1. Intervention du Président du Sénat, l’Honorable Simon Dieuseul
Desras,
A la conférence organisée par les étudiants de la 2
e
année de la
Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince
Mercredi 17 décembre 2014
Thème : « 12 janvier 2015, mènera-t-il vers le chaos ou la
normalisation de la vie politique en Haïti »
Monsieur le Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques
Mesdames Messieurs les professeurs
Etudiants et Etudiantes de la FDSE et des Universités
Distingués Membres de l’auditoire,
Je voudrais d'abord me féliciter de participer à la ronde de conférences
qui se tient dans cette Faculté de Droit et des Sciences Economiques,
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2. berceau du Droit et de la Justice, berceau d'une démocratie peut-être
différente de celle que nous connaissons à l'heure actuelle , mais qui
résiste pour en assurer la promotion .
Je dois dire que c'est avec beaucoup d'émotion que je reviens ici, dans
le sein de l'Alma Mater qui me rappellela résistance de tous les instants
contre l'ancien régime qui niait tous les droits élémentaires .
Dans moins d'un mois , le 12 janvier 2015 , par la force des choses,
l'âme haïtienne sera exposée à deux spectres grimaçants : la
commémoration d'un séisme dévastateur, d'une part, et la survenue d'un
chaos annoncé, d'autre part.
Nous semblons vivre l'époque des faillites. Le sacré est profané, nous
croyons à la mort de la pensée et à la ruine des valeurs. Traumatisés
par le choc du futur, nous évoluons avec angoisse au milieu
d'institutions politiques qui nous apparaissent inadaptés. La fragilité de
notre démocratie, sinon sa fin devient un thème de réflexion pour la
congrégation des pessimistes.
La vie institutionnelle mise à mal de la sorte expose les Haïtiennes et les
Haïtiens aux graves déconvenues que l'histoire réserve toujours aux
peuples comme une sanction ultime de leur choix. Il ne suffira pas d'en
parler, de rester devant le constat dans une attente béate comme si,
vertu en serait d'avouer l’impuissance. Il s'agit plutôt de cerner nos
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3. problèmes, nos vrais problèmes pour les poser de la vraie manière en
vue de les comprendre, les connaitre, les admettre et enfin les résoudre.
Il est clair que le peuple haïtien, depuis les événements de 1986, a fait
un choix, celui de la rupture . Un instrument a été adopté pour
concrétiser cette rupture qui ouvre sur la démocratie comme nouveau
régime et surtout comme idéal. La Constitution de 1987 aura été votée
entre 'autres "pour assurer la séparation et la répartition
harmonieuse des pouvoirs de l'Etat au service des intérêts
fondamentaux et prioritaires de la Nation ". ( sic)
Il en est sorti la reconnaissance de trois grands pouvoirs constitués
pour diriger , gérer et administrer notre Pays dont la population est en
quête de bien-être et de bonheur . Ces Pouvoirs sont ainsi réglés par un
mandat qui contient des prérogatives limitées dans le temps . La réalité
de la vie politique ainsi comprise dans notre société haïtienne
commande la tenue régulière des élections qui permettent de maintenir
nos institutions par le renouvellement périodique de leur personnel.
C'est l'alternance qui est une conséquence du principe démocratique
suivant lequel le gouvernement étant issu d'élections au suffrage
universel, celles-ci peuvent amener l'opposition au pouvoir. Dès lors qu'il
arrive de ne pas respecter ce principe qui est un impératif dans la
démocratie comme régime politique, la société est exposée à la gravité
d'une violation d'Etat qui soulève le mécontentement, la frustration qui
devront s'exprimer , au regard des intérêts , à travers des luttes
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4. politiques sous des formes diverses et variées ( le chaos) jusqu'au
retour à la normalisation ( à rechercher).
C'est de cette problématique que je voudrais débattre avec vous ce soir,
tant il est vrai que notre société vit de grandes préoccupations, tant il
apparait que notre société est à la veille d'événements très graves.
Le mode de gouvernance actuel
Aujourd‘hui, la Gouvernance démocratique se pose comme un mode
universel de gestion des sociétés. N’étant liée à aucun peuple, aucun
territoire, à aucunes mœurs particulières, elle se veut une théorie de la
régulation sociale se déclinant à tous les niveaux : gouvernance locale,
gouvernance urbaine, gouvernance territoriale, gouvernance mondiale.
Aucun type de pouvoir ou de décision, aucune sphère publique
n’échappe potentiellement à son emprise, qu’il s’agisse des Etats, des
organisations nationales, des grandes entreprises. Le chaos ne fait pas
partie de l’agenda de cette gouvernance démocratique.
Haïti, depuis l’avènement du pouvoir en place, est en délitement par
rapport aux canaux étroits de l’Etat de droit. La crise qui en résulte est
périlleuse pour la stabilité politique et la paix sociale. Les acteurs sont
sommés de choisir leur voie…
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5. I - Le CHAOS
Les difficultés :
- Le problème haïtien actuel, qu'est-ce qu'il est aujourd'hui ? (vide
politique caractérisant l'infirmité de notre administration - illégalité -
illégitime -
Comment on est arrivé là? (refus d'organiser des élections)
Peut-on parler de crise ? (bien sûr, puisque le problème reste entier et
révèle l'incapacité des élites à le résoudre)
A-t-elle déjà atteint les proportions qui permettent de parler de chaos ?
(Oui , dans la mesure où dans les phénomènes chaotiques , l'ordre
déterministe crée le désordre du hasard )
Quelles sont les formes que peuvent prendre ce chaos ?
Quelles peuvent être les conséquences du chaos ?
Comment le chaos peut être évité? (prioriser l'idée de consensus, à
travers des négociations sérieuses pour une sortie de crise )
II- LA NORMALISATION
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6. L 'expérience de la crise .-
Une crise peut être utile en ce sens qu'elle révèle, qu'elle met à nu,
qu'elle identifie les lacunes et les faiblesses. Elle oriente, elle commande
aussi. Elle peut être une opportunité si on parvient à en prendre
avantage pour corriger les erreurs, aérer l'atmosphère à partir de
réponses appropriées, surtout mettre en place des mécanismes qui
soient capables d'opérer le renouveau. Toutefois, cet exercice appelle
de la compétence et des capacités, bien sur, mais c'est aussi une affaire
de grandes personnes.
La crise haïtienne actuelle aura été un moment positif si on accepte de
la convertir en opportunité de redressement et de renouveau. On peut
asservir la crise, la mettre au service d'un nouveau départ, aujourd'hui
nécessaire, obligatoire, sinon impérieux puisque l'intérêt national en
dépend.
Il s'agira de dédramatiser le problème, d'arrêter le faux semblant,
d'admettre pour normales les luttes pour la conquête du pouvoir avec
cependant une nouvelle orientation et une autre forme qui trouveront
leur inspiration dans la disponibilité et le comportement des élites, dès
lors que celles-ci comprennent la nécessité, pour elles aussi, de
s'impliquer dans l'effort collectif que le Pays réclame en ces instants
précis .
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7. Ce processus ne sera peut-être pas linéaire mais il prendra, dans la
fourchette de temps nécessaire, la direction de la normalisation
constitutionnelle et politique. Au vu de l’état branlant du pays, des
institutions, et la situation de misère atroce qui étouffe le peuple, le
chaos devrait se trouver derrière nous et les voies de définition de la
normalisation notre point de mire.
Il suffit que les acteurs conscients du changement intégral --- dont les
étudiants--- s’engagent à bâtir une Haïti nouvelle et à regarder devant.
Il est préférable, selon un sociologue avisé, d’allumer une bougie que
de s’insurger contre l’obscurité.
Voila ma compréhension de la situation globale haïtienne que je partage
avec vous en même temps que je vous invite à construire votre
conscience de jeunesse éclairée dans une liaison forte avec votre Pays,
au regard de son histoire et de sa sociologie. Ne pas vous impliquer,
c'est vous impliquer davantage au contraire de vos espérances ou de
vos attentes. Vous avez le droit, le devoir aussi de rêver. Mais le rêve se
construit. Faites de votre Pays l'élément majeur de vos rêves. ..
Simon Dieuseul DESRAS, Av.
Président du Sénat
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