Depuis 1994 Inria conduit régulièrement un exercice de prospective et de stratégie qui se traduit par la rédaction d’un plan stratégique pluriannuel pour l’institut. La réflexion pour ce nouveau plan stratégique, couvrant la période 2013 – 2017, a été marquée par une rupture encore plus fondamentale
que les précédentes, car ce sont aujourd’hui la société
dans son ensemble, et tous nos concitoyens, qui doivent faire face
à une véritable révolution numérique. Les sciences informatiques
et mathématiques, au coeur de nos activités, jouent un rôle central
dans cette révolution qui impacte ainsi particulièrement notre institut.
Le présent plan stratégique vise à positionner nos recherches et les
innovations qui en sont issues, afin qu’elles contribuent à cette révolution,
mais aussi qu’elles aident nos concitoyens à la comprendre et
à y participer pleinement.
3. introduction
•
Objectif
Inria 2020
Michel Cosnard
Président directeur général d’Inria
Depuis 1994 Inria conduit régulièrement un exercice de prospective et de stratégie
qui se traduit par la rédaction d’un plan stratégique pluriannuel pour
l’institut. La réflexion pour ce nouveau plan stratégique, couvrant la
période 2013 – 2017 a été marquée par une rupture encore plus fon-
,
damentale que les précédentes, car ce sont aujourd’hui la société 1
dans son ensemble, et tous nos concitoyens, qui doivent faire face
à une véritable révolution numérique. Les sciences informatiques
et mathématiques, au cœur de nos activités, jouent un rôle central
dans cette révolution qui impacte ainsi particulièrement notre institut.
Le présent plan stratégique vise à positionner nos recherches et les
innovations qui en sont issues, afin qu’elles contribuent à cette révo-
lution, mais aussi qu’elles aident nos concitoyens à la comprendre et
à y participer pleinement.
Pour nous accompagner et nous aider à réfléchir à notre futur, nous avons fait
appel aux compétences et à la vision de personnalités aux profils
très différents : nos personnels bien sûr mais aussi des prospecti-
vistes, des industriels, des entrepreneurs, des chercheurs de toutes
disciplines, des penseurs et des philosophes. Ces témoignages, ces
opinions parfois radicales, ont été des éléments essentiels de notre
réflexion. Parmi ces grands penseurs, nous avons à plusieurs reprises
pu échanger avec Michel Serres. Sa vision de l’évolution des sciences
humaines et sociales suscitée par la lecture de notre plan stratégi-
que et que nous reproduisons ci-dessous illustre parfaitement les
questions difficiles, portant parfois leurs propres contradictions, que
collectivement nous ne pouvons et nous ne devons pas ignorer. Son
propos personnel, visionnaire et incisif illustre les profondes réflexions
et évolutions qui sont en cours et que nos sciences ont pour devoir
de contribuer à éclairer.
Dans un contexte scientifique extrêmement concurrentiel et pour contribuer au
meilleur niveau mondial, nous devons faire des choix, résultats d’une
élaboration concertée au cœur de l’institut, et savoir les expliquer à
nos partenaires nationaux et internationaux. Ce plan stratégique nous
permet d’expliciter nos choix et de nous organiser pour contribuer à
résoudre les défis, nombreux et difficiles qui se posent à nos sciences
et à la société numérique. La dynamique de cette révolution est telle
que, tout en avançant dans la résolution des défis que nous nous
sommes donnés, nous aurons bien entendu à adapter régulièrement
ce plan à des évolutions et sollicitations particulièrement rapides.
Ces défis nécessiteront de rassembler toutes les compétences et les collabo-
rations nécessaires à leur résolution tant en interne qu’en externe,
nationalement et internationalement. Comme nous le faisons depuis
longtemps avec les chercheurs des sciences de la matière et ceux
des sciences de la vie et de la santé, nous souhaitons travailler en
partenariat avec les chercheurs et experts des sciences humaines et
sociales. Nous avons besoin de collaborer avec eux pour mieux com-
prendre les évolutions de la société, pour les analyser conjointement
et y contribuer, et relever ainsi les défis exaltants qui se posent aux
sciences du numérique.
4. La vision d’un grand
témoin de notre temps
• O b j e c t i f I n r i a 2 0 2 0 • P l a n st r at é g i qu e 2 013 – 2 017
•
vers de
nouvelles Michel Serres
Philosophe, historien des sciences
sciences
humaines ?
2 Le langage sculpta l’homme. Avec l’écriture, commença l’histoire. L ’imprimerie
relança tout cela, au point que nous nommons Renaissance le temps
de son avènement. Ces trois transformations majeures du couple sup-
port-message – corps-parole, papier-texte, livres imprimés – induisirent
des changements globaux plus décisifs dans l’humanité, les collectifs,
le droit, la politique, les villes, les sciences et les religions… que ceux,
souvent cités mais mille fois moins efficaces, causés par des choses
dures, pierre taillée ou polie, âge du bronze, révolution industrielle.
L’informatique opère aujourd’hui une quatrième coupure qui ouvre, une
fois encore, un monde nouveau, celui dont le programme d’Inria fait le
bilan et prépare les renouvellements, parfois difficiles à prévoir.
Scientifique, ce nouveau monde mobilise plusieurs disciplines, puisqu’il déploie
l’éventail qui sépare et unit les méthodes numériques aux sciences de
la vie et de la Terre, en passant par la physique et la chimie. Technique,
il se peuple de réseaux et de machines. Il transforme enfin de fond
en comble nos conduites et préoccupations sociales, économiques,
politiques, environnementales, pédagogiques, médicales, personnel-
les, éthiques… Nous vivons le moment de bascule entre un ancien
monde et le nouveau.
L’informatique crée le monde dans lequel nous travaillons, vivons et pensons.
Qu’elle s’occupe des conséquences et du suivi de ses propres inven-
tions, quoi de plus normal ? Qu’elle prolonge ses exploits scientifiques
et techniques, voilà le programme et ses projets. Qu’elle s’occupe, de
plus, des conduites humaines induites par ces technologies, voilà des
obligations inattendues, mais rendues nécessaires par le fait même
que toute recherche, tout projet, tout développement concernant le
numérique touchent aujourd’hui, je l’ai dit, l’ensemble de la société,
l’enseignement, la santé, la politique, bref nos relations et nos ins-
titutions. Or ces conduites humaines se trouvent, jusqu’à présent
et, compte tenu des inerties collectives, sans doute encore pour
longtemps, formatées dans et par le monde issu des précédentes
révolutions, celles du langage oral, de l’écriture et de l’imprimerie… –
même l’ordinateur s’ouvre comme un livre, dont l’écran reste encore
une page qui se lit souvent ligne à ligne ! Donc le moment de bascule
se double d’un changement auquel la société n’est pas toujours prête
et résiste parfois. Ce changement de phase provoque des crises.
D’où la seconde question concernant l’interdisciplinarité. Autant la première,
fédérant les sciences dures, peut ne trouver d’obstacle que la bonne
ou mauvaise volonté de ses participants, autant celle qui cherche à lier
les sciences dures aux « douces » ne va pas de soi. Voici pourquoi.
Je le répète, les révolutions précédentes, celles de l’écriture et de l’imprimerie,
ont si longuement et profondément sculpté, modelé, formaté… nos
politiques, notre droit, nos mœurs, idées, relations, bref nos vies
personnelles et sociales que nous ne nous rendons plus compte de
5. l’action profonde qu’exercent sur nous les anciens modèles issus de
la parole, de l’écrit, de l’imprimé… si profonde même que certains
d’entre nous pensent que l’état précédent celui d’aujourd’hui consti-
tue notre « nature ». Évoqué à plusieurs reprises dans le rapport, le
couplage pluridisciplinaire des sciences numériques avec les savoirs
sociaux et humains se heurte donc à autre chose qu’à de la bonne
volonté. Ces derniers, en effet, décrivent les collectifs et les individus
qui forment actuellement nos sociétés occidentales, ou ceux des
collectifs historiques, voire préhistoriques. Or, je le répète encore,
tous et toutes furent, depuis des siècles et même des millénaires,
longuement modelées, puissamment formatées ou par l’état unique-
ment oral ou par les révolutions successives de l’écriture et de l’im-
primerie ; les réseaux divers de relations humaines, les institutions de
pouvoir, de santé, d’enseignement et de recherche, les organisations
collectives, mieux encore, le fond cognitif qu’expriment la littérature,
les arts et les philosophies dépendent étroitement de ces pratiques
séculaires et même millénaires. Du coup, aussi précises, aussi rigou-
reuses qu’elles soient, les descriptions qu’en dessinent les sciences
humaines et sociales en dépendent, ainsi que les méthodes qu’elles
utilisent. Heurtées de plein fouet par la nouvelle donne, elles peuvent,
outillées par l’état qui la précède, la recevoir et la comprendre mal.
Comment ces savoirs-là, conditionnés par ces formats, aideront-ils à 3
comprendre le monde nouveau et à en prévoir les développements,
issus des techniques numériques ? Reflétant donc le changement de
phase dont je parlais tantôt, l’interface entre les disciplines dures et
humaines entre en crise aussitôt.
Autrement dit, l’informatique produit des réseaux de relations inédites et des
institutions à l’état naissant, des individus originaux et des collectifs
insolites. Comme la plupart des recherches scientifiques et techniques
d’aujourd’hui, elle pose, de surcroît, des questions d’éthique, concer-
nant la vie privée des individus et publique des collectifs. Seul, un
renouvellement parallèle des sciences humaines les rendrait capables
de comprendre et de décrire ces nouveautés-là, mêlant avantages
incontestables et risques imprévus. Non seulement pour l’avenir des
recherches propres à Inria, mais aussi pour le futur de nos sociétés,
peut-être vaudrait-il mieux que les artisans de l’informatique forment
leurs propres chercheurs aux sciences sociales et aux questions
éthiques, quitte à les remodeler, plutôt que d’aller chercher dans
ces disciplines telles qu’elles existent aujourd’hui, des chercheurs
autrement formatés.
Quitte à les remodeler ? Exemple : que la masse énorme des données mondiales
concernant la démographie, les transports, l’économie, agriculture,
industrie, finance et commerce, l’enseignement et la recherche, l’état
de santé des populations, celui de la planète… devienne accessible
au plus grand nombre, alors qu’hier même le plus puissant des tyrans
ou le plus savant des législateurs n’en disposaient pas, voilà un fait
propre à faire bifurquer, peut-être plus vite qu’on ne s’y attend, les
institutions politiques et les sciences qui en parlent, l’expertise se
déplaçant brutalement du sommet de quelque pouvoir ou des analyses
de rares spécialistes, aux anciens sujets dans leur quasi totalité. Cela
renverse la forme même, séquentielle, de la société. Tout se passe
alors comme dans un jeu où l’informatique, prenant l’initiative et jouant
les premiers coups, en remodèlerait les règles et la forme même de
l’échiquier. Allégée soudain par ces innovations mobilisatrices, l’inertie
socio-politique, massive, peut fondre ou se liquéfier.
J’ajoute un doute à ce pari, trop dynamique et peut-être forcé : cette inertie
collective, le frein issu des soupçons, le refus de nouveauté, bref les
conservatismes ne jouent pas toujours négativement, car ils peuvent
servir aux décideurs et même aux inventeurs de halte réflexive et de
ralentissement sapiential.
Je persiste cependant : l’avenir politique de nos collectivités est une chose trop
sérieuse pour être laissée aux mains et aux réflexions des hommes
et des sciences politiques ; et leur destin humain et social est une
chose trop sérieuse pour que nous la laissions dépendre des sciences
sociales ou humaines actuelles.
6. 1 Introduction
Objectif Inria 2020
• O b j e c t i f I n r i a 2 0 2 0 • P l a n st r at é g i qu e 2 013 – 2 017
2 vision d’un grand témoin de notre temps
La
Vers de nouvelles sciences humaines ?
6 Mission et identité
PROSPECTIVE
SCIENTIFIQUE
11 Des défis des sciences du numérique
• Les systèmes
• Les données
4 • Les interactions et les usages
• Les modèles
18 Les défis posés au numérique par les autres domaines
scientifiques ou sociétaux
• La santé et le bien- tre
ê
•L ’énergie et les ressources naturelles
•L ’environnement et le développement durable
• La société et l’éducation
OBJECTIFS
STRATÉGIQUES
D’INRIA
27 Stratégie scientifique
• Le positionnement de la stratégie scientifique
• Les principes d’implication scientifique
• Des sciences utiles à l’humain, à la société et la connaissance
—L ’humain en tant que tel : santé et bien- tre
ê
— ’humain et ses environnements : de l’individu à la société,
L
de l’habitat à la planète
—L ’humain et la connaissance : émergence, médiation et éducation
• Les recherches prioritaires au cœur de nos sciences
— Calculer le futur : modèles, logiciels et systèmes numériques
Le défi de la modélisation multi- chelle intégrant les incertitudes
é
e défi des très grands systèmes numériques, embarqués
L
ou enfouis et des systèmes de systèmes
e défi de la programmation des très grands logiciels prenant
L
en compte les impératifs de fiabilité, de sûreté et de sécurité
— Maîtriser la complexité : données, réseaux et flux
e défi de la transformation du déluge de données
L
en bibliothèques de connaissances dignes de confiance
Le défi d’une cyber- ommunication généralisée,
c
sûre et respectueuse de la vie privée
— Interagir avec les mondes réels et numériques :
interactions, usages et apprentissage
Le défi de l’apprentissage non supervisé
e défi d’une interaction transparente entre l’homme
L
et son environnement numérique
7. 37 Stratégie de transfert
• Inria dans un système français en pleine mutation
• Partenariats industriels
• Transfert technologique
40 Stratégie de développement technologique et d’expérimentation
41 Stratégie européenne et internationale
•L’Europe : une priorité stratégique d’Inria
•L’international : conforter l’impact de nos collaborations
TA B L E D E S M AT I È R E S
43 Stratégie de déploiement territorial
MISE EN ŒUVRE
DE LA STRATÉGIE 5
50 mpliquer les équipes- rojets dans de nouveaux défis
I p
avec les Inria Labs
52 aire d’Inria et de ses centres de recherche une référence
F
en sciences du numérique
53 aire d’Inria un catalyseur du développement
F
de l’économie numérique
• Augmenter la performance de l’institut pour les partenariats
industriels et le transfert
• Accompagner la croissance des PME / ETI de l’édition
logicielle
• Augmenter les interactions avec les leaders mondiaux
• Assumer le rôle de leader français du transfert
technologique dans le domaine logiciel
56 Faire savoir
57 Consolider les leaderships européen et mondial
58 Développer le capital humain : compétences et potentiels
• Rester attractif
• Développer et capitaliser les compétences
• Cultiver le sens du collectif
61 évelopper la qualité et l’efficience des services
D
de soutien à la recherche et de support
• Améliorer le pilotage et mettre en place des méthodes
et des processus adaptés
• Structurer l’offre de service et améliorer sa qualité
• Bâtir un système d’information plus complet et plus agile
• Faire évoluer l’information scientifique et technique
et l’organisation des manifestations scientifiques
63 Dynamiser veille, prospective et stratégie
8. Mission
statutaire
• O b j e c t i f I n r i a 2 0 2 0 • P l a n st r at é g i qu e 2 013 – 2 017
d’Inria
• Créé en 1967 dans
le cadre du plan calcul,
l’IRIA est devenu institut
national en 1979 et a pris
le statut d’EPST en 1985,
comme Institut national
de recherche en informa-
tique et en automatique
(Inria), sous double tutelle
des ministères en charge
de la recherche et de
l’industrie.
Ses missions sont :
1 • d’entreprendre des
recherches fondamentales
et appliquées ;
2 • de réaliser des
systèmes expérimentaux ;
6 3 • d’organiser des
échanges scientifiques
MISSION internationaux ;
4 • d’assurer le
ET IDENTITÉ
transfert et la diffusion
des connaissances
et du savoir-faire ;
5 • de contribuer à la
valorisation des résultats
des recherches ;
6 • de contribuer, notam-
ment par la formation,
Dans le cadre de son décret fondateur d’EPST national sous double tutelle des à des programmes
ministères en charge de la recherche et de l’industrie, Inria a pour de coopération pour
missions de produire une recherche d’excellence dans les champs le développement ;
7 • d’effectuer des
informatiques et mathématiques des sciences du numérique (voir expertises scientifiques ;
l’encadré « Sciences du numérique et sciences numériques »), et 8 • de contribuer
de garantir l’impact, notamment économique et sociétal, de cette à la normalisation.
recherche. Inria couvre l’ensemble du spectre des recherches au cœur
de ces domaines d’activités, et intervient sur les questions, en lien
avec le numérique, posées par les autres sciences et par les acteurs
économiques et sociétaux.
La société vit une « transformation numérique » dont les conséquences sur l’en-
semble des activités humaines sont encore extrêmement loin d’être
comprises et maîtrisées et qui met en jeu de nombreux acteurs au-delà
du monde de la recherche. Le rôle fondamental de la recherche en
numérique et d’Inria est de construire des connaissances et d’inven-
ter des solutions et des technologies pour la société numérique. La
valeur ajoutée d’Inria est dès lors sa capacité à amplifier et accélérer
les impacts scientifique, technologique, économique et sociétal de la
recherche académique française dans le domaine du numérique, en
tirant parti de l’assemblage unique de compétences mises en œuvre,
de ses savoir-faire et de sa notoriété internationale, au bénéfice du
développement économique et social de la France et de l’Europe.
9. Équipes-projets,
Inria Labs et
centres de recherche
Inria
• Pour conduire ses recherches, • Les équipes-projets, souvent
Inria s’appuie sur des équipes-projets communes avec d’autres acteurs
combinant des compétences au cœur de la recherche, sont déployées
des sciences informatiques et mathé- au sein de huit centres de recherche.
matiques. Pour permettre la réalisation Inria est donc un institut national avec
d’objectifs particulièrement ambitieux, une très forte implication territoriale,
éventuellement pluridisciplinaires, qui lui permet de mettre en œuvre
la structuration en équipes-projets est des priorités nationales et européennes
complétée par la mise en place d’Inria en s’appuyant sur les spécificités
Labs donnant la possibilité à plusieurs et les dynamiques locales.
équipes-projets et à des partenaires
extérieurs à Inria de collaborer dans
le cadre d’une organisation et d’une
direction affirmées, s’articulant avec
celles des équipes-projets sous-jacentes.
7
Sciences
du numérique
et sciences
numériques
• Dans son accord-cadre
fondateur, le périmètre
de l’Alliance des sciences
et technologies du numé-
La stratégie d’Inria est fondée sur : rique (Allistene) est défini
• une politique scientifique définie au niveau national, basée sur une comme l’ensemble des
programmation stratégique et sur la mise en place de dispositifs opé- STIC (Sciences et Tech-
nologies de l’Information
rationnels de soutien à la recherche ; et de la Communication),
• une politique de transfert au bénéfice de l’ensemble du système de sur leurs volets logiciels
recherche et d’innovation français ; et matériels. C’est cette
définition qui sera prise
• une politique d’attractivité, d’originalité et de culture de talents, fon- par la suite pour Sciences
dée aussi sur l’accueil de personnels en mobilité ; du numérique, au sein
• un ancrage régional au cœur des pôles universitaires et des écosys- desquelles Inria concentre
tèmes économiques et sociaux innovants ; son action dans le domai-
ne des sciences informa-
• un déploiement européen et international à même de donner un tiques et mathématiques :
effet de levier aux acteurs français ; informatique, automati-
• une implication dans les dispositifs d’enseignement, de médiation que, robotique, traitement
du signal, réseaux et com-
scientifique et de formation.
munication numérique,
Acteur européen et international, Inria est opérateur national de recherches en modélisation, simulation
sciences du numérique et est un interlocuteur privilégié de l’État pour et calcul intensif. Par
les questions du numérique. Il est membre fondateur d’Allistene, l’Al- ailleurs, chaque discipline
scientifique a développé
liance des sciences et technologies du numérique. L ’institut déploie au cours des dernières an-
sa politique nationale via ses centres de recherche, en se positionnant nées un volet numérique.
comme acteur et partenaire des politiques régionales menées par les Les Sciences numériques
(Computational sciences)
entités académiques, économiques et sociétales.
désignent cette approche
Au-delà des structures, ce qui fait l’identité et la force d’Inria c’est sa capacité scientifique basée sur
à développer une culture de l’innovation scientifique, à stimuler la un recours massif aux
créativité de la recherche en numérique en se donnant les moyens de modélisations informati-
ques et mathématiques et
comprendre l’environnement dans lequel nous évoluons, d’anticiper à la simulation : ingénierie
les tendances lourdes qui affectent ses domaines par une veille et une numérique, médecine
ouverture au monde extérieur fortes, de soutenir les recherches dans numérique, biologie nu-
lesquelles il croit, en sachant en assumer les risques scientifiques. mérique, archéologie
numérique, mécanique
numérique en sont
des exemples.
12. • O b j e c t i f I n r i a 2 0 2 0 • P l a n st r at é g i qu e 2 013 – 2 017
10 Le monde est devenu numérique !
Toutes les activités humaines, économiques, scientifiques ou
industrielles présentent aujourd’hui des enjeux liés, de
manière plus ou moins importante, aux progrès scienti-
fiques et technologiques des champs informatiques et
mathématiques des sciences du numérique.
Bien entendu, et c’est aussi ce qui fait leur richesse et leur inté-
rêt, les sciences du numérique interagissent fortement
avec les autres disciplines. Il est courant que les avancées
d’un autre domaine scientifique irriguent les sciences du
numérique, ou qu’une question applicative débouche sur
un problème fondamental inédit à résoudre.
Des défis majeurs auxquels les champs informatiques et mathé-
matiques des sciences du numérique vont devoir faire
face sont présentés ci-après à travers quatre concepts
essentiels : les systèmes, les données, les usages et les
modèles. Les avancées résultant des travaux sur ces
défis influenceront en retour de nombreux domaines
applicatifs.
Quelques enjeux jugés essentiels sont ensuite examinés syn-
thétiquement. Ils sont issus de problématiques soulevées
par la société ou par d’autres disciplines scientifiques. Les
sciences du numérique contribuent à les appréhender, le
plus souvent dans des approches pluridisciplinaires.
13. des défis
1
des sciences
du numérique
PROSPECTIVE SCIENTIFIQUE
Les systèmes
Les systèmes numériques sont aujourd’hui composés de matériels, de réseaux
et de logiciels dont les tailles se chiffrent en milliards de transistors,
en millions de lignes de code et en millions de connexions, dépassant
maintenant la complexité de tous les autres systèmes conçus par
l’homme. En évolution constante, ces systèmes vont encore connaître
des ruptures majeures dans les années à venir : d’une part avec l’ap-
parition de calculateurs « partout » autour de nous, souvent de façon
imperceptible, quasiment toujours connectés via un réseau ; d’autre 11
part avec la construction de machines dotées d’un très grand nombre
de processeurs. Ces ruptures généreront des défis scientifiques et
technologiques de très grande ampleur.
Nous continuerons à être environnés d’un nombre croissant de calculateurs dans
les situations de notre vie courante (domicile, voiture, ville…). À brève
échéance, des dizaines de milliards d’objets très divers communique-
ront. La gestion (au sens large, c.à.d. gestion des accès aux données,
de la sécurité, des performances...) de milliards de communications
simultanées pose des problèmes considérables allant bien au-delà
de ce que les mécanismes de gestion actuels peuvent prendre en
compte. Un défi, parmi d’autres, est la capacité à programmer ces
réseaux. Ceci est lié à leur virtualisation permettant, sur une même
infrastructure physique, de déployer des réseaux virtuels gérés de
façon étanche et paramétrable. L ’évolution de l’Internet devra par
ailleurs permettre de prendre en compte de manière plus fondamen-
tale l’information (Information Centric Networking) et va entraîner
l’évolution (voire la refonte) de son architecture qui pourra passer du
paradigme de recherche d’une machine à celui de la recherche d’une
information dans le contexte du web sémantique prenant en compte
la signification même des informations stockées ou transportées.
Dans ce contexte, les réseaux de capteurs enfouis au sein des objets, voire des
personnes, vont se déployer encore plus massivement. Le change-
ment le plus significatif réside dans le caractère incertain de leur orga-
nisation. Initialement parfaitement structurés
dans des réseaux, les capteurs ont vocation
à être disséminés de façon non supervisée.
Il devient alors nécessaire de développer des
des dizaines
systèmes s’adaptant dynamiquement à ces
organisations non planifiées et qui devront, au
de milliards d’objets
fil du temps, faire face aux extensions mais communiqueront
aussi aux défauts de fonctionnement tels que
des arrêts ou des défaillances.
Par ailleurs, les matériels vont continuer à évoluer en intégrant un nombre crois-
sant de processeurs à la fois génériques et spécialisés, et conduire à
des machines exaflopiques1, probablement vers 2018. Il faut accom- 1.
C’est-à-dire
pagner ainsi trois ruptures consécutives, le passage aux multi-cœurs, capable
la diversification des accélérateurs spécialisés et, du fait de la densité d’effectuer
1018 opéra-
d’intégration et des limites induites par les contraintes énergétiques, tions par
seconde (1015
la capacité à s’adapter aux erreurs des processeurs. opérations
Le développement de matériels offrant un potentiel de traitement de plus en pour un
pétaflop).
plus important ne conduit plus automatiquement à une augmentation
des performances. Il est désormais impératif de s’interroger sur leur
exploitation et donc sur leur programmation. Ces évolutions techno-
14. logiques entraînent la création de nouveaux paradigmes permettant
de s’adapter à toute la gamme des matériels disponibles : systèmes
embarqués, architectures multi-cœurs, machines massivement paral-
lèles, ou distribuées.
• O b j e c t i f I n r i a 2 0 2 0 • P l a n st r at é g i qu e 2 013 – 2 017
La prise en compte du caractère dynamique des nouveaux matériels est une
des questions-clés. Que ce soit au sein d’une machine parallèle, d’un
nuage (Cloud) ou d’un réseau de capteurs, l’augmentation du nombre
d’unités de traitement ou d’acquisition augmente la probabilité qu’un
ensemble de composants devienne indisponible en cours d’exécu-
tion. Il est donc devenu indispensable d’intégrer la gestion de cette
incertitude dans le logiciel. Cela amène à la conception de langages
adaptés et au développement de techniques de compilation prenant
en compte, outre les incertitudes de disponibilité des composants,
leur distribution et leur réactivité potentielle.
L’empreinte écologique est un des défis majeurs communs à tous ces matériels
(GreenIT) ; il est par exemple fondamental de déterminer un compro-
mis entre performance et dépense énergétique tout en maîtrisant
la dissipation calorifique, en diversifiant les énergies utilisées et
récupérées.
L’omniprésence de ces systèmes numériques dans la plupart des activités humai-
nes, professionnelles ou personnelles, pose avec acuité les questions
12 centrales de la sûreté et de la sécurité de ces systèmes. Il importe de
poursuivre les efforts déjà entrepris pour vérifier, dès la conception,
le bon fonctionnement d’un système numérique. Les méthodes de
preuve ou de vérification de programmes devront évoluer vers des
certifications garantissant que le logiciel fournit les services attendus
et définis par les utilisateurs, prenant en compte le cas échéant la
dimension « temps-réel » des systèmes, en particulier embarqués.
Mais, quels que soient les progrès réalisés, il n’est pas raisonnable
de prédire la disparition d’erreurs, notamment humaines. Ainsi, il
est impératif de continuer à travailler sur l’amélioration de la fiabilité
des systèmes numériques, de façon à garantir une résilience accrue
aux pannes. La notion « d’adaptation », tant
du logiciel que du matériel, à ces défauts
s’affirme clairement comme une direction de
recherche importante.
numérisques :
La sécurité doit impérativement être prise en compte
dès la conception des systèmes pour antici-
objets
per les malveillances, de plus en plus nom- d’une attention
breuses, sophistiquées et souvent conduites
automatiquement. Les « numérisques » (les spécifique
risques liés au numérique) doivent faire l’ob-
jet d’une attention spécifique tant dans leur
analyse scientifique que dans le cadre d’initiatives de transfert et
d’innovation.
Les systèmes numériques sont souvent constitués de briques hétérogènes
assemblées de manière dynamique, et forment donc en fait des
systèmes de systèmes. Comme il n’existe généralement pas de
conception globale, la maîtrise des interrelations entre toutes ces
structures demeure un problème difficile. Les conséquences d’erreurs
en cascade ne sont pas réellement appréhendées et la réaction, en
cas de crise, difficilement adaptée.
Il convient donc de travailler sur la modélisation et la simulation de ces systèmes
complexes afin de mieux les concevoir et de mieux les comprendre.
Il faut aussi développer des méthodes de prévision et de gestion des
risques afin de faire face aux inévitables erreurs résiduelles.
15. Les données
Dans les systèmes constitués par les matériels, les réseaux et les systèmes que
nous avons évoqués au paragraphe précédent circulent de très gran-
des masses de données (Big data) de provenances diverses : don-
nées résultant de calculs, issues de capteurs ou bien produites par
des saisies humaines. Le stockage, l’échange, l’organisation, l’exploi-
tation et la manipulation de ces données soulèvent des défis majeurs.
Selon leur origine, les données ont des structures, types et formats
très variés : il peut s’agir de textes, d’images, de parole, de musique,
PROSPECTIVE SCIENTIFIQUE
de contenus audio, de vidéos, mais aussi de données avec une struc-
ture particulière (tableau, liste, etc.). Trouver le bon compromis entre
généricité et efficacité pour gérer de grandes masses de données
variées reste un verrou essentiel. Repérer les données dans les espa-
ces de stockage ou les flux de transfert requiert souvent d’établir un
compromis entre vitesse de traitement et pertinence des données.
Des réflexions sur des critères de mesure de la qualité des données,
dont certaines peuvent être incertaines voire erronées, sont indis-
pensables. L ’analyse de ces données constitue également un enjeu
fondamental.
Il convient de distinguer les données brutes existant dans le monde numérique
des informations que nous en extrayons et des connaissances que 13
nous pouvons construire à partir d’elles. La création d’une chaîne de
traitement Données – Informations – Connaissances est ainsi au cœur
de cette problématique et l’utilisation croissante de méta-données, si
possible en lien avec des ontologies adaptées
à leur sémantique, est un des facteurs de
succès. Par ailleurs, les approches basées sur
les représentations visuelles, sonores, olfac-
gérer de grandes
tives ou tactiles sont des sources majeures
d’amélioration pour mieux comprendre ces
masses de
informations. données variées
Parmi toutes ces données figurent des informations confi-
dentielles (pour un individu, une entreprise,
une organisation, etc.). La croissance conjuguée des volumes d’infor-
mation et de l’intérêt porté par des industries ou des gouvernements
à leur exploitation appelle une vigilance accrue et la mise en place de
principes et d’outils garantissant respect de la vie privée, droit à l’oubli
ou encore protection de la confidentialité. Pour établir cette confiance
indispensable, il importe de combiner différentes approches complé-
mentaires, allant du chiffrement des données élémentaires jusqu’à
la mise en œuvre d’un véritable droit d’inventaire et d’oubli sur nos
informations personnelles, en passant par la conception et l’adoption
de protocoles sûrs.
Géopolitique
des
données
• Les services du web 2.0 ne cessent de • Tous ces services sont d’accès libre. • Les données sociales sont aujourd’hui
se développer. Les moteurs de recherche Leur modèle économique repose sur une ressource pour la société numérique
et les encyclopédies participatives ont la valeur marchande des données four- que l’on peut comparer aux matières
complètement modifié notre accès au nies par les utilisateurs, bien souvent premières pour l’industrie traditionnelle.
savoir. Les réseaux sociaux et les blogs à leur insu. Des inquiétudes se font jour Capturer les données sociales est donc
révolutionnent nos interactions avec sur le respect des personnes, de leur vie un enjeu stratégique pour la société,
le monde et de nouveaux systèmes ne privée. Aujourd’hui, ces données servent pour l’économie mais aussi pour la
cessent d’émerger, remettant en ques- essentiellement à profiler les utilisateurs sécurité. Les États-Unis dominent plus
tion par exemple la manière d’enseigner, pour cibler efficacement la publicité. des deux tiers des plus grandes sociétés
et à terme, notre système éducatif. Demain, la valeur ajoutée proviendra de la toile. L’Asie, et tout particulièrement
d’un spectre d’applications bien plus la Chine, est très active, alors que
étendu et subtil. l’Europe demeure en retrait. Réussir
dans la société de l’information s’avère
pourtant un des enjeux majeurs du
développement économique de notre
continent.
16. La majorité des données, en particulier personnelles, est aujourd’hui stockée
dans de grandes centrales numériques (Data centers), essentielle-
ment centralisées par quelques acteurs majeurs (centrales d’achat,
moteurs de recherche, réseaux sociaux, etc.). De manière alternative, Un déluge
de
• O b j e c t i f I n r i a 2 0 2 0 • P l a n st r at é g i qu e 2 013 – 2 017
des solutions parallèles ou distribuées se développent, tant pour
données
le stockage que pour le traitement de ces données. Ces solutions télévisuelles
appellent de nouveaux paradigmes et algorithmes, pour les moteurs
de recherche comme pour les réseaux sociaux, tout en posant de nou- • Le marché de la télévi-
velles questions d’hétérogénéité, d’interopérabilité mais également sion connaît de profonds
bouleversements : au côté
de législation et droit. des acteurs traditionnels
De façon complémentaire, les initiatives de type Open Data (et Linked Open (chaînes de télévision)
Data) donnant librement accès aux données, en particulier collecti- apparaissent maintenant
les géants numériques
ves, devraient à leur tour se généraliser et concerner de nombreuses
via Internet. Si Apple
facettes du monde numérique, notamment en ouvrant de nouvelles (avec iTunes store)
perspectives pour produire des informations à forte valeur ajoutée par est déjà le leader des
intégration de diverses sources de données ouvertes. marchés de la vidéo à
la demande et Amazon
(avec Netflix) celui de
Les interactions et les usages la télévision par abon-
nement, Google pourrait
Réservés à l’origine à des spécialistes informaticiens, les systèmes numériques révolutionner la télévision
gratuite avec You Tube.
se sont progressivement ouverts à des professionnels non informa-
14 ticiens, puis au grand public. Originellement consacrés à des calculs • Google TV propose
n’impliquant que la saisie de valeurs numériques via un clavier ou un un programme varié
composé d’émissions,
support magnétique, ces systèmes numériques se sont diversifiés et
de jeux, d’applications
offrent aujourd’hui une très vaste palette d’applications. Cette expan- à télécharger, d’un accès
sion s’est accompagnée de l’apparition de nouveaux périphériques de aux réseaux sociaux mais
saisie comme la souris ou le joystick, et plus récemment de surfaces aussi des flux You Tube.
En 2012, ce site met cha-
tactiles popularisées par l’iPhone d’Apple, ou encore d’accessoires is- que seconde une nouvelle
sus du monde du jeu, depuis l’Eye Toy de Sony jusqu’à la Kinect de heure de vidéo en ligne ;
Microsoft. en d’autres termes, une
année de production
La quasi-totalité de ces applications requiert une action motrice explicite de
de You Tube correspond
l’utilisateur, par exemple pour saisir un texte sur un clavier, interagir en durée à 36 siècles de
vocalement ou pour glisser son doigt sur un écran. Tout en conservant production d’une chaîne
et en améliorant la robustesse de ce type d’interaction, les années de télévision classique.
Autre constat : en 5 ans,
futures verront l’augmentation des usages pilotés par un comporte- You Tube a mis en ligne
ment implicite de l’utilisateur : qu’il s’agisse d’applications impliquant plus de vidéos que les
une reconnaissance automatique de personnes, ou bien des systèmes 3 principaux réseaux
nécessitant la capture du comportement de l’utilisateur tant externe de télévision américains
en 60 ans. En 2011, le site
(ses gestes physiques) qu’interne (ses états mentaux). a ainsi comptabilisé plus
Un autre axe de développement des usages repose sur l’interconnexion entre de 1000 milliards de
les systèmes numériques, qui permet une réutilisation de données vues, soit une moyenne
de 140 par habitant.
produites dans une application à l’intérieur d’un autre logiciel. Issue
du monde professionnel autour du concept d’interopérabilité, cette
• Ces chiffres illustrent
tendance s’est progressivement étendue au domaine du web et des le changement d’échelle
réseaux sociaux principalement dans des buts commerciaux. Ainsi de la création actuelle
de contenus numéri-
plus personne n’est surpris de se voir proposer des offres correspon- ques par rapport à la
dant à ses centres d’intérêt dans une application de géolocalisation sur production de contenus
son smartphone. Cette évolution va certainement encore s’amplifier « conventionnels ». Cette
explosion ne se résume
et nécessitera bien entendu des réflexions et des démarches pour
pas simplement à une
s’assurer que ces échanges d’information respectent les principes de augmentation mais induit
vie privée et de confidentialité. des problèmes de mise en
Un troisième axe de développement des usages dérive directement de l’appari- œuvre totalement inédits
(stockage, mise en ligne
tion des systèmes distribués et des terminaux mobiles. Aujourd’hui, pour des millions d’uti-
nous sommes tous habitués à lire nos courriels sur n’importe quelle lisateurs, recherche de
plateforme et donc dans n’importe quel environnement : domicile, l’information souhaitée…)
bureau, transports. De plus en plus de logiciels seront développés et d’une telle complexité
que seules des avancées
de façon à être utilisables sur des équipements différents. Du smart- scientifiques permettent
phone et de la tablette à l’ordinateur de bureau ou au nuage, il faudra de les résoudre.
rendre ces capacités multi plateformes toujours plus transparentes
à l’utilisateur.
Cette augmentation considérable du nombre d’utilisateurs a entraîné la multi-
plication d’usages différents, et nécessite la conception d’interfaces
Homme – Machine (IHM) beaucoup plus ouvertes. Il convient en
particulier de prendre en compte le degré de spécialisation, l’âge, la
langue, la culture numérique, les capacités physiques et mentales, en
17. particulier les handicaps, des utilisateurs. Plus globalement, il importe
maintenant d’envisager des utilisateurs aux « caractéristiques » incon-
nues rejoignant ainsi la notion d’incertitude déjà évoquée pour les
systèmes et les données.
L’acceptabilité par les utilisateurs, liée en particulier au plaisir d’utilisa-
tion, s’impose aujourd’hui comme un critère supplémentaire que doi-
vent prendre en compte les IHM, s’ajoutant aux concepts plus classi-
ques de précision, de facilités d’apprentissage et d’emploi. L ’étude de
cette acceptabilité passe aussi par des recherches pluridisciplinaires
avec des spécialistes de sciences humaines et sociales (ergonomes,
PROSPECTIVE SCIENTIFIQUE
psychologues, sociologues…).
D’un point de vue plus technique, les années futures verront la progression
des interfaces incluant des dispositifs de capture d’une activité
humaine externe, un geste ou une pos-
ture, et interne, un état physiologique et
en particulier une activité cérébrale, et la
création de nouvelles métaphores exploi-
interfaces
tant ces dispositifs. Il s’agira par exemple
de dépasser l’exploitation actuelle des sur-
homme-machine
faces tactiles cantonnée à des tâches 2D plus ouvertes
simples, telles que le défilement des listes
de contacts ou bien le redimensionnement 15
d’une photo, pour les transformer en interface avec des espaces 3D
comme ceux d’un jeu ou d’une application de conception assistée.
Symétriquement, de nouveaux équipements produisant un phénomène « réel »
tel qu’une force ou une sensation vont continuer à se développer dans
de nombreux domaines d’application. Un défi global sera de combiner
diverses modalités d’interaction (tactile, capture de mouvement, de
parole) et de restitution (image relief, son spatialisé, forces, vibrations)
avec la contrainte d’un coût maîtrisé. Les jeux vidéo et leur extension
sous forme de « jeux sérieux » (Serious games) continueront de jouer
un rôle moteur dans la mise au point de ces plateformes qui vont vrai-
semblablement faire évoluer la notion même de relations humaines,
comme ont déjà commencé à le faire les réseaux sociaux.
Dans ce contexte, les systèmes robotiques constituent un enjeu majeur de
recherches et de technologies. Depuis les robots industriels évolués,
l’automatisation des moyens de locomotion (voitures, trains, avions)
jusqu’aux compagnons humanoïdes pour le jeu ou pour l’assistance,
les développements en robotique mettent en jeu des recherches com-
binant les techniques évoluées de perception de commande et d’ap-
prentissage, la fiabilité, les modélisations du comportement humain
incluant par exemple la notion de curiosité. Les robots constituent des
plateformes d’intégration complexes des recherches et technologies
de tous les domaines du numérique. Ils sont également des champs
d’investigation particulièrement riches quant à la modélisation et la
gestion des comportements sociaux avec d’autres robots ou d’inte-
ractions avec des humains en situation individuelle ou collective.
18. 16
• I n r i a • R a ppo rt st r at é g i qu e 2 014 – 2 017
Robot humanoïde Acroban, plateforme expérimentale d’apprentissage des robots.
Équipe FLOWERS.
Maillage 3D adapté à l’écoulement d’air
à l’arrière d’un avion supersonique.
Équipe GAMMA 3.
19. Les modèles
La démarche des chercheurs pour progresser dans la compréhension et aller
vers une résolution numérique efficace des grands défis scientifiques Les
et sociétaux s’appuie sur le triangle vertueux « modélisation – simu- modèles
lation – expérimentation », avec une contrainte centrale de passage à • Le développement
l’échelle à tous les niveaux qui s’est considérablement renforcée avec de l’informatique a
profondément renou-
l’augmentation vertigineuse des moyens actuels de calcul et de la velé une activité qui,
quantité de données expérimentales disponibles. depuis le début du XVIIe
Les modèles sont des représentations mathématiques ou informatiques issues siècle, est à la base de
PROSPECTIVE SCIENTIFIQUE
la démarche scientifi-
de l’abstraction plus ou moins importante d’une situation concrète
que : la construction de
ou virtuelle donnée. Les modèles qui sont au cœur du numérique modèles. Un modèle est
peuvent être continus ou discrets, déterministes, probabilistes ou simplement la description
non déterministes. Leur simulation numérique s’appuie sur d’autres dans un langage donné
d’un phénomène naturel
types de modèles, objets de recherches les plus fondamentales en ou d’un objet construit
informatique : les modèles de calcul, depuis des modèles classiques par les hommes. Les
basés sur l’architecture de von Neumann jusqu’à des modèles de équations de Newton ou
calcul et de communication quantiques en passant par des modèles les équations de Maxwell
modélisent ainsi des phé-
biologiques, membranaires ou encore chimiques. Leur étude, leur nomènes mécaniques ou
extension et leur utilisation au sein de dispositifs physiques de traite- électromagnétiques dans
ment effectif de l’information sont au cœur de recherches multiples le langage des équations
différentielles. Pour qu’ils
et pluridisciplinaires. 17
puissent être confrontés
L’augmentation de la complexité physique des systèmes à observer et à com- à la réalité expérimentale,
prendre, l’explosion combinatoire des coûts de calcul associés à leurs il est important que ces
simulations en vraie grandeur et la gestion des données nécessaires modèles soient prédictifs,
c’est-à-dire qu’ils per
à ces simulations impliquent maintenant une démarche appropriée mettent une simulation
hiérarchique dès l’étape de modélisation. Le caractère naturellement des phénomènes décrits
multi physique et multi échelle des phénomènes étudiés renforce et donc la prédiction
du résultat d’observations
ce besoin. Ainsi, les modèles seront conçus pour capturer la bonne
ou d’expériences.
information à la bonne échelle en décomposant le système complexe
global étudié en une combinaison judicieuse de sous-systèmes plus
canoniques et/ou plus réduits pour lesquels on pourra utiliser une
modélisation appropriée et finement analysée. Cette approche de
type couplage de modèles permettra d’avoir une démarche hybride
permettant des combinaisons variées entre modélisations discrètes
et continues, déterministes et probabilistes ou stochastiques, et natu-
rellement multi échelles. Les aspects optimisation et contrôle de la
dynamique des phénomènes à observer, ainsi
que les besoins en analyse de sensibilité et
de résolution de problèmes inverses seront
naturellement intégrés à cette démarche.
capturer la bonne
On soulignera également l’indispensable et
délicate prise en compte, dès la modélisation,
information
de la dimension incertaine des très grandes à la bonne échelle
masses de données issues des dispositifs
expérimentaux.
Cette approche hiérarchique de la modélisation devra se traduire de manière cal-
culatoire en une conception et une mise en œuvre haute performance
elle aussi hiérarchique, voire multi résolution, des algorithmes et des
codes numériques de simulation à partir d’une approche couplant
judicieusement des bibliothèques de codes. Le traitement informa-
tique des grandes masses de données constitue dans ce cadre un
axe majeur de recherche. La structure physique elle aussi hiérarchique
des grandes plateformes de calcul, calculateurs péta/exaflopiques
avec différents niveaux de parallélisme ou grilles ou nuages dans
une approche plus distribuée, sera naturellement favorable à cette
approche hiérarchique globale.