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La vente aux enchères de biens meubles en France en 2014 :
illustration d’une mutation vers la vente en ligne.
La vente aux enchères de biens meubles en France (c’est-à-dire des « objets d’art et de collection et
objets courants », des véhicules d’occasion et du matériel industriel, des chevaux de course), régulée
par les dispositions du code de commerce, représente 2,5 milliards d’euros en 2014. Ce montant
correspond au montant total des adjudications (c’est-à-dire au « prix marteau » soit hors frais de
ventes des maisons de ventes).
En 2014, plus 25% de ce montant total (soit 633 millions d’euros) sont des ventes en ligne.
Ce montant d’adjudications en ligne a fortement augmenté de 31 % en 2014.
247 maisons de ventes (sur 408, soit 60 %) déclarant avoir organisé des ventes en ligne, soit sous la
forme de « live auctions » adossées à des ventes physiques soit sous la forme de ventes totalement
dématérialisées « online ».
La vente aux enchères publiques ne correspond plus à l’image, surannée, d’une vente en salle
physique où le commissaire-priseur anime la vente en vue de susciter des ordres d’achat des
enchérisseurs présents dans la salle.
Maisons de ventes déclarant développer une activité d’enchères sur Internet
Les ventes « live auctions » : l’enchérisseur suit la vente « physique » à distance et peut enchérir en
direct par internet. Ses ordres d’achat sont traités en même temps que ceux des autres enchérisseurs
présents en salle, par téléphone ou déposés avant la vente (ordre d’achat écrit).
Les ventes « online » : ventes exclusivement réalisées sur internet, les biens n’étant visibles que sur
internet, les enchères ne pouvant se faire que par voie électronique. La durée de mise en vente est
souvent de plusieurs jours.
Les ventes « online » concentrent 81 % du montant total adjugé aux enchères sur internet tous
secteurs confondus.
Répartition des montants d’adjudications réalisées en ligne en 2014 par secteur d’activité, en
millions d’euros, hors frais d’adjudication
Art & Objets de Collection et Généralistes
Véhicules d'occasion et matériel industriel
Les ventes en ligne du secteur « Véhicules d’occasion et matériel industriel » restent très supérieures
à celles du secteur « Art et objets de collection ». Les principales raisons :
- la nature des biens proposés à la vente (véhicule « standard » aux caractéristiques techniques bien
définies) ;
- l’existence de bases de données en ligne facilement accessibles pour les enchérisseurs permettant
une comparaison ou une cotation de prix d’un bien identique ;
- la faible utilité d’une visualisation « physique » effective du bien avant de participer à la vente (les
photos, voire les vidéos ainsi que les descriptifs techniques accessibles en ligne sont suffisants pour
s’informer) ;
- la participation très majoritaire de professionnels à ces ventes (professionnels qui sont, pour
certaines maisons de ventes, les seuls à pouvoir participer à ces ventes : modèle B to B) qui achètent
ou vendent régulièrement des véhicules ;
- la vente en ligne permet d’organiser des ventes tout au long de l’année et donc de proposer très
régulièrement des biens à la vente (plus « souple » qu’un calendrier de ventes en salle « physiques »
qui suppose des locaux d’exposition adapté, d’organiser une exposition au public, d’animer une
vente en salle…).
En 2014, la progression des ventes en ligne soutenue de ce secteur « Véhicules d’occasion et matériel
industriel » de 24 %, a été sensiblement plus rapide que la progression des ventes totales aux
enchères de ce secteur (+ 5,1 %). En 2014, pour la première fois, 50 % du montant total des ventes
aux enchères de ce secteur ont été réalisées en vente en ligne (dont 46 % « online » et 5 % « live
auction »). Il est probable que la tendance se poursuive, le secteur basculant toujours plus dans l’e-
commerce.
Les ventes en ligne dans le secteur « Art et objets de collection » ont doublé en 2014 pour atteindre
un montant total de 84 millions d’euros.
Rapporté au montant total des ventes de ce secteur (1254 millions d’euros), ces ventes en ligne
restent encore très minoritaires (moins de 7 %). Néanmoins, la progression de ces ventes en ligne est
très dynamique (le montant a été multiplié par 20 en 4 ans de 2011 à 2014) et complétement dé
corrélée de l’évolution des ventes de ce secteur (lesquelles ont diminué de 1,2 % en 2014). Ces
ventes en ligne contribuent donc significativement à la performance globale du secteur.
Constats et essais d’explication :
- Certains obstacles au développement de la vente en ligne s’érodent du fait de l’amélioration
des réseaux de communication avec l’extension de la 4 G offrant du très haut débit mobile
donc une amélioration de la transmission des ordres d’achat d’une part ; de la qualité du
service offert par les plateformes de ventes en ligne d’autre part : ergonomie du site
internet, site responsive design aisément consultable sur terminaux mobiles (smartphones,
tablettes), qualité des photos et des notices descriptives, possibilité avant la vente
d’interroger un expert par courriel, système d’alerte par courriel, processus sécurisé
d’identification…. L’environnement « technique » est donc toujours plus propice au
développement de ces ventes en ligne ;
- L’évolution des usages des consommateurs : habitués aux achats en ligne pour d’autres biens
et services, les clients sont moins réfractaires à enchérir en ligne que leurs aînés, surtout
pour des biens de valeur unitaire inférieure à 6000 € (présentant donc un « risque» peu
élevé). Une large gamme de bien est accessible dans cette gamme de prix : bijouterie, objets
de décoration intérieure, mobilier, sculptures, dessins et estampes….
- Ces ventes restent (en montant cumulé) concentrées sur un nombre très réduit de sites
internet : 70 % du montant de ces ventes sont réalisés sur 4 sites internet : les deux portails
d’enchères en ligne du secteur « Art et objets de collection » (Drouot et Interenchères), les
sites de Sotheby’s et de Christie’s France. Ce sont les ventes des deux portails qui ont
sensiblement progressé depuis 3 ans.
Cette concentration de l’activité semble liée à un phénomène plus général : le
consommateur privilégie les sites de « marque reconnue », qui proposent très régulièrement
des biens à la vente (fluidité du marché). C’est le « fly to quality ». A côté d’eux, seuls
quelques sites internet très spécialisés sur des ventes de biens (ex : ventes de vins ; ventes de
jouets de collection) s’adressant à des publics de niche, arrivent à se maintenir.
- Très majoritairement ce sont des ventes «live auctions». Elles sont soutenues par le
développement d’activité des deux plateformes de référence, Drouotlive et Interencheres-
live lesquelles déclarent que les acheteurs étrangers représentent 25 à 30 % des utilisateurs
inscrits. Ce canal de vente, par rapport aux ventes en salle « physique », permet réellement
d’élargir la clientèle et de toucher de nouveaux publics.
- Les ventes « online » restent donc encore en 2014, en montant de vente, assez
confidentielles et confinées à quelques segments de marché (vins de collection, joaillerie de
« middle market », articles vintage…). Les maisons de ventes qui ont développé leurs propres
sites de vente « online », depuis plusieurs années, n’ont pas enregistré de fortes croissances
de ventes. Il sera intéressant de suivre d’une part, les performances de ventes aux enchères
de la plateforme Drouot 2.0, lancée en octobre 2014, qui est une véritable salle de vente
24H/24 proposant chaque semaine une offre renouvelée et diversifiée de biens ; d’autre part
les expérimentations de vente online (à l’étranger en 2015) des deux leaders anglo-saxons
(Christie’s et Sotheby’s) essentiellement de joaillerie et d’articles vintage haut de gamme.
Montants adjugés, en millions d'euros hors frais, sur les principaux sites de ventes en ligne pour le
secteur «Art et objets de collection ».
7,5
23,5
32,5
1,9
7,6
16,8
7,5
7,3
5,6
2,7
3,2
4,7
0
10
20
30
40
50
60
2012 2013 2014
Sotheby's
Christie's
Interencheres
Drouot
Pour conclure sommairement, à retenir :
- Les maisons de ventes aux enchères opérant en France ont déjà très nettement pris le virage
numérique ;
- Le secteur « Art et objets de collection », encore fortement dominé par des ventes en salle
physique, devrait voir les ventes en ligne progresser dans les années à venir, prioritairement
pour les biens dits de middle market (inférieur à 10 K€), d’autant plus que les maisons de
vente peuvent avoir intérêt à développer les ventes « online » (pour certains biens,
augmenter la durée de vente donc potentiellement le nombre d’enchérisseurs permettrait
de vendre à un meilleur prix ; par ailleurs, la vente « online » permet de réduire les coûts par
rapport à la vente en salle : coût d’exposition avant-vente, coût de production du catalogue
de ventes imprimé, coût d’organisation de la vente….) ;
- A fin 2014, dans le secteur « art et objets de collection » des ventes aux enchères publiques
en France, ces ventes en ligne restent l’apanage des « insiders », c’est-à-dire des maisons de
ventes déclarées ; aucun pure player n’a encore véritablement pénétré ce marché.
Globalement les ventes online d’objet d’art, comme le mentionne depuis plusieurs années le
rapport Hiscox/ArtTactic de juin 2014, sont en développement, donc le contexte général est
favorable.
Loïc Lechevalier 07/2015.
Linkedin : https://fr.linkedin.com/in/loiclechevalier
(Graphiques extraits du rapport d’activité 2014 des ventes aux enchères publique en France du Conseil des ventes
aux enchères)
Vente aux enchères, ventes en ligne

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Vente aux enchères, ventes en ligne

  • 1. La vente aux enchères de biens meubles en France en 2014 : illustration d’une mutation vers la vente en ligne. La vente aux enchères de biens meubles en France (c’est-à-dire des « objets d’art et de collection et objets courants », des véhicules d’occasion et du matériel industriel, des chevaux de course), régulée par les dispositions du code de commerce, représente 2,5 milliards d’euros en 2014. Ce montant correspond au montant total des adjudications (c’est-à-dire au « prix marteau » soit hors frais de ventes des maisons de ventes). En 2014, plus 25% de ce montant total (soit 633 millions d’euros) sont des ventes en ligne. Ce montant d’adjudications en ligne a fortement augmenté de 31 % en 2014. 247 maisons de ventes (sur 408, soit 60 %) déclarant avoir organisé des ventes en ligne, soit sous la forme de « live auctions » adossées à des ventes physiques soit sous la forme de ventes totalement dématérialisées « online ». La vente aux enchères publiques ne correspond plus à l’image, surannée, d’une vente en salle physique où le commissaire-priseur anime la vente en vue de susciter des ordres d’achat des enchérisseurs présents dans la salle. Maisons de ventes déclarant développer une activité d’enchères sur Internet
  • 2. Les ventes « live auctions » : l’enchérisseur suit la vente « physique » à distance et peut enchérir en direct par internet. Ses ordres d’achat sont traités en même temps que ceux des autres enchérisseurs présents en salle, par téléphone ou déposés avant la vente (ordre d’achat écrit). Les ventes « online » : ventes exclusivement réalisées sur internet, les biens n’étant visibles que sur internet, les enchères ne pouvant se faire que par voie électronique. La durée de mise en vente est souvent de plusieurs jours. Les ventes « online » concentrent 81 % du montant total adjugé aux enchères sur internet tous secteurs confondus. Répartition des montants d’adjudications réalisées en ligne en 2014 par secteur d’activité, en millions d’euros, hors frais d’adjudication Art & Objets de Collection et Généralistes Véhicules d'occasion et matériel industriel
  • 3. Les ventes en ligne du secteur « Véhicules d’occasion et matériel industriel » restent très supérieures à celles du secteur « Art et objets de collection ». Les principales raisons : - la nature des biens proposés à la vente (véhicule « standard » aux caractéristiques techniques bien définies) ; - l’existence de bases de données en ligne facilement accessibles pour les enchérisseurs permettant une comparaison ou une cotation de prix d’un bien identique ; - la faible utilité d’une visualisation « physique » effective du bien avant de participer à la vente (les photos, voire les vidéos ainsi que les descriptifs techniques accessibles en ligne sont suffisants pour s’informer) ; - la participation très majoritaire de professionnels à ces ventes (professionnels qui sont, pour certaines maisons de ventes, les seuls à pouvoir participer à ces ventes : modèle B to B) qui achètent ou vendent régulièrement des véhicules ; - la vente en ligne permet d’organiser des ventes tout au long de l’année et donc de proposer très régulièrement des biens à la vente (plus « souple » qu’un calendrier de ventes en salle « physiques » qui suppose des locaux d’exposition adapté, d’organiser une exposition au public, d’animer une vente en salle…). En 2014, la progression des ventes en ligne soutenue de ce secteur « Véhicules d’occasion et matériel industriel » de 24 %, a été sensiblement plus rapide que la progression des ventes totales aux enchères de ce secteur (+ 5,1 %). En 2014, pour la première fois, 50 % du montant total des ventes aux enchères de ce secteur ont été réalisées en vente en ligne (dont 46 % « online » et 5 % « live auction »). Il est probable que la tendance se poursuive, le secteur basculant toujours plus dans l’e- commerce.
  • 4. Les ventes en ligne dans le secteur « Art et objets de collection » ont doublé en 2014 pour atteindre un montant total de 84 millions d’euros. Rapporté au montant total des ventes de ce secteur (1254 millions d’euros), ces ventes en ligne restent encore très minoritaires (moins de 7 %). Néanmoins, la progression de ces ventes en ligne est très dynamique (le montant a été multiplié par 20 en 4 ans de 2011 à 2014) et complétement dé corrélée de l’évolution des ventes de ce secteur (lesquelles ont diminué de 1,2 % en 2014). Ces ventes en ligne contribuent donc significativement à la performance globale du secteur. Constats et essais d’explication : - Certains obstacles au développement de la vente en ligne s’érodent du fait de l’amélioration des réseaux de communication avec l’extension de la 4 G offrant du très haut débit mobile donc une amélioration de la transmission des ordres d’achat d’une part ; de la qualité du service offert par les plateformes de ventes en ligne d’autre part : ergonomie du site internet, site responsive design aisément consultable sur terminaux mobiles (smartphones, tablettes), qualité des photos et des notices descriptives, possibilité avant la vente d’interroger un expert par courriel, système d’alerte par courriel, processus sécurisé d’identification…. L’environnement « technique » est donc toujours plus propice au développement de ces ventes en ligne ; - L’évolution des usages des consommateurs : habitués aux achats en ligne pour d’autres biens et services, les clients sont moins réfractaires à enchérir en ligne que leurs aînés, surtout pour des biens de valeur unitaire inférieure à 6000 € (présentant donc un « risque» peu élevé). Une large gamme de bien est accessible dans cette gamme de prix : bijouterie, objets de décoration intérieure, mobilier, sculptures, dessins et estampes…. - Ces ventes restent (en montant cumulé) concentrées sur un nombre très réduit de sites internet : 70 % du montant de ces ventes sont réalisés sur 4 sites internet : les deux portails d’enchères en ligne du secteur « Art et objets de collection » (Drouot et Interenchères), les sites de Sotheby’s et de Christie’s France. Ce sont les ventes des deux portails qui ont sensiblement progressé depuis 3 ans. Cette concentration de l’activité semble liée à un phénomène plus général : le consommateur privilégie les sites de « marque reconnue », qui proposent très régulièrement des biens à la vente (fluidité du marché). C’est le « fly to quality ». A côté d’eux, seuls quelques sites internet très spécialisés sur des ventes de biens (ex : ventes de vins ; ventes de jouets de collection) s’adressant à des publics de niche, arrivent à se maintenir.
  • 5. - Très majoritairement ce sont des ventes «live auctions». Elles sont soutenues par le développement d’activité des deux plateformes de référence, Drouotlive et Interencheres- live lesquelles déclarent que les acheteurs étrangers représentent 25 à 30 % des utilisateurs inscrits. Ce canal de vente, par rapport aux ventes en salle « physique », permet réellement d’élargir la clientèle et de toucher de nouveaux publics. - Les ventes « online » restent donc encore en 2014, en montant de vente, assez confidentielles et confinées à quelques segments de marché (vins de collection, joaillerie de « middle market », articles vintage…). Les maisons de ventes qui ont développé leurs propres sites de vente « online », depuis plusieurs années, n’ont pas enregistré de fortes croissances de ventes. Il sera intéressant de suivre d’une part, les performances de ventes aux enchères de la plateforme Drouot 2.0, lancée en octobre 2014, qui est une véritable salle de vente 24H/24 proposant chaque semaine une offre renouvelée et diversifiée de biens ; d’autre part les expérimentations de vente online (à l’étranger en 2015) des deux leaders anglo-saxons (Christie’s et Sotheby’s) essentiellement de joaillerie et d’articles vintage haut de gamme. Montants adjugés, en millions d'euros hors frais, sur les principaux sites de ventes en ligne pour le secteur «Art et objets de collection ». 7,5 23,5 32,5 1,9 7,6 16,8 7,5 7,3 5,6 2,7 3,2 4,7 0 10 20 30 40 50 60 2012 2013 2014 Sotheby's Christie's Interencheres Drouot
  • 6. Pour conclure sommairement, à retenir : - Les maisons de ventes aux enchères opérant en France ont déjà très nettement pris le virage numérique ; - Le secteur « Art et objets de collection », encore fortement dominé par des ventes en salle physique, devrait voir les ventes en ligne progresser dans les années à venir, prioritairement pour les biens dits de middle market (inférieur à 10 K€), d’autant plus que les maisons de vente peuvent avoir intérêt à développer les ventes « online » (pour certains biens, augmenter la durée de vente donc potentiellement le nombre d’enchérisseurs permettrait de vendre à un meilleur prix ; par ailleurs, la vente « online » permet de réduire les coûts par rapport à la vente en salle : coût d’exposition avant-vente, coût de production du catalogue de ventes imprimé, coût d’organisation de la vente….) ; - A fin 2014, dans le secteur « art et objets de collection » des ventes aux enchères publiques en France, ces ventes en ligne restent l’apanage des « insiders », c’est-à-dire des maisons de ventes déclarées ; aucun pure player n’a encore véritablement pénétré ce marché. Globalement les ventes online d’objet d’art, comme le mentionne depuis plusieurs années le rapport Hiscox/ArtTactic de juin 2014, sont en développement, donc le contexte général est favorable. Loïc Lechevalier 07/2015. Linkedin : https://fr.linkedin.com/in/loiclechevalier (Graphiques extraits du rapport d’activité 2014 des ventes aux enchères publique en France du Conseil des ventes aux enchères)