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Pussy Riot : notre rencontre exclusive
Par Nathalie Dolivo – le 8/07/2013
Condamnées à la clandestinité, mais déterminées à poursuivre leur combat, deux militantes du
groupe anti-Poutine nous parlent en exclusivité.
Ne rien dévoiler d’elles qui pourrait permettre de les identifier
Dans la vie des Pussy Riot, rien n'est laissé au hasard. Jamais. En cette fin de mois de juin,
deux d’entre elles, noms de code Serafima et Shaiba, étaient de passage à Paris. Dans le plus
grand secret, elles sont venues rencontrer leurs soutiens et les activistes qui les inspirent. Elles
sont venues parler, encore et encore, sans relâche, du sort de Nadia Tolokonnikova et de
Macha Alekhina, leurs camarades emprisonnées dans des camps de travail depuis octobre
dernier. Elles qui se confient si peu aux médias ont accepté de nous accorder une longue
interview. Dans la quiétude d’un appartement parisien, elles se sont même prêtées au jeu de la
séance photos. Les consignes étaient strictes : ne rien dévoiler d’elles qui pourrait permettre
de les identifier, et les mettre ainsi en danger à leur retour en Russie. Ni leur âge ni la couleur
de leurs cheveux sous la cagoule. Ni ce qu’elles font de leur vie à Moscou, quand leur
engagement leur laisse un peu de repos. Aujourd’hui, courageuses, batailleuses, déterminées,
elles veulent que leur voix unie continue de porter. Et que le monde entende. Rencontre.
« Nous ne savons pas si les autorités nous ont identifiées »
NATHALIE DOLIVO : Avez-vous peur pour votre sécurité ?
Pussy Riot. Nous faisons constamment attention. Nous avons toujours su qu’être activiste
politique en Russie, c’est être en danger. Voilà pourquoi nous ne montrons jamais nos
visages, nous n’autorisons quasi jamais les photos, nous refusons que nos voix soient
enregistrées par des journalistes. Bien sûr, nous changeons souvent d’adresse mail, nous ne
communiquons rien d’important par téléphone, etc.
NATHALIE DOLIVO : A quoi ressemble la vie quotidienne des Pussy Riot dans la
clandestinité à Moscou ?
Pussy Riot. A une vie presque normale… Nous ne savons pas si les autorités nous ont
identifiées, en tout cas elles ne nous ont pas prévenues ! Le collectif compte aujourd’hui à peu
près huit membres, le noyau dur. Certains, malgré le danger, sont prêts à nous rejoindre, mais
pour l’instant nous ne pouvons pas nous permettre de faire grossir le groupe. Nous nous
consacrons à Macha et à Nadia, aux questions juridiques, à l’organisation du soutien. Nous ne
menons aucune action, aucun happening, car cela pourrait affecter négativement leur sort.
Bientôt, il y aura de nouvelles audiences et nous espérons que l’issue sera positive.
Légende : Nadia Tolokonnikova et Macha Alekhina, deux autres Pussy Riot, toujours
emprisonnées.
« Les prisonnières sont tout le temps ensemble, il n’y a aucune intimité »
NATHALIE DOLIVO : Êtes-vous en contact avec Nadia Tolokonnikova, emprisonnée
en Mordovie, et Macha Alekhina, dont le camp se trouve à Perm, dans l’Oural ?
Pussy Riot. Oui, par courrier. Mais c’est très aléatoire : souvent leurs lettres sont censurées.
Les nôtres mettent énormément de temps à leur parvenir.
NATHALIE DOLIVO : Dans quelles conditions purgent-elles leur peine ?
Pussy Riot. Dans les camps russes, comme celui de Nadia, les détenues vivent dans des
unités de 100 à 120 personnes, dans un seul et même espace. Les prisonnières sont tout le
temps ensemble, vont à la douche ensemble, au réfectoire ensemble. Il n’y a aucune intimité.
Nadia souffre de migraines sévères, tous les jours. On ne lui donne pas les médicaments
appropriés, on ne lui autorise pas les visites médicales. Tout ce qu’on lui prodigue, c’est de
l’aspirine. Depuis le 26 avril, jour de l’audience au cours de laquelle la libération anticipée lui
a été refusée, elle est très isolée. Avant, on pouvait lui téléphoner, mais c’est devenu très
difficile, même pour sa famille.
« Macha préfère que son fils Philippe ne vienne pas la voir »
NATHALIE DOLIVO : Macha subit-elle les mêmes traitements ?
Pussy Riot. Le camp de Macha n’a pas l’habitude de recevoir des détenues médiatisées. La
pression extérieure semble améliorer un peu sa situation. Néanmoins, lorsqu’elle est arrivée,
elle a eu de gros problèmes avec les autres détenues, elle a été menacée et a donc été mise à
l’isolement. Dans les camps, les Russes travaillent constamment, ils n’ont pas de temps libre.
Macha – c’est aussi le cas de Nadia – coud des costumes pour officiers de police, ce qui est
très humiliant : coudre pour ceux qui vous ont arrêtée ! Malgré cela, son moral est resté plutôt
bon et elle s’est préparée courageusement à son audience pour une éventuelle libération
anticipée. C’est typique du caractère de Macha : elle voulait profiter de ce rendez-vous
judiciaire comme d’une tribune pour dénoncer les conditions de détention. Mais elle n’a pas
été autorisée à se rendre à l’audience et a donc entamé une grève de la faim. Au début,
l’administration pénitentiaire n’a pas fait attention à sa grève, ne lui a pas fourni le suivi
médical prévu par la loi. Et ce n’est qu’au bout de sept jours qu’elle a pu voir un médecin.
Avant cela, elle n’avait eu droit à rien : pas de téléphone, pas d’avocat, pas de visites, pas de
lettres… Elle était coupée du monde. Depuis, elle a arrêté sa grève de la faim.
NATHALIE DOLIVO : Est-ce que Nadia et Macha ont pu voir leurs enfants ces
derniers mois ?
Pussy Riot. Une seule fois chacune, l’hiver dernier. De toute façon, Macha préfère que son
fils Philippe ne vienne pas la voir, qu’il ne soit pas confronté à cet univers carcéral si dur.
« Nous ne cesserons jamais notre activité »
NATHALIE DOLIVO : Qu’attendez-vous de votre voyage qui vous a menées en
Amérique, en Angleterre, en Allemagne ?
Pussy Riot. Nous voulons que l’opinion publique internationale reste en alerte. Et nous
invitons les gens à écrire des lettres* à Nadia et à Macha, pour montrer à la Russie que la
mobilisation ne faiblit pas. Nous avons rencontré des hommes politiques, des défenseurs des
droits de l’homme, des activistes, des sympathisants de notre cause…
NATHALIE DOLIVO : Que leur avez-vous dit de la situation en Russie ?
Pussy Riot. Après l’affaire Pussy Riot, de nombreuses lois ont été adoptées par le Parlement
qui, sous couvert de prendre en compte les attentes de la population, restreignent les libertés
ou sont contraires aux droits de l’homme. On les surnomme en Russie les « lois Pussy Riot » :
interdiction de porter une balaclava (la cagoule des Pussy Riot), interdiction d’offenser le
sentiment religieux, interdiction de toute propagande gay… En ce moment, en Russie, pour
blaguer face à cette avalanche de textes législatifs, on dit : « L’imprimante [législative, ndlr]
est devenue folle. »
NATHALIE DOLIVO : Comment voyez-vous le futur des Pussy Riot ?
Pussy Riot. Nous sommes optimistes ! Nous ne cesserons jamais notre activité **, car c’est
ce qu’attendent les autorités. Nous ne nous tairons jamais. C’est important aussi pour tous les
autres activistes politiques et les mouvements d’opposition en Russie : si les Pussy Riot
s’arrêtaient, ce serait un signal terrible… Nous avons une grande responsabilité.
* Pour écrire à Nadia et Macha (site russe).** A voir en octobre dans les salles : « Pussy
Riot, a Punk Prayer », un documentaire de Mike Lerner et Maxim Pozdorovkin.

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Pussy riot, la rencontre exclusive avec Elle.fr et Nathalie Dolivo

  • 1. Pussy Riot : notre rencontre exclusive Par Nathalie Dolivo – le 8/07/2013 Condamnées à la clandestinité, mais déterminées à poursuivre leur combat, deux militantes du groupe anti-Poutine nous parlent en exclusivité. Ne rien dévoiler d’elles qui pourrait permettre de les identifier Dans la vie des Pussy Riot, rien n'est laissé au hasard. Jamais. En cette fin de mois de juin, deux d’entre elles, noms de code Serafima et Shaiba, étaient de passage à Paris. Dans le plus grand secret, elles sont venues rencontrer leurs soutiens et les activistes qui les inspirent. Elles sont venues parler, encore et encore, sans relâche, du sort de Nadia Tolokonnikova et de Macha Alekhina, leurs camarades emprisonnées dans des camps de travail depuis octobre dernier. Elles qui se confient si peu aux médias ont accepté de nous accorder une longue interview. Dans la quiétude d’un appartement parisien, elles se sont même prêtées au jeu de la séance photos. Les consignes étaient strictes : ne rien dévoiler d’elles qui pourrait permettre de les identifier, et les mettre ainsi en danger à leur retour en Russie. Ni leur âge ni la couleur de leurs cheveux sous la cagoule. Ni ce qu’elles font de leur vie à Moscou, quand leur engagement leur laisse un peu de repos. Aujourd’hui, courageuses, batailleuses, déterminées, elles veulent que leur voix unie continue de porter. Et que le monde entende. Rencontre. « Nous ne savons pas si les autorités nous ont identifiées » NATHALIE DOLIVO : Avez-vous peur pour votre sécurité ? Pussy Riot. Nous faisons constamment attention. Nous avons toujours su qu’être activiste politique en Russie, c’est être en danger. Voilà pourquoi nous ne montrons jamais nos visages, nous n’autorisons quasi jamais les photos, nous refusons que nos voix soient enregistrées par des journalistes. Bien sûr, nous changeons souvent d’adresse mail, nous ne communiquons rien d’important par téléphone, etc. NATHALIE DOLIVO : A quoi ressemble la vie quotidienne des Pussy Riot dans la clandestinité à Moscou ? Pussy Riot. A une vie presque normale… Nous ne savons pas si les autorités nous ont identifiées, en tout cas elles ne nous ont pas prévenues ! Le collectif compte aujourd’hui à peu près huit membres, le noyau dur. Certains, malgré le danger, sont prêts à nous rejoindre, mais pour l’instant nous ne pouvons pas nous permettre de faire grossir le groupe. Nous nous consacrons à Macha et à Nadia, aux questions juridiques, à l’organisation du soutien. Nous ne menons aucune action, aucun happening, car cela pourrait affecter négativement leur sort. Bientôt, il y aura de nouvelles audiences et nous espérons que l’issue sera positive. Légende : Nadia Tolokonnikova et Macha Alekhina, deux autres Pussy Riot, toujours emprisonnées.
  • 2. « Les prisonnières sont tout le temps ensemble, il n’y a aucune intimité » NATHALIE DOLIVO : Êtes-vous en contact avec Nadia Tolokonnikova, emprisonnée en Mordovie, et Macha Alekhina, dont le camp se trouve à Perm, dans l’Oural ? Pussy Riot. Oui, par courrier. Mais c’est très aléatoire : souvent leurs lettres sont censurées. Les nôtres mettent énormément de temps à leur parvenir. NATHALIE DOLIVO : Dans quelles conditions purgent-elles leur peine ? Pussy Riot. Dans les camps russes, comme celui de Nadia, les détenues vivent dans des unités de 100 à 120 personnes, dans un seul et même espace. Les prisonnières sont tout le temps ensemble, vont à la douche ensemble, au réfectoire ensemble. Il n’y a aucune intimité. Nadia souffre de migraines sévères, tous les jours. On ne lui donne pas les médicaments appropriés, on ne lui autorise pas les visites médicales. Tout ce qu’on lui prodigue, c’est de l’aspirine. Depuis le 26 avril, jour de l’audience au cours de laquelle la libération anticipée lui a été refusée, elle est très isolée. Avant, on pouvait lui téléphoner, mais c’est devenu très difficile, même pour sa famille. « Macha préfère que son fils Philippe ne vienne pas la voir » NATHALIE DOLIVO : Macha subit-elle les mêmes traitements ? Pussy Riot. Le camp de Macha n’a pas l’habitude de recevoir des détenues médiatisées. La pression extérieure semble améliorer un peu sa situation. Néanmoins, lorsqu’elle est arrivée, elle a eu de gros problèmes avec les autres détenues, elle a été menacée et a donc été mise à l’isolement. Dans les camps, les Russes travaillent constamment, ils n’ont pas de temps libre. Macha – c’est aussi le cas de Nadia – coud des costumes pour officiers de police, ce qui est très humiliant : coudre pour ceux qui vous ont arrêtée ! Malgré cela, son moral est resté plutôt bon et elle s’est préparée courageusement à son audience pour une éventuelle libération anticipée. C’est typique du caractère de Macha : elle voulait profiter de ce rendez-vous judiciaire comme d’une tribune pour dénoncer les conditions de détention. Mais elle n’a pas été autorisée à se rendre à l’audience et a donc entamé une grève de la faim. Au début, l’administration pénitentiaire n’a pas fait attention à sa grève, ne lui a pas fourni le suivi médical prévu par la loi. Et ce n’est qu’au bout de sept jours qu’elle a pu voir un médecin. Avant cela, elle n’avait eu droit à rien : pas de téléphone, pas d’avocat, pas de visites, pas de lettres… Elle était coupée du monde. Depuis, elle a arrêté sa grève de la faim. NATHALIE DOLIVO : Est-ce que Nadia et Macha ont pu voir leurs enfants ces derniers mois ? Pussy Riot. Une seule fois chacune, l’hiver dernier. De toute façon, Macha préfère que son fils Philippe ne vienne pas la voir, qu’il ne soit pas confronté à cet univers carcéral si dur. « Nous ne cesserons jamais notre activité » NATHALIE DOLIVO : Qu’attendez-vous de votre voyage qui vous a menées en Amérique, en Angleterre, en Allemagne ? Pussy Riot. Nous voulons que l’opinion publique internationale reste en alerte. Et nous invitons les gens à écrire des lettres* à Nadia et à Macha, pour montrer à la Russie que la mobilisation ne faiblit pas. Nous avons rencontré des hommes politiques, des défenseurs des droits de l’homme, des activistes, des sympathisants de notre cause…
  • 3. NATHALIE DOLIVO : Que leur avez-vous dit de la situation en Russie ? Pussy Riot. Après l’affaire Pussy Riot, de nombreuses lois ont été adoptées par le Parlement qui, sous couvert de prendre en compte les attentes de la population, restreignent les libertés ou sont contraires aux droits de l’homme. On les surnomme en Russie les « lois Pussy Riot » : interdiction de porter une balaclava (la cagoule des Pussy Riot), interdiction d’offenser le sentiment religieux, interdiction de toute propagande gay… En ce moment, en Russie, pour blaguer face à cette avalanche de textes législatifs, on dit : « L’imprimante [législative, ndlr] est devenue folle. » NATHALIE DOLIVO : Comment voyez-vous le futur des Pussy Riot ? Pussy Riot. Nous sommes optimistes ! Nous ne cesserons jamais notre activité **, car c’est ce qu’attendent les autorités. Nous ne nous tairons jamais. C’est important aussi pour tous les autres activistes politiques et les mouvements d’opposition en Russie : si les Pussy Riot s’arrêtaient, ce serait un signal terrible… Nous avons une grande responsabilité. * Pour écrire à Nadia et Macha (site russe).** A voir en octobre dans les salles : « Pussy Riot, a Punk Prayer », un documentaire de Mike Lerner et Maxim Pozdorovkin.