de ses actes
volontaires ou de sa conduite négligente60
».
La défense d’acceptation des risques rend toute perception de la valeur sociale des actions ou
des objectifs attribués au demandeur dépourvue de toute utilité pour la résolution du conflit.
Mais cela n’indique pas une absence totale du paternalisme dans la common law puisque la
protection des parties vulnérable demeure une politique sociale importante adoptée par la Cour
suprême.
En common law, si la victime signe une clause d’exonération portée à son attention, et dont elle
a pleine connaissance, cette clause devient valide et produit tous ses effets malgré la nature
corporelle ou morale du préjudice. Alors qu’en droit civil, il y a une limitation portée par le code,
par une disposition d’ordre public qu’on ne peut pas la modifier contractuellement.
Pour ces raisons exposées, l’acceptation des risques se révèle plus qu’un simple moyen de
défense; il traduit l’esprit même du droit civil.
60 F. H. Bohlen, «Voluntary Assumption of Risk», (1906) 20 Harvard Law Review (HLR) (« The maxim ''volenti
non fit injuria'' is a terse expression of the individualistic tendency of the common law, which, proceeding from the
people and asserting their liberties, naturally regards the freedom of individual action as the keystone of the whole
structure. Each individual is left free to work out his own destinies, he must not be interfered with from without, but
in the absence of such interference he is held competent to protect himself. While therefore protecting him from
external violence, from imposition and from coercion, the common law does not assume to protect him from the
effects of his own personality and from the consequences of his voluntary actions or of his careless misconduct. » à
la p 14).
Acceptation des risques - VERSION FINALE
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Acceptation des risques - VERSION FINALE

  • 2.
  • 3. Chirine Haddad 1 Acceptation Du Risque Étude Comparée En Common Law Et Droit Civil Introduction: Le Canada est un des pays où coexistent deux régimes juridiques fondamentalement distincts; la common law et le droit civil. L’héritage de cette dualité juridique au Canada est le fruit des rapports de complémentarité historiques que la common law et le droit civil ont entretenu et qui ont été traduits par l’Acte de Québec 1774 et, plus tard, par le partage des compétences législatives établi par la Loi constitutionnelle de 1867. Mais que ce soit en droit civil ou en common law, une fois que le demandeur réussisse à démontrer les éléments constitutifs de la faute sous l’article 1457 du Code civil du Québec 1 ou du délit de négligence en common law, le défendeur peut faire recours à un éventail de moyens de défenses officiels, comme par exemple la négligence contributive du demandeur en common law ou la faute contributoire en droit civil. La common law, à l’instar du droit civil, a légiféré dans ce domaine, et les deux systèmes se ressemblent conceptuellement dans leur analyse du partage de la responsabilité. Ce n’est toutefois pas le cas en ce qui a attrait à la défense de l’acceptation volontaire du risque ou volenti non fit injuria qui soulève beaucoup de controverses en droit civil et en common law. 1 Art 1457 CcQ (« Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel. Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde »).
  • 4. Chirine Haddad 2 La théorie d’acceptation des risques puise son origine du droit romain comme indiqué par l’auteur Patrice Deslaurier2 qui a reproduit les 1ères décisions anglaises adoptant cette théorie : « [l]e Codex Justinianus énonçait : « nec umquam volenti dolus inferatur, fustra de dolo querimini » c’est-à-dire qu’une fraude ne peut être commise l’encontre d’une personne qui y consent et que cette dernière ne peut pas intenter de recours. Certains textes du Digeste faisant également référence à l’acceptation des risques. Pomponius énonçait de manière plus générale : « Quod quis ex culpa suo dammun sentit non intellilur dammun sentire », c’est-à-dire qu’une personne qui souffre d’un préjudice par sa propre faute ne peut s’en plaindre. (…) Une des premières décisions anglaises faisant référence à la maxime volenti remonte à 1607. Dans l’affaire Horne c Wildlake, elle fut alors soulevée comme moyen de défense à l’encontre d’une action en intrusion. En l’instance, le défendeur avait un droit de passage sur le terrain du demandeur. Ce dernier ayant labouré sa terre, le défendeur détourna le passage. L’action du demandeur reposait sur la destruction de sa pelouse par le défendeur. L’action fut rejetée aux motifs qu’en labourant sa terre, le demandeur avait consenti implicitement à détourner le passage et par conséquent à abîmer une partie de son terrain. L’utilisation de la maxime dans une situation de pure négligence n’est toutefois apparue qu’à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi dans l’affaire Cruden c Fentham, le demandeur fut blessé gravement en passant à cheval entre deux carrioles allant à contresens. Le demandeur ne peut être dédommagé car, par son attitude téméraire, il avait consenti au risque de se blesser. » Au Canada, l’acceptation des risques est particulièrement soulevée comme moyen de défense lorsqu’une personne s’embarque dans une activité en toute connaissance de causes de ses dangers, et la question est de savoir si elle préserve encore le droit de se plaindre au cas où elle subit un préjudice résultant précisément de la réalisation de ces risques. 2 Patrice Deslauriers et Christina Parent-Roberts, « De l’impact de la création d’un risque sur la réparation du préjudice corporel », dans Le préjudice corporel, Vol 252, Service de la formation continue Barreau du Québec, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2006, 139 à la pp 142 [Deslauriers].
  • 5. Chirine Haddad 3 Afin de répondre à cette question, il est important d’examiner la théorie de l’acceptation volontaire des risques selon les normes adoptés en droit civil québécois et celles qui sont adoptés en common law, tout en opérant une comparaison entre ces deux systèmes. 1. L’acceptation des risques en droit civil 1.1 Définition : La défense d'acceptation volontaire du risqué ou defence of voluntary assumption of risk; volenti defence; defence of volenti; volenti non fit injuria defence; defence of volenti non fit injuria; voluntary assumption of risk defence, est régie par l’article 1477 CcQ3 . Dans l’affaire Centre d'expédition et de plein air laurentien c. Légaré4 la Cour d’appel de Québec a défini ce moyen de défense comme suit : «Théorie de l'acceptation des risques L'auteur Royal-Poupart définit ainsi l'acceptation des risques: Cette théorie trouve son application lorsque la victime a librement et consciemment, en pleine connaissance de cause, consenti à un risque ou danger, dont elle pouvait parfaitement bien apprécier la nature ou l'étendue et en a ainsi tacitement accepté d'avance les suites... Pour sa part, l'auteur Jean-Louis Baudouin tient sensiblement les mêmes propos dans son traité sur la responsabilité civile: [...] Il faut cependant alors une preuve claire que la victime a volontairement accepté de participer à une activité comportant certains risques, d'une part et, d'autre part, que la nature et l'intensité de ces risques aient bien été préalablement dévoilées. Enfin, il faut que le dommage ait été causé par la réalisation normale du risque et non par une aggravation de celui-ci causée par un comportement fautif de l'agent. 3 Art 1477 CcQ ( « L'acceptation des risques par la victime, même si elle peut, eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence, n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice »). 4 [1998] RRA 40 (CA), [1998] JQ no 154, (disponible sur CanLII) [Centre d'expédition et de plein air laurentien].
  • 6. Chirine Haddad 4 Il rappelle également que: «la victime doit avoir bénéficié d'une information suffisante pour lui permettre de réaliser les conséquences possibles de sa conduite et de sa participation à l'activité.» Deux facteurs sont en cause: la prévisibilité du risque et la nature de l'activité sportive. Au fil des ans, la jurisprudence a, dans l'évaluation de l'acceptation des risques, tenu compte de certaines circonstances particulières comme l'âge, l'expérience de la victime et la nature de l'activité.» En pratique, comme son nom l’indique, ce moyen de défense exige une activité qui comporte un certain risque ou danger5 . Pour se prévaloir de cette défense, le défendeur doit respecter les conditions qui y sont associés afin de limiter ou même d’annuler sa responsabilité prima facie établie par le demandeur. 1.2 Condition d’application de la théorie d’acceptation des risques en droit civil Afin de réfuter la responsabilité prima facie établie par le demandeur en soulevant la défense d’acceptation volontaire du risque, le défendeur doit respecter les conditions suivantes : 1. Porter la preuve que le demandeur avait pleine connaissance du risque de l’activité en cause. 2. Porter la preuve que le demandeur avait volontairement accepté de participer à une activité comportant certains risques ou dangers. 5 Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, Vol 1, 7e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007 à la pp 643 [Baudouin] (l’auteur Baudouin affirme que: « [c]elui qui accepte en connaissance de cause, de participer, soit comme acteur, soit comme spectateur, à une activité sportive, un divertissement ou un jeu dont l’exercice comporte certains dangers accepte les risques inhérents à ceux-ci. Ainsi en est-il du skieur ou planchiste, du golfeur, du motoneigiste, du joueur de baseball, du gymnaste, du cavalier, du plongeur, du joueur de hockey, du coureur d’automobile, du patineur, etc. de même que du spectateur de compétitions sportives »).
  • 7. Chirine Haddad 5 3. Établir l’existence d’un lien de causalité entre l’acceptation volontaire des risques par le demandeur et le préjudice qu’il a subit. Et comme la Cour d’appel au Québec a indiqué dans l’affaire Centre d’expédition et de plein air laurentien c Légaré6 : «Le juge devait vérifier si les conditions préalables à l'application de la théorie de l'acceptation des risques étaient présentes. L'existence d'un danger ou d'un risque réel, la connaissance de ce danger par la victime et la manifestation par celle-ci de son acceptation du risque». 1.2.1 Le demandeur doit avoir une pleine connaissance du risque inhérent à l’activité en cause : Si un individu participe à l’expédition du rafting, comme c’est le cas dans l’affaire Centre d’expédition et de plein air laurentien c Légaré7 , il faut qu’il connaît les risques qui y sont associés, comme par exemple le lieu où il va faire le rafting, et si cet individu est débutant, il lui faut une personne qui lui fournit tous les détails requises afin d’évaluer les dangers inhérents à cette activité. Si le moniteur omet de fournir les informations nécessaires pour que la personne 6 Centre d'expédition et de plein air laurentien, supra note 4. 7 Ibid (l’analyse de la Cour d’appel au Québec dans l’affaire précitée fournit une explication de cette condition comme suit: «Ici, les risques inhérents à la pratique du «rafting» comportent la chute à l'eau et la noyade. Le juge conclut que compte tenu du haut débit de la rivière et des conditions printanières du 31 mai 1987, le danger que survienne un accident semblable à celui de Fabien Gauthier était prévisible, particulièrement pour des guides d'expérience. Il l'était beaucoup moins, cependant, pour des non-initiés à ce sport comme c'était le cas de la victime. Relativement à la connaissance du risque par la victime, je suis d'avis, comme le premier juge, que les participants ne pouvaient, au début de l'expédition, connaître les dangers graves auxquels ils s'exposaient. Premièrement, la rivière était, au départ, relativement calme. Deuxièmement, seuls deux participants avaient descendu la Rivière-aux-Écorces et ce, dans des conditions estivales et, troisièmement, les informations données par les guides, avant la descente, ne laissaient aucunement présumer du haut niveau de difficulté de l'expédition. De plus, la preuve ne permet pas de conclure selon le poids des probabilités que la victime, même avec une faiblesse au cou, n'avait pas les capacités suffisantes pour pratiquer une descente en «rafting» dans des conditions normales et non exceptionnelles comme c'était le cas. Je ne crois donc pas que la victime ait bénéficié de l'information suffisante lui permettant de réaliser les conséquences possibles de sa participation à cette descente de «rafting» »).
  • 8. Chirine Haddad 6 débutante soit en pleine connaissance des risques liés à l’activité qu’elle entente exercer, la première condition exigée par la défense d’acceptation des risques ne serait pas remplie, et le défendeur ne pourrait pas la soulever en cas de préjudice. De même cette première condition était analysée en détail dans l’affaire Capers Stanford c Mont Tremblant Lodge Inc.8 Dans cette affaire la demanderesse était une débutante en ski, et elle a fait un virage qu’elle ne pouvait pas y faire et a skié dans une région inconnue où il y avait un vice caché, un tuyau servant à la manufacture de neige artificielle qui longeait le côté de la pente (en descente) couverte de neige. Par la suite, elle s’est fracturé le fémur gauche. Le centre lui a opposé la défense d’acceptation volontaire des risques, en alléguant que même si la victime était une débutante, elle a accepté le risque de skier lorsqu’elle a fait ce sport. La Cour a trouvé que le moniteur n’avait pas informé la demanderesse de ce vice caché alors qu’il pouvait raisonnablement prévoir que comme débutante, la demanderesse n’est pas apte de 8 (1979) CS 953 (AZIMUT) [Capers] (la Cour a considéré que : «[d]ans la présente affaire le tribunal estime que le moniteur Hughes, préposé des défendeurs qui doivent répondre de sa faute le cas échéant, a été négligent de ne pas informer et avertir ses élèves que les lignes extrêmes de la "Lower Nansen" n’étaient pas les arbres la longeant de chaque côté mais bien à certains endroits un tuyau dont il avait connaissance et qu'il aurait dû remarquer n’être pas alors visible parce que recouvert de neige. Qu'une skieuse débutante pas trop habile ne puisse faire un virage sur la partie roulée de la pente et pense pouvoir avec sécurité se ralentir dans la neige non roulée de 1'accotement ne devait certainement pas être imprévisible pour un moniteur dûment accrédité d'une école de ski. Celui qui enseigne un sport tel le ski a envers les débutants peu habiles qui lui remettent leur entière confiance l’obligation de prévoir ce qui peut être un danger qui était hors des connaissances normales et ordinaires des débutants sans expérience et de le mettre en garde de la présence cachée ce qui peut être un obstacle sérieux pour un tel débutant même s’il ne le serait peut-être pour le skieur plus expérimenté et connaissant au présumé connaitre les circonstances de lieux.» Il est évident qu'un danger non visible existait pour toute personne qui quittait la partie roulée de la pente; un moniteur "bon père de famille" enseignant des débutants pouvait raisonnablement prévoir que ceux-ci pourraient manquer un virage, quitter la piste et, en l’absence d'une connaissance d'un danger réel, s'engager en toute confiance sur l'accotement recouvert de neige "poudreuse" plutôt que de s’arrêter en se jetant par terre. C'eut été un soin ordinaire et raisonnable de sa part dans les circonstances que d'avertir ses élèves du danger caché existant. Il n’était pas entièrement déraisonnable pour la débutante qu'était la demanderesse de se croire en sécurité dans la neige "poudreuse" qu'elle pouvait espérer utiliser pour ralentir sa course qui ne pouvait être très rapide considérant le peu d'inclinaison de la pente à l'endroit de l’accident. On ne lui avait pas signalé la présence de l'obstacle caché et qui n’était pas en l'espèce prévisible et normal; il ne peut donc être dit qu'elle a accepté ce risque en toute connaissance de cause »).
  • 9. Chirine Haddad 7 faire le virage donc elle pourrait se dévier de la piste, et en quittant le trajet, ce vice caché pouvait lui causer un préjudice corporel. Donc au niveau de la première condition nécessaire à l’acceptation des risques, celle-ci n’est pas vraiment remplie puisque la victime ne connaissait pas le danger dissimulé, et elle faisait face à un risque non prévu, par conséquence, il existe une problématique au niveau de cette condition afin de prouver que la victime accepté les risques en pleine connaissance de cause. Pour bien expliquer ce point, prenons l’exemple d’un individu qui se dirige vers une maison où il y a un risque dissimulé qu’il ne peut pas prévoir, et aucune personne ne l’informe à cet égard. Par la suite il est blessé en raison de ce piège. il serait absurde de lui opposer qu’il avait accepté les risques puisqu’il n’a aucune connaissance du danger, c’était un obstacle caché, et il n’est pas censé d’avoir connaissance de quelque chose qui n’est pas raisonnablement prévu. S’il y a un piège, ou un obstacle dissimulé, il faut bien être averti à son égard. Donc si la victime qui a subi un préjudice ne peut pas avoir connaissance du danger parce qu’il n’est pas raisonnablement prévisible, le défendeur ne peut pas lui opposer l’acceptation des risques comme moyen de défense. Ce cas constitue un premier moyen pour réfuter cette défense. Pour le défendeur, c’est dans son intérêt de démontrer que la victime avait une connaissance préalable du danger. Mais si le danger est dissimulé, il aurait du mal à prouver cette connaissance et la victime pourrait contester ce moyen de défense. Il est nécessaire que la victime d’un préjudice ait une pré-connaissance du danger et le plus qu’on connait un sport, le plus on est censé avoir connaissance des risques qui y sont associés et le défendeur a plus de chance d’établir cette première condition. Le critère applicable afin
  • 10. Chirine Haddad 8 d’établir l’admissibilité de la défense d’acceptation du risque au niveau de la 1ère condition, c’est le critère objectif qui consiste à déterminer si une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances de la victime auraient dû prévoir les risques en question. Mais cette 1ère condition ne suffit pas en soi-même afin de conclure que la victime a accepté le risque inhérent à une activité particulière en toute connaissance de cause; Il faut que cette dernière s’engage volontairement à participer à cette activité. 1.2.2 La victime avait volontairement accepté de participer à une activité comportant certains risques : Une fois que le défendeur a réussi de convaincre le tribunal que la victime connaît les risques, parce qu’elles étaient raisonnablement prévisibles ou parce que le moniteur lui a décrit les risques en participant à cette activité, la deuxième condition exigée pour soulever ce moyen de défense s’applique; il faut que la victime ait volontairement accepté à participer à cette activité. Mais cela veut dire seulement, en droit civil, que la victime avait accepté le risque physique sans être assujettie à signer une acceptation légale de responsabilité. Et suivant cette deuxième condition, avoir volontairement accepté de participer à une activité comportant des risques n’implique pas en droit civil une acceptation légale du risque, donc de signer un document exonérant son auteur, le centre de ski par exemple ou n’importe quel organisateur d’une activité sportive, de toute responsabilité. Il faut simplement connaitre les risques et volontairement les accepter en participant à l’activité ou au jeu. Donc ce n’est qu’une acceptation physique du risque et non pas une acceptation légale de celui-ci.
  • 11. Chirine Haddad 9 Dans l’affaire Capers9 , la victime était au courant d’un danger associé à l’activité du ski, même si ce n’était pas le risque caché, puisqu’elle éprouvait des inquiétudes envers «son habilité», donc elle était consciente qu’un danger est inhérent à cette activité, mais elle s’est engagée volontairement, et elle a échoué de faire le virage ce qui a entrainé sa sortie de la piste. De ce fait, il y avait un risque accepté de sa part jusqu’un certain point; elle était consciente qu’elle n’était pas capable de skier sur cette pente plus avancée, et malgré son manque d’expérience, elle s’est engagée volontairement dans cette activité, ce qui remplit la deuxième condition exigée par ce moyen de défense. À la connaissance des risques inhérents à une activité et leur acceptation physique s’ajoute une troisième condition qui consiste à avoir un lien de causalité entre le préjudice subit et la réalisation du risque accepté par la victime. 1.2.3 Le lien de causalité Si la victime était en pleine connaissance des risques, et elle a participé volontairement à l’activité dangereuse et subit un préjudice, comme il est souligné par Baudouin10 , il faut «que le 9 Ibid à la p 8 (la Cour d’appel s’est prononcée ainsi: « [a]vant de monter au sommet de la "Lower Nansen", le moniteur Hughes avait suggéré à la demanderesse, devant ses hésitations, de demeurer sur la pente d’instruction employés les trois jours précédents. Celle-ci, malgré son manque de confiance dans son habilité et afin de ne pas demeurer seule en attendant le groupe, et afin comme elle le dit de bénéficier des services pour lesquelles elle avait payés, décidait de suivre le groupe. De l'avis du tribunal, elle acceptait alors le risque inhérent à descendre une pente plus raide dont le résultat était d’augmenter quelque peu la vitesse à laquelle elle était habituée et peut-être de diminuer le contrôle précaire qu’elle pouvait avoir acquis sur la pente d'instruction. Elle avait dû remarquer que le moniteur gardait toujours les élèves sur la partie roulée de la pente et ne les amenait jamais dans la neige poudreuse des accotements. Lorsqu’elle a réalisé qu’elle ne pourrait effectuer son virage sur la partie roulée, elle aurait dû s’arrêter, soit se jeter par terre plutôt que de s'aventurer vers l'inconnu de la neige non roulée. Si la demanderesse ne se sentait pas l’habilité nécessaire pour descendre une pente aussi légère que la "Lower Nansen" qu'elle avait déjà skiée une fois la veille, ni la capacité de s’arrêter brusquement devant une situation inconnue, elle ne devait pas s'y aventurer. Le tribunal estime donc que la demanderesse a été partiellement responsable de son accident et qu’elle doit en supporter les effets jusqu’à concurrence de 25% »). 10 Baudouin, Supra note 5 à la p 642.
  • 12. Chirine Haddad 10 dommage subi par elle ait été la conséquence de la réalisation du risque prévu et non par d’un risque non prévu ou d’une aggravation de celui-ci». Donc un lien de causalité est requis entre le préjudice souffert par la victime et son acceptation des risques, et en absence de ce lien, le défendeur ne peut se prévaloir de ce moyen de défense Et comme la Cour Supérieur de Québec a énoncé dans l’affaire Brisson c Gagnon11 , tout en reprenant l’analyse de la juge de 1ère instance, que pour prétendre une acceptation des risques de la part de la victime, il faut que certaines conditions soient rencontrées. D'abord, il faut que la victime ait eu connaissance du danger ou du risque. Il faut également que la victime ait accepté le risque en question, en participant de façon volontaire à l'activité. L'acceptation doit donc résulter d'un consentement libre et éclairé. Pour qu'il y ait consentement libre et éclairé, il doit y avoir information suffisante pour permettre de réaliser les conséquences possibles de la participation à l'activité. Finalement, il faut que le dommage subi par la victime ait été la conséquence de la réalisation du risque prévu. Pour récapituler, si le défendeur désire soulever ce moyen de défense, il y a trois prémisses qu’il peut aborder : il doit prouver, premièrement, que la victime connaissait suffisamment les risques, qui ne peuvent pas être des risques non prévus, donc la victime pouvait raisonnablement prévoir tous les risques de l’activité. Deuxièmement, le défendeur doit démontrer que la victime a volontairement participé à l’activité en connaissant ses risques. Mais des nuances existent; par exemple en participant à une activité de hockey il y a des dangers qui sont associés à cette activité, le joueur peut être frappé accidentellement, il peut subir des blessures, on peut 11 2007 QCCA 617, [2007] JQ no 3805 au para 23.
  • 13. Chirine Haddad 11 raisonnablement prévoir certaines de ces blessures. Si le joueur, conscient des risques, a volontairement participé au jeu du hockey, et par la suite il est accidentellement frappé, il y a acceptation des risques de sa part. Sauf qu’il y a des nuances à faire, parce que si le joueur a été intentionnellement battu par le défendeur, qui est un autre joueur, dans ce cas ce dernier ne pas se prévaloir de la défense d’acceptation du risque puisque les règles du jeu n’ont pas été vraiment respectées. Ainsi la victime doit être cognée dans le cadre de l’activité normale de hockey, et selon les règles suivies dans ce jeu. L’acceptation des risques ne peut être invoquée que lorsque les règles du jeu sont complètement respectées. Comme l’auteur Patrice Deslauriers a signalé12 : «une faute commise dans le jeu sera considérée comme la survenance d’un risque anormale et la défense d’acceptation des risques ne pourra être accueillie lorsque la conduite du défendeur est «objectivement blâmable » ou qu’elle constitue un manquement aux normes générales du «fair play ». » Ainsi, il y a acceptation du risque dans le jeu de hockey, dans tout ce qui est normalement prévisible, selon les règles du jeu, si la victime est au courant des risques, elle participe volontairement à l’activité, et il existe un lien de causalité. 1.3 Les conséquences de l’acceptation volontaires des risques : Selon l’article 1477 CcQ précité qui exprime clairement que « [l]'acceptation des risques par la victime, même si elle peut, eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence, n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice. » 12 Deslauriers, supra note 2 à la p 177.
  • 14. Chirine Haddad 12 Ce qui signifie que lorsqu’une personne exerce en toute connaissance de cause une activité dangereuse, le tribunal québécois a droit de lui imputer une part de la responsabilité en cas d’un préjudice comme il peut lui refuser tout recours entrainant ainsi la pleine exonération du défendeur. Cette controverse en droit civil vis-à-vis l’effet de l’acceptation des risques est dû, en principe, aux termes employés dans l’article 1477 précité où le législateur a clairement stipulé qu’elle peut «eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence». Cela a poussé la Cour dans l’affaire Gaudet c Lagacé13 , à poser la question suivante : «En résulte-t-il un déni de recours ou une faute contributoire? Je cite à nouveau Jean- Louis Baudouin: Il existe une certaine controverse doctrinale sur le point de savoir si l'acceptation des risques est simplement une hypothèse de faute contributoire de la victime. En courant consciemment et volontairement un danger, la victime commet une faute dont elle ne peut, par la suite, éviter les effets au niveau des dommages. Certains auteurs, au contraire, se basant principalement sur les cas mettant en oeuvre une présomption légale, se plaisent à distinguer l'acceptation des risques de la faute. La jurisprudence majoritaire semble, pour sa part, analyser le problème comme en étant un de faute contributoire de la victime. L'article 1477 C.c., qui énonce la règle que la victime, malgré son «impudence» conserve un recours contre l'auteur du préjudice, semble consacrer cette solution.» Donc l’affaire Gaudet c Lagacé a entériné cette conception établi par le code et la majorité de la jurisprudence québécoise a adopté ce courant en concevant l’acceptation des risques par un participant à une activité dangereuse subissant un préjudice comme une faute contributoire de sa part. 13 [1998] RJQ 1035, [1998] RRA. 398, (disponible sur CanLII) [Gaudet].
  • 15. Chirine Haddad 13 Subséquemment, une fois que le défendeur réussit à prouver les trois conditions d’application de l’acceptation des risques, son effet peut mener à une exonération totale ou partielle du défendeur, mais habituellement, ce moyen de défense entraine une exonération partielle selon le courant adopté par la majorité de la jurisprudence québécoise. Pour reprendre l’affaire Capers ci-mentionnée14 , la Cour a considéré que la victime était au courant d’un danger associé à l’activité du ski, même si ce n’était pas le risque caché, puisqu’elle éprouvait des inquiétudes envers «son habileté», donc elle était consciente qu’un danger est inhérent à cette activité, mais elle s’est engagée volontairement, et elle a échoué de faire le virage ce qui a entrainé sa sortie de la piste. De ce fait, il y avait un risque accepté par la demanderesse jusqu’un certain point, puisqu’elle était consciente qu’elle n’était pas capable de skier sur cette pente plus avancée, donc elle a prévu un risque qu’elle a volontairement accepté en entreprenant la pente dangereuse, et il y avait un lien de causalité certain entre son acceptation du risque et le dommage qu’elle a subi, et en conséquence elle a été tenue responsable partiellement. À la faute de la demanderesse s’ajoute la faute du moniteur, préposé de la défenderesse, parce qu’il n’a pas prévu l’obstacle caché, alors qu’il aurait dû raisonnablement le prévoir et informer la demanderesse à son égard. Ainsi il y avait faute de la part des deux parties; il y a acceptation du risque jusqu’un certain point de la demanderesse, parce qu’en connaissant qu’elle n’était pas capable de descendre la pente, elle l’a quand même faite, et de l’autre côté, il y avait une négligence de la part du moniteur parce qu’il n’a pas informé la demanderesse du danger caché, et pour cette raison, la Cour a conclu à un partage de la responsabilité, en attribuant 25% de la responsabilité à la victime et 75% à la partie défenderesse. 14 Capers, supra note 8, à la p 9.
  • 16. Chirine Haddad 14 1.4 L’acceptation des risques dans le cadre de la responsabilité contractuelle L’acceptation des risques comme moyen de défense peut être soulevé, tant dans le contexte d’une responsabilité contractuelle que d’une responsabilité extracontractuelle. Si la victime signe une entente comprenant une clause limitative ou d’exonération de responsabilité, il incombe à son auteur de la porter à son attention. Cette obligation constitue une condition nécessaire à la validité de toute clause de ce type afin d’obtenir un consentement éclairé à son égard. L’article 1475 du CcQ15 dit ceci: « [u]n avis, qu'il soit ou non affiché, stipulant l'exclusion ou la limitation de l'obligation de réparer le préjudice résultant de l'inexécution d'une obligation contractuelle n'a d'effet, à l'égard du créancier, que si la partie qui invoque l'avis prouve que l'autre partie en avait connaissance au moment de la formation du contrat ». Pourtant, cette clause perd toute validité en cas de préjudice corporel ou moral, comme stipulé dans l’article 1474 du CcQ16 qui dit ceci : «Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde; la faute lourde est celle qui dénote une insouciance, une imprudence ou une négligence grossières. Elle ne peut aucunement exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui. » Ainsi, l’auteur d’un document comprenant une clause exonératoire ou limitative de responsabilité signée consciemment et volontairement par la victime ne peut lui empêcher d’aller 15 Art 1475 CcQ. 16 Art 1474 CcQ.
  • 17. Chirine Haddad 15 en cour, afin d’obtenir une compensation du dommage corporel ou moral, ou en cas de faute lourde ou intentionnelle, puisqu’on ne peut exclure ou limiter contractuellement la responsabilité dans ces cas. Cet article, qui est d’ordre public, rend les clauses limitatives de responsabilité sans effets vu le rôle protecteur attribué au système civiliste. Ces propos ont été confirmés par Baudouin dans le chapitre traitant des clauses conventionnelles et législatives17 . Ainsi, la clause limitative ou exonératoire de responsabilité ne parait avoir effet qu’en cas de préjudice matériel et en absence d’une faute intentionnelle ou lourde de la partie défenderesse et l’affaire Karawani c Ford Lincoln Gabriel18 y constitue une illustration. Dans ce cas, le demandeur, M. Karawani confie son véhicule Ford Focus à «Lincoln Gabriel» pour fin de réparation. Les travaux ne peuvent être complétés la même journée, vu que la pièce de rechange n’était pas disponible à cette date. Ainsi M. Karawani devait laisser son véhicule 17 Baudouin, supra note 5 ( « contrairement à la common law qui reconnaît la validité d’une telle clause, le Code civil, à l’article 1474 C.c. interdit, en effet désormais, de manière formelle, la limitation ou l’exclusion conventionnelle de la réparation du préjudice moral ou corporel de la victime. L’ordre public s’y oppose, eu égard aux principes généraux de la Charte des droits et libertés de la personne, et au respect de la personne humaine » à la p 1158). 18 2007 QCCQ 1331, (disponible sur CanLII) [Karawani] (la Cour, dans cette affaire, a interprété les articles 1474 et 1475 précités, au paragraphe 16 de sa décision comme suit : « Les tribunaux ont eu à maintes reprises à interpréter les dispositions ci- avant du Code civil , de même la Cour d'appel, dans l'affaire Thérèse Leblond c. Ghislain Dionne et al s'expriment ainsi relativement à la validité des clauses d'exonération de responsabilité : «[31] Comme le notent les auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, le législateur reconnaît la validité des clauses exonératoires contractuelles : 927 – Réforme du Code civil - Le Code civil, aux articles 1472, 1474 à 1476, codifie le droit antérieur dans l'ensemble. Il reconnaît donc la validité de ces clauses exonératoires, sauf lorsqu'elles s'appliquent au préjudice corporel ou moral (article 1474 du Code civil), ce qui est nouveau. En outre, dans tous les cas, il impose comme condition qu'elles ne puissent pas servir à exclure ou llimiter le dommage résultant de la faute lourde ou intentionnelle (article 1474 du Code civil). Enfin, il précise aux articles 1475 « et 1476 » du Code civil la portée des avis de limitation ou d'exclusion de responsabilité. Il est donc possible aujourd'hui, sous ces importantes réserves, d'exclure ou de limiter la responsabilité de son chef, ou du chef de ses agents, préposés ou employés, sauf pour certains contrats où la loi s'y oppose de façon particulière ou générale . [32] Seul le préjudice matériel est en cause ici et le bail liant les parties est commercial. Les clauses d'exonération sont valides et à moins que la faute reprochée aux intimés puisse être qualifiée de lourde, ce à quoi réfère – de façon maladroite, il faut en convenir – la clause 18 du bail en utilisant les mots «la volonté du BAILLEUR», l'on doit leur donner plein effet. [33] Or, il n'y a, en l'espèce, ni allégation de faute intentionnelle ni preuve établissant une faute lourde »).
  • 18. Chirine Haddad 16 chez «Lincoln Gabriel» jusqu'au lendemain, et en agissant ainsi, il laisse dans sa voiture différents items : 1. équipement complet de hockey; 2. bâton de hockey; 3. une quinzaine de CD; 4. lunettes de soleil; 5. quelques pièces de monnaie. En récupérant son véhicule, il s'aperçoit que tous les items ci-avant énumérés ont disparu ou ont été volés. Il poursuit «Lincoln Gabriel» en argumentant qu’il y a une faute lourde de sa part afin d’invalider les clauses d’exonération à la base de l’article 1474 précité. «Lincoln Gabriel» réplique en faisant l’argument qu’elle ne peut pas être tenue responsable pour le vol ou la disparition des effets personnels de M. Karawani puisqu’à l'intérieur de leur garage, à proximité du département de service, se trouve une affiche bilingue très visible exonérant la compagnie de toute responsabilité vis-à-vis les objets perdus ou volés à l’intérieur des véhicules de sa clientèle. Ainsi que la facture détaillant les travaux à être effectués par la défenderesse comprend un paragraphe suivant lequel le client admet qu’il exonère la compagnie de toute responsabilité «quant aux pertes ou dommages se rapportant au véhicule ou objets laissés dans le véhicule en cas d'incendie, de vol». La Cour a donné gain de cause à la partie défenderesse, en jugeant que le demandeur avait pleine connaissance des clauses exonératoires de responsabilité préalablement aux travaux de réparation, et que ce dernier n’a pas réussi à démontrer une faute lourde ou intentionnelle de la part de la partie défenderesse afin d’engager sa responsabilité. De ce fait, la clause exonératoire de responsabilité est valide tant qu’il n’y a pas une faute intentionnelle ou lourde et la clause d’exonération de responsabilité pour le préjudice matériel est jugée valide. Par contre, si le préjudice était de type corporel ou moral, les clauses d’exonération
  • 19. Chirine Haddad 17 deviennent nulles. Il est légitime de dire dans cette affaire, que ces clauses valent connaissance du danger. Une autre restriction est imposée pour limiter la portée des clauses exonératoires : celles-ci «sont formellement interdites dans un contrat de consommation en vertu de la Loi sur la protection des consommateur »19 . Mais la question est de savoir si le défendeur peut s’exonérer de toute responsabilité en affichant des avis. Suivant l’article 1476 CcQ20 « On ne peut, par un avis, exclure ou limiter, à l'égard des tiers, son obligation de réparer; mais, pareil avis peut valoir dénonciation d'un danger». Ce qui signifie que les avis ne valent pas une exclusion ou une limitation de la responsabilité, et qu’en pratique un avis sert à titre d’information. De ce fait, la victime serait en pleine connaissance d’un danger, ce qui remplit la première condition d’application de la défense d’acceptation du risque, donc ce type d’avis a un rôle préventif d’un danger. Subséquemment la présence de l’avis permet au défendeur d’argumenter la pleine connaissance de la victime du risque inhérent à l’activité qu’elle a faite. Pour cela un avis peut contribuer à remplir la première condition nécessaire pour l’acceptation des risques comme moyen de défense, et qui indique connaissance du danger comme l’énonce clairement l’article 1476 précité. 19 Baudouin, supra note 5 à la p 1158. 20 Art 1476 CcQ.
  • 20. Chirine Haddad 18 L’affaire Dupont c Veilleux21 , applique cet article et traite les sujets relatifs à l’exonération de responsabilité et l’acceptation des risques. Dans ce cas, le demandeur, propriétaire d’un véhicule, l’a stationné devant l’immeuble appartenant aux défendeurs à Québec et au-dessous du toit qui était couvert de la neige. Les défendeurs avaient installé une affiche indiquant avec des lettres rouges sur fond noir «Attention chute de neige ou de glace». À un certain moment la glace du toit est tombée sur le véhicule du demandeur stationné juste au-dessus du toit ce qui a causé des dommages matériels. La Cour a trouvé que les propriétaires de l’immeuble étaient négligents puisqu’ils n’ont pas suffisamment déneigé la toiture pour éviter la survenance des dommages matériaux aux voitures stationnant au-dessous. La question était de savoir la valeur juridique de cet avis affiché. La Cour a appliqué l’article 1476 du Code civil du Québec en considérant que cet avis ne constitue pas une exclusion de la responsabilité, mais selon elle, cet avis équivaut à une communication des risques au demandeur conformément à la première condition de la défense de l’acceptation des risques. Ainsi la Cour a considéré qu’il y avait acceptation du risque de la part du demandeur, puisque le risque est prévisible et il y avait un avis à cet égard, ce qui démontre sa connaissance du danger, et en dépit de cela, il a stationné sa voiture à cet endroit. Subséquemment, la Cour a conclu à un partage de responsabilité entre le demandeur et les défendeurs et ce partage était de cinquante- cinquante. 21 2008 QCCQ 10271, (disponible sur CanLII) (selon cette décision « [l]es défendeurs avaient l'obligation de surveiller la formation de blocs de glace ou de neige en raison de la survenance soudaine de redoux qui pouvait se produire à tout moment. À cet égard, ils ont failli à l'entretien adéquat de la toiture, sachant que les véhicules y stationnaient tout près de ladite façade» para 15).
  • 21. Chirine Haddad 19 L’étude intégrale de la théorie de l’acceptation des risques exige de notre part un examen approfondi de la common law qui adopte une approche différente du droit civil, surtout qu’elle nécessite une renonciation du risque juridique, et elle conçoit l’acceptation volontaire du risque comme une défense complète exonérant entièrement la partie défenderesse de toute responsabilité. 2. L’acceptation des risques en common law 2.1 Définition Afin de mieux comprendre le concept de ce moyen de défense, la Cour suprême dans l’affaire Crocker c Sundance northwest resorts ltd22 , a définit l’acceptation des risques comme suit : « La défense d'acceptation volontaire du risque est fondée sur l'hypothèse morale selon laquelle celui qui consent ne subit aucun préjudice. En acceptant d'assumer le risque, le demandeur dégage la défenderesse de toute responsabilité. (…) Étant donné que le moyen de défense d'acceptation du risque empêche tout dédommagement et est par conséquent anormal à l'ère du partage de la responsabilité, les tribunaux lui ont imposé des limites strictes. Il ne s'applique que dans les cas où le demandeur a assumé à la fois le risque physique et le risque juridique qui découlent de l'activité. » Ainsi, l’acceptation des risques est une défense complète fondée sur l’idée d’accepter volontairement le risque. En common law, face aux délits séparés, on utilise l’acceptation des risques comme langage lorsqu’on parle uniquement du délit de négligence, et quand il s’agit d’un délit intentionnel on parle de la défense de consentement. Les deux moyens de défenses ne sont pas identiques mais ils sont conceptuellement semblables; l’affaire Malette c Shulman23 22 [1988] 1 RCS 1186, 51 DLR (4e ) 321 [Crocker]. 23 (1990), 72 RJO (2e ) 417, 67 DLR (4e ) 321 (CA).
  • 22. Chirine Haddad 20 constitue une illustration de la défense du consentement dont il est question, où il s’agissait d’un délit intentionnel d’acte de violence de de voies de fait. 2.2 Les conditions d’application de ce moyen de défense Le défendeur doit respecter trois conditions24 afin de soulever ce moyen de défense avec succès : 1) le libre arbitre 2) la connaissance du risque physique 3) la renonciation au risque juridique 2.2.1 Le libre arbitre Le libre arbitre comme première condition, exige que le demandeur ait la capacité juridique requise afin d’évaluer « les coûts et les bénéfices des actions du défendeur. Cette capacité est généralement présumée en l’absence de preuve contraire »25 . La Cour peut rejeter la défense d’acceptation volontaire du risque en l’absence du libre arbitre si le demandeur est mineur ou quelqu’un qui souffre d’une incapacité mentale ou était sous l’influence des stupéfiants. Ainsi que cette défense peut être écartée, si le demandeur a accepté les risques sous contrainte, ou la menace d’utiliser la force, ou par la fraude, ou l’exploitation ou l’iniquité. 2.2.2 La connaissance du risque physique : La deuxième condition consiste dans la connaissance du risque matériel. Si le demandeur pourrait accepter volontairement le risque, il faut qu’il le comprenne, il faut qu’il le connaisse. 24 Louis Bélanger – Hardy et Denis Boivin, La responsabilité délictuelle en common law, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2005 à la p 782 [Bélanger-Hardy]. 25 Ibid.
  • 23. Chirine Haddad 21 En d’autre mot, il incombe au défendeur de prouver que le demandeur savait ou aurait dû savoir les risques inhérents à la conduite du défendeur. « Le tribunal peut écarter la défense si le risque physique (c’est-à-dire le danger) créé par le comportement du défendeur n’était ni connu ni prévisible »26 . 2.2.3 La renonciation au risque juridique : La troisième condition qui souligne la particularité de la common law face au droit civil, consiste à renoncer juridiquement au risque. Il faut que les parties se conviennent que le demandeur ne veut pas poursuivre le défendeur s’il y a un préjudice qui est causé. Littéralement, pour porter preuve à cette renonciation, le demandeur et le défendeur signent ensemble une entente qui montre la capacité du demandeur à connaitre les risques et qu’il les accepte volontairement, et qu’il renonce à son droit de poursuivre le défendeur, donc il accepte le risque juridique. Normalement la renonciation implicite est très rare, alors que la renonciation explicite qui se fait par contrat est plus commune en common law. a) La renonciation expresse au risque juridique En présence d’un document sur lequel le demandeur a mis son initial, où les lettres sont écrit en tout petit et qu’on lui a emmené tout cela «au bout du nez» et qu’il n’avait pas tout compris, le litige prend plutôt une nature contractuelle; donc en contrat, la question est de déterminer si le demandeur a tout compris, et si la réponse est affirmative, l’entente va être valide et le demandeur va être considéré comme s’il a accepté volontairement les risques associés à l’activité qu’il entreprend de faire. De temps en temps, les tribunaux vont reconnaitre contractuellement la valeur du document qui consiste à accepter volontairement les risques comme la Cour a établi 26 Ibid à la p 783.
  • 24. Chirine Haddad 22 dans l’affaire Gregorio c Intrans-Corp27 où elle a estimé que la clause limitative de responsabilité doit être écartée si elle n’a pas été portée à l’attention du signataire par l’auteur du document avant la naissance de l’obligation contractuelle. De même dans l’affaire Trigg c MI Movers International Transport Services Ltd 28 , la Cour a établi que pour se prononcer sur la validité des clauses limitative de responsabilité, l’auteur du document doit bien expliquer leurs effets avant la signature de celui-ci. b) La renonciation tacite au risque juridique La situation devient plus problématique si l’acceptation volontaire du risque est faite tacitement, en absence de toute renonciation expresse. La décision de la Cour suprême dans l’affaire Dube c Labar29 constitue un exemple important de renonciation tacite au risque juridique. Dans ce cas, le demandeur et le défendeur sont deux amis qui passent une soirée ensemble en consommant de l’alcool. Le lendemain matin, ils se mettent à boire de l’alcool avant de prendre le volant pour la ville voisine. Au début du trajet le demandeur conduisait la voiture du défendeur, ensuite il a donné son siège de conducteur à ce dernier, et un accident a eu lieu. Le demandeur blessé sérieusement poursuit le défendeur. Celui-ci argumente que le demandeur a passé avec lui la soirée à boire et il savait qu’il a bu autant que lui, donc il a accepté le risque de monter dans la voiture du défendeur et il comprenait bien ce risque et il l’a accepté volontairement. Selon la Cour, la question à trancher est de savoir si le demandeur a vraiment 27 (1994), 18 OR (3e ) 527 (CA), 115 DLR. (4e ) 200 [Gregorio]. 28 (1991), 4 OR (3e ) 562 (CA), 84 DLR (4e ) 504. 29 [1986] 1 RCS 649, 27 DLR (4e ) 653 [Dube].
  • 25. Chirine Haddad 23 accepté volontairement le risque; et elle procède à une analyse des conditions d’application de ce moyen de défense : Premièrement est-ce que le demandeur avait le libre arbitre? La cour a dit30 : « [l]e moyen de défense de volenti sera, de plus, forcément inapplicable dans la plupart des cas où le conducteur est ivre et où le passager est consentant. Il exige une conscience des circonstances et des conséquences du geste qui existe rarement selon les faits de ces affaires au moment pertinent.» Deuxièmement, est-ce que le demandeur connaissait les risques matériels? Cela était plus facile à prouver puisque normalement une personne qui boit et ensuite se mette au volant une voiture, il est raisonnablement prévisible qu’un danger est attaché à sa conduite. Troisièmement, est-ce que le demandeur a renoncé au risque juridique? À cet étape, l’affaire Dubé est utile, parce que la Cour a conclu que31 : « le moyen de défense de volenti ne s'applique que lorsque les circonstances sont telles qu'il est manifeste que le demandeur, connaissant le risque presque certain de préjudice, a essentiellement convenu de renoncer à son droit de poursuite pour les blessures subies par suite d'une négligence quelconque du défendeur. – La cour ici dit en toute lettre qu’est-ce que ça veut dire – L'acceptation du risque peut être expresse ou peut ressortir de façon nettement implicite de la conduite des parties, mais elle n'est opposable, dans les cas comme celui en l'espèce, que lorsqu'on peut vraiment dire que les deux parties ont compris que le défendeur n'assumait aucune responsabilité de diligence pour la sécurité du demandeur et que le demandeur ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse.» Ensuite la Cour dit : « [l]e bon sens révèle que ce n'est que rarement qu'un demandeur consentira vraiment à accepter le risque découlant de la négligence du défendeur.» 30 Ibid para 9. 31 Ibid para 6.
  • 26. Chirine Haddad 24 Dans cette affaire, la Cour dit, que même si la victime n’a rien signé, lorsqu’on examine la conduite négligente du défendeur, il faut adopter une interprétation restrictive de la défense d’acceptation des risques puisque les cas où une personne accepte les risques issus de la négligence d’autrui sont très rares. Ainsi, même si le demandeur montait dans la voiture sachant que son ami avait bu, cela ne peut suffire afin d’établir une acceptation volontaire du risque de sa part. Il aurait fallu une preuve qui confirme que non seulement le demandeur connaissait les risques liés à la conduite du défendeur mais qu’il avait accepté explicitement ou implicitement le risque juridique32 . La majorité de la jurisprudence en common law révèle que la seule instance où peut-être l’acceptation du risque va être admise par le tribunal comme moyen de défense, c’est lorsque le défendeur a rédigé un bon contrat, et a rempli toutes les conditions exigées. Dans ce cas cette défense peut être admise par la Cour. L’affaire Ocsko c Cypress Bowl Recreations Ltd33 , y constitue un bon exemple où la Cour a donné gain de cause à une station de ski qui a soulevé la défense d’acceptation des risques face à un skieur qui l’a poursuivi. Dans ce cas, le demandeur a subi des blessures lorsque ses skis ont frappé des rochers situés le long de la frontière d'une piste de ski. Le demandeur était un skieur expérimenté. Il était conscient des risques qui peuvent exister à la bordure de la piste y compris la présence de roches. La preuve a révélé que le demandeur avait acheté un laissez-passer de ski pour la saison, et en même temps il a signé une renonciation sans la lire. La Cour a trouvé que le demandeur n’a subi aucune pression et de même il n’a pas été pressé pour signer cette renonciation et rien ne l’empêchait de procéder à sa lecture avant qu’il l'a 32 Ibid («Faire droit au moyen de défense alors que les faits indiquent seulement que le demandeur connaissait le risque et a quand même choisi de s'y exposer est incompatible avec les arrêts précités de cette Cour qui exigent non seulement la connaissance du risque, mais encore son acceptation expresse ou implicite sans recours en droit de la part du demandeur et la conclusion que le défendeur n'a quant à lui assumé aucune responsabilité pour la sécurité du demandeur» para 8). 33 (1992), 74 BCLR (2e ) 73 (BCCA), 95 DLR (4e ) 701.
  • 27. Chirine Haddad 25 signé. En conséquence, l'action de la partie demanderesse a été rejetée puisque elle a accepté volontairement les risques tout en signant la renonciation au risque juridique et le centre de ski s’est réussi à se protéger. Un autre exemple sur ce point est illustré par l’arrêt de principe dans l’affaire Crocker précitée34 , où la Cour traite de la valeur juridique d’une renonciation, rédigée par un occupant ou un organisateur sportif afin de l’exonérer de toute responsabilité. Dans ce cas, afin d’entretenir son centre de ski, la partie défenderesse-intimée a tenu une compétition où des équipes de deux personnes glissaient dans des chambres à air géantes sur une partie raide et pleine de bosses d'une pente. L'appelant s'est inscrit à la compétition, et a signé le formulaire d'inscription et d’exonération sans le lire pour enfin payer les frais d'inscription. Durant la compétition, l'appelant s'est blessé au cou et est devenu quadriplégique. Il était de toute évidence en état d’ivresse au début de la seconde 34 Crocker, supra note 22 (au sujet de l’acceptation des risques la Cour suprême procède à l’analyse suivante : « [e]n l'espèce, on peut tenter de fonder le moyen de défense d'acceptation du risque sur l'un ou l'autre des points suivants: a) la participation volontaire de Crocker à un sport qui était de toute évidence dangereux ou b) la signature d'un formulaire de renonciation deux jours avant la compétition. J'examinerai ces fondements l'un après l'autre. Le premier moyen peut être réglé rapidement. La participation de Crocker à la compétition de chambre à air pourrait être considérée comme une acceptation des risques physiques qu'elle comportait. Toutefois, même cela est douteux en raison du fait que son esprit était obscurci par l'alcool à ce moment-là. Toutefois, il est presque impossible de conclure qu'il a assumé le risque juridique qui en découlait. Descendre une pente dans une chambre à air géante ne peut être considéré en soi comme une renonciation aux garanties juridiques que Crocker pouvait faire valoir contre Sundance. (…) [TRADUCTION] Je conclus qu'on n'a pas tenté d'attirer l'attention de M. Crocker sur la clause de décharge, qu'il ne l'a pas lue et qu'en fait, il n'en connaissait pas l'existence. Par conséquent, Sundance n'avait aucun motif raisonnable de croire que la décharge exprimait véritablement l'intention de M. Crocker. En fait, dans la mesure où il signait un document autre qu'un formulaire d'inscription, sa signature ne correspondait pas à sa volonté. Compte tenu de cette conclusion de fait, il est difficile de conclure que Crocker a volontairement relevé le centre de ski de sa responsabilité juridique pour la conduite négligente dont elle a fait preuve en lui permettant de participer à sa compétition de chambre à air, bien qu'il ait été en état d'ébriété. Par conséquent, je conclus que Crocker n'a ni verbalement ni par sa conduite volontairement assumé le risque juridique que comportait la compétition. Le moyen de défense d'acceptation du risque ne s'applique pas en l'espèce. » Alors qu’au sujet de la renonciation au risque juridique la Cour a conclu ceci : « Sundance souligne à bon droit qu'une clause de décharge contractuelle peut servir de défense complète contre une réclamation en responsabilité délictuelle. (…) (…) Comme je l'ai déjà mentionné, le juge de première instance a conclu que la renonciation que contenait le formulaire d'inscription n'avait pas été portée à l'attention du demandeur, que celui-ci ne l'avait pas lue et, en fait, qu'il n'en connaissait pas l'existence. Il croyait qu'il signait simplement un formulaire d'inscription. Dans ces circonstances, Sundance ne peut se fonder sur la clause de décharge que contient le formulaire d'inscription »).
  • 28. Chirine Haddad 26 série, après s'être coupé au-dessus de l'œil dans la première série. Le propriétaire de Sundance a posé des questions au demandeur afin de déterminer s'il était en mesure de prendre part à la deuxième série, mais n'a rien fait pour l'en dissuader. Le gérant du centre a également dit que l'appelant ne devait pas poursuivre la course, mais n'a pris aucune autre mesure pour l'empêcher de participer lorsqu'il a insisté. La Cour a considéré qu’en principe, «lorsqu'une personne se blesse accidentellement dans la pratique d'un sport, le droit n'impute la responsabilité à personne d'autre. La personne blessée doit compter sur une assurance privée et sur le régime public d'assurance-maladie». Un troisième cas, illustre aussi un exemple important où la défense d’acceptation du risque était admise par la Cour; c’est l’affaire Dans l’affaire Karrol c Silver Star Mountain Resorts Ltd35 , la demanderesse a subi une fracture à la jambe tout en participant à une compétition de ski alpin. Elle est entrée en collision avec un autre skieur en glissant sur une pente. La demanderesse prétend que la station de ski du défendeur a été négligente en omettant de s'assurer de la clarté du trajet avant de lui permettre la descente. Mais la demanderesse avait signé une renonciation au risque juridique avant de participer à la course. Le formulaire a indiqué expressément les risques de blessure, et a exonéré le défendeur de toute responsabilité, même si elle était le résultat de sa propre négligence. La demanderesse avait participé à la même compétition durant les quatre années précédentes. De plus elle avait expliqué à son ami qu'ils étaient tenus de signer des renonciations les empêchant de poursuivre l'opérateur des pentes de ski, s’ils ont subi une chute leur causant des blessures. En dépit de cette conversation, la demanderesse a soutenu qu'elle ne devrait pas être liée par les termes de cette renonciation, comme elle n'a pas lu le formulaire, et 35 (1988), 33 BCLR (2e ) 160 (BCSC).
  • 29. Chirine Haddad 27 n'avait pas eu une chance raisonnable de le lire et de comprendre son contenu. La Cour a estimé que le document était court (une page), rédigé en lettres majuscules, et facile à comprendre. La demanderesse a admis qu'elle aurait pu le lire dans une à deux minutes. La Cour a conclu que la demanderesse a accepté volontairement les risques et que le défendeur a pris des mesures raisonnables pour mettre les clauses d’exonération à l'attention de celle-ci, et a donc le droit de se prévaloir de ses clauses. L'action de la demanderesse a été rejetée et le moyen de défense soulevé par la partie défenderesse a été accepté. La théorie d’acceptation des risques apparait non seulement dans le cadre des moyens de défenses en négligence, mais aussi dans la Loi sur la responsabilité des occupants36 , notamment à l’article 4. Pour cela, il est important d’étudier cette théorie dans le contexte de la responsabilité des occupants. 2.3 La théorie d’acceptation des risques dans le contexte de la responsabilité des occupants : 2.3.1 Le régime législatif Comme déjà signalé, ce moyen de défense nécessitait le libre arbitre chez la victime et qu’elle soit en pleine connaissance du risque associé à l’activité dans laquelle elle s’engage, ainsi qu’elle accepte le risque juridique. La question s’est posée dans le contexte de la Loi sur la responsabilité des occupants, essentiellement, est-ce que le législateur a prévu ces conditions-là? 36 Loi sur la responsabilité des occupants, LRO 1990, c O.2 [Loi sur la RO].
  • 30. Chirine Haddad 28 Lorsque cette loi a été adoptée, les occupants s’inquiétaient de la portée trop onéreuse de leur responsabilité que le législateur avait créé puisqu’il a éliminé toute l’analyse de l’obligation de diligence afin d’imposer à tous les occupants une obligation d’être diligent. En effet, ceux-ci se sentaient menacés - dépendant du type d’occupant - surtout les gens qui appartenaient des terrains agricoles, des terrains de golfes, et des terrains où sont construits des centres d’achat, des cinémas. Mais c’est surtout avec les propriétaires des terrains aux milieux ruraux ayant des vastes propriétés que les préoccupations majeures ont été reconnues au niveau de la portée de cette responsabilité puisqu’ils avaient de très grands terrains, et l’article 337 de la loi, leur imposait de prendre les soins raisonnables afin de s’assurer que toutes les personnes qui entrent sur les lieux soient raisonnablement en sureté lorsqu’ils s’y trouvent, ce qui peut être assez exigeant, s’il faut que l’occupant patrouille un grand terrain, ou s’il est un type d’occupant complexe comme un centre d’achat qui est fréquenté par beaucoup de gens. En conséquence, il y a eu de la pression pour incorporer à la loi les règles autour de l’acceptation volontaire du risque38 . C’est l’article 439 qui s’intéresse à ce sujet. Sous l’empire de 37 Voir la Loi sur la RO, Ibid, art 3 («Obligation de l’occupant 3. (1) Un occupant des lieux a l’obligation de prendre le soin qui s’avère raisonnable dans toutes les circonstances en cause pour veiller à ce que les personnes qui entrent dans les lieux et les biens qu’elles y apportent soient raisonnablement en sûreté lorsqu’ils s’y trouvent. (2) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe (1) s’applique, que le risque soit causé par l’état des lieux ou par une activité qui y est exercée. (3) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe (1) s’applique sauf dans la mesure où l’occupant des lieux est libre de limiter, de modifier ou d’éviter son obligation et le fait »). 38 Bélanger-Hardy, supra note 22 à la p 549. 39 Loi sur la RO, supra note 36, art 4. (« Risques volontairement assumés 4. (1) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe 3 (1) ne s’applique pas à l’égard des risques volontairement assumés par la personne qui entre dans les lieux. Toutefois, dans ce cas, l’occupant a envers elle l’obligation de ne créer aucun danger dans l’intention arrêtée de lui faire du tort ou d’endommager ses biens. Il a également l’obligation de ne pas agir de façon insouciante en faisant abstraction de la présence de la personne ou de ses biens. Activité criminelle
  • 31. Chirine Haddad 29 cet article la norme de diligence va être modifiée quand la personne accepte volontairement les risques. La norme de conduite prévue à l’article 3 précité qui consiste à prendre le soin raisonnable dans les circonstances en cause pour s’assurer que les personnes sur les lieux soient raisonnablement en sûreté va être modifié pour devenir : une obligation de ne créer aucun danger dans l’intention arrêtée de faire du tort ou d’endommager un bien et obligation de ne pas agir de manière insouciante en faisant abstraction de la personne ou de ses biens. Cette norme regroupe deux volets : l’occupant ne peut pas créer un danger à une personne qui vient sur son terrain, en d’autre mot, sachant qu’il y a un intrus qui passe dans sa cours, l’occupant ne peut pas creuser un grand trou par exemple et le couvrir par des feuilles d’arbre en espérant qu’il tombe dedans. De même, suivant cette norme, l’occupant ne peut pas être insouciant envers les personnes qui passent par son terrain, comme si par exemple il appartient un terrain assez vaste dans une région rurale tout en sachant qu’il y a des motoneigistes qui passent par son terrain, et qu’il existe des tuyaux dangereux ou un arbre tombé qui présente un danger, dans ce cas l’occupant ne peut pas (2) Une personne qui se trouve dans les lieux avec l’intention de commettre des activités criminelles ou qui est en train de les commettre, est réputée avoir volontairement assumé tous les risques et est assujettie à l’obligation de prendre soin énoncée au paragraphe (1). Entrée sans autorisation et activités de loisir permises (3) Une personne qui entre dans les lieux décrits au paragraphe (4) est réputée avoir volontairement assumé tous les risques et elle est assujettie à l’obligation de prendre soin énoncée au paragraphe (1) lorsque, selon le cas : l’entrée en est interdite aux termes de la Loi sur l’entrée sans autorisation; l’occupant n’a pas affiché d’avis à l’égard de l’entrée ni ne l’a expressément permise autrement; l’entrée est faite dans le but d’exercer une activité de loisirs et que les conditions suivantes sont réunies : (i) aucun droit n’est acquitté pour l’entrée de la personne ou l’exercice de l’activité, autre qu’une allocation ou un paiement reçu d’un gouvernement, d’une agence gouvernementale, d’un club ou d’une association de loisirs à but non lucratif, (ii) l’occupant ne pourvoit pas au logement de la personne. Lieux mentionnés au para. (3) (4) Les lieux mentionnés au paragraphe (3) sont les suivants : a) des lieux ruraux qui sont : (i) utilisés à des fins agricoles, y compris des terres en culture, des vergers, des prés, des parcelles boisées et des étangs situés sur une ferme, (ii) des lieux vacants ou non développés, (iii) des lieux boisés ou sauvages; b) des terrains de golf lorsqu’ils ne sont pas ouverts pour y jouer; c) des droits de passage ou des couloirs à l’usage des services publics excluant les constructions qui y sont situés; d) des terrains affectés à l’ouverture éventuelle de routes; e) des routes privées raisonnablement affichées comme telles au moyen d’un avis; f) des pistes de loisir raisonnablement affichées comme telles au moyen d’un avis » ).
  • 32. Chirine Haddad 30 être insouciant vis-à-vis ce qui se passe sur son bien-fonds. Donc, la norme est moins exigeante dans ce cas; elle consiste à ne pas créer expressément un danger et de ne pas être insouciant si l’occupant connait qu’il y a des gens qui passent sur son bien-fonds et qu’il existe un certain danger pour eux. Donc si l’occupant peut montrer que la victime a assumé volontairement le risque ou a accepté volontairement le risque, dans ce cas, il va être astreint à la norme moins exigeante de l’article 4 plutôt que la norme plus exigeante de l’article 3. 2.3.2 Interprétation du régime législatif : analyse jurisprudentielle. Étant donné cela, la question était de savoir qu’est-ce qu’on veut dire par assumer volontairement le risque dans cette loi; est que le sens est identique à celui que la common law avait adopté c.à.d. que la personne qui accepte le risque doit avoir la capacité et le libre arbitre et que la personne qui accepte les risques connait les risques et que la personne qui accepte volontairement les risques, accepte le risque juridique. Est-ce que le législateur a adopté cette approche en rédigeant l’article 4? Est-ce que le législateur voulait dans le fond incorporer la façon dont la common law avait développé l’acceptation volontaire du risque? Cette question a été posée dans l’affaire Waldick c Malcom40 . Dans ce cas le demandeur M. Waldick est allé faire couper ses cheveux chez sa sœur qui habitait avec son conjoint en région rurale. Le demandeur sort pour chercher un objet de sa voiture et retournant vers la maison de sa sœur, il tombe sur la glace et subit une fracture au crâne. L’entrée et le palier et l’allée étaient bien nettoyés, mais aucun sable ou sel étaient répandus. M. Waldick poursuit sa sœur et son 40 [1991] 2 RCS 456, 83 DLR (4e ) 114 [Waldick].
  • 33. Chirine Haddad 31 conjoint pour négligence en se fondant sur la Lois sur la responsabilité de l’occupant de l’Ontario. La Cour commente sur la question liée à l’acceptation du risque, tout en analysant l’expression «risques volontairement assumés par la personne qui entre dans les lieux» incluse dans le texte de la loi comme suit: « […] Je ne doute pas que le par. 4(1) de la Loi était censé concrétiser et maintenir le principe de l'acceptation du risque. On s'en rend compte en examinant l'ensemble du régime législatif créé par la Loi. Celle-ci visait manifestement à remplacer, à mettre au point et à harmoniser l'obligation de prendre soin qu'avaient en common law les occupants de lieux envers les visiteurs qui entraient sur ces lieux. J'estime que la Loi n'était pas destinée à écarter en bloc les moyens de défense de common law en matière de responsabilité, et il est révélateur que l'art. 2 ne fasse aucune mention de ces moyens de défense. Ce point de vue se trouve renforcé quand on se demande pourquoi il devrait y avoir dans ce domaine du droit une défense autre que celle de l'acceptation du risque qui peut être soulevée dans les actions pour négligence en général. Le domaine de la responsabilité des occupants ne semble avoir rien de particulier qui justifie qu'on se détourne du principe généralement admis de l'acceptation du risque.» En effet, la Cour a conclu que le législateur avait probablement l’intention d’incorporer la common law, et par son interprétation, la Cour suprême semble favoriser les victimes, puisqu’en common law, la défense de l’acceptation des risques est très difficile à soulever, surtout que c’est difficile de démontrer que la victime a accepté le risque juridique à moins qu’elle a signé un document écrit très clairement qui montre qu’elle a accepté volontairement les risques. En common law, ce que la loi aussi opère par rapport à l’acceptation volontaire du risque c’est de donner deux instances où on présume que le demandeur a accepté volontairement les risques;
  • 34. Chirine Haddad 32 et dans ce cas il faut rencontrer les exigences de l’article 441 : le premier c’est lié aux intrus. Si quelqu’un est un intrus, c.à.d. quelqu’un qui est sur place pour y commettre des infractions, il «est réputé avoir volontairement assumé tous les risques et est assujettie à l’obligation de prendre soin énoncé au paragraphe (1). » Ainsi, un voleur qui entre dans un bien fond pour voler la bicyclette d’un occupant, ce dernier a une obligation de ne créer aucun danger dans l’intention arrêtée de lui faire du tort, c.à.d. il ne peut pas creuser un piège par exemple, ou il ne doit pas agir d’une façon insouciante en faisant abstraction d’un danger dans sa propriété. Tandis que si par exemple, la mère âgée de l’occupant vient se promener chez lui, elle n’est pas une intruse, elle ne vise pas à commettre une infraction criminelle, et dans ce cas l’obligation stipulée dans l’article 3 s’applique qui consiste à prendre le soin raisonnable dans les circonstances en cause pour s’assurer que les personnes sur les lieux soient raisonnablement en sûreté. L’autre instance, où la loi crée une présomption que la victime a accepté volontairement les risques, se trouve aux paragraphes 3 et 4 de l’article 4. Et dans ces cas, l’occupant a l’obligation de ne créer aucun danger à cause de cette présomption, et c’est pour le demandeur qui se blesserait dans un des lieux mentionnés au paragraphe 4. Ainsi, il faut une combinaison entre les conditions stipulées au paragraphe 3 et les lieux mentionnés au paragraphe 4 de l’article 4 pour réduire la norme de diligence évoqué à l’article 3 à la norme indiquée au paragraphe 1 de l’article 4. En d’autre termes, si la victime rentre dans une piste de loisir raisonnablement affichée comme telle par un avis, pour faire une activité de 41 Loi sur la RO, supra note 36, art 4.
  • 35. Chirine Haddad 33 loisir comme le ski, et elle paie, l’occupant ne passe pas à l’exception captée par le paragraphe 1 de l’article 4. Si la victime ne paie pas, la norme énoncée au paragraphe 1 précité s’applique. 3. Entre la common law et le droit civil: étude comparée de l’acceptation des risques 3.1 Introduction : Afin de mieux comprendre la portée légale de la défense d’acceptation des risques, il faut établir une distinction entre les principes régissant ce moyen de défense en droit civil et ceux qui sont adoptés par la common law. Des auteurs ont consacré de substantiels développement à cette théorie afin d’exposer à la fois sa genèse et sa signification en common law et en droit civil. À cette occasion ils expliquent qu’«[a]u Québec, si l’acceptation des risques a parfois été assimilée à la défense de volenti propre à la common law, le droit québécois probablement encouragé par les développement sur la question en droit français a néanmoins pu construire sa propre théorie»42 Cela révèle que, dans des circonstances similaires, le défendeur peut être exonérer totalement de sa responsabilité en common law, alors qu’en droit civil, il demeurerait responsable aux yeux du tribunal. Cette partie vise à examiner les différences et les similarités entre le droit civil et la common law au niveau de la défense d’acceptation des risques. 42 Deslauriers, supra note 2 à la p 146.
  • 36. Chirine Haddad 34 3.2 - Distinction générale entre la common law et le droit civil : L’article 145743 du Code civil du Québec couvre tout type de conduite alors qu’en common law, le tribunal est pris avec un délit précis. Avant de soulever les moyens de défenses, quel que soit la nature du délit, il incombe au demandeur d’établir la responsabilité à première vue que ce soit en droit civil ou en common law. S’il parvient à compléter cette étape en prouvant le préjudice, le tribunal a à ce moment-là une responsabilité à première vue puisque le demandeur a réussi de prouver tous les éléments du délit ou tous les éléments de l’article 1457 précité. À ce stade, le tribunal passe à une deuxième étape de l’analyse: il a obtenu une responsabilité à première vue du défendeur, le demandeur a démontré tous les éléments du délit. Dans ce cas le droit permet au défendeur de contester la responsabilité en première vue établie contre lui en faisant recours aux moyens de défenses : on y trouve des moyens de défenses officiels, et en common law, en ce qui a attrait à la négligence, il y en a quatre qui peuvent annuler cette présomption de responsabilité prima facie. Si le défendeur réussisse à convaincre la cour que la défense évoquée est appropriée, il en résultera une annulation de la responsabilité et le défendeur va s’en sortir. Et par contre si le défendeur échoue à convaincre la cour que le moyen de défense est bien fondé, celle-ci passe à l’étape de la réparation. Pour les moyens de défenses par rapport à la négligence en common law, il y en a quatre qui sont officiels44 : 1) la négligence contributive qui est très semblable à La faute contributive en droit civil et c’est un moyen de défense partiel qui va mener à un partage de responsabilité, alors 43 Supra note 1. 44 Bélanger-Hardy, supra note 24 à la p 763.
  • 37. Chirine Haddad 35 que 2) l’acceptation volontaire des risques, 3) l’illégalité de la conduite du demandeur et 4) l’accident inévitable, sont des moyens de défense complets. Donc si le défendeur réussit à convaincre la cour qu’il y a acceptation volontaire du risque, contrairement au droit civil, il est complètement exonéré de toute responsabilité en common law. Cela constitue un point de différence assez marqué entre ces deux systèmes. Ce qui distingue le droit civil de la common law, que cette dernière établit une séparation entre différent délits. «En droit des délits civils canadien, il existe deux catégories de fautes : la conduite négligente et la conduite intentionnelle. En quelques mots, la négligence est une action ou une omission qui crée de façon objective, c.à.d. sans égard aux désirs de l’auteur un risque déraisonnable de préjudice à autrui.»45 Par contre, un acte intentionnel est posé avec l’intention spécifique de produire un dommage à autrui. Afin d’obtenir une réparation pour une action en négligence en common law, les quatre conditions suivantes doivent être prouvées : (a) une règle imposant au défendeur de se conformer à une norme de conduite; (b) un défaut de la part du défendeur de se conformer à cette obligation, ou, en d'autres termes, un manquement à l'obligation de prendre soin (ce manquement à l'obligation est habituellement appelé la négligence); (c) préjudice causé au demandeur et; (d) un lien de causalité raisonnablement étroit entre la négligence et le préjudice qui en résulte. Alors qu’en droit civil, contrairement à la common law, la responsabilité ne repose pas sur un certain nombre de règles spécifiques interdisant certains types d'activités nuisibles – la responsabilités civile repose, dans la majorité des cas, sur un principe fondamental qu'il est 45 Ibid à la p 6.
  • 38. Chirine Haddad 36 illicite de causer des dommages à autrui sans légitime justification ou excuse. Selon l’article 1457 du CcQ, la responsabilité est fondée sur la faute. Suivant les termes de cet article, pour réussir une action en droit civil, les trois conditions suivantes doivent être respectées : (a) l’existence d’un acte fautif imputable au défendeur; (b) un préjudice subi par le demandeur; et un lien de causalité entre la faute et le dommage qui en résulte. Ainsi, la distinction en droit civil n’existe pas entre la conduite négligente et la conduite intentionnelle, et l’acceptation des risques s’applique dans les deux cas. En common law on parle de l’acceptation des risques dans le contexte de la négligence et en gros c’est l’idée de consentir et le fardeau de la preuve, comme en droit civile, est au défendeur puisque c’est un moyen de défense et il va falloir que le défendeur démontre l’existence des trois conditions chez le demandeur afin de montrer que ce dernier a accepté le risque et donc se prévaloir de ce moyen de défense. 3.3 - Au niveau des conditions d’application de ce moyen de défense : Suivant notre exposé de ce moyen de défense dans les deux systèmes, on peut déduire que la connaissance préalable des risques associés à une activité quelconque constitue une condition exigée par le droit civil et la common law afin de conclure à une acceptation volontaire des risques par la victime. La common law insiste clairement sur la nécessité que la victime ait le libre arbitre afin de s’assurer qu’elle avait pleine connaissance de cause, alors qu’en droit civil, cette condition est présumée du fait que la victime s’est engagée volontairement dans l’activité dangereuse, et la volonté exige en soi que la victime ait le libre arbitre. Pour cette raison, on
  • 39. Chirine Haddad 37 constate que le législateur québécois, à la différence de la common law, n’invoque pas cette condition expressément, afin d’éviter toute tautologie de sa part. La distinction remarquable entre les deux systèmes s’opère au niveau de la renonciation juridique exigée par la common law pour appliquer ce moyen de défense; elle est illustrée clairement par l’affaire Dube c Labar 46 où la Cour suprême a conclu que «le moyen de défense de volenti ne s'applique que lorsque les circonstances sont telles qu'il est manifeste que le demandeur, connaissant le risque presque certain de préjudice, a essentiellement convenu de renoncer à son droit de poursuite pour les blessures subies par suite d'une négligence quelconque du défendeur. L'acceptation du risque peut être expresse ou peut ressortir de façon nettement implicite de la conduite des parties, mais elle n'est opposable, dans les cas comme celui en l'espèce, que lorsqu'on peut vraiment dire que les deux parties ont compris que le défendeur n'assumait aucune responsabilité de diligence pour la sécurité du demandeur et que le demandeur ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse». La marge entre acceptation du risque matériel – ou physique – admise en droit civil et l’acceptation du risque légale adoptée par la common law est bien traitée dans le passage suivant reproduit dans cette décision47 : « [TRADUCTION] [o]n soutient que le secret pour comprendre la portée véritable de la maxime volens, consiste à établir une distinction entre ce qu'on pourrait appeler le risque matériel et le risque légal. Le risque matériel est le risque de préjudice véritable. Le risque légal est le risque de préjudice véritable pour lequel il n'y a pas de recours en droit... Exprimé en termes généraux, cela veut dire que le moyen de défense de volens ne s'applique pas lorsque dans son for intérieur le demandeur décide de courir un risque, mais qu'il n'y a rien dans sa conduite qui indique à l'autre partie qu'il a renoncé à son droit d'action. Pour constituer un moyen de défense, il faut qu'il y ait eu entente expresse ou tacite entre les parties en vertu de laquelle le demandeur a renoncé à son droit d'action pour négligence.» 46 Dube, supra note 29. 47 Ibid.
  • 40. Chirine Haddad 38 Mais pareillement au droit civil, le fait que la victime signe sa renonciation au recours, va à l’encontre son intérêt comme demandeur, mais les tribunaux vont examiner l’ensemble des circonstances; est-ce que tous les risques étaient explicites, est-ce que la victime a bien compris tout ce qui est discuté. Un contrat très bien rédigé où la clause d’acceptation des risques est bien présentée à la victime, permet à la cour d’admettre, en principe, ce moyen de défense. Pourtant, selon la common law, si le signataire du document affirme qu’il connait les risques et il les accepte, cela ne peut être suffisant afin de conclure qu’il a renoncé au risque juridique; la victime doit montrer qu’elle comprend qu’elle peut subir des blessures à cause des risques associés à une activité qu’elle désire exercer et qu’elle comprend qu’elle ne peut sous aucune instance poursuivre l’autre partie et qu’elle accepte ce risque juridique. Dans ce cas le demandeur va faire face à beaucoup de difficulté pour montrer qu’il n’avait pas accepté les risques. Cette exonération complète de responsabilité du défendeur trouve son application même en cas de préjudice corporel ou moral, ce qui marque cette différence importante avec le droit civil où l’article 1474 CcQ48 dit qu’en cas d’une exclusion ou d’une limitation contractuelle de la responsabilité pour un préjudice corporel ou moral, ou en cas de faute intentionnelle ou faute lourde, les clauses sont considérées nulles et à cette distinction s’ajoute deux autres comme déjà signalé : 1- en droit civil, l’acceptation du risque n’exige pas une renonciation légale du risque, on exige plutôt d’accepter le risque physique et il n’est pas possible, selon l’article 1474 du CcQ, d’avoir une renonciation légale pour le préjudice corporel ou moral, 2- l’acceptation des risques peut être une défense partielle donc elle ne constitue pas toujours une défense complète. 48 Supra note 16.
  • 41. Chirine Haddad 39 Alors qu’en common law, une clause d’exonération bien ficelée pourrait exclure la responsabilité pour le dommage corporel ou moral, et le défendeur a le fardeau de démontrer que victime comprenait ce qui se passait et puis il a accepté ce risque juridique. Cette distinction entre ces deux systèmes juridiques, s’opère aussi au niveau de l’effet juridique d’une entente comprenant une clause limitative ou exonératoire de responsabilité, où en droit civil elle n’est pas requise afin d’établir une acceptation volontaire du risque, contrairement à la common law où elle est prévue comme une condition nécessaire pour soulever ce moyen de défense. En droit québécois, le lien de causalité entre le risque accepté et le dommage subi est indiqué expressément comme une condition nécessaire à l’invocation de la défense d’acceptation du risque, alors qu’en common law, cette exigence n’est pas mentionnée parmi les conditions exigées pour se prévaloir de ce moyen de défense, et peut-être cela est dû à l’idée que la renonciation juridique de la part de la victime, en cas de son admissibilité, mène à une exonération totale du défendeur de tout responsabilité sans la nécessité de prouver un lien de causalité entre le risque accepté et le préjudice subi. 3.4 Au niveau des conséquences de l’acceptation des risques: Les effets de l’acceptation volontaire des risques par la victime souligne une différence cruciale entre la common law et le droit civil à l’égard ce moyen de défense; une fois que le demandeur réussit à établir la responsabilité prima facie du défendeur en common law, c’est uniquement la négligence contributive qui va mener à un partage de responsabilité régit par la Loi sur le
  • 42. Chirine Haddad 40 partage de la responsabilité49 , ou le défendeur va soulever les trois autres moyens de défense complet. En raison de leur effet exonératoire total, l’attitude des tribunaux envers ces défenses est généralement défavorable parce qu’en examinant les moyens de défense, le demandeur a déjà établi une responsabilité à première vue du défendeur, donc le demandeur a réussi à prouver les éléments du délit par rapport au défendeur, qui devient à ce stade responsable de prime abord; tous les éléments du délit, ou tous les éléments de l’article 1457 du code civil québécois ont été prouvés contre lui. Ainsi en analysant les moyens de défense, les tribunaux s’attendent du défendeur qu’il invoque un moyen de défense assez déterminant afin qu’ils modifient leur présomption de responsabilité à première vue et puis pour qu’ils décident de le libérer de tout dommage-intérêt. Par contre, vu que la négligence contributive est une défense partielle qui aboutit à un partage de responsabilité et non à une annulation de celle-ci, les tribunaux, soit en common law soit en droit civil, ont tendance à être plus ouvert à son égard; le défendeur demeure négligent aux yeux du tribunal mais le demandeur lui-même n’a pas agi de façon optimal, c.à.d. il était lui-même négligent, pour cela, la défense de négligence contributive est souvent invoquée dans les litiges et les tribunaux sont plus favorables à l’admettre. Cette idée est traitée par Baudouin50 comme suit: « [p]endant longtemps, le droit anglais et le droit américain ont admis, au contraire du droit français et québécois, que la faute (negligence) de la victime et sa participation à la réalisation du préjudice constituaient une fin de non-recevoir absolue à sa réclamation. C’était le système de la contributory negligence (…). La sévérité de cette règle, antérieurement aux diverses réformes législatives qui l’ont supprimé, avait d’ailleurs obligé les tribunaux de common law à des prodiges d’ingéniosité pour parvenir à des solutions qui ne soient pas trop inéquitables. La jurisprudence 49 Loi sur le partage de la responsabilité, LRO 1990, c N.1. 50 Baudouin, supra note 5 à la pp 645.
  • 43. Chirine Haddad 41 québécoise, qui aurait pu à cet égard être influencée par la common law, a, au contraire, dès le siècle dernier, opté pour le système civiliste du partage de responsabilité, système connu en an anglais sous le vocable de comparative negligence et désormais codifié à l’article 1478 C.c ». À cela s’ajoute une autre distinction entre common law et droit civil; à côté du moyen de défense de la faute contributoire en droit civil, qui équivaut à la négligence contributive, l’acceptation du risque constitue habituellement une défense partielle plutôt que totale, et cela est dû à la flexibilité du système civiliste envers ce moyen de défense et l’esprit paternaliste et protecteur traduit par celui-ci. Ainsi, on trouve beaucoup plus d’arrêt en droit civil qui traite de cette défense, parce que les tribunaux profite de cette flexibilité, alors qu’en common law les tribunaux vont être plus réticents à l’admettre, vu son effet exonératoire total et vu l’absence de toute flexibilité à son égard. Cette idée est confirmée par Patrice Deslauriers comme suit51 : « [à] la fin du XIXe siècle, la common law subit une transformation importante. Constatant que la simple connaissance [du risque] constituait une condition trop étendue, les tribunaux anglais ont restreint l’application de la règle aux seules circonstances impliquant une véritable acceptation des risques. Cette interprétation fut également celle retenue au Canada par la Cour suprême.» L’article 1477 précité52 exprime clairement que « [l]'acceptation des risques par la victime, n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice. » La majorité des tribunaux québécois, comme dans l’affaire Gaudet c Lagacé53 mentionnée ultérieurement, conçoit l’acceptation des risques comme étant une faute de la victime, elle peut conclure à un partage de la responsabilité selon la gravité respective des fautes du défendeur et 51 Deslauriers, supra note 2 à la p 144. 52 Supra note 3. 53 Gaudet, supra note 13.
  • 44. Chirine Haddad 42 puis de la victime. Les deux moyens de défenses, la faute contributoire et l’acceptation des risques, se rencontrent à ce stade, contrairement au courant jurisprudentiel adopté en common law, où l’acceptation des risques constitue en soi une défense complète exonérant à 100% l’auteur du préjudice de toute responsabilité. Mais, conformément au courant adopté par la common law qui exige que les clauses limitatives de responsabilité soient portées à l’attention du signataire par leur auteur avant la création de l’obligation contractuelle (Gregorio c Intrans- Cop54 ), l’article 1475 du CcQ précité affirme le même principe. Par contre, à la différence de la common law, le législateur québécois est intervenu pour déclarer l’invalidité d’une telle clause en cas de préjudice corporel ou moral, ou en cas de faute intentionnelle ou lourde, en rédigeant l’article 1474. Suivant le droit civil québécois, L’exclusion de la faute lourde et de la faute intentionnelle de la validité des clauses limitatives de la responsabilité revient à l’idée que : « [q]uelque généraux que puissent être les termes de ces clauses, elles ne peuvent jamais avoir pour effet de permettre au débiteur de se soustraire à la responsabilité provenant de sa faute intentionnelle ou de sa faute lourde. Par faute lourde, le législateur, à l’article 1474 C.c, entend la faute grossière et donc un total mépris des intérêts d’autrui… Admettre, en effet, la possibilité d’exclure les conséquences d’un acte malicieux, prémédité, ou d’une négligence très grave, serait une incitation sociale à la fraude ou à l’incurie grossière à l’égard d’autrui et irait directement contre l’ordre public. »55 54 Gregorio, supra note 27. 55 Baudouin, supra note 5 à la p1159.
  • 45. Chirine Haddad 43 Et comme illustrée dans l’affaire Karawani56 précitée, en soulevant la défense d’acceptation du risque, il est possible d’alléguer que ces clauses sont sans effet lorsqu’il s’agit d’une faute lourde ou intentionnelle ou lorsque le préjudice subit est de nature corporel ou moral. Cette position adoptée par le droit civil québécois se distingue gravement de la common law, puisqu’il est conçu comme un système paternaliste, un système où le code vise à protéger l’individu. Le droit civil semble adopter cette attitude qui consiste à vouloir protéger les individus d'eux-mêmes ou à tenter de réaliser leur bien sans tenir compte de leur opinion; les mesures imposées par celui-ci sont justifiées par des principes généraux tell que la dignité humaine par exemple. La Charte des droits et libertés de la personne57 traduit cet esprit. Inspiré par le droit civil français, le législateur québécois consacre une grande part au concept de dignité. La Charte québécoise assure de façon péremptoire le droit à la vie, à la sûreté et à l'intégrité de chaque personne. Cette déclaration est consolidée par la reconnaissance expresse des droits à la sauvegarde de la dignité et au respect de la vie privée. Surtout, cette loi quasi constitutionnelle condamne les atteintes aux attributs principaux de l'être humain. Chaque personne détient en soi-même une valeur intrinsèque la rendant digne de respect. S'agissant du milieu de travail, l’esprit paternaliste est traduit par le fait que le Code civil stipule notamment que l'employeur doit adopter les mesures qui conviennent à la nature du travail afin de conserver la santé, la sécurité et la dignité de son employé. À cela, dans la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions 56 Karawni, supra note 18. 57 Charte des droits et libertés de la personne, LRQ c C-12, art 2 (« [t]out être humain dont la vie est en péril a droit au secours. Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou d'un autre motif raisonnable »).
  • 46. Chirine Haddad 44 législatives58 , s'ajoute un bloc de mesures qui traitent le sujet du harcèlement psychologique en milieu de travail. Cette tendance fait du droit civil québécois un protecteur des personnes vulnérables contre les forces du marché. Du coup, ça fait aussi de ce droit un guide paternaliste protégeant les individus contre leurs faiblesses. Cet esprit protecteur du droit civil se révèle aussi en matière de responsabilité civil, où aucune entreprise québécoise, ne peut s'exclure de sa responsabilité face à des préjudices physiques ou morale par quelque document que ce soit, ce qui souligne la tendance protectrice du droit civil envers l’intégrité physique et morale de l’individu. Elle peut par contre le faire vis-à-vis des préjudices matériels seulement, par le biais d’un formulaire de décharge clair, dûment exprimé et signé par le client. Encore là, le droit civil exige que le signataire soit bien avisé des problèmes potentiels et d'accepter les risques en pleine connaissance de cause. Mais qu'importe le formulaire d'acceptation de risques ou de non- responsabilité signé, une chose l'invalidera à tout coup : une faute lourde. Elle est généralement établie lorsque l'erreur paraît évidente pour la personne raisonnable, bien que ce soit toujours le tribunal qui a le dernier mot. Cet esprit qui caractérise le droit civil, se distingue de l’esprit individualiste de la common law, «qui considérait que toute personne était libre de prendre des risques sans pour autant pouvoir demander l’intervention de la justice. De plus la règle de volenti reposait sur la notion de faute commise par la victime; une personne qui acceptait les risques devenait pour ainsi dire coauteur de son préjudice et par conséquent, ne pouvait bénéficier de la protection de la common law»59. Ainsi l’auteur Bohlen traduit cette idée comme suit : 58 Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives, LQ 2002, c 80. 59 Deslauriers, supra note 2 à la p 143.
  • 47. Chirine Haddad 45 «[traduction] [l]a maxime ''volenti non fit injuria'' est une expression succincte de la tendance individualiste de la common law, qui provient du peuple et défend ses libertés, naturellement la liberté d'action individuelle qui constitue la clé de voûte de l'ensemble de sa structure. Selon cette aptitude, chaque individu est libre de maitriser ses propres destinés, il ne doit pas être assujetti à des interventions externes, mais en l'absence de telles ingérences, il est tenu apte de se protéger. Alors qu’en le protégeant d’une agression externe, de l'imposition et de la coercition, la common law n'assume pas le rôle de le protéger contre les vices de sa propre personnalité et des conséquences de ses actes volontaires ou de sa conduite négligente60 ». La défense d’acceptation des risques rend toute perception de la valeur sociale des actions ou des objectifs attribués au demandeur dépourvue de toute utilité pour la résolution du conflit. Mais cela n’indique pas une absence totale du paternalisme dans la common law puisque la protection des parties vulnérable demeure une politique sociale importante adoptée par la Cour suprême. En common law, si la victime signe une clause d’exonération portée à son attention, et dont elle a pleine connaissance, cette clause devient valide et produit tous ses effets malgré la nature corporelle ou morale du préjudice. Alors qu’en droit civil, il y a une limitation portée par le code, par une disposition d’ordre public qu’on ne peut pas la modifier contractuellement. Pour ces raisons exposées, l’acceptation des risques se révèle plus qu’un simple moyen de défense; il traduit l’esprit même du droit civil. 60 F. H. Bohlen, «Voluntary Assumption of Risk», (1906) 20 Harvard Law Review (HLR) (« The maxim ''volenti non fit injuria'' is a terse expression of the individualistic tendency of the common law, which, proceeding from the people and asserting their liberties, naturally regards the freedom of individual action as the keystone of the whole structure. Each individual is left free to work out his own destinies, he must not be interfered with from without, but in the absence of such interference he is held competent to protect himself. While therefore protecting him from external violence, from imposition and from coercion, the common law does not assume to protect him from the effects of his own personality and from the consequences of his voluntary actions or of his careless misconduct. » à la p 14).