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Auschwitz dans la salle de clas s e. Enseigner
l'histoire ou le devoir de mémoire ?
Par Sophie Ernst, philosophe de l'éducation, chargée d'études à
l'Institut national de recherche pédago gique (INR P)

Peut- on s'inquiéter des formes que prend le « devoir de mémoire »
autour du génocide des Juifs d'Europe ? Commémorer et
privilégier le point de vue victimaire est-il le meilleur moyen
d'éduquer et d'enseigner ? Telles sont les questions que pose
Sophie Ernst, philosophe de l'éducation.



Les dernières années ont vu se multiplier les initiatives consacrées à la transmission de la mémoire
du génocide. Peut-on, sans être accusé de révisionnisme, exprimer quelques inquiétudes face à cette
vague irrépressible du « devoir de mémoire » ? Il me semble que le mot d'ordre est trop consensuel
pour être lucide, trop répétitif pour être profond...

Si on proclame qu'il y a devoir de mémoire, devoir de transmission aux jeunes générations, la
demande peut s'adresser, de façon vague, à la responsabilité des parents, à la télévision, que sais-je
encore… Dès lors que la demande de transmission s'adresse spécifiquement à l'école et aux
enseignants, on ne peut oublier que l'école est un cadre bien spécifique, avec programmes, examens,
exercices, de multiples codes et contraintes de fonctionnement. Une structure qui fonctionne
précisément grâce à ses routines et à ses rites. Or, l'exhortation aux enseignants est paradoxale : elle
leur enjoint d'être à la hauteur du tragique, et, à la fois, de faire entrer le tragique dans le cadre
scolaire. De transmettre une connaissance brûlante, et de la traiter à froid. De faire éclater le cadre,
dans le cadre.
Comment passer d'une sensibilité à vif, d'une focalisation médiatique aujourd'hui importante, voire
excessive, demain oublieuse - à un régime institutionnel stable, régulier ? Nous sommes dans une
période charnière : quelles en sont les difficultés spécifiques ? Quelles actions seraient à envisager
pour que l'enseignement de l'histoire de la shoah n'oscille pas entre le silence et le vacarme, la
banalisation et le kitsch, l'occultation et la sacralisation ? Entre l'obligatoire et l'impossible ?

D'où le surgissement de la question proprement « pédagogique », qui porte sur le comment.
Comment enseigner ? Comment s'y prendre pour marquer le caractère exceptionnel et le scandale
moral de l'événement et l'intégrer dans un parcours scolaire très fortement balisé ?

C'est un enseignement difficile, et notre système scolaire ne sait pas bien soutenir, accompagner les
enseignants, lorsqu'il leur est dévolu des charges difficiles. Ce n'est pas faute d'instructions
officielles de grande qualité – elles sont remarquables de lucidité. Mais cela ne suffit pas pour un
enseignement de masse. Nous avons une tradition d'administration scolaire qui consiste à prescrire,
à transmettre un cahier des charges, de haut en bas : ce n'est pas cela, soutenir. Alors, la tentation est
grande pour les enseignants désemparés, quand s'élèvent des tensions, quand se produisent des
incidents, de transférer la faute sur les élèves « difficiles », entendez « communautaristes » ...
Oubliant que nous avons affaire, d'abord, à des adolescents qui réagissent à leur façon à une
découverte émotionnellement brutale, qui mobilise en eux des affects complexes et suscite des
défenses pas forcément adéquates, voire désastreuses. Mais qui d'entre nous saurait dire quelles sont
les défenses adéquates ? C'est très étonnant comme, dans une époque qui convoque les psychiatres
au moindre soupçon de traumatisme possible, pour cette transmission spécifique, on appelle à
secouer fortement les adolescents sans aucunement se demander ce qui se passe exactement dans
leur tête. Pour quiconque est un peu familiarisé avec les problématiques psychologiques, il était
prévisible qu'on allait au devant de réactions paradoxales de refus, rejet, dérision … tout ce qui peut
mettre le moi à distance et hors d'atteinte de représentations ou d'affects angoissants.


Un enseignement fasciné par les victimes
Les équilibres de la salle de classe sont fragiles. Du fait même de cette sur-motivation, qui fait de
cet enseignement quelque chose d'exceptionnel dont on attend une leçon éducative décisive,
l'histoire de la shoah donne lieu à des pratiques pédagogiques qui peuvent se trouver tout à coup
fonctionner à l'inverse des visées initiales. Non qu'il n'y ait pas des expériences tout à fait
remarquables. Mais il y a une part d'aléatoire que les enseignants les plus expérimentés maîtrisent
mal, dans un schéma général qui est de toute façon risqué.

Cette histoire se trouve investie d'une mission d'éducation civique et morale parfois étrangement
conçue sur un mode émotionnel, en rupture avec les pratiques accoutumées de l'enseignement
littéraire au sens large (histoire, philosophie, lettres…). L'enseignement se veut par principe
rationnel et critique, il a même souvent tendance à adopter une conception étroite de la rationalité,
sous la pression du bachottage généralisé, et à se crisper sur des objectifs étroitement techniques.
Sauf pour « Auschwitz », qui surgit tout à coup comme un ilôt de sacralité, entouré d'un cercle de
feu. Et là, l'enseignement bascule vers le « devoir de mémoire », émotionnel, traumatique,
moralisateur. Comme si tout le reste devait être traité froidement, mais que cet enseignement-ci
devait mobiliser une émotion ailleurs prohibée. Comme si le cours d'histoire ou de français, sur tous
les autres sujets, devait avant tout donner des outils techniques, expliquer, élucider des processus,
faire comprendre des configurations - mais qu'il devait, là, avant tout servir à édifier les jeunes
générations en leur désignant le mal radical.

Certes, la tendance à évacuer de l'enseignement de l'histoire tout ce qui fait appel aux sentiments, à
l'identification, aux émotions humaines et à la réflexion éthique est quelque chose qu'on peut
interroger (sait-on quoi que ce soit de la guerre de 14 si l'on ne s'intéresse pas à la souffrance des
soldats dans les tranchées ?). Une conception trop froide de l'histoire, qui évacuerait au nom de la
scientificité toute identification et toute émotion, toute référence aux valeurs, et pour finir tout ce
qu'il y a d'humain dans la reconstitution du passé, n'est certainement pas idéale. Reste qu'une
certaine retenue demeure régulatrice d'un enseignement laïque, et qu'un effort de distanciation reste
la condition d'un travail critique d'élucidation. Conviction bien ancrée dans les idéaux de
l'enseignant français. S'agissant de la Saint-Barthélémy ou de la traite des Noirs, ou, moins
classique, la chasse aux sorcières de Lorraine, on doit essayer de faire passer à la fois
reconnaissance du crime et analyse des causes, processus, configurations… On ne dispose pas de
témoin à faire venir dans la classe pour « passer le relais », il y a eu assurément scandale moral,
cela ne nous empêche évidemment pas de faire de l'histoire. Or tout se passe comme si, s'agissant
d'Auschwitz, il y avait un passage à l'opposé, avec un fort contraste entre une histoire
habituellement ordonnée à un idéal d'objectivité, et un enseignement avant tout conçu comme un
devoir de mémoire, hommage aux victimes, identification à leur souffrance, sidération devant le
non-sens.

Victimisme, moralisme, anachronismes
Apitoiement et moralisme facile sont favorisés par un manichéisme qui use exclusivement des
catégories « bourreaux » et « victimes », évacuant notamment l'immense zone grise de la
bureaucratie, ainsi que des corps intermédiaires au rôle ambivalent ; c'est qu'ils ont été, à des degrés
très variables, à la fois menacés par la terreur et courroies de transmission plus ou moins actives de
la terreur. On a tendance à mettre face à face l'officier nazi en uniforme, et la victime exsangue. On
se laisse ainsi berner par la propagande nazie, prenant les assassins pour ce qu'ils prétendaient être -
de belles brutes aryennes, à la virilité musclée et insensible. Or, sans le maillage de la population
opéré par le totalitarisme, le nazisme n'aurait tout simplement pas pu accomplir ses crimes.

La vision « bourreau-victime » gomme toute la complexité de la société moderne qui fut enrôlée par
la terreur et par l'idéologie dans un crime de masse inconcevable. C'est une vision manichéennne
qui est en fait rassurante, parce qu'en durcissant l'exotisme, elle nous dispense de reconnaître en
quoi les forces et les processus d'alors ont leurs équivalents aujourd'hui, dans les innombrables
Papon qui font tourner la machine bureaucratique.

Il faut évidemment, ce qu'on a longtemps omis, s'intéresser aux victimes - à la spécificité du
génocide des juifs, mais aussi aux diverses catégories visées par l'eugénisme nazi. Reste que
l'histoire accomplit son rôle d'élucidation rationnelle en s'intéressant aux processus qui ont enrôlé
toute une population, allemande, mais aussi européenne, comme « exécuteurs et témoins ». Il faut
certainement passer par la reconnaissance de ce qu'ont été les victimes, et prendre le temps de
mesurer ce qu'a été chacune de ces vies brisées – les musées et lieux de mémoire ont acquis un art
extrêmement subtil et juste de cette évocation, qui restitue l'individualité humaine à des êtres
engloutis dans la masse informe. Mais l'école a un tout autre rôle que celui du lieu de mémoire et de
recueillement : on n'ira pas loin dans la compréhension en restant fascinés par leur souffrance. Il
faut passer de l'autre côté et s'interroger sur le crime et les conditions du crime.

Il est d'ailleurs tout aussi instructif de comparer ce qui s'est passé quand il y a eu résistance active et
généralisée de la part de la population et des élites, comme ce fut le cas en Bulgarie ou au
Danemark, avec ce résultat d'avoir pu réellement protéger les concitoyens juifs. Beaucoup
d'enseignants aiment renvoyer leurs élèves au film La vie est belle, film qui a d'indéniables qualités,
et quelques fragilités, qui en font justement une illustration pour le jeune âge. Mais il y a un âge où
il vaut la peine de s'attaquer à ce monument qu'est le Journal de Victor Klemperer – deux mille
pages de vie quotidienne à Dresde de 1933 à 1945 - pour comprendre ce qu'a été l'emprise du
national-socialisme sur une société d'hommes ordinaires, ni pires ni meilleurs que vous ou moi.
Tout aussi renversant est le livre de Sebastian Haffner, Histoire d'un Allemand, publié par Actes
Sud, récit écrit en 1938 par un jeune juriste exilé en Angleterre, et qui décrit de l'intérieur
l'évolution des mentalités dans la société allemande, entre 1914 et 1933.

Il faut se demander si ce dispositif d'abord médiatique, puis pédagogique, n'incitait pas à la
provocation, si commune à l'adolescence. La fascination exclusivement centrée sur les victimes, la
sacralisation, l'emphase, la culpabilisation n'ont pas tardé à produire ici et là des effets inverses aux
effets souhaités : adolescents se défendant contre l'émotion en jouant l'indifférence ou la dérision, la
provocation ou le cynisme. Cela peut se trouver dans n'importe quelle classe mais les incidents
médiatisés ont mis particulièrement en cause le « communautarisme » d'élèves réagissant par des
propos « anti-juifs ». Que des adolescents se déclarent « antisémites » et propalestiniens n'est certes
pas pour déplaire à tout le monde : certains associations vivent de ce manichéisme et entretiennent
les solidarités d'appartenance construites sur des rejets. Mais il est inadmissible et dangereux que
l'école se trouve partie prenante dans ce processus.

La meilleure des pédagogies doit compter avec un air du temps, qui sature le sens de ce qui est
présenté en classe. Or, le victimisme stimule et ne peut que stimuler la concurrence des victimes («
pourquoi les juifs sont-ils toujours les victimes les mieux considérées » ?). La rotation rapide de la
victime la plus récemment médiatisée, ce phénomène si typique de notre sensibilité, se conjugue
alors avec le plus simpliste et le plus inévitable des retournements : « pourquoi les victimes d'hier
sont-elles devenues les bourreaux d'aujourd'hui ? ». Comme s'il n'y avait pas eu discontinuité et
rupture majeure du fait même du génocide, comme si la figure du juif supplicié devait absorber la
grande diversité des juifs dans le monde et dans l'histoire. Comme si la condition de descendant ou
de très lointain cousin d'une population exterminée ou traumatisée vous exposait à être
particulièrement envié, et promu au rang exemplaire, à tout jamais, de « victime devant rester
innocente »… Ce qui ne facilite pas les luttes politiques réalistes : il y a sans aucun doute des juifs
dont les actions sont hautement critiquables, comme il y a beaucoup d'autres juifs qui les
combattent fermement ; pour l'admettre et pour comprendre la complexité des conflits actuels, il
faut résister à l'alternative illusoire entre des catégories trop facilement réversibles du Juif victime
ou bourreau : cela signifie refuser d'entretenir la mythologie du Juif Errant, bourreau devenu
victime, victime devenant bourreau. La polarité est toujours un piège.


Vacciner ou éduquer ?
C'est une des raisons pour lesquelles j'ai beaucoup de réticences quant à la tentation de refiler le
mistigri aux jeunes et aux enseignants. Proclamer un devoir de mémoire « pour que ça ne
recommence pas », affirmer la nécessité d'une transmission aux jeunes, c'est vite dit, ça vous fait
passer pour anti-fasciste à bon compte. Et ce renvoi à l'école permet d'économiser le véritable
travail de réflexion collective sur ces événements au niveau de la société adulte, avec tout ce qu'il a
de dérangeant et d'angoissant. Toute la prescription s'est focalisée sur l'enseignement scolaire, parce
qu'il est obligatoire et parce qu'il saisit les jeunes à un âge influençable. Bonnes raisons ou
justement, mauvaises raisons ? La prophylaxie politique se conçoit ainsi comme un vaccin.

N'aurait-il pas été mieux fondé d'instituer un temps obligatoire de réflexion déontologique, sinon
dans toutes les formations professionnelles, à tout le moins dans les principaux corps de l'Etat,
justice, police, armée, administration…et enseignement ? Car l'un des aspects troublants du
scandale, tant en France qu'en Allemagne, aura été la complicité ou la veulerie de toute une partie
de l'encadrement que sa formation dans une tradition humaniste et libérale aurait dû protéger de la
barbarie ; un autre aspect, non moins troublant, l'enrôlement, au nom de la démocratie et de la
résistance au bolchevisme, d'une nation « civilisée », à tout le moins passablement instruite, dans un
populisme des plus brutaux, appuyé sur une propagande des plus sottement grossières. Apprend-on
à résister ? Mais résister, n'est-ce pas toujours refuser de se soumettre à l'autorité ? Comment
intégrer cette injonction paradoxale dans une formation ?

L'invocation de l'enseignement et de la transmission aux jeunes fonctionne non seulement de façon
sensée comme un appel à la responsabilité éducative, ce qui est légitime, mais aussi, de façon
perverse, comme un faux-fuyant dans la conscience contemporaine.

Si l'on devait résumer : l'obligation de penser ces événements ne peut pas se réduire à une obligation
d'enseignement aux jeunes - commençons donc d'abord par regarder les choses en face, nous,
adultes chargés d'expériences. ll n'empêche qu'il faut, aussi, les enseigner aux plus jeunes, que le
silence ou le travestissement des faits est inadmissible. Il y a, pour chaque âge, une entrée possible,
qui n'empêchera pas un approfondissement ultérieur. On n'a pas la même expérience ni les mêmes
besoins à dix ans, à quinze ans et à trente. Il faut peut-être toute une vie, et une bonne dose de
désillusion et de scepticisme pour comprendre en profondeur ce qui s'est passé. Il y a des façons
justes et des façons erronées ou nocives d'enseigner, et une réflexion est nécessaire ; ce qui implique
d'en finir avec les formules toutes faites du « devoir de mémoire pour que plus jamais ça ». Cet
impératif catégorique, nous l'avons, tous, ressenti d'abord, et il structure sans doute en profondeur
nos engagements - mais la répétion creuse de ces formules finit par paralyser le travail critique,
bloquer l'ingéniosité pédagogique et anesthésier le sens moral.

C'est parce que je connais assez bien l'institution scolaire, dans son histoire et ses structures, que je
suis sensible à ceci : l'école ne peut pas tout, alors que les Français ont tendance à en attendre à la
fois l'institution, la régénération et la réparation de toute la société. Et ce que peut l'école, elle le
peut d'autant mieux qu'on ne lui donne pas des objectifs trop immenses, par elle seule supportés :
elle peut s'efforcer de suivre la culture de son temps, il est vain de croire qu'elle réussira à porter à
elle seule une pensée que ses contemporains préfèrent ignorer dans ce qu'elle a de plus dérangeant.

Bibliographie indicative
-Faire connaître la shoah à l'école, Dominique Borne, Cahiers de la shoah 1994, Ed. LianaLevi :
lire en ligne
-Histoire d'un Allemand, Sebastian Haffner, Actes Sud, 2002 : lire la note de lecture en format
PDF
-Journal tome 1 et 2, Victor Klemperer, Seuil, Paris 2000
-La fragilité du bien. Le sauvetage des juifs bulgares, Tzvetan Todorov, Albin-Michel, Paris, 1999 :
lire la note de lecture en format PDF
-Pédagogiser la shoah, Emma Shnur, Le débat, n°96, Septembre-Octobre 1997
-Auschwitz en héritage, Georges Bensoussan, Mille et une nuits, 1999
-Sur la mémoire, le refoulement, et la demande sociale : La hantise du passé, Henry Rousso,
Textuel, Paris, 1999
-Consciences de la shoah. Critique des discours et des représentations, Philippe Mesnard, Kimé,
Paris 2000
-L'avenir de la mémoire, Actes du colloque international, Fondation Auschwitz, janvier-mars 2000,
n° spécial 66. Avec notamment des articles de Yannis Thanassekos et de Volkhardt Knigge.

Notons une enquête de psychologue sur la réception par les jeunes :
-Témoignages de survivants, témoignages d'enfants, Sasha Goldsztein, préface de Yannis
Thanassekos, Editions du Centre d'Etudes et de Documentation - Fondation Auschwitz, numéro
spécial 78, janvier-mars 2003, 113 p

Pour un état des lieux de la question, une bibliographie exhaustive et une enquête de terrain dans
l'académie de Versailles, réalisés pour la mission mémoire-histoire de l'INRP : Rapport de
recherche de l'académie de Versailles (direction : Benoit Falaize et Laurence Corbel), Entre
mémoire et savoir. L'enseignement de la shoah et des guerres de décolonisation, 2004 : Lire le
dossier en ligne sur le site de l'INRP


Une version simplifiée de ce texte est parue dans Le Monde, édition du 25/01/2005, sous le titre
D'abord enseigner l'histoire ou "devoir de mémoire" ?

Jeudi 24 Février 2005
Source :
http://www.communautarisme.net

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Sophie Ernst: Auschwitz dans la salle de classe. Enseigner l'histoire ou le devoir de mémoire?

  • 1. Observatoire du commun autaris me - www.co m mu n aut ari s m e.net - Observatoire indépendant d'information et de réflexion sur le commun autaris m e, la laïcité, les discrimination s et le racis me. Centre de ressource s en ligne en libre accè s Auschwitz dans la salle de clas s e. Enseigner l'histoire ou le devoir de mémoire ? Par Sophie Ernst, philosophe de l'éducation, chargée d'études à l'Institut national de recherche pédago gique (INR P) Peut- on s'inquiéter des formes que prend le « devoir de mémoire » autour du génocide des Juifs d'Europe ? Commémorer et privilégier le point de vue victimaire est-il le meilleur moyen d'éduquer et d'enseigner ? Telles sont les questions que pose Sophie Ernst, philosophe de l'éducation. Les dernières années ont vu se multiplier les initiatives consacrées à la transmission de la mémoire du génocide. Peut-on, sans être accusé de révisionnisme, exprimer quelques inquiétudes face à cette vague irrépressible du « devoir de mémoire » ? Il me semble que le mot d'ordre est trop consensuel pour être lucide, trop répétitif pour être profond... Si on proclame qu'il y a devoir de mémoire, devoir de transmission aux jeunes générations, la demande peut s'adresser, de façon vague, à la responsabilité des parents, à la télévision, que sais-je encore… Dès lors que la demande de transmission s'adresse spécifiquement à l'école et aux enseignants, on ne peut oublier que l'école est un cadre bien spécifique, avec programmes, examens, exercices, de multiples codes et contraintes de fonctionnement. Une structure qui fonctionne précisément grâce à ses routines et à ses rites. Or, l'exhortation aux enseignants est paradoxale : elle leur enjoint d'être à la hauteur du tragique, et, à la fois, de faire entrer le tragique dans le cadre scolaire. De transmettre une connaissance brûlante, et de la traiter à froid. De faire éclater le cadre, dans le cadre. Comment passer d'une sensibilité à vif, d'une focalisation médiatique aujourd'hui importante, voire excessive, demain oublieuse - à un régime institutionnel stable, régulier ? Nous sommes dans une période charnière : quelles en sont les difficultés spécifiques ? Quelles actions seraient à envisager pour que l'enseignement de l'histoire de la shoah n'oscille pas entre le silence et le vacarme, la banalisation et le kitsch, l'occultation et la sacralisation ? Entre l'obligatoire et l'impossible ? D'où le surgissement de la question proprement « pédagogique », qui porte sur le comment. Comment enseigner ? Comment s'y prendre pour marquer le caractère exceptionnel et le scandale moral de l'événement et l'intégrer dans un parcours scolaire très fortement balisé ? C'est un enseignement difficile, et notre système scolaire ne sait pas bien soutenir, accompagner les enseignants, lorsqu'il leur est dévolu des charges difficiles. Ce n'est pas faute d'instructions officielles de grande qualité – elles sont remarquables de lucidité. Mais cela ne suffit pas pour un
  • 2. enseignement de masse. Nous avons une tradition d'administration scolaire qui consiste à prescrire, à transmettre un cahier des charges, de haut en bas : ce n'est pas cela, soutenir. Alors, la tentation est grande pour les enseignants désemparés, quand s'élèvent des tensions, quand se produisent des incidents, de transférer la faute sur les élèves « difficiles », entendez « communautaristes » ... Oubliant que nous avons affaire, d'abord, à des adolescents qui réagissent à leur façon à une découverte émotionnellement brutale, qui mobilise en eux des affects complexes et suscite des défenses pas forcément adéquates, voire désastreuses. Mais qui d'entre nous saurait dire quelles sont les défenses adéquates ? C'est très étonnant comme, dans une époque qui convoque les psychiatres au moindre soupçon de traumatisme possible, pour cette transmission spécifique, on appelle à secouer fortement les adolescents sans aucunement se demander ce qui se passe exactement dans leur tête. Pour quiconque est un peu familiarisé avec les problématiques psychologiques, il était prévisible qu'on allait au devant de réactions paradoxales de refus, rejet, dérision … tout ce qui peut mettre le moi à distance et hors d'atteinte de représentations ou d'affects angoissants. Un enseignement fasciné par les victimes Les équilibres de la salle de classe sont fragiles. Du fait même de cette sur-motivation, qui fait de cet enseignement quelque chose d'exceptionnel dont on attend une leçon éducative décisive, l'histoire de la shoah donne lieu à des pratiques pédagogiques qui peuvent se trouver tout à coup fonctionner à l'inverse des visées initiales. Non qu'il n'y ait pas des expériences tout à fait remarquables. Mais il y a une part d'aléatoire que les enseignants les plus expérimentés maîtrisent mal, dans un schéma général qui est de toute façon risqué. Cette histoire se trouve investie d'une mission d'éducation civique et morale parfois étrangement conçue sur un mode émotionnel, en rupture avec les pratiques accoutumées de l'enseignement littéraire au sens large (histoire, philosophie, lettres…). L'enseignement se veut par principe rationnel et critique, il a même souvent tendance à adopter une conception étroite de la rationalité, sous la pression du bachottage généralisé, et à se crisper sur des objectifs étroitement techniques. Sauf pour « Auschwitz », qui surgit tout à coup comme un ilôt de sacralité, entouré d'un cercle de feu. Et là, l'enseignement bascule vers le « devoir de mémoire », émotionnel, traumatique, moralisateur. Comme si tout le reste devait être traité froidement, mais que cet enseignement-ci devait mobiliser une émotion ailleurs prohibée. Comme si le cours d'histoire ou de français, sur tous les autres sujets, devait avant tout donner des outils techniques, expliquer, élucider des processus, faire comprendre des configurations - mais qu'il devait, là, avant tout servir à édifier les jeunes générations en leur désignant le mal radical. Certes, la tendance à évacuer de l'enseignement de l'histoire tout ce qui fait appel aux sentiments, à l'identification, aux émotions humaines et à la réflexion éthique est quelque chose qu'on peut interroger (sait-on quoi que ce soit de la guerre de 14 si l'on ne s'intéresse pas à la souffrance des soldats dans les tranchées ?). Une conception trop froide de l'histoire, qui évacuerait au nom de la scientificité toute identification et toute émotion, toute référence aux valeurs, et pour finir tout ce qu'il y a d'humain dans la reconstitution du passé, n'est certainement pas idéale. Reste qu'une certaine retenue demeure régulatrice d'un enseignement laïque, et qu'un effort de distanciation reste la condition d'un travail critique d'élucidation. Conviction bien ancrée dans les idéaux de l'enseignant français. S'agissant de la Saint-Barthélémy ou de la traite des Noirs, ou, moins classique, la chasse aux sorcières de Lorraine, on doit essayer de faire passer à la fois reconnaissance du crime et analyse des causes, processus, configurations… On ne dispose pas de témoin à faire venir dans la classe pour « passer le relais », il y a eu assurément scandale moral, cela ne nous empêche évidemment pas de faire de l'histoire. Or tout se passe comme si, s'agissant d'Auschwitz, il y avait un passage à l'opposé, avec un fort contraste entre une histoire habituellement ordonnée à un idéal d'objectivité, et un enseignement avant tout conçu comme un
  • 3. devoir de mémoire, hommage aux victimes, identification à leur souffrance, sidération devant le non-sens. Victimisme, moralisme, anachronismes Apitoiement et moralisme facile sont favorisés par un manichéisme qui use exclusivement des catégories « bourreaux » et « victimes », évacuant notamment l'immense zone grise de la bureaucratie, ainsi que des corps intermédiaires au rôle ambivalent ; c'est qu'ils ont été, à des degrés très variables, à la fois menacés par la terreur et courroies de transmission plus ou moins actives de la terreur. On a tendance à mettre face à face l'officier nazi en uniforme, et la victime exsangue. On se laisse ainsi berner par la propagande nazie, prenant les assassins pour ce qu'ils prétendaient être - de belles brutes aryennes, à la virilité musclée et insensible. Or, sans le maillage de la population opéré par le totalitarisme, le nazisme n'aurait tout simplement pas pu accomplir ses crimes. La vision « bourreau-victime » gomme toute la complexité de la société moderne qui fut enrôlée par la terreur et par l'idéologie dans un crime de masse inconcevable. C'est une vision manichéennne qui est en fait rassurante, parce qu'en durcissant l'exotisme, elle nous dispense de reconnaître en quoi les forces et les processus d'alors ont leurs équivalents aujourd'hui, dans les innombrables Papon qui font tourner la machine bureaucratique. Il faut évidemment, ce qu'on a longtemps omis, s'intéresser aux victimes - à la spécificité du génocide des juifs, mais aussi aux diverses catégories visées par l'eugénisme nazi. Reste que l'histoire accomplit son rôle d'élucidation rationnelle en s'intéressant aux processus qui ont enrôlé toute une population, allemande, mais aussi européenne, comme « exécuteurs et témoins ». Il faut certainement passer par la reconnaissance de ce qu'ont été les victimes, et prendre le temps de mesurer ce qu'a été chacune de ces vies brisées – les musées et lieux de mémoire ont acquis un art extrêmement subtil et juste de cette évocation, qui restitue l'individualité humaine à des êtres engloutis dans la masse informe. Mais l'école a un tout autre rôle que celui du lieu de mémoire et de recueillement : on n'ira pas loin dans la compréhension en restant fascinés par leur souffrance. Il faut passer de l'autre côté et s'interroger sur le crime et les conditions du crime. Il est d'ailleurs tout aussi instructif de comparer ce qui s'est passé quand il y a eu résistance active et généralisée de la part de la population et des élites, comme ce fut le cas en Bulgarie ou au Danemark, avec ce résultat d'avoir pu réellement protéger les concitoyens juifs. Beaucoup d'enseignants aiment renvoyer leurs élèves au film La vie est belle, film qui a d'indéniables qualités, et quelques fragilités, qui en font justement une illustration pour le jeune âge. Mais il y a un âge où il vaut la peine de s'attaquer à ce monument qu'est le Journal de Victor Klemperer – deux mille pages de vie quotidienne à Dresde de 1933 à 1945 - pour comprendre ce qu'a été l'emprise du national-socialisme sur une société d'hommes ordinaires, ni pires ni meilleurs que vous ou moi. Tout aussi renversant est le livre de Sebastian Haffner, Histoire d'un Allemand, publié par Actes Sud, récit écrit en 1938 par un jeune juriste exilé en Angleterre, et qui décrit de l'intérieur l'évolution des mentalités dans la société allemande, entre 1914 et 1933. Il faut se demander si ce dispositif d'abord médiatique, puis pédagogique, n'incitait pas à la provocation, si commune à l'adolescence. La fascination exclusivement centrée sur les victimes, la sacralisation, l'emphase, la culpabilisation n'ont pas tardé à produire ici et là des effets inverses aux effets souhaités : adolescents se défendant contre l'émotion en jouant l'indifférence ou la dérision, la provocation ou le cynisme. Cela peut se trouver dans n'importe quelle classe mais les incidents médiatisés ont mis particulièrement en cause le « communautarisme » d'élèves réagissant par des propos « anti-juifs ». Que des adolescents se déclarent « antisémites » et propalestiniens n'est certes pas pour déplaire à tout le monde : certains associations vivent de ce manichéisme et entretiennent
  • 4. les solidarités d'appartenance construites sur des rejets. Mais il est inadmissible et dangereux que l'école se trouve partie prenante dans ce processus. La meilleure des pédagogies doit compter avec un air du temps, qui sature le sens de ce qui est présenté en classe. Or, le victimisme stimule et ne peut que stimuler la concurrence des victimes (« pourquoi les juifs sont-ils toujours les victimes les mieux considérées » ?). La rotation rapide de la victime la plus récemment médiatisée, ce phénomène si typique de notre sensibilité, se conjugue alors avec le plus simpliste et le plus inévitable des retournements : « pourquoi les victimes d'hier sont-elles devenues les bourreaux d'aujourd'hui ? ». Comme s'il n'y avait pas eu discontinuité et rupture majeure du fait même du génocide, comme si la figure du juif supplicié devait absorber la grande diversité des juifs dans le monde et dans l'histoire. Comme si la condition de descendant ou de très lointain cousin d'une population exterminée ou traumatisée vous exposait à être particulièrement envié, et promu au rang exemplaire, à tout jamais, de « victime devant rester innocente »… Ce qui ne facilite pas les luttes politiques réalistes : il y a sans aucun doute des juifs dont les actions sont hautement critiquables, comme il y a beaucoup d'autres juifs qui les combattent fermement ; pour l'admettre et pour comprendre la complexité des conflits actuels, il faut résister à l'alternative illusoire entre des catégories trop facilement réversibles du Juif victime ou bourreau : cela signifie refuser d'entretenir la mythologie du Juif Errant, bourreau devenu victime, victime devenant bourreau. La polarité est toujours un piège. Vacciner ou éduquer ? C'est une des raisons pour lesquelles j'ai beaucoup de réticences quant à la tentation de refiler le mistigri aux jeunes et aux enseignants. Proclamer un devoir de mémoire « pour que ça ne recommence pas », affirmer la nécessité d'une transmission aux jeunes, c'est vite dit, ça vous fait passer pour anti-fasciste à bon compte. Et ce renvoi à l'école permet d'économiser le véritable travail de réflexion collective sur ces événements au niveau de la société adulte, avec tout ce qu'il a de dérangeant et d'angoissant. Toute la prescription s'est focalisée sur l'enseignement scolaire, parce qu'il est obligatoire et parce qu'il saisit les jeunes à un âge influençable. Bonnes raisons ou justement, mauvaises raisons ? La prophylaxie politique se conçoit ainsi comme un vaccin. N'aurait-il pas été mieux fondé d'instituer un temps obligatoire de réflexion déontologique, sinon dans toutes les formations professionnelles, à tout le moins dans les principaux corps de l'Etat, justice, police, armée, administration…et enseignement ? Car l'un des aspects troublants du scandale, tant en France qu'en Allemagne, aura été la complicité ou la veulerie de toute une partie de l'encadrement que sa formation dans une tradition humaniste et libérale aurait dû protéger de la barbarie ; un autre aspect, non moins troublant, l'enrôlement, au nom de la démocratie et de la résistance au bolchevisme, d'une nation « civilisée », à tout le moins passablement instruite, dans un populisme des plus brutaux, appuyé sur une propagande des plus sottement grossières. Apprend-on à résister ? Mais résister, n'est-ce pas toujours refuser de se soumettre à l'autorité ? Comment intégrer cette injonction paradoxale dans une formation ? L'invocation de l'enseignement et de la transmission aux jeunes fonctionne non seulement de façon sensée comme un appel à la responsabilité éducative, ce qui est légitime, mais aussi, de façon perverse, comme un faux-fuyant dans la conscience contemporaine. Si l'on devait résumer : l'obligation de penser ces événements ne peut pas se réduire à une obligation d'enseignement aux jeunes - commençons donc d'abord par regarder les choses en face, nous, adultes chargés d'expériences. ll n'empêche qu'il faut, aussi, les enseigner aux plus jeunes, que le silence ou le travestissement des faits est inadmissible. Il y a, pour chaque âge, une entrée possible, qui n'empêchera pas un approfondissement ultérieur. On n'a pas la même expérience ni les mêmes
  • 5. besoins à dix ans, à quinze ans et à trente. Il faut peut-être toute une vie, et une bonne dose de désillusion et de scepticisme pour comprendre en profondeur ce qui s'est passé. Il y a des façons justes et des façons erronées ou nocives d'enseigner, et une réflexion est nécessaire ; ce qui implique d'en finir avec les formules toutes faites du « devoir de mémoire pour que plus jamais ça ». Cet impératif catégorique, nous l'avons, tous, ressenti d'abord, et il structure sans doute en profondeur nos engagements - mais la répétion creuse de ces formules finit par paralyser le travail critique, bloquer l'ingéniosité pédagogique et anesthésier le sens moral. C'est parce que je connais assez bien l'institution scolaire, dans son histoire et ses structures, que je suis sensible à ceci : l'école ne peut pas tout, alors que les Français ont tendance à en attendre à la fois l'institution, la régénération et la réparation de toute la société. Et ce que peut l'école, elle le peut d'autant mieux qu'on ne lui donne pas des objectifs trop immenses, par elle seule supportés : elle peut s'efforcer de suivre la culture de son temps, il est vain de croire qu'elle réussira à porter à elle seule une pensée que ses contemporains préfèrent ignorer dans ce qu'elle a de plus dérangeant. Bibliographie indicative -Faire connaître la shoah à l'école, Dominique Borne, Cahiers de la shoah 1994, Ed. LianaLevi : lire en ligne -Histoire d'un Allemand, Sebastian Haffner, Actes Sud, 2002 : lire la note de lecture en format PDF -Journal tome 1 et 2, Victor Klemperer, Seuil, Paris 2000 -La fragilité du bien. Le sauvetage des juifs bulgares, Tzvetan Todorov, Albin-Michel, Paris, 1999 : lire la note de lecture en format PDF -Pédagogiser la shoah, Emma Shnur, Le débat, n°96, Septembre-Octobre 1997 -Auschwitz en héritage, Georges Bensoussan, Mille et une nuits, 1999 -Sur la mémoire, le refoulement, et la demande sociale : La hantise du passé, Henry Rousso, Textuel, Paris, 1999 -Consciences de la shoah. Critique des discours et des représentations, Philippe Mesnard, Kimé, Paris 2000 -L'avenir de la mémoire, Actes du colloque international, Fondation Auschwitz, janvier-mars 2000, n° spécial 66. Avec notamment des articles de Yannis Thanassekos et de Volkhardt Knigge. Notons une enquête de psychologue sur la réception par les jeunes : -Témoignages de survivants, témoignages d'enfants, Sasha Goldsztein, préface de Yannis Thanassekos, Editions du Centre d'Etudes et de Documentation - Fondation Auschwitz, numéro spécial 78, janvier-mars 2003, 113 p Pour un état des lieux de la question, une bibliographie exhaustive et une enquête de terrain dans l'académie de Versailles, réalisés pour la mission mémoire-histoire de l'INRP : Rapport de recherche de l'académie de Versailles (direction : Benoit Falaize et Laurence Corbel), Entre mémoire et savoir. L'enseignement de la shoah et des guerres de décolonisation, 2004 : Lire le dossier en ligne sur le site de l'INRP Une version simplifiée de ce texte est parue dans Le Monde, édition du 25/01/2005, sous le titre D'abord enseigner l'histoire ou "devoir de mémoire" ? Jeudi 24 Février 2005