Article publié
pour citer l'article:
Folon, J. Génération Y, mythe ou réalité, in Morelli, P. et al., actes du colloque Eutic: public et pratiques médiatiques, Metz, éditions du centre de recherche sur les médiations, ISBN: 978-2-7466-5447-1.
1. La génération Y : un nouveau public ? Mythe ou réalité ?
Jacques FOLON
Maître de conférences Université de Liège
Chargé de cours invité Université de Lorraine
Chargé de cours ICHEC Brussels management School
Jacques.folon@ichec.be
Résumé
La génération Y est devenue un véritable sujet de recherches académiques et de
récentes méta analyses semblent démontrer que l’existence d’une nouvelle génération
est incontestable, ses caractéristiques supposées sont plus contestables. En effet le
caractère parfois peu scientifique des études a amené les chercheurs à remettre en
question ce qui semblait être devenu incontestable, à savoir que cette génération est la
cause du changement de paradigme que tant l’université que l’entreprise constatent. Or
nous ne pouvons que constater que les évolutions actuelles sont dures aux changements
technologiques et que les quatre générations qui coexistent s’y adaptent avec un degré
d’efficacité dont les différences sont nettement moindres que proposées par des
recherches antérieures. En réalité, il semble que les entreprises et universités sont
confrontées à une évolution technologique entraînant ; comme souvent une résistance
au changement. Bref, nous sommes tous la génération Y.
Mots-clés : génération Y, évolution technologique, résistance au changement, changement de paradigme.
Abstract
Generation Y becomes a real subject of scientific researches and some recent meta
analysis seems to demonstrate that if the birth of a new generation is a fact, its
supposed characteristics are more doubtful. Some studies were developed with a short
number of subjects and as such new researches bring some questions about this
generation. Even if both universities and business faced new technologies and new
ways of working, these are more the consequence of technological changes than the
arrival of this new generation. Some recent studies demonstrate that usage of new
technologies is nearly identical trough the various generations. Moreover the
technological changes bring as usual some resistance to change. Consequently we may
say that we all are generation Y
Keywords : Generation Y, Technological evolution, resistance to change, change of paradigm.
1. Le contexte de la génération Y
Chaque génération s’imagine
être plus intelligente que celle qui précède
et plus sage que celle qui vient après elle.
G.Orwell
2. EUTIC’2012 : Génération Y
L’université et le monde du travail n’ont jamais été autant face à des changements
technologiques qu’en ce début de XXIème siècle : explosion d’Internet, médias sociaux,
téléphones intelligents, Web 2.0, tablettes, cloud computing, gestion des connaissances,
intelligence collective, univers collaboratifs, e-learning, etc. Le mélange des sexes, des
origines ethniques, des générations n’a jamais été aussi important (Zemke & al, 2000 :
1) . Il ne se passe pas un jour sans qu’un quotidien, un magazine, un article, un livre ne
paraisse concernant l’arrivée de cette nouvelle génération, souvent appelée génération Y
dont les membres seraient les seuls à utiliser de façon optimale les nouveaux outils et
possibilités du Web 2.0. Notre époque est aussi la première durant laquelle quatre
générations semblant aussi différentes cohabitent côte à côte au sein des entreprises et
des universités (Hammill, 2005) Les générations successives ont chacune leurs
caractéristiques et « leur succession ne se fait pas comme la succession des lettres de
l’alphabet, mais plutôt comme la balle d’un flipper réagissant (parfois de façon
imprévisible) aux coups et chocs de notre société et de notre culture (Huntley, 2006 :
12) ».
Un des éléments importants qui a changé les relations intergénérationnelles est le
fait que ces jeunes, contrairement à ce que certains espéraient, et ce qui fut le cas des
générations précédentes, ne « vont pas devenir comme nous ». Ce paradigme est
aujourd’hui totalement dépassé. Cette génération ne sera, ne se comportera pas comme
la précédente, qui d’ailleurs a fondamentalement adapté ses comportements, et ce
principalement parce que les outils utilisés, et en particulier les médias sociaux et le
Web 2.0, ont définitivement changé les façons de se comporter que ce soit dans
l’enseignement ou dans l’entreprise et ce pour tous.
Il est essentiel, avant de déterminer les caractéristiques de ce que nous appellerons
par facilité, et comme il est généralement d’usage génération Y, d’analyser ce qui est
entendu par cette génération et celles qui l’ont précédé.
2. La génération Y: mythe ou réalité ?
Chaque génération est un nouveau peuple
A. de Toqueville
Pour rappel une génération est: « une variété d’hommes et de femmes au sens strict
donné par les naturalistes. Ses membres entrent dans le monde revêtus de certaines
caractéristiques typiques, qui montrent une physiognomie1 commune, les distinguant
des autres générations (Gasset, 1961 : 14). » De nombreuses études (Donnat, 2009 : 11,
Hammill, 2005, Kersten 2002, Lancaster & Stillman, 2002, Sago, 2000, Zemke & al,
2000, Walston 1999) ont été faites afin de comparer les caractéristiques de la génération
Y avec les trois générations précédentes (vétérans, baby-boom, génération X) et en
particulier en ce qui concerne leurs attitudes par rapport aux nouvelles technologies en
entreprise.
À la lecture de ces études, il semble acquis que ces générations ont chacune leurs
caractéristiques propres, avec des tendances assez fortes qui les différencient des
1
Vocable repris sans doute de l’ouvrage de JC Lavater :”La physiognomie ou L'art de connaitre les hommes
d'après les traits de leur physionomie, leurs rapports avec les divers animaux, leurs penchans, etc” publié en
1841
2
3. Génération Y : un nouveau public ? Mythe ou réalité ?
précédentes. Mais si les analyses des générations anciennes peuvent se faire avec un
certain recul, il est intéressant de prendre en compte le fait que les analyses de la
génération Y manquent souvent de mise en perspective. « Nous avons souligné
(Pichault & Pleyers 2010) les précautions dont il convenait d’entourer les résultats des
recherches consacrées à la génération Y. Comme le reconnaissent Reddick &
Coggburn (2008)i, « la recherche empirique sur les valeurs au travail, l’implication et
les motivations de la génération Y est actuellement insuffisante ». De leur côté, Kim et
al.(2009)ii, estiment que « les différences générationnelles, aussi bien dans les médias
populaires que dans les publications professionnelles du management, se présentent
sous la forme de résultats très variés et conduisent souvent à des stéréotypes en guise
de conclusions. La masse croissante d’information de type anecdotique concernant les
disparités générationnelles plaide pour davantage d’investigation et de validation
empirique ». Une étude récente du LENTICiii basée sur un échantillon réellement
représentatif démontre même plus de convergences que de différences entre les
générations et démonte quelques clichés, pourtant répétés comme des dogmes par la
presse. « “Les jeunes n'ont plus d'horaires. Ils bossent chez eux, seuls, et ont un autre
rapport au travail”. C'est ce que j'entendais souvent dire de la part de directeurs des
Ressources Humaines en entreprises, souligne F. Pichault(2010) iv. Il y a un mythe
autour des nouvelles générations que l'on croit plus indépendantes et plus mobiles que
les anciennes ».
Nous allons analyser en premier lieu les caractéristiques de la génération Y.
3. Quelle génération ?
On pourrait croire que la génération Y est définie de façon précise, tant dans en ce
qui concerne sa dénomination que la période qu’elle concerne et que tous les chercheurs
s’accordent quant à la définition de ce concept qui a déjà quelques années. Or, force est
de constater que, hormis l’appellation génération Y qui est la plus répandue, on appelle
aussi cette génération: Babyboomer’s childrens v, Boomersvi, Echo-boomersvii, E-
Generationviii, Digital Nativesix, Digital generationx, Dotcomsxi, Facebook Generationxii,
Gen Yxiii, Génération 2001xiv, Génération accélérationxv, Génération Internetxvi,
Génération numériquexvii, Génération texto/SMSxviii, Génération WWWxix, Generation Y
not?xx, Génération Zappingxxi, i-Generationxxii, Millenialsxxiii, Net Generationxxiv,
Nextersxxv, Next great Generationxxvi, Nintendo Generationxxvii, Paradoxical
generationxxviii, Sunshine Generationxxix, Thumb generationxxx, et j’en oublie sans doute.
Qu’est-ce donc que cette génération qui a reçu d’elle-même ou d’autres tellement
d’appellations différentes ? Ce concept a-t-il un sens ? La définition des générations
précédentes a été nettement moins controversée. Des tentatives de dénomination aussi
nombreuses ne peuvent que démontrer un certain embarras et une confusion certaine par
rapport aux caractéristiques de cette génération et à l’évolution des comportements et
des technologies. Comme le disait Boileau: « ce qui se conçoit bien s’énonce
clairement... ».
La définition d’une génération est basée sur des expériences, des valeurs communes,
et donc comme la vitesse des événements et des technologies s’accélère, la durée des
génération tend à diminuer. Mais si les durées sont claires pour les générations
précédentes, la période pour définir cette génération Y est, comme ses dénominations,
très variable selon les auteurs:
3
4. EUTIC’2012 : Génération Y
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Elle comprend ceux nés entre 1974 et 1994xxxi
Entre 1977 et 1992xxxii
De 1978 à 1998 pour ceux qui les caractérisent d’Echo-boomerxxxiii
D’autres considèrent que la génération Y s’étend de 1978 à 1988xxxiv
Ou de 1978 à 1995xxxv
Ceux qui sont nés après 1980xxxvi
Entre 1980 et 1995xxxvii
De 1980 à 2000xxxviii
Ou après 1982xxxix xl ou plus précisément de 1982 à 2003xli
Entre 1990 et 2000xlii
« Il n’en reste pas moins que les délimitations de la génération Y présentées par la
littérature sont loin d’être uniformes, ce qui nous montre la fragilité des bases
méthodologiques sur lesquelles cette littérature se développe. Il n’y a pas de rupture
précise, ni de signalisation routière indiquant quand une génération termine et une
autre commence. Nous prenons conscience du danger de créer des stéréotypesxliii. »
En conclusion de l’analyse tant des dénominations que de la période sur laquelle
s’étendrait la naissance des membres de cette génération, on ne peut que constater qu’il
n’y a pas véritablement de consensus tant sur la dénomination que sur l’âge des
membres de cette génération, ce qui est sans doute une conséquence du caractère peu
scientifique des études réalisées.
Selon notre hypothèse le caractère complexe du concept est également lié à un
phénomène de rejet tant des technologies nouvelles que de la nécessaire remise en
question indispensable pour les utiliser. Pour éviter d’avouer cette résistance au
changement, la faute en est mise sur les épaules de cette génération Y, bouc émissaire
idéal qui semble utiliser si naturellement ces technologies. Mais comme nous l’avons vu
les capacités d’utilisation des nouvelles technologies n’est pas limitée à la génération Y,
mais au contraire répartie parmi les différentes générations.
4. Les caractéristiques de la génération Y
Il est temps de s’intéresser à ce que semblent être les caractéristiques de cette
génération qui en font un sujet de perplexité tant au niveau des universités que des
entreprises et organisations. Or il y a également un doute sur ces caractéristiques. « Les
bases méthodologiques sur lesquelles s’appuient les études disponibles nous paraissent
peu fiables: dans de nombreux cas (Peltron & True (2004) xliv, Eisner (2005)xlv, Laizé &
Pougnet (2007)xlvi, Sullivan & Heitmeyer (2008)xlvii, Reddick & Coggburn (2008)xlviii,
Josiam et al (2009)xlix), il s’agit d’étudiants universitaires, généralement attachés à
l’institution d’origine de l’auteur de la recherche. On devine aisément le biais que
2
4
5. Génération Y : un nouveau public ? Mythe ou réalité ?
présente ce type d’échantillon, survalorisant le capital économique, social et culturel
des jeunes étudiés. Certains n’hésitent pas à étayer leurs propos en recourant à des
anecdotes personnelles (Yeaton (2008)l évoque ainsi le cas de son fils !) tandis que
d’autresli en viennent à imaginer un cas fictionnel à partir duquel ils recueillent les
réactions et conseils de divers managers et consultants... De nombreux auteurs
présentent leurs considérations sur la génération Y sans aucune base empirique
sérieuse, en n’hésitant pas à recourir à des métaphores de type journalistique:
génération “zapping” ou encore génération “me”lii, composée d’individus de
“l’instant”liii , “surfant” sur la vague Internet, etc.liv »
A titre d’exemple aux Etats-Unis, les travaux de Howe et Strauss (2000) lv qui ont
identifiés sept caractéristiques sont même proposés comme moyens de recruter de
nouveaux étudiantslvi. Ces critères ont été immédiatement critiqués par d’autres lvii,
notamment parce qu’ils ne prennent pas en compte les aspects ethniques, urbains,
multiraciaux.
Une étude récentelviii a également repris les caractéristiques de la génération Y selon
les différentes études de façon à créer un type « idéal » de cette génération. Le vocable
« idéal » doit évidemment être pris avec une certaine distance car le caractère assez peu
scientifique des études limite le sérieux des soi-disant caractéristiques de cette
génération. Et ce d’autant plus que la même méta analyse lix démontre que les différences
entre la génération Y et ses prédécesseurs sont moins tranchées que les discours
dominants ne le laissent croire.
Catégories Caractéristiques Références
Recherche de Sens moral et civique, Eisner (2005) Yeaton (2008)
sens au travail besoin d’un travail avec
signification
Besoin Intérêt pour le travail et les Eisner (2005)
d’accomplissement défis proposés, attentes en Erickson (2009)
matière d’éducation
continuée, attitude positive à Josiam et al. (2009) Laizé &
l’égard du travail Pougnet (2007) Yeaton (2008)
Recherche de Besoin de gratification Eisner (2005) Erickson
feedback rapide en termes monétaires (2009) Josiam et al. (2009)
ou de promotion, une fois les Yeaton (2008)
objectifs atteints, recherche de
feedback par rapport à
l’engagement professionnel
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6. EUTIC’2012 : Génération Y
Catégories Caractéristiques Références
Intégration vie Indifférenciation temps de Eisner (2005)
privée/ vie travail/ temps de loisir, forte Erickson (2009)
professionnelle importance accordée au loisir,
au divertissement, aux amis, à Josiam et al. (2009) Laizé &
la famille, recherche du plaisir Pougnet (2007)
et de l’épanouissement au
travail, capacité d’être
multitâche
Opportunisme Poursuite d’un agenda Erickson (2009)
personnel, opportunisme, Josiam et al. (2009) Laizé &
agissements de freelancers, Pougnet (2007) Yeaton (2008)
individualisme, estime de soi,
besoin de s’affirmer
Esprit de Intérêt pour le travail en Josiam et al. (2009) Sullivan
groupe équipe et les collaborations & Heitmeyer (2008)
Yeaton (2008)
Faible Peu de sentiment Laizé & Pougnet (2007)
loyalisme d’appartenance à l’entreprise, Yeaton (2008)
institutionnel méfiance envers l’autorité et
les institutions,
Difficulté à se Incertitude sur l’avenir, Erickson (2009)
projeter dans le difficulté à se projeter dans le Laizé & Pougnet (2007)
long terme futur, difficulté à s’engager et Pelton & True (2004)Sullivan &
à faire des choix, primat de Heitmeyer (2008)
l’instantané
Technophilie Haut degré de Eisner (2005)
familiarisation aux Sullivan & Heitmeyer (2008)
technologies de l’information
5. Peut-on croire ces typologies de la génération Y ?
En analysant les caractéristiques telles que nous les avons reprises ci-dessus, avec
leurs contradictions et leurs certitudes et en prenant en compte la façon dont les études
qui amènent à ces conclusions ont été faites, il devient évident de se poser la question de
la réalité de ces typologies.
6
7. Génération Y : un nouveau public ? Mythe ou réalité ?
« On ne s’étonnera donc pas qu’un tel manque de rigueur méthodologique conduise
à des résultats peu stabilisés. Ainsi Eisner (2005) lx rappelle-t-elle que, selon une
enquête Work & Education menée par Gallup Organization, la génération Y est
caractérisée par un sens aigu du loyalisme organisationnel, tout comme les générations
précédentes. Mais elle mentionne également une autre étude (What You Need to Know)
qui souligne une tendance plus affirmée de cette génération à délaisser l’entreprise en
quête d’un travail meilleur. Ces deux tendances ne sont-elles pas parfaitement
contradictoires ? Toujours selon Eisner (2005)lxi mais aussi selon Yeaton (2008)lxii, la
génération Y serait plus sensible que la génération qui la précède à la problématique
de l’équilibre vie privée-vie professionnelle. D’autres auteurs soulignent au contraire
que cette question ne revêt pas plus d’importance pour la génération Y que pour les
générations précédentes... Des exemples de ce type abondentlxiii »
Comme le reconnaissent Reddick & Coggburn (2008)lxiv, « la recherche empirique
sur les valeurs au travail, l’implication et les motivations de la génération Y est
actuellement insuffisante ». De leur côté, Kim et al. (2009)lxv, estiment que « les
différences générationnelles, aussi bien dans les médias populaires que dans les
publications professionnelles du management, se présentent sous la forme de résultats
très variés et conduisent souvent à des stéréotypes en guise de conclusions. La masse
croissante d’information de type anecdotique concernant les disparités
générationnelles plaide pour davantage d’investigation et de validation empiriquelxvi ».
En conclusion, notamment de la méta analyse de Pinchault et Pleyers (2010)lxvii, il
apparaît donc que les caractéristiques de la génération Y semblent nettement moins
caricaturales que celles qui circulent tant dans la littérature scientifique que dans les
médias populaires. Et donc, la question de savoir pourquoi cet acharnement à essayer de
nous convaincre que les changements sociétaux, et notamment les nécessités de
changements de modes de management ou d’enseignement sont nécessités uniquement
par l’arrivée de la génération Y se pose indubitablement.
Nous en arrivons donc naturellement une fois de plus à notre hypothèse qui consiste
à constater que de nombreux articles et recherches ont tenté avec un certain succès de
positionner la génération Y comme la cause de tous nos maux, ce qui en fait une victime
consentante. Donc ce coupable prédéfini nous évite, face aux technologies et nouveaux
comportements, une remise en question non désirée par le plus grand nombre des
managers et des enseignants. En effet, il est tellement plus simple pour un enseignant de
se comporter comme un « lecturer » du XIVème siècle, et pour un manager de se cacher
sous l’argument d’autorité au lieu d’oser aller vers la coconstruction de savoirs qui
pourrait remettre en cause nos certitudes.
6. Nous sommes tous la génération Y !
Bien que de nombreuses études essayent de démontrer l’existence de cette fameuse
génération Y, qui serait caractérisée par de nombreuses caractéristiques spécifiques,
nous sommes néanmoins confrontés à plusieurs recherches qui semblent démontrer au
contraire que les différences entre les générations ne sont pas si importantes et si
tranchées. Nous considérons que cette abus de dénominations, dont certaines peuvent
constituer un rejet, en réalité ne définissent pas une génération mais sont plutôt
l’expression d’une résistance aux changements technologiques et aux comportements
nouveaux induits par ces technologies. Au lieu d’exprimer ce refus du changement, il
7
8. EUTIC’2012 : Génération Y
est tellement plus simple de rejeter la faute sur les « jeunes », nouveaux boucs
émissaires et sources de tous nos maux. On trouvait même à l’affiche d’un théâtre
parisien en décembre 2011 une pièce dont le titre était révélateur: « Je hais les
jeunes »lxviii. A part cette catégorie d’âge, quelle population pourrait être l’objet d’une
haine publique même s’il s’agit d’un spectacle comique ? La haine, même amoindrie
par le comique, des origines ethniques, des religions, des sexes ne pourraient pas être
sujets d’une telle pièce sans tomber sous la réprobation de certains et même des lois
pénales ou se trouver face à des manifestations populaires. Mais la haine des jeunes peut
s’afficher et attirer le public, comme si la pensée unique avait trouvé sa victime
expiatoire, source de tous les maux, et emblème de ces technologies qui obligent de
changer ses comportements. Les désignations multiples de cette génération comme bouc
émissaire seraient-elles donc une solution de facilité pour les générations précédentes
pour éviter de se remettre en question ou de faire évoluer leurs comportements ?
S’il est vrai que cette génération Y existe, tout comme les précédentes et les
suivantes, est-ce son existence qui entraîne un tel changement de société, de
comportements ou n’est-ce pas plutôt les technologies et leurs utilisations par tous et
partout qui induisent de nécessaires changements tant au niveau universitaire qu’en
entreprise ? Nous constatons que les usages se rapprochent et que l’utilisation des
ressources de l’Internet, du web 2.0 et des médias sociaux deviennent de plus en plus
transgénérationnelles.
Il devient donc « normal » de se servir des ressources mises à notre disposition. « Je
suis toujours étonné de rencontrer un écrivain qui ne sait pas utiliser un ordinateur, un
avocat mal à l’aise devant une base de donnée juridique, ou un cadre d’entreprise qui
ne peut pas parcourir une boite de messagerie sans un spécialiste informatique. Si vous
êtes un spécialiste en marketing incapable de faire valoir vos compétences au moyen
d’outils en ligne, vous êtes tout simplement captif des machines de l’entreprise. C’est
un pouvoir qu’elles ne méritent pas. le monde vous permet de prendre le contrôle sur
les moyens de production. Ne pas les maîtriser est une fautelxix. »
Ne peut-on se poser la question de savoir si la création de cette génération Y n’est
pas une conséquence des études marketing qui ont identifié un segment du marché
intéressant et ont décidé de créer cette typologie à des fins commerciales? « L’économie
a pris un grand intérêt à étudier cette génération. Ils sont même un segment du marché
plus étudié que les générations précédentes, et ont un pouvoir d’achat significatif, mais
d’une nature différente des générations précédentes. Leurs revenus ont augmenté
depuis 15 ans surtout du fait de leurs parents, car ils ont moins de job étudiants que
leurs ainés. Cette tendance étant supportée par les parents qui privilégient le temps
d’étude aux petits boulots.lxx ».
Pour conclure sur cette question de la réalité relative de cette génération Y, comment
résister à citer une des conclusion d’une « recherche » consacrée à l’arrivée de cette
génération à l’Universitélxxi: « Le point le plus essentiel pour comprendre les
caractéristiques de la génération du millénaire se perd parfois dans la discussion des
environnements plus complexes de la dynamique culturelle et sociétale ». Et quoi de
mieux après plusieurs centaines de pages de recherches que d’arriver à dire: « Ce point
est simplement ceci: nos étudiants ne sont pas entièrement comme nouslxxii ». Banalité
consternante que chaque enseignant, depuis Socrate, a constaté chaque jour de cours.
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9. Génération Y : un nouveau public ? Mythe ou réalité ?
Si la génération Y a suscité et suscite encore une littérature importante, elle semble
donc ne pas poser, par elle-même, plus de problèmes aux enseignants et aux entreprises
que les générations précédentes. Par contre l’environnement technologique a
fondamentalement changé pour tout le monde, pour l’Université et pour l’entreprise, et
certains montrent comme pour tant d’autres innovations, une résistance au changement
assez classique en entreprise. On ne peut que suivre Gérard Berry (2008) lxxiii qui déclare:
« si les gens se déclarent surpris par les progrès du numérique et les transformations
associées, c’est avant tout parce qu’ils abordent la question avec “un schéma mental
inadapté » signe d’un défaut de bon sens informatique »
Il est donc normal de paraphraser J.F. Kennedy en déclarant: « je suis un membre de
la génération Y » quelque soit l’âge de celui qui prononce cette phrase.
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