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L’association communautaire comme processus d’intégration ?
Une étude comparative entre la France et l’Allemagne
***
15/07/2008
SOMMAIRE
Introduction …………………………………………………………………………………p. 5
1. L’intégration
1.1 Définitions………………………………………………………………………………p. 7
1.2 Sociologie de l’intégration……………………………………………………………...p. 9
1.3. La France et Allemagne: deux systèmes d’intégration différents……………………..p. 11
1.4. La France et l’Allemagne face à ses immigrés: exemple des Arabes et des Maghrébins. p.
2. Les Associations
2.1. Définitions.…………………………………………………………………………….p. 14
2.2. Modèles théoriques……………………………………………………………………p. 16
2.3. Conclusion…………………………………………………………………………….p. 17
3. Hypothèse et cadre général de l’étude
3.1. Hypothèse……………………………………………………………………………...p. 17
3.2. Structure du questionnaire…………………………………………………………….p. 17
3.3. Critères de l’étude……………………………………………………………………..p. 19
3.3.1 Population étudiée
3.3.2. Lieu de l’étude
3.4 Démarche de l’étude…………………………………………………………………...p. 20
4. Analyse descriptive des résultats
4.1. Données générales……………………………………………………………………..p. 21
• Sexe………………………………………………………………………………..p.21
• Âge………………………………………………………………………………....p. 21
• Acquisition de la nationalité……………………………………………………….p. 22
• Raisons de l’immigration…………………………………………………………..p. 22
4.2. L’individu face à l’association………………………………………………………...p. 24
• Motivations à fréquenter l’association……………………………………………..p. 24
• Rôle dans l’association……………………………………………………………..p. 26
-2-
13
• Fréquentation de l’association…………………………………………………..…p. 27
• Fréquentation des autres membres à l’extérieur du cadre associatif……………..p. 28
• Synthèse générale………………………………………………………………….p. 29
4.3. L’individu face à la société : éléments d’intégration………………………………..p. 29
4.3.1 Dimension linguistique……………………………………………………………..p. 29
• Langue du pays de résidence……………………………………………………....p. 29
• Niveau en en français ou allemand……………………………………………….p. 29
• La télévision dans la langue du pays d’accueil…………………………………...p. 30
• Langue de préférence……………………………………………………………...p. 31
4.3.2. Dimension sociale……………………………………………………………….....p. 32
• Contact avec les autochtones………………………………………………………p. 32
4.3.3 Dimension culturelle………………………………………………………………..p. 33
• Style de vie et habitudes culturelles………………………………………………p. 34
• Politique…………………………………………………………………………..p. 35
• Culture du pays d’accueil………………………………………………………….p. 36
• Synthèse générale………………………………………………………………….p. 37
4.4. L’association dans le processus d’intégration………………………………………...p. 37
• La vie quotidienne…………………………………………………………………p. 37
• Compréhension du pays d’accueil et des autochtones…………………………….p. 38
• L’avenir de l’association…………………………………………………………..p. 40
• Synthèse générale…………………………………………………………………..p. 41
Conclusion…………………………………………………………………………………p. 42
-3-
-4-
Introduction :
L’objectif de cette étude est avant tout de laisser la voix aux populations immigrées. Centrée
sur le thème de l’intégration au niveau des associations communautaires, l’intérêt de cette
étude est d’apporter des éléments nouveaux à un thème souvent exploité dans le passé.
La perspective des associations communautaires a été choisie suite à la réflexion de la
« société parallèle » et du préjugé selon laquelle les personnes appartenant à une
communauté se séparent volontairement du reste de la société. Cette idée, largement
répandue parmi les personnes locales, semblait trop simplificatrice et ne semblait révéler
qu’une partie de la vérité. Dans la même lignée, l’appartenance à une association
communautaire soulève les mêmes stéréotypes. Par le biais de cet exemple concret,
l’étude cherche à connaître les motivations des personnes immigrées à fréquenter
l’association communautaire ainsi que les conséquences que cela peut avoir dans le
processus d’intégration, dans le but de réfuter ce préjugé.
Ainsi, pourquoi les personnes fréquentent l’association ? Qu’est-ce que cela leur apporte ?
Est-ce qu’ils se sentent protégés, réassurés grâce à l’appartenance à l’association ou est-
ce juste un lieu où ils peuvent pratiquer ouvertement leur religion et culture d’origine ?
Est-ce que l’association les sépare du reste de la société, est-ce qu’il les marginalise ou
est-ce qu’il les intègre à l’intérieur de la société ?
Au lieu de donner la parole aux institutions ou représentants de l’Etat, comme il en est
souvent le cas quant à la façon d’intégrer les immigrés, il a été décidé de recueillir les
points de vue des immigrées eux-mêmes, afin de connaître leur position actuelle à
l’intérieur du pays d’accueil.
Le choix de la population s’est limité aux Turcs en Allemagne et aux Maghrébins en France.
La volonté d’analyser ces populations s’explique par le fait que les Turcs et les Arabes
sont les étrangers les plus nombreux dans les deux pays donc les plus visibles et ceux
considérés « à problème ». Le choix d’étudier les Portugais en France et les Italiens en
Allemagne aurait pu être possible mais l’impact de l’étude n’aurait pas été le même.
-5-
Ce mémoire est divisé en deux parties. D’un côté, nous étudierons les théories sur le
processus d’acculturation des populations étrangères, les difficultés rencontrés lors du
clash des cultures, le contexte historique des populations maghrébines et turques ainsi
que le système d’intégration des deux pays d’accueil. De l’autre, nous nous baserons sur
les résultats du questionnaire mis en place dans les associations communautaires afin de
connaître le point de vue des personnes immigrées. Peu de littérature a été trouvée au
niveau de la fréquentation des associations par les immigrés et encore moins au niveau de
la fréquentation d’associations communautaires. Ainsi le questionnaire servira dans la
deuxième partie comme point de référence.
-6-
1. L’intégration
1.1 Définitions
Le terme intégration englobe différents éléments qui selon les sciences étudiées peuvent
varier considérablement. Altay Manço en fait la distinction1
. En psychologie par exemple, les
recherches sont centrées sur l’esprit et la pensée de l’individu en interaction avec lui-même.
« L’intégration psychologique » correspond donc à la construction d’un équilibre interne
variant entre des motivations d’individualisme et de conformité avec les normes collectives.
En sociologie ce sont les échanges entre les individus au sein de la société qui nourrissent
l’étude. « L’intégration sociale » est donc une forme de négociation entre la diversité et
l’unité des groupes qui composent la société.
L’étude réciproque de l’individu psychologique agissant dans le milieu social renvoie à
« l’intégration psychosociale » (Manço, 1999).
Dans le cadre interculturel l’individu est confronté à un environnement nouveau parfois très
différent de son environnement d’origine. Ce dernier est amené à faire des ajustements
socioculturels qui peuvent être volontaires ou qui peuvent être sujettes à des résistances. Ceci
correspond à l’acculturation.
John W. Berry, l’un des fondateurs anglo-saxons de la psychologie sociale interculturelle,
pose le problème de l’intégration des migrants dans la société d’accueil.2
Il fait remarquer que la majorité des ajustements s’effectuent au sein du groupe non-dominant
(qu’il appelle culture A) sous l’influence du groupe dominant (culture B). Il est important de
préciser, comme le souligne Berry, que le terme « dominant » est attribué au groupe qui
possède les pouvoirs politiques, économiques, idéologiques, etc. Le qualitatif de dominant
n’est pas toujours en accord avec les rapports numériques des groupes en présence. Ainsi, une
minorité peut très bien être le groupe dominant dans un contexte culturel comme il en est le
cas lors de colonisations.
1
Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégie et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De
Boeck université, p. 28.
2
Berry J.W., Poortinga Y.H., Segall M.H., Dasen P.R. (1992). Cross-Cultural Psychology – Research and
Applications. Cambridge: Cambridge University Press.
-7-
Berry distingue quatre situations d’acculturation3
:
Assimilation : Les caractéristiques de la propre culture ne sont pas
préservées et un contact quotidien avec la société d’accueil est mis
en place. Cette attitude reviendrait, à terme, à l’élimination du
groupe d’origine.
Ségrégation : Les caractéristiques de la propre culture sont préservées
et le contact avec la culture dominante est évité.
Intégration : Les caractéristiques de la propre culture sont maintenues
tout en ayant des contacts quotidiens avec la société d’accueil. La
communauté immigrée participe à l’articulation et à l’équilibration
entre ces deux entités.
Marginalisation : Peu ou pas de relations sont entretenues avec la
société d’accueil (souvent pour des raisons d’exclusion ou de
discrimination) et la culture propre n’est pas maintenue.
J.W Berry ajoute que ces quatre modes d’acculturation ne sont pas nécessairement exclusifs
l’un de l’autre et qu’il se peut qu’un individu souhaite une assimilation économique (dans le
cadre professionnel par exemple), une intégration linguistique et une séparation maritale.
3
Manço A. 1999. Intégration et identité: Stratégies et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De
Boeck université, p. 80.
Image ci-joint tirée de Wikipedia: http://de.wikipedia.org/wiki/Bild:Stufen_schulischer_Integration.png
-8-
Assimilation
Ségrégation
Intégration
Marginalisation
Les quatre types d’acculturation (Tiré de Cross cultural psychologie – Research and
Applications, J.W Berry, 1992 p. 278)
Le modèle de J.W Berry décrit des phénomènes d’acculturation du point de vue des individus
du « groupe acculturant » (culture B). Selon Berry le groupe non-dominant produit des
changements acculturatifs sous l’influence du groupe dominant. L’implantation de structures
d’accueil, de politiques de cohabitation et de solidarisation influencent l’issue des relations
entre les immigrées et la population du pays récepteur4
. Toutefois, nous nous intéresserons
dans ce mémoire au point de vue des immigrés dans le processus d’intégration et non aux
politiques d’intégration mises en place par les pays d’accueils en vue d’intégrer ces
populations.
1.2. Sociologie de l’intégration
L’intégration sociale passe d’abord par la socialisation. En effet, c’est par la confrontation
avec autrui, la société que l’individu se construit.
Lorsqu’une personne s’installe dans un pays dont elle ne connaît pas la culture, il lui faut un
temps pour intérioriser les règles, modèles, valeurs. Souvent ce processus intervient lorsque la
personne s’identifie avec ces valeurs. Mais il peut également y avoir rejet des valeurs. Dans ce
4
Woyke W., Breit, G. (2007). Integration und Einwanderung. Schwalbach/Ts. : Wochenschauverlag.
-9-
ISSUE 2
Est-il considéré comme important de
conserver les caractéristiques
culturelles et l’identité culturelle ?
« OUI » « NON »
ISSUE 1
INTEGRATION ASSIMILATION
SEPARATION MARGINALISATION
Est-il considéré
comme important « OUI »
de maintenir des
relations avec les
autres groupes ? « NON »
cas l’individu s’approprie des caractéristiques diverses à la culture du pays d’accueil soit en
conservant ses valeurs d’origines soit en gardant une distance par rapport aux normes du pays
d’accueil. On parle ici de différentiation. Ce cheminement obligatoire entre identification et
différentiation donne lieu à l’activation du processus d’acculturation.5
Mais le processus d’acculturation se limite rarement au choix de l’une ou l’autre catégorie.
C’est davantage vers une articulation des valeurs d’origine et des valeurs du pays d’accueil
que se dirige l’individu.
Ce travail est mis en œuvre lors de la prise de conscience des différences. En effet, lorsque
l’individu change d’environnement son identité est remise en question. Ce dernier est amené à
réfléchir à ses priorités et à ce qui est requis par le pays d’accueil. Grâce à la confrontation
moi-autrui, l’individu apprend à connaître la société dans laquelle il baigne tout en prenant
conscience de sa propre identité. Cette rencontre lui permet de trouver un équilibre entre les
éléments qui lui ont été transmis par la famille et les exigences de la vie dans la société.6
L’acculturation est donc l’ensemble des processus d’acceptation, de refus ou de combinaison
nés de la rencontre des cultures.
Une relative autonomie est laissée à l’individu. Toutefois, il existe dans chaque nation des
valeurs considérées comme essentielles qui ne peuvent être violées et qui sont le minimum à
respecter lorsqu’une personne étrangère réside dans un pays7
. La séparation public-privée ou
la laïcité en sont des exemples. Les « valeurs secondaires » quant à elles, sont souvent remises
en question par les populations immigrées qui revendiquent le droit à la différence. C’est alors
à l’Etat de savoir où se trouve la limite entre éléments inchangeables, fondements de la
société, et éléments altérables, sujets à la socialisation et à l’interaction des populations
anciennes et nouvelles.
Historiquement le concept d’intégration correspond à l’ajustement des normes sociales et des
règles particulières. Toutefois, comme l’indique Manço dans son livre sur les théories
d’intégration et d’identité, on peut parler d’une intégration réussie lorsque chaque citoyen a la
possibilité de préserver sa propre culture, qu’il soit du groupe dominant ou du groupe non-
dominant. Mais chaque groupe doit également respecter la culture de l’autre, c'est-à-dire en
5
Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégie et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De
Boeck université.
6
Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France.
7
Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France, p. 35.
-10-
participant à la vie de la société sans y violer ses règles essentielles et en cohabitant avec les
populations nouvelles sans leur imposer ses traits culturels dans la sphère privée. Selon Emile
Durkheim, l’un des fondateurs de la sociologie moderne et cité par Manço, ce travail
présuppose « une solidarisation ou une coopération des groupes particuliers en vue d’une
complémentarité »8
. Ainsi, par ces échanges, les différents acteurs sont amenés, non plus
seulement à construire des phénomènes d’évolution, mais à établir des synthèses nouvelles,
communément désignées par le terme « troisième culture ».
1.3. La France et Allemagne: deux systèmes d’intégration différents
La conception française de l’intégration des étrangers tend vers une politique d’assimilation.
Ce modèle normatif est alimenté par une vision universaliste qui a été héritée de la Révolution
française. Toute personne née sur le sol français ou détenant la nationalité française possède
les mêmes droits que tout autre Français. L’intégration n’est pas perçue comme l’annulation
de différences, néanmoins les principes fondateurs de l’Etat français – « Liberté, Egalité,
Fraternité et Laïcité » – ne peuvent être négociés. Le droit à la différence est d’ailleurs
maintenu par l’existence de la double nationalité9
.
Le modèle français se dirige de plus en plus vers une diversification. Le Haut Conseil à
l’Intégration a exprimé pour la première fois en 1995 la possibilité que l’attachement à la
culture et à la communauté d’origine puisse avoir des effets positifs sur l’intégration des
étrangers et que cela puisse mieux garantir les droits de chacun (Manço, 1999). La
discrimination positive encouragée par Monsieur Sarkozy se dirige par exemple dans ce sens.
La question que l’on peut se poser est si l’Etat français, traditionnellement marquée par les
philosophies normatives, va s’ouvrir à des politiques constructivistes à l’avenir où l’apport
culturel des immigrés est considéré comme une richesse.
Le système allemand quand à lui est basé sur l’appartenance à une même langue, à une même
culture et à de mêmes ancêtres. Cette conception inspirée du romantisme allemand et né au
début du XIXème siècle (Fichte, Herder) a nourri le rêve allemand d’unité nationale.10
La
8
Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles:
Edition de Boeck et Larcier, p. 34-35.
9
Boucher M. (2000). Les théories de l’intégration: entre universalisme et différencialisme. Paris; Montréal
(Québec): L'Harmattan, p.204-205.
10
Kastoryano Riva (2001) « La citoyenneté au-delà du sang et du sol » dans: Leveau R., Mohsen-Finan K. et
Wihtol de Wenden C. L’islam en France et en Allemagne: Identités et citoyennetés. Paris: Les études de la
-11-
nationalité allemande est exclusivement réservée aux Allemands (principe du droit du sang)
ou aux personnes ayant partagées une partie de l’histoire allemande: par exemple, les réfugiés
des pays de l’Europe de l’Est avant et après 1989. Pour ces personnes la double nationalité est
acceptée alors que la loi sur la double nationalité pour tous les étrangers est encore limitée.
La conception allemande de l’intégration tend vers une politique de la différentiation11
. Ce
système est basé sur le traitement inégal des étrangers et une forte hiérarchisation de la
société. L’Allemagne entretient un rapport complexe entre assimilation et ségrégation. D’un
côté elle encourage la pratique du multiculturalisme en acceptant les différences culturelles
des immigrés mais de l’autre elle refuse de les intégrer complètement dans la société
allemande.
A l’heure actuelle, l’on observe la formation de groupes communautaires que l’on désigne de
plus en plus fréquemment par le terme « société parallèle ». L’Allemagne reconnaît
aujourd’hui que sont système d’intégration a échoué12
. La question que l’on peut se poser est
alors, vers quels changements se dirigera l’Allemagne à l’avenir et sur quel modèle
d’intégration va-t-elle s’inspirer. Le débat sur la double nationalité pour tous les étrangers est
déjà un indice de l’ouverture de l’Allemagne vers un pays plus diversifié.
La différence des systèmes d’intégration français et allemands a pris ses racines dans une
conception différente du territoire et de la nation. Ces conceptions sont certes nourries par une
histoire différente mais elles sont également influencées par un rapport différent vis-à-vis des
étrangers.
1.4. La France et l’Allemagne face à ses immigrés: exemple des Arabes et des Maghrébins.
Les Maghrébins et les Turcs représentent respectivement la population étrangère la plus
importante en France et en Allemagne. En 2004, la France comptais un peu plus d’un million
deux cents quatre-vingt-dix-huit mille immigrés d’origine nord-africaine, l’Algérie venant en
tête et suivie du Maroc et de la Tunisie. A elles seules, ces trois pays constituent 30 % de la
documentation françaises, p. 20.
11
Boucher M. (2000). Les théories de l’intégration: entre universalisme et différencialisme. Paris, Montréal
(Québec): L'Harmattan, p.204-205.
12
Rommelspachert B. (2002). Annerkennung und Ausgrenzung : Deutschland als multikulturelle Gesellschaft.
Frankfurt am Main : Campus-Verlag, p. 168.
-12-
population étrangère totale.13
L’Allemagne comptait quant à elle, plus d’un million sept cent
trente-huit mille immigrés en 2006, représentant 25,7 % de la population étrangère.14
Due à son passé colonial, la France est rentrée très tôt en contact avec ses colonies nord-
africaines. Les Algériens, Marocains et Tunisiens ont d’abord émigré de force, lors des
périodes de guerres ou de reconstructions françaises, puis y sont venus de plein gré après la
seconde guerre mondiale pour y trouver du travail. Depuis la suspension de l’immigration
libre en 1974, des familles entières ont émigré en France afin de rejoindre un mari, un père ou
un parent. C’est à partir de ce moment que la véritable implication des immigrés dans la
société française a pris son cours. Ces familles, pour qui le retour au pays d’origine est devenu
un mythe, n’avait qu’une envie: celle de s’intégrer15
.
Les liens forts entre la France et ses pays colonisés surtout avec l’Algérie sont le résultat de la
politique inclusive française. Citons comme exemple que tous les Algériens nés avant 1962
(date de l’indépendance) sont automatiquement français.
De son côté, l’Allemagne n’a pas connu la même histoire avec ses immigrés turcs. En effet,
elle n’a jamais eu de relation préalable avec la population turque avant qu’ils n’émigrent en
Allemagne.
Pendant longtemps les immigrés étaient désignés comme Gastarbeiter, c'est-à-dire comme
« travailleur invité » (traduction littérale), ce qui supposait que ces derniers retourneraient
après quelques années dans leur pays d’origine. Dans les années 70 cette utopie disparaît mais
l’Etat continue à prôner l’idée qu’elle n’est pas un pays d’immigration.16
De la même façon
qu’en France, l’Allemagne durcit sa législation en matière d’immigration en 1973 afin de
freiner les mouvements des populations à la frontière de ses terres. Son taux augmente
toutefois avec l’admission consécutive du regroupement familial et avec la naissance
d’enfants sur le territoire allemand.
13
INSEE : Immigrés selon le pays d’origine, Recensements de la population 1962-1999 et mis à jour au 06/2004.
(date de consultation : 24/04/08) http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATCCI02124&reg_id=0
14
Statistisches Bundesamt Deutschland : Population étrangère selon la nationalité et selon d’autres critères
définis, 31.12.2006 (date de consultation : 11/06/08) http://www.destatis.de/jetspeed/portal/cms/
15
Khellil M. (sous la dir. de) (2004). Maghrébins de France: de 1960 à nos jours : la naissance d’une
communauté. Toulouse : Privat, p. 55.
16
Birgit Rommelspacher, Anerkennung und Ausgrenzung : Deutschland als multikulturelle Gesellschaft,
Campus Verlag GmbH, Francfurt am Main, 2002.
-13-
Le problème de l’intégration n’apparaît qu’au début des années 90 en même temps que les
débats sur le multiculturalisme.17
Les sociologues et politologues allemands remettent en
question l’inégalité sociale vers laquelle tend la société multiculturelle allemande ainsi que les
risques d’une immigration continuelle et incontrôlable. Toutefois, l’Etat continue à se diriger
vers une conception ségrégationniste de la société allemande reconnaissant uniquement au
début de cette décennie être un pays d’immigration. Cette position va de pair avec sa politique
exclusiviste vis-à-vis de l’acquisition de la nationalité allemande et de l’intégration des
étrangers.
2. Les Associations
2.1. Définitions
La structure associative est tout d’abord un lieu de regroupement où plusieurs personnes
partagent un intérêt commun. Elle peut toutefois prendre différentes formes selon ce qu’y
recherchent ses membres.
L’association peut être un lieu de revendication économique, politique ou sociale. Les
associations de commerçants et travailleurs par exemple cherche à défendre les droits de leurs
membres et à les représenter face aux pouvoirs publics et collectivités locales. Au niveau
social, l’adhésion à une association religieuse peut être une façon pour ses membres de faire
reconnaître leur confession dans un pays laïque ou dans un pays comme l’Allemagne où
toutes les religions ne sont reconnues de la même façon (par exemple l’Islam). L’association
peut ainsi permettre à ses adhérents étrangers de jouir de droits « citoyens » et d’avoir un
impact sur la société tout en participant à sa transformation18
.
L’adhésion à une association peut également permettre à ses membres de retrouver des
personnes de sa propre identité et groupe culturel. Ceci est le cas des associations culturelles
et communautaires. L’association est alors une façon pour l’individu de pratiquer sa culture
d’origine et redécouvrir ses racines tout en continuant à participer à la vie sociale du pays où
17
Egtved P. (2002). Multikultur oder liberal ? Die Politik und die Zuwanderung im deutsch-britischen
Vergleich. Opladen: Leske + Budrich, p. 27 et suiv.
18
Kastoryano R. (2001) « La citoyenneté au-delà du sang et du sol » dans: Leveau R., Mohsen-Finan K. et
Wihtol de Wenden C. L’islam en France et en Allemagne: Identités et citoyennetés. Paris: Les études de la
documentation françaises, p. 24-25.
-14-
il réside. Toutefois, il se peut que l’individu utilise l’association comme rempart à la société
d’accueil et se repli sur celle-ci pour faire face aux sentiments d’isolement et de perte de
repères qu’il éprouve. Dans ce cas l’individu s’exclu volontairement du reste de la société et
se réfugie dans la communauté19
.
L’appartenance à une communauté est un état de fait naturel. C’est la conscience d’appartenir
à un « nous » identitaire et de partager assez d’idées et de valeurs afin de s’identifier à cette
unité.20
Savoir d’où l’on vient, qu’est ce qui nous différentie des autres, apprendre que nous ne
sommes pas seuls confrontés à cette situation aide l’individu à affronter le pays d’accueil. La
communauté permet en quelque sorte la survie de l’individu dans la société d’accueil.
Toutefois, il n’est pas nécessaire de partager toutes les idées de la communauté pour en faire
partie. La communauté joue davantage le rôle de tremplin entre culture d’accueil et culture du
pays d’origine. Grâce aux mécanistes d’entraide, de proximité et de solidarité, le soutien
apporté par la communauté (famille, amis, etc.) aide les personnes à combattre leurs craintes
vis-à-vis de la société d’accueil et à s’intégrer progressivement dans celle-ci. La communauté
peut également être dans certains cas un lieu d’isolement, de refuge pour les personnes qui
recherchent avant tout à être protégées, réassurées vis-à-vis de la société du pays de résidence.
L’association communautaire est en quelque sorte le reflet de la communauté21
.
2.2. Modèles théoriques
L’Ecole de Chicago met pour la première fois en lumière les effets de la vie communautaire à
travers l’étude empirique de Thomas et Znaniecki sur les immigrés polonais avant et après
leur arrivé aux Etats-Unis.22
Ceux-ci voient la participation à la communauté comme un
processus d’isolement sans réelle prise sur la société d’accueil mais découvrent que ce
mécanisme permet aux migrants de conserver un certain « équilibre psychique ».
19
Michel M. (2002). Les communautés: une question posée à la France. Lausanne, Suisse : L’Âge d’Homme, p.
176-177.
20
Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France, p. 36.
21
Michel M. (2002). Les communautés: une question posée à la France. Lausanne, Suisse : L’Âge d’Homme, p.
51.
22
Thomas W.I, Znaniecki F. (1920). The polish peasant in Europe and in America. Cette référence est cité par
Manço A. (1999) dans son livre Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issues de
l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.38-39.
-15-
De la même façon Park (1928) décrit le cadre associatif comme étant une « ébauche
d’organisation » où peuvent naître des revendications à caractère politique.23
Pourtant il voit
cette participation uniquement comme une phase de transition, de séparation, avant
l’annulation des différences et l’adaptation à la culture des autochtones (Manço, 1999).
Certaines enquêtes (Tribata, 1996 et cité par Manço) ont montré que plus la sociabilité
communautaire est élevée plus les individus ont des difficultés avec la langue du pays
d'arrivée et moins ils ont de contact avec les autochtones. Mais d’autres approches laissent
penser que l’existence de réseaux communautaires peut jouer un rôle positif dans l’intégration
économique et sociale des immigrés dans le pays d’accueil. Lebon, Koot, Furter, Rath et
Liebkind prônaient déjà ces idées dans les années 80. Selon Furter (1983) la mobilisation pour
la sauvegarde d’un patrimoine peut constituer la première étape d’un travail identitaire. Celle-
ci n’est pertinente que si elle lie les éléments du passé avec ceux du futur. L’individu doit
pouvoir se projeter dans l’avenir pour pouvoir déboucher sur un processus d’intégration. La
revalorisation d’un patrimoine culturel aide ainsi l’individu à retrouver ses repères et à se
diriger vers un équilibre entre identité propre et identité collective à l’intérieur du pays
d’accueil.24
2.3 Conclusion
L’adhésion à une association communautaire ne conduit pas nécessairement le groupe non-
dominant à la séparation du reste de la société. Cette participation associative peut également
être une façon de se retrouver sous un « Nous » identitaire qui aide à la construction d’une
identité personnelle mieux adaptée à affronter la vie du pays d’accueil.
3. Hypothèse et cadre général de l’étude
3.1. Hypothèse
23
R.E Park (1928). Human migration and the marginal man et cité par Manço A. (1999). Intégration et identité:
Stratégies et positions des jeunes issues de l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.42.
24
Furter P. cité par Manço (1999). Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issues de
l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.184-185.
-16-
En prenant comme point de départ la thèse de Pierre Furter, l’étude empirique qui suit cherche
à démontrer que l’adhésion à une association communautaire ne marginale ou ne sépare pas
nécessairement ses membres du reste de la société mais cherche à les intégrer dans celle-ci.
L’hypothèse générale de l’étude est donc: l’adhésion à une association communautaire
favorise l’intégration des immigrés dans le pays d’accueil.
3.2. Structure du questionnaire
Pour répondre à cette hypothèse, l’étude est basée sur un questionnaire qualitatif en trois
parties. La première partie est centrée sur des questions relatives à l’association. Ces questions
cherchent à connaître les motivations de l’individu à fréquenter l’association, le rythme
d’activité de l’individu à l’intérieur de l’association (cf. rôle et fréquentation) et l’importance
de l’association dans la vie personnelle de l’individu (cf. relation avec les autres membres).
La deuxième partie a pour objectif d’évaluer le degré d’intégration des personnes
questionnées. Ces questions peuvent être classées sous cette forme (référence au questionnaire
français):
DIMENSION SOUS-CATEGORIE QUESTIONS
Dimension linguistique
Compétence linguistique générale « Comment estimez-vous votre
niveau de français ? »
Dimension linguistique affective
« Aimez-vous parler français ? »
« Dans quelle langue préférez-vous
vous exprimer ? »
Dimension linguistique spécifique
« Regardez-vous quand vous êtes
chez vous des chaînes télévisées
françaises ? »
« Dans quelles situations parlez-
vous votre langue maternelle ? »
Dimension sociale générale « avez-vous des contacts avec des
français ? »
-17-
Dimension sociale Dimension sociale spécifique « de quel type sont ces relations ? »
Dimension culturelle
Dimension culturelle générale « avez-vous des habitudes
typiquement françaises ? »
« d’après vous, vous vivez plutôt à
la française ou à l’arabe ? »
Dimension culturelle spécifique « Intéressez-vous à la politique
française ? »
Dimension culturelle affective « Aimez-vous la culture
française ? »
La troisième et dernière partie cherche à combiner la variable « association » à la variable
« intégration ». L’intérêt des questions suivantes est non plus de savoir uniquement si
l’individu est intégré à la société du pays de résidence mais si l’adhésion à l’association
favorise l’intégration de celle-ci. Il est donc demandé à l’individu si l’adhésion à l’association
l’aide dans sa vie au quotidien et si par ce biais il arrive à mieux comprendre le pays d’accueil
et les autochtones. Enfin, il est demandé à l’individu d’énumérer les éléments qui lui semblent
importants pour qu’une association soit efficace. Par l’intermédiaire de ces questions l’on
cherche à savoir la place que prend l’association pour l’individu et si l’intégration rentre en
ligne de compte.
3.3. Critères de l’étude
3.3.1 Population étudiée
Cette étude cible les immigrés arabes plus particulièrement maghrébines – Maroc, Algérie,
Tunisie – en France et les immigrés turques en Allemagne pour la simple raison que ce sont
les populations les plus nombreuses dans les deux pays. Un immigré est une personne née à
l’étranger puis venue dans le pays d’accueil ainsi, les personnes d’origine turque ou arabe
nées sur le territoire français ou allemand ont été exclues de l’étude. Les personnes qui sont
nées à l’étranger et qui ont grandi dans l’un des deux pays ont également été exclues de
l’étude.
-18-
3.3.2 Lieu de l’étude
L’étude a été menée dans deux associations communautaires à Ratisbonne et à Toulouse. A
Ratisbonne ces associations sont die Islamische Religionsgemeinschaft e.V25
et die Türkisch-
Islamnische Gemeinschaft e.V26
et à Toulouse ce sont l’Association Musulmane de
Toulouse27
et l’Association Culturelle Islamique28
.
Die Islamische Religionsgemeinschaft (communauté religieuse islamique) est une petite
structure, principalement centrée sur la mosquée. Elle propose toutefois des cours d’arabe
pour les enfants ainsi que des rencontres et fêtes (religieuses et culturelles) plusieurs fois par
an. Die Türkisch-Islamnische Gemeinschaft (communauté islamique turque) est une structure
plus grande, financée en partie par le gouvernement turque. Elle est certes une mosquée mais
elle est également un lieu de rencontre via sa salle à manger avec chaises, tables, télévision et
cantine.
Le local de l’Association Musulmane de Toulouse se situe à côté de la mosquée Al-Salam
qu’elle finance en grande partie. Elle propose de nombreuses activités dont des cours
d’arabes, des activités sportives, des fêtes religieuses et culturelles, des rencontres amicales
entre musulmans et catholiques, une bibliothèque etc. L’Association Culturelle Islamique,
quant à elle, est presque entièrement centrée sur la mosquée. Quelques rencontres sont
toutefois organisées surtout aux moments clefs de la vie du musulman comme la fête du
ramadan ou la fête du mouton. Une bibliothèque en langue arabe est également gérée par les
membres de l’association et des cours de langue arabe sont également proposés.
3.4 Démarche de l’étude
L’étude a été effectuée par l’intermédiaire d’un questionnaire écrit effectué sur papier. Le
questionnaire a été tout d’abord distribué dans les différentes associations puis récupéré
quelques jours plus tard pour que les personnes aient le temps d’y répondre. Cependant, l’on
s’est rendu compte avec le temps que beaucoup ne le remplissait pas sérieusement ou ne
savait pas bien lire ou écrire la langue du pays d’accueil. Ainsi une nouvelle méthode a été
25
Islamische Religionsgemeinschaft e.V Adolf-Schmetzer-Strasse 37 93055 Regensburg Tel: 0941 - 7957136
26
Türkisch-Islamische Gemeinschaft e.V. (Türk-Islam Cemiyeti) Lindnergasse 5 93047 Regensburg Tel.: 0941 -
57522.
27
Association Musulmane de Toulouse (AMT) Impasse de Londres 31100 Toulouse Tel: 05 61 44 55 65
28
Association Culturelle Islamique provisoirement située Place Edouard Bouillières 31100 Toulouse
-19-
employée, celle de l’interview. Les interviews ont relevé certaines difficultés: Pour les
personnes ayant un niveau moyen en langue il n’a été retenu que l’essentiel de leur propos car
ceux-ci n’était pas toujours en mesure de détailler leurs idées et lorsque l’on demandait plus
de précisions l’on influençait souvent leur propos car on leur donnait des indices. Néanmoins,
un certain nombre de résultats intéressants ont pu être révélés.
-20-
4. Analyse descriptive des résultats
4.1. Données générales
25 réponses ont été recueillies du côté allemand, 26 réponses du côté français. Le faible
nombre de réponses sont liées aux difficultés rencontrées lors de la recherche sur le terrain.
Face à ces résultats, il n’est donc possible de faire qu’une analyse tendancielle de
l’importance des associations communautaires pour les Turcs vivant en Allemagne et les
Arabes vivant en France.
• Sexe
Parmi les 26 Arabes interrogés, quatre personnes sont
des femmes, parmi les 25 Turcs, deux personnes sont
des femmes.
Des deux côtés du Rhin la minorité des femmes interrogées est écrasante. Ceci s’explique par
une fréquentation moins importante des femmes à l’intérieur des associations. En effet, celles-
ci doivent tout d’abord s’occuper des ménages et de leurs enfants et ne peuvent venir à
l’association tous les jours comme il en est le cas pour certains hommes interrogés. Parmi les
femmes interrogées, une seule femme déclare venir à l’association plus d’une fois par
semaine alors que les autres viennent une fois par semaine.
• Âge
En France comme en Allemagne, les personnes
interrogées ont à peu près le même âge. La
grosse majorité a entre 30 et 60 ans: 14
personnes parmi les Turcs et 17 personnes
parmi les Arabes. Les personnes de plus de 60
ans suivent avec 8 personnes interrogées parmi
les Turcs et 5 personnes parmi les Arabes. Pour
terminer 3 personnes turques ont moins de 30
ans contre 4 personnes arabes.
-21-
0
5
10
15
20
25
Turcs Arabes
Femmes
Hommes
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
Turcs Arabes
Moins de 30 ans
Entre 30 et 60 ans
Plus de 30 ans
Les personnes de plus de 60 ans correspondent à la première génération de personnes turques
ou arabes immigrées en Allemagne ou en France. Retraitées pour la plupart, ceux-ci sont
nombreux à fréquenter les associations communautaires où le sondage a été mené mais peu
d’entre eux ont pu répondre au questionnaire car leur niveau de compréhension et de
communication du pays d’accueil est souvent mauvais voire inexistant. Les personnes entre
30 et 60 ans sont les personnes qui ont immigré en masse entre la période 1945 et 1975 et qui
ont participé aux « Trente Glorieuses » en France et au « miracle économique »
(Wirtschaftswunder) en Allemagne. Depuis 1975 une nouvelle vague d’immigration a
commencé: elle correspond à la suspension officielle des mains d’œuvres et l’admission
progressive du regroupement familial. Les personnes de moins de 30 ans font parties de cette
vague.
• Acquisition de la nationalité
Parmi les Arabes interrogés, 8 personnes sur 26 ont
déclarées avoir acquis la nationalité française, parmi
les Turcs, 6 personnes sur 25 ont obtenu la
nationalité allemande.
En France l’acquisition de la nationalité semblerait plus fréquente, car contrairement à la loi
allemande, celle-ci ne demande pas à ses candidats de choisir la nationalité française au profit
de sa nationalité d’origine. Toutefois, le sondage montre qu’une personne sur trois à fait ce
choix en France contre une personne sur quatre en Allemagne. La différence n’est pas
flagrante entre les deux pays contrairement à ce qui était attendu. Néanmoins, il n’a pas été
explicitement demandé dans le sondage de mentionner si les personnes avaient ou non la
nationalité du pays de résidence ainsi certaines personnes ont pu oublier de le noter ou on pu
le passer volontairement sous silence.29
• Raisons de l’immigration
15 Turcs et 13 Arabes ont dit être
respectivement venu en Allemagne et en
France pour des raisons économiques. 14
personnes sont venues en Allemagne pour des
29
Cf. voir questionnaire p 43 question 3 « Quel(s) est/ sont votre/vos nationalité(s) ? »
-22-
0
5
10
15
20
Turcs Arabes
Nationalité du
paysd'accueil
Nationalité
étrangère
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Turcs Arabes
raisons
economiques
raisons familiales
études
universitaires
pas de réponse
raisons familiales contre 4 personnes en France et une personne turque est initialement venue
comme étudiant contre 3 personnes arabes. 5 personnes n’ont pas répondu à la question du
côté des arabes.
Les raisons pour lesquelles les Turcs et les Arabes sont respectivement immigrés en France et
en Allemagne et qui ont été mentionnées dans le questionnaire ont pu être divisées en trois
catégories: raisons économiques, raisons familiales et études universitaires. Les personnes
interrogées ont mentionné pour la plupart le travail comme étant le moteur de leur émigration.
Certains ont donné davantage de précisions en disant que l’installation en France ou en
Allemagne leur permettait « de mieux vivre », « d’avoir une meilleure situation de vie » ou
tout simplement de « faire [leur] vie ». Une personne algérienne a évoqué la guerre civile en
Algérie comme étant la raison principale pour laquelle elle ait quitté son pays d’origine. Trois
personnes turques ont dit être venues initialement en Allemagne en tant que travailleurs
étrangers (Gastarbeiter).
En plus du travail, un certain nombre de personnes ont évoqué être venues en France ou en
Allemagne pour des raisons familiales. Cinq personnes turques ont mentionné le
regroupement familial et une personne a évoqué sa volonté « d’aider sa famille
financièrement » tandis que deux autres personnes turques ont dit être venues en Allemagne
car « [leur] parents et grands-parents travaillaient déjà en Allemagne ». Du côté des Arabes,
deux personnes ont avoué être venues en France « pour rejoindre [leur] conjoint » ou « se
marier » et une autre a « suivi [son] mari algérien qui était militaire ».
Plus de la moitié des Turcs sont venus en France pour des raisons familiales tandis qu’une
personne sur six a immigré pour les mêmes raisons parmi les Arabes. Il est difficile de tirer
des conclusions substantielles à partir de ces réponses car cinq Arabes n’ont pas répondu à la
question. Cependant, la question que l’on peu se poser est est-ce que ces résultats sont
l’expression chez les Turcs d’un fort lien familial et communautaire et est-ce que les résultats
du côté Arabe ne sont pas l’indice d’une population plus individualiste et autonome ? La
poursuite de l’analyse tentera de donner une réponse à ce questionnement.
-23-
4.2. L’individu face à l’association
• Motivations à fréquenter l’association
Lorsqu’il est demandé aux Turcs et
Arabes pour quelles raisons ils
fréquentent l’association30
, plus de la
moitié répond que c’est pour des
raisons religieuses: 15 personnes sur
les 25 interrogées du côté des Turcs
contre 14 personnes sur 26 du côté des
Arabes. Parmi les Turcs qui ont
déclaré venir à l’association pour
pratiquer leur culte, la moitié a associé la religion avec le besoin de préserver leur culture
d’origine et de garder un contact avec cette culture. Ainsi, 13 personnes turques expriment le
besoin de fréquenter l’association afin de vivre leur culture tandis que deux personnes
uniquement ont évoqué ce besoin parmi les Arabes. L’association est également une façon
d’entrer en contact ou de retrouver des personnes de sa propre origine. Quatre personnes
turques disent venir à l’association pour des motivations relationnelles contre une personne
arabe. En ce qui concerne les motivations personnelles, un Turc a avoué fréquenter
l’association car il « s’y sent psychologiquement apaisé » tandis qu’un autre y vient pour
aviver ses « sensations internes ». Les témoignages du côté arabe s’alignent sur le même ordre
d’idée: « bien être spirituel », « c’est du bon temps », « bien être d’ordre religieux », etc. Les
personnes interrogées ont également évoqué l’éducation comme étant une motivation pour la
fréquentation des associations. Deux personnes arabes fréquentent l’association afin
« d’apprendre à lire et à écrire et pouvoir remplir [leurs] papiers [eux-mêmes]» et une
personne turque afin de « mieux comprendre [sa] religion ». Enfin, deux personnes turques
expriment leur volonté de fréquenter l’association afin de pouvoir « mieux transmettre [leur]
culture au prochain » et une personne arabe dit vouloir participer à la vie de l’association afin
« d’aider les jeunes et transmettre le bien ».
Les Turcs comme les Arabes semblent fortement attachés aux associations communautaires
dont ils font partis. Les raisons qui poussent les Turcs à fréquenter l’association où ils sont
30
Cf. questionnaire p 43 question 7 « pourquoi êtes-vous membre de cette association ? Qu’est ce que cela vous
apporte ? »
-24-
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Turcs Arabes
Motivations
religieuses
Motivations
culturelles
Motivations
relationnelles
Motivations
éducatives
Motivations
personnelles
Motivations
communes
membres sont d’abord religieuses, puis culturelles, relationnelles, d’ordre commun, d’ordre
personnel et éducatives. Pour les Arabes les raisons pour cette fréquentation sont tout d’abord
d’ordre religieux, puis personnelles, éducatives et d’ordre commun, et enfin relationnelles.
Dans les deux groupes la religion occupe la première place. Ceci n’est pas surprenant car dans
toutes les associations où le sondage a été mené, la mosquée est une partie intégrante de
l’association. De plus, la religion est le noyau central de la vie des musulmans. Ainsi, il est
tout naturel que ceux-ci viennent d’abord à l’association pour prier.
Il est important de rappeler que la France et l’Allemagne sont des pays à tradition chrétienne
où la reconnaissance d’une autre religion telle que l’Islam est difficilement acceptée. Ajoutons
à cela la tradition laïque de l’Etat français. Pour faire face à cette situation, de nombreuses
associations ont été créées dans le but de construire une mosquée. Certaines d’entre elles
n’existent que sur papier c'est-à-dire qu’elles ont pour objectif de financer la mosquée mais ne
proposent pas d’activités à l’extérieur du cadre religieux.31
C’est le cas de l’Association
Solidarité socioculturelle Musulmane située à Toulouse et qui abrite la Mosquée Al-Rahma.32
Dans le cadre de ce sondage, les associations qui ont été retenues pour l’étude offrent toutes
une vie associative à l’extérieur de la mosquée.
La volonté des personnes de préserver leur culture d’origine en fréquentant l’association
renforce le lien communautaire de l’association. Ceux-ci y découvrent un deuxième « chez
eux » ou y viennent « pour retrouver l’esprit du bled » comme l’assure un Algérien lors de
son entretient. Il n’est pas surprenant de voir autant de personnes exprimer ce besoin du côté
des Turcs étant donné que ces derniers sont réputés pour vivre de façon regroupés et dans le
souci de conserver leurs origines. Toutefois, est-ce que cette conception de la vie des Turcs
est un fait ou n’est qu’un cliché qui ne fait que simplifier la réalité ? C’est au cours de cette
analyse qu’une meilleure synthèse pourra être tirée de la position des Turcs dans le pays
d’accueil. D’autre part, il est intéressant de voir que la motivation culturelle soit aussi peu
évoquée du côté des Arabes. Une explication pourrait être que contrairement aux associations
islamiques en Allemagne où la grande majorité des membres sont turcs, les associations
islamiques en France ne sont pas fréquentées uniquement par une seule et même nationalité
arabe mais majoritairement par des personnes des trois anciennes colonies françaises du
31
Textes rassemblés par Michel Michel, Les Communautés: une question posée à la France, Edition L’Âge
d’Homme (Lausanne, Suisse), 2002, p. 54.
32
Association Solidarité socioculturelle Musulmane - Mosquée Al-Rahma - 59 rue de la Fourette - 31100
Toulouse - Tel : 0561417233
-25-
continent nord-africain. Marocains, Tunisiens et Algériens ne partagent pas les mêmes
coutumes, les mêmes traditions, les mêmes délices culinaires et ils n’ont pas les mêmes
mentalités. Ainsi l’on pourrait comprendre pourquoi la culture rentre pour peu d’entre eux en
ligne de compte. Toutefois, dans le cadre d’une étude plus approfondie de la question, il serait
intéressant de développer ce point davantage.
• Rôle dans l’association
La majorité des personnes interrogées chez les
Turcs comme chez les Arabes sont des
« visiteurs » qui appartiennent de fait33
à
l’association mais qui n’ont pas le statut
d’adhérent.34
7 personnes turques et 5
personnes arabes ont la qualité d’adhérent et
parmi celles-ci, 3 personnes de chaque groupe
remplient une fonction de responsable. Parmi les personnes appartenant de fait à l’association,
un peu moins de la moitié participe à l’organisation d’activités ou de manifestations. Ils sont
toutefois 7 du côté turc et 8 du côté arabe.
Les personnes semblent être impliquées de la même manière dans les associations en France
et en Allemagne. Plus d’un tiers des personnes questionnées de chaque côté du Rhin ont
déclaré jouer un rôle dans l’association sans pour autant faire parties du directoire: « J’aide là
où je peux » déclare spontanément un homme turc, « j’aide volontiers à l’organisation des
manifestations et des activités » avoue une femme de la même association. Un Marocain de
l’association des Musulmans de France précise: « je m’occupe des petits tous les week-
ends »; une franco-algérienne de l’Association Culturelle Islamique ajoute : « je participe à
l’enseignement du Coran pour les enfants ». Le fort engagement qui transperce chez la moitié
des personnes questionnées en France et en Allemagne montre l’importance de l’association
33
Dans les associations communautaires, l’appartenance de fait semble primer sur la qualité d’adhérent.
L’organisation de ces structures associatives est basée sur le modèle de la communauté. (cf. 2.1 Les
Associations/ Définition)
34
Les adhérents participent au financement de l’association en payant une cotisation tous les ans ainsi que durant
l’année en cas de besoin et si elles le veulent.
-26-
0
5
10
15
20
25
T A
Adhérent
Appartenance de
fait
Aide à
l'organisation
Membre du
directoire
dont… dont…
pour eux. Regardons maintenant si cette attitude va de pair avec la fréquentation des
personnes l’intérieur de l’association.
• Fréquentation de l’association
Parmi les Turcs vivant en Allemagne, la grande
majorité des personnes fréquentent l’association
plus d’une fois par semaine. 5 personnes viennent
une fois par semaine et une personne déclare venir
de façon irrégulière. Les personnes fréquentant
l’association plus d’une fois par semaine sont
également majoritaire parmi les Arabes vivant en France, toutefois moins nombreux qu’en
Allemagne. Neuf personnes disent aller à l’association une fois par semaine tandis que quatre
autres viennent de façon irrégulière.
La fréquentation accrue des personnes interrogées en France et en Allemagne prouve que
l’association joue un rôle important voire très important dans la vie de ses membres. La
plupart des personnes qui fréquentent l’association plus d’une fois par semaine disent venir
trois à cinq fois par semaine jusqu’à une fois par jour. La raison de ces nombreuses visites est
facile à expliquer: les membres des associations se retrouvent le plus possible pour pouvoir
prier ensemble. Il est important de souligner ici que la prière constitue l’un des cinq piliers de
la religion musulmane et que pour être Musulman il faut obligatoirement prier cinq fois par
jour. Les personnes qui n’ont pas le temps ou qui ne peuvent se rendre à la mosquée peuvent
prier dans n’importe quel autre endroit du moment que c’est sur une surface propre. Le sajada
ou tapis de prière en français remplit cette fonction.35
Ainsi de nombreuses personnes, surtout
les femmes, prient à la maison au lieu de se rendre à la mosquée. Le seul jour de la semaine
où les Musulmans sont obligés de se rendre à la mosquée est lors de la prière du vendredi.
Cette prière équivaut à la messe du dimanche pour les Chrétiens. D’ailleurs, comme dans les
pays chrétiens où le dimanche est considéré comme un jour de repos, le vendredi est un jour
de repos dans les pays arabes.
D’après les résultats constatés, l’on peut en déduire que les personnes fréquentant
l’association une fois par semaine viennent certainement le vendredi tandis que les autres
essayent de venir le plus possible quand le temps le le leur permet. Malheureusement une
question qui aurait pu être intéressante et qui a été négligée est de demander s’il arrive aux
35
Sous la direction de Coogan M. D. (1999). Les Grandes Religions. Paris : Larousse.
-27-
0
5
10
15
20
Turcs Arabes
1/semaine
plus1/semaine
irrégulier
personnes de se rendre d’abord à l’association pour d’autres raisons que la prière. Ceci a été
indirectement répondu lorsque les personnes ont déclaré venir pour les fêtes, repas et
manifestations organisés par l’association. Toutefois, cette question aurait permis de savoir si
certaines personnes viennent d’abord à l’association dans le but de retrouver leurs
compatriotes par exemple, sans pour autant venir pour la prière.
• Fréquentation des autres membres à l’extérieur du cadre associatif
Lorsque l’on demande aux Turcs et Arabes s’ils
fréquentent les autres membres de l’association à
l’extérieur du cadre associatif, 22 personnes sur 25
répondent « oui » chez les Turcs contre 16 chez les
Arabes.
La majorité des personnes questionnées ont des
liens forts avec les autres membres de l’association surtout parmi les Turcs. Ceux-ci disent se
retrouver lors « d’occasions privées », « autour d’un café », « avec les amis » ou « pour
bavarder dans les lieux publics ». Parmi les Arabes les occasions de se retrouver sont plus ou
moins les mêmes. Sont nommés les repas, le travail et les lieux publics. Un certain nombre a
rencontré des personnes qui sont devenues leurs amis et avec qui ils partagent des moments
importants. Une personne arabe donne l’exemple de mariages, fêtes et baptêmes.
De chaque côté du Rhin les associations semblent regrouper les personnes entre elles et
resserrer les liens entre compatriotes. Toutefois, les personnes questionnées du côté arabe
montre moins d’attachement pour les autres membres de l’association. Est-ce que ces résultats
sont l’indice qu’un fort communautarisme est moins présent entre Arabes ou que le système
assimilatif français porte inconsciemment les personnes à rechercher moins de contacts entre
arabes ? Nous tenterons de répondre à cette question au cours de l’analyse.
• Synthèse générale
Il a pu être constaté que les associations communautaires jouent un rôle très important chez
les Turcs comme chez Arabes en Allemagne et en France. Grâce aux motivations de ces
derniers, leur rôle et leur fréquentation dans l’association, une forte appartenance à
l’association a pu être dégagée, celle-ci étant liée à la religion, à la culture et au contact avec
-28-
0
5
10
15
20
25
Turcs Arabes
OUI
NON
Pas de
réponses
les autres membres de l’association. Cependant les Turcs sont ceux qui se sont montrés
davantage attachés à l’association par rapport aux Arabes.
4.3. L’individu face à la société : éléments d’intégration
4.3.1 Dimension linguistique
Dans un premier temps l’on cherche à connaître l’attachement des personnes par rapport à la
langue du pays de résidence. Ceci a pour but de montrer si les immigrés sont intégrés
linguistiquement parlant c'est-à-dire s’ils sont en mesure de communiquer, s’ils apprécient la
langue des autochtones, s’ils cherchent à s’approprier cette langue (par exemple en regardant
des chaînes télévisées dans la langue du pays d’accueil) et est contrebalancé avec des
questions relatives à l’attachement à la langue d’origine.
• Langue du pays de résidence
Lorsqu’il est demandé aux Turcs et Arabes s’ils
aiment parler l’allemand ou le français la majorité est
d’accord. Deux personnes turques sont toutefois en
désaccord et six Arabes et cinq Turcs ne sont pas tout
à fait d’accord.
Ces résultats cherchent à montrer le degré d’intérêt des immigrés pour la langue du pays
d’accueil. Cet élément est très important car l’attachement à la langue est le premier indice
qui pousse les personnes étrangères à vouloir apprendre la langue du pays d’accueil.
• Niveau en en français ou allemand
Lorsque l’on demande aux membres de l’association
comment ils estiment leur niveau de français ou
d’allemand la moitié des Turcs et Arabes déclarent
qu’il est « bon ». Toutefois 10 Arabes se disent
« moyen » en français contre cinq Turcs et une
personne s’affirme « très bonne » contre six personnes turques. Une personne estime avoir un
niveau « mauvais » en français et une en allemand.
Contrairement à ce qui aurait pu être attendu, davantage de personnes disent maîtriser « très
bien » ou « bien » la langue du pays de résidence du côté des Turcs que du côté des Arabes.
-29-
0
5
10
15
20
Turcs Arabes
Accord
Accord partiel
Désaccord
0
2
4
6
8
10
12
14
Turcs Arabes
Très bon
Bon
Moyen
Mauvais
Ces attentes étaient basées sur le fait que le français est la première langue étrangère dans les
pays arabes ainsi que la langue de la bureaucratie et de l’administration arabe tandis que
l’allemand n’est pas une langue fréquemment pratiquée par les Turcs dans leur pays d’origine.
En effet, de nombreux Turcs apprennent l’Allemand « sur le tas » tandis que de nombreux
Arabes connaissent les bases de la langue française avant d’arriver en France. Toutefois, ces
résultats semblent démentir le fait que les Turcs ne métrisent pas ou mal la langue du pays
d’accueil ce qui est un résultat intéressant. Dans l’optique d’une recherche plus avancée il
serait intéressant de vérifier si pour une population plus nombreuse de Turcs et Arabes les
résultats soient semblables.
• La télévision dans la langue du pays d’accueil
Sur 26 Arabes, 13 personnes déclarent toujours
regarder la télévision en français, 10 personnes
disent regarder autant de chaînes télévisées
françaises qu’arabes et trois personnes
affirment regarder de temps en temps des
chaînes françaises. Sur les 25 Turcs 8
personnes regardent toujours la télévision en
allemand, 12 personnes regardent autant la
télévision en allemand qu’en turc, une personne regarde parfois des chaînes allemandes et
quatre personnes ne regardent presque pas voire jamais la télévision en allemand.
L’intérêt d’écouter la langue du pays de résidence dans le cercle privée (la question était
demandée dans le cadre familial c'est-à-dire « à la maison »36
) est plus élevé parmi les
personnes arabes que parmi les personnes turques. 13 personnes arabes regardent toujours la
télévision en français chez eux contre huit personnes turques. Ceci peut s’expliquer par le fait
que les arabes comprennent plus facilement le Français étant donné que c’est une langue
parlée dans leur pays d’origine. Même un Arabe qui ne parle pas bien le français peut le
comprendre plus facilement qu’un Turc qui n’a jamais entendu parler l’allemand avant
d’immigrer en Allemagne. D’autre part la moitié des personnes turques affirment regarder
50% de chaînes télévisées turques et 50% de chaînes allemandes. Ceci montre l’importance
des personnes à rester en contact avec la langue et la culture de leur pays d’origine tout en
absorbant la langue et la culture du pays de résidence. De part ce choix, les personnes
36
Cf. questionnaire p 44 question 15.
-30-
0
2
4
6
8
10
12
14
Turcs Arabes
Toujours
Moitié/moitié
Parfois
Presque jamais
Jamais
affirment leur différence tout gardant un lien avec le pays où elles résident. Quant à ceux qui
ne regardent jamais ou presque jamais des chaînes télévisées allemandes, ces derniers sont la
preuve qu’il existe des personnes qui cherchent volontairement à se couper du reste de la
société parce qu’elles ne s’intéressent pas à celle-ci ou parce qu’elles ne la comprennent pas.
Même si cette question n’exprime pas à elle seule le degré d’intégration des personnes
immigrées, elle apporte tout de même quelques éléments de réponse.
• Langue de préférence
En réponse à la question « dans quelle langue
préférez-vous vous exprimez ? »37
, la moitié des
Turcs disent préférer parler le turc à l’allemand.
Une petite minorité déclare préférer parler
l’allemand au turc tandis qu’un tiers des
personnes interrogées affirment ne pas avoir de
préférence qu’en à la langue d’élocution. Du côté des Arabes, les personnes qui préfèrent
parler l’arabe au français sont à égalité avec les personnes qui préfèrent parler le français à
l’arabe. Le groupe de personnes qui ne fait pas de différences entre les deux langues parlées
est toutefois plus nombreux.
Au-delà de l’obligation de parler la langue du pays d’accueil, cette question a pour but de
montrer le degré d’affectivité des Turcs et Arabes pour l’une ou l’autre langue. Cette question
cherche à contrebalancer l’intérêt de la langue du pays de résidence avec l’intérêt pour la
langue du pays d’origine. Ainsi, même si une personne déclare aimer la langue du pays
d’accueil celle-ci n’a pas forcément perdu son degré d’affectivité pour sa langue maternelle.
Par l’intermédiaire de cette question l’on a cherché à savoir si la volonté de préserver sa
singularité en continuant à parler sa langue d’origine est autant présente en France qu’en
Allemagne. L’on constate justement qu’en France un tiers des personnes arabes préfèrent
s’exprimer en français tandis qu’en Allemagne une nette majorité préfère parler sa langue
native. Une explication pour ce résultat serait que le système assimilatif français pousse les
Arabes à se conformer à la langue et aux valeurs françaises tandis qu’en Allemagne on
encourage davantage les personnes à exprimer leur différence. Est-ce qu’à plus grande échelle
ce résultat serait le même ? Une fois encore le résultat trouvé ne peut donner qu’un avis
tendanciel sur la question.
37
Cf. questionnaire p. 44 question 14.
-31-
0
2
4
6
8
10
12
14
Turcs Arabes
Langue
maternelle
Langue du pays
d'accueil
Les deux
Pour compléter cette question il a été demandé aux personnes dans quelles situations elles
parlaient leur langue d’origine. Les réponses ont été nombreuses et diverses : « A la maison »,
« avec des amis ou connaissances », « en famille » , « à la mosquée ou à l’association »,
« avec des personnes de mon pays d’origine », « avec des personnes qui ne parlent pas le
français », « tout le temps », « tout le temps sauf avec des Allemands », « avec mes enfants »,
« lorsque je vais au Maroc pendant les vacances ». Toutefois, différentes caractéristiques ont
pu être distinguées. Les personnes qui parlent leur langue d’origine dans la sphère privée,
entre proches ou camarades; les personnes qui ne parlent presque jamais leur langue d’origine
sauf lorsqu’elles sont en présence de personnes qui ne parlent pas la langue du pays d’accueil;
et les personnes qui ne parlent presque jamais la langue du pays où elles vivent sauf si elles
sont confrontées à une personne qui ne parle pas leur langue maternelle. En France comme en
Allemagne les réactions sont à peu près les mêmes.
4.3.2. Dimension sociale
• Contact avec les autochtones
Cette partie vise à connaître l’intensité du contact des personnes immigrées avec les
autochtones et les relations qu’elles entretiennent avec eux afin de déterminer le type
d’interaction qu’il y a entre les personnes interrogées et le reste de la société. La question
avait été posée de façon assez large afin de permettre aux personnes de détailler le type
d’expériences qu’elles avaient vécu mais nombreuses sont restées assez courtes dans leurs
réponses. Voici ce qui a pu être découvert:
Dans l’ensemble les Turcs comme les Arabes ont de bonnes voire de très bonnes relations
avec les personnes locales: « On se comprend » déclare une personne turque, « j’ai de bonnes
relations dans l’ensemble » affirme une autre personne de la même nationalité, « j’essaye
d’avoir de bonnes relations » avoue une autre, « oui bien sûr » s’exclame un Arabe, « je vis ici
et j’ai le sentiment d’être français » ajoute quelqu’un d’autre. Les bonnes relations de
voisinage sont souvent mentionnées ainsi que les bons contacts avec collègues de travail. De
nombreux Turcs et Arabes déclarent avoir des amis français même s’ils ne sont pas en
majorité. Différentes raisons peuvent se cacher derrière ce phénomène: le manque de temps,
l’incompréhension de l’autre; une personne turque fait une remarque intéressante à ce sujet
soulignant le fait que la conception de l’amitié est très différente en Turquie en en Allemagne.
Il donne comme exemple le fait que les Turcs se retrouvent chez l’un et chez l’autre presque
-32-
aussitôt après qu’ils se soient rencontrés pour la première fois tandis que ce les Allemands ne
sont pas aussi spontanés en la matière. Il avertit que sous cet angle certains Turcs peuvent
penser que les Allemands ne veulent pas les connaître en profondeur et qu’ils sont toujours
obligés de faire le premier pas.
De façon générale la diversité et l’intensité des liens entre étrangers et natifs jouent un rôle
prépondérant dans l’intégration des immigrés. Ces derniers ne semblent pas avancer dans une
bulle communautaire mais semblent, au contraire, ouverts aux personnes n’appartenant pas à
leur environnement d’origine. Ceci est l’indice que les immigrés s’intéressent au pays où ils
résident, apprécient les personnes qui y vivent et selon l’intensité des rapports sont curieux de
connaître le mode de vie, les coutumes, les traditions ou tout simplement les normes de cette
population.
Deux personnes arabes et deux personnes turques avouent avoir eu de mauvais contacts ou
avoir peu de contacts avec les autochtones. Un Arabe évoque le racisme qu’il a ressenti en
France tandis que deux Turcs et une autre personne arabe disent parler uniquement avec les
Allemands ou les Français dans le milieu du travail. Le manque d’interaction avec les
autochtones est encore un indice de l’isolement volontaire ou subi par les personnes
immigrées, par exemple lorsque ceux-ci n’arrivent pas à communiquer avec les personnes du
lieu de résidence.
4.3.3 Dimension culturelle
La dernière partie cherche à savoir si les personnes interrogées sont intégrées au niveau
culturel c'est-à-dire si, en plus de la langue et du contact avec les autochtones, celles-ci ont
une affinité plus ou moins grande avec la culture (style de vie, politique) du pays où elles
résident.
• Style de vie et habitudes culturelles
En réponse à la question « vivez-vous plutôt à
la française/ à l’allemande ou plutôt selon le
-33-
0
5
10
15
20
Turcs Arabes
à lafrançaise/ à
l'allemande
à l'arabe/ à la
turque
lesdeux
pasde réponses
mode de vie de votre pays d’origine ? »38
, l’écrasante majorité des Turcs ont répondu « à la
turque ». Deux personnes uniquement disent vivre « à l’allemande » ou vivre autant « à la
turque » qu’à « l’allemande ». En France, les Arabes sont plus nombreux à affirmer vivre
autant « à la française » qu’à « l’arabe »: dix personnes contre neuf personnes qui disent vivre
uniquement « à l’arabe ». Les Arabes qui affirment vivre « à la française » c'est-à-dire de la
façon du pays de résidence sont également plus que les Turcs.
Ces résultats semblent en accord avec ce qui était attendu. En effet, les Maghrébins qui ont été
marqué par le passé colonial français dans leur pays d’origine ont pu s’approprier plus
facilement les valeurs ou habitudes françaises. Plusieurs personnes maghrébines ont d’ailleurs
fait la remarque qu’à l’exception de la religion, le style de vie des Marocains, Algériens et
Tunisiens étaient à quatre-vingt-dix pourcent le même que celui des Français. La culture
turque quant à elle, très différente de la culture allemande, a pu conduire à des résistances de
la part des populations immigrées vivant en Allemagne. Un deuxième élément important qui
pourrait expliquer ces résultats est le système d’intégration français et allemand. En effet, le
système assimilatif français a pu influencer les Maghrébins à imiter le style de vie des
autochtones tandis que le système différenciatif allemand a pu encourager les Turcs à
préserver leur culture et mode de vie. Toutefois, une intégration réussie est une intégration où
la culture d’origine et la culture du pays d’accueil sont articulées ensemble pour former un
équilibre. Les Arabes sont nombreux à avoir fait cette démarche tandis qu’une infime partie
des personnes turques interrogées affirment s’être approprié les valeurs ou mode de vie
allemand.
Pour renforcer cette question, il a été demandé
aux personnes si elles avaient des habitudes
typiquement françaises ou allemandes. Les
Arabes ont répondu de façon diverse et varié:
« façon d’éduquer mes enfants », « je vote »,
« sorties, repas de famille », « je me rase et je
porte des habits classiques », « boissons,
alcools », « je vais au restaurant ». Un homme évoque sa situation de père au foyer, valeur
typique et courante en Europe. Neuf personnes ont affirmé ne pas avoir d’habitudes
typiquement françaises. Du côté des Turcs, quatre personnes ont évoqué la ponctualité et
l’ordre comme étant des exemples d’habitudes culturelles allemandes qu’elles pratiquent.
38
Cf. questionnaire p. 45 question 19
-34-
0
2
4
6
8
10
12
14
Turcs Arabes
OUI
NON
Moyen
Pasde réponses
Travailler dur, être écolo et la boisson allemande ont été également mentionnés. 15 personnes
ont toutefois affirmé ne pas avoir d’habitudes typiquement allemandes.
• Politique
La majorité des personnes questionnées sont intéressées par la politique. Quatre personnes
Turcs et trois personnes Arabes disent ne pas avoir d’intérêt pour la politique tandis que cinq
Turcs et huit Arabes disent s’intéresser parfois à la politique.
Lorsqu’on leur demande pourquoi elles s’intéressent à la politique, la première réaction des
Turcs et Arabes est de dire que cela les concerne car ils vivent dans le pays. Un Algérien
évoque l’importance de suivre la politique afin de comparer avec la politique de son pays natif
tandis qu’un autre Algérien dit que la politique est facile à suivre car elle est la même que
dans son pays natal. D’autres personnes mentionnent leur citoyenneté comme moteur de cet
intérêt: « j’ai la nationalité », « je me sens citoyen », « je suis membre actif de ce pays », « je
suis engagé politiquement ». Un Turc évoque l’importance « de faire une différence car
beaucoup de Turcs vivent en Allemagne. » Deux personnes turques font toutefois référence à
leur manque de pouvoir car ils n’ont pas la nationalité allemande. Parmi les personnes qui ont
répondu ne pas s’intéresser à la politique, un Turc affirme que cela ne change rien de
s’intéresser ou non à la politique car tous les politiciens sont les mêmes: « menteurs,
hypocrites, etc. ». Un Arabe avoue que la politique lui est égal tandis qu’un autre dit ne pas
avoir le temps de suivre la politique.
De façon générale, les Arabes comme les Turcs sont majoritairement intéressés par la
politique. Ces résultats étaient intéressants à connaître car la volonté de suivre la politique est
le premier pas vers le rôle de citoyen. Et être citoyen est le premier pas vers l’appartenance
intégrale à la société.
• Culture du pays d’accueil
Lorsqu’il est demandé aux personnes si elles
aiment la culture française ou allemande, 22
Arabes répondent « oui » contre 13 Turcs. Dix
personnes ont trouvé des éléments de
mécontentement au niveau de la culture
allemande contre six personnes du côté arabe.
-35-
0
5
10
15
20
25
Turcs Arabes
OUI
NON
Pas de réponse
Les éléments sont énumérés dans le tableau ci-dessous39
:
Les personnes arabes semblent davantage en accord avec la culture française tandis que les
Turcs trouvent plus à redire de la culture allemande. Ici encore la diversité des points de vue
entre les deux populations immigrées semble prendre son origine dans le fait que les
différences sont plus grandes entre Turcs et Allemands qu’entre Arabes et Français.
• Synthèse générale
Les résultats suivants ont pu démontrer que les personnes interrogées turques et arabes qui
fréquentent les associations communautaires sont majoritairement intégrées dans la société.
Malgré les différences qui résident dans les sociétés d’accueil et de provenance, Turcs et
Arabes partagent un certain nombre de similitudes concernant la société, les autochtones et
leur rapport à la langue du pays de résidence. D’autres résultats ont pu démontrer que la
diversité des systèmes d’intégration français et allemand ou le passé culturel des pays arabes
et turcs jouent un rôle dans la position actuelle des personnes. Toutefois, ces résultats ne
justifient pas quelle place remplit les associations communautaires dans le processus
39
Référence à la question 16 p. 44 du questionnaire: « qu’est ce que vous aimez, qu’est ce que vous n’aimez pas
[de la culture du pays de résidence] ? »
-36-
TURCS ARABES
OUI NON OUI NON
Personnes correcte,
gastronomie, la façon
dont les personnes
fêtent ensemble,
écologie, justice,
respect des règles,
ponctualité, travail,
ordre
Superficialité,
matérialisme,
bureaucratie,
arrogance, certaines
lois sont injustes,
culture trop
différente de la
culture turque
Valeurs françaises
(liberté, égalité,
fraternité), respect,
égalité
homme/femme,
personnes ouvertes,
tranquilles,
sympathiques,
sérénité, ponctualité,
solidarité
Matérialisme,
hypocrisie des
politiciens
d’intégration. En effet, les personnes immigrées ont pu s’intégrer indépendamment de la
fréquentation dans l’association communautaire. La troisième partie du questionnaire se
confronte à cette interrogation.
4.4. L’association dans le processus d’intégration
• La vie quotidienne
A la question « est-ce que la fréquentation de l’association vous aide dans votre vie au
quotidien », la majorité des Turcs et Arabes ont répondu que l’association joue un rôle positif
au niveau de leur vie de tous les jours. Les Arabes ont tout d’abord décrit l’association comme
un lieu d’enseignement: « l’association m’a aidé au niveau relationnel, elle m’a donné de bons
conseils vis-à-vis du contact avec mes voisins, mes collègues de travail », « elle m’a transmise
des valeurs morales qui m’ont aidé à respecter les autres ». L’association permet également
aux personnes de trouver un confort spirituel de part la fréquentation de la mosquée: « ça me
repose, ça me donne une paix intérieure », « je trouve le cadre spirituel qui me manque dans
la vie de tous les jours ». Enfin deux personnes arabes évoquent l’association comme une
façon de trouver un équilibre entre le pays d’origine et le pays de résidence: « c’est un lieu où
je peux retrouver des personnes de ma propre culture et me sentir moins seul ». Une seule
personne a dit que l’association ne jouait aucun rôle dans sa vie au quotidien.
Les Turcs sont nombreux à avoir considéré l’association comme une façon pour eux de rester
en contact avec leurs compatriotes. Une personne affirme que grâce à l’association ses enfants
nés en Allemagne ont pu apprendre à connaître d’autres enfants turcs et de cette façon faire
davantage parti de cette culture. Une autre personne évoque la solidarité qui, de part
l’association, existe entre ses membres: « l’association nous fait savoir les informations
importantes qui touchent nos membres, si une personne est malade, si une famille a un enfant,
etc. » L’association a également permis à certaines personnes de ne pas oublier leur religion
ni leur culture: « ainsi je comprends mieux la mosquée », « les fêtes culinaires, la musique
traditionnelle et les fêtes religieuses me rappellent d’où je viens et me force à remplir mon
devoir de musulman. » Une personne évoque le rôle de l’association dans l’articulation entre
culture d’origine et culture du pays d’accueil: « l’association nous réunit et nous porte entre la
culture turque et la culture allemande. Elle nous aide à entrer en contact avec des personnes
d’autres cultures. » Une autre personne encore explique comment l’association peut les aider
en cas de difficulté avec la société d’accueil: « elle nous traduit les documents administratifs
-37-
lorsqu’on a des difficultés avec la langue ou nous aide en cas de problème avec la
bureaucratie allemande. » Trois personnes avouent toutefois que l’association ne les aide pas
dans leur vie au quotidien. Une personne ajoute même qu’elle « n’a pas besoin de
l’association pour s’adapter dans la société d’accueil. »
Les différents témoignages montrent l’importance que jouent les associations dans la vie
quotidienne des personnes immigrés. Pour beaucoup, l’association semble être un point de
repère à partir duquel les personnes évoluent. L’association est là pour ses membres lorsque
ceux-ci ont des difficultés matérielles (au niveau de l’administration ou de la langue du pays
d’accueil) ou un besoin spirituel. L’association permet également de rapprocher ses membres
entre eux et leur permettre de trouver un équilibre entre société d’accueil et société du pays
d’origine. Toutefois, pour comprendre si cette articulation existe vraiment de part
l’association, une deuxième question a été posée afin de connaître le point de vue de toutes les
personnes.
• Compréhension du pays d’accueil et des autochtones
La deuxième question cherche davantage à savoir si la fréquentation de l’association est liée à
une meilleure compréhension du pays d’accueil et avec les autochtones. Dix personnes
uniquement ont répondu à cette question parmi les Arabes et 16 personnes parmi les Turcs,
ainsi il est difficile de donner une réponse substantielle. Néanmoins, il est intéressant
d’analyser les témoignages des personnes qui ont répondu à la question.
Parmi les témoignages recueillis, plus de la moitié des Arabes semblent ne pas trouver de lien
entre la fréquentation de l’association et l’intégration dans le pays d’accueil. Un Algérien
déclare que « c’est uniquement par un travail individuel qu’une personne apprend à connaître
son environnement » et non par l’intermédiaire de l’association. Une personne évoque
toutefois que les rencontres entre musulmans et catholiques organisées par l’association lui a
permis de mieux comprendre les chrétiens français.
Les Turcs sont plus nombreux a avoir dit que l’association l’ai a aidé dans la compréhension
du pays de résidence et des autochtones. Parmi les seize personnes qui ont répondu à la
question, la majorité des Turcs ont dit qu’ils ont réussi à mieux comprendre l’Allemagne et
les Allemands grâce aux différentes manifestations organisées par l’association: une personne
-38-
fait référence aux voyages qui ont été organisés avec d’autres associations turco-islamiques
dans différentes villes allemandes et qui lui ont permit de découvrir des régions allemandes et
des styles de vie allemands qu’elle n’avait jamais pris en considération auparavant. Elle prend
l’exemple de l’expression « Gruβ Gott » qui n’est employé qu’en Bavière et dont elle n’a prit
conscience qu’en faisant un voyage à Dortmund, en Rhénanie-du-Nord Westphalie. Elle s’est
alors questionnée sur la portée du terme « Gruβ Gott » et s’est demandé si le rapport à la
religion était plus fort en Bavière qu’en Rhénanie-du-Nord Westphalie. Une autre personne
rappelle que l’association est une façon d’entrer en contact avec les personnes du pays de
résidence. Elle donne comme exemple les activités organisées en coopération avec d’autres
associations turco-allemandes ou les rencontres entre chrétiens et musulmans organisées plus
d’une fois par an. Une personne turque avoue mieux comprendre les autres religions et les
autres associations, une autre dit apprendre à respecter les autres religions. Les personnes qui
ont répondu négativement à la question ont affirmé que sans une fréquentation quotidienne
des Allemands à l’intérieur de l’association, ceux-ci ne pourraient véritablement apprendre à
les connaître. Toutefois, ils expriment le désir de les accueillir.
Les associations turques semblent plus ouvertes à la société du pays d’accueil. Ces résultats
étaient inattendus car il aurait été imaginé qu’entre les deux populations les associations
communautaires turques aient le moins d’impact sur ses membres. Ces attentes étaient basées
sur le fait que dans une société différencialiste comme l’Allemagne, les populations
immigrées n’aient pas le même intérêt pour les personnes du pays de résidence comme il
pourrait en être le cas dans une société assimilative comme la France. Au contraire, cette
façon de penser semble s’inverser car les témoignages montrent que les associations arabes
ont davantage tendance à vouloir regrouper les Arabes entre eux tandis que les associations
turques sont davantage ouvertes au monde extérieur. Les systèmes d’intégration français et
allemands semblent jouer ici le rôle de repoussoir. En effet, dans une société assimilative
comme la France, les associations communautaires ont tendance à vouloir s’isoler alors que
dans une société différencialiste comme l’Allemagne, les associations du même genre ont
tendance à vouloir s’ouvrir. Dans les deux cas de figures les associations semblent remplir les
« vides » là où la société n’a pas su le faire.
Les différents témoignages ont montré que les associations communautaires aident certains de
ses membres à mieux comprendre les personnes « de souche » et le pays d’accueil. Ces
-39-
résultats réfutent l’idée selon laquelle le regroupement communautaire a pour but unilatéral de
séparer ses membres du reste de la société.
• L’avenir de l’association
La dernière question a pour but de savoir qu’est ce que les membres espèrent de l’association
à l’avenir et qu’est-ce qui doit être fait pour qu’elle soit plus efficace. De nombreuses
réponses ont été recueillies. Les Arabes ont dit que « l’association doit encourager l’égalité
homme/femme », « inciter les personnes à jouer leur rôle de bon citoyen », « écouter ses
membres pour pouvoir organiser davantage d’activités qui leur correspondent », « transmettre
des valeurs morales et éducatives », « donner un bon exemple », « montrer le vrai visage des
Arabes et des Musulmans ». Parmi ces résultats, une personne a fait référence à l’association
comme lieu d’expression de la citoyenneté et une personne a évoqué une valeur européenne
(égalité homme/femme) pour améliorer l’association communautaire. Une personne a dit qu’il
n’y a rien à changer dans l’association mais que c’est à l’individu de s’adapter à celle-ci.
Les Turcs quant à eux ont été nombreux à évoquer leur désir d’intensifier le contact entre les
personnes. Ils ont dit que « l’association doit être plus ouverte », « qu’elle doit renforcer les
liens avec les Allemands », « inciter les jeunes à venir à l’association et proposer plus
d’activité à l’extérieur du cadre de la prière », « faire en sorte que les différentes cultures
entrent en contact ». Deux personnes ont déclaré que l’association doit aider les personnes à
s’intégrer dans la société tandis qu’une autre a fait référence au côté moral de l’association:
« respecter le point de vue des personnes sans qu’il y ait de préjugés ». D’autres personnes ont
évoqué que l’association « doit être en harmonie avec les personnes », qu’elle doit « renforcer
le sentiment communautaire et proposer davantage d’activités » et « représenter les droits de
chacun ».
Les Turcs comme les Arabes ont beaucoup de projets pour l’association qu’ils fréquentent.
Les Turcs expriment majoritairement le désir d’inclure davantage les Allemands et d’autres
étrangers dans leur association tandis que les Arabes évoquent des projets qui concernent
davantage leurs membres. Ces résultats viennent renforcer les réponses de la question
précédente.
• Synthèse générale
-40-
La finalité de ces questions était de savoir si l’association aide les personnes à s’intégrer dans
la société d’accueil. Le mot « intégration » n’a cependant jamais été employé dans le
questionnaire afin de ne pas influencer les personnes dans leurs réponses. Pour certaines
personnes, l’association semble favoriser l’intégration grâce aux activités proposées à
l’extérieur des murs de l’association. D’autres expriment le manque de l’association à
favoriser le contact avec les allemands mais évoquent leur volonté de l’ouvrir à des personnes
d’autres cultures. Ceci montre que l’association était certainement davantage refermée sur
elle-même dans le passé mais qu’elle est en train de subir des mutations aujourd’hui. Les
associations communautaires arabes semblent moins favoriser le contact avec les Français et
moins aider ses membres à entrer en phase avec le pays d’accueil. L’intégration joue un rôle
mineur dans ces associations.
-41-
Conclusion générale :
Cette étude a permis d’apporter des résultats intéressants. L’association communautaire joue
en effet un rôle très important pour ses membres. Turcs comme Arabes sont fortement
impliqués dans l’association, qu’ils fréquentent plus la plupart quotidiennement. L’étude a
également démontré que la majorité des personnes interrogées sont intégrées dans la société
d’accueil. Ceux-ci participent au processus d’acculturation, s’appropriant certaines valeurs et
habitudes françaises ou allemandes et entrant en contact avec les autochtones. Leur culture et
leur langue maternelle continue néanmoins à être pratiquée, surtout parmi les Turcs qui
expriment davantage le besoin de conserver leurs pratiques d’origine. L’étude a également
apporté des réponses quant au rôle de l’association dans le processus d’intégration. L’idée
selon laquelle les associations communautaires cherchent à isoler ses membres a pu être
réfutée du côté des associations turques. Les Turcs ont d’ailleurs exprimé leur désir d’ouvrir
davantage leur association aux autres cultures à l’avenir. Les Arabes, quant à eux, ont exprimé
davantage de réserves vis-à-vis de l’ouverture de leur association. Ceux-ci semblent
davantage renfermés sur eux-mêmes et ne voient pas de lien entre la fréquentation de
l’association et l’intégration dans la société du pays d’accueil.
Cette étude a donc apporté des réponses quant au questionnement de départ mais a également
révélé des différences intéressantes entre Turcs et Arabes dans leur relation vis-à-vis de
l’association où ils sont membres. Contrairement aux Turcs, les Arabes semblent être moins
unis et moins solidaires entre eux malgré leur fréquentation quotidienne à l’intérieur du cadre
associatif. Les origines de ces différences restent encore à être prouvées mais semblent être
liées à la diversité des mentalités des populations étudiées et la diversité de l’approche des
étrangers de la part des pays d’accueil. Dans une étude future il serait intéressant de comparer
la même population (Turc ou Arabe) en France et en Allemagne afin de découvrir si les
différences liées aux associations communautaires sont dues aux pays de résidence ou si la
conception des personnes questionnées est la même dans les deux pays.
-42-
ANNEXE
Annexe 1 : Questionnaire
Allgemeine Daten/ Données générales
1.Sie sind : ein Mann eine Frau / Vous êtes: un homme une femme
2. Ihr Alter / Votre âge
3. Was ist (sind) Ihre Angehörigkeit(en) ? / Quel est(sont) votre(vos) nationalité(s)?
4. In welchem Land sind Sie geboren? / Dans quel pays êtes vous né(e)?
5. Seit wann wohnen Sie in Deutschland ? / Depuis combien de temps vivez-vous en France?
6. Wieso sind Sie in Deutschland gekommen? (für welche Gründe)/ Pourquoi êtes-vous
venu(e) en France? (pour quelles raisons)
Der Verein / L’association
7. Warum sind Sie Mitglieder dieses Vereins geworden? Was bringt es Ihnen? (bitte die
Antwort entwickeln)/ Pourquoi êtes-vous membre de cette association? Qu’est ce que cela
vous apporte? (développer votre réponse s’il-vous-plaît)
8. Wie oft besuchen Sie den Verein?/ Combien de fois fréquentez-vous l’association (par
semaine, mois, etc)?
9. Welche Rolle spielen Sie in dem Verein? Sind Sie einfaches Mitglied, haben Sie eine
Vertretungsrolle, helfen Sie bei der Organisation von Aktivitäten, usw. (Bitte präzisieren Sie)/
Quelle fonction avez-vous à l’intérieur de l’association? Êtes-vous simple adhérent, avez-
vous une fonction de responsable, aidez-vous à l’organisation d’activités, etc. (Précisez s’il-
vous-plaît)
10. Treffen Sie sich mit den anderen Mitgliedern des Vereins ausserhalb des Vereins? Für
welche Angelegenheiten? / Fréquentez-vous les autres membres de l’association à l’extérieur
du cadre associatif? Pour quelles occasions ?
-43-
Ihre Beziehung zu der deutsche Sprache/ Votre attachement à la langue française
11. Mögen Sie Deutsch reden? / Aimez-vous parler le français?
- Ja/ Oui
- Nein/ Non
- Teilweise einverstanden/ Accord partiel
12. Wie schätzen Sie Ihr Niveau ins Deutsch ein? / Comment estimez-vous votre niveau de
français?
- Sehr gut / Très bon
- Gut / Bon
- Mittelmäβig / moyen
- Schlecht / mauvais
13. Wann sprechen Sie Ihre Muttersprache? In welchen Situationen? / Quand parlez-vous
votre langue maternelle? Dans quelles situations?
14. In welcher Sprache drücken Sie sich lieber aus? / Dans quelle langue préférez-vous vous
exprimer?
- Ins Deutsch / en français
- Ins Türkisch / en arabe
15. Gucken Sie zu Hause deutsche Fernsehsendungen? / Regardez-vous lorsque vous êtes
chez vous des programmes télévisés français?
- Immer / toujours
- Halb-halb / moitié-moitié
- Manchmal / parfois
- Fast nie / presque jamais
- Nie / jamais
Die deutsche Kultur und die Deutschen/ La culture française et les Français
16. Mögen Sie die deutsche Kultur? Was mögen Sie, was mögen Sie nicht?/ Aimez-vous la
culture française? Qu’est-ce que vous aimez, qu’est-ce que vous n’aimez pas ?
-44-
17. Interessieren Sie sich für die deutsche Politik ? Warum? / Vous vous intéressez à la
politique française? Pourquoi ?
18. Haben Sie typische deutsche Gewohnheiten? Geben Sie bitte Beispiele. / Avez-vous des
habitudes typiquement françaises? Donnez des exemples.
19. Ihrer Meinung nach wohnen Sie eher : / D’après vous, vous vivez plutôt :
- Auf deutscher Art/ à la française
- Auf der türkische Art / à l‘arabe
20. Was sind Ihre Beziehungen mit den Deutschen? Haben Sie gute Erfahrungen mit denen
gehabt? Haben Sie Kontakt zu denen? / Quelles relations entretenez-vous avec les Français?
Avez-vous eu de bonnes expériences avec eux? Entrez-vous en contact avec eux?
21. Haben Sie den Absicht Ihr ganzes Leben in Deutschland zu verbringen oder möchten Sie
eines Tages wieder nach der Türkei zurückzukehren? Warum? / Avez-vous l’intention de
rester toute votre vie en France ou aimeriez-vous retourner un jour dans votre pays
d’origine? Pourquoi ?
Die Rolle des Vereins für Ihnen/ Le rôle de l’association pour vous
22. Hilft es Ihnen in ihrem Alltagsleben Mitglied dieses Verein zu sein? Sagen Sie durch
welche Art und Weise./ Est-ce que la fréquentation de l’association vous aide dans votre vie
au quotidien? De quelle façon?
23. Hat der Verein Ihnen geholfen, Deutschland und die Deutsche besser zu verstehen ? Bitte
präzisieren Sie. / Est-ce que l’association vous a aidé à mieux comprendre la France et les
Français? Précisez s’il-vous-plaît.
24. Ihrer Meinung nach was muss einen Verein machen, um einen guten Verein zu sein ?
Geben Sie bitte Beispiele. / Qu’est-ce que doit faire l’association pour être efficace ? Donnez
des exemples s’il-vous-plaît.
-45-
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Schnebel K. B. (2003). Selbstbestimmung in multikulturellen Gesellschaften: dargestellt an
den Beispielen Frankreich, Deutschland und Spanien. Wiesbaden: Westdeutscher Verlag.
Supper S. (1999). Minderheiten und Identität in einer multikulturellen Gesellschaft.
Wiesbaden: Deutscher Universitäts-Verlag.
-46-
Woyke W., Breit, G. (2007). Integration und Einwanderung. Schwalbach/Ts. :
Wochenschauverlag.
Sources électroniques:
INSEE : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATCCI02124&reg_id=0 (date de
consultation : 24/04/08)
Statistisches Bundesamt Deutschland : http://www.destatis.de/jetspeed/portal/cms/ (date de
consultation : 11/06/08)
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L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude comparative entre la France et l'Allemagne (2008)

  • 1. *** L’association communautaire comme processus d’intégration ? Une étude comparative entre la France et l’Allemagne *** 15/07/2008
  • 2. SOMMAIRE Introduction …………………………………………………………………………………p. 5 1. L’intégration 1.1 Définitions………………………………………………………………………………p. 7 1.2 Sociologie de l’intégration……………………………………………………………...p. 9 1.3. La France et Allemagne: deux systèmes d’intégration différents……………………..p. 11 1.4. La France et l’Allemagne face à ses immigrés: exemple des Arabes et des Maghrébins. p. 2. Les Associations 2.1. Définitions.…………………………………………………………………………….p. 14 2.2. Modèles théoriques……………………………………………………………………p. 16 2.3. Conclusion…………………………………………………………………………….p. 17 3. Hypothèse et cadre général de l’étude 3.1. Hypothèse……………………………………………………………………………...p. 17 3.2. Structure du questionnaire…………………………………………………………….p. 17 3.3. Critères de l’étude……………………………………………………………………..p. 19 3.3.1 Population étudiée 3.3.2. Lieu de l’étude 3.4 Démarche de l’étude…………………………………………………………………...p. 20 4. Analyse descriptive des résultats 4.1. Données générales……………………………………………………………………..p. 21 • Sexe………………………………………………………………………………..p.21 • Âge………………………………………………………………………………....p. 21 • Acquisition de la nationalité……………………………………………………….p. 22 • Raisons de l’immigration…………………………………………………………..p. 22 4.2. L’individu face à l’association………………………………………………………...p. 24 • Motivations à fréquenter l’association……………………………………………..p. 24 • Rôle dans l’association……………………………………………………………..p. 26 -2- 13
  • 3. • Fréquentation de l’association…………………………………………………..…p. 27 • Fréquentation des autres membres à l’extérieur du cadre associatif……………..p. 28 • Synthèse générale………………………………………………………………….p. 29 4.3. L’individu face à la société : éléments d’intégration………………………………..p. 29 4.3.1 Dimension linguistique……………………………………………………………..p. 29 • Langue du pays de résidence……………………………………………………....p. 29 • Niveau en en français ou allemand……………………………………………….p. 29 • La télévision dans la langue du pays d’accueil…………………………………...p. 30 • Langue de préférence……………………………………………………………...p. 31 4.3.2. Dimension sociale……………………………………………………………….....p. 32 • Contact avec les autochtones………………………………………………………p. 32 4.3.3 Dimension culturelle………………………………………………………………..p. 33 • Style de vie et habitudes culturelles………………………………………………p. 34 • Politique…………………………………………………………………………..p. 35 • Culture du pays d’accueil………………………………………………………….p. 36 • Synthèse générale………………………………………………………………….p. 37 4.4. L’association dans le processus d’intégration………………………………………...p. 37 • La vie quotidienne…………………………………………………………………p. 37 • Compréhension du pays d’accueil et des autochtones…………………………….p. 38 • L’avenir de l’association…………………………………………………………..p. 40 • Synthèse générale…………………………………………………………………..p. 41 Conclusion…………………………………………………………………………………p. 42 -3-
  • 4. -4-
  • 5. Introduction : L’objectif de cette étude est avant tout de laisser la voix aux populations immigrées. Centrée sur le thème de l’intégration au niveau des associations communautaires, l’intérêt de cette étude est d’apporter des éléments nouveaux à un thème souvent exploité dans le passé. La perspective des associations communautaires a été choisie suite à la réflexion de la « société parallèle » et du préjugé selon laquelle les personnes appartenant à une communauté se séparent volontairement du reste de la société. Cette idée, largement répandue parmi les personnes locales, semblait trop simplificatrice et ne semblait révéler qu’une partie de la vérité. Dans la même lignée, l’appartenance à une association communautaire soulève les mêmes stéréotypes. Par le biais de cet exemple concret, l’étude cherche à connaître les motivations des personnes immigrées à fréquenter l’association communautaire ainsi que les conséquences que cela peut avoir dans le processus d’intégration, dans le but de réfuter ce préjugé. Ainsi, pourquoi les personnes fréquentent l’association ? Qu’est-ce que cela leur apporte ? Est-ce qu’ils se sentent protégés, réassurés grâce à l’appartenance à l’association ou est- ce juste un lieu où ils peuvent pratiquer ouvertement leur religion et culture d’origine ? Est-ce que l’association les sépare du reste de la société, est-ce qu’il les marginalise ou est-ce qu’il les intègre à l’intérieur de la société ? Au lieu de donner la parole aux institutions ou représentants de l’Etat, comme il en est souvent le cas quant à la façon d’intégrer les immigrés, il a été décidé de recueillir les points de vue des immigrées eux-mêmes, afin de connaître leur position actuelle à l’intérieur du pays d’accueil. Le choix de la population s’est limité aux Turcs en Allemagne et aux Maghrébins en France. La volonté d’analyser ces populations s’explique par le fait que les Turcs et les Arabes sont les étrangers les plus nombreux dans les deux pays donc les plus visibles et ceux considérés « à problème ». Le choix d’étudier les Portugais en France et les Italiens en Allemagne aurait pu être possible mais l’impact de l’étude n’aurait pas été le même. -5-
  • 6. Ce mémoire est divisé en deux parties. D’un côté, nous étudierons les théories sur le processus d’acculturation des populations étrangères, les difficultés rencontrés lors du clash des cultures, le contexte historique des populations maghrébines et turques ainsi que le système d’intégration des deux pays d’accueil. De l’autre, nous nous baserons sur les résultats du questionnaire mis en place dans les associations communautaires afin de connaître le point de vue des personnes immigrées. Peu de littérature a été trouvée au niveau de la fréquentation des associations par les immigrés et encore moins au niveau de la fréquentation d’associations communautaires. Ainsi le questionnaire servira dans la deuxième partie comme point de référence. -6-
  • 7. 1. L’intégration 1.1 Définitions Le terme intégration englobe différents éléments qui selon les sciences étudiées peuvent varier considérablement. Altay Manço en fait la distinction1 . En psychologie par exemple, les recherches sont centrées sur l’esprit et la pensée de l’individu en interaction avec lui-même. « L’intégration psychologique » correspond donc à la construction d’un équilibre interne variant entre des motivations d’individualisme et de conformité avec les normes collectives. En sociologie ce sont les échanges entre les individus au sein de la société qui nourrissent l’étude. « L’intégration sociale » est donc une forme de négociation entre la diversité et l’unité des groupes qui composent la société. L’étude réciproque de l’individu psychologique agissant dans le milieu social renvoie à « l’intégration psychosociale » (Manço, 1999). Dans le cadre interculturel l’individu est confronté à un environnement nouveau parfois très différent de son environnement d’origine. Ce dernier est amené à faire des ajustements socioculturels qui peuvent être volontaires ou qui peuvent être sujettes à des résistances. Ceci correspond à l’acculturation. John W. Berry, l’un des fondateurs anglo-saxons de la psychologie sociale interculturelle, pose le problème de l’intégration des migrants dans la société d’accueil.2 Il fait remarquer que la majorité des ajustements s’effectuent au sein du groupe non-dominant (qu’il appelle culture A) sous l’influence du groupe dominant (culture B). Il est important de préciser, comme le souligne Berry, que le terme « dominant » est attribué au groupe qui possède les pouvoirs politiques, économiques, idéologiques, etc. Le qualitatif de dominant n’est pas toujours en accord avec les rapports numériques des groupes en présence. Ainsi, une minorité peut très bien être le groupe dominant dans un contexte culturel comme il en est le cas lors de colonisations. 1 Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégie et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De Boeck université, p. 28. 2 Berry J.W., Poortinga Y.H., Segall M.H., Dasen P.R. (1992). Cross-Cultural Psychology – Research and Applications. Cambridge: Cambridge University Press. -7-
  • 8. Berry distingue quatre situations d’acculturation3 : Assimilation : Les caractéristiques de la propre culture ne sont pas préservées et un contact quotidien avec la société d’accueil est mis en place. Cette attitude reviendrait, à terme, à l’élimination du groupe d’origine. Ségrégation : Les caractéristiques de la propre culture sont préservées et le contact avec la culture dominante est évité. Intégration : Les caractéristiques de la propre culture sont maintenues tout en ayant des contacts quotidiens avec la société d’accueil. La communauté immigrée participe à l’articulation et à l’équilibration entre ces deux entités. Marginalisation : Peu ou pas de relations sont entretenues avec la société d’accueil (souvent pour des raisons d’exclusion ou de discrimination) et la culture propre n’est pas maintenue. J.W Berry ajoute que ces quatre modes d’acculturation ne sont pas nécessairement exclusifs l’un de l’autre et qu’il se peut qu’un individu souhaite une assimilation économique (dans le cadre professionnel par exemple), une intégration linguistique et une séparation maritale. 3 Manço A. 1999. Intégration et identité: Stratégies et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De Boeck université, p. 80. Image ci-joint tirée de Wikipedia: http://de.wikipedia.org/wiki/Bild:Stufen_schulischer_Integration.png -8- Assimilation Ségrégation Intégration Marginalisation
  • 9. Les quatre types d’acculturation (Tiré de Cross cultural psychologie – Research and Applications, J.W Berry, 1992 p. 278) Le modèle de J.W Berry décrit des phénomènes d’acculturation du point de vue des individus du « groupe acculturant » (culture B). Selon Berry le groupe non-dominant produit des changements acculturatifs sous l’influence du groupe dominant. L’implantation de structures d’accueil, de politiques de cohabitation et de solidarisation influencent l’issue des relations entre les immigrées et la population du pays récepteur4 . Toutefois, nous nous intéresserons dans ce mémoire au point de vue des immigrés dans le processus d’intégration et non aux politiques d’intégration mises en place par les pays d’accueils en vue d’intégrer ces populations. 1.2. Sociologie de l’intégration L’intégration sociale passe d’abord par la socialisation. En effet, c’est par la confrontation avec autrui, la société que l’individu se construit. Lorsqu’une personne s’installe dans un pays dont elle ne connaît pas la culture, il lui faut un temps pour intérioriser les règles, modèles, valeurs. Souvent ce processus intervient lorsque la personne s’identifie avec ces valeurs. Mais il peut également y avoir rejet des valeurs. Dans ce 4 Woyke W., Breit, G. (2007). Integration und Einwanderung. Schwalbach/Ts. : Wochenschauverlag. -9- ISSUE 2 Est-il considéré comme important de conserver les caractéristiques culturelles et l’identité culturelle ? « OUI » « NON » ISSUE 1 INTEGRATION ASSIMILATION SEPARATION MARGINALISATION Est-il considéré comme important « OUI » de maintenir des relations avec les autres groupes ? « NON »
  • 10. cas l’individu s’approprie des caractéristiques diverses à la culture du pays d’accueil soit en conservant ses valeurs d’origines soit en gardant une distance par rapport aux normes du pays d’accueil. On parle ici de différentiation. Ce cheminement obligatoire entre identification et différentiation donne lieu à l’activation du processus d’acculturation.5 Mais le processus d’acculturation se limite rarement au choix de l’une ou l’autre catégorie. C’est davantage vers une articulation des valeurs d’origine et des valeurs du pays d’accueil que se dirige l’individu. Ce travail est mis en œuvre lors de la prise de conscience des différences. En effet, lorsque l’individu change d’environnement son identité est remise en question. Ce dernier est amené à réfléchir à ses priorités et à ce qui est requis par le pays d’accueil. Grâce à la confrontation moi-autrui, l’individu apprend à connaître la société dans laquelle il baigne tout en prenant conscience de sa propre identité. Cette rencontre lui permet de trouver un équilibre entre les éléments qui lui ont été transmis par la famille et les exigences de la vie dans la société.6 L’acculturation est donc l’ensemble des processus d’acceptation, de refus ou de combinaison nés de la rencontre des cultures. Une relative autonomie est laissée à l’individu. Toutefois, il existe dans chaque nation des valeurs considérées comme essentielles qui ne peuvent être violées et qui sont le minimum à respecter lorsqu’une personne étrangère réside dans un pays7 . La séparation public-privée ou la laïcité en sont des exemples. Les « valeurs secondaires » quant à elles, sont souvent remises en question par les populations immigrées qui revendiquent le droit à la différence. C’est alors à l’Etat de savoir où se trouve la limite entre éléments inchangeables, fondements de la société, et éléments altérables, sujets à la socialisation et à l’interaction des populations anciennes et nouvelles. Historiquement le concept d’intégration correspond à l’ajustement des normes sociales et des règles particulières. Toutefois, comme l’indique Manço dans son livre sur les théories d’intégration et d’identité, on peut parler d’une intégration réussie lorsque chaque citoyen a la possibilité de préserver sa propre culture, qu’il soit du groupe dominant ou du groupe non- dominant. Mais chaque groupe doit également respecter la culture de l’autre, c'est-à-dire en 5 Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégie et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De Boeck université. 6 Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France. 7 Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France, p. 35. -10-
  • 11. participant à la vie de la société sans y violer ses règles essentielles et en cohabitant avec les populations nouvelles sans leur imposer ses traits culturels dans la sphère privée. Selon Emile Durkheim, l’un des fondateurs de la sociologie moderne et cité par Manço, ce travail présuppose « une solidarisation ou une coopération des groupes particuliers en vue d’une complémentarité »8 . Ainsi, par ces échanges, les différents acteurs sont amenés, non plus seulement à construire des phénomènes d’évolution, mais à établir des synthèses nouvelles, communément désignées par le terme « troisième culture ». 1.3. La France et Allemagne: deux systèmes d’intégration différents La conception française de l’intégration des étrangers tend vers une politique d’assimilation. Ce modèle normatif est alimenté par une vision universaliste qui a été héritée de la Révolution française. Toute personne née sur le sol français ou détenant la nationalité française possède les mêmes droits que tout autre Français. L’intégration n’est pas perçue comme l’annulation de différences, néanmoins les principes fondateurs de l’Etat français – « Liberté, Egalité, Fraternité et Laïcité » – ne peuvent être négociés. Le droit à la différence est d’ailleurs maintenu par l’existence de la double nationalité9 . Le modèle français se dirige de plus en plus vers une diversification. Le Haut Conseil à l’Intégration a exprimé pour la première fois en 1995 la possibilité que l’attachement à la culture et à la communauté d’origine puisse avoir des effets positifs sur l’intégration des étrangers et que cela puisse mieux garantir les droits de chacun (Manço, 1999). La discrimination positive encouragée par Monsieur Sarkozy se dirige par exemple dans ce sens. La question que l’on peut se poser est si l’Etat français, traditionnellement marquée par les philosophies normatives, va s’ouvrir à des politiques constructivistes à l’avenir où l’apport culturel des immigrés est considéré comme une richesse. Le système allemand quand à lui est basé sur l’appartenance à une même langue, à une même culture et à de mêmes ancêtres. Cette conception inspirée du romantisme allemand et né au début du XIXème siècle (Fichte, Herder) a nourri le rêve allemand d’unité nationale.10 La 8 Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: Edition de Boeck et Larcier, p. 34-35. 9 Boucher M. (2000). Les théories de l’intégration: entre universalisme et différencialisme. Paris; Montréal (Québec): L'Harmattan, p.204-205. 10 Kastoryano Riva (2001) « La citoyenneté au-delà du sang et du sol » dans: Leveau R., Mohsen-Finan K. et Wihtol de Wenden C. L’islam en France et en Allemagne: Identités et citoyennetés. Paris: Les études de la -11-
  • 12. nationalité allemande est exclusivement réservée aux Allemands (principe du droit du sang) ou aux personnes ayant partagées une partie de l’histoire allemande: par exemple, les réfugiés des pays de l’Europe de l’Est avant et après 1989. Pour ces personnes la double nationalité est acceptée alors que la loi sur la double nationalité pour tous les étrangers est encore limitée. La conception allemande de l’intégration tend vers une politique de la différentiation11 . Ce système est basé sur le traitement inégal des étrangers et une forte hiérarchisation de la société. L’Allemagne entretient un rapport complexe entre assimilation et ségrégation. D’un côté elle encourage la pratique du multiculturalisme en acceptant les différences culturelles des immigrés mais de l’autre elle refuse de les intégrer complètement dans la société allemande. A l’heure actuelle, l’on observe la formation de groupes communautaires que l’on désigne de plus en plus fréquemment par le terme « société parallèle ». L’Allemagne reconnaît aujourd’hui que sont système d’intégration a échoué12 . La question que l’on peut se poser est alors, vers quels changements se dirigera l’Allemagne à l’avenir et sur quel modèle d’intégration va-t-elle s’inspirer. Le débat sur la double nationalité pour tous les étrangers est déjà un indice de l’ouverture de l’Allemagne vers un pays plus diversifié. La différence des systèmes d’intégration français et allemands a pris ses racines dans une conception différente du territoire et de la nation. Ces conceptions sont certes nourries par une histoire différente mais elles sont également influencées par un rapport différent vis-à-vis des étrangers. 1.4. La France et l’Allemagne face à ses immigrés: exemple des Arabes et des Maghrébins. Les Maghrébins et les Turcs représentent respectivement la population étrangère la plus importante en France et en Allemagne. En 2004, la France comptais un peu plus d’un million deux cents quatre-vingt-dix-huit mille immigrés d’origine nord-africaine, l’Algérie venant en tête et suivie du Maroc et de la Tunisie. A elles seules, ces trois pays constituent 30 % de la documentation françaises, p. 20. 11 Boucher M. (2000). Les théories de l’intégration: entre universalisme et différencialisme. Paris, Montréal (Québec): L'Harmattan, p.204-205. 12 Rommelspachert B. (2002). Annerkennung und Ausgrenzung : Deutschland als multikulturelle Gesellschaft. Frankfurt am Main : Campus-Verlag, p. 168. -12-
  • 13. population étrangère totale.13 L’Allemagne comptait quant à elle, plus d’un million sept cent trente-huit mille immigrés en 2006, représentant 25,7 % de la population étrangère.14 Due à son passé colonial, la France est rentrée très tôt en contact avec ses colonies nord- africaines. Les Algériens, Marocains et Tunisiens ont d’abord émigré de force, lors des périodes de guerres ou de reconstructions françaises, puis y sont venus de plein gré après la seconde guerre mondiale pour y trouver du travail. Depuis la suspension de l’immigration libre en 1974, des familles entières ont émigré en France afin de rejoindre un mari, un père ou un parent. C’est à partir de ce moment que la véritable implication des immigrés dans la société française a pris son cours. Ces familles, pour qui le retour au pays d’origine est devenu un mythe, n’avait qu’une envie: celle de s’intégrer15 . Les liens forts entre la France et ses pays colonisés surtout avec l’Algérie sont le résultat de la politique inclusive française. Citons comme exemple que tous les Algériens nés avant 1962 (date de l’indépendance) sont automatiquement français. De son côté, l’Allemagne n’a pas connu la même histoire avec ses immigrés turcs. En effet, elle n’a jamais eu de relation préalable avec la population turque avant qu’ils n’émigrent en Allemagne. Pendant longtemps les immigrés étaient désignés comme Gastarbeiter, c'est-à-dire comme « travailleur invité » (traduction littérale), ce qui supposait que ces derniers retourneraient après quelques années dans leur pays d’origine. Dans les années 70 cette utopie disparaît mais l’Etat continue à prôner l’idée qu’elle n’est pas un pays d’immigration.16 De la même façon qu’en France, l’Allemagne durcit sa législation en matière d’immigration en 1973 afin de freiner les mouvements des populations à la frontière de ses terres. Son taux augmente toutefois avec l’admission consécutive du regroupement familial et avec la naissance d’enfants sur le territoire allemand. 13 INSEE : Immigrés selon le pays d’origine, Recensements de la population 1962-1999 et mis à jour au 06/2004. (date de consultation : 24/04/08) http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATCCI02124&reg_id=0 14 Statistisches Bundesamt Deutschland : Population étrangère selon la nationalité et selon d’autres critères définis, 31.12.2006 (date de consultation : 11/06/08) http://www.destatis.de/jetspeed/portal/cms/ 15 Khellil M. (sous la dir. de) (2004). Maghrébins de France: de 1960 à nos jours : la naissance d’une communauté. Toulouse : Privat, p. 55. 16 Birgit Rommelspacher, Anerkennung und Ausgrenzung : Deutschland als multikulturelle Gesellschaft, Campus Verlag GmbH, Francfurt am Main, 2002. -13-
  • 14. Le problème de l’intégration n’apparaît qu’au début des années 90 en même temps que les débats sur le multiculturalisme.17 Les sociologues et politologues allemands remettent en question l’inégalité sociale vers laquelle tend la société multiculturelle allemande ainsi que les risques d’une immigration continuelle et incontrôlable. Toutefois, l’Etat continue à se diriger vers une conception ségrégationniste de la société allemande reconnaissant uniquement au début de cette décennie être un pays d’immigration. Cette position va de pair avec sa politique exclusiviste vis-à-vis de l’acquisition de la nationalité allemande et de l’intégration des étrangers. 2. Les Associations 2.1. Définitions La structure associative est tout d’abord un lieu de regroupement où plusieurs personnes partagent un intérêt commun. Elle peut toutefois prendre différentes formes selon ce qu’y recherchent ses membres. L’association peut être un lieu de revendication économique, politique ou sociale. Les associations de commerçants et travailleurs par exemple cherche à défendre les droits de leurs membres et à les représenter face aux pouvoirs publics et collectivités locales. Au niveau social, l’adhésion à une association religieuse peut être une façon pour ses membres de faire reconnaître leur confession dans un pays laïque ou dans un pays comme l’Allemagne où toutes les religions ne sont reconnues de la même façon (par exemple l’Islam). L’association peut ainsi permettre à ses adhérents étrangers de jouir de droits « citoyens » et d’avoir un impact sur la société tout en participant à sa transformation18 . L’adhésion à une association peut également permettre à ses membres de retrouver des personnes de sa propre identité et groupe culturel. Ceci est le cas des associations culturelles et communautaires. L’association est alors une façon pour l’individu de pratiquer sa culture d’origine et redécouvrir ses racines tout en continuant à participer à la vie sociale du pays où 17 Egtved P. (2002). Multikultur oder liberal ? Die Politik und die Zuwanderung im deutsch-britischen Vergleich. Opladen: Leske + Budrich, p. 27 et suiv. 18 Kastoryano R. (2001) « La citoyenneté au-delà du sang et du sol » dans: Leveau R., Mohsen-Finan K. et Wihtol de Wenden C. L’islam en France et en Allemagne: Identités et citoyennetés. Paris: Les études de la documentation françaises, p. 24-25. -14-
  • 15. il réside. Toutefois, il se peut que l’individu utilise l’association comme rempart à la société d’accueil et se repli sur celle-ci pour faire face aux sentiments d’isolement et de perte de repères qu’il éprouve. Dans ce cas l’individu s’exclu volontairement du reste de la société et se réfugie dans la communauté19 . L’appartenance à une communauté est un état de fait naturel. C’est la conscience d’appartenir à un « nous » identitaire et de partager assez d’idées et de valeurs afin de s’identifier à cette unité.20 Savoir d’où l’on vient, qu’est ce qui nous différentie des autres, apprendre que nous ne sommes pas seuls confrontés à cette situation aide l’individu à affronter le pays d’accueil. La communauté permet en quelque sorte la survie de l’individu dans la société d’accueil. Toutefois, il n’est pas nécessaire de partager toutes les idées de la communauté pour en faire partie. La communauté joue davantage le rôle de tremplin entre culture d’accueil et culture du pays d’origine. Grâce aux mécanistes d’entraide, de proximité et de solidarité, le soutien apporté par la communauté (famille, amis, etc.) aide les personnes à combattre leurs craintes vis-à-vis de la société d’accueil et à s’intégrer progressivement dans celle-ci. La communauté peut également être dans certains cas un lieu d’isolement, de refuge pour les personnes qui recherchent avant tout à être protégées, réassurées vis-à-vis de la société du pays de résidence. L’association communautaire est en quelque sorte le reflet de la communauté21 . 2.2. Modèles théoriques L’Ecole de Chicago met pour la première fois en lumière les effets de la vie communautaire à travers l’étude empirique de Thomas et Znaniecki sur les immigrés polonais avant et après leur arrivé aux Etats-Unis.22 Ceux-ci voient la participation à la communauté comme un processus d’isolement sans réelle prise sur la société d’accueil mais découvrent que ce mécanisme permet aux migrants de conserver un certain « équilibre psychique ». 19 Michel M. (2002). Les communautés: une question posée à la France. Lausanne, Suisse : L’Âge d’Homme, p. 176-177. 20 Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France, p. 36. 21 Michel M. (2002). Les communautés: une question posée à la France. Lausanne, Suisse : L’Âge d’Homme, p. 51. 22 Thomas W.I, Znaniecki F. (1920). The polish peasant in Europe and in America. Cette référence est cité par Manço A. (1999) dans son livre Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issues de l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.38-39. -15-
  • 16. De la même façon Park (1928) décrit le cadre associatif comme étant une « ébauche d’organisation » où peuvent naître des revendications à caractère politique.23 Pourtant il voit cette participation uniquement comme une phase de transition, de séparation, avant l’annulation des différences et l’adaptation à la culture des autochtones (Manço, 1999). Certaines enquêtes (Tribata, 1996 et cité par Manço) ont montré que plus la sociabilité communautaire est élevée plus les individus ont des difficultés avec la langue du pays d'arrivée et moins ils ont de contact avec les autochtones. Mais d’autres approches laissent penser que l’existence de réseaux communautaires peut jouer un rôle positif dans l’intégration économique et sociale des immigrés dans le pays d’accueil. Lebon, Koot, Furter, Rath et Liebkind prônaient déjà ces idées dans les années 80. Selon Furter (1983) la mobilisation pour la sauvegarde d’un patrimoine peut constituer la première étape d’un travail identitaire. Celle- ci n’est pertinente que si elle lie les éléments du passé avec ceux du futur. L’individu doit pouvoir se projeter dans l’avenir pour pouvoir déboucher sur un processus d’intégration. La revalorisation d’un patrimoine culturel aide ainsi l’individu à retrouver ses repères et à se diriger vers un équilibre entre identité propre et identité collective à l’intérieur du pays d’accueil.24 2.3 Conclusion L’adhésion à une association communautaire ne conduit pas nécessairement le groupe non- dominant à la séparation du reste de la société. Cette participation associative peut également être une façon de se retrouver sous un « Nous » identitaire qui aide à la construction d’une identité personnelle mieux adaptée à affronter la vie du pays d’accueil. 3. Hypothèse et cadre général de l’étude 3.1. Hypothèse 23 R.E Park (1928). Human migration and the marginal man et cité par Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issues de l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.42. 24 Furter P. cité par Manço (1999). Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issues de l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.184-185. -16-
  • 17. En prenant comme point de départ la thèse de Pierre Furter, l’étude empirique qui suit cherche à démontrer que l’adhésion à une association communautaire ne marginale ou ne sépare pas nécessairement ses membres du reste de la société mais cherche à les intégrer dans celle-ci. L’hypothèse générale de l’étude est donc: l’adhésion à une association communautaire favorise l’intégration des immigrés dans le pays d’accueil. 3.2. Structure du questionnaire Pour répondre à cette hypothèse, l’étude est basée sur un questionnaire qualitatif en trois parties. La première partie est centrée sur des questions relatives à l’association. Ces questions cherchent à connaître les motivations de l’individu à fréquenter l’association, le rythme d’activité de l’individu à l’intérieur de l’association (cf. rôle et fréquentation) et l’importance de l’association dans la vie personnelle de l’individu (cf. relation avec les autres membres). La deuxième partie a pour objectif d’évaluer le degré d’intégration des personnes questionnées. Ces questions peuvent être classées sous cette forme (référence au questionnaire français): DIMENSION SOUS-CATEGORIE QUESTIONS Dimension linguistique Compétence linguistique générale « Comment estimez-vous votre niveau de français ? » Dimension linguistique affective « Aimez-vous parler français ? » « Dans quelle langue préférez-vous vous exprimer ? » Dimension linguistique spécifique « Regardez-vous quand vous êtes chez vous des chaînes télévisées françaises ? » « Dans quelles situations parlez- vous votre langue maternelle ? » Dimension sociale générale « avez-vous des contacts avec des français ? » -17-
  • 18. Dimension sociale Dimension sociale spécifique « de quel type sont ces relations ? » Dimension culturelle Dimension culturelle générale « avez-vous des habitudes typiquement françaises ? » « d’après vous, vous vivez plutôt à la française ou à l’arabe ? » Dimension culturelle spécifique « Intéressez-vous à la politique française ? » Dimension culturelle affective « Aimez-vous la culture française ? » La troisième et dernière partie cherche à combiner la variable « association » à la variable « intégration ». L’intérêt des questions suivantes est non plus de savoir uniquement si l’individu est intégré à la société du pays de résidence mais si l’adhésion à l’association favorise l’intégration de celle-ci. Il est donc demandé à l’individu si l’adhésion à l’association l’aide dans sa vie au quotidien et si par ce biais il arrive à mieux comprendre le pays d’accueil et les autochtones. Enfin, il est demandé à l’individu d’énumérer les éléments qui lui semblent importants pour qu’une association soit efficace. Par l’intermédiaire de ces questions l’on cherche à savoir la place que prend l’association pour l’individu et si l’intégration rentre en ligne de compte. 3.3. Critères de l’étude 3.3.1 Population étudiée Cette étude cible les immigrés arabes plus particulièrement maghrébines – Maroc, Algérie, Tunisie – en France et les immigrés turques en Allemagne pour la simple raison que ce sont les populations les plus nombreuses dans les deux pays. Un immigré est une personne née à l’étranger puis venue dans le pays d’accueil ainsi, les personnes d’origine turque ou arabe nées sur le territoire français ou allemand ont été exclues de l’étude. Les personnes qui sont nées à l’étranger et qui ont grandi dans l’un des deux pays ont également été exclues de l’étude. -18-
  • 19. 3.3.2 Lieu de l’étude L’étude a été menée dans deux associations communautaires à Ratisbonne et à Toulouse. A Ratisbonne ces associations sont die Islamische Religionsgemeinschaft e.V25 et die Türkisch- Islamnische Gemeinschaft e.V26 et à Toulouse ce sont l’Association Musulmane de Toulouse27 et l’Association Culturelle Islamique28 . Die Islamische Religionsgemeinschaft (communauté religieuse islamique) est une petite structure, principalement centrée sur la mosquée. Elle propose toutefois des cours d’arabe pour les enfants ainsi que des rencontres et fêtes (religieuses et culturelles) plusieurs fois par an. Die Türkisch-Islamnische Gemeinschaft (communauté islamique turque) est une structure plus grande, financée en partie par le gouvernement turque. Elle est certes une mosquée mais elle est également un lieu de rencontre via sa salle à manger avec chaises, tables, télévision et cantine. Le local de l’Association Musulmane de Toulouse se situe à côté de la mosquée Al-Salam qu’elle finance en grande partie. Elle propose de nombreuses activités dont des cours d’arabes, des activités sportives, des fêtes religieuses et culturelles, des rencontres amicales entre musulmans et catholiques, une bibliothèque etc. L’Association Culturelle Islamique, quant à elle, est presque entièrement centrée sur la mosquée. Quelques rencontres sont toutefois organisées surtout aux moments clefs de la vie du musulman comme la fête du ramadan ou la fête du mouton. Une bibliothèque en langue arabe est également gérée par les membres de l’association et des cours de langue arabe sont également proposés. 3.4 Démarche de l’étude L’étude a été effectuée par l’intermédiaire d’un questionnaire écrit effectué sur papier. Le questionnaire a été tout d’abord distribué dans les différentes associations puis récupéré quelques jours plus tard pour que les personnes aient le temps d’y répondre. Cependant, l’on s’est rendu compte avec le temps que beaucoup ne le remplissait pas sérieusement ou ne savait pas bien lire ou écrire la langue du pays d’accueil. Ainsi une nouvelle méthode a été 25 Islamische Religionsgemeinschaft e.V Adolf-Schmetzer-Strasse 37 93055 Regensburg Tel: 0941 - 7957136 26 Türkisch-Islamische Gemeinschaft e.V. (Türk-Islam Cemiyeti) Lindnergasse 5 93047 Regensburg Tel.: 0941 - 57522. 27 Association Musulmane de Toulouse (AMT) Impasse de Londres 31100 Toulouse Tel: 05 61 44 55 65 28 Association Culturelle Islamique provisoirement située Place Edouard Bouillières 31100 Toulouse -19-
  • 20. employée, celle de l’interview. Les interviews ont relevé certaines difficultés: Pour les personnes ayant un niveau moyen en langue il n’a été retenu que l’essentiel de leur propos car ceux-ci n’était pas toujours en mesure de détailler leurs idées et lorsque l’on demandait plus de précisions l’on influençait souvent leur propos car on leur donnait des indices. Néanmoins, un certain nombre de résultats intéressants ont pu être révélés. -20-
  • 21. 4. Analyse descriptive des résultats 4.1. Données générales 25 réponses ont été recueillies du côté allemand, 26 réponses du côté français. Le faible nombre de réponses sont liées aux difficultés rencontrées lors de la recherche sur le terrain. Face à ces résultats, il n’est donc possible de faire qu’une analyse tendancielle de l’importance des associations communautaires pour les Turcs vivant en Allemagne et les Arabes vivant en France. • Sexe Parmi les 26 Arabes interrogés, quatre personnes sont des femmes, parmi les 25 Turcs, deux personnes sont des femmes. Des deux côtés du Rhin la minorité des femmes interrogées est écrasante. Ceci s’explique par une fréquentation moins importante des femmes à l’intérieur des associations. En effet, celles- ci doivent tout d’abord s’occuper des ménages et de leurs enfants et ne peuvent venir à l’association tous les jours comme il en est le cas pour certains hommes interrogés. Parmi les femmes interrogées, une seule femme déclare venir à l’association plus d’une fois par semaine alors que les autres viennent une fois par semaine. • Âge En France comme en Allemagne, les personnes interrogées ont à peu près le même âge. La grosse majorité a entre 30 et 60 ans: 14 personnes parmi les Turcs et 17 personnes parmi les Arabes. Les personnes de plus de 60 ans suivent avec 8 personnes interrogées parmi les Turcs et 5 personnes parmi les Arabes. Pour terminer 3 personnes turques ont moins de 30 ans contre 4 personnes arabes. -21- 0 5 10 15 20 25 Turcs Arabes Femmes Hommes 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 Turcs Arabes Moins de 30 ans Entre 30 et 60 ans Plus de 30 ans
  • 22. Les personnes de plus de 60 ans correspondent à la première génération de personnes turques ou arabes immigrées en Allemagne ou en France. Retraitées pour la plupart, ceux-ci sont nombreux à fréquenter les associations communautaires où le sondage a été mené mais peu d’entre eux ont pu répondre au questionnaire car leur niveau de compréhension et de communication du pays d’accueil est souvent mauvais voire inexistant. Les personnes entre 30 et 60 ans sont les personnes qui ont immigré en masse entre la période 1945 et 1975 et qui ont participé aux « Trente Glorieuses » en France et au « miracle économique » (Wirtschaftswunder) en Allemagne. Depuis 1975 une nouvelle vague d’immigration a commencé: elle correspond à la suspension officielle des mains d’œuvres et l’admission progressive du regroupement familial. Les personnes de moins de 30 ans font parties de cette vague. • Acquisition de la nationalité Parmi les Arabes interrogés, 8 personnes sur 26 ont déclarées avoir acquis la nationalité française, parmi les Turcs, 6 personnes sur 25 ont obtenu la nationalité allemande. En France l’acquisition de la nationalité semblerait plus fréquente, car contrairement à la loi allemande, celle-ci ne demande pas à ses candidats de choisir la nationalité française au profit de sa nationalité d’origine. Toutefois, le sondage montre qu’une personne sur trois à fait ce choix en France contre une personne sur quatre en Allemagne. La différence n’est pas flagrante entre les deux pays contrairement à ce qui était attendu. Néanmoins, il n’a pas été explicitement demandé dans le sondage de mentionner si les personnes avaient ou non la nationalité du pays de résidence ainsi certaines personnes ont pu oublier de le noter ou on pu le passer volontairement sous silence.29 • Raisons de l’immigration 15 Turcs et 13 Arabes ont dit être respectivement venu en Allemagne et en France pour des raisons économiques. 14 personnes sont venues en Allemagne pour des 29 Cf. voir questionnaire p 43 question 3 « Quel(s) est/ sont votre/vos nationalité(s) ? » -22- 0 5 10 15 20 Turcs Arabes Nationalité du paysd'accueil Nationalité étrangère 0 2 4 6 8 10 12 14 16 Turcs Arabes raisons economiques raisons familiales études universitaires pas de réponse
  • 23. raisons familiales contre 4 personnes en France et une personne turque est initialement venue comme étudiant contre 3 personnes arabes. 5 personnes n’ont pas répondu à la question du côté des arabes. Les raisons pour lesquelles les Turcs et les Arabes sont respectivement immigrés en France et en Allemagne et qui ont été mentionnées dans le questionnaire ont pu être divisées en trois catégories: raisons économiques, raisons familiales et études universitaires. Les personnes interrogées ont mentionné pour la plupart le travail comme étant le moteur de leur émigration. Certains ont donné davantage de précisions en disant que l’installation en France ou en Allemagne leur permettait « de mieux vivre », « d’avoir une meilleure situation de vie » ou tout simplement de « faire [leur] vie ». Une personne algérienne a évoqué la guerre civile en Algérie comme étant la raison principale pour laquelle elle ait quitté son pays d’origine. Trois personnes turques ont dit être venues initialement en Allemagne en tant que travailleurs étrangers (Gastarbeiter). En plus du travail, un certain nombre de personnes ont évoqué être venues en France ou en Allemagne pour des raisons familiales. Cinq personnes turques ont mentionné le regroupement familial et une personne a évoqué sa volonté « d’aider sa famille financièrement » tandis que deux autres personnes turques ont dit être venues en Allemagne car « [leur] parents et grands-parents travaillaient déjà en Allemagne ». Du côté des Arabes, deux personnes ont avoué être venues en France « pour rejoindre [leur] conjoint » ou « se marier » et une autre a « suivi [son] mari algérien qui était militaire ». Plus de la moitié des Turcs sont venus en France pour des raisons familiales tandis qu’une personne sur six a immigré pour les mêmes raisons parmi les Arabes. Il est difficile de tirer des conclusions substantielles à partir de ces réponses car cinq Arabes n’ont pas répondu à la question. Cependant, la question que l’on peu se poser est est-ce que ces résultats sont l’expression chez les Turcs d’un fort lien familial et communautaire et est-ce que les résultats du côté Arabe ne sont pas l’indice d’une population plus individualiste et autonome ? La poursuite de l’analyse tentera de donner une réponse à ce questionnement. -23-
  • 24. 4.2. L’individu face à l’association • Motivations à fréquenter l’association Lorsqu’il est demandé aux Turcs et Arabes pour quelles raisons ils fréquentent l’association30 , plus de la moitié répond que c’est pour des raisons religieuses: 15 personnes sur les 25 interrogées du côté des Turcs contre 14 personnes sur 26 du côté des Arabes. Parmi les Turcs qui ont déclaré venir à l’association pour pratiquer leur culte, la moitié a associé la religion avec le besoin de préserver leur culture d’origine et de garder un contact avec cette culture. Ainsi, 13 personnes turques expriment le besoin de fréquenter l’association afin de vivre leur culture tandis que deux personnes uniquement ont évoqué ce besoin parmi les Arabes. L’association est également une façon d’entrer en contact ou de retrouver des personnes de sa propre origine. Quatre personnes turques disent venir à l’association pour des motivations relationnelles contre une personne arabe. En ce qui concerne les motivations personnelles, un Turc a avoué fréquenter l’association car il « s’y sent psychologiquement apaisé » tandis qu’un autre y vient pour aviver ses « sensations internes ». Les témoignages du côté arabe s’alignent sur le même ordre d’idée: « bien être spirituel », « c’est du bon temps », « bien être d’ordre religieux », etc. Les personnes interrogées ont également évoqué l’éducation comme étant une motivation pour la fréquentation des associations. Deux personnes arabes fréquentent l’association afin « d’apprendre à lire et à écrire et pouvoir remplir [leurs] papiers [eux-mêmes]» et une personne turque afin de « mieux comprendre [sa] religion ». Enfin, deux personnes turques expriment leur volonté de fréquenter l’association afin de pouvoir « mieux transmettre [leur] culture au prochain » et une personne arabe dit vouloir participer à la vie de l’association afin « d’aider les jeunes et transmettre le bien ». Les Turcs comme les Arabes semblent fortement attachés aux associations communautaires dont ils font partis. Les raisons qui poussent les Turcs à fréquenter l’association où ils sont 30 Cf. questionnaire p 43 question 7 « pourquoi êtes-vous membre de cette association ? Qu’est ce que cela vous apporte ? » -24- 0 2 4 6 8 10 12 14 16 Turcs Arabes Motivations religieuses Motivations culturelles Motivations relationnelles Motivations éducatives Motivations personnelles Motivations communes
  • 25. membres sont d’abord religieuses, puis culturelles, relationnelles, d’ordre commun, d’ordre personnel et éducatives. Pour les Arabes les raisons pour cette fréquentation sont tout d’abord d’ordre religieux, puis personnelles, éducatives et d’ordre commun, et enfin relationnelles. Dans les deux groupes la religion occupe la première place. Ceci n’est pas surprenant car dans toutes les associations où le sondage a été mené, la mosquée est une partie intégrante de l’association. De plus, la religion est le noyau central de la vie des musulmans. Ainsi, il est tout naturel que ceux-ci viennent d’abord à l’association pour prier. Il est important de rappeler que la France et l’Allemagne sont des pays à tradition chrétienne où la reconnaissance d’une autre religion telle que l’Islam est difficilement acceptée. Ajoutons à cela la tradition laïque de l’Etat français. Pour faire face à cette situation, de nombreuses associations ont été créées dans le but de construire une mosquée. Certaines d’entre elles n’existent que sur papier c'est-à-dire qu’elles ont pour objectif de financer la mosquée mais ne proposent pas d’activités à l’extérieur du cadre religieux.31 C’est le cas de l’Association Solidarité socioculturelle Musulmane située à Toulouse et qui abrite la Mosquée Al-Rahma.32 Dans le cadre de ce sondage, les associations qui ont été retenues pour l’étude offrent toutes une vie associative à l’extérieur de la mosquée. La volonté des personnes de préserver leur culture d’origine en fréquentant l’association renforce le lien communautaire de l’association. Ceux-ci y découvrent un deuxième « chez eux » ou y viennent « pour retrouver l’esprit du bled » comme l’assure un Algérien lors de son entretient. Il n’est pas surprenant de voir autant de personnes exprimer ce besoin du côté des Turcs étant donné que ces derniers sont réputés pour vivre de façon regroupés et dans le souci de conserver leurs origines. Toutefois, est-ce que cette conception de la vie des Turcs est un fait ou n’est qu’un cliché qui ne fait que simplifier la réalité ? C’est au cours de cette analyse qu’une meilleure synthèse pourra être tirée de la position des Turcs dans le pays d’accueil. D’autre part, il est intéressant de voir que la motivation culturelle soit aussi peu évoquée du côté des Arabes. Une explication pourrait être que contrairement aux associations islamiques en Allemagne où la grande majorité des membres sont turcs, les associations islamiques en France ne sont pas fréquentées uniquement par une seule et même nationalité arabe mais majoritairement par des personnes des trois anciennes colonies françaises du 31 Textes rassemblés par Michel Michel, Les Communautés: une question posée à la France, Edition L’Âge d’Homme (Lausanne, Suisse), 2002, p. 54. 32 Association Solidarité socioculturelle Musulmane - Mosquée Al-Rahma - 59 rue de la Fourette - 31100 Toulouse - Tel : 0561417233 -25-
  • 26. continent nord-africain. Marocains, Tunisiens et Algériens ne partagent pas les mêmes coutumes, les mêmes traditions, les mêmes délices culinaires et ils n’ont pas les mêmes mentalités. Ainsi l’on pourrait comprendre pourquoi la culture rentre pour peu d’entre eux en ligne de compte. Toutefois, dans le cadre d’une étude plus approfondie de la question, il serait intéressant de développer ce point davantage. • Rôle dans l’association La majorité des personnes interrogées chez les Turcs comme chez les Arabes sont des « visiteurs » qui appartiennent de fait33 à l’association mais qui n’ont pas le statut d’adhérent.34 7 personnes turques et 5 personnes arabes ont la qualité d’adhérent et parmi celles-ci, 3 personnes de chaque groupe remplient une fonction de responsable. Parmi les personnes appartenant de fait à l’association, un peu moins de la moitié participe à l’organisation d’activités ou de manifestations. Ils sont toutefois 7 du côté turc et 8 du côté arabe. Les personnes semblent être impliquées de la même manière dans les associations en France et en Allemagne. Plus d’un tiers des personnes questionnées de chaque côté du Rhin ont déclaré jouer un rôle dans l’association sans pour autant faire parties du directoire: « J’aide là où je peux » déclare spontanément un homme turc, « j’aide volontiers à l’organisation des manifestations et des activités » avoue une femme de la même association. Un Marocain de l’association des Musulmans de France précise: « je m’occupe des petits tous les week- ends »; une franco-algérienne de l’Association Culturelle Islamique ajoute : « je participe à l’enseignement du Coran pour les enfants ». Le fort engagement qui transperce chez la moitié des personnes questionnées en France et en Allemagne montre l’importance de l’association 33 Dans les associations communautaires, l’appartenance de fait semble primer sur la qualité d’adhérent. L’organisation de ces structures associatives est basée sur le modèle de la communauté. (cf. 2.1 Les Associations/ Définition) 34 Les adhérents participent au financement de l’association en payant une cotisation tous les ans ainsi que durant l’année en cas de besoin et si elles le veulent. -26- 0 5 10 15 20 25 T A Adhérent Appartenance de fait Aide à l'organisation Membre du directoire dont… dont…
  • 27. pour eux. Regardons maintenant si cette attitude va de pair avec la fréquentation des personnes l’intérieur de l’association. • Fréquentation de l’association Parmi les Turcs vivant en Allemagne, la grande majorité des personnes fréquentent l’association plus d’une fois par semaine. 5 personnes viennent une fois par semaine et une personne déclare venir de façon irrégulière. Les personnes fréquentant l’association plus d’une fois par semaine sont également majoritaire parmi les Arabes vivant en France, toutefois moins nombreux qu’en Allemagne. Neuf personnes disent aller à l’association une fois par semaine tandis que quatre autres viennent de façon irrégulière. La fréquentation accrue des personnes interrogées en France et en Allemagne prouve que l’association joue un rôle important voire très important dans la vie de ses membres. La plupart des personnes qui fréquentent l’association plus d’une fois par semaine disent venir trois à cinq fois par semaine jusqu’à une fois par jour. La raison de ces nombreuses visites est facile à expliquer: les membres des associations se retrouvent le plus possible pour pouvoir prier ensemble. Il est important de souligner ici que la prière constitue l’un des cinq piliers de la religion musulmane et que pour être Musulman il faut obligatoirement prier cinq fois par jour. Les personnes qui n’ont pas le temps ou qui ne peuvent se rendre à la mosquée peuvent prier dans n’importe quel autre endroit du moment que c’est sur une surface propre. Le sajada ou tapis de prière en français remplit cette fonction.35 Ainsi de nombreuses personnes, surtout les femmes, prient à la maison au lieu de se rendre à la mosquée. Le seul jour de la semaine où les Musulmans sont obligés de se rendre à la mosquée est lors de la prière du vendredi. Cette prière équivaut à la messe du dimanche pour les Chrétiens. D’ailleurs, comme dans les pays chrétiens où le dimanche est considéré comme un jour de repos, le vendredi est un jour de repos dans les pays arabes. D’après les résultats constatés, l’on peut en déduire que les personnes fréquentant l’association une fois par semaine viennent certainement le vendredi tandis que les autres essayent de venir le plus possible quand le temps le le leur permet. Malheureusement une question qui aurait pu être intéressante et qui a été négligée est de demander s’il arrive aux 35 Sous la direction de Coogan M. D. (1999). Les Grandes Religions. Paris : Larousse. -27- 0 5 10 15 20 Turcs Arabes 1/semaine plus1/semaine irrégulier
  • 28. personnes de se rendre d’abord à l’association pour d’autres raisons que la prière. Ceci a été indirectement répondu lorsque les personnes ont déclaré venir pour les fêtes, repas et manifestations organisés par l’association. Toutefois, cette question aurait permis de savoir si certaines personnes viennent d’abord à l’association dans le but de retrouver leurs compatriotes par exemple, sans pour autant venir pour la prière. • Fréquentation des autres membres à l’extérieur du cadre associatif Lorsque l’on demande aux Turcs et Arabes s’ils fréquentent les autres membres de l’association à l’extérieur du cadre associatif, 22 personnes sur 25 répondent « oui » chez les Turcs contre 16 chez les Arabes. La majorité des personnes questionnées ont des liens forts avec les autres membres de l’association surtout parmi les Turcs. Ceux-ci disent se retrouver lors « d’occasions privées », « autour d’un café », « avec les amis » ou « pour bavarder dans les lieux publics ». Parmi les Arabes les occasions de se retrouver sont plus ou moins les mêmes. Sont nommés les repas, le travail et les lieux publics. Un certain nombre a rencontré des personnes qui sont devenues leurs amis et avec qui ils partagent des moments importants. Une personne arabe donne l’exemple de mariages, fêtes et baptêmes. De chaque côté du Rhin les associations semblent regrouper les personnes entre elles et resserrer les liens entre compatriotes. Toutefois, les personnes questionnées du côté arabe montre moins d’attachement pour les autres membres de l’association. Est-ce que ces résultats sont l’indice qu’un fort communautarisme est moins présent entre Arabes ou que le système assimilatif français porte inconsciemment les personnes à rechercher moins de contacts entre arabes ? Nous tenterons de répondre à cette question au cours de l’analyse. • Synthèse générale Il a pu être constaté que les associations communautaires jouent un rôle très important chez les Turcs comme chez Arabes en Allemagne et en France. Grâce aux motivations de ces derniers, leur rôle et leur fréquentation dans l’association, une forte appartenance à l’association a pu être dégagée, celle-ci étant liée à la religion, à la culture et au contact avec -28- 0 5 10 15 20 25 Turcs Arabes OUI NON Pas de réponses
  • 29. les autres membres de l’association. Cependant les Turcs sont ceux qui se sont montrés davantage attachés à l’association par rapport aux Arabes. 4.3. L’individu face à la société : éléments d’intégration 4.3.1 Dimension linguistique Dans un premier temps l’on cherche à connaître l’attachement des personnes par rapport à la langue du pays de résidence. Ceci a pour but de montrer si les immigrés sont intégrés linguistiquement parlant c'est-à-dire s’ils sont en mesure de communiquer, s’ils apprécient la langue des autochtones, s’ils cherchent à s’approprier cette langue (par exemple en regardant des chaînes télévisées dans la langue du pays d’accueil) et est contrebalancé avec des questions relatives à l’attachement à la langue d’origine. • Langue du pays de résidence Lorsqu’il est demandé aux Turcs et Arabes s’ils aiment parler l’allemand ou le français la majorité est d’accord. Deux personnes turques sont toutefois en désaccord et six Arabes et cinq Turcs ne sont pas tout à fait d’accord. Ces résultats cherchent à montrer le degré d’intérêt des immigrés pour la langue du pays d’accueil. Cet élément est très important car l’attachement à la langue est le premier indice qui pousse les personnes étrangères à vouloir apprendre la langue du pays d’accueil. • Niveau en en français ou allemand Lorsque l’on demande aux membres de l’association comment ils estiment leur niveau de français ou d’allemand la moitié des Turcs et Arabes déclarent qu’il est « bon ». Toutefois 10 Arabes se disent « moyen » en français contre cinq Turcs et une personne s’affirme « très bonne » contre six personnes turques. Une personne estime avoir un niveau « mauvais » en français et une en allemand. Contrairement à ce qui aurait pu être attendu, davantage de personnes disent maîtriser « très bien » ou « bien » la langue du pays de résidence du côté des Turcs que du côté des Arabes. -29- 0 5 10 15 20 Turcs Arabes Accord Accord partiel Désaccord 0 2 4 6 8 10 12 14 Turcs Arabes Très bon Bon Moyen Mauvais
  • 30. Ces attentes étaient basées sur le fait que le français est la première langue étrangère dans les pays arabes ainsi que la langue de la bureaucratie et de l’administration arabe tandis que l’allemand n’est pas une langue fréquemment pratiquée par les Turcs dans leur pays d’origine. En effet, de nombreux Turcs apprennent l’Allemand « sur le tas » tandis que de nombreux Arabes connaissent les bases de la langue française avant d’arriver en France. Toutefois, ces résultats semblent démentir le fait que les Turcs ne métrisent pas ou mal la langue du pays d’accueil ce qui est un résultat intéressant. Dans l’optique d’une recherche plus avancée il serait intéressant de vérifier si pour une population plus nombreuse de Turcs et Arabes les résultats soient semblables. • La télévision dans la langue du pays d’accueil Sur 26 Arabes, 13 personnes déclarent toujours regarder la télévision en français, 10 personnes disent regarder autant de chaînes télévisées françaises qu’arabes et trois personnes affirment regarder de temps en temps des chaînes françaises. Sur les 25 Turcs 8 personnes regardent toujours la télévision en allemand, 12 personnes regardent autant la télévision en allemand qu’en turc, une personne regarde parfois des chaînes allemandes et quatre personnes ne regardent presque pas voire jamais la télévision en allemand. L’intérêt d’écouter la langue du pays de résidence dans le cercle privée (la question était demandée dans le cadre familial c'est-à-dire « à la maison »36 ) est plus élevé parmi les personnes arabes que parmi les personnes turques. 13 personnes arabes regardent toujours la télévision en français chez eux contre huit personnes turques. Ceci peut s’expliquer par le fait que les arabes comprennent plus facilement le Français étant donné que c’est une langue parlée dans leur pays d’origine. Même un Arabe qui ne parle pas bien le français peut le comprendre plus facilement qu’un Turc qui n’a jamais entendu parler l’allemand avant d’immigrer en Allemagne. D’autre part la moitié des personnes turques affirment regarder 50% de chaînes télévisées turques et 50% de chaînes allemandes. Ceci montre l’importance des personnes à rester en contact avec la langue et la culture de leur pays d’origine tout en absorbant la langue et la culture du pays de résidence. De part ce choix, les personnes 36 Cf. questionnaire p 44 question 15. -30- 0 2 4 6 8 10 12 14 Turcs Arabes Toujours Moitié/moitié Parfois Presque jamais Jamais
  • 31. affirment leur différence tout gardant un lien avec le pays où elles résident. Quant à ceux qui ne regardent jamais ou presque jamais des chaînes télévisées allemandes, ces derniers sont la preuve qu’il existe des personnes qui cherchent volontairement à se couper du reste de la société parce qu’elles ne s’intéressent pas à celle-ci ou parce qu’elles ne la comprennent pas. Même si cette question n’exprime pas à elle seule le degré d’intégration des personnes immigrées, elle apporte tout de même quelques éléments de réponse. • Langue de préférence En réponse à la question « dans quelle langue préférez-vous vous exprimez ? »37 , la moitié des Turcs disent préférer parler le turc à l’allemand. Une petite minorité déclare préférer parler l’allemand au turc tandis qu’un tiers des personnes interrogées affirment ne pas avoir de préférence qu’en à la langue d’élocution. Du côté des Arabes, les personnes qui préfèrent parler l’arabe au français sont à égalité avec les personnes qui préfèrent parler le français à l’arabe. Le groupe de personnes qui ne fait pas de différences entre les deux langues parlées est toutefois plus nombreux. Au-delà de l’obligation de parler la langue du pays d’accueil, cette question a pour but de montrer le degré d’affectivité des Turcs et Arabes pour l’une ou l’autre langue. Cette question cherche à contrebalancer l’intérêt de la langue du pays de résidence avec l’intérêt pour la langue du pays d’origine. Ainsi, même si une personne déclare aimer la langue du pays d’accueil celle-ci n’a pas forcément perdu son degré d’affectivité pour sa langue maternelle. Par l’intermédiaire de cette question l’on a cherché à savoir si la volonté de préserver sa singularité en continuant à parler sa langue d’origine est autant présente en France qu’en Allemagne. L’on constate justement qu’en France un tiers des personnes arabes préfèrent s’exprimer en français tandis qu’en Allemagne une nette majorité préfère parler sa langue native. Une explication pour ce résultat serait que le système assimilatif français pousse les Arabes à se conformer à la langue et aux valeurs françaises tandis qu’en Allemagne on encourage davantage les personnes à exprimer leur différence. Est-ce qu’à plus grande échelle ce résultat serait le même ? Une fois encore le résultat trouvé ne peut donner qu’un avis tendanciel sur la question. 37 Cf. questionnaire p. 44 question 14. -31- 0 2 4 6 8 10 12 14 Turcs Arabes Langue maternelle Langue du pays d'accueil Les deux
  • 32. Pour compléter cette question il a été demandé aux personnes dans quelles situations elles parlaient leur langue d’origine. Les réponses ont été nombreuses et diverses : « A la maison », « avec des amis ou connaissances », « en famille » , « à la mosquée ou à l’association », « avec des personnes de mon pays d’origine », « avec des personnes qui ne parlent pas le français », « tout le temps », « tout le temps sauf avec des Allemands », « avec mes enfants », « lorsque je vais au Maroc pendant les vacances ». Toutefois, différentes caractéristiques ont pu être distinguées. Les personnes qui parlent leur langue d’origine dans la sphère privée, entre proches ou camarades; les personnes qui ne parlent presque jamais leur langue d’origine sauf lorsqu’elles sont en présence de personnes qui ne parlent pas la langue du pays d’accueil; et les personnes qui ne parlent presque jamais la langue du pays où elles vivent sauf si elles sont confrontées à une personne qui ne parle pas leur langue maternelle. En France comme en Allemagne les réactions sont à peu près les mêmes. 4.3.2. Dimension sociale • Contact avec les autochtones Cette partie vise à connaître l’intensité du contact des personnes immigrées avec les autochtones et les relations qu’elles entretiennent avec eux afin de déterminer le type d’interaction qu’il y a entre les personnes interrogées et le reste de la société. La question avait été posée de façon assez large afin de permettre aux personnes de détailler le type d’expériences qu’elles avaient vécu mais nombreuses sont restées assez courtes dans leurs réponses. Voici ce qui a pu être découvert: Dans l’ensemble les Turcs comme les Arabes ont de bonnes voire de très bonnes relations avec les personnes locales: « On se comprend » déclare une personne turque, « j’ai de bonnes relations dans l’ensemble » affirme une autre personne de la même nationalité, « j’essaye d’avoir de bonnes relations » avoue une autre, « oui bien sûr » s’exclame un Arabe, « je vis ici et j’ai le sentiment d’être français » ajoute quelqu’un d’autre. Les bonnes relations de voisinage sont souvent mentionnées ainsi que les bons contacts avec collègues de travail. De nombreux Turcs et Arabes déclarent avoir des amis français même s’ils ne sont pas en majorité. Différentes raisons peuvent se cacher derrière ce phénomène: le manque de temps, l’incompréhension de l’autre; une personne turque fait une remarque intéressante à ce sujet soulignant le fait que la conception de l’amitié est très différente en Turquie en en Allemagne. Il donne comme exemple le fait que les Turcs se retrouvent chez l’un et chez l’autre presque -32-
  • 33. aussitôt après qu’ils se soient rencontrés pour la première fois tandis que ce les Allemands ne sont pas aussi spontanés en la matière. Il avertit que sous cet angle certains Turcs peuvent penser que les Allemands ne veulent pas les connaître en profondeur et qu’ils sont toujours obligés de faire le premier pas. De façon générale la diversité et l’intensité des liens entre étrangers et natifs jouent un rôle prépondérant dans l’intégration des immigrés. Ces derniers ne semblent pas avancer dans une bulle communautaire mais semblent, au contraire, ouverts aux personnes n’appartenant pas à leur environnement d’origine. Ceci est l’indice que les immigrés s’intéressent au pays où ils résident, apprécient les personnes qui y vivent et selon l’intensité des rapports sont curieux de connaître le mode de vie, les coutumes, les traditions ou tout simplement les normes de cette population. Deux personnes arabes et deux personnes turques avouent avoir eu de mauvais contacts ou avoir peu de contacts avec les autochtones. Un Arabe évoque le racisme qu’il a ressenti en France tandis que deux Turcs et une autre personne arabe disent parler uniquement avec les Allemands ou les Français dans le milieu du travail. Le manque d’interaction avec les autochtones est encore un indice de l’isolement volontaire ou subi par les personnes immigrées, par exemple lorsque ceux-ci n’arrivent pas à communiquer avec les personnes du lieu de résidence. 4.3.3 Dimension culturelle La dernière partie cherche à savoir si les personnes interrogées sont intégrées au niveau culturel c'est-à-dire si, en plus de la langue et du contact avec les autochtones, celles-ci ont une affinité plus ou moins grande avec la culture (style de vie, politique) du pays où elles résident. • Style de vie et habitudes culturelles En réponse à la question « vivez-vous plutôt à la française/ à l’allemande ou plutôt selon le -33- 0 5 10 15 20 Turcs Arabes à lafrançaise/ à l'allemande à l'arabe/ à la turque lesdeux pasde réponses
  • 34. mode de vie de votre pays d’origine ? »38 , l’écrasante majorité des Turcs ont répondu « à la turque ». Deux personnes uniquement disent vivre « à l’allemande » ou vivre autant « à la turque » qu’à « l’allemande ». En France, les Arabes sont plus nombreux à affirmer vivre autant « à la française » qu’à « l’arabe »: dix personnes contre neuf personnes qui disent vivre uniquement « à l’arabe ». Les Arabes qui affirment vivre « à la française » c'est-à-dire de la façon du pays de résidence sont également plus que les Turcs. Ces résultats semblent en accord avec ce qui était attendu. En effet, les Maghrébins qui ont été marqué par le passé colonial français dans leur pays d’origine ont pu s’approprier plus facilement les valeurs ou habitudes françaises. Plusieurs personnes maghrébines ont d’ailleurs fait la remarque qu’à l’exception de la religion, le style de vie des Marocains, Algériens et Tunisiens étaient à quatre-vingt-dix pourcent le même que celui des Français. La culture turque quant à elle, très différente de la culture allemande, a pu conduire à des résistances de la part des populations immigrées vivant en Allemagne. Un deuxième élément important qui pourrait expliquer ces résultats est le système d’intégration français et allemand. En effet, le système assimilatif français a pu influencer les Maghrébins à imiter le style de vie des autochtones tandis que le système différenciatif allemand a pu encourager les Turcs à préserver leur culture et mode de vie. Toutefois, une intégration réussie est une intégration où la culture d’origine et la culture du pays d’accueil sont articulées ensemble pour former un équilibre. Les Arabes sont nombreux à avoir fait cette démarche tandis qu’une infime partie des personnes turques interrogées affirment s’être approprié les valeurs ou mode de vie allemand. Pour renforcer cette question, il a été demandé aux personnes si elles avaient des habitudes typiquement françaises ou allemandes. Les Arabes ont répondu de façon diverse et varié: « façon d’éduquer mes enfants », « je vote », « sorties, repas de famille », « je me rase et je porte des habits classiques », « boissons, alcools », « je vais au restaurant ». Un homme évoque sa situation de père au foyer, valeur typique et courante en Europe. Neuf personnes ont affirmé ne pas avoir d’habitudes typiquement françaises. Du côté des Turcs, quatre personnes ont évoqué la ponctualité et l’ordre comme étant des exemples d’habitudes culturelles allemandes qu’elles pratiquent. 38 Cf. questionnaire p. 45 question 19 -34- 0 2 4 6 8 10 12 14 Turcs Arabes OUI NON Moyen Pasde réponses
  • 35. Travailler dur, être écolo et la boisson allemande ont été également mentionnés. 15 personnes ont toutefois affirmé ne pas avoir d’habitudes typiquement allemandes. • Politique La majorité des personnes questionnées sont intéressées par la politique. Quatre personnes Turcs et trois personnes Arabes disent ne pas avoir d’intérêt pour la politique tandis que cinq Turcs et huit Arabes disent s’intéresser parfois à la politique. Lorsqu’on leur demande pourquoi elles s’intéressent à la politique, la première réaction des Turcs et Arabes est de dire que cela les concerne car ils vivent dans le pays. Un Algérien évoque l’importance de suivre la politique afin de comparer avec la politique de son pays natif tandis qu’un autre Algérien dit que la politique est facile à suivre car elle est la même que dans son pays natal. D’autres personnes mentionnent leur citoyenneté comme moteur de cet intérêt: « j’ai la nationalité », « je me sens citoyen », « je suis membre actif de ce pays », « je suis engagé politiquement ». Un Turc évoque l’importance « de faire une différence car beaucoup de Turcs vivent en Allemagne. » Deux personnes turques font toutefois référence à leur manque de pouvoir car ils n’ont pas la nationalité allemande. Parmi les personnes qui ont répondu ne pas s’intéresser à la politique, un Turc affirme que cela ne change rien de s’intéresser ou non à la politique car tous les politiciens sont les mêmes: « menteurs, hypocrites, etc. ». Un Arabe avoue que la politique lui est égal tandis qu’un autre dit ne pas avoir le temps de suivre la politique. De façon générale, les Arabes comme les Turcs sont majoritairement intéressés par la politique. Ces résultats étaient intéressants à connaître car la volonté de suivre la politique est le premier pas vers le rôle de citoyen. Et être citoyen est le premier pas vers l’appartenance intégrale à la société. • Culture du pays d’accueil Lorsqu’il est demandé aux personnes si elles aiment la culture française ou allemande, 22 Arabes répondent « oui » contre 13 Turcs. Dix personnes ont trouvé des éléments de mécontentement au niveau de la culture allemande contre six personnes du côté arabe. -35- 0 5 10 15 20 25 Turcs Arabes OUI NON Pas de réponse
  • 36. Les éléments sont énumérés dans le tableau ci-dessous39 : Les personnes arabes semblent davantage en accord avec la culture française tandis que les Turcs trouvent plus à redire de la culture allemande. Ici encore la diversité des points de vue entre les deux populations immigrées semble prendre son origine dans le fait que les différences sont plus grandes entre Turcs et Allemands qu’entre Arabes et Français. • Synthèse générale Les résultats suivants ont pu démontrer que les personnes interrogées turques et arabes qui fréquentent les associations communautaires sont majoritairement intégrées dans la société. Malgré les différences qui résident dans les sociétés d’accueil et de provenance, Turcs et Arabes partagent un certain nombre de similitudes concernant la société, les autochtones et leur rapport à la langue du pays de résidence. D’autres résultats ont pu démontrer que la diversité des systèmes d’intégration français et allemand ou le passé culturel des pays arabes et turcs jouent un rôle dans la position actuelle des personnes. Toutefois, ces résultats ne justifient pas quelle place remplit les associations communautaires dans le processus 39 Référence à la question 16 p. 44 du questionnaire: « qu’est ce que vous aimez, qu’est ce que vous n’aimez pas [de la culture du pays de résidence] ? » -36- TURCS ARABES OUI NON OUI NON Personnes correcte, gastronomie, la façon dont les personnes fêtent ensemble, écologie, justice, respect des règles, ponctualité, travail, ordre Superficialité, matérialisme, bureaucratie, arrogance, certaines lois sont injustes, culture trop différente de la culture turque Valeurs françaises (liberté, égalité, fraternité), respect, égalité homme/femme, personnes ouvertes, tranquilles, sympathiques, sérénité, ponctualité, solidarité Matérialisme, hypocrisie des politiciens
  • 37. d’intégration. En effet, les personnes immigrées ont pu s’intégrer indépendamment de la fréquentation dans l’association communautaire. La troisième partie du questionnaire se confronte à cette interrogation. 4.4. L’association dans le processus d’intégration • La vie quotidienne A la question « est-ce que la fréquentation de l’association vous aide dans votre vie au quotidien », la majorité des Turcs et Arabes ont répondu que l’association joue un rôle positif au niveau de leur vie de tous les jours. Les Arabes ont tout d’abord décrit l’association comme un lieu d’enseignement: « l’association m’a aidé au niveau relationnel, elle m’a donné de bons conseils vis-à-vis du contact avec mes voisins, mes collègues de travail », « elle m’a transmise des valeurs morales qui m’ont aidé à respecter les autres ». L’association permet également aux personnes de trouver un confort spirituel de part la fréquentation de la mosquée: « ça me repose, ça me donne une paix intérieure », « je trouve le cadre spirituel qui me manque dans la vie de tous les jours ». Enfin deux personnes arabes évoquent l’association comme une façon de trouver un équilibre entre le pays d’origine et le pays de résidence: « c’est un lieu où je peux retrouver des personnes de ma propre culture et me sentir moins seul ». Une seule personne a dit que l’association ne jouait aucun rôle dans sa vie au quotidien. Les Turcs sont nombreux à avoir considéré l’association comme une façon pour eux de rester en contact avec leurs compatriotes. Une personne affirme que grâce à l’association ses enfants nés en Allemagne ont pu apprendre à connaître d’autres enfants turcs et de cette façon faire davantage parti de cette culture. Une autre personne évoque la solidarité qui, de part l’association, existe entre ses membres: « l’association nous fait savoir les informations importantes qui touchent nos membres, si une personne est malade, si une famille a un enfant, etc. » L’association a également permis à certaines personnes de ne pas oublier leur religion ni leur culture: « ainsi je comprends mieux la mosquée », « les fêtes culinaires, la musique traditionnelle et les fêtes religieuses me rappellent d’où je viens et me force à remplir mon devoir de musulman. » Une personne évoque le rôle de l’association dans l’articulation entre culture d’origine et culture du pays d’accueil: « l’association nous réunit et nous porte entre la culture turque et la culture allemande. Elle nous aide à entrer en contact avec des personnes d’autres cultures. » Une autre personne encore explique comment l’association peut les aider en cas de difficulté avec la société d’accueil: « elle nous traduit les documents administratifs -37-
  • 38. lorsqu’on a des difficultés avec la langue ou nous aide en cas de problème avec la bureaucratie allemande. » Trois personnes avouent toutefois que l’association ne les aide pas dans leur vie au quotidien. Une personne ajoute même qu’elle « n’a pas besoin de l’association pour s’adapter dans la société d’accueil. » Les différents témoignages montrent l’importance que jouent les associations dans la vie quotidienne des personnes immigrés. Pour beaucoup, l’association semble être un point de repère à partir duquel les personnes évoluent. L’association est là pour ses membres lorsque ceux-ci ont des difficultés matérielles (au niveau de l’administration ou de la langue du pays d’accueil) ou un besoin spirituel. L’association permet également de rapprocher ses membres entre eux et leur permettre de trouver un équilibre entre société d’accueil et société du pays d’origine. Toutefois, pour comprendre si cette articulation existe vraiment de part l’association, une deuxième question a été posée afin de connaître le point de vue de toutes les personnes. • Compréhension du pays d’accueil et des autochtones La deuxième question cherche davantage à savoir si la fréquentation de l’association est liée à une meilleure compréhension du pays d’accueil et avec les autochtones. Dix personnes uniquement ont répondu à cette question parmi les Arabes et 16 personnes parmi les Turcs, ainsi il est difficile de donner une réponse substantielle. Néanmoins, il est intéressant d’analyser les témoignages des personnes qui ont répondu à la question. Parmi les témoignages recueillis, plus de la moitié des Arabes semblent ne pas trouver de lien entre la fréquentation de l’association et l’intégration dans le pays d’accueil. Un Algérien déclare que « c’est uniquement par un travail individuel qu’une personne apprend à connaître son environnement » et non par l’intermédiaire de l’association. Une personne évoque toutefois que les rencontres entre musulmans et catholiques organisées par l’association lui a permis de mieux comprendre les chrétiens français. Les Turcs sont plus nombreux a avoir dit que l’association l’ai a aidé dans la compréhension du pays de résidence et des autochtones. Parmi les seize personnes qui ont répondu à la question, la majorité des Turcs ont dit qu’ils ont réussi à mieux comprendre l’Allemagne et les Allemands grâce aux différentes manifestations organisées par l’association: une personne -38-
  • 39. fait référence aux voyages qui ont été organisés avec d’autres associations turco-islamiques dans différentes villes allemandes et qui lui ont permit de découvrir des régions allemandes et des styles de vie allemands qu’elle n’avait jamais pris en considération auparavant. Elle prend l’exemple de l’expression « Gruβ Gott » qui n’est employé qu’en Bavière et dont elle n’a prit conscience qu’en faisant un voyage à Dortmund, en Rhénanie-du-Nord Westphalie. Elle s’est alors questionnée sur la portée du terme « Gruβ Gott » et s’est demandé si le rapport à la religion était plus fort en Bavière qu’en Rhénanie-du-Nord Westphalie. Une autre personne rappelle que l’association est une façon d’entrer en contact avec les personnes du pays de résidence. Elle donne comme exemple les activités organisées en coopération avec d’autres associations turco-allemandes ou les rencontres entre chrétiens et musulmans organisées plus d’une fois par an. Une personne turque avoue mieux comprendre les autres religions et les autres associations, une autre dit apprendre à respecter les autres religions. Les personnes qui ont répondu négativement à la question ont affirmé que sans une fréquentation quotidienne des Allemands à l’intérieur de l’association, ceux-ci ne pourraient véritablement apprendre à les connaître. Toutefois, ils expriment le désir de les accueillir. Les associations turques semblent plus ouvertes à la société du pays d’accueil. Ces résultats étaient inattendus car il aurait été imaginé qu’entre les deux populations les associations communautaires turques aient le moins d’impact sur ses membres. Ces attentes étaient basées sur le fait que dans une société différencialiste comme l’Allemagne, les populations immigrées n’aient pas le même intérêt pour les personnes du pays de résidence comme il pourrait en être le cas dans une société assimilative comme la France. Au contraire, cette façon de penser semble s’inverser car les témoignages montrent que les associations arabes ont davantage tendance à vouloir regrouper les Arabes entre eux tandis que les associations turques sont davantage ouvertes au monde extérieur. Les systèmes d’intégration français et allemands semblent jouer ici le rôle de repoussoir. En effet, dans une société assimilative comme la France, les associations communautaires ont tendance à vouloir s’isoler alors que dans une société différencialiste comme l’Allemagne, les associations du même genre ont tendance à vouloir s’ouvrir. Dans les deux cas de figures les associations semblent remplir les « vides » là où la société n’a pas su le faire. Les différents témoignages ont montré que les associations communautaires aident certains de ses membres à mieux comprendre les personnes « de souche » et le pays d’accueil. Ces -39-
  • 40. résultats réfutent l’idée selon laquelle le regroupement communautaire a pour but unilatéral de séparer ses membres du reste de la société. • L’avenir de l’association La dernière question a pour but de savoir qu’est ce que les membres espèrent de l’association à l’avenir et qu’est-ce qui doit être fait pour qu’elle soit plus efficace. De nombreuses réponses ont été recueillies. Les Arabes ont dit que « l’association doit encourager l’égalité homme/femme », « inciter les personnes à jouer leur rôle de bon citoyen », « écouter ses membres pour pouvoir organiser davantage d’activités qui leur correspondent », « transmettre des valeurs morales et éducatives », « donner un bon exemple », « montrer le vrai visage des Arabes et des Musulmans ». Parmi ces résultats, une personne a fait référence à l’association comme lieu d’expression de la citoyenneté et une personne a évoqué une valeur européenne (égalité homme/femme) pour améliorer l’association communautaire. Une personne a dit qu’il n’y a rien à changer dans l’association mais que c’est à l’individu de s’adapter à celle-ci. Les Turcs quant à eux ont été nombreux à évoquer leur désir d’intensifier le contact entre les personnes. Ils ont dit que « l’association doit être plus ouverte », « qu’elle doit renforcer les liens avec les Allemands », « inciter les jeunes à venir à l’association et proposer plus d’activité à l’extérieur du cadre de la prière », « faire en sorte que les différentes cultures entrent en contact ». Deux personnes ont déclaré que l’association doit aider les personnes à s’intégrer dans la société tandis qu’une autre a fait référence au côté moral de l’association: « respecter le point de vue des personnes sans qu’il y ait de préjugés ». D’autres personnes ont évoqué que l’association « doit être en harmonie avec les personnes », qu’elle doit « renforcer le sentiment communautaire et proposer davantage d’activités » et « représenter les droits de chacun ». Les Turcs comme les Arabes ont beaucoup de projets pour l’association qu’ils fréquentent. Les Turcs expriment majoritairement le désir d’inclure davantage les Allemands et d’autres étrangers dans leur association tandis que les Arabes évoquent des projets qui concernent davantage leurs membres. Ces résultats viennent renforcer les réponses de la question précédente. • Synthèse générale -40-
  • 41. La finalité de ces questions était de savoir si l’association aide les personnes à s’intégrer dans la société d’accueil. Le mot « intégration » n’a cependant jamais été employé dans le questionnaire afin de ne pas influencer les personnes dans leurs réponses. Pour certaines personnes, l’association semble favoriser l’intégration grâce aux activités proposées à l’extérieur des murs de l’association. D’autres expriment le manque de l’association à favoriser le contact avec les allemands mais évoquent leur volonté de l’ouvrir à des personnes d’autres cultures. Ceci montre que l’association était certainement davantage refermée sur elle-même dans le passé mais qu’elle est en train de subir des mutations aujourd’hui. Les associations communautaires arabes semblent moins favoriser le contact avec les Français et moins aider ses membres à entrer en phase avec le pays d’accueil. L’intégration joue un rôle mineur dans ces associations. -41-
  • 42. Conclusion générale : Cette étude a permis d’apporter des résultats intéressants. L’association communautaire joue en effet un rôle très important pour ses membres. Turcs comme Arabes sont fortement impliqués dans l’association, qu’ils fréquentent plus la plupart quotidiennement. L’étude a également démontré que la majorité des personnes interrogées sont intégrées dans la société d’accueil. Ceux-ci participent au processus d’acculturation, s’appropriant certaines valeurs et habitudes françaises ou allemandes et entrant en contact avec les autochtones. Leur culture et leur langue maternelle continue néanmoins à être pratiquée, surtout parmi les Turcs qui expriment davantage le besoin de conserver leurs pratiques d’origine. L’étude a également apporté des réponses quant au rôle de l’association dans le processus d’intégration. L’idée selon laquelle les associations communautaires cherchent à isoler ses membres a pu être réfutée du côté des associations turques. Les Turcs ont d’ailleurs exprimé leur désir d’ouvrir davantage leur association aux autres cultures à l’avenir. Les Arabes, quant à eux, ont exprimé davantage de réserves vis-à-vis de l’ouverture de leur association. Ceux-ci semblent davantage renfermés sur eux-mêmes et ne voient pas de lien entre la fréquentation de l’association et l’intégration dans la société du pays d’accueil. Cette étude a donc apporté des réponses quant au questionnement de départ mais a également révélé des différences intéressantes entre Turcs et Arabes dans leur relation vis-à-vis de l’association où ils sont membres. Contrairement aux Turcs, les Arabes semblent être moins unis et moins solidaires entre eux malgré leur fréquentation quotidienne à l’intérieur du cadre associatif. Les origines de ces différences restent encore à être prouvées mais semblent être liées à la diversité des mentalités des populations étudiées et la diversité de l’approche des étrangers de la part des pays d’accueil. Dans une étude future il serait intéressant de comparer la même population (Turc ou Arabe) en France et en Allemagne afin de découvrir si les différences liées aux associations communautaires sont dues aux pays de résidence ou si la conception des personnes questionnées est la même dans les deux pays. -42-
  • 43. ANNEXE Annexe 1 : Questionnaire Allgemeine Daten/ Données générales 1.Sie sind : ein Mann eine Frau / Vous êtes: un homme une femme 2. Ihr Alter / Votre âge 3. Was ist (sind) Ihre Angehörigkeit(en) ? / Quel est(sont) votre(vos) nationalité(s)? 4. In welchem Land sind Sie geboren? / Dans quel pays êtes vous né(e)? 5. Seit wann wohnen Sie in Deutschland ? / Depuis combien de temps vivez-vous en France? 6. Wieso sind Sie in Deutschland gekommen? (für welche Gründe)/ Pourquoi êtes-vous venu(e) en France? (pour quelles raisons) Der Verein / L’association 7. Warum sind Sie Mitglieder dieses Vereins geworden? Was bringt es Ihnen? (bitte die Antwort entwickeln)/ Pourquoi êtes-vous membre de cette association? Qu’est ce que cela vous apporte? (développer votre réponse s’il-vous-plaît) 8. Wie oft besuchen Sie den Verein?/ Combien de fois fréquentez-vous l’association (par semaine, mois, etc)? 9. Welche Rolle spielen Sie in dem Verein? Sind Sie einfaches Mitglied, haben Sie eine Vertretungsrolle, helfen Sie bei der Organisation von Aktivitäten, usw. (Bitte präzisieren Sie)/ Quelle fonction avez-vous à l’intérieur de l’association? Êtes-vous simple adhérent, avez- vous une fonction de responsable, aidez-vous à l’organisation d’activités, etc. (Précisez s’il- vous-plaît) 10. Treffen Sie sich mit den anderen Mitgliedern des Vereins ausserhalb des Vereins? Für welche Angelegenheiten? / Fréquentez-vous les autres membres de l’association à l’extérieur du cadre associatif? Pour quelles occasions ? -43-
  • 44. Ihre Beziehung zu der deutsche Sprache/ Votre attachement à la langue française 11. Mögen Sie Deutsch reden? / Aimez-vous parler le français? - Ja/ Oui - Nein/ Non - Teilweise einverstanden/ Accord partiel 12. Wie schätzen Sie Ihr Niveau ins Deutsch ein? / Comment estimez-vous votre niveau de français? - Sehr gut / Très bon - Gut / Bon - Mittelmäβig / moyen - Schlecht / mauvais 13. Wann sprechen Sie Ihre Muttersprache? In welchen Situationen? / Quand parlez-vous votre langue maternelle? Dans quelles situations? 14. In welcher Sprache drücken Sie sich lieber aus? / Dans quelle langue préférez-vous vous exprimer? - Ins Deutsch / en français - Ins Türkisch / en arabe 15. Gucken Sie zu Hause deutsche Fernsehsendungen? / Regardez-vous lorsque vous êtes chez vous des programmes télévisés français? - Immer / toujours - Halb-halb / moitié-moitié - Manchmal / parfois - Fast nie / presque jamais - Nie / jamais Die deutsche Kultur und die Deutschen/ La culture française et les Français 16. Mögen Sie die deutsche Kultur? Was mögen Sie, was mögen Sie nicht?/ Aimez-vous la culture française? Qu’est-ce que vous aimez, qu’est-ce que vous n’aimez pas ? -44-
  • 45. 17. Interessieren Sie sich für die deutsche Politik ? Warum? / Vous vous intéressez à la politique française? Pourquoi ? 18. Haben Sie typische deutsche Gewohnheiten? Geben Sie bitte Beispiele. / Avez-vous des habitudes typiquement françaises? Donnez des exemples. 19. Ihrer Meinung nach wohnen Sie eher : / D’après vous, vous vivez plutôt : - Auf deutscher Art/ à la française - Auf der türkische Art / à l‘arabe 20. Was sind Ihre Beziehungen mit den Deutschen? Haben Sie gute Erfahrungen mit denen gehabt? Haben Sie Kontakt zu denen? / Quelles relations entretenez-vous avec les Français? Avez-vous eu de bonnes expériences avec eux? Entrez-vous en contact avec eux? 21. Haben Sie den Absicht Ihr ganzes Leben in Deutschland zu verbringen oder möchten Sie eines Tages wieder nach der Türkei zurückzukehren? Warum? / Avez-vous l’intention de rester toute votre vie en France ou aimeriez-vous retourner un jour dans votre pays d’origine? Pourquoi ? Die Rolle des Vereins für Ihnen/ Le rôle de l’association pour vous 22. Hilft es Ihnen in ihrem Alltagsleben Mitglied dieses Verein zu sein? Sagen Sie durch welche Art und Weise./ Est-ce que la fréquentation de l’association vous aide dans votre vie au quotidien? De quelle façon? 23. Hat der Verein Ihnen geholfen, Deutschland und die Deutsche besser zu verstehen ? Bitte präzisieren Sie. / Est-ce que l’association vous a aidé à mieux comprendre la France et les Français? Précisez s’il-vous-plaît. 24. Ihrer Meinung nach was muss einen Verein machen, um einen guten Verein zu sein ? Geben Sie bitte Beispiele. / Qu’est-ce que doit faire l’association pour être efficace ? Donnez des exemples s’il-vous-plaît. -45-
  • 46. BIBLIOGRAPHIE Berry J.W., Poortinga Y.H., Segall M.H., Dasen P.R. (1992). Cross-Cultural Psychology – Research and Applications. Cambridge: Cambridge University Press. Boucher M. (2000). Les théories de l’intégration: entre universalisme et différencialisme. Paris; Montréal (Québec): L'Harmattan. Coogan M. D. (sous la direction de) (1999). Les Grandes Religions. Paris : Larousse. Egtved P. (2002). Multikultur oder liberal ? Die Politik und die Zuwanderung im deutsch- britischen Vergleich. Opladen: Leske + Budrich. Kastoryano R. (2001) « La citoyenneté au-delà du sang et du sol » dans: Leveau R., Mohsen- Finan K. et Wihtol de Wenden C. L’islam en France et en Allemagne: Identités et citoyennetés. Paris: Les études de la documentation françaises, p. 20. Khellil M. (sous la dir. de) (2004). Maghrébins de France: de 1960 à nos jours : la naissance d’une communauté. Toulouse : Privat. Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France. Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégie et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De Boeck université. Michel M. (2002). Les communautés: une question posée à la France. Lausanne, Suisse : L’Âge d’Homme Rommelspachert B. (2002). Annerkennung und Ausgrenzung : Deutschland als multikulturelle Gesellschaft. Frankfurt am Main : Campus-Verlag. Schnebel K. B. (2003). Selbstbestimmung in multikulturellen Gesellschaften: dargestellt an den Beispielen Frankreich, Deutschland und Spanien. Wiesbaden: Westdeutscher Verlag. Supper S. (1999). Minderheiten und Identität in einer multikulturellen Gesellschaft. Wiesbaden: Deutscher Universitäts-Verlag. -46-
  • 47. Woyke W., Breit, G. (2007). Integration und Einwanderung. Schwalbach/Ts. : Wochenschauverlag. Sources électroniques: INSEE : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATCCI02124&reg_id=0 (date de consultation : 24/04/08) Statistisches Bundesamt Deutschland : http://www.destatis.de/jetspeed/portal/cms/ (date de consultation : 11/06/08) -47-