Deloitte strategies in cooperative financing and capitalisation
Yasmina lemzeri, mireille jaeger et jean noël ory (1)
1. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page209
Les banques à statut coopératif ont-elles plus de capacité
à résister à la crise financière et à la surmonter ?
Yasmina LEMZERI, Mireille JAEGER et Jean-Noël ORY1
Introduction
En France, lors de la crise bancaire des années 1990, les banques coopératives se sont
avérées beaucoup plus performantes et solides que les banques SA, ce qui leur a permis
de gagner des parts de marché et (ou) d'accumuler des réserves, et d'acquérir des
banques SA en difficulté. Cette forte compétitivité s'appuyait essentiellement sur une
meilleure capacité à gérer le risque, avec un meilleur contrôle et une meilleure couver-
ture, résultant en un moindre coût. L'exigence moins forte de rentabilité des capitaux
propres permettait également soit de pratiquer des tarifs inférieurs à ceux des banques
SA pour une marge équivalente (gain de parts de marché), soit d'accumuler plus de ré-
serves pour un tarif équivalent (meilleure couverture du risque et capacité à saisir les
opportunités d'acquisition de banques en difficulté). Cet avantage concurrentiel pouvait
être imputé à l'organisation et à la gouvernance associées au statut coopératif (Gurtner,
Jaeger et Ory, 2006).
Ces enchaînements favorables ne semblent plus être mis en œuvre dans le déroulement
de la crise financière actuelle pour ce qui concerne les banques coopératives françaises.
De fait, le modèle coopératif français s'est étiolé dans le secteur bancaire, avec l'hybri-
dation des groupes coopératifs qui ont incorporé des véhicules cotés en bourse (y com-
pris les têtes de groupes), et qui se sont progressivement alignés sur les critères et les
modes de fonctionnement des banques à capital actions (Banques SA).
Or, ce serait un avantage incomparable que de pouvoir s'appuyer sur des banques solides
et résilientes dans la crise que nous traversons, et ceci au niveau mondial. C'est pourquoi
nous nous proposons dans cet article d'analyser le comportement des grandes banques
en essayant de comparer la résistance et la résilience des banques-SA et des banques
coopératives face à la crise financière récente (2008-2010), en étendant notre analyse,
outre le cas français, à dix autres pays européens et nord-américains.
La résistance s'interprétera comme une relative insensibilité à la crise. Ainsi, nous cher-
cherons si la situation des banques coopératives se dégrade moins pendant la crise.
La résilience s'interprètera comme la faculté de vaincre l'adversité ou une situation de
risque, donc de se redresser voire de rebondir après avoir subi la crise.
L’étonnant pouvoir des coopératives ...209...
2. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page210
Comment justifier que les banques coopératives résistent
mieux à la crise ? Analyse théorique
Une dépendance moins forte vis-à-vis des marchés financiers
Les banques à statut coopératif n’ayant pas émis de parts cotées en bourse, elles sont
moins soumises à la pression des marchés. Elles n'ont pas comme objectif prioritaire de
maximiser la valeur boursière de leurs titres et sont moins incitées à s’orienter vers des
projets risqués (à espérance de rentabilité plus forte), ce qui tend à les rendre plus stables.
Comme leurs titres ne sont pas négociables en bourse, elles n'ont pas à craindre d'être
soumises à une OPA et ne peuvent donc faire l'objet d'un rachat hostile, même en cas
d’inefficience, ce qui leur évite de se focaliser sur des objectifs de performance à court
terme, source d'instabilité.
Des objectifs limitant la prise de risque
Alors que les banques à statut actionnarial se focalisent exclusivement sur la maxi-
misation de la richesse des actionnaires, les banques à statut coopératif ont pour objectif
de répondre au bien-être des sociétaires et de l’économie locale. Les taux offerts pour
la rémunération de l’épargne et les taux requis en cas de prêts doivent être avantageux
pour le client-sociétaire par rapport à ce qu’il aurait obtenu dans un autre établissement
de crédit. Ce désintérêt à l’égard de la recherche de profits fait qu’elles sont moins
incitées à prendre des risques que les banques à statut actionnarial. Les projets retenus
sont moins rémunérateurs mais aussi moins risqués ; ce qui se comprend car les
propriétaires sont à la fois clients et décisionnaires. Ils n’ont aucun intérêt à prendre plus
de risque car rien ne les y incite. Ils ont pour objectif de préserver l’héritage
intergénérationnel et de faire en sorte que cette tradition se perpétue. Les dirigeants des
banques coopératives sont moins incités à la prise de risque excessive, et cela a pour
effet de sécuriser les dépôts (Rasmusen, 1988).
Une recherche de valorisation à long terme
Le profit est nécessaire pour assurer l’avenir et la pérennité de la banque. En s’abstenant
de placer l’objectif de rentabilité dans leur politique de développement, les groupes
coopératifs seraient voués à disparaître (Hansmann et Krackmann, 2001). Les coûts
d’exploitation qu’ils supporteraient seraient également trop élevés ce qui constitue un
frein à la rentabilité. Cependant, les coopératives dégagent un excédent financier dont
un pourcentage est automatiquement mis en réserves. La différence entre les proprié-
taires actionnaires et les propriétaires sociétaires réside dans la volonté de pérenniser la
firme. Les auteurs Allen et Gale( 2004) montrent que cette volonté peut aboutir à long
terme à une valeur de la firme plus élevée qu’elle ne le serait si l’on se concentrait
exclusivement sur une maximisation du profit.
...210... L’étonnant pouvoir des coopératives
3. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page211
Proximité favorisant la réduction d’asymétrie d’information
Les réseaux coopératifs disposent d’une large implantation territoriale qui leur permet
de bénéficier d’un avantage de proximité avec la clientèle. La tarification doit alors être
liée au profil de risque du client. Cette proximité permet de réduire l’asymétrie d’infor-
mation en faveur de la banque et d’anticiper sur des éventuels problèmes d’aléa moral
qui pourraient survenir une fois les contrats signés (Amess, 2002).
Stratégie de diversification du portefeuille de prêts
Vues comme des soutiens à l’économie locale, les banques coopératives peuvent alors
être moins enclines à procéder au rationnement de crédit, notamment en période de
crise financière. Elles ont pour habitude de prêter aux PME-PMI implantées sur leur
secteur territorial. Les PME sont souvent considérées comme fragiles, proches de la
faillite, et les coopératives savent prendre des risques en leur accordant des prêts,
qu'elles limitent grâce à la diversification de leur portefeuille de crédits, et à une meil-
leure connaissance de leur clientèle liée à la proximité.
Implantation territoriale en soutien à l’économie locale
Les administrateurs qui sont élus en qualité de représentants des sociétaires, et qui sont
de ce fait les preneurs de décisions au niveau local, sont souvent des chefs d’entreprise.
Ils ont alors pu expérimenter la difficulté pour une PME-PMI à faire financer un projet, y
compris lorsque les indicateurs du bilan sont positifs et que le carnet de commandes est
plein à court et moyen termes. De plus, les sociétaires sont également souvent des
entrepreneurs qui peuvent potentiellement être confrontés à des difficultés de finan-
cement. On attend alors d’une banque qui se revendique comme agissant dans l’intérêt
des sociétaires, non soumise à un objectif prioritaire de recherche de profit, qu’elle suive
les projets de ses clients y compris dans des phases économiques complexes.
Impartageabilité des réserves favorisant la stabilité
Les réserves des coopératives sont impartageables. Elles appartiennent à la coopérative
et les sociétaires, pourtant propriétaires, n’ont aucun droit sur elles. Rien ne les incite
donc à encourager leurs administrateurs à entreprendre des projets risqués. D’autant plus
que cette accumulation de réserves annuelles est un avantage certain en termes de sta-
bilité financière ; elle peut servir à atténuer les fluctuations intervenant au cours de l’ac-
tivité bancaire (Amess, 2002) et se traduire par une réduction du risque de faillite. Ce
dispositif permet aux banques à statut coopératif de contribuer à la stabilité financière.
Une politique de rémunération moins liée à la performance.
Les banques à statut coopératif n'utilisent pas de système de rémunération lié à la valeur
boursière (tel que les stock-options ou l'attribution d'actions). Ainsi, les dirigeants ne
sont pas incités à prendre plus de risques dans le but de maximiser leurs revenus, comme
L’étonnant pouvoir des coopératives ...211...
4. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page212
dans les banques à statut actionnarial. La rémunération liée au capital, de nature option-
nelle, et destinée à aligner les objectifs des dirigeants sur ceux des actionnaires, est en
effet très perverse et incitative à la prise de risque, car elle ne joue que positivement, en
cas de succès, mais ne pénalise pas en cas d'échec (Beltratti et Stulz, 2011).
Au total, ces éléments nous laissent penser que les banques coopératives :
I devraient se révéler plus stables et plus résistantes face à la crise financière, car mieux
capitalisées et disposant d'actifs moins risqués ;
I devraient maintenir leurs prêts et continuer à soutenir l'économie plus que les
banques à statut actionnarial ;
I devraient avoir avant la crise une performance financière moins forte, mais
relativement plus stable après le déclenchement de la crise.
C'est ce que nous allons tenter de vérifier.
Méthodologie
Démarche
On veut vérifier s'il existe des différences de résistance, de stabilité face à la crise et de
résilience entre banques coopératives et banques SA, qui peuvent s'expliquer par des
facteurs d'organisation, de stratégie financière ou de gouvernance. Celles-là doivent être
évaluées en contrôlant l'influence du pays d'implantation, car elles peuvent être dues
largement à des caractéristiques propres aux pays (institutionnelles, réglementaires,
macro-économiques ou conjoncturelles).
Le modèle, estimé en cross section sur un échantillon de banques appartenant à 11 pays,
est de la forme suivante :
Indicateur de résistancei = constante + α coopi + ∑ βpDip + εi, où coopi est une variable
dummy qui prend la valeur 1 si la banque i est une coopérative. Les Dip sont des dummies
représentant le pays. Le coefficient α et le t de Student associé nous indiquent si globa-
lement les coopératives sont plus résistantes que les banques SA (signe positif), quand
on contrôle le pays d'implantation (par des effets fixes-pays)
Une analyse détaillée des moyennes et variations, par pays, de l'indicateur, pour chaque
catégorie de banque, permet d'affiner les résultats (Tableau 2).
L'échantillon
Les données permettant de mener les analyses descriptives proviennent de la base
Bankscope (Bureau Van Dijk). Les pays retenus sont la France, les Pays-Bas, le Royaume-
Uni, l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Finlande, l’Autriche, le Canada et les
...212... L’étonnant pouvoir des coopératives
5. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page213
États-Unis. Tous les groupes coopératifs européens ont été intégrés dans la base. Concer-
nant le Canada et les États-Unis, seuls les plus grands groupes coopératifs ont été pris
en compte, malgré la présence d'une multitude de petites coopératives bancaires, par
souci d'homogénéité avec les groupes européens et pour permettre la comparaison avec
les groupes à statut actionnarial, généralement de plus grande taille. Concernant les
groupes à statut actionnarial, nous avons constitué un échantillon de 30 banques im-
plantées dans les mêmes pays que les banques à statut coopératif. Les banques à statut
actionnarial retenues sont celles qui disposent de la plus grande taille d’actifs. Nous dis-
posons alors au final d’un échantillon de 49 banques, soit 30 à statut actionnarial et
19 à statut coopératif.
Période d'analyse
Les indicateurs de résistance ou de résilience sont observés sur la période 2006-2010 ; la
mesure est effectuée en fin d'année (disponibilité des statistiques comptables). L'année
2006 donne une situation de référence avant le début de la crise finnacière. Cette dernière
se déclenche en mars-avril 2007. D’abord, l'évolution des indicateurs entre décembre
2006 et décembre 2008 mesure la résistance à la crise et permet d'observer la
détérioration de la situation de la banque au cours de la première année de crise. Puis,
entre décembre 2008 et décembre 2010, elle permet de mesurer la résilience et d'observer
comment les banques parviennent à surmonter la crise.
Spécification des indicateurs de résistance et de résilience face à la crise
Une banque sera considérée comme résistante si elle peut limiter son risque de faillite, si
son activité se maintient et en particulier son incitation à faire des prêts, et si elle parvient
à préserver une rentabilité suffisante de ses actifs et de ses fonds propres.
La résilience caractérise sa capacité à rebondir, et au moins à retrouver le niveau d'activité
antérieur.
Comment mesurer la résistance ou la résilience à la crise ?
Nous retiendrons trois indicateurs : l'un qui mesure la solidité financière, le second le
dynamisme de l'activité au service de l’économie, et le troisième la performance
financière :
I Pour analyser si les banques se sont fragilisées, si leur risque de faillite a augmenté,
nous retiendrons le zscore ainsi que son taux de variation. Cet indicateur mesure la
distance à la faillite : plus il est fort, plus la banque est éloignée de la faillite. Formule :
z= (K+µ)/ σ où K représente le ratio capitaux sur actif total, µ représente la rentabilité
des actifs et σ représente l’écart-type de la rentabilité des actifs. On voit que le zscore
tient compte simultanément de la capitalisation de la banque et de la rentabilité de ses
actifs.
L’étonnant pouvoir des coopératives ...213...
6. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page214
Pour voir si les banques ont pu maintenir leur niveau d'activité, nous observerons le taux
de variation des prêts accordés (t_loans). Cet indicateur est également significatif du rôle
économique et social de la banque, qui justifie que les autorités de tutelle se soient mo-
bilisées pour les renflouer ou pour assurer leur liquidité.
La capacité à préserver les profits, ou une certaine rentabilité, peut se mesurer à partir
du taux de rentabilité financière (roe, return on equity). Le roe est un indicateur de
performance financière et peut servir aussi à mesurer la résistance des banques à la crise
et leur capacité de rebond.
Spécification des variables
Pour analyser la résistance à la crise ou la résilience, les variables seront spécifiées en
taux de variation (sauf le roe). Elles seront calculées en 2006 (en niveau), pour avoir une
idée de la situation de départ, en 2008, 1re année de crise, et sur 3 ans, de 2008 à 2010.
Les variables qui ont une nature de rendement resteront sous cette forme.
Pour étudier la résilience (la capacité à rebondir, à rattraper son retard), on pourra
calculer le taux de variation ou la performance sur les 2 années 2009 et 2010, suivant
la première année de crise.
zscore 2006 : il s’agit de la valeur prise par le zscore en 2006
t_zscore08 = ∆zscore06-08/zscore06 : on mesure ici le taux de variation du zscore entre
2006 et 2008
t2_zscore = ∆zscore08-10/zscore08 : on mesure ici le taux de variation du zscore entre
2008 et 2010
t_loans08 = ∆loans06-08/loans06 : cet indicateur permet de connaître le taux de varia-
tion des prêts octroyés par la banque entre 2006 et 2008
t2_loans = ∆loans08-10/loans08 : cet indicateur permet de connaître le taux de variation
des prêts octroyés par la banque entre 2008 et 2010
ROE2006 : il s’agit de la rentabilité des capitaux (Return On Equity) réalisée par une
banque en 2006
ROE2008 : il s’agit de la rentabilité des capitaux (Return On Equity) réalisée par une
banque en 2008
ROE2010 : il s’agit de la rentabilité des capitaux (Return On Equity) réalisée par une
banque en 2010
ROE06-07 : cet indicateur permet de mesurer la rentabilité cumulée des capitaux d’une
banque sur une période de deux années, 2006 et 2007
ROE06-08 : cet indicateur permet de mesurer la rentabilité cumulée des capitaux d’une
banque sur une période de trois années, de 2006 à 2008
...214... L’étonnant pouvoir des coopératives
7. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page215
ROE09-10 : cet indicateur permet de mesurer la rentabilité cumulée des capitaux d’une
banque sur une période de deux années, 2009 et 2010
ROE06-10 : cet indicateur permet de mesurer la rentabilité cumulée des capitaux d’une
banque sur une période de cinq années, de 2006 à 2010
Analyses et résultats
Des banques coopératives en situation plus favorable, plus solidement
capitalisées, juste avant la crise
Comme période pré-crise, nous retenons l’année 2006. Celle-ci étant suffisamment
éloignée de 2008, année de début de crise officielle, cela permet de considérer le niveau
des indicateurs avec une certaine objectivité. Le premier constat que l’on peut dresser
sur l’année 2006 est relatif au zscore (Tableau 1) : il est nettement plus élevé chez les
groupes à statut coopératif puisqu’il dépasse celui présenté par les groupes à statut
actionnarial de douze points. Ce qui confirme la théorie qui décrit les groupes à statut
coopératif comme acteurs contribuant positivement à la stabilité financière. On notera
cependant qu’ils présentent en parallèle une rentabilité des capitaux inférieure à celle
réalisée par les groupes à statut actionnarial. En dépit du fait que cette rentabilité soit
inférieure, on relève toutefois qu’elle est élevée, ce qui remet en question les propos les
caractérisant comme des entités ne réalisant que peu de profit.
Nous poursuivons la comparaison au travers des moyennes établies par pays et par
statut. Pour renforcer les mesures de différences d’impact de structure de propriété en
prenant en compte la situation géographique, nous nous appuyons également sur les
tests économétriques en incluant respectivement en variable endogène le zscore de 2006
puis la rentabilité des capitaux (ROE) de 2006. Les modèles estimés sont les suivants :
Zscore2006= constante + 20,52 coopi + ∑ βpDip + εi (équation 1 du tableau 2) (2,10)
ROE06 = constante + -4,592 coopi + ∑ βpDip + εi (équation 10 du tableau 2) (-2,76)
En 2006, période pré-crise, il apparaît que la majorité des groupes à statut coopératif
disposent d’un zscore plus élevé que ceux présentés par les groupes à statut actionnarial.
Seuls les groupes à statut coopératif implantés en Espagne, au Royaume-Uni et au
Portugal ont un zscore inférieur à leurs homologues à statut actionnarial (Tableau 3), ce
qui peut s’expliquer par une capitalisation moindre. L’apport en stabilité financière des
banques à statut coopératif est confirmé par la régression avec un coefficient élevé très
significatif. Les niveaux de rentabilité relatifs aux groupes à statut coopératif sont élevés ;
mais, à l’exception des groupes à statut coopératif autrichiens, tous présentent une
rentabilité des capitaux inférieure à celle réalisée par les groupes à statut actionnarial.
La moindre performance financière moindre se confirme d’ailleurs par l’analyse
économétrique avec un coefficient négatif hautement significatif.
L’étonnant pouvoir des coopératives ...215...
8. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page216
Il apparaît alors que les groupes à statut coopératif qui présentent une forte capitalisation
contribuent plus à la stabilité financière.
Une meilleure capacité des banques coopératives à résister à la crise financière
Pour étudier la résistance à la crise, nous nous focalisons sur les variations des indicateurs
de stabilité financière, de rentabilité et de contribution au financement de l’économie
entre 2006 et 2008. Concernant la rentabilité, nous approfondirons l’analyse en nous
appuyant également sur la performance réalisée sur la période 2006-2007 et la rentabi-
lité observée en 2008.
Sur cette période, on constate que les groupes à statut coopératif ou actionnarial ont
tous deux enregistré une évolution négative de leurs indicateurs (Tableau 1). Cependant,
la dégradation du zscore des groupes à statut coopératif est bien inférieure à celle des
groupes à statut actionnarial. Ceci qui montre que les groupes à statut coopératif ont
mieux résisté à la crise. De plus, entre 2006 et 2008, leur rentabilité des capitaux s’est
détériorée de façon plus atténuée que les groupes à statut actionnarial ; ces derniers pré-
sentent en plus une rentabilité négative en 2008. En période de crise, on note que quelle
que soit la forme de propriété, la taille des prêts accordés évolue de façon positive. Mais
cette hausse est plus importante chez les groupes à statut actionnarial.
Comme précédemment, nous renforçons l’analyse des comparaisons de moyennes selon
le statut et la situation géographique par une analyse économétrique. Nous nous ap-
puyons pour cela sur les régressions suivantes :
t_zscore08 = constante + 10,37 coopi + ∑ ßpDip + εi (équation 4 du tableau 2) (1,78)
t_loans08 = constante - 14,62 coopi + ∑ ßpDip + εi (équation 7 du tableau 2) (-2,1)
ROE06-07 = constante - 9,4 coopi + ∑ ßpDip + εi (équation 13 du tableau 2) (2,34)
ROE06-08 = constante + 5,83 coopi + ∑ ßpDip + εi (équation 14 du tableau 2) (0,46)
ROE08 = constante + 13 coopi + ∑ ßpDip + εi (équation 11 du tableau 2) (1,46)
En se focalisant sur la variation du zscore entre 2006 et 2008 selon le statut et le pays, on
constate qu’à l’exception de ceux implantés au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Portugal
les groupes à statut coopératif ont enregistré une dégradation de leur indicateur. Cependant,
cette dégradation n’a été supérieure à celle subie par les groupes à statut actionnarial qu’en
Italie et en Autriche. Ceci signifie que les groupes à statut coopératif ont fait preuve de plus
de résistance en matière de contribution à la stabilité financière, sauf en Italie et en Autriche
(Tableau 3). Cela se confirme au travers de l’analyse économétrique puisque le coefficient
affecté à la variation du zscore est positif et significatif.
Toujours en période de crise, et plus particulièrement en 2008, on constate que tous les
groupes à statut actionnarial ont subi une baisse drastique de leur rentabilité par rapport à
...216... L’étonnant pouvoir des coopératives
9. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page217
celle réalisée en 2006, puis sur la période 2006-2007. Au Portugal, aux Pays-Bas et aux
États-Unis, les groupes à statut coopératif ont enregistré une amélioration de leur
indicateur de performance financière. De plus, hormis au Canada, en Finlande, au
Royaume-Uni et en Italie, les groupes à statut coopératif ont certes vu leur rentabilité
évoluer de façon négative, mais dans de moindres proportions que les groupes à statut
actionnarial. Ceci montre que les groupes à statut coopératif ont fait preuve d’une plus
grande résistance à la crise en parvenant à maîtriser leur performance financière
(Tableau 3). Nous en avons de nouveau la confirmation par le biais de l’analyse éco-
nométrique où le coefficient, de négatif et significatif sur la période 2006-2007 passe à
positif mais non significatif en 2008.
Concernant la contribution au financement de l’économie, on constate de façon
étonnante qu'elle est en forte croissance en moyenne pour l'ensemble des banques :
seules 20 % d’entre elles diminuent leurs prêts sur 2006-2008. Le taux de croissance de
ceux-ci est de 30 % sur 2006-2010 en moyenne. On peut penser que c'est l'effet des
politiques de soutien des banques par les autorités de tutelle. Globalement, l'évolution
des prêts a été significativement moins forte pour les coopératives de 2006 à 2008, mais
selon les pays la situation est contrastée : on note qu’à l’exception du Royaume-Uni, tous
les groupes à statut coopératif ont une évolution positive de leur volume de prêts
octroyés en 2006 et 2008. Cependant, cette variation n’est supérieure à celles des
groupes à statut actionnarial qu’en Autriche, en Finlande, aux Pays-Bas et aux États-Unis
(Tableau 3). Cette moindre performance en termes de variation de volume de prêts
accordés se retrouve dans la régression où le coefficient est négatif et significatif.
Les groupes à statut coopératif, en contrôlant le pays, ont donc montré plus de résis-
tance en période de crise que les groupes à statut actionnarial. Il convient alors de voir
quel a été le comportement en termes de résilience selon le statut et le pays en période
post-crise.
Les banques SA semblent avoir été plus résilientes à la crise financière
que les banques coopératives
L’analyse se fonde ici encore sur les comparaisons de moyennes entre pays et selon le
statut des banques. Le comportement des banques coopératives est analysé à travers
l'estimation du coefficient de la variable dummy coop dans les équations économétriques
suivantes :
t2_zscore = constante + 15,91 coopi + ∑ βpDip + εi (équation 5 du tableau 2) (0,63)
t2_loans = constante + 8,43 coopi + ∑ βpDip + εi (équation 9 du tableau 2) (0,68)
ROE09-10 = constante + 6,61 coopi + ∑ βpDip + εi (équation 15 du tableau 2) (0,99)
L’étonnant pouvoir des coopératives ...217...
10. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page218
Le coefficient de la variable coopérative n'étant pas significatif, on ne peut conclure que
les banques coopératives et les banques-SA se différencient par leur capacité à surmonter
la crise. Cependant, à nouveau, la situation est contrastée entre les pays, ce qui apparaît
à travers les comparaisons de moyennes.
L’étude de la capacité à faire preuve de résilience s’appuie sur les variations des indi-
cateurs entre 2008 et 2010, mis à part l’analyse de la performance financière où, de
nouveau, nous décomposons l’année 2008 et la période 2009-2010. On s’intéresse en
premier lieu à l’évolution du zscore. On constate que les groupes à statut coopératif
situés en Espagne, Italie et au Portugal ont subi une dégradation de leur zscore. De plus,
seuls ceux situés au Canada, en Finlande, en France et aux Pays-Bas ont accusé une
variation du zscore supérieure à celle des groupes à statut actionnarial (Tableau 3). Il
apparaît donc qu’en moyenne, les groupes à statut actionnarial font preuve de plus de
résilience en période post-crise en termes d’apport en stabilité financière, ce qui se
concrétise par des taux de variation positifs très élevés. Il faut cependant remarquer qu'il
est normal que les banques coopératives rebondissent moins fortement, puisque leur
situation s’était moins dégradée dans l'année qui a suivi le déclenchement de la crise.
Pour autant, au vu des chiffres de 2010, il apparaît que les banques SA dans cette
deuxième période font plus que compenser la détérioration initiale de leur situation et
comblent en partie leur retard vis-à-vis des banques coopératives.
La performance financière annuelle de tous les groupes à statut actionnarial situés en
Autriche, au Canada, en Espagne, au Portugal et aux États-Unis s’améliore fortement en
période post-crise par rapport aux rentabilités réalisées en 2008. Cependant, celle des
autres groupes à statut coopératif s’améliore également dans des proportions diverses.
Ainsi, seuls ceux situés en Allemagne, en Finlande, en France, aux Pays-Bas, au Royaume-
Uni et aux États-Unis présentent une rentabilité supérieure à celle enregistrée par leurs
homologues à statut actionnarial (Tableau 3). On constate aussi, dans de nombreux pays,
une plus grande capacité de résilience des groupes à statut actionnarial en termes de
performance financière, même si, de nouveau, cela ne se vérifie pas via la régression
menée car le coefficient estimé n’est pas significatif.
Enfin, après avoir montré des signes de faiblesse sur la contribution au financement de
l’économie en période de crise, il semblerait que les groupes à statut coopératif tendent
à inverser la tendance. En effet, ceux situés en Allemagne, Autriche et au Royaume-Uni
enregistrent une variation négative de leur volume de prêts entre 2008 et 2010. Au
Portugal, l’évolution est positive mais est inférieure à celle des groupes à statut
actionnarial. Mais tous les groupes à statut coopératif situés dans les autres pays
présentent un taux de variation de volume de prêts supérieur à celui des banques à statut
actionnarial (Tableau 3). La résilience des groupes à statut coopératif en qualité de
...218... L’étonnant pouvoir des coopératives
11. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page219
contributeur au financement de l’économie en période post-crise serait alors plus forte.
Mais comme précédemment, cette conclusion ne peut être tirée que par le biais des
comparaisons de moyennes par pays, le coefficient issu de la régression n’étant pas
significatif.
Globalement, on peut admettre qu’en période post-crise, au travers de la comparaison
des moyennes par pays, les groupes à statut actionnarial font preuve de plus de résilience
que les groupes à statut coopératif. Certes ces derniers ont su rebondir en accentuant
leur offre de prêts ; mais les groupes à statut actionnarial ont montré plus de capacité à
redresser les indicateurs qui s’étaient fortement dégradés en période de crise, parvenant
ainsi à combler l’important retard sur les groupes à statut coopératif.
Conclusion
Qu'ils soient à statut coopératif ou à statut actionnarial, tous les groupes bancaires ont
été touchés par la crise dans des proportions diverses. Il s’avère cependant qu’avant le
début de la crise, les groupes à statut coopératif semblaient mieux armés pour y résister.
Plus fortement capitalisés, présentant des niveaux de contribution à la stabilité plus
élevés que ceux des groupes à statut actionnarial, ils présentaient des avantages laissant
bien augurer de leur aptitude à y faire face. L’analyse descriptive et économétrique nous
a permis de confirmer cette hypothèse. Quelle que soit la période étudiée, les groupes à
statut coopératif affichent un zscore significativement plus élevé que les groupes à statut
actionnarial. Au cours de la crise, les groupes à statut coopératif ont fait preuve de
résistance en affichant des évolutions de ratio positives ou négatives mais dans de
moindres proportions que les groupes à statut actionnarial. Mais en période post-crise,
les groupes à statut actionnarial semblent avoir fait preuve de plus de résilience. Leurs
indicateurs qui s’étaient fortement dégradés en période de crise ont connu un
redressement stupéfiant ; ils sont parvenus à combler le retard qui s’était creusé par
rapport aux groupes à statut coopératif, même s’ils restent encore en deçà. Mais en dépit
de l’infériorité qui demeure sur certains indicateurs, c’est surtout la capacité de résilience
qui est marquante. Les banques à statut actionnarial se sont fait renflouer par les États,
au même titre certes que les banques à statut coopératif. Mais il est possible qu’elles
aient su en profiter pour entamer une profonde restructuration qui leur a permis de
redresser leurs indicateurs et rattraper leur retard. À l’issue de ce papier, beaucoup de
points seront intéressants à approfondir ; notamment l’étude des facteurs expliquant les
différences de comportement entre les banques à statut coopératif et actionnarial,
notamment ceux qui relèvent de l'organisation et de la gouvernance des groupes.
L’étonnant pouvoir des coopératives ...219...
12. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:41 Page220
Tableau 1 : Analyse descriptive globale avec GSC : Groupes à Statut Coopératif
et GSA : Groupes à Statut Actionnarial
...220... L’étonnant pouvoir des coopératives
13. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:42 Page221
Tableau 2 : Résultats des régressions menées
Indicateur de résistancei = constante + α coopi + ∑ βpDip + εi, où coopi est une
variable dummy qui prend la valeur 1 si la banque i est une coopérative.
L’indicateur de résistance figure dans la ligne « variable expliquée ».
L’étonnant pouvoir des coopératives ...221...
14. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:42 Page222
Tableau 3 : Évolution des indicateurs par pays.
...222... L’étonnant pouvoir des coopératives
15. 14-Lemzeri_Mise en page 1 12-09-05 13:42 Page223
Tableau 3 : suite
L’étonnant pouvoir des coopératives ...223...