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2010 
La gestion du stockage sous‐terrain des déchets nucléaires : 
Conception de scénarios pour la chaîne logistique 
Jérémy Di ZAZZO 
Michaël FERTIN 
      
30/06/2010 
 
Remerciements 
 
Nous souhaitons tout d’abord remercier M. Hoorelbeke, Adjoint au directeur des projets de l’Andra, 
et M. Jean‐Marie Krieguer, Chef du projet HA‐MAVL, pour nous avoir donné les moyens de mener 
nos investigations dans les meilleures conditions et pour s’être assurés de l’entière collaboration de 
toutes les parties prenantes, en interne à l’Andra, comme en externe auprès des différents acteurs 
de l’industrie nucléaire. 
 
Ensuite, nous tenons à exprimer toute notre gratitude à MM. François Engel et Grégory Rolina, nos 
conseillers à l’école des Mines de Paris, qui ont su nous faire prendre de la hauteur sur le sujet grâce 
à leur avis éclairés.  
 
Nous  remercions  également  Marie‐Hélène  Lagrange,  Fanny  Gérard,  Alain  Roulet  et  Bernard  Félix, 
pour leur disponibilité et leur encadrement durant notre période à plein temps à l’Andra.  
 
Merci aussi à Luis Aparicio, Christophe Baroux, Michel Colombert, Olivier Houdry, Louis Londe, Jean‐
Baptiste  Poisson,  Rodolphe  Raffard,  et  bien  d’autres  à  l’Andra,  pour  nous  avoir  permis  de  réunir 
l’ensemble des données techniques nécessaires à l’élaboration de cette étude. 
 
Merci à MM. Daniel Fulleringer et Olivier Ducos (CEA) pour la qualité de la visite qu’ils ont organisé 
pour nous le 07/05/2010 sur le site de Marcoule.  
 
Nous  tenons  enfin  à  remercier  MM.  Pierre  Chambrette  et  Laurent  Gagner  (Areva  NC/Recycling 
Business Unit), MM. Stéphane Béguin et Michel Bordier (EDF/Division Combustible Nucléaire) et M. 
Marc Olivier de l’Autorité de Sûreté Nucléaire pour les réponses qu’ils ont apporté à nos questions à 
l’occasion des entretiens que nous avons eu ensemble. 
 
 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 2 sur 109  
 
Résumé 
En France, deux kilogrammes de déchets radioactifs1
 sont produits par personne et par an. Parmi ces 
déchets, certains resteront nocifs pour l’homme et l’environnement pendant un million d’années. 
Ces  déchets  à  vie  longue  sont  actuellement  entreposés  dans  des  installations  de  surface  conçues 
pour durer une cinquantaine d’années.  
En 1991, le législateur créé l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’Andra. L’une 
de ses missions est de conduire les recherches visant à stocker les déchets radioactifs à vie longue en 
couche  géologique  profonde.  En  2006,  la  loi  confirme  le  stockage  réversible  profond  étudié  par 
l’Andra comme la solution de référence pour la gestion durable des déchets de haute et de moyenne 
activité à vie longue (HA‐MAVL). 
Notre travail de fin d’études a porté sur l’étude de scénarios d’acheminement des colis de déchets 
HA et MAVL depuis les entrepôts de surface jusqu’au futur stockage profond, dont la mise en service 
est prévue pour 2025. Ces scénarios incluent des étapes de manutention, de conditionnement, de 
contrôle et de transport des colis, le tout s’intégrant dans une véritable chaîne logistique de gestion 
des colis de déchets.  
La première complexité de cette problématique est de type combinatoire : une centaine de colis HA 
et MAVL différents entreposés sur quatre sites de production sont destinés à un stockage unique. 
L’ordonnancement  du  stockage  a  donc  été  un  élément  central  de  nos  travaux.  Les  scénarios  sur 
lesquels nous avons planchés précisent en outre pour chaque famille de déchets les flux de colis, les 
dates et les lieux associés à chacune des étapes de la chaîne logistique. 
D’autre  part,  l’élaboration  des  scénarios  de  gestion  des  colis  est  une  étude  multicritères  à  part 
entière. En effet, le projet de stockage réversible profond s’appuie sur les plans : 
• Scientifiques et  techniques  :  Des  équipements  de  haute  technologie  sont  nécessaires  à  la 
gestion des colis de haute et de moyenne activité, pour assurer la protection des travailleurs 
et du public durant toute la durée de vie des radionucléides présents dans les déchets. 
• Politiques : Expression d’une politique publique, le projet de stockage réversible profond est 
encadré, évalué et contrôlé par plusieurs institutions représentant la nation. L’implantation 
du futur stockage est également un enjeu de politique locale très sensible. 
• Economiques : La conception, l’exploitation et la fermeture d’installations d’entreposage et 
de  stockage  ont  un  coût  élevé  supportés  en  intégralité  par  les  producteurs  de  déchets 
radioactifs (CEA, EDF, Areva). 
Enfin,  l’élaboration  des  scénarios  de  gestion  des  colis  de  déchets  HA  et  MAVL  s’inscrit  dans  un 
environnement multi‐acteurs, et conditionne à la fois la conception du futur stockage ainsi que les 
opérations de gestion des colis sur les sites de production. Pour comprendre les responsabilités et le 
point de vue de chacune  des parties prenantes, nous avons rencontré des représentants du CEA, 
d’EDF, d’Areva et de l’Autorité de sûreté nucléaire.  
 
                                                            
1
 Site de l’Andra : www.andra.fr 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 3 sur 109  
Résumé 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 4 sur 109  
Pour répondre à la problématique, nous avons commencé par rencontrer les ingénieurs de l’Andra 
pour recueillir l’ensemble des données nécessaires à l’élaboration des scénarios de gestion des colis 
et pour définir les critères d’optimisation associés à chaque étape de la chaîne logistique.  
Nous  avons  ensuite  modélisé  mathématiquement  les  scénarios  d’entreposage  et  de  stockage  des 
colis  de  déchets  comme  des  déplacements  élémentaires  d’un  lieu  initial  à  un  lieu  final,  pouvant 
inclure une étape de transport et/ou de conditionnement. Dans la logique de l’ordonnancement, des 
dates et des flux sont associés à chaque déplacement élémentaire.  
Une première étude a alors été menée sur les colis de déchets vitrifiés de haute activité produits à la 
Hague. Bien que ne prenant en compte qu’un seul type de déchets, cette étude nous a conduits à 
élaborer  trois  scénarios  différents,  que  nous  avons  comparés  sur  un  plan  économique  grâce  aux 
données  récupérées  à  l’Andra.  Les  enjeux  sociopolitiques  et  de  sûreté  liés  à  cette  étude  sont 
toutefois encore à approfondir, notamment en intégrant des critères issus de la concertation avec les 
élus locaux et les associations. 
Nous avons ensuite mis en place une méthodologie pour réaliser des scénarios comportant plusieurs 
familles de déchets et plusieurs entrepôts initiaux. Cela nous a conduits à développer un logiciel de 
simulation et d’analyse des scénarios vis‐à‐vis des différents critères techniques, économiques ou de 
sûreté  que  nous  avions  définis.  Cette  méthodologie  a  alors  été  appliquée  pour  obtenir  deux 
scénarios répondant à des critères différents : limiter la création de nouveaux entrepôts ou réduire 
les risques sur la mise en route du stockage. 
Devant la difficulté de comparer des critères de natures différentes, nous nous sommes appliqués à 
décortiquer le processus décisionnel qui permettra d’aboutir au scénario retenu pour les premières 
années  de  l’exploitation  du  stockage  réversible  profond.  Nous  avons  mis  en  exergue  le  caractère 
collectif de l’élaboration des scénarios d’entreposage et de stockage, impliquant à la fois l’Andra et 
les producteurs de déchets. 
Notre exposé final s’est attaché à montrer la précocité (inattendue) des échéances liées à la décision 
des  premiers  colis  à  stocker  dès  2025.  Nous  avons  émis  deux  hypothèses  permettant  d’aboutir 
rapidement à une décision en cas de retard dans la concertation entre l’Andra et les producteurs de 
déchets :  
• La mise en place d’un arbitre, qui reste encore à définir. 
• La  prise  de  conscience  collective  de  l’urgence  des  échéances,  qui  permettrait  alors 
d’accélérer le processus en réduisant la complexité du problème.  
 
 
 
 
 
 
Table des Matières 
Remerciements ....................................................................................................................................... 2 
Résumé .................................................................................................................................................... 3 
Table des Illustrations ............................................................................................................................. 8 
Introduction ........................................................................................................................................... 10 
A/ Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires ........................................................................ 11 
1.  L’héritage de la politique énergétique française ...................................................................... 11 
L’époque des pionniers ................................................................................................................. 11 
L’âge d’or ....................................................................................................................................... 12 
La chute et la renaissance ............................................................................................................. 13 
2.  Le talon d’Achille de l’industrie nucléaire ................................................................................. 14 
Les filières de gestion françaises ................................................................................................... 14 
Les déchets de haute et de moyenne activité à vie longue .......................................................... 15 
L’épineuse question des déchets à vie longue .............................................................................. 17 
3.  Un enjeu de politique nationale et locale ................................................................................. 18 
L’encadrement législatif des trois axes de recherche ................................................................... 18 
La réconciliation des intérêts locaux et nationaux ........................................................................ 19 
L’introduction d’une exigence sociétale : la réversibilité .............................................................. 20 
B/ Le projet de stockage réversible profond ......................................................................................... 22 
1.  Un objet scientifique et technologique ..................................................................................... 22 
Un objectif de sûreté à long terme ............................................................................................... 22 
Une réflexion « à terminaison » .................................................................................................... 23 
Des équipements de haute technologie ....................................................................................... 24 
2.  Un projet encadré, évalué et contrôlé ...................................................................................... 25 
La tutelle administrative ................................................................................................................ 25 
L’évaluation scientifique ............................................................................................................... 26 
Le contrôle de l’Autorité de sûreté ............................................................................................... 27 
3.  Un enjeu financier majeur ......................................................................................................... 28 
Une nécessité technique et commerciale pour l’industrie ........................................................... 28 
Un exutoire attendu pour les déchets anciens ............................................................................. 28 
Une charge financière à provisionner ........................................................................................... 30 
C/ Les chroniques d’entreposage et de stockage ................................................................................. 32 
1.  Définition ................................................................................................................................... 32 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 5 sur 109  
Table des Matières 
2.  Chroniques et chaine logistique globale ................................................................................... 32 
Deux sujets liés .............................................................................................................................. 32 
Présentation de la chaine logistique globale et des critères associés .......................................... 33 
3.  Une première approche logistique globale ............................................................................... 39 
Eléments techniques pour la compréhension ............................................................................... 39 
Trois scénarios d’entreposage et de stockage .............................................................................. 40 
Résultats étape par étape ............................................................................................................. 41 
Synthèse ........................................................................................................................................ 43 
D/ Ordonnancement et amélioration des chroniques de stockage ...................................................... 45 
1.  Modélisation des chroniques .................................................................................................... 45 
2.  Méthodologie d’élaboration des chroniques ............................................................................ 45 
Contraintes .................................................................................................................................... 45 
Critère d’ordonnancement ............................................................................................................ 46 
Critères logistiques ........................................................................................................................ 46 
3.  Création d’un outil informatique pour la gestion des critères logistiques ............................... 48 
Etablissement d’un cahier des charges ......................................................................................... 48 
Fonctionnement de l’outil ............................................................................................................. 48 
4.  L’obtention puis l’organisation des données ............................................................................ 51 
Obtention des données ................................................................................................................. 51 
Organisation des données ............................................................................................................. 53 
5.  Application :  réalisation  de  deux  chroniques  pour  la  première  tranche  du  stockage 
(2025/2040) ....................................................................................................................................... 54 
Contexte ........................................................................................................................................ 54 
Chronique 1 : limiter la création de nouveaux entrepôts ............................................................. 54 
Chronique 2 : réduire les risques sur la mise en route du stockage ............................................. 56 
Une comparaison délicate ............................................................................................................. 58 
E/ La décision en environnement multi‐acteurs ................................................................................... 60 
1.  La nécessaire consolidation des données d’entrée .................................................................. 60 
Des incertitudes à lever ................................................................................................................. 60 
L’agrément des premiers colis à stocker ....................................................................................... 60 
2.  L’élaboration collective des chroniques d’entreposage et de stockage ................................... 61 
Une concertation qui doit s’accélérer ........................................................................................... 61 
Un planning serré .......................................................................................................................... 62 
3.  Un processus décisionnel encore incertain ............................................................................... 63 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 6 sur 109  
Table des Matières 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 7 sur 109  
Les risques inhérents à un retard .................................................................................................. 63 
Deux mécanismes décisionnels ..................................................................................................... 64 
Conclusion ............................................................................................................................................. 67 
Annexe 1 : Intitulé du travail d’option .................................................................................................. 69 
Annexe 2 : Document de synthèse des critères et des flux .................................................................. 71 
Annexe 3 : Données d’entrée pour les scénarios de gestion des CSD‐V ............................................... 76 
Annexe 4 : Code de l’Environnement .................................................................................................... 83 
Annexe 5 : Loi n°2006‐739 .................................................................................................................... 89 
Annexe 6 : Deux rapports de la Commission Nationale d’Evaluation ................................................... 92 
Annexe 7 : PNGMDR 2010‐2012 ........................................................................................................... 97 
Annexe 8 : Documentation utilisateur de notre outil informatique ................................................... 104 
 
 
 
Table des Illustrations 
Fig. 1 : Immersion de déchets radioactifs dans l’Atlantique (Andra, 2009) .......................................... 11 
Fig. 2 : Production d’électricité en France (RTE, 2009) ......................................................................... 12 
Fig. 3 : Les quatre générations de réacteurs nucléaires à l’uranium (EDF, 2009) ................................. 14 
Fig. 4 : La classification française des déchets radioactifs (Andra, 2009) ............................................. 15 
Fig. 5 : Vue aérienne du CSM ................................................................................................................ 15 
Fig. 6 : Vue intérieure du CSTFA ............................................................................................................ 15 
Fig. 7 : Vue intérieure du CSFMA ........................................................................................................... 15 
Fig. 8 : Répartition en volume des déchets HA et MAVL à fin 2007 (Inventaire National, 2009) ......... 16 
Fig. 9 : CSD‐V.......................................................................................................................................... 16 
Fig. 10 : CSD‐C ........................................................................................................................................ 16 
Fig. 11 : Colis de déchets cimentés........................................................................................................ 17 
Fig. 12 : Colis de déchets bitumés ......................................................................................................... 17 
Fig. 13 : Galeries souterraines du laboratoire de Bure (Andra, 2009) .................................................. 20 
Fig. 14 : Calendrier du projet HA‐MAVL (Andra, 2009) ......................................................................... 20 
Fig. 15 : Futures infrastructures du stockage réversible profond (Andra, 2009) .................................. 23 
Fig. 16 : Architecture souterraine du stockage à terminaison (Andra, 2009) ....................................... 24 
Fig. 17 : Mise en sur‐conteneur MAVL (Andra, 2009) ........................................................................... 25 
Fig. 18 : Alvéole de stockage MAVL (Andra, 2009) ................................................................................ 25 
Fig. 19 : Hotte de transfert HA (Andra, 2009) ....................................................................................... 25 
Fig. 20 : Scie pour saignées radiales (Andra,2009) ................................................................................ 25 
Fig. 21 : Organigramme de l’Andra ....................................................................................................... 26 
Fig. 22 : Les quatre sites d’entreposage de déchets HA‐MAVL (Andra, 2009) ...................................... 33 
Fig. 23 : Entrepôt de colis vitrifiés (CEA/Marcoule) .............................................................................. 34 
Fig. 24 : Casemate 14 (CEA/Marcoule) .................................................................................................. 34 
Fig. 25 : Emballages de transport de type B (Areva, 2009) ................................................................... 35 
Fig. 26 : Emballages de type IP2 ............................................................................................................ 36 
Fig. 27 : Colis de stockage pour colis C0 (Andra, 2009) ......................................................................... 36 
Fig. 28 : Colis de stockage pour fûts de bitume (Andra, 2009) ............................................................. 37 
Fig. 29 : Descenderie par camion (Andra, 2009) ................................................................................... 37 
Fig. 30 : Robot pousseur pour alvéole de stockage HA (Andra, 2009) .................................................. 38 
Fig. 31 : Alvéole de stockage MAVL (Andra, 2009) ................................................................................ 38 
Fig. 32 : Synoptique des trois scénarios CSD‐V explorés ....................................................................... 40 
Fig. 33 : Désentreposage des installations de La Hague ....................................................................... 41 
Fig. 34 : Construction, exploitation et démantèlement de l’entrepôt supplémentaire ....................... 41 
Fig. 35 : Stock de colis primaires dans l’entrepôt du scénario B ........................................................... 42 
Fig. 36 : Stock de colis primaires dans l’entrepôt du scénario C ........................................................... 43 
Fig. 37 : Construction des alvéoles de stockage .................................................................................... 43 
Fig. 38 : Synthèse des coûts actualisés .................................................................................................. 44 
Fig. 39 : Méthodologie d’élaboration des chroniques de stockage ...................................................... 45 
Fig. 40 : Synoptique de l’outil logiciel (1) .............................................................................................. 49 
Fig. 41 : Synoptique de l’outil logiciel (2) .............................................................................................. 50 
Fig. 42 : Synoptique de l’outil logiciel (3) .............................................................................................. 50 
Fig. 43 : Les fûts de bitume de Marcoule dans l’Inventaire National et le MID .................................... 52 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 8 sur 109 
Table des Illustrations 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 9 sur 109  
Fig. 44 : Schéma entités‐associations de notre base de données ......................................................... 53 
Fig. 45 : Scénario 1 (Chronique première tranche) ............................................................................... 55 
Fig. 46 : Flux de stockage journalier (scénario 1) .................................................................................. 55 
Fig. 47 : Nombre d’emballages de transport (scénario 1) ..................................................................... 56 
Fig. 48 : Scénario 2 (Chronique première tranche) ............................................................................... 57 
Fig. 49 : Flux de stockage journalier (scénario 1) .................................................................................. 58 
Fig. 50 : Echéances du projet HA‐MAVL ................................................................................................ 62 
 
Introduction 
Il y a 1,5 million d’années, l’Homo Habilis inventait la technique en créant les premiers outils. Il y a 
500 000  ans,  l’Homo  Erectus  réussissait  à  maîtriser  le  feu.  Telles  sont  les  échelles  de  temps  de 
l’évolution  humaine.  Il  y  a  50  ans,  l’Homo  Sapiens  Sapiens  français  créait  son  premier  déchet 
nucléaire  à  vie  longue,  dont  la  radioactivité  restera  dangereuse  pendant  au  moins  un  million 
d’années. 
 
De nos jours, les déchets de haute et de moyenne activité à vie longue (HA‐MAVL) sont entreposés 
dans des installations de surface conçues pour durer une cinquantaine d’années. Devant la nécessité 
de  « limiter  les  charges  qui  seront  supportées  par  les  générations  futures »2
,  il  est  apparu 
indispensable de rechercher des solutions de gestion à long terme pour les déchets radioactifs à vie 
longue. 
 
L’Agence  Nationale  pour  la  gestion  des  Déchets  Radioactifs  (Andra)  est  chargée  de  concevoir  un 
centre  de  stockage  en  couche  géologique  profonde  pour  isoler  les  déchets  HA  et  MAVL  de  la 
biosphère  pendant  le  million  d’années  nécessaires  à  la  décroissance  de  leur  radioactivité.  Notre 
travail de fin d’études aux Mines de Paris s’est inscrit dans ce projet à forts enjeux.  
 
Comme le précise son intitulé3
, notre étude concernait en effet la gestion opérationnelle des colis de 
déchets HA et MAVL depuis leur production jusqu’à leur stockage, avec l’objectif de « proposer des 
méthodes de modélisation et d’analyse des scénarios possibles de gestion des déchets et colis de 
déchets, et à en tester l’application sur des cas concrets. »  
 
La première partie de ce rapport présente l’ensemble du contexte concernant la gestion des déchets 
de haute et moyenne activité à vie longue (parties A et B). Nous présentons ensuite le cœur de notre 
travail sur les chroniques d’entreposage et de stockage (parties C et D) qui nous a amené à nous 
interroger sur le processus décisionnel de la chronique finale dans un environnement multi‐acteurs 
(partie E). 
                                                            
2
 Voir Annexe 4 : Code de l’Environnement 
3
 Voir Annexe 1 : Intitulé du travail d’option 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 10 sur 109 
 
A/ Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires4 
1. L’héritage de la politique énergétique française 
L’époque des pionniers 
Les premiers déchets radioactifs apparaissent en France dans les années 1930. Ce sont les sources de 
radium  utilisées  dans  les  hôpitaux  pour  soigner  le  cancer.  Les  premiers  déchets  nucléaires 
apparaissent  quant  à  eux  après  la  seconde  guerre  mondiale,  avec  la  création  du  Commissariat  à 
l’Energie Atomique (CEA), qui entame les premières recherches nucléaires françaises. 
 
La quantité de déchets radioactifs devient significative en France au cours des années 1950 et 1960, 
avec la fabrication d’armes atomiques et la construction des réacteurs électronucléaires de première 
génération, fonctionnant à l’uranium naturel. Le premier essai nucléaire est organisé en Algérie en 
1960 et la force de dissuasion nucléaire française devient opérationnelle en 1964, avec la première 
prise d’alerte d’un Mirage IV armé d’une bombe à fission. La première bombe à fusion explose en 
1968 et la flotte de sous‐marins nucléaires lanceurs d’engins est constituée à partir de 1971.  
 
A  cette  époque,  le  CEA  dispose  de  plusieurs  sites  dédiés  à  la  conception  de  la  bombe  atomique 
française.  Les  sites  de  Pierrelatte  (26)  et  de  Marcoule  (30)  produisent  respectivement  l’uranium 
hautement enrichi et le plutonium, qui servent à la fabrication des têtes nucléaires, assemblées sur le 
site  de  Valduc  (21).  Le  site  de  Marcoule,  avec  ses  trois  réacteurs  et  son  usine  de  traitement  des 
combustibles  usés,  est  le  premier  à  produire  des  déchets  nucléaires.  Les  premières  installations 
militaires de Pierrelatte et de Marcoule sont aujourd’hui en cours de démantèlement, car les stocks 
de  matières  fissiles  à  usage  militaires  sont  considérés  comme  suffisants  pour  les  besoins  de  la 
Défense Nationale. 
 
Au  début  des  années  1960,  le  stockage  des  déchets  radioactifs  n’est  pas  encore  une  solution 
éprouvée. Les déchets font néanmoins l’objet d’un conditionnement solide assurant le confinement 
des radionucléides et sont entreposés sur site, dans l’attente d’une solution satisfaisante. En 1967 et 
en 1969, la France participe toutefois à deux campagnes internationales d’immersion en Atlantique. 
Au total, 46 396 fûts de déchets de faible activité sont immergés à 4 000 mètres de profondeur. Cette 
pratique, initiée à titre expérimental par la France, a été arrêtée définitivement depuis la Convention 
de Londres (1982). 
 
Fig. 1 : Immersion de déchets radioactifs dans l’Atlantique (Andra, 2009) 
                                                            
4
 D’après l’ouvrage de cours Introduction au génie atomique, de Jacques Bouchard, Jean‐Paul Deffain et Alain 
Gouchet (Les Presses Mines ParisTech) 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 11 sur 109 
Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
 
Dans le civil, sept réacteurs de puissance fonctionnant à l’uranium naturel sont mis en service de 
1963 à 1972. Ils sont implantés sur les premières centrales nucléaires EDF à Chinon, Chooz, Saint‐
Laurent et Bugey. Cette première génération de réacteurs électronucléaires affiche des puissances 
comprises entre 70 et 540 MW, à comparer aux 900 MW, 1300 MW puis 1500 MW de la seconde 
génération de réacteurs. 
 
L’âge d’or 
En  1974,  le  premier  choc  pétrolier  conduit  le  gouvernement  français  à  lancer  un  ambitieux 
programme  électronucléaire.  Le  constructeur  américain  Westinghouse  cède  la  licence  de  ses 
Réacteurs  à  Eau  Pressurisée  (REP)  au  français  Framatome.  Eurodif,  la  première  usine  civile 
d’enrichissement  est  créée  à  Pierrelatte  pour  alimenter  la  seconde  génération  de  réacteurs, 
fonctionnant à l’uranium légèrement enrichi. En 20 ans seulement, 58 réacteurs sont construits sur 
19 centrales nucléaires. La France acquiert alors un taux d’indépendance énergétique proche de 50% 
et se positionne comme le second producteur mondial d’électricité d’origine nucléaire, derrière les 
Etats‐Unis. La filière connaît un essor remarquable et permet à EDF de se développer en Europe. 
 
 
Fig. 2 : Production d’électricité en France (RTE, 2009) 
 
En  1976,  l’Etat  crée  la  Compagnie  générale  des  matières  nucléaires,  la  Cogema,  spécialisée  dans 
l’approvisionnement en uranium et dans le traitement des combustibles usés. La Cogema exploite 
alors l’usine de La Hague, où sont traités les combustibles usés des réacteurs français et étrangers à 
une  échelle  industrielle.  Deux  nouvelles  lignes  de  séparation  des  matières  valorisables  et  de 
conditionnement  des  déchets  ultimes  y  sont  créées  au  début  des  années  1990  pour  répondre  à 
l’explosion de la demande.  
 
L’avantage du traitement est de permettre le recyclage des combustibles usés. Toutes les puissances 
nucléaires n’ont pas fait ce choix : aux Etats‐Unis par exemple, le combustible usé n’est pas valorisé, 
c’est  un  déchet  ultime  destiné  au  stockage.  L’usine  de  La  Hague  permet  de  récupérer  l’uranium 
restant  dans  le  combustible  ainsi  que  le  plutonium  apparu  au  cours  de  l’irradiation  en  réacteur. 
L’uranium de retraitement peut être ré‐enrichi pour former du combustible neuf. Le plutonium est 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 12 sur 109  
Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
envoyé à l’usine MELOX de Marcoule pour y être mélangé avec de l’uranium appauvri et donner du 
combustible recyclé MOX  (Mixed OXydes). Aujourd’hui, l’uranium de retraitement enrichi et le MOX 
alimentent  respectivement  4  et  21  réacteurs  nucléaires  EDF,  ce  qui  porte  à  17%  la  part  de 
combustible électronucléaire français provenant du recyclage. 
 
Le choix du traitement et du recyclage justifie le concept de « cycle du combustible nucléaire ». Cette 
politique  conditionne  également  la  définition  légale  des  déchets  radioactifs.  Selon  le  Code  de 
l’Environnement, les déchets radioactifs ultimes sont ceux qui « ne peuvent plus être traités dans les 
conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable 
ou  par  réduction  de  leur  caractère  polluant  ou  dangereux »5
.  La  sémantique  distingue  donc  les 
matières radioactives, l’uranium et le plutonium, des déchets radioactifs. 
 
La chute et la renaissance 
L’accident de la centrale américaine de Three Mile Island le 28 mars 1979 et l’explosion de la centrale 
ukrainienne de Tchernobyl le 26 avril 1986 portent un coup sévère au développement de la filière 
électronucléaire  durant  les  décennies  1980  et  1990.  Les  nombreuses  analyses  rétrospectives  ont 
toutefois  montré  que  l’accident  de  Tchernobyl  était  imputable  à  l’incompétence  flagrante  du 
personnel et à une série d’essais complètement hasardeux. Mais à l’époque, les 50 pertes directes, 
auxquelles viennent s’ajouter au moins 4 000 décès causés par les radiations et la contamination de 
l’environnement,  traumatisent  le  monde  entier.  La  plupart  des  pays,  dont  la  France,  gèlent  leur 
programme  nucléaire  et  certains  pays,  comme  l’Autriche  et  l’Italie,  décident  même  de  sortir  du 
nucléaire. 
 
C’est  l’imminence  d’une  autre  catastrophe  environnementale  qui  permet  à  l’industrie 
électronucléaire de rebondir au début des années 2000. Le changement climatique vient apporter un 
argument de poids aux « supporters du tout nucléaire » : c’est la seule source d’énergie sans carbone 
qui soit capable de se substituer aux énergies fossiles ! En effet, les énergies renouvelables ne seront 
pas suffisantes, car l’hydraulique est pratiquement exploitée au maximum de ses possibilités, tandis 
que l’éolien et le solaire forment une offre peu compétitive, irrégulière et insuffisante. 
 
En  2007,  le  chantier  du  premier  réacteur  de  troisième  génération,  de  technologie  EPR  (European 
Pressurized Reactor), est finalement lancé à Flamanville. La conception de ces nouveaux réacteurs 
n’est  pas  révolutionnaire,  mais  vise  à  capitaliser  l’expérience  acquise  avec  les  réacteurs  à  eau 
pressurisée, en vue d’assurer la relève d’un parc nucléaire vieillissant. Cependant, le programme EPR 
ayant pris au moins deux décennies de retard avec l’effet Tchernobyl, EDF envisage de prolonger la 
durée de vie des centrales actuelles au‐delà des quarante ans d’exploitation initialement prévus. 
 
La génération suivante de réacteurs fait déjà l’objet d’intenses recherches, coordonnées au sein du 
Forum International Génération IV. Un consensus semble s’établir autour des réacteurs à neutrons 
rapides pour constituer cette quatrième génération. En tout état de cause, il est certain que la fusion 
nucléaire ne pourra prendre la relève de la fission avant au moins un siècle, ce qui assure un bel 
avenir à la production des déchets nucléaires tels qu’on les connaît. 
 
                                                            
5
 Voir Annexe 4 : Code de l’Environnement 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 13 sur 109  
Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
 
Fig. 3 : Les quatre générations de réacteurs nucléaires à l’uranium (EDF, 2009) 
2. Le talon d’Achille de l’industrie nucléaire 
Les filières de gestion françaises 
La  France  a  adopté  une  classification  de  ses  déchets  radioactifs  basée  sur  deux  paramètres :  leur 
activité et leur période radioactive. En se désintégrant, les éléments radioactifs contenus dans les 
déchets  émettent  l’un  des  trois  types  de  rayonnements  dangereux,  classés  par  pouvoir  de 
pénétration croissant : alpha (noyaux d’hélium), béta (électrons ou positons) et gamma (photons de 
grande énergie). L’activité des éléments radioactifs s’exprime en becquerels (Bq), correspondant à 
un  nombre  de  désintégration  par  seconde.  Les  déchets  sont  considérés  de  faible  activité  jusqu’à 
100 000 Bq par gramme, soit 10 000 fois la radioactivité naturelle du granite, mais seulement 10 fois 
la radioactivité naturelle du minerai d’uranium. 
 
La gravité de l’exposition humaine à la radioactivité s’exprime en débit de dose, dont l’unité est le 
sievert (Sv). Pour un colis de déchets radioactifs, elle est non seulement fonction de l’activité du colis, 
mais aussi de la capacité de confinement de son conditionnement, de la distance du sujet exposé et 
de  la  durée  de  l’exposition.  Les  déchets  de  haute  activité  sont  par  exemple  transportés  dans  des 
emballages blindés qui abaissent le débit de dose au contact à un niveau très inférieur à celui de la 
radioactivité naturelle, estimée à 2,4 mSv par an et par personne. La réglementation européenne fixe 
la limite d’exposition artificielle du public à 1 mSv par an et celle des travailleurs du nucléaire à 20 
mSv par an. 
 
La période radioactive correspond au  temps  nécessaire pour que la quantité d’atomes radioactifs 
présents  dans  un  colis  de  déchets  se  soit  désintégrée  de  moitié.  La  période  varie  avec  les 
caractéristiques de chaque élément radioactif, dont la durée de vie vaut une dizaine de période. Par 
exemple, les déchets à vie courte ont une période radioactive inférieure à 31 ans et perdent toute 
trace  de  radioactivité  après  300  ans.  Ils  sont  stockés  par  l’Andra  dans  les  centres  de  stockage  de 
surface de l’Aube. A l’opposé, les déchets à vie longue peuvent rester dangereux pour l’homme et 
son environnement pendant des centaines de milliers d’années. La période radioactive du neptunium 
237 est ainsi supérieure à 2 millions d’années !  
 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 14 sur 109  
Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
  Vie très courte (VTC) 
Vie Courte 
(VC) 
Vie Longue 
(VL) 
Très Faible 
Activité (TFA) 
Déchets VTC 
(Entreposage de 
décroissance sur site) 
Déchets TFA 
(Centre de stockage de Morvilliers) 
Faible Activité 
(FA)  Déchets FMA‐VC 
(Centre de stockage 
de Soulaines) 
Déchets FAVL 
(Stockage en projet) 
Moyenne Activité 
(MA) 
Déchets HA‐MAVL 
(Stockage en projet) 
Haute Activité 
(HA) 
3,8% des déchets en volume 
99,9% de la radioactivité ! 
Fig. 4 : La classification française des déchets radioactifs (Andra, 2009) 
 
Comme  on  peut  le  voir  dans  le  tableau  précédent,  les  deux  paramètres  physiques  « activité »  et 
« durée de vie » délimitent plusieurs filières d’élimination des déchets dont la gestion est assurée par 
l’Andra. Les filières pour les déchets à vie longue sont encore à l’état de projet, que ce soit le centre 
de stockage à faible profondeur des déchets de faible activité à vie longue ou le centre de stockage 
en couche géologique profonde des déchets de haute et moyenne activité à vie longue. A l’inverse, 
les filières pour les déchets à vie courte sont d’ores‐et‐déjà opérationnelles.  
 
Dans ce cadre, l’Andra est en charge de la surveillance du Centre de Stockage de la Manche (CSM), 
qui  a  accueilli  entre  1969  et  1994  plus  de  500 000  m3
  de  déchets  de  (FMA‐VC).  L’Andra  exploite 
désormais dans l’Aube le Centre de Stockage des déchets de Très Faible Activité (TFA), le CSTFA, et le 
Centre de Stockage des déchets de Faible et Moyenne Activité à Vie Courte (FMA‐VC), le CSFMA, 
dotés respectivement d’une capacité de 650 000 m3
 et d’1 million de m3
.  
 
 
Fig. 5 : Vue aérienne du CSM  Fig. 6 : Vue intérieure du CSTFA Fig. 7 : Vue intérieure du CSFMA
Les déchets de haute et de moyenne activité à vie longue 
En 2007, l’Inventaire National a recensé 3 000 m3
 de déchets de Haute Activité (HA) et 40 000 m3
 de 
déchets de Moyenne Activité à Vie Longue (MAVL) français. En 2030, on estime que l’inventaire sera 
porté à 5 000 m3
 pour les déchets HA et 50 000 m3
 pour les déchets MAVL. La filière électronucléaire 
est responsable à elle seule de la production de 80% des déchets HA et de 60% des déchets MAVL. 
S’ils ne représentent en volume que 0,2% du total des déchets radioactifs français, les déchets HA 
concentrent à eux seuls 95% de la radioactivité ! 
 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 15 sur 109  
Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
Déchets HA          Déchets MAVL 
 
Fig. 8 : Répartition en volume des déchets HA et MAVL à fin 2007 (Inventaire National, 2009) 
 
Les  déchets  HA  et  MAVL  français  sont  principalement  issus  du  traitement  des  combustibles  usés, 
actuellement réalisé par Areva à La Hague grâce à deux usines de capacité annuelle de 800 tonnes de 
combustible chacune. Une fois déchargé du réacteur, le combustible usé contient 96% de matières 
valorisables  (95%  d’Uranium  et  1%  de  Plutonium)  et  4%  de  déchets  radioactifs.  Le  traitement 
consiste à séparer les matières valorisables des déchets, à les purifier et à les conditionner sous une 
forme qui permette de les expédier en toute sécurité vers les usines de fabrication du combustible 
recyclé. 
 
Les 4% d’éléments non‐valorisables présents dans le combustible usé sont constitués : 
• de produits de fission (Césium 134, Strontium 90), éléments radioactifs à vie courte, et 
• d’actinides mineurs (Curium 244, Américium 241), éléments radioactifs à vie longue. 
Ces déchets sont concentrés dans une solution de haute activité et mélangés à de la fritte 
de  verre  dans  un  four  de  fusion  pour  former  un  verre  homogène  emprisonnant  les 
éléments  radioactifs.  C’est  le  procédé  de  vitrification,  élaboré  dans  l’Atelier  Pilote  de 
Marcoule, puis mis en service à une échelle industrielle dans l’Atelier de Vitrification de 
Marcoule et les ateliers R7 et T7 de La Hague. 98% du volume des déchets HA français 
destinés  au  stockage  profond  se  présente  sous  forme  de  colis  de  déchets  vitrifiés.  Le 
reste est composé de quelques combustibles usés expérimentaux et issus de la propulsion 
navale, qui seront sans doute stockés en l’état. Traiter 800 tonnes de combustible usé 
génère environ 500 Colis Standards de Déchets Vitrifiés (CSD‐V) de 400 kg. 
 
Fig. 9 : CSD‐V 
Le traitement des combustibles usés produit également de nombreux déchets MAVL et 
en premier lieu, les déchets de structure des assemblages combustibles, qui contiennent 
des produits d’activation à vie longue. Areva a mis au point à La Hague un procédé de 
compactage  des  coques  et  embouts  qui  permet  de  diviser  le  volume  de  ce  type  de 
déchets par un facteur cinq. La France applique en effet une stratégie de concentration 
de la radioactivité qui passe par la réduction du volume des déchets ultimes. Les galettes 
obtenues  sont  ensuite  conditionnées  dans  des  Conteneurs  Standards  de  Déchets 
Compactés (CSD‐C) de 175L, géométriquement semblables aux conteneurs de déchets 
vitrifiés.  Fig. 10 : CSD‐C
 
Comme tout procédé industriel, le traitement génère également des déchets technologiques qui lui 
sont propres : matériels usés, gants, filtres, résines. Ces déchets sont conditionnés en colis cimentés. 
Enfin,  les  effluents  radioactifs  issus  notamment  des  opérations  de  rinçage  sont  ordinairement 
conditionnés en colis de déchets bitumés. Un conditionnement des déchets sous forme solide est en 
effet une spécification d’acceptation au stockage indispensable. 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 16 sur 109  
Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
 
           
  Fig. 11 : Colis de déchets cimentés                Fig. 12 : Colis de déchets bitumés 
 
Outre  les  déchets  issus  directement  du  traitement  des  combustibles  usés,  certaines  structures 
activées par les flux de neutrons présents dans les réacteurs nucléaires conduisent à des déchets 
MAVL en faible quantité, par exemple, les grappes de contrôles ou les structures récupérées après 
démantèlement. Par ailleurs, les installations de recherche du CEA et le programme de la défense 
nationale  produisent  également  des  déchets  MAVL.  Les  déchets  MAVL,  contenant  moins  de 
radionucléides  à  vie  courte  que  les  déchets  HA,  émettent  peu  de  chaleur  mais  nécessitent  un 
isolement de longue durée à cause de leur contenu en éléments radioactifs à vie longue. 
 
L’épineuse question des déchets à vie longue 
Les  déchets  nucléaires,  et  tout  particulièrement  les  déchets  à  vie  longue,  alimentent 
traditionnellement  l’argumentaire  des  opposants  à  l’énergie  atomique.  Au‐delà  du  danger  lié  à 
l’exposition directe, ils représentent une menace à très long terme pour l’environnement. La durée 
de leur nocivité est un argument qui défie la raison. Comment s’assurer que les radionucléides ne se 
répandront pas dans la nature, qu’ils ne pollueront pas les sols et les nappes phréatiques, qu’ils ne 
passeront pas dans la chaîne alimentaire ? Qui les surveillera pendant un million d’années ?  
 
Lorsque l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs est créée en 1979, sa mission est 
limpide : régler le problème des déchets nucléaires qui menace l’avenir de la filière électronucléaire 
française. Pour des raisons de sûreté et de radioprotection, les déchets HA et MAVL ne peuvent être 
stockés en surface, comme c’est déjà le cas pour les déchets à vie courte. Depuis les années 60, un 
concept  fait  consensus  au  sein  de  la  communauté  scientifique  internationale :  le  stockage  en 
profondeur.  L’idée  est  de  disposer  les  déchets  dans  une  formation  géologique  assurant  le 
confinement des radionucléides durant les centaines de milliers d’années nécessaires.  
 
Pour  explorer  cette  voie,  l’Andra  s’associe  en  1982  avec  la  Belgique,  la  Suisse  et  l’Allemagne,  qui 
possèdent  déjà  des  laboratoires  souterrains  destinés  à  l’exploration  de  formations  argileuses,  
granitiques  et  salines.  A  la  fin  des  années  1980,  l’agence  prospecte  les  campagnes  françaises  en 
quête d’une formation géologique adéquate. Quatre départements sont retenus pour faire l’objet 
d’un examen approfondi de leur sous‐sol : les Deux Sèvres (granite), le Maine et Loire (ardoise), l’Ain 
(formations salines) et l’Aisne (argile).  
 
Sur  place,  les  techniciens  entament  des  études  géologiques  et  sismiques,  mais  se  heurtent 
rapidement  à  des  réactions  violentes,  relayées  par  un  puissant  écho  médiatique  stigmatisant  les 
« poubelles nucléaires » de l’Andra. C’est le début d’un bras de fer entre l’intérêt général et l’intérêt 
particulier. Investis d’une mission stratégique pour l’avenir de la politique énergétique française, les 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 17 sur 109  
Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
ingénieurs négligent de consulter les élus locaux et les associations. Soucieux de l’impact négatif que 
pourrait  avoir  un  stockage  sur  l’image  de  leur  région  et  son  économie,  certains  riverains  se 
mobilisent contre le projet.  
 
Au‐delà de la réticence des populations locales, le projet de stockage profond rencontre également 
l’opposition  frontale  des  militants  anti‐nucléaires.  Des  rassemblements  fortement  médiatisés  sont 
organisées sur les sites qui retiennent l’attention de l’Andra. En mettant en échec toute solution de 
gestion à long terme des déchets, les opposants entendent démontrer que l’industrie nucléaire toute 
entière  est  dans  une  impasse.  Cette  résistance  idéologique  n’a  qu’un  seul  but :  alarmer  l’opinion 
publique pour que la France sorte du nucléaire. 
 
Sous l’effet de la vive opposition suscitée par les investigations sur le terrain, le Premier Ministre 
Michel Rocard décrète en 1989 un moratoire qui gèle les recherches menées dans le cadre du projet 
de  stockage  profond.  Pour  sortir  de  cette  impasse  et  redonner  une  légitimité  au  projet,  le 
gouvernement décide de transmettre le dossier au législateur au début des années 1990. 
 
3. Un enjeu de politique nationale et locale 
L’encadrement législatif des trois axes de recherche 
Le 30 décembre 1991, le parlement vote sans opposition une loi sur la gestion durable des déchets 
radioactifs.  On  la  nomme  aussi  « loi  Bataille »,  du  nom  de  son  rapporteur,  le  député  du  Nord, 
Christian Bataille, également membre de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques 
et Technologiques (OPECST). Cette loi est historique à double titre. Elle marque d’abord la prise en 
main du problème de la gestion des déchets HA et MAVL par les parlementaires. C’est également la 
première fois qu’une loi française fixe avec précision le contenu d’un programme de recherche. 
 
La  loi  définit  en  effet  trois  axes  de  recherches  pour  la  gestion  des  déchets  de  haute  activité.  Le 
stockage en couche géologique profonde reste une solution privilégiée, dont l’étude est confiée à 
l’Andra.  A  cette  occasion,  l’agence  se  voit  attribuer  le  statut  d’Etablissement  Public  Industriel  et 
Commercial (EPIC). L’objectif est de lui conférer une véritable indépendance vis‐à‐vis du CEA (dont 
elle était précédemment un département), et plus largement des producteurs de déchets. 
 
Le CEA hérite des deux autres axes de recherche : l’entreposage de longue durée en surface et la 
séparation‐transmutation.  L’entreposage  n’est  pas  une  solution  définitive car  les  installations  de 
surface  ont  des  durées  de  vie  limitées.  Cette  solution  fait  donc  supporter  la  charge  des  déchets 
radioactifs  sur  les  générations  futures.  Elle  nécessite  en  effet  de  reconstruire  périodiquement  de 
nouveaux  entrepôts  et  d’y  transférer  les  déchets  qui  s’accumulent,  tout  en  sachant  que  leur 
conditionnement  se  dégrade  avec  le  temps.  L’entreposage  permet  cependant  de  regrouper  les 
déchets afin d’en faciliter l’accès et la surveillance, dans l’attente de progrès scientifiques permettant 
l’émergence de nouvelles solutions. Aujourd’hui, l’entreposage de longue durée comme solution de 
gestion à long terme des déchets a été abandonné par la loi. Toutefois, l’entreposage préalable des 
déchets reste une étape nécessaire, pour assurer notamment la décroissance thermique des déchets 
dont  la  température  est  incompatible  avec  le  stockage  en  couche  géologique  profonde. 
L’entreposage est par ailleurs la seule solution disponible à l’heure actuelle pour gérer les déchets HA 
et MAVL.  
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 18 sur 109  
Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
 
Le dernier axe, celui de la séparation‐transmutation, est de loin le plus prospectif. Dans un contexte 
industriel,  la  séparation  poussée  interviendrait  dans  le  cadre  du  traitement  du  combustible  usé, 
après  que  la  solution  de  haute  activité  ait  été  épurée  des  matières  valorisables  (uranium  et 
plutonium). Plutôt que de vitrifier cette solution en vue de l’entreposer puis de la stocker, l’idée de la 
séparation poussée est d’en extraire sélectivement les radionucléides : neptunium, puis iode, puis 
américium, puis curium, etc. La faisabilité de ce procédé a été démontrée dans l’installation Atalante 
du CEA à Marcoule. 
 
La transmutation vise à diminuer la durée de vie des radioéléments à vie longue isolés par séparation 
poussée. Un tel miracle pourrait être obtenu par bombardement neutronique dans un réacteur à 
neutrons rapides (RNR). C’est la raison pour laquelle le CEA privilégie les RNR comme solution de 
référence pour la quatrième génération de réacteurs électronucléaires. Le réacteur expérimental à 
neutrons rapides Phénix a démontré la faisabilité de la transmutation de certains actinides mineurs 
comme  l’américium  et  le  neptunium.  Cependant,  les  recherches  menées  par  le  CEA  ont  conclu  à 
l’infaisabilité industrielle de la transmutation des produits de fission comme l’iode 129 et le césium 
135. La transmutation ne pourra donc pas se substituer au stockage profond des déchets ultimes de 
haute activité. A terme, elle pourra toutefois en réduire la nocivité. 
 
La réconciliation des intérêts locaux et nationaux 
En  1993,  le  député  Christian  Bataille  prend  en  charge  une  mission  de  médiation  pour  trouver  de 
nouveaux  sites  susceptibles  d’accueillir  un  laboratoire  souterrain.  Après  l’échec  des  investigations 
menées  sans  concertation  à  la  fin  des  années  1980,  le  processus  intègre  dorénavant  un  dialogue 
direct avec les élus locaux. Un appel à candidature est lancé auprès des Conseils Généraux de toute 
la France, et quatre départements sont finalement retenus pour l’intérêt de leur sous‐sol : la Vienne, 
la Meuse, la Haute‐Marne et le Gard. 
 
En 1994, les géologues de l’Andra peuvent retourner sereinement sur le terrain. Leurs investigations 
sont désormais encadrées par une loi, et soutenues sur place par des élus qui trouvent un véritable 
intérêt dans le projet. Le stockage en couche géologique profonde représente en effet une source 
importante d’emplois directs et indirects sur une durée d’exploitation qui dépassera certainement le 
siècle. En plus des emplois créés, un laboratoire souterrain génère également des revenus directs 
pour les communes et les départements sur lesquels il est implanté, via un fonds d’accompagnement 
financé directement par une taxe payée par les producteurs de déchets radioactifs.  
 
L’Andra  dépose  en  1996  trois  demandes  de  création  pour  des  laboratoires  souterrains  dans  la 
Vienne, dans le Gard et sur la commune de Bure (85 habitants), située à la frontière entre la Meuse 
et  la  Haute‐Marne.  Cependant,  le  site  granitique  de  la  Vienne  est  écarté  pour  des  raisons 
scientifiques.  Le  site  du  Gard  rencontre  sur  place  la  vive  opposition  de  certains  vignerons  qui 
craignent que le projet porte atteinte à l’image de leur vignoble. Un unique laboratoire voit donc le 
jour à Bure, pour y étudier une couche d’argile datant du Callovo‐Oxfordien (‐160 Millions d’années). 
Le but est de recueillir des données sur le comportement mécanique, thermique et chimique de la 
roche à 500 mètres de profondeur, afin de tester ses capacités de confinement, son imperméabilité 
et sa stabilité. 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 19 sur 109  
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Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 21 sur 109  
pendant une durée d’au moins cent ans, notamment dans le cas d’une évolution des connaissances 
scientifiques  qui  permettrait  de  valoriser  les  déchets  autrement.  Sur  le  plan  décisionnel,  l’Andra 
envisage  actuellement  la  réversibilité  par  le  pilotage  progressif  du  processus  de  stockage,  qui 
pourrait s’étaler sur une centaine d’années. La fermeture du site pourra être effectuée par étapes 
intermédiaires, tout en sachant que les opérations de retrait des colis deviendraient progressivement 
plus complexes.  
 
En outre, le stockage devra être modulaire, afin de permettre aux générations suivantes d’en faire 
évoluer la conception en fonction du retour d’expérience acquis. Les décisions correspondant à la 
construction, à la mise en exploitation, au remblaiement, puis au scellement de chaque module de 
stockage seront prises par les parties prenantes à l’occasion de jalons intermédiaires, qui pourraient 
être planifiés tous les dix ans par exemple. 
 
 
B/ Le projet de stockage réversible profond 
1. Un objet scientifique et technologique 
Un objectif de sûreté à long terme 
L'objectif fondamental du stockage réversible profond est rappelé par le Guide de sûreté relatif au 
stockage  définitif  des  déchets  radioactifs  en  formation  géologique  profonde  (ASN,  2008)  :  «  La 
protection des personnes et de l'environnement constitue l'objectif fondamental assigné au stockage 
des  déchets  en  formation  géologique  profonde.  Elle  doit  être  assurée  envers  les  risques  liés  à  la 
dissémination de substances radioactives et de toxiques chimiques ». 
 
La  protection  de  l’homme  et  de  l’environnement  repose  sur  le  respect  d’exigences  de  sûreté  de 
conception  et  d’exploitation  qui  garantissent  leur  maintien  dans  toutes  les  situations  de 
fonctionnement  ou  de  configurations  pour  lesquelles  elles  sont  requises.  En  exploitation,  les 
fonctions de sûreté d’un stockage de déchets radioactifs sont comparables à celles de toute autre 
installation nucléaire, notamment protéger le personnel, le public et l’environnement des risques de 
dissémination des substances radioactives et d’exposition externe aux rayonnements ionisants. 
 
Les recherches sur le stockage réversible profond s’inscrivent dans l’objectif de « prévenir ou limiter 
les  charges  qui  seront  supportées  par  les  générations  futures  »  (loi  n°  2006‐739  du  28  juin  2008, 
article 2). Aussi, le stockage est‐il conçu de manière à pouvoir être fermé. Après cette fermeture, la 
protection  de  l’homme  et  de  l’environnement  sera  assurée  par  la  mise  en  œuvre  de  dispositions 
passives. En effet, le Guide de sûreté précise : « Après la fermeture de l’installation, la protection de 
la santé des personnes et de l’environnement ne doit pas dépendre d’une surveillance et d’un contrôle 
institutionnel qui ne peuvent pas être maintenus de façon certaine au‐delà d’une période limitée ». La 
passivité du stockage après la fermeture constitue la différence fondamentale de fonctionnement 
avec un entreposage. 
 
Pour  obtenir  l’autorisation  de  création  du  stockage  réversible  profond,  l’Andra  doit  apporter  à 
l’Autorité de sûreté nucléaire la démonstration que les « barrières » mises en place pour isoler les 
déchets  de  la  biosphère  assureront  la  sûreté  après  fermeture  sur  la  durée  nécessaire  à  la 
décroissance radioactive des éléments à vie longue, soit un million d’années. La mise en œuvre d’une 
telle démonstration est une première sur le plan scientifique. Pour y parvenir, l’Andra est associée à 
plusieurs  laboratoires  de  recherche,  universités  et  prestataires  spécialisés.  Le  CEA  assure  ainsi  la 
réalisation de plusieurs études qui nécessitent des moyens et des compétences très pointus. 
 
Voici quelques exemples de fonctions de sûreté auxquelles contribuent les alvéoles de stockage : 
• S’opposer aux circulations d’eau, 
• Limiter le relâchement des radionucléides et les immobiliser, 
• Retarder et atténuer la migration des radionucléides, grâce à une épaisseur d’argilite de 60 
mètres au‐dessus et en dessous des alvéoles (barrière de diffusion), 
• Protéger la roche hôte en limitant les perturbations mécaniques induites dans la roche au 
voisinage. 
 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 22 sur 109 
Le projet de stockage réversible profond 
Une réflexion « à terminaison » 
L’Andra a publié en 2009 un dossier qui propose une première description des futures infrastructures 
du stockage réversible profond. En voici une brève présentation. Le centre de stockage comprendra 
des  installations  de  surface,  des  installations  souterraines  et  des  ouvrages  reliant  la  surface  et  le 
fond.  En  surface,  un  premier  ensemble  regroupera  les  bâtiments  de  soutien  des  activités  de 
construction  du  stockage,  en  prenant  en  compte  la  gestion  des  déblais  issus  du  creusement.  Un 
second ensemble sera voué aux activités nucléaires du centre avec la réception des emballages de 
transport,  l’extraction  et  le  contrôle  des  colis  primaires  de  déchets  radioactifs  et  leur 
conditionnement dans des conteneurs de stockage. 
 
 
Fig. 15 : Futures infrastructures du stockage réversible profond (Andra, 2009) 
 
Les infrastructures souterraines du stockage seront implantées en position médiane dans la couche 
d’argilites du Callovo‐Oxfordien. Pour répondre aux besoins de fractionnement liés à la sûreté à long 
terme,  et  de  modularité  favorisant  la  flexibilité  et  la  progressivité  de  la  construction  et  de 
l’exploitation du stockage, les zones de stockage seront subdivisées de façon arborescente en sous‐
zones, modules et alvéoles de stockage.  
 
Comme le montre le plan qui suit, les études menées par l’Andra jusqu’en 2009 ont été engagées 
avec  le  souci  d’une  optimisation  globale  du  concept  de  stockage  réversible  profond.  Les  travaux 
d’ingénierie ont donc porté sur la totalité des infrastructures à créer sur la période d’exploitation du 
stockage.  De  la  même  façon,  les  travaux  d’inventaire  des  déchets  HA  et  MAVL  ont  porté  sur 
l’intégralité de la production engagée par le parc nucléaire actuel, y compris la production à venir. 
 
Un premier scénario de mise en stockage des déchets HA‐MAVL à partir de la mise en service du 
stockage a été proposé en 2009. Il intègre les 106 familles différentes de déchets à stocker sur une 
période s’étalant de 2025 à 2150. Le projet entrant dans une phase plus industrielle, le besoin s’est 
fait ressentir de recentrer l’ensemble des études sur une échelle de temps plus restreinte et plus 
urgente : la première tranche du stockage, qui pourrait s’étendre de 2025 à 2040. 
 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 23 sur 109  
Le projet de stockage réversible profond 
 
Fig. 16 : Architecture souterraine du stockage à terminaison (Andra, 2009) 
 
Des équipements de haute technologie 
Nous présentons ici quelques équipements du futur stockage encore en cours de conception afin de 
montrer  le  haut  degré  de  technicité  du  projet,  ce  qui  nous  paraît  nécessaire  à  une  meilleure 
compréhension du contexte de notre sujet.  
 
Les ouvrages de liaison entre la surface et les installations souterraines du stockage sont constitués 
de deux types d’ouvrage : les puits et les galeries inclinées (descenderies). Les puits verticaux, situés 
à l’aplomb des ouvrages souterrains, servent à la ventilation, à l’extraction des déblais et au transfert 
du matériel et du personnel. La descenderie comprendra un ouvrage dédié au transfert des colis de 
stockage ainsi qu’un ouvrage de service permettant l’accès des personnes et des équipements.  
 
L’alvéole  MAVL  est  une  galerie  horizontale  de  longueur  400  m  et  de  section  50  m2
.  Elle  devra 
disposer  d’un  revêtement  en  béton  et  de  plusieurs  portes  blindées  qui  assureront  la  protection 
radiologique du personnel tout en permettant la maintenance des équipements. Il est actuellement 
prévu que l’alvéole permette l’empilement des colis de stockage sur deux ou trois niveaux et soit 
aménagée de façon à limiter les vides résiduels autour des colis. Elle devra être équipée d’une cellule 
de  manutention  télé‐opérée  comprenant  à  minima  un  système  de  transfert  et  un  système 
d’empilement des colis, capable à la fois de stocker et de retirer des colis. 
 
L’alvéole HA est un microtunnel borgne de longueur 40 m et de diamètre 0,7 m, qui correspond à 
celui  des  colis  de  stockage,  augmenté  du  jeu  de  manutention  et  de  l’épaisseur  du  chemisage 
métallique  dont  elle  est  recouverte.  Elle  devra  être  équipée  d’une  enceinte  blindée  assurant  la 
protection  radiologique  du  personnel  et  d’un  système  avec  chaîne  pousseuse  permettant 
d’introduire  les  colis  dans  l’alvéole.  On  envisage  équiper  la  chaîne  pousseuse  d’un  grappin  de 
préhension, pour effectuer des opérations de retrait des colis dans le cadre de la réversibilité. 
 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 24 sur 109  
Le projet de stockage réversible profond 
Lorsque la fermeture sera décidée, elle sera mise en œuvre progressivement par un remblaiement 
du  réseau  de  galeries  de  liaison  et  la  construction  de  scellements.  Par  ailleurs,  des  saignées 
hydrauliques radiales remplies d’argile gonflante, disposées à intervalles réguliers, complèteront le 
dispositif de fermeture. Elles interrompront le revêtement et la zone fracturée d’argilite.
 
Fig. 17 : Mise en sur‐conteneur MAVL (Andra, 2009) Fig. 18 : Alvéole de stockage MAVL (Andra, 2009)
Fig. 19 : Hotte de transfert HA (Andra, 2009) Fig. 20 : Scie pour saignées radiales (Andra,2009)
 
2. Un projet encadré, évalué et contrôlé 
La tutelle administrative 
La loi de 1991 a donné à l’Andra un statut d’Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC). Le 
premier objectif était bien sûr de lui conférer une véritable indépendance vis‐à‐vis des producteurs 
de déchets qui financent ses recherches. Le statut d’EPIC a également permis de rapprocher l’agence 
des responsables politiques, qui se sont saisis de la gestion des déchets radioactifs depuis le début 
des années 1990.  
 
La présidence de l’Andra est assurée par un député, qui partage la gouvernance de l’agence avec la 
Directrice Générale. Actuellement, le Président de l’Andra est M. François‐Michel Gonnot, député de 
l’Oise. La stature publique du Président lui confère la légitimité nécessaire pour porter les projets de 
l’agence devant les collectivités locales des sites retenus pour y implanter un stockage.  
 
La loi de 1991 a placé l’agence sous la tutelle directe des ministères de l’industrie, de la recherche et 
de l’environnement. Au sein du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et 
de la Mer, c’est la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) qui suit au plus près l’avancée 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 25 sur 109  
Le projett de stockage réversible profond 
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Jérémy D Page 266 sur 109  
Le projet de stockage réversible profond 
 
La  CNE  est  composée  d’experts  reconnus  sur  le  plan  international  et  nommés  pour  six  ans  par 
l’Assemblée Nationale, le Sénat et le gouvernement. Elle passe au crible les dossiers de l’Andra dont 
elle est un évaluateur privilégié. Au cours d’auditions publiques, elle interroge les différentes parties 
prenantes sur les thèmes de son choix. Le premier scénario de mise en stockage des déchets HA‐
MAVL qui a été élaboré au cours de l’année 2009 par l’Andra a été présenté à la commission par le 
Directeur des Projets en décembre 2009, devant un auditoire incluant notamment les producteurs de 
déchets et l’autorité de sûreté. 
 
Un rapport synthétisant les travaux  de la CNE est transmis  chaque année  par le gouvernement à 
l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), ce qui assure 
notamment le suivi continu du projet de stockage réversible profond par les parlementaires. En sus 
de l’évaluation des travaux effectués, la commission émet des recommandations pour la poursuite 
des  études  à  mener.  Dans  un  souci  de  transparence  vis‐à‐vis  du  public,  ce  rapport  annuel  est 
disponible sur internet. 
 
Le contrôle de l’Autorité de sûreté 
L’Andra est également soumise au contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ses installations 
de stockage dans l’Aube sont régulièrement inspectées, de même que son laboratoire souterrain, qui 
n’accueille pourtant aucun déchet radioactif, car l’ASN suit de près l’avancement des projets menés 
par  l’Andra.  Grâce  à  son  appui  technique  l’IRSN,  l’autorité  est  en  mesure  de  fournir  des  avis  sur 
chacun  des  dossiers  émis  par  l’Andra.  L’instruction  par  l’ASN  de  la  Demande  d’autorisation  de 
création (DAC) du stockage réversible profond, prévue à l’horizon 2015, sera un élément‐clef et un 
jalon indispensable du processus d’autorisation du projet.  
 
Créée par la loi n° 2006‐686 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (loi TSN), 
l’Autorité  de  sûreté  nucléaire  est  une  institution  indépendante.  Comme  l’Autorité  des  marchés 
financiers,  l’ASN  dispose  des  pouvoirs  législatifs,  exécutifs  et  judiciaires  dans  son  domaine  de 
compétence. Les règlements et les prescriptions établies par le Collège de l’ASN et publiés au Bulletin 
Officiel de l’ASN s’imposent aux exploitants des installations nucléaires. L’ASN est obligatoirement 
consultée  pour  tout  projet  de  décret  ministériel  ayant  trait  à  la  sûreté  nucléaire  ou  à  la 
radioprotection.  
 
Le contrôle est par ailleurs le cœur de métier  de l’ASN, qui réalise des inspections régulières des 
installations nucléaires, dans le souci de protéger les travailleurs, le public, et l’environnement des 
risques liés aux activités nucléaires. Dans ce cadre, les inspecteurs de l’ASN sont habilités à effectuer 
des mises en demeures ou encore à infliger des amendes en cas d’infraction à la réglementation en 
vigueur. 
 
Néanmoins, la sûreté est un élément délicat à apprécier dans le cadre d’une étude multicritères. On 
ne peut en effet rapporter sans équivoque une évaluation sur un plan économique. Les études de 
sûreté  sont  menées  pour  démontrer  que  des  objets  techniques  assurent  la  radioprotection  de 
l’homme  et  de  l’environnement  en  conditions  normales  et  dégradées  de  fonctionnement.  Il  est 
cependant  difficile  de  formuler  un  indicateur  fiable  pour  évaluer  la  sûreté  d’une  installation 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 27 sur 109  
Le projet de stockage réversible profond 
nucléaire,  d’une  matrice  de  conditionnement  ou  d’un  transport  de  déchets.  Nous  en  avons  fait 
l’expérience  au  début  de  nos  investigations,  alors  que  le  libellé  de  notre  sujet  demandait 
explicitement de prendre en compte des critères à la fois techniques, économiques et de sûreté dans 
la conception de la chaîne logistique des déchets de haute et de moyenne activité à vie longue. Toute 
la difficulté d’une étude multicritères est de comparer sur un même plan des critères techniques, 
économiques, politiques et de sûreté. 
 
3. Un enjeu financier majeur 
Une nécessité technique et commerciale pour l’industrie 
Si la plupart des pays nucléarisés ont des projets de stockage en couche géologique profonde dans 
leurs  cartons,  il  n’existe  à  l’heure  actuelle  aucun  stockage  de  déchets  de  haute  activité  en 
exploitation  dans  le  monde.  En  Allemagne,  plusieurs  projets  de  stockage  sont  à  l’étude  dans  des 
anciennes mines de sel, mais ils rencontrent des difficultés d’ordre politique ou technique. En effet, 
un moratoire a gelé le projet de stockage des déchets de haute activité, et le stockage des déchets de 
faible et de moyenne activité connaît des problèmes de stabilité qui perturbent son exploitation. Les 
Etats‐Unis disposent d’un centre de stockage opérationnel pour les déchets MAVL militaires, mais 
ont  supprimé  les  crédits  de  recherche  du  laboratoire  de  Yucca  Mountain,  destiné  à  l’étude  du 
stockage des combustibles usés de l’électronucléaire civil.  
 
Grâce  à  son  laboratoire  souterrain  Hades,  la  Belgique  mène  depuis  près  de  30  ans  des  dizaines 
d’expériences de thermique, de mécanique, de chimie et de radiation dans une couche géologique 
d’argile. L’Andra participe à ces expériences menées en partenariat avec plusieurs pays européens. 
La Suède, la Finlande et la Suisse disposent chacune d’un laboratoire pour l’étude du granite dans 
lesquels sont menées des expériences de caractérisation, d’hydrogéologie et de modélisation dans 
un  cadre  international.  Avec  une  mise  en  service  de  son  stockage  prévue  pour  2020,  la  Finlande 
pourrait être le premier pays à stocker en profondeur des matières de haute activité. Cependant, il 
ne s’agirait pas d’un stockage de « déchets » au sens où l’entend la loi française, car la Finlande a 
choisi de stocker directement ses combustibles usés, conditionnés dans des conteneurs en cuivre 
très performants. 
 
La plupart des projets étrangers envisagent en effet le stockage direct des combustibles usés, après 
une  étape  d’entreposage  préalable.  Le  succès  du  stockage  en  profondeur  des  déchets  vitrifiés  de 
haute activité pourrait conforter le choix du traitement des combustibles usés tel qu’il est pratiqué 
en France. D’autres pays pourraient même imiter la France, à l’image du Japon qui a construit une 
usine de traitement sur le modèle de l’usine de La Hague, après en avoir acquis la licence auprès 
d’Areva. Parce qu’il apporterait une solution de gestion durable pour les déchets les plus nocifs, un 
stockage réversible profond en exploitation pourrait également dynamiser la filière électronucléaire 
française à l’export, et notamment la vente de réacteurs. 
 
Un exutoire attendu pour les déchets anciens 
Le 7 mai 2010, nous avons passé une journée sur le site de Marcoule organisée par le CEA. Nous 
avons eu l’occasion de visiter plusieurs installations de conditionnement et d’entreposage de déchets 
de haute et de moyenne activité à vie longue. Nous avons également pu nous entretenir avec les 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 28 sur 109  
Le projet de stockage réversible profond 
exploitants de ces installations, ce qui nous a notamment permis de cerner avec précision les enjeux 
liés à deux déchets particuliers : les colis de déchets vitrifiés C0 et les fûts de bitume. Il s’agit de 
déchets anciens produits et entreposés à Marcoule depuis la fin des années 1960 dans le cadre de la 
production de plutonium militaire du CEA. 
 
Les colis C0 sont des fûts en acier inoxydable de 175l qui contiennent les premiers déchets vitrifiés de 
haute activité produits en France. Ils sont issus des solutions de produits de fission provenant de 
l’usine  de  traitement  UP1  de  Marcoule,  dont  la  vitrification  a  débuté  en  1978  pour  s’achever  en 
2012. Toutefois, depuis la mise à l’arrêt définitive de l’usine UP1 il y a une quinzaine d’années, la 
production  de  colis  C0  est  résiduelle  (vitrification  d’effluents  de  rinçage  des  fonds  de  cuve).  A 
Marcoule,  près  de  3200  colis  C0  sont  déjà  entreposés  dans  des  puits  ventilés,  au  sein  d’une 
installation attenante à l’atelier de vitrification. Ces colis anciens sont aujourd’hui nettement moins 
exothermiques que les colis de déchets vitrifiés en cours de production à La Hague, ce qui rend leur 
mise en stockage possible dès l’ouverture du centre. 
 
L’Atelier de vitrification de Marcoule (AVM) et son entrepôt sont des installations vieillissantes, dont 
les opérations de démantèlement et d’assainissement sont déjà programmées. Le démantèlement 
de  l’AVM  pourra  débuter  dès  2012,  lorsque  le  dernier  colis  C0  aura  été  conditionné.  Celui  de 
l’entrepôt devra attendre l’expédition vers le centre de stockage en couche géologique profonde de 
l’intégralité des colis entreposés. Cependant, l’agrément de l’Autorité de sûreté pour l’exploitation 
pérenne  de  l’entrepôt  expire  en  2025,  date  à  laquelle  les  opérations  de  désentreposage  doivent 
impérativement avoir débutées. Pour les exploitants de cette installation, la mise en stockage dès 
2025 des colis C0 est donc une réelle nécessité. 
 
Les fûts de bitume résultent du traitement des effluents radioactifs de Marcoule. Ce sont des fûts en 
acier non allié de 200L dont la production a débuté en 1966 pour s’achever en 2013. A partir de 
2015, la matrice de bitume sera remplacée par une matrice de ciment, qui paraît plus favorable au 
stockage. A ce jour, 60 000 fûts de bitume ont déjà été conditionnés et entreposés dans 35 fosses de 
la  zone  nord  du  site  et  dans  14  casemates  en  béton.  Cependant,  l’Autorité  de  sûreté  impose  la 
reprise  des  fûts  de  bitume  car  elle  considère  que  ces  entrepôts  anciens  ont  atteint  leur  limite 
d’exploitation. De 2000 à 2006, l’intégralité des 6 000 fûts de bitume de la zone nord ont été extraits 
des fosses, reconditionnés dans un surfût de 380L en acier inoxydable et entreposés dans l’Entrepôt 
Intermédiaire Polyvalent (EIP). Construit en 2000 et conçu pour une durée d’exploitation de 50 ans, 
l’EIP est une installation ultramoderne et téléopérée. Depuis 2007, l’EIP accueille les fûts de bitumes 
extrait  des  deux  premières  casemates.  Sa  capacité  de  12 000  colis  pourrait  être  saturée  dans  les 
années qui viennent. 
 
La gestion des 50 000 fûts de bitume encore entreposés dans les casemates 3 à 14 fait l’objet d’une 
discussion  entre  le  CEA,  l’Andra  et  l’Autorité  de  sûreté.  Si  le  désentreposage  de  ces  fûts  reste 
indispensable, la poursuite d’une mise en surfût suivie d’un entreposage dans l’EIP n’apparaît pas 
être  la  meilleure  solution.  Tout  d’abord,  le  surfût  de  380l  induit  un  taux  de  vide  important  qui 
pourrait  être  rédhibitoire  pour  le  stockage  en  couche  géologique  profonde.  Ces  déchets  sont 
pourtant  destinés  pour  moitié  à  la  filière  MAVL,  le  reste  étant  destiné  à  un  stockage  en  faible 
profondeur. Ensuite, l’entreposage des 50 000 fûts nécessiterait que le CEA construise des extensions 
extrêmement coûteuses à l’EIP. Dans son Etude Prospective des Déchets Nucléaires de Marcoule, le 
Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 29 sur 109  
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  • 2.   Remerciements    Nous souhaitons tout d’abord remercier M. Hoorelbeke, Adjoint au directeur des projets de l’Andra,  et M. Jean‐Marie Krieguer, Chef du projet HA‐MAVL, pour nous avoir donné les moyens de mener  nos investigations dans les meilleures conditions et pour s’être assurés de l’entière collaboration de  toutes les parties prenantes, en interne à l’Andra, comme en externe auprès des différents acteurs  de l’industrie nucléaire.    Ensuite, nous tenons à exprimer toute notre gratitude à MM. François Engel et Grégory Rolina, nos  conseillers à l’école des Mines de Paris, qui ont su nous faire prendre de la hauteur sur le sujet grâce  à leur avis éclairés.     Nous  remercions  également  Marie‐Hélène  Lagrange,  Fanny  Gérard,  Alain  Roulet  et  Bernard  Félix,  pour leur disponibilité et leur encadrement durant notre période à plein temps à l’Andra.     Merci aussi à Luis Aparicio, Christophe Baroux, Michel Colombert, Olivier Houdry, Louis Londe, Jean‐ Baptiste  Poisson,  Rodolphe  Raffard,  et  bien  d’autres  à  l’Andra,  pour  nous  avoir  permis  de  réunir  l’ensemble des données techniques nécessaires à l’élaboration de cette étude.    Merci à MM. Daniel Fulleringer et Olivier Ducos (CEA) pour la qualité de la visite qu’ils ont organisé  pour nous le 07/05/2010 sur le site de Marcoule.     Nous  tenons  enfin  à  remercier  MM.  Pierre  Chambrette  et  Laurent  Gagner  (Areva  NC/Recycling  Business Unit), MM. Stéphane Béguin et Michel Bordier (EDF/Division Combustible Nucléaire) et M.  Marc Olivier de l’Autorité de Sûreté Nucléaire pour les réponses qu’ils ont apporté à nos questions à  l’occasion des entretiens que nous avons eu ensemble.      Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 2 sur 109  
  • 3.   Résumé  En France, deux kilogrammes de déchets radioactifs1  sont produits par personne et par an. Parmi ces  déchets, certains resteront nocifs pour l’homme et l’environnement pendant un million d’années.  Ces  déchets  à  vie  longue  sont  actuellement  entreposés  dans  des  installations  de  surface  conçues  pour durer une cinquantaine d’années.   En 1991, le législateur créé l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’Andra. L’une  de ses missions est de conduire les recherches visant à stocker les déchets radioactifs à vie longue en  couche  géologique  profonde.  En  2006,  la  loi  confirme  le  stockage  réversible  profond  étudié  par  l’Andra comme la solution de référence pour la gestion durable des déchets de haute et de moyenne  activité à vie longue (HA‐MAVL).  Notre travail de fin d’études a porté sur l’étude de scénarios d’acheminement des colis de déchets  HA et MAVL depuis les entrepôts de surface jusqu’au futur stockage profond, dont la mise en service  est prévue pour 2025. Ces scénarios incluent des étapes de manutention, de conditionnement, de  contrôle et de transport des colis, le tout s’intégrant dans une véritable chaîne logistique de gestion  des colis de déchets.   La première complexité de cette problématique est de type combinatoire : une centaine de colis HA  et MAVL différents entreposés sur quatre sites de production sont destinés à un stockage unique.  L’ordonnancement  du  stockage  a  donc  été  un  élément  central  de  nos  travaux.  Les  scénarios  sur  lesquels nous avons planchés précisent en outre pour chaque famille de déchets les flux de colis, les  dates et les lieux associés à chacune des étapes de la chaîne logistique.  D’autre  part,  l’élaboration  des  scénarios  de  gestion  des  colis  est  une  étude  multicritères  à  part  entière. En effet, le projet de stockage réversible profond s’appuie sur les plans :  • Scientifiques et  techniques  :  Des  équipements  de  haute  technologie  sont  nécessaires  à  la  gestion des colis de haute et de moyenne activité, pour assurer la protection des travailleurs  et du public durant toute la durée de vie des radionucléides présents dans les déchets.  • Politiques : Expression d’une politique publique, le projet de stockage réversible profond est  encadré, évalué et contrôlé par plusieurs institutions représentant la nation. L’implantation  du futur stockage est également un enjeu de politique locale très sensible.  • Economiques : La conception, l’exploitation et la fermeture d’installations d’entreposage et  de  stockage  ont  un  coût  élevé  supportés  en  intégralité  par  les  producteurs  de  déchets  radioactifs (CEA, EDF, Areva).  Enfin,  l’élaboration  des  scénarios  de  gestion  des  colis  de  déchets  HA  et  MAVL  s’inscrit  dans  un  environnement multi‐acteurs, et conditionne à la fois la conception du futur stockage ainsi que les  opérations de gestion des colis sur les sites de production. Pour comprendre les responsabilités et le  point de vue de chacune  des parties prenantes, nous avons rencontré des représentants du CEA,  d’EDF, d’Areva et de l’Autorité de sûreté nucléaire.                                                                  1  Site de l’Andra : www.andra.fr  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 3 sur 109  
  • 4. Résumé  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 4 sur 109   Pour répondre à la problématique, nous avons commencé par rencontrer les ingénieurs de l’Andra  pour recueillir l’ensemble des données nécessaires à l’élaboration des scénarios de gestion des colis  et pour définir les critères d’optimisation associés à chaque étape de la chaîne logistique.   Nous  avons  ensuite  modélisé  mathématiquement  les  scénarios  d’entreposage  et  de  stockage  des  colis  de  déchets  comme  des  déplacements  élémentaires  d’un  lieu  initial  à  un  lieu  final,  pouvant  inclure une étape de transport et/ou de conditionnement. Dans la logique de l’ordonnancement, des  dates et des flux sont associés à chaque déplacement élémentaire.   Une première étude a alors été menée sur les colis de déchets vitrifiés de haute activité produits à la  Hague. Bien que ne prenant en compte qu’un seul type de déchets, cette étude nous a conduits à  élaborer  trois  scénarios  différents,  que  nous  avons  comparés  sur  un  plan  économique  grâce  aux  données  récupérées  à  l’Andra.  Les  enjeux  sociopolitiques  et  de  sûreté  liés  à  cette  étude  sont  toutefois encore à approfondir, notamment en intégrant des critères issus de la concertation avec les  élus locaux et les associations.  Nous avons ensuite mis en place une méthodologie pour réaliser des scénarios comportant plusieurs  familles de déchets et plusieurs entrepôts initiaux. Cela nous a conduits à développer un logiciel de  simulation et d’analyse des scénarios vis‐à‐vis des différents critères techniques, économiques ou de  sûreté  que  nous  avions  définis.  Cette  méthodologie  a  alors  été  appliquée  pour  obtenir  deux  scénarios répondant à des critères différents : limiter la création de nouveaux entrepôts ou réduire  les risques sur la mise en route du stockage.  Devant la difficulté de comparer des critères de natures différentes, nous nous sommes appliqués à  décortiquer le processus décisionnel qui permettra d’aboutir au scénario retenu pour les premières  années  de  l’exploitation  du  stockage  réversible  profond.  Nous  avons  mis  en  exergue  le  caractère  collectif de l’élaboration des scénarios d’entreposage et de stockage, impliquant à la fois l’Andra et  les producteurs de déchets.  Notre exposé final s’est attaché à montrer la précocité (inattendue) des échéances liées à la décision  des  premiers  colis  à  stocker  dès  2025.  Nous  avons  émis  deux  hypothèses  permettant  d’aboutir  rapidement à une décision en cas de retard dans la concertation entre l’Andra et les producteurs de  déchets :   • La mise en place d’un arbitre, qui reste encore à définir.  • La  prise  de  conscience  collective  de  l’urgence  des  échéances,  qui  permettrait  alors  d’accélérer le processus en réduisant la complexité du problème.            
  • 5.   Table des Matières  Remerciements ....................................................................................................................................... 2  Résumé .................................................................................................................................................... 3  Table des Illustrations ............................................................................................................................. 8  Introduction ........................................................................................................................................... 10  A/ Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires ........................................................................ 11  1.  L’héritage de la politique énergétique française ...................................................................... 11  L’époque des pionniers ................................................................................................................. 11  L’âge d’or ....................................................................................................................................... 12  La chute et la renaissance ............................................................................................................. 13  2.  Le talon d’Achille de l’industrie nucléaire ................................................................................. 14  Les filières de gestion françaises ................................................................................................... 14  Les déchets de haute et de moyenne activité à vie longue .......................................................... 15  L’épineuse question des déchets à vie longue .............................................................................. 17  3.  Un enjeu de politique nationale et locale ................................................................................. 18  L’encadrement législatif des trois axes de recherche ................................................................... 18  La réconciliation des intérêts locaux et nationaux ........................................................................ 19  L’introduction d’une exigence sociétale : la réversibilité .............................................................. 20  B/ Le projet de stockage réversible profond ......................................................................................... 22  1.  Un objet scientifique et technologique ..................................................................................... 22  Un objectif de sûreté à long terme ............................................................................................... 22  Une réflexion « à terminaison » .................................................................................................... 23  Des équipements de haute technologie ....................................................................................... 24  2.  Un projet encadré, évalué et contrôlé ...................................................................................... 25  La tutelle administrative ................................................................................................................ 25  L’évaluation scientifique ............................................................................................................... 26  Le contrôle de l’Autorité de sûreté ............................................................................................... 27  3.  Un enjeu financier majeur ......................................................................................................... 28  Une nécessité technique et commerciale pour l’industrie ........................................................... 28  Un exutoire attendu pour les déchets anciens ............................................................................. 28  Une charge financière à provisionner ........................................................................................... 30  C/ Les chroniques d’entreposage et de stockage ................................................................................. 32  1.  Définition ................................................................................................................................... 32  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 5 sur 109  
  • 6. Table des Matières  2.  Chroniques et chaine logistique globale ................................................................................... 32  Deux sujets liés .............................................................................................................................. 32  Présentation de la chaine logistique globale et des critères associés .......................................... 33  3.  Une première approche logistique globale ............................................................................... 39  Eléments techniques pour la compréhension ............................................................................... 39  Trois scénarios d’entreposage et de stockage .............................................................................. 40  Résultats étape par étape ............................................................................................................. 41  Synthèse ........................................................................................................................................ 43  D/ Ordonnancement et amélioration des chroniques de stockage ...................................................... 45  1.  Modélisation des chroniques .................................................................................................... 45  2.  Méthodologie d’élaboration des chroniques ............................................................................ 45  Contraintes .................................................................................................................................... 45  Critère d’ordonnancement ............................................................................................................ 46  Critères logistiques ........................................................................................................................ 46  3.  Création d’un outil informatique pour la gestion des critères logistiques ............................... 48  Etablissement d’un cahier des charges ......................................................................................... 48  Fonctionnement de l’outil ............................................................................................................. 48  4.  L’obtention puis l’organisation des données ............................................................................ 51  Obtention des données ................................................................................................................. 51  Organisation des données ............................................................................................................. 53  5.  Application :  réalisation  de  deux  chroniques  pour  la  première  tranche  du  stockage  (2025/2040) ....................................................................................................................................... 54  Contexte ........................................................................................................................................ 54  Chronique 1 : limiter la création de nouveaux entrepôts ............................................................. 54  Chronique 2 : réduire les risques sur la mise en route du stockage ............................................. 56  Une comparaison délicate ............................................................................................................. 58  E/ La décision en environnement multi‐acteurs ................................................................................... 60  1.  La nécessaire consolidation des données d’entrée .................................................................. 60  Des incertitudes à lever ................................................................................................................. 60  L’agrément des premiers colis à stocker ....................................................................................... 60  2.  L’élaboration collective des chroniques d’entreposage et de stockage ................................... 61  Une concertation qui doit s’accélérer ........................................................................................... 61  Un planning serré .......................................................................................................................... 62  3.  Un processus décisionnel encore incertain ............................................................................... 63  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 6 sur 109  
  • 7. Table des Matières  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 7 sur 109   Les risques inhérents à un retard .................................................................................................. 63  Deux mécanismes décisionnels ..................................................................................................... 64  Conclusion ............................................................................................................................................. 67  Annexe 1 : Intitulé du travail d’option .................................................................................................. 69  Annexe 2 : Document de synthèse des critères et des flux .................................................................. 71  Annexe 3 : Données d’entrée pour les scénarios de gestion des CSD‐V ............................................... 76  Annexe 4 : Code de l’Environnement .................................................................................................... 83  Annexe 5 : Loi n°2006‐739 .................................................................................................................... 89  Annexe 6 : Deux rapports de la Commission Nationale d’Evaluation ................................................... 92  Annexe 7 : PNGMDR 2010‐2012 ........................................................................................................... 97  Annexe 8 : Documentation utilisateur de notre outil informatique ................................................... 104   
  • 8.     Table des Illustrations  Fig. 1 : Immersion de déchets radioactifs dans l’Atlantique (Andra, 2009) .......................................... 11  Fig. 2 : Production d’électricité en France (RTE, 2009) ......................................................................... 12  Fig. 3 : Les quatre générations de réacteurs nucléaires à l’uranium (EDF, 2009) ................................. 14  Fig. 4 : La classification française des déchets radioactifs (Andra, 2009) ............................................. 15  Fig. 5 : Vue aérienne du CSM ................................................................................................................ 15  Fig. 6 : Vue intérieure du CSTFA ............................................................................................................ 15  Fig. 7 : Vue intérieure du CSFMA ........................................................................................................... 15  Fig. 8 : Répartition en volume des déchets HA et MAVL à fin 2007 (Inventaire National, 2009) ......... 16  Fig. 9 : CSD‐V.......................................................................................................................................... 16  Fig. 10 : CSD‐C ........................................................................................................................................ 16  Fig. 11 : Colis de déchets cimentés........................................................................................................ 17  Fig. 12 : Colis de déchets bitumés ......................................................................................................... 17  Fig. 13 : Galeries souterraines du laboratoire de Bure (Andra, 2009) .................................................. 20  Fig. 14 : Calendrier du projet HA‐MAVL (Andra, 2009) ......................................................................... 20  Fig. 15 : Futures infrastructures du stockage réversible profond (Andra, 2009) .................................. 23  Fig. 16 : Architecture souterraine du stockage à terminaison (Andra, 2009) ....................................... 24  Fig. 17 : Mise en sur‐conteneur MAVL (Andra, 2009) ........................................................................... 25  Fig. 18 : Alvéole de stockage MAVL (Andra, 2009) ................................................................................ 25  Fig. 19 : Hotte de transfert HA (Andra, 2009) ....................................................................................... 25  Fig. 20 : Scie pour saignées radiales (Andra,2009) ................................................................................ 25  Fig. 21 : Organigramme de l’Andra ....................................................................................................... 26  Fig. 22 : Les quatre sites d’entreposage de déchets HA‐MAVL (Andra, 2009) ...................................... 33  Fig. 23 : Entrepôt de colis vitrifiés (CEA/Marcoule) .............................................................................. 34  Fig. 24 : Casemate 14 (CEA/Marcoule) .................................................................................................. 34  Fig. 25 : Emballages de transport de type B (Areva, 2009) ................................................................... 35  Fig. 26 : Emballages de type IP2 ............................................................................................................ 36  Fig. 27 : Colis de stockage pour colis C0 (Andra, 2009) ......................................................................... 36  Fig. 28 : Colis de stockage pour fûts de bitume (Andra, 2009) ............................................................. 37  Fig. 29 : Descenderie par camion (Andra, 2009) ................................................................................... 37  Fig. 30 : Robot pousseur pour alvéole de stockage HA (Andra, 2009) .................................................. 38  Fig. 31 : Alvéole de stockage MAVL (Andra, 2009) ................................................................................ 38  Fig. 32 : Synoptique des trois scénarios CSD‐V explorés ....................................................................... 40  Fig. 33 : Désentreposage des installations de La Hague ....................................................................... 41  Fig. 34 : Construction, exploitation et démantèlement de l’entrepôt supplémentaire ....................... 41  Fig. 35 : Stock de colis primaires dans l’entrepôt du scénario B ........................................................... 42  Fig. 36 : Stock de colis primaires dans l’entrepôt du scénario C ........................................................... 43  Fig. 37 : Construction des alvéoles de stockage .................................................................................... 43  Fig. 38 : Synthèse des coûts actualisés .................................................................................................. 44  Fig. 39 : Méthodologie d’élaboration des chroniques de stockage ...................................................... 45  Fig. 40 : Synoptique de l’outil logiciel (1) .............................................................................................. 49  Fig. 41 : Synoptique de l’outil logiciel (2) .............................................................................................. 50  Fig. 42 : Synoptique de l’outil logiciel (3) .............................................................................................. 50  Fig. 43 : Les fûts de bitume de Marcoule dans l’Inventaire National et le MID .................................... 52  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 8 sur 109 
  • 9. Table des Illustrations  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 9 sur 109   Fig. 44 : Schéma entités‐associations de notre base de données ......................................................... 53  Fig. 45 : Scénario 1 (Chronique première tranche) ............................................................................... 55  Fig. 46 : Flux de stockage journalier (scénario 1) .................................................................................. 55  Fig. 47 : Nombre d’emballages de transport (scénario 1) ..................................................................... 56  Fig. 48 : Scénario 2 (Chronique première tranche) ............................................................................... 57  Fig. 49 : Flux de stockage journalier (scénario 1) .................................................................................. 58  Fig. 50 : Echéances du projet HA‐MAVL ................................................................................................ 62 
  • 10.   Introduction  Il y a 1,5 million d’années, l’Homo Habilis inventait la technique en créant les premiers outils. Il y a  500 000  ans,  l’Homo  Erectus  réussissait  à  maîtriser  le  feu.  Telles  sont  les  échelles  de  temps  de  l’évolution  humaine.  Il  y  a  50  ans,  l’Homo  Sapiens  Sapiens  français  créait  son  premier  déchet  nucléaire  à  vie  longue,  dont  la  radioactivité  restera  dangereuse  pendant  au  moins  un  million  d’années.    De nos jours, les déchets de haute et de moyenne activité à vie longue (HA‐MAVL) sont entreposés  dans des installations de surface conçues pour durer une cinquantaine d’années. Devant la nécessité  de  « limiter  les  charges  qui  seront  supportées  par  les  générations  futures »2 ,  il  est  apparu  indispensable de rechercher des solutions de gestion à long terme pour les déchets radioactifs à vie  longue.    L’Agence  Nationale  pour  la  gestion  des  Déchets  Radioactifs  (Andra)  est  chargée  de  concevoir  un  centre  de  stockage  en  couche  géologique  profonde  pour  isoler  les  déchets  HA  et  MAVL  de  la  biosphère  pendant  le  million  d’années  nécessaires  à  la  décroissance  de  leur  radioactivité.  Notre  travail de fin d’études aux Mines de Paris s’est inscrit dans ce projet à forts enjeux.     Comme le précise son intitulé3 , notre étude concernait en effet la gestion opérationnelle des colis de  déchets HA et MAVL depuis leur production jusqu’à leur stockage, avec l’objectif de « proposer des  méthodes de modélisation et d’analyse des scénarios possibles de gestion des déchets et colis de  déchets, et à en tester l’application sur des cas concrets. »     La première partie de ce rapport présente l’ensemble du contexte concernant la gestion des déchets  de haute et moyenne activité à vie longue (parties A et B). Nous présentons ensuite le cœur de notre  travail sur les chroniques d’entreposage et de stockage (parties C et D) qui nous a amené à nous  interroger sur le processus décisionnel de la chronique finale dans un environnement multi‐acteurs  (partie E).                                                               2  Voir Annexe 4 : Code de l’Environnement  3  Voir Annexe 1 : Intitulé du travail d’option  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 10 sur 109 
  • 11.   A/ Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires4  1. L’héritage de la politique énergétique française  L’époque des pionniers  Les premiers déchets radioactifs apparaissent en France dans les années 1930. Ce sont les sources de  radium  utilisées  dans  les  hôpitaux  pour  soigner  le  cancer.  Les  premiers  déchets  nucléaires  apparaissent  quant  à  eux  après  la  seconde  guerre  mondiale,  avec  la  création  du  Commissariat  à  l’Energie Atomique (CEA), qui entame les premières recherches nucléaires françaises.    La quantité de déchets radioactifs devient significative en France au cours des années 1950 et 1960,  avec la fabrication d’armes atomiques et la construction des réacteurs électronucléaires de première  génération, fonctionnant à l’uranium naturel. Le premier essai nucléaire est organisé en Algérie en  1960 et la force de dissuasion nucléaire française devient opérationnelle en 1964, avec la première  prise d’alerte d’un Mirage IV armé d’une bombe à fission. La première bombe à fusion explose en  1968 et la flotte de sous‐marins nucléaires lanceurs d’engins est constituée à partir de 1971.     A  cette  époque,  le  CEA  dispose  de  plusieurs  sites  dédiés  à  la  conception  de  la  bombe  atomique  française.  Les  sites  de  Pierrelatte  (26)  et  de  Marcoule  (30)  produisent  respectivement  l’uranium  hautement enrichi et le plutonium, qui servent à la fabrication des têtes nucléaires, assemblées sur le  site  de  Valduc  (21).  Le  site  de  Marcoule,  avec  ses  trois  réacteurs  et  son  usine  de  traitement  des  combustibles  usés,  est  le  premier  à  produire  des  déchets  nucléaires.  Les  premières  installations  militaires de Pierrelatte et de Marcoule sont aujourd’hui en cours de démantèlement, car les stocks  de  matières  fissiles  à  usage  militaires  sont  considérés  comme  suffisants  pour  les  besoins  de  la  Défense Nationale.    Au  début  des  années  1960,  le  stockage  des  déchets  radioactifs  n’est  pas  encore  une  solution  éprouvée. Les déchets font néanmoins l’objet d’un conditionnement solide assurant le confinement  des radionucléides et sont entreposés sur site, dans l’attente d’une solution satisfaisante. En 1967 et  en 1969, la France participe toutefois à deux campagnes internationales d’immersion en Atlantique.  Au total, 46 396 fûts de déchets de faible activité sont immergés à 4 000 mètres de profondeur. Cette  pratique, initiée à titre expérimental par la France, a été arrêtée définitivement depuis la Convention  de Londres (1982).    Fig. 1 : Immersion de déchets radioactifs dans l’Atlantique (Andra, 2009)                                                               4  D’après l’ouvrage de cours Introduction au génie atomique, de Jacques Bouchard, Jean‐Paul Deffain et Alain  Gouchet (Les Presses Mines ParisTech)  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 11 sur 109 
  • 12. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires    Dans le civil, sept réacteurs de puissance fonctionnant à l’uranium naturel sont mis en service de  1963 à 1972. Ils sont implantés sur les premières centrales nucléaires EDF à Chinon, Chooz, Saint‐ Laurent et Bugey. Cette première génération de réacteurs électronucléaires affiche des puissances  comprises entre 70 et 540 MW, à comparer aux 900 MW, 1300 MW puis 1500 MW de la seconde  génération de réacteurs.    L’âge d’or  En  1974,  le  premier  choc  pétrolier  conduit  le  gouvernement  français  à  lancer  un  ambitieux  programme  électronucléaire.  Le  constructeur  américain  Westinghouse  cède  la  licence  de  ses  Réacteurs  à  Eau  Pressurisée  (REP)  au  français  Framatome.  Eurodif,  la  première  usine  civile  d’enrichissement  est  créée  à  Pierrelatte  pour  alimenter  la  seconde  génération  de  réacteurs,  fonctionnant à l’uranium légèrement enrichi. En 20 ans seulement, 58 réacteurs sont construits sur  19 centrales nucléaires. La France acquiert alors un taux d’indépendance énergétique proche de 50%  et se positionne comme le second producteur mondial d’électricité d’origine nucléaire, derrière les  Etats‐Unis. La filière connaît un essor remarquable et permet à EDF de se développer en Europe.      Fig. 2 : Production d’électricité en France (RTE, 2009)    En  1976,  l’Etat  crée  la  Compagnie  générale  des  matières  nucléaires,  la  Cogema,  spécialisée  dans  l’approvisionnement en uranium et dans le traitement des combustibles usés. La Cogema exploite  alors l’usine de La Hague, où sont traités les combustibles usés des réacteurs français et étrangers à  une  échelle  industrielle.  Deux  nouvelles  lignes  de  séparation  des  matières  valorisables  et  de  conditionnement  des  déchets  ultimes  y  sont  créées  au  début  des  années  1990  pour  répondre  à  l’explosion de la demande.     L’avantage du traitement est de permettre le recyclage des combustibles usés. Toutes les puissances  nucléaires n’ont pas fait ce choix : aux Etats‐Unis par exemple, le combustible usé n’est pas valorisé,  c’est  un  déchet  ultime  destiné  au  stockage.  L’usine  de  La  Hague  permet  de  récupérer  l’uranium  restant  dans  le  combustible  ainsi  que  le  plutonium  apparu  au  cours  de  l’irradiation  en  réacteur.  L’uranium de retraitement peut être ré‐enrichi pour former du combustible neuf. Le plutonium est  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 12 sur 109  
  • 13. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires  envoyé à l’usine MELOX de Marcoule pour y être mélangé avec de l’uranium appauvri et donner du  combustible recyclé MOX  (Mixed OXydes). Aujourd’hui, l’uranium de retraitement enrichi et le MOX  alimentent  respectivement  4  et  21  réacteurs  nucléaires  EDF,  ce  qui  porte  à  17%  la  part  de  combustible électronucléaire français provenant du recyclage.    Le choix du traitement et du recyclage justifie le concept de « cycle du combustible nucléaire ». Cette  politique  conditionne  également  la  définition  légale  des  déchets  radioactifs.  Selon  le  Code  de  l’Environnement, les déchets radioactifs ultimes sont ceux qui « ne peuvent plus être traités dans les  conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable  ou  par  réduction  de  leur  caractère  polluant  ou  dangereux »5 .  La  sémantique  distingue  donc  les  matières radioactives, l’uranium et le plutonium, des déchets radioactifs.    La chute et la renaissance  L’accident de la centrale américaine de Three Mile Island le 28 mars 1979 et l’explosion de la centrale  ukrainienne de Tchernobyl le 26 avril 1986 portent un coup sévère au développement de la filière  électronucléaire  durant  les  décennies  1980  et  1990.  Les  nombreuses  analyses  rétrospectives  ont  toutefois  montré  que  l’accident  de  Tchernobyl  était  imputable  à  l’incompétence  flagrante  du  personnel et à une série d’essais complètement hasardeux. Mais à l’époque, les 50 pertes directes,  auxquelles viennent s’ajouter au moins 4 000 décès causés par les radiations et la contamination de  l’environnement,  traumatisent  le  monde  entier.  La  plupart  des  pays,  dont  la  France,  gèlent  leur  programme  nucléaire  et  certains  pays,  comme  l’Autriche  et  l’Italie,  décident  même  de  sortir  du  nucléaire.    C’est  l’imminence  d’une  autre  catastrophe  environnementale  qui  permet  à  l’industrie  électronucléaire de rebondir au début des années 2000. Le changement climatique vient apporter un  argument de poids aux « supporters du tout nucléaire » : c’est la seule source d’énergie sans carbone  qui soit capable de se substituer aux énergies fossiles ! En effet, les énergies renouvelables ne seront  pas suffisantes, car l’hydraulique est pratiquement exploitée au maximum de ses possibilités, tandis  que l’éolien et le solaire forment une offre peu compétitive, irrégulière et insuffisante.    En  2007,  le  chantier  du  premier  réacteur  de  troisième  génération,  de  technologie  EPR  (European  Pressurized Reactor), est finalement lancé à Flamanville. La conception de ces nouveaux réacteurs  n’est  pas  révolutionnaire,  mais  vise  à  capitaliser  l’expérience  acquise  avec  les  réacteurs  à  eau  pressurisée, en vue d’assurer la relève d’un parc nucléaire vieillissant. Cependant, le programme EPR  ayant pris au moins deux décennies de retard avec l’effet Tchernobyl, EDF envisage de prolonger la  durée de vie des centrales actuelles au‐delà des quarante ans d’exploitation initialement prévus.    La génération suivante de réacteurs fait déjà l’objet d’intenses recherches, coordonnées au sein du  Forum International Génération IV. Un consensus semble s’établir autour des réacteurs à neutrons  rapides pour constituer cette quatrième génération. En tout état de cause, il est certain que la fusion  nucléaire ne pourra prendre la relève de la fission avant au moins un siècle, ce qui assure un bel  avenir à la production des déchets nucléaires tels qu’on les connaît.                                                                 5  Voir Annexe 4 : Code de l’Environnement  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 13 sur 109  
  • 14. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires    Fig. 3 : Les quatre générations de réacteurs nucléaires à l’uranium (EDF, 2009)  2. Le talon d’Achille de l’industrie nucléaire  Les filières de gestion françaises  La  France  a  adopté  une  classification  de  ses  déchets  radioactifs  basée  sur  deux  paramètres :  leur  activité et leur période radioactive. En se désintégrant, les éléments radioactifs contenus dans les  déchets  émettent  l’un  des  trois  types  de  rayonnements  dangereux,  classés  par  pouvoir  de  pénétration croissant : alpha (noyaux d’hélium), béta (électrons ou positons) et gamma (photons de  grande énergie). L’activité des éléments radioactifs s’exprime en becquerels (Bq), correspondant à  un  nombre  de  désintégration  par  seconde.  Les  déchets  sont  considérés  de  faible  activité  jusqu’à  100 000 Bq par gramme, soit 10 000 fois la radioactivité naturelle du granite, mais seulement 10 fois  la radioactivité naturelle du minerai d’uranium.    La gravité de l’exposition humaine à la radioactivité s’exprime en débit de dose, dont l’unité est le  sievert (Sv). Pour un colis de déchets radioactifs, elle est non seulement fonction de l’activité du colis,  mais aussi de la capacité de confinement de son conditionnement, de la distance du sujet exposé et  de  la  durée  de  l’exposition.  Les  déchets  de  haute  activité  sont  par  exemple  transportés  dans  des  emballages blindés qui abaissent le débit de dose au contact à un niveau très inférieur à celui de la  radioactivité naturelle, estimée à 2,4 mSv par an et par personne. La réglementation européenne fixe  la limite d’exposition artificielle du public à 1 mSv par an et celle des travailleurs du nucléaire à 20  mSv par an.    La période radioactive correspond au  temps  nécessaire pour que la quantité d’atomes radioactifs  présents  dans  un  colis  de  déchets  se  soit  désintégrée  de  moitié.  La  période  varie  avec  les  caractéristiques de chaque élément radioactif, dont la durée de vie vaut une dizaine de période. Par  exemple, les déchets à vie courte ont une période radioactive inférieure à 31 ans et perdent toute  trace  de  radioactivité  après  300  ans.  Ils  sont  stockés  par  l’Andra  dans  les  centres  de  stockage  de  surface de l’Aube. A l’opposé, les déchets à vie longue peuvent rester dangereux pour l’homme et  son environnement pendant des centaines de milliers d’années. La période radioactive du neptunium  237 est ainsi supérieure à 2 millions d’années !     Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 14 sur 109  
  • 15. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires    Vie très courte (VTC)  Vie Courte  (VC)  Vie Longue  (VL)  Très Faible  Activité (TFA)  Déchets VTC  (Entreposage de  décroissance sur site)  Déchets TFA  (Centre de stockage de Morvilliers)  Faible Activité  (FA)  Déchets FMA‐VC  (Centre de stockage  de Soulaines)  Déchets FAVL  (Stockage en projet)  Moyenne Activité  (MA)  Déchets HA‐MAVL  (Stockage en projet)  Haute Activité  (HA)  3,8% des déchets en volume  99,9% de la radioactivité !  Fig. 4 : La classification française des déchets radioactifs (Andra, 2009)    Comme  on  peut  le  voir  dans  le  tableau  précédent,  les  deux  paramètres  physiques  « activité »  et  « durée de vie » délimitent plusieurs filières d’élimination des déchets dont la gestion est assurée par  l’Andra. Les filières pour les déchets à vie longue sont encore à l’état de projet, que ce soit le centre  de stockage à faible profondeur des déchets de faible activité à vie longue ou le centre de stockage  en couche géologique profonde des déchets de haute et moyenne activité à vie longue. A l’inverse,  les filières pour les déchets à vie courte sont d’ores‐et‐déjà opérationnelles.     Dans ce cadre, l’Andra est en charge de la surveillance du Centre de Stockage de la Manche (CSM),  qui  a  accueilli  entre  1969  et  1994  plus  de  500 000  m3   de  déchets  de  (FMA‐VC).  L’Andra  exploite  désormais dans l’Aube le Centre de Stockage des déchets de Très Faible Activité (TFA), le CSTFA, et le  Centre de Stockage des déchets de Faible et Moyenne Activité à Vie Courte (FMA‐VC), le CSFMA,  dotés respectivement d’une capacité de 650 000 m3  et d’1 million de m3 .       Fig. 5 : Vue aérienne du CSM  Fig. 6 : Vue intérieure du CSTFA Fig. 7 : Vue intérieure du CSFMA Les déchets de haute et de moyenne activité à vie longue  En 2007, l’Inventaire National a recensé 3 000 m3  de déchets de Haute Activité (HA) et 40 000 m3  de  déchets de Moyenne Activité à Vie Longue (MAVL) français. En 2030, on estime que l’inventaire sera  porté à 5 000 m3  pour les déchets HA et 50 000 m3  pour les déchets MAVL. La filière électronucléaire  est responsable à elle seule de la production de 80% des déchets HA et de 60% des déchets MAVL.  S’ils ne représentent en volume que 0,2% du total des déchets radioactifs français, les déchets HA  concentrent à eux seuls 95% de la radioactivité !    Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 15 sur 109  
  • 16. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires  Déchets HA          Déchets MAVL    Fig. 8 : Répartition en volume des déchets HA et MAVL à fin 2007 (Inventaire National, 2009)    Les  déchets  HA  et  MAVL  français  sont  principalement  issus  du  traitement  des  combustibles  usés,  actuellement réalisé par Areva à La Hague grâce à deux usines de capacité annuelle de 800 tonnes de  combustible chacune. Une fois déchargé du réacteur, le combustible usé contient 96% de matières  valorisables  (95%  d’Uranium  et  1%  de  Plutonium)  et  4%  de  déchets  radioactifs.  Le  traitement  consiste à séparer les matières valorisables des déchets, à les purifier et à les conditionner sous une  forme qui permette de les expédier en toute sécurité vers les usines de fabrication du combustible  recyclé.    Les 4% d’éléments non‐valorisables présents dans le combustible usé sont constitués :  • de produits de fission (Césium 134, Strontium 90), éléments radioactifs à vie courte, et  • d’actinides mineurs (Curium 244, Américium 241), éléments radioactifs à vie longue.  Ces déchets sont concentrés dans une solution de haute activité et mélangés à de la fritte  de  verre  dans  un  four  de  fusion  pour  former  un  verre  homogène  emprisonnant  les  éléments  radioactifs.  C’est  le  procédé  de  vitrification,  élaboré  dans  l’Atelier  Pilote  de  Marcoule, puis mis en service à une échelle industrielle dans l’Atelier de Vitrification de  Marcoule et les ateliers R7 et T7 de La Hague. 98% du volume des déchets HA français  destinés  au  stockage  profond  se  présente  sous  forme  de  colis  de  déchets  vitrifiés.  Le  reste est composé de quelques combustibles usés expérimentaux et issus de la propulsion  navale, qui seront sans doute stockés en l’état. Traiter 800 tonnes de combustible usé  génère environ 500 Colis Standards de Déchets Vitrifiés (CSD‐V) de 400 kg.    Fig. 9 : CSD‐V  Le traitement des combustibles usés produit également de nombreux déchets MAVL et  en premier lieu, les déchets de structure des assemblages combustibles, qui contiennent  des produits d’activation à vie longue. Areva a mis au point à La Hague un procédé de  compactage  des  coques  et  embouts  qui  permet  de  diviser  le  volume  de  ce  type  de  déchets par un facteur cinq. La France applique en effet une stratégie de concentration  de la radioactivité qui passe par la réduction du volume des déchets ultimes. Les galettes  obtenues  sont  ensuite  conditionnées  dans  des  Conteneurs  Standards  de  Déchets  Compactés (CSD‐C) de 175L, géométriquement semblables aux conteneurs de déchets  vitrifiés.  Fig. 10 : CSD‐C   Comme tout procédé industriel, le traitement génère également des déchets technologiques qui lui  sont propres : matériels usés, gants, filtres, résines. Ces déchets sont conditionnés en colis cimentés.  Enfin,  les  effluents  radioactifs  issus  notamment  des  opérations  de  rinçage  sont  ordinairement  conditionnés en colis de déchets bitumés. Un conditionnement des déchets sous forme solide est en  effet une spécification d’acceptation au stockage indispensable.  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 16 sur 109  
  • 17. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires                  Fig. 11 : Colis de déchets cimentés                Fig. 12 : Colis de déchets bitumés    Outre  les  déchets  issus  directement  du  traitement  des  combustibles  usés,  certaines  structures  activées par les flux de neutrons présents dans les réacteurs nucléaires conduisent à des déchets  MAVL en faible quantité, par exemple, les grappes de contrôles ou les structures récupérées après  démantèlement. Par ailleurs, les installations de recherche du CEA et le programme de la défense  nationale  produisent  également  des  déchets  MAVL.  Les  déchets  MAVL,  contenant  moins  de  radionucléides  à  vie  courte  que  les  déchets  HA,  émettent  peu  de  chaleur  mais  nécessitent  un  isolement de longue durée à cause de leur contenu en éléments radioactifs à vie longue.    L’épineuse question des déchets à vie longue  Les  déchets  nucléaires,  et  tout  particulièrement  les  déchets  à  vie  longue,  alimentent  traditionnellement  l’argumentaire  des  opposants  à  l’énergie  atomique.  Au‐delà  du  danger  lié  à  l’exposition directe, ils représentent une menace à très long terme pour l’environnement. La durée  de leur nocivité est un argument qui défie la raison. Comment s’assurer que les radionucléides ne se  répandront pas dans la nature, qu’ils ne pollueront pas les sols et les nappes phréatiques, qu’ils ne  passeront pas dans la chaîne alimentaire ? Qui les surveillera pendant un million d’années ?     Lorsque l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs est créée en 1979, sa mission est  limpide : régler le problème des déchets nucléaires qui menace l’avenir de la filière électronucléaire  française. Pour des raisons de sûreté et de radioprotection, les déchets HA et MAVL ne peuvent être  stockés en surface, comme c’est déjà le cas pour les déchets à vie courte. Depuis les années 60, un  concept  fait  consensus  au  sein  de  la  communauté  scientifique  internationale :  le  stockage  en  profondeur.  L’idée  est  de  disposer  les  déchets  dans  une  formation  géologique  assurant  le  confinement des radionucléides durant les centaines de milliers d’années nécessaires.     Pour  explorer  cette  voie,  l’Andra  s’associe  en  1982  avec  la  Belgique,  la  Suisse  et  l’Allemagne,  qui  possèdent  déjà  des  laboratoires  souterrains  destinés  à  l’exploration  de  formations  argileuses,   granitiques  et  salines.  A  la  fin  des  années  1980,  l’agence  prospecte  les  campagnes  françaises  en  quête d’une formation géologique adéquate. Quatre départements sont retenus pour faire l’objet  d’un examen approfondi de leur sous‐sol : les Deux Sèvres (granite), le Maine et Loire (ardoise), l’Ain  (formations salines) et l’Aisne (argile).     Sur  place,  les  techniciens  entament  des  études  géologiques  et  sismiques,  mais  se  heurtent  rapidement  à  des  réactions  violentes,  relayées  par  un  puissant  écho  médiatique  stigmatisant  les  « poubelles nucléaires » de l’Andra. C’est le début d’un bras de fer entre l’intérêt général et l’intérêt  particulier. Investis d’une mission stratégique pour l’avenir de la politique énergétique française, les  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 17 sur 109  
  • 18. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires  ingénieurs négligent de consulter les élus locaux et les associations. Soucieux de l’impact négatif que  pourrait  avoir  un  stockage  sur  l’image  de  leur  région  et  son  économie,  certains  riverains  se  mobilisent contre le projet.     Au‐delà de la réticence des populations locales, le projet de stockage profond rencontre également  l’opposition  frontale  des  militants  anti‐nucléaires.  Des  rassemblements  fortement  médiatisés  sont  organisées sur les sites qui retiennent l’attention de l’Andra. En mettant en échec toute solution de  gestion à long terme des déchets, les opposants entendent démontrer que l’industrie nucléaire toute  entière  est  dans  une  impasse.  Cette  résistance  idéologique  n’a  qu’un  seul  but :  alarmer  l’opinion  publique pour que la France sorte du nucléaire.    Sous l’effet de la vive opposition suscitée par les investigations sur le terrain, le Premier Ministre  Michel Rocard décrète en 1989 un moratoire qui gèle les recherches menées dans le cadre du projet  de  stockage  profond.  Pour  sortir  de  cette  impasse  et  redonner  une  légitimité  au  projet,  le  gouvernement décide de transmettre le dossier au législateur au début des années 1990.    3. Un enjeu de politique nationale et locale  L’encadrement législatif des trois axes de recherche  Le 30 décembre 1991, le parlement vote sans opposition une loi sur la gestion durable des déchets  radioactifs.  On  la  nomme  aussi  « loi  Bataille »,  du  nom  de  son  rapporteur,  le  député  du  Nord,  Christian Bataille, également membre de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques  et Technologiques (OPECST). Cette loi est historique à double titre. Elle marque d’abord la prise en  main du problème de la gestion des déchets HA et MAVL par les parlementaires. C’est également la  première fois qu’une loi française fixe avec précision le contenu d’un programme de recherche.    La  loi  définit  en  effet  trois  axes  de  recherches  pour  la  gestion  des  déchets  de  haute  activité.  Le  stockage en couche géologique profonde reste une solution privilégiée, dont l’étude est confiée à  l’Andra.  A  cette  occasion,  l’agence  se  voit  attribuer  le  statut  d’Etablissement  Public  Industriel  et  Commercial (EPIC). L’objectif est de lui conférer une véritable indépendance vis‐à‐vis du CEA (dont  elle était précédemment un département), et plus largement des producteurs de déchets.    Le CEA hérite des deux autres axes de recherche : l’entreposage de longue durée en surface et la  séparation‐transmutation.  L’entreposage  n’est  pas  une  solution  définitive car  les  installations  de  surface  ont  des  durées  de  vie  limitées.  Cette  solution  fait  donc  supporter  la  charge  des  déchets  radioactifs  sur  les  générations  futures.  Elle  nécessite  en  effet  de  reconstruire  périodiquement  de  nouveaux  entrepôts  et  d’y  transférer  les  déchets  qui  s’accumulent,  tout  en  sachant  que  leur  conditionnement  se  dégrade  avec  le  temps.  L’entreposage  permet  cependant  de  regrouper  les  déchets afin d’en faciliter l’accès et la surveillance, dans l’attente de progrès scientifiques permettant  l’émergence de nouvelles solutions. Aujourd’hui, l’entreposage de longue durée comme solution de  gestion à long terme des déchets a été abandonné par la loi. Toutefois, l’entreposage préalable des  déchets reste une étape nécessaire, pour assurer notamment la décroissance thermique des déchets  dont  la  température  est  incompatible  avec  le  stockage  en  couche  géologique  profonde.  L’entreposage est par ailleurs la seule solution disponible à l’heure actuelle pour gérer les déchets HA  et MAVL.   Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 18 sur 109  
  • 19. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires    Le dernier axe, celui de la séparation‐transmutation, est de loin le plus prospectif. Dans un contexte  industriel,  la  séparation  poussée  interviendrait  dans  le  cadre  du  traitement  du  combustible  usé,  après  que  la  solution  de  haute  activité  ait  été  épurée  des  matières  valorisables  (uranium  et  plutonium). Plutôt que de vitrifier cette solution en vue de l’entreposer puis de la stocker, l’idée de la  séparation poussée est d’en extraire sélectivement les radionucléides : neptunium, puis iode, puis  américium, puis curium, etc. La faisabilité de ce procédé a été démontrée dans l’installation Atalante  du CEA à Marcoule.    La transmutation vise à diminuer la durée de vie des radioéléments à vie longue isolés par séparation  poussée. Un tel miracle pourrait être obtenu par bombardement neutronique dans un réacteur à  neutrons rapides (RNR). C’est la raison pour laquelle le CEA privilégie les RNR comme solution de  référence pour la quatrième génération de réacteurs électronucléaires. Le réacteur expérimental à  neutrons rapides Phénix a démontré la faisabilité de la transmutation de certains actinides mineurs  comme  l’américium  et  le  neptunium.  Cependant,  les  recherches  menées  par  le  CEA  ont  conclu  à  l’infaisabilité industrielle de la transmutation des produits de fission comme l’iode 129 et le césium  135. La transmutation ne pourra donc pas se substituer au stockage profond des déchets ultimes de  haute activité. A terme, elle pourra toutefois en réduire la nocivité.    La réconciliation des intérêts locaux et nationaux  En  1993,  le  député  Christian  Bataille  prend  en  charge  une  mission  de  médiation  pour  trouver  de  nouveaux  sites  susceptibles  d’accueillir  un  laboratoire  souterrain.  Après  l’échec  des  investigations  menées  sans  concertation  à  la  fin  des  années  1980,  le  processus  intègre  dorénavant  un  dialogue  direct avec les élus locaux. Un appel à candidature est lancé auprès des Conseils Généraux de toute  la France, et quatre départements sont finalement retenus pour l’intérêt de leur sous‐sol : la Vienne,  la Meuse, la Haute‐Marne et le Gard.    En 1994, les géologues de l’Andra peuvent retourner sereinement sur le terrain. Leurs investigations  sont désormais encadrées par une loi, et soutenues sur place par des élus qui trouvent un véritable  intérêt dans le projet. Le stockage en couche géologique profonde représente en effet une source  importante d’emplois directs et indirects sur une durée d’exploitation qui dépassera certainement le  siècle. En plus des emplois créés, un laboratoire souterrain génère également des revenus directs  pour les communes et les départements sur lesquels il est implanté, via un fonds d’accompagnement  financé directement par une taxe payée par les producteurs de déchets radioactifs.     L’Andra  dépose  en  1996  trois  demandes  de  création  pour  des  laboratoires  souterrains  dans  la  Vienne, dans le Gard et sur la commune de Bure (85 habitants), située à la frontière entre la Meuse  et  la  Haute‐Marne.  Cependant,  le  site  granitique  de  la  Vienne  est  écarté  pour  des  raisons  scientifiques.  Le  site  du  Gard  rencontre  sur  place  la  vive  opposition  de  certains  vignerons  qui  craignent que le projet porte atteinte à l’image de leur vignoble. Un unique laboratoire voit donc le  jour à Bure, pour y étudier une couche d’argile datant du Callovo‐Oxfordien (‐160 Millions d’années).  Le but est de recueillir des données sur le comportement mécanique, thermique et chimique de la  roche à 500 mètres de profondeur, afin de tester ses capacités de confinement, son imperméabilité  et sa stabilité.  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 19 sur 109  
  • 20. Petite hiistoire de la ggestion des ddéchets nuclléaires    L B d d à c c l’ B « La constructi Bien  que  cet de  déchets  d’opposition  à  faire  barr concertation chargés  du  ’occasion d’u Bure, les com « Oui au labo ion du labor tte  installati radioactifs locaux, nati rage  au  pr   mené  par  sujet  sem un rassembl mmunes avo o ! ».   ratoire de B on  n’ait  pas s,  elle  mob ionaux et eu ojet.  Cepen les  parleme ble  avoir  p ement anti‐n oisinantes arb ure débute  s  vocation  à  bilise  des  uropéens dé ndant,  le  tr entaires  qui porté  ses  nucléaire eu borent des p en 2000.  recevoir  collectifs  éterminés  ravail  de    se  sont  fruits.  A  ropéen à  pancartes  Fig lab g. 13 : Galerie boratoire de B es souterraine Bure (Andra, 2 es du  2009)  Un  Com permane des asso future im place  de Reconna intégré à mité  Local  d ent entre les ociations et m mplantation  e  choix.  Grâ aissance App à la fois des c d’Information s ingénieurs  même des op des installa âce  à  cette  profondie (ZI critères scien n  et  de  Sui de l’Andra e pposants au  tions de sur structure  d IRA), qui cou ntifiques et s ivi  (CLIS)  es et le public.  projet. Parm rface et des  ’échange,  la uvre une tre socio‐économ st  mis  en  p Le CLIS intè mi les sujets q ouvrages so a  délimitatio entaine de k miques.   place  pour  ègre notamm qui y sont dé outerrains d on  de  la  Zo m2  à proxim assurer  un  ment des élu ébattus, le ch u stockage t ne  d’Intérêt mité du labor dialogue  us locaux,  hoix de la  tient une  t  pour  la  ratoire, a    L’introdduction d’uune exigence sociétale  : la réversiibilité  En juin  parleme profond  à vie lon public av réserve d 2005, l’Andr entaires  vote la solution d ngue. La loi  vant que sa  d’un décret d ra établit la  ent  en  2006 de référence encadre str demande d’a d’autorisatio faisabilité d 6  une  nouve e pour la gest ictement le  autorisation  on de créatio du stockage  elle  loi  de  p tion des déc calendrier d de création  on, la mise en       La loi n° public o sûreté, m le  plan  t                 6  Voir An Di Zazzo/Mic °2006‐739 af rganisé en 2 mais sociétal technique,  l                        nexe 5 : Loi n chaël Fertin  ffirme un co 2005 : la réve le. Il s’agit de es  colis  stoc                         °2006‐739  Fig. 14 :  oncept soute ersibilité. Ce e ne pas ferm ckés  dans  le Calendrier du enu par la so e concept ne mer l’avenir  es  alvéoles  s u projet HA‐M dans la cou programme6 hets de haut du projet, qu soit instruit n service du  che d’argile qui  fait  du te activité et ui devra être e au cours d stockage est  étudiée à  B u  stockage  r t de moyenn e soumis à u de l’année 20 t prévue pou Bure. Les  réversible  e activité  un débat  015. Sous  ur 2025.     ociété civile  e relève pas  avec des déc souterraines  MAVL (Andra,  à l’occasion d’une exige cisions prises devront  po 2009)  n d’un premi nce techniq s dans le pré uvoir  être  r ier débat  ue ou de  ésent. Sur  écupérés  Jérémy D Page 200 sur 109  
  • 21. Petite histoire de la gestion des déchets nucléaires  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 21 sur 109   pendant une durée d’au moins cent ans, notamment dans le cas d’une évolution des connaissances  scientifiques  qui  permettrait  de  valoriser  les  déchets  autrement.  Sur  le  plan  décisionnel,  l’Andra  envisage  actuellement  la  réversibilité  par  le  pilotage  progressif  du  processus  de  stockage,  qui  pourrait s’étaler sur une centaine d’années. La fermeture du site pourra être effectuée par étapes  intermédiaires, tout en sachant que les opérations de retrait des colis deviendraient progressivement  plus complexes.     En outre, le stockage devra être modulaire, afin de permettre aux générations suivantes d’en faire  évoluer la conception en fonction du retour d’expérience acquis. Les décisions correspondant à la  construction, à la mise en exploitation, au remblaiement, puis au scellement de chaque module de  stockage seront prises par les parties prenantes à l’occasion de jalons intermédiaires, qui pourraient  être planifiés tous les dix ans par exemple.   
  • 22.   B/ Le projet de stockage réversible profond  1. Un objet scientifique et technologique  Un objectif de sûreté à long terme  L'objectif fondamental du stockage réversible profond est rappelé par le Guide de sûreté relatif au  stockage  définitif  des  déchets  radioactifs  en  formation  géologique  profonde  (ASN,  2008)  :  «  La  protection des personnes et de l'environnement constitue l'objectif fondamental assigné au stockage  des  déchets  en  formation  géologique  profonde.  Elle  doit  être  assurée  envers  les  risques  liés  à  la  dissémination de substances radioactives et de toxiques chimiques ».    La  protection  de  l’homme  et  de  l’environnement  repose  sur  le  respect  d’exigences  de  sûreté  de  conception  et  d’exploitation  qui  garantissent  leur  maintien  dans  toutes  les  situations  de  fonctionnement  ou  de  configurations  pour  lesquelles  elles  sont  requises.  En  exploitation,  les  fonctions de sûreté d’un stockage de déchets radioactifs sont comparables à celles de toute autre  installation nucléaire, notamment protéger le personnel, le public et l’environnement des risques de  dissémination des substances radioactives et d’exposition externe aux rayonnements ionisants.    Les recherches sur le stockage réversible profond s’inscrivent dans l’objectif de « prévenir ou limiter  les  charges  qui  seront  supportées  par  les  générations  futures  »  (loi  n°  2006‐739  du  28  juin  2008,  article 2). Aussi, le stockage est‐il conçu de manière à pouvoir être fermé. Après cette fermeture, la  protection  de  l’homme  et  de  l’environnement  sera  assurée  par  la  mise  en  œuvre  de  dispositions  passives. En effet, le Guide de sûreté précise : « Après la fermeture de l’installation, la protection de  la santé des personnes et de l’environnement ne doit pas dépendre d’une surveillance et d’un contrôle  institutionnel qui ne peuvent pas être maintenus de façon certaine au‐delà d’une période limitée ». La  passivité du stockage après la fermeture constitue la différence fondamentale de fonctionnement  avec un entreposage.    Pour  obtenir  l’autorisation  de  création  du  stockage  réversible  profond,  l’Andra  doit  apporter  à  l’Autorité de sûreté nucléaire la démonstration que les « barrières » mises en place pour isoler les  déchets  de  la  biosphère  assureront  la  sûreté  après  fermeture  sur  la  durée  nécessaire  à  la  décroissance radioactive des éléments à vie longue, soit un million d’années. La mise en œuvre d’une  telle démonstration est une première sur le plan scientifique. Pour y parvenir, l’Andra est associée à  plusieurs  laboratoires  de  recherche,  universités  et  prestataires  spécialisés.  Le  CEA  assure  ainsi  la  réalisation de plusieurs études qui nécessitent des moyens et des compétences très pointus.    Voici quelques exemples de fonctions de sûreté auxquelles contribuent les alvéoles de stockage :  • S’opposer aux circulations d’eau,  • Limiter le relâchement des radionucléides et les immobiliser,  • Retarder et atténuer la migration des radionucléides, grâce à une épaisseur d’argilite de 60  mètres au‐dessus et en dessous des alvéoles (barrière de diffusion),  • Protéger la roche hôte en limitant les perturbations mécaniques induites dans la roche au  voisinage.    Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 22 sur 109 
  • 23. Le projet de stockage réversible profond  Une réflexion « à terminaison »  L’Andra a publié en 2009 un dossier qui propose une première description des futures infrastructures  du stockage réversible profond. En voici une brève présentation. Le centre de stockage comprendra  des  installations  de  surface,  des  installations  souterraines  et  des  ouvrages  reliant  la  surface  et  le  fond.  En  surface,  un  premier  ensemble  regroupera  les  bâtiments  de  soutien  des  activités  de  construction  du  stockage,  en  prenant  en  compte  la  gestion  des  déblais  issus  du  creusement.  Un  second ensemble sera voué aux activités nucléaires du centre avec la réception des emballages de  transport,  l’extraction  et  le  contrôle  des  colis  primaires  de  déchets  radioactifs  et  leur  conditionnement dans des conteneurs de stockage.      Fig. 15 : Futures infrastructures du stockage réversible profond (Andra, 2009)    Les infrastructures souterraines du stockage seront implantées en position médiane dans la couche  d’argilites du Callovo‐Oxfordien. Pour répondre aux besoins de fractionnement liés à la sûreté à long  terme,  et  de  modularité  favorisant  la  flexibilité  et  la  progressivité  de  la  construction  et  de  l’exploitation du stockage, les zones de stockage seront subdivisées de façon arborescente en sous‐ zones, modules et alvéoles de stockage.     Comme le montre le plan qui suit, les études menées par l’Andra jusqu’en 2009 ont été engagées  avec  le  souci  d’une  optimisation  globale  du  concept  de  stockage  réversible  profond.  Les  travaux  d’ingénierie ont donc porté sur la totalité des infrastructures à créer sur la période d’exploitation du  stockage.  De  la  même  façon,  les  travaux  d’inventaire  des  déchets  HA  et  MAVL  ont  porté  sur  l’intégralité de la production engagée par le parc nucléaire actuel, y compris la production à venir.    Un premier scénario de mise en stockage des déchets HA‐MAVL à partir de la mise en service du  stockage a été proposé en 2009. Il intègre les 106 familles différentes de déchets à stocker sur une  période s’étalant de 2025 à 2150. Le projet entrant dans une phase plus industrielle, le besoin s’est  fait ressentir de recentrer l’ensemble des études sur une échelle de temps plus restreinte et plus  urgente : la première tranche du stockage, qui pourrait s’étendre de 2025 à 2040.    Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 23 sur 109  
  • 24. Le projet de stockage réversible profond    Fig. 16 : Architecture souterraine du stockage à terminaison (Andra, 2009)    Des équipements de haute technologie  Nous présentons ici quelques équipements du futur stockage encore en cours de conception afin de  montrer  le  haut  degré  de  technicité  du  projet,  ce  qui  nous  paraît  nécessaire  à  une  meilleure  compréhension du contexte de notre sujet.     Les ouvrages de liaison entre la surface et les installations souterraines du stockage sont constitués  de deux types d’ouvrage : les puits et les galeries inclinées (descenderies). Les puits verticaux, situés  à l’aplomb des ouvrages souterrains, servent à la ventilation, à l’extraction des déblais et au transfert  du matériel et du personnel. La descenderie comprendra un ouvrage dédié au transfert des colis de  stockage ainsi qu’un ouvrage de service permettant l’accès des personnes et des équipements.     L’alvéole  MAVL  est  une  galerie  horizontale  de  longueur  400  m  et  de  section  50  m2 .  Elle  devra  disposer  d’un  revêtement  en  béton  et  de  plusieurs  portes  blindées  qui  assureront  la  protection  radiologique du personnel tout en permettant la maintenance des équipements. Il est actuellement  prévu que l’alvéole permette l’empilement des colis de stockage sur deux ou trois niveaux et soit  aménagée de façon à limiter les vides résiduels autour des colis. Elle devra être équipée d’une cellule  de  manutention  télé‐opérée  comprenant  à  minima  un  système  de  transfert  et  un  système  d’empilement des colis, capable à la fois de stocker et de retirer des colis.    L’alvéole HA est un microtunnel borgne de longueur 40 m et de diamètre 0,7 m, qui correspond à  celui  des  colis  de  stockage,  augmenté  du  jeu  de  manutention  et  de  l’épaisseur  du  chemisage  métallique  dont  elle  est  recouverte.  Elle  devra  être  équipée  d’une  enceinte  blindée  assurant  la  protection  radiologique  du  personnel  et  d’un  système  avec  chaîne  pousseuse  permettant  d’introduire  les  colis  dans  l’alvéole.  On  envisage  équiper  la  chaîne  pousseuse  d’un  grappin  de  préhension, pour effectuer des opérations de retrait des colis dans le cadre de la réversibilité.    Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 24 sur 109  
  • 25. Le projet de stockage réversible profond  Lorsque la fermeture sera décidée, elle sera mise en œuvre progressivement par un remblaiement  du  réseau  de  galeries  de  liaison  et  la  construction  de  scellements.  Par  ailleurs,  des  saignées  hydrauliques radiales remplies d’argile gonflante, disposées à intervalles réguliers, complèteront le  dispositif de fermeture. Elles interrompront le revêtement et la zone fracturée d’argilite.   Fig. 17 : Mise en sur‐conteneur MAVL (Andra, 2009) Fig. 18 : Alvéole de stockage MAVL (Andra, 2009) Fig. 19 : Hotte de transfert HA (Andra, 2009) Fig. 20 : Scie pour saignées radiales (Andra,2009)   2. Un projet encadré, évalué et contrôlé  La tutelle administrative  La loi de 1991 a donné à l’Andra un statut d’Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC). Le  premier objectif était bien sûr de lui conférer une véritable indépendance vis‐à‐vis des producteurs  de déchets qui financent ses recherches. Le statut d’EPIC a également permis de rapprocher l’agence  des responsables politiques, qui se sont saisis de la gestion des déchets radioactifs depuis le début  des années 1990.     La présidence de l’Andra est assurée par un député, qui partage la gouvernance de l’agence avec la  Directrice Générale. Actuellement, le Président de l’Andra est M. François‐Michel Gonnot, député de  l’Oise. La stature publique du Président lui confère la légitimité nécessaire pour porter les projets de  l’agence devant les collectivités locales des sites retenus pour y implanter un stockage.     La loi de 1991 a placé l’agence sous la tutelle directe des ministères de l’industrie, de la recherche et  de l’environnement. Au sein du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et  de la Mer, c’est la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) qui suit au plus près l’avancée  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 25 sur 109  
  • 26. Le projett de stockage réversible profond  des  trav commun produit  exposait “jalon” d vaux  de  l’A nication priv un  dossier  t les différen de l’Andra es Andra  et  va ilégié entre  complet  fa tes options  st prévu pou alide  les  or l’Andra et l’a isant  état  d de sûreté, d r fin 2012.  rientations  administrati de  l’état  d’a e conception techniques. on. Ainsi, à c avancement  n et de réver Le  rapport chaque jalon du  projet.  rsibilité envis t  est  le  fo n important, Le  « Dossie sagées et le  ormat  de   l’agence  er  2009 »  prochain    Pour ass triple tu techniqu Chaussé fonction l’intelligi surer l’interf telle ministé ues  de  l’Etat es,  et  le  D nement  de  ibilité des tra face entre la érielle, les di t.  En  2010,  Directeur  in l’Etat  dans  avaux scient a population  irecteurs de  le  Directeur ndustriel,  du les  domaine ifiques de l’A d’ingénieur l’Andra fon r  des  projet u  Corps  de es  technique Andra par les s et de doct t traditionne s  était  en  e es  Mines.  U es  permet  e s décideurs p teurs qui com ellement par effet  issu  du Une  bonne  en  effet  aux  politiques.  mpose l’agen rtie des gran u  Corps  des  compréhen directeurs  d nce et sa  nds corps  Ponts  et  nsion  du  d’assurer    Comme  S’il exist néanmo expérien de stock stockage assure é activité à service d     L’évalua La politiq national membre de reche étudiée  l’Andra.  Di Zazzo/Mic l’indique l’o e un service  ins  les  com nces en labo kage de surf e élaborées p également le  à vie longue des deux pro rganigramm consacré ex mpétences  d ratoire men ace exploité par la Direct  développem e (FAVL), le S ojets de stock ation scien que de trans e  d’évaluati e de l’Académ erches défin par le CEA, a   Di In Chef  Te chaël Fertin  ntifique  sparence init ion  (CNE),  u mie des scien nis  par  la loi ainsi que le p Préside Con d'Admin recteur dustriel du Service chnique me ci‐dessous xclusivement e  toutes  les ées par la D és par la Dire ion de la ma ment du proj Service techn kage portés p Fig. 21 : Or tiée avec la lo un  organe  in nces. La com  de 1991 et  projet de sto ent du seil  istration Directeur  Projets Chef du Pr HA‐MAV s, l’Andra est t au dévelop s  directions Direction scie ection indus aîtrise des ris jet de stocka nique réunit  par l’Andra. t structurée  pement du p .  Il  se  nour entifique, du trielle et de sques. Au se age à faible p des ingénie selon une d projet HA‐M rrit  en  effet  retour d’ex s spécificatio in de la Dire profondeur d urs aux prof division fonct AVL, celui‐ci t  des  étude périence de ons d’accept ction des pro des déchets  fils variés qu tionnelle.   mobilise  s  et  des  s centres  tation en  ojets, qui  de faible  ui sont au  rganigramme oi de 1991 s’ ndépendant mmission exa repris par l ockage révers Directrice Générale des s rojet  VL C e de l’Andra  ’est traduite  présidé  jus amine en con la loi de 200 sible profond Chef du Projet FAVL Directeur Scientifique par la créati squ’en  2009  ntinu l’avanc 06 : la sépa d et l’axe ent Directe Maîtr Risq eur de la rise des ques   ion de la Com par  Bernar cement des t ration‐trans treposage pi mmission  rd  Tissot,  trois axes  mutation  ilotés par  Jérémy D Page 266 sur 109  
  • 27. Le projet de stockage réversible profond    La  CNE  est  composée  d’experts  reconnus  sur  le  plan  international  et  nommés  pour  six  ans  par  l’Assemblée Nationale, le Sénat et le gouvernement. Elle passe au crible les dossiers de l’Andra dont  elle est un évaluateur privilégié. Au cours d’auditions publiques, elle interroge les différentes parties  prenantes sur les thèmes de son choix. Le premier scénario de mise en stockage des déchets HA‐ MAVL qui a été élaboré au cours de l’année 2009 par l’Andra a été présenté à la commission par le  Directeur des Projets en décembre 2009, devant un auditoire incluant notamment les producteurs de  déchets et l’autorité de sûreté.    Un rapport synthétisant les travaux  de la CNE est transmis  chaque année  par le gouvernement à  l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), ce qui assure  notamment le suivi continu du projet de stockage réversible profond par les parlementaires. En sus  de l’évaluation des travaux effectués, la commission émet des recommandations pour la poursuite  des  études  à  mener.  Dans  un  souci  de  transparence  vis‐à‐vis  du  public,  ce  rapport  annuel  est  disponible sur internet.    Le contrôle de l’Autorité de sûreté  L’Andra est également soumise au contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ses installations  de stockage dans l’Aube sont régulièrement inspectées, de même que son laboratoire souterrain, qui  n’accueille pourtant aucun déchet radioactif, car l’ASN suit de près l’avancement des projets menés  par  l’Andra.  Grâce  à  son  appui  technique  l’IRSN,  l’autorité  est  en  mesure  de  fournir  des  avis  sur  chacun  des  dossiers  émis  par  l’Andra.  L’instruction  par  l’ASN  de  la  Demande  d’autorisation  de  création (DAC) du stockage réversible profond, prévue à l’horizon 2015, sera un élément‐clef et un  jalon indispensable du processus d’autorisation du projet.     Créée par la loi n° 2006‐686 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (loi TSN),  l’Autorité  de  sûreté  nucléaire  est  une  institution  indépendante.  Comme  l’Autorité  des  marchés  financiers,  l’ASN  dispose  des  pouvoirs  législatifs,  exécutifs  et  judiciaires  dans  son  domaine  de  compétence. Les règlements et les prescriptions établies par le Collège de l’ASN et publiés au Bulletin  Officiel de l’ASN s’imposent aux exploitants des installations nucléaires. L’ASN est obligatoirement  consultée  pour  tout  projet  de  décret  ministériel  ayant  trait  à  la  sûreté  nucléaire  ou  à  la  radioprotection.     Le contrôle est par ailleurs le cœur de métier  de l’ASN, qui réalise des inspections régulières des  installations nucléaires, dans le souci de protéger les travailleurs, le public, et l’environnement des  risques liés aux activités nucléaires. Dans ce cadre, les inspecteurs de l’ASN sont habilités à effectuer  des mises en demeures ou encore à infliger des amendes en cas d’infraction à la réglementation en  vigueur.    Néanmoins, la sûreté est un élément délicat à apprécier dans le cadre d’une étude multicritères. On  ne peut en effet rapporter sans équivoque une évaluation sur un plan économique. Les études de  sûreté  sont  menées  pour  démontrer  que  des  objets  techniques  assurent  la  radioprotection  de  l’homme  et  de  l’environnement  en  conditions  normales  et  dégradées  de  fonctionnement.  Il  est  cependant  difficile  de  formuler  un  indicateur  fiable  pour  évaluer  la  sûreté  d’une  installation  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 27 sur 109  
  • 28. Le projet de stockage réversible profond  nucléaire,  d’une  matrice  de  conditionnement  ou  d’un  transport  de  déchets.  Nous  en  avons  fait  l’expérience  au  début  de  nos  investigations,  alors  que  le  libellé  de  notre  sujet  demandait  explicitement de prendre en compte des critères à la fois techniques, économiques et de sûreté dans  la conception de la chaîne logistique des déchets de haute et de moyenne activité à vie longue. Toute  la difficulté d’une étude multicritères est de comparer sur un même plan des critères techniques,  économiques, politiques et de sûreté.    3. Un enjeu financier majeur  Une nécessité technique et commerciale pour l’industrie  Si la plupart des pays nucléarisés ont des projets de stockage en couche géologique profonde dans  leurs  cartons,  il  n’existe  à  l’heure  actuelle  aucun  stockage  de  déchets  de  haute  activité  en  exploitation  dans  le  monde.  En  Allemagne,  plusieurs  projets  de  stockage  sont  à  l’étude  dans  des  anciennes mines de sel, mais ils rencontrent des difficultés d’ordre politique ou technique. En effet,  un moratoire a gelé le projet de stockage des déchets de haute activité, et le stockage des déchets de  faible et de moyenne activité connaît des problèmes de stabilité qui perturbent son exploitation. Les  Etats‐Unis disposent d’un centre de stockage opérationnel pour les déchets MAVL militaires, mais  ont  supprimé  les  crédits  de  recherche  du  laboratoire  de  Yucca  Mountain,  destiné  à  l’étude  du  stockage des combustibles usés de l’électronucléaire civil.     Grâce  à  son  laboratoire  souterrain  Hades,  la  Belgique  mène  depuis  près  de  30  ans  des  dizaines  d’expériences de thermique, de mécanique, de chimie et de radiation dans une couche géologique  d’argile. L’Andra participe à ces expériences menées en partenariat avec plusieurs pays européens.  La Suède, la Finlande et la Suisse disposent chacune d’un laboratoire pour l’étude du granite dans  lesquels sont menées des expériences de caractérisation, d’hydrogéologie et de modélisation dans  un  cadre  international.  Avec  une  mise  en  service  de  son  stockage  prévue  pour  2020,  la  Finlande  pourrait être le premier pays à stocker en profondeur des matières de haute activité. Cependant, il  ne s’agirait pas d’un stockage de « déchets » au sens où l’entend la loi française, car la Finlande a  choisi de stocker directement ses combustibles usés, conditionnés dans des conteneurs en cuivre  très performants.    La plupart des projets étrangers envisagent en effet le stockage direct des combustibles usés, après  une  étape  d’entreposage  préalable.  Le  succès  du  stockage  en  profondeur  des  déchets  vitrifiés  de  haute activité pourrait conforter le choix du traitement des combustibles usés tel qu’il est pratiqué  en France. D’autres pays pourraient même imiter la France, à l’image du Japon qui a construit une  usine de traitement sur le modèle de l’usine de La Hague, après en avoir acquis la licence auprès  d’Areva. Parce qu’il apporterait une solution de gestion durable pour les déchets les plus nocifs, un  stockage réversible profond en exploitation pourrait également dynamiser la filière électronucléaire  française à l’export, et notamment la vente de réacteurs.    Un exutoire attendu pour les déchets anciens  Le 7 mai 2010, nous avons passé une journée sur le site de Marcoule organisée par le CEA. Nous  avons eu l’occasion de visiter plusieurs installations de conditionnement et d’entreposage de déchets  de haute et de moyenne activité à vie longue. Nous avons également pu nous entretenir avec les  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 28 sur 109  
  • 29. Le projet de stockage réversible profond  exploitants de ces installations, ce qui nous a notamment permis de cerner avec précision les enjeux  liés à deux déchets particuliers : les colis de déchets vitrifiés C0 et les fûts de bitume. Il s’agit de  déchets anciens produits et entreposés à Marcoule depuis la fin des années 1960 dans le cadre de la  production de plutonium militaire du CEA.    Les colis C0 sont des fûts en acier inoxydable de 175l qui contiennent les premiers déchets vitrifiés de  haute activité produits en France. Ils sont issus des solutions de produits de fission provenant de  l’usine  de  traitement  UP1  de  Marcoule,  dont  la  vitrification  a  débuté  en  1978  pour  s’achever  en  2012. Toutefois, depuis la mise à l’arrêt définitive de l’usine UP1 il y a une quinzaine d’années, la  production  de  colis  C0  est  résiduelle  (vitrification  d’effluents  de  rinçage  des  fonds  de  cuve).  A  Marcoule,  près  de  3200  colis  C0  sont  déjà  entreposés  dans  des  puits  ventilés,  au  sein  d’une  installation attenante à l’atelier de vitrification. Ces colis anciens sont aujourd’hui nettement moins  exothermiques que les colis de déchets vitrifiés en cours de production à La Hague, ce qui rend leur  mise en stockage possible dès l’ouverture du centre.    L’Atelier de vitrification de Marcoule (AVM) et son entrepôt sont des installations vieillissantes, dont  les opérations de démantèlement et d’assainissement sont déjà programmées. Le démantèlement  de  l’AVM  pourra  débuter  dès  2012,  lorsque  le  dernier  colis  C0  aura  été  conditionné.  Celui  de  l’entrepôt devra attendre l’expédition vers le centre de stockage en couche géologique profonde de  l’intégralité des colis entreposés. Cependant, l’agrément de l’Autorité de sûreté pour l’exploitation  pérenne  de  l’entrepôt  expire  en  2025,  date  à  laquelle  les  opérations  de  désentreposage  doivent  impérativement avoir débutées. Pour les exploitants de cette installation, la mise en stockage dès  2025 des colis C0 est donc une réelle nécessité.    Les fûts de bitume résultent du traitement des effluents radioactifs de Marcoule. Ce sont des fûts en  acier non allié de 200L dont la production a débuté en 1966 pour s’achever en 2013. A partir de  2015, la matrice de bitume sera remplacée par une matrice de ciment, qui paraît plus favorable au  stockage. A ce jour, 60 000 fûts de bitume ont déjà été conditionnés et entreposés dans 35 fosses de  la  zone  nord  du  site  et  dans  14  casemates  en  béton.  Cependant,  l’Autorité  de  sûreté  impose  la  reprise  des  fûts  de  bitume  car  elle  considère  que  ces  entrepôts  anciens  ont  atteint  leur  limite  d’exploitation. De 2000 à 2006, l’intégralité des 6 000 fûts de bitume de la zone nord ont été extraits  des fosses, reconditionnés dans un surfût de 380L en acier inoxydable et entreposés dans l’Entrepôt  Intermédiaire Polyvalent (EIP). Construit en 2000 et conçu pour une durée d’exploitation de 50 ans,  l’EIP est une installation ultramoderne et téléopérée. Depuis 2007, l’EIP accueille les fûts de bitumes  extrait  des  deux  premières  casemates.  Sa  capacité  de  12 000  colis  pourrait  être  saturée  dans  les  années qui viennent.    La gestion des 50 000 fûts de bitume encore entreposés dans les casemates 3 à 14 fait l’objet d’une  discussion  entre  le  CEA,  l’Andra  et  l’Autorité  de  sûreté.  Si  le  désentreposage  de  ces  fûts  reste  indispensable, la poursuite d’une mise en surfût suivie d’un entreposage dans l’EIP n’apparaît pas  être  la  meilleure  solution.  Tout  d’abord,  le  surfût  de  380l  induit  un  taux  de  vide  important  qui  pourrait  être  rédhibitoire  pour  le  stockage  en  couche  géologique  profonde.  Ces  déchets  sont  pourtant  destinés  pour  moitié  à  la  filière  MAVL,  le  reste  étant  destiné  à  un  stockage  en  faible  profondeur. Ensuite, l’entreposage des 50 000 fûts nécessiterait que le CEA construise des extensions  extrêmement coûteuses à l’EIP. Dans son Etude Prospective des Déchets Nucléaires de Marcoule, le  Jérémy Di Zazzo/Michaël Fertin    Page 29 sur 109