1. COMITE D’EXPERTS SUR LE TERRORISME (CODEXTER)
PROFILS NATIONAUX RELATIFS A LA CAPACITE
DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME
TTUURRQQUUIIEE
June 2006 wwwwww.coe.int/gmtww.coe.int/gmtww.coe.int/gmtww.coe.int/gmt
PPOOLLIITTIIQQUUEE NNAATTIIOONNAALLEE
Le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau
pour la Turquie qui a malheureusement fait
l’expérience de l’une des luttes les plus longues et
mortelles contre le terrorisme en Europe, plus
particulièrement contre le ASALA, le PKK et le
KADEK/KONGRAGEL, mais également contre de
nombreux groupes terroristes.
Depuis 1970 jusqu’au milieu des années quatre
vingt, des diplomates turcs furent victimes
d’attaques systématiques perpétrées par le ASALA
et d’autres organisations semblables ayant les
mêmes inspirations. Depuis 1984, la Turquie a dû
faire face à une forme de terrorisme séparatiste,
mortel et cruel, ayant causé la mort de plus de
30.000 personnes, majoritairement des civils.
Depuis des années, dans la lutte contre le
terrorisme à l’intérieur de ses frontières, la
Turquie a adopté un grand nombre de mesures
législatives et administratives, notamment la loi
sur l’état d’urgence et la loi anti-terreur. Elle a dû
déclarer l’état d’urgence dans les régions les plus
touchées par le terrorisme séparatiste. L’état
d’urgence, levé en 2002, avait comme objectif de
prévenir et de mettre fin à la violence terroriste et
empêcher, également, l’enrôlement - et, plus
particulièrement, celui des jeunes - au PKK. Par
conséquent, il n’est pas étonnant que la Turquie
soit devenue l’un des principaux pays ayant
développé une législation anti-terroriste
comportant une définition précise du terrorisme.
La Turquie est convaincue que les lois anti-
terroristes et les dispositions du code pénal sont
importantes dans la lutte contre le terrorisme,
assurant la protection des vies humaines, ainsi
que des biens dans un cadre de légalité et de ce
point de vue garantissant l’observation et le
respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales. De telles dispositions ont des
incidences significatives, également du point de
vue de la coopération internationale en général et
de la pratique des extraditions en particulier.
Les actes de terrorisme sont des infractions
réprimées par le code pénal. Dans le cadre de tels
actes, la distinction entre infractions terroristes et
infractions ordinaires constitue un problème
important. Un moyen de qualifier un acte
terroriste est de définir son contenu. Si le
terrorisme n’est pas un acte isolé de violence
dénué de tout sens, il poursuit un objectif précis.
En réalité, il peut avoir plusieurs objectifs, dont le
principal consiste à terroriser. Par ses différentes
méthodes opérationnelles, le terrorisme vise à
s’emparer du pouvoir, à le déstabiliser, à contrôler
les groupes cibles, à créer une polarisation et une
radicalisation au sein du public, à provoquer une
répression, à perturber le fonctionnement
institutionnel, à immobiliser l’appareil de sécurité,
à détériorer les institutions démocratiques, à
imposer une domination etc.
La Turquie a développé une législation à part et
des dispositions séparées dans le cadre du Code
Pénal et du Code de Procédure Pénale. A la
lumière de ces dispositions, un acte de terrorisme
est défini selon les objectifs poursuivis, sa nature,
ses intentions, ses modes opératoires et ses
conséquences. Par conséquent, comparées à des
actes semblables, des peines plus sévères ont été
introduites pour les actes terroristes.
Bien que le terrorisme ne soit pas un phénomène
nouveau, le 11 septembre constitue un tournant
dans la perception de celui-ci. La Turquie a
également contribué activement aux efforts
internationaux consistant à éradiquer ce
phénomène. Elle estime qu’il y a un besoin urgent
de solidarité et de coopération internationale afin
de gagner du terrain dans la lutte contre le
terrorisme. En vue de cet objectif, la Turquie
soutient pleinement les dispositions des
Conventions Internationales et les Résolutions de
l’ONU. En l’absence d’une Convention globale et
étendue contre le terrorisme, la Turquie accueille
avec satisfaction l’adoption de la Résolution 1373
du Conseil de Sécurité qui constitue une base
solide et de large portée pour combattre le
terrorisme à l’échelle mondiale. La Turquie est
parmi les premiers pays à avoir adopté les 12
Conventions Internationales concernant la lutte
2. 2
contre le terrorisme1
. La Turquie a également
conclu plus de 66 accords de coopération
bilatéraux et multilatéraux contre le terrorisme,
les crimes organisés et le trafic de la drogue.
Selon la Turquie, vu sa nature, le terrorisme doit
être assimilé à un crime contre l’humanité. Par
dessus tout, le terrorisme viole le droit à la vie, le
droit le plus fondamental. Créant un climat de
frayeur, le terrorisme viole également le droit de
tout individu à vivre en paix. Les Gouvernements
ont l’obligation de protéger leurs citoyens de ce
fléau. A la lumière de cette obligation, les
Gouvernements devraient observer un équilibre
entre leur obligation de protection des citoyens du
terrorisme et leur devoir consistant à sauvegarder
les principes des droits de l’homme et libertés
fondamentales, ainsi que la démocratie et le droit.
Dans cet esprit, alors que la Turquie s’efforce
d’éliminer la menace du terrorisme, elle est
soucieuse du respect des droits et libertés
fondamentales de l’homme. La Turquie estime
que la lutte contre le terrorisme ne peut être une
excuse pour déroger aux principes fondamentaux
des droits de l’homme et considère qu’elle doit
être menée conformément aux règles nationales
et internationales. La Turquie estime également
que toute action consistant à prévenir ou à punir
un acte terroriste ne doit pas revêtir un caractère
discriminatoire à l’égard des groupes ethniques ou
religieux, et ne doit pas être dirigée contre une
communauté ethnique ou religieuse. Dans cet
esprit, la Turquie, même aux moments les plus
tragiques du terrorisme, n’a pas hésité à
poursuivre ses efforts pour renforcer les garanties
juridiques nécessaires contre les violations des
droits de l’homme.
CCAADDRREE JJUURRIIDDIIQQUUEE
Droit pénal
Les principales dispositions légales en matière de
terrorisme sont contenues dans la loi (no. 3713)
relative à la lutte contre le terrorisme du 12 avril
1991 et le Code Pénal Turc (no. 765) du 1er
mars
1926. Il convient de souligner que des
dispositions analogues figurent dans le Nouveau
Code Pénal Turc (no. 5237) adopté le 26
septembre 2004 et entré en vigueur le 1er
juin
2005. Cependant d’autres législations pertinentes
contiennent également des dispositions en vue de
lutter contre le terrorisme.
1) La loi relative à la lutte contre le
terrorisme et les dispositions du
1
La Turquie a signé la Convention internationale pour la
répression des actes de terrorisme nucléaire le 14 septembre
2005 et sa ratification est en cours.
Code Pénal Turc également reprise
dans le Nouveau Code Pénal (NCP)
Avec l’article premier de la loi numéro 3713, une
définition du terrorisme a, pour la première fois,
été introduite en droit turc. L’article 1 alinéa 1 de
ladite loi retient trois critères principaux pour
qu’un acte puisse être qualifié d’acte terroriste.
Le premier critère de la définition se rattache au
mode opératoire : La loi considère comme
méthodes constitutives de l’infraction, celles qui
sont caractérisées par la contrainte, la violence, la
terreur, l’intimidation et la menace.
Le second critère est relatif aux buts poursuivis
par l’acte. Ces buts sont énumérés dans ledit
article. Ainsi il s’agit :
- de tout acte ayant pour objet de porter atteinte
aux caractères fondamentaux de la République
tels que déterminés par la Constitution, ainsi qu’à
l’ordre politique, juridique, laïque et économique ;
- de tout acte ayant pour objet de porter atteinte
à l’intégrité du territoire et de la nation, ainsi que
de tout acte ayant pour objet de mettre en
danger l’existence de la République de Turquie ;
- de tout acte ayant pour objet de porter atteinte
ou d’affaiblir l’autorité étatique ;
- de tout acte ayant pour objet d’anéantir les
droits et libertés fondamentaux ;
- de tout acte ayant pour objet de porter atteinte
à la sûreté interne et internationale, à l’ordre
public ou à la santé publique.
Enfin, selon le dernier critère, pour qu’un acte
puisse être qualifié d’acte terroriste, il faut qu’il ait
été commis par une personne ou des personnes
appartenant à une organisation.
L’article 1 alinéa 2 de la loi numéro 3713 définit
l’organisation comme étant « le groupement de
deux ou plusieurs personnes afin de commettre
un acte défini par le premier alinéa dudit article ».
L’article 2 de la loi numéro 3713 définit le membre
de l’organisation comme une personne
appartenant à une organisation remplissant les
conditions énumérées à l’article 1. En vertu de
l’alinéa 2, les personnes non membres de
l’organisation ayant participé activement à la
réalisation de ses buts sont également
considérées comme des auteurs d’actes
terroristes.
L’article 3 de la loi fait un renvoi au chapitre du
Code Pénal Turc (CPT) intitulé « les délits commis
contre l’Etat » (remplacé par le titre « les délits
commis contre la sécurité de l’Etat » dans le NCP)
et précise que les actes énumérés dans les
3. 3
articles 125, 131, 146, 147, 148, 149, 156, 168,
171 et 172 dudit code2
sont des actes de
terrorisme.
Les articles du Code Pénal ci-dessus mentionnés
concernent les crimes commis contre le territoire
et la souveraineté de l’Etat3
, la destruction des
installations militaires4
, crimes commis contre
l’ordre constitutionnel et contre le bon
fonctionnement de l’organe législatif5
, les actes
ayant pour objet de renverser ou de porter
atteinte au bon fonctionnement du Conseil des
Ministres6
, les actes consistant à enrôler ou à
armer les citoyens turcs en Turquie sans
l’autorisation du Gouvernement7
, l’incitation à la
révolte contre le Gouvernement ou à l’homicide8
,
les actes consistant à assassiner ou à tenter
d’assassiner le Président de la République9
, la
formation d’organisation ou de bande armées10
, la
conspiration contre la sûreté étatique11
, l’incitation
à commettre l’un des crimes défini par les articles
125, 131, 146, 147, 149 et 156 du code pénal.
L’article 172 du CPT n’a pas été repris par le NCP.
De la même façon, l’article 4 de la loi numéro
3713 affirme que les actes mentionnés dans les
articles 145, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 157 et
169 du code pénal ainsi que les articles 384 et
499 alinéa 212
sont considérés comme des actes
terroristes lorsqu’ils ont été commis dans le cadre
des critères définis à l’article 1 de la loi numéro
3713.
Les articles du Code Pénal auxquels l’article 4 de
la loi numéro 3713 fait référence concernent les
actes consistant à fournir des armes et munitions
aux groupes de malfaiteurs13
, la non observation
du devoir d’informer le Gouvernement d’une
conspiration14
, l’usurpation du commandement
militaire15
, les actes consistant à inciter les soldats
et la police à la désobéissance16
, l’incitation des
citoyens à commettre des délits contre les forces
de l’ordre17
, les actes consistant à faire des
publications de nature à inciter la population à
2
Les articles correspondants dans le NCP sont les articles
302, 307, 309, 311, 320, 214, 313, 310, 314 et l’article 316.
3
Article 125 du CPT, article 302 du NCP.
4
Article 131 du CPT, article 307 du NCP.
5
Article 146 du CPT, articles 309 et 311 du NCP.
6
Article 147 du CPT, article 312 du NCP.
7
Article 148 du CPT, article 320 du NCP.
8
Article 149 du CPT, article 214 et 313 du NCP.
9
Article 156 du CPT, article 310 du NCP.
10
Article 168 du CPT, article 314 du NCP.
11
Article 171 du CPT, article 316 du NCP.
12
Les articles correspondant du NCP : 300, 315, 317, 265,
318, 310, 220, 315 - les articles abrogés de l’Ancien Code
Pénal par le Nouveau Code Pénal : 151, 154, 499/2.
13
Article 150 du CPT, article 315 du NCP.
14
Article 151 du CPT non repris par le NCP.
15
Article 152 du CPT, article 317 du NCP.
16
Article 153 du CPT, article 265 et 329 du NCP.
17
Article 154, abrogé par le NCP.
violer la loi ou à mettre en danger la sûreté ou à
inciter les gens à refuser de faire leur service
militaire18
, les attentats organisés contre le
Président de la République19
, à l’exception des cas
définis aux articles 64 et 65, les actes consistant à
donner refuge, assistance ou provisions, à fournir
des armes ou des munitions à une organisation ou
bande armée en ayant conscience des buts
poursuivis par celles-ci20
, le détournement d’avion
ou le fait d’empêcher le départ et l’arrivée des
moyens de transport21
, enfin les actes de prise
d’otage22
.
Par ailleurs, l’article 5 de la loi numéro 3713
prévoit des peines aggravées pour tout acte
commis tels que définis dans les articles ci-dessus.
Composée de 33 articles au total, la loi numéro
3713 contient également diverses dispositions
quant à la procédure, l’exécution des peines, la
remise en liberté conditionnelle ou encore l’aide
apportée aux victimes du terrorisme.
2) Autres législations pertinentes
Mise à part la loi relative à la lutte contre le
terrorisme et les dispositions du Code Pénal Turc,
les lois suivantes ont été adoptées afin de
renforcer la législation en la matière.
a. La loi relative à la lutte contre les
organisations à but illicite
La Loi no. 4422 relative à la lutte contre les
organisations à but illicite a été adoptée le 30
juillet 1999.
L’article 1 de ladite loi énumère les situations dans
lesquelles une organisation sera considérée avoir
un but illicite, et fixe les peines applicables.
b. La loi relative à l’état d’urgence
La loi relative à l’état d’urgence ou la loi numéro
2935 a été adoptée le 25 octobre 1983. Elle
prévoit la mise en œuvre de l’état d’urgence.
Selon l’article 1 (a), la loi est mise en œuvre en
cas de catastrophe naturelle, d’épidémie ou de
crise économique. L’alinéa (b) affirme que lorsqu’il
existe des présomptions importantes quant à la
présence d’actes de violence commis en vue de
supprimer la démocratie, les droits et libertés
fondamentaux, et que l’ordre public est
gravement troublé, la loi en question sera
également applicable.
18
Article 155 du CPT, article 318 du NCP.
19
Article 157 du CPT, article 310 du NCP.
20
Article 169 du CPT, articles 220 et 315 du NCP.
21
Article 384 du CPT, article 223 du NCP.
22
Article 499/2 du CPT, non repris par le NCP.
4. 4
L’état d’urgence qui avait été auparavant
proclamé dans certains départements après un
rétrécissement progressif de son application
territoriale a été définitivement levé le 19 juin
2002 suite à la demande du Conseil des Ministres
et au vote du Parlement.
c. La loi contre le blanchiment d’argent
La Loi no. 4208 contre le blanchiment de l’argent,
a été adoptée le 13 novembre 1996. Selon cette
loi, les infractions de blanchiment d’argent sont
des délits préalables aux actes de terrorisme
contre l’Etat.
d. La loi relative à l’indemnisation des
dommages résultant du terrorisme ou
de la lutte contre le terrorisme
La Loi no. 5233 relative à l’indemnisation des
dommages résultant du terrorisme ou de la lutte
contre le terrorisme a été adoptée le 17 juillet
2004.
Selon l’article 1, la loi vise essentiellement à
mettre en place les règles et les procédures
applicables concernant l’indemnisation des
dommages corporels, matériels et ceux découlant
de l’impossibilité du retour aux villages dévastés,
causés par des activités terroristes ou survenus
lors de la lutte contre le terrorisme. Selon l’article
2, le champ d’application de la loi couvre les actes
définis aux articles 1, 3 et 4 de la loi relative à la
lutte contre le terrorisme. La loi ne couvre pas les
dommages qui peuvent être couverts par l’Etat en
échange de terrain ou d’habitation, les dommages
qui seront couverts conformément aux articles 30
et 31 de la loi numéro 4353, les
dédommagements réalisés conformément à
l’article 41 de la Convention Européenne des
Droits de l’Homme ou encore les règlements à
l’amiable conclus dans le cadre de la Convention,
les dommages émanant d’actes autres que le
terrorisme, les dommages liés à des agissements
individuels.
e. La loi sur la réinsertion
La Loi no. 4959 sur la réinsertion à la société du
29 juillet 2003 a pour objectif principal la
réintégration des membres d’organisation
terroriste à la société en vue de renforcer la paix
et la solidarité sociales.
Cette loi s’applique aux membres d’organisations
terroristes qui se rendent sans résistance armé
aux autorités soit directement de leur propre
initiative, soit par le biais d’intermédiaires, ceux
qui peuvent être considérés comme ayant quitté
l’organisation terroriste ou ceux qui ont été
arrêtés, qu’ils aient ou non participé aux actes
terroristes. De même, la loi s’applique également
aux personnes qui, quoique conscientes des buts
poursuivis par l’organisation terroriste, lui ont
fourni refuge, aliments, armes ou munitions, ou
tout autre assistance.
La loi renvoie au code pénal et à la loi relative à la
lutte contre le terrorisme quant à la définition des
actes de terrorisme. L’un des apports principaux
de la loi réside dans le fait qu’elle permet une
réduction des peines encourues lorsque les
personnes qui souhaitent bénéficier de ladite loi
donnent des informations et documents pertinents
quant aux structures et activités de l’organisation
terroriste. Par ailleurs, la loi met en place une
obligation de protection de ces personnes, mise à
la charge du Ministère de l’Intérieur qui doit
assurer toutes mesures de sécurité aux personnes
ayant acceptées de bénéficier de ladite loi.
Règles procédurales
1) Les juridictions compétentes
En Turquie, avant la suppression des Cours de
Sûreté de l’Etat en 2004, les personnes
suspectées d’avoir commis des infractions
terroristes étaient jugées selon les procédures
ordinaires prévues dans le Code de Procédure
Pénale et les procédures spéciales prévues dans la
loi relative aux Cours de Sûreté de l’Etat. En effet,
selon l’article 9 de la loi relative à la lutte contre le
terrorisme, les Cours de Sûreté de l’Etat étaient
compétentes pour connaître les affaires relatives
aux actes de terrorisme.
Les Cours de Sûreté de l’Etat ont été instaurées
par la loi n° 1773 du 11 juillet 1973,
conformément à l’article 136 de la Constitution de
1961. Cette loi fut annulée par la Cour
Constitutionnelle le 15 juin 1976. Par la suite, ces
juridictions furent réintroduites dans l’organisation
judiciaire turque par l’article 143 de la Constitution
de 1982.
Dans le cadre des réformes législatives
intervenues en Turquie et suite à la révision
constitutionnelle du 7 mai 2004, l’article 143 de la
Constitution relative aux Cours de Sûreté de l’Etat
fut supprimé, abrogeant de ce fait la loi numéro
2845 du 16 juin 1983 réglementant la création et
la procédure devant lesdites juridictions. Ainsi, il
est mis fin à l’existence des Cours de Sûreté de
l’Etat en Turquie.
De même, la Loi no. 5190 du 16 juin 2004 relative
à la modification du Code de Procédure Pénal
Turc et à l’abolition des Cour de Sûreté de l’Etat
5. 5
dispose, à l’article 394/a, que les infractions
prévues aux articles 125 à 139, 146 à 157, 168,
169, 171, 172 et 403 du Code pénal, les
infractions qui selon l’article 120 de la Constitution
ont été perpétrées dans les régions relevant de
l’état d’urgence, les infractions définies comme
crimes terroristes par la loi relative à la lutte
contre le terrorisme, ainsi que les infractions
définies dans le cadre de la loi relative à la lutte
contre les organisations à but illicite, relèvent
dorénavant de la juridiction des Cours Criminelles.
Naturellement, le pourvoi en cassation est prévu
pour tous les jugements rendus dans le cadre des
infractions terroristes à l’instar des infractions de
droit commun.
2) La procédure applicable
Avec l’abolition des Cours de Sûreté de l’Etat, les
personnes suspectées d’avoir commis des
infractions terroristes sont dorénavant jugées
devant les Cours Criminelles. Ces dernières sont
jugées selon la procédure ordinaire et se voient
donc appliquer l’ensemble des dispositions du
Code de Procédure Pénale visant les personnes
suspectées et accusées avant et pendant le
procès. Ainsi, qu’il s’agisse d’arrestation, de
poursuites et de jugements, de droits de la
défense ou de tout autre phase de la procédure, il
n’y a aucune disposition particulière en ce qui
concerne les procès concernant les infractions
terroristes, toutes les procédures en la matière se
déroulant conformément aux règles générales du
Code de Procédure Pénale.
3) Les méthodes d’enquête
Dans le cadre des affaires visant des infractions à
caractère terroriste, les règles ordinaires
communes à l’ensemble des instructions, telles
qu’elles sont définies dans le Code de Procédure
Pénale s’appliquent. En l’occurrence, les mesures
suivantes peuvent revêtir une importance
particulière :
- La garde à vue ne peut dépasser les 24
heures à partir du moment de la détention et
au bout de ces 24 heures l’intéressé doit
obligatoirement comparaître devant un juge.
- La détention provisoire est un principe
légalement prévu dans l’énoncé de l’article 19
de la Constitution de la République Turque de
1982 qui, après avoir énuméré les cas où une
personne peut être privée de sa liberté,
affirme que : « Les personnes contre
lesquelles existent de forts indices de
culpabilité ne peuvent être arrêtées qu'en
vertu d'une décision du juge et en vue
d'empêcher leur évasion ou la destruction ou
l'altération des preuves ou encore dans
d'autres cas prévus par la loi qui rendent
également leur détention nécessaire. Il ne
peut être procédé à aucune arrestation sans
décision judiciaire sauf en cas de flagrant délit
ou dans les cas où un retard serait
préjudiciable; les conditions en seront
indiquées par la loi ».
L’article 100 du Nouveau Code de Procédure
Pénale dispose que :
«La décision de détention provisoire peut être
prise à l’encontre du suspect ou de l’accusé si des
faits font ressortir de forts soupçons de culpabilité
et s’il y a des motifs de détention ».
Le même article précise que dans les cas suivants
on peut considérer qu’il y a un motif de
détention:
- En cas de fuite ou de dissimulation ou en cas
d’existence de faits concrets laissant
soupçonner que le suspect ou l’accusé
pourront s’enfuir.
- En cas de forts soupçons de destruction,
d’altération et de dissimulation des preuves,
- En cas de tentatives de pression sur les
témoins, les victimes ou autres.
Par rapport aux infractions terroristes dirigées
contre la sûreté de l’Etat et l’ordre constitutionnel,
le motif de détention pourra être considéré
comme existant, en cas de forts soupçons de
culpabilité.
Quant à la durée de la détention provisoire,
l’article 102 du NCPP dispose que :
«La durée maximale de la détention pour les
affaires ne relevant pas de la Cour Criminelle est
de six mois. Cette durée peut être prolongée par
décision motivée de quatre mois, lorsque cela
s’avère nécessaire.
Pour les affaires relevant de la Cour Criminelle, la
durée maximale de la détention est de deux ans.
Cette durée peut être prolongée jusqu’à trois ans
par décision motivée lorsque cela s’avère
nécessaire.
Lorsqu’une infraction terroriste est commise, selon
l’article 394/b de la loi numéro 5190 du 16 juin
2004, l’autorité compétente pour entreprendre les
investigations et les enquêtes requises est le
Procureur de la République. Les règles relatives à
l’investigation et à l’enquête sont déterminées par
la loi.
CCAADDRREE IINNSSTTIITTUUTTIIOONNNNEELL