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Chapitre 32 : Augures
Chapitre 32 : Augures
: Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste)
: Svynge (norn, gardienne)
: Nezumy (asura, ingénieur)
: Pug (asura, élémentaliste)
: Alia Arkady (humaine, voleuse)
: Shalimar (sylvari, élémentaliste)
: Ayrin Fields (humaine, guerrière)
: Aboune (asura, envoûteur)
: Stathor (asura, ingénieur)
: Guess (humaine, élémentaliste)
: Lianis (sylvari, élémentaliste)
: Agaéti (sylvari, gardienne)
: Lazare (humain, nécromant)
: Pogonar (humain, guerrier)
: Gledinia (norn, rôdeuse)
: Pajim (norn, rôdeuse)
: Yaddle (charr, guerrière)
: Oméga (asura, guerrier)
: Pan d’Orr ( ?)
Chapitre 32 : Augures
Sur le seuil de la demeure de Svynge, méditative, je regardais le petit groupe sortir d’Hoelbrak
de bon matin pour se rendre au Mont Maëlstrom afin de détruire cette malédiction que
représentait Jormun-Anda. Aboune et les autres n’étaient toujours pas revenus et continuaient
de rechercher, du moins je l’espère, quelques choses dans l’antre de Primordus. Pan d’Orr, enfin,
avait disparu, et ça, ça ne m’enchantait guère. Même si ces derniers jours elle semblait relativement
plus proche de nous et plus « humaine » dans son attitude, ce n’est pas pour autant que je lui
accordais plus de confiance. Il y a quelquechose que je ne sentais pas dans cette fille, elle n’était pas
sincère avec nous. Je ne sais pas ce qu’en pensaient les autres et, à dire vrai, je ne voulais pas leur
embrouiller l’esprit avec mes sombres doutes, d’autant plus qu’ils ont la gentillesse de
m’accompagner dans la dangereuse traversée du Désert de Cristal et ça, ce n’est pas donné à tout le
monde. Je sais que Svynge s’en contrefous de la disparition de Pan d’Orr, qu’Aelwynn est autant
distante que moi par rapport à elle, que Nezumy aime tout le monde, que Lazare est inconsolable et
qu’Aboune avait une attitude digne de la plus grande suspicion auprès de Pan d’Orr. Autrement, les
autres n’y prêtaient guère d’attention au final, à première vue, ce qui n’est pas plus mal.
Le petit groupe avait fini par passer l’imposante porte barricadée d’Hoelbrak et leurs silhouettes
disparurent de nos champs de vision. Il ne restait plus que les trois sylvaris, Lianis, Agaéti, Altyon, et
la charr Yaddle et moi enfin. Concentrée sur mes expectatives, j’écoutais d’une demi oreille le
dialogue qui s’était noué entre les trois sylvaris, à commencer par Lianis qui parla en ces termes :
- J’ai encore fait un rêve cette nuit.
- Encore ? lui répondit Agaéti. C’est très étrange. Un sylvari n’est plus censé avoir de rêves
après son réveil, alors pourquoi toi tu continues à en avoir ?
- Je ne sais pas.
- Elle doit être ce qu’on appelle un oracle, intervient Altyon.
- Un oracle ? Tu es sérieux là, Alty ? lui répondit Agaéti. C’est très grave.
- Je ne vois pas d’autres explications.
- Qu’est-ce qu’un oracle ? finis-je par leur demander, curieuse.
Agaéti baissa la tête et ronchonna. Altyon pris la parole, en s’allumant une pipe d’où sortait une
fumée légère, à l’odeur épicée d’herbes et autres aromates.
- Les oracles sont très rares parmi nous. Ce sont des jeunes pousses qui continuent de rêver
malgré le fait qu’ils soient réveillés.
- Où est le problème ? Moi aussi je rêve régulièrement.
- Pour nous, ce n’est pas normal, Alia. Les rêves des autres espèces sont des projections des
énergies qui les entourent. Nous autres sylvaris ne rêvons plus une fois réveillés, car nos
rêves tiennent de l’augure. Ce que nous rêvons est une projection de l’avenir, souvent
imagée, qu’il faut décortiquer pour en comprendre le sens.
- Tu veux dire que Lianis a des visions de l’avenir ?
- C’est exactement cela.
- Pourquoi est-ce dangereux ?
- Les oracles sont des cibles privilégiées pour la Cour des Cauchemars, qui les traque sans
vergogne.
- Je comprends. Nous tâcherons de la protéger au mieux.
Chapitre 32 : Augures
- Bien sur, mais ce n’est pas tout. Le plus gros danger qui menace les oracles, c’est qu’ils
finissent par vivre à moitié.
- A moitié ?
- Comment dire ? Leur enveloppe charnelle est parmi nous certes, mais leur esprit finit par se
noyer et par perdre la notion de réalité. Ils se mélangent au rêve et à la réalité et ont de plus
en plus de mal à faire la différence entre ces deux mondes.
- Y a-t-il un remède ?
- A ma connaissance, non. Peut être que Mère nous en dira plus.
- Voulez-vous qu’on aille la voir ?
- Non non, tout ne se passe pas en un jour. Lianis a encore beaucoup de temps devant elle
avant de se perdre dans les méandres de l’onirique.
- D’accord. On s’occupe de ça après notre voyage ?
- Ça me semble judicieux.
- Mais de quoi parlait son rêve en fait ?
Devant moi, il y avait un volcan en éruption. Terrible. Des fleuves de lave coulaient sur ses pans
et se déversaient de ses flancs. Les roches et les scories chutaient tout autour de moi dans un
déversement apocalyptque. Tout en haut du volcan, je voyais Jormag luttant de toutes ses forces
contre des visages qui m’étaient familiers. Le dragon était acculé, le cratère mortel derrière lui, et il
luttait, il luttait avec l’énergie du désespoir, les ailes brisées, pour ne pas tomber dedans le cratère.
Étrangement, le dragon avait quatre têtes, je ne comprenais pas pourquoi. Les cieux ressemblaient à
une orbe ensoleillée dôtée de deux gigantesques ailes chatoyantes.
Derrière moi, il y avait le désert. Aride, froid, austère, dangereux. J’y voyais mes compagnons et moi-
même, à bout de force, se tenant devant un spectre gris et froid. Nous étions à genoux devant
l’entité, qui nous vidait de nos forces, et nous luttions énergiquement pour récupérer ce qui nous
appartenait. Derrière le spectre, il y avait Zhaïtan qui nous observait, sans bouger. Les cieux
ressemblaient à une orbe ensoleillée dôtée de deux gigantesques ailes chatoyantes.
Sous mes pieds, le sol se brisa. Des entrailles de la terre jaillit Primordus qui s’extirpa de sa prison
comme un tourbillon déchainé. Il s’arrêta un instant pour me fixer de son œil rouge plus grand que
moi - dans le reflet duquel je voyais les cendres de notre monde - avant de se diriger vers Ælwynn
toute proche qu’il enveloppa de son aile aussi doucement qu’une mère enlasserait son propre
enfant. En regardant la crevasse fraîchement ouverte, j’y voyais quatre asuras et une humaine
évoluant au milieu de ruines, en compagnie d’un moa doré aux ailes blanches. Zhaïtan s’engouffra
d’un coup dans les entrailles de la terre, et je perdis de vue, l’espace d’un instant, le petit groupe.
Lorsque je rouvris les yeux, tout avait disparu.
Je me retrouvais au milieu d’un désert gris et sans couleurs. En face de moi se tenait une petite fille
humaine, toute vêtue de rouge, dans les bras d’Ayrin qui pleurait. Avant même que je sache si la
petite fille était en vie, je me suis réveillée en sursaut. Le silence de la nuit me murmurait des mots
incompréhensibles, j’avais du mal à reprendre conscience de ce qui m’entourait.
Chapitre 32 : Augures
Ouais, un rêve quoi. On va pas en faire un steack. Moi aussi je rêve de trucs, des dragons à qui
je botte le train par exemple, et alors, on va pas en faire un fromage, si ? Le vent vivifiant
soufflait dans mon pelage tandis que Lianis racontait son songe. Pourquoi ai-je voulu les
aider ? Je m’en fous un peu de sa maman moi. Le truc, c’est que le Désert de Cristal est très peu
répertorié par mon peuple, si ça me permet d’obtenir des informations intéressantes sur ce lieu au
sud de la Citadelle Noire, ça me fera peut être une promotion.
Et puis merde, sans trop réfléchir, j’ai consenti à les aider. Bof, c’est pas pour me déplaire je pense, ils
se battent bien et, pour moi, c’est l’occasion de m’ouvrir aux autres cultures. Bon, si c’est pour parler
de rêves, ça va vite me gonfler. Mais depuis que les dragons se sont réveillés, la guerre entre les
charrs et les humains a pris fin. Ouais, une longue guerre sanglante que mon peuple remportait haut
la main. S’il n’y avait pas eu ces dragons de malheur, il n’y aurait plus eu d’humains sur ce continent,
et mon peuple aurait retrouvé ses terres ancestrales. Pourtant…
Pourtant, je finis par m’y habituer, à ces humains. Je fais partie de la nouvelle génération de charr,
notre guerre à nous, c’est celle qu’on livre aux dragons. Nos unions à nous, c’est celles que l’on
forme avec les autres peuples. Réussirons-nous à vivre dans la paix et l’harmonie même si les
dragons chutent ? C’est mettre la charrue avant le dolyak je pense. On verra bien.
Mais une chose est sure : je n’aime pas qu’on me dise ce que je dois penser des autres. Alors partir
en expédition avec d’autres expèces me permettra de me donner un avis qui me sera propre tout en
me déroullant un peu les muscles. Le désert est connu pour son inhospitalité, une bonne occasion de
m’aguerrir.
On a attendu l’après-midi pour partir. Alia espérait je ne sais trop quoi, le retour de Pan d’Orr peut
être, ou de Guess et des quatre asuras. Il n’en fut rien, Hoelbrak vaquait à ses occupations
habituelles sans rupture aucune dans sa monotonie. Alia finit par se lever et, en soupirant, nous
déclara :
- En route.
Le problème avec les déserts, en plus d’être arides et de posséder une faune sauvage pas très
sympathique, c’est que c’est grand. Lorsque Logan me fit le signalement de ma mère aux
alentours du désert, c’est tellement enjouée que je partis en oubliant de demander des détails.
Grossière erreur. Par où commencer ? Le groupe de Svynge en avait pour deux semaines aller-retour
si tout se passait bien, alors il me fallait relever le défi.
Il y avait plusieurs moyens d’accéder à cet espace : partir de l’Arche en bateau pour traverser les
régions d’Orr et débarquer au Détroit du Cristal où, paraît-il, une antique ville serait enterrée sous
des tonnes de sable. Trop long malheureusement, trop dangereux aussi (les régions d’Orr ne sont pas
encore tout à fait sécurisées, je n’aimerais guère me retrouver face à un kraken ou créature du
même genre). Il y avait bien entendu l’escale Noifaucon, celle qu’avait emprunté les Fils de la
Destinée il y a de cela des années. La plus rapide certes, mais depuis que Kralkatorrik a survolé la
région, ses pantins maléfiques patrouillent ces régions et ce serait courir au suicide que de traverser
ses armées pour retrouver mère. Il nous restait la possibilité de couper à travers les hautes chaines
Chapitre 32 : Augures
des Cimefroides, les antiques terres des nains, mais nous en aurions pour des semaines, sans
compter la dangerosité d’un tel voyage. Je ne voyais plus qu’une solution…
Sur le départ, une violente sonnerie nous fit tous sursauter. Je la reconnaissais que trop bien : la
machine à temps de Splif. Je l’avais totalement oublié celui-là ! Tout embrumé de sommeil, le voilà
en train de sortir de la demeure de Svynge, le regard hagard.
- Déjà le matin ? nous demanda-t-il, les yeux a demi clos, se frottant le visage énergiquement.
- Il est midi.
- Ah ? Tiens donc. Comme ça passe vite.
L’asura machonna et s’étira pour se réveiller.
- Quelle est la suite du programme ?
- Euh, les autres viennent de partir vers le Mont Maëlstrom et nous nous apprêtions à nous
rendre à l’Arche pour tenter de trouver une solution.
- Une solution ? Toujours prêt à vous aider. Dites-moi votre problème.
- Il nous faudrait parvenir au Désert de Cristal, assez rapidement en fait.
- Ah carrément ?
Splif se gratta la tête, plongé dans ses réflexions.
- Le Désert de Cristal. Oui oui oui. Je vois, j’ai peut être une idée. Quelle jour nous sommes ?
- Le deuxième de la saison du Phénix.
- J’ai peut-être bien une idée, finit-il par marmonner. Suivez-moi, fainénants, l’avenir
appartient à ceux qui n’ont pas de cernes !
Nous nous rendîmes à l’Arche dès le premier jour à la recherche d’un… Aéronef. Selon les
explications de notre asura, une de ses connaissances pourrait nous fournir un tel engin, ce qui nous
permettrait d’atteindre le désert en quelques jours. J’espère que sa connaissance est fiable, car je ne
vois pas comment financer une telle expédition.
- Restez là, je n’en ai pas pour long. Maître Splaf est un peu ronchon, je préfère le voir d’abord.
- Maître Splaf ?
- Tout à fait. Un grand charpentier c’est sur. Un asura de génie, si ce n’est que c’est mon père.
- Tiens donc ?
- Souhaitez-moi bonne chance.
- Pourquoi ?
Splif partit sans nous répondre. Nous attendîmes bêtement son retour la journée durant. Agacés de
son absence, nous nous rendîmes à la tombée de la nuit de nous-mêmes au quartier des artisans,
dans une partie excentrée de l’Arche. Qui avait tout du quartier des ateliers, où l’activité restait aussi
intense de jour comme de nuit, où les sons des marteaux se joignaient à la mélopée des scies, où les
vois hêlantes des chefs d’atelier réprimandaient les travaux des ouvriers… Toutes les races y étaient
réprésentées, et même des skritts comme des hyleks pouvaient se faire voir.
Un contremaître nous indiqua l’atelier du fameux Splaf, père de Splif : un bateau renversé dont la
coque faisait office de toiture. C’est qui le prochain ? Splouf ? Quoi qu’il en soit, je remarquai que
Chapitre 32 : Augures
derrière l’atelier se discernaient les mâts d’un aéronef. Un asura à la peau bleue gris se dirigea vers
notre petit groupe à notre approche.
- Mesdames et mesdames et messieurs, excelsior à vous. Que puis-je pour vous aider ?
- Excelsior à vous. Pourrions-nous nous adresser à Maître Splaf ?
- Lui-même, pour vous servir.
- Ah. Enchanté. Nous sommes ici sur les conseils de votre fils, Splif.
Le contremaître se renfrogna et d’une voix grave surenchérissa.
- Oui, que puis-je pour vous ?
- Et bien voilà, nous aimerions nous rendre au Désert de Cristal, le plus rapidement possible.
- Vous vous adressez à la bonne personne ! Splaf, organisateur de croisières et d’expéditions
pour les retraités, guide émérite et octolangue. Figurez-vous que je sais parler l’asurien bien
sur, l’humain, le charr, le sylvari, le skrittois, le quaggannais, et le zhaïtanique !
- Le zhaïtanique ?
- Oh, c’est une langue basée surtout sur des grognements, mais en y mettant les bonnes
intentions et intonations, vous pouvez entretenir de palpitantes discussions avec des
zombies.
- Hum… Oui, je vois. Et combien pour se rendre au dit désert.
- Tous ensemble ?
- Oui.
- Vous êtes tous majeurs ? Parce que, voyez-vous, nous faisons des réductions aux moins de
douze ans.
- J’ai 3 mois, répondit Lianis.
- Ah oui… Fichus sylvaris. Va falloir que je fasse un tarif spécial pour eux. Alors, voyons-voir,
trois sylvaris, une boule de poil et vous…
- Qui traites-tu de boule de poil, le nabot ? s’exclama Yaddle.
- Oh… Eh bien, vous, en fait.
- Tu vas voir !
- Non, Yaddle, non, reste calme je t’en prie, repris-je, une peu stressée.
Je savais une chose, il est toujours bon de ménager la susceptibilité des asuras.
- Humph.
- Donc, tout ce joli monde… Première ou troisième classe ?
- Euh… Troisième ?
- Bien bien. Ça fera quarante pièces d’or je vous prie.
- Combien ?
- Quarante.
- Mais c’est hors de prix !
- Eh, c’est que ça coûte cher ces petits engins, dit-il en montrant du doigt l’aéronef derrière le
bâtiment. Et le Désert de Cristal, c’est pas sans risque.
- Ne pouvons-nous pas trouver un arrangement ?
- Oh, si bien sur. Laissez-moi y réflechir et revenez me voir demain matin à la première heure.
Vos noms s’il vous plaît.
Chapitre 32 : Augures
Que nous lui donnâmes.
- Hum, dites-moi, reprit-il en se frottant le menton, vous êtes bien le groupe qui a occis le sbire
de Primordus, vulgairement appelé par un confrère le Flammotaure.
- C’est nous si… Un confrère ?
- J’ai mes sources.
- Vos sources ?
- Oui.
- Votre fils n’y serait pas pour quelque chose ?
- Cette limace ? Ce fils indigne ? Affronter un sbire de Primordus ? Ah ah, je me gausse ! Lui qui
n’est même pas capable de discerner un coupleur d’énergie d’une carotte, alors affronter
Primordus ! Non mais si vous croyez que me faire rire réduira le prix du tarif, vous vous
méprenez !
- Ah non, ce n’était pas notre intention.
Une courte pause s’immisça dans la discussion. Il reprit en relevant la tête, les yeux plus acérés.
- Repassez demain, nous pourrons peut-être trouver un arrangement.
- Très bien, merci à vous, maître Splaf.
Maître Splaf maître Splaf. Non mais y sait où il peut se le fourrer son titre ronflant ? Boule de
poil. Si ça ne tenait qu’à moi, je lui aurais fracassé la tête sur son épave et tout ça
appartiendrait au passé. Ça ne tient pas qu’à moi... Puis Splaf, et Splif, manquerait plus que
Splouf tiens ! La nuit fut très calme, au bout de laquelle nous sommes revenus sur le chantier. Après
quelques courbettes et conneries de ce genre, le maître nabot prit la parole :
- Bon, voilà le topo. Vous n’êtes pas sans savoir que mon peuple est né avec l’arrivée de
Primordus.
- Vous êtes liés au dragon, demanda Lianis, un peu inquiète ?
- Oui et non. Nous les asuras vivions sous terre avant que les dragons ne se réveillassent.
Manque de bol pour nous, Primordus est une grosse bébête, et lorsqu’il s’est étiré pour
prendre son envol, il a cassé tout simplement notre habitat (en croquant quelques habitants
au passage). Livrés-à nous-mêmes, nous n’avions plus d’autres choix que de vivre à la
surface.
- Comme les skritts non ?
Splaf devint rouge à travers sa peau bleue et fulminait !
- Ne nous comparez jamais, j’ai bien dit jamais ! A ces détritus de la nature. Bien compris ?!
- Compris.
- Où en étais-je. Ah oui, Rata Sum fondée, bla bla bla, les asuras qui sauvent la Tyrie, bla bla
bla. Le classique quoi. Et des ruines, des multitudes de ruine où sommeille le savoir des
anciens.
- Je commence à comprendre.
- Voilà le bidule : proche de l’Estuaire de Cristal, il y avait une merveille d’architecture, un lieu
magnificient et d’une richesse incomparable : la cité de Louran Sum, enfouie maintenant
Chapitre 32 : Augures
sous des tonnes de sable. Ce que je vous demande contre le prix de la croisière, c’est un petit
coup de main pour farfouiller dans les antiques couloirs.
- Eh oh, le nabot, tu nous prends pour tes larbins ou quoi ?
- Si ça peut vous éviter de payer. C’est ça ou quarante pièces d’or.
- Ça me va, répondit Alia. Vous autres ?
- Peu de Sylvaris ont du se rendre là-bas, nous sommes du voyage aussi.
- Yaddle ?
- Ah faites pas chier. Bien sur que je viens. Il faut bien quelqu’un pour veiller sur vous.
- Merci. Eh bien, maître Splaf, c’est quand vous voulez.
- À la bonne heure. Départ cette après-midi. Mais ce n’est pas tout.
- On vous écoute ?
- Vous allez emmener mon crétin de fils avec vous. Moins je l’aurai dans les pattes, mieux ce
sera pour moi.
- Il est d’accord ?
- Bien sur qu’il l’est. Splouf, va chercher ton frère, tout de suite !
- Bien papa.
Bon sang, il y a vraiment un Splouf dans cette famille ! Oh là là.
- Si vous me le perdez dans les couloirs de Louran Sum, je ne le compterai pas dans les
dédommagements. Par contre, la moindre rayure sur mon bébé, et il faudra payer, on est
bien d’accord ?
- Tout à fait. Votre bébé ?
- L’aéronef. Je vous fournis l’équipage nécessaire pour le vol, ma fille Splouf prendra la
direction des opérations pendant le voyage. Elle s’y connait et manie ce genre d’engin d’une
main de maître. Ramenez-moi autant d’artefacts que possible, nous évaluerons
objectivement leur valeur pour nous acquitter de la facture. Autre chose ?
- Non non, merci à vous. Nous prendrons grand soin de votre bébé.
- Très bien, alors bon voyage… Ah ! Te voilà toi, fils indigne ! File, que je ne te vois plus !
- Mais papa, c’était pas ma faute, je…
- Ne discute pas ! Tu écouteras tout ce que te dis Splouf et sans broncher, on est bien
d’accord ?
- Quoi ? Splouf vient aussi ? Mais je peux très bien le conduire moi ce vaisseau !
- Fils cruel, ne me fais pas rire, ça me fait mal aux côtes ! Tu n’as donc aucune pitié pour ton
vieux père ? Va-t-en, et que je ne te revois plus !
Splif partit en regardant le sol, contrarié et visiblement triste. Sa jovialité inhérente avait visiblement
disparu. Je pouvais comprendre, rien de pire que de s’attirer les foudres de son père, et ce dans tous
les peuples manifestement.
En farfouillant, en compagnie de Guess, dans les artefacts sommeillant dans les rares
demeures naines qui avaient échappées à l’incendie, je reconnus des traités de commerce
entre nains et asuras, dont l’origine était aussi lointaine que Louran Sum. Voilà quelque chose
de rare et d’une richesse historique exceptionnelle !
Chapitre 32 : Augures
- Oh, Guess, as-tu déjà entendu parler de Louran Sum quand tu étais à Rata Sum ?
- Maleheureusement non. C’était un sujet tabou à l’école, et on ne m’en parlait pas. Personne
ne voulait m’en parler. Une histoire qui m’était interdite. Jusque là, je pensais que vous
autres asuras, n’avaient que Rata Sum comme florilège et richesse de votre culture ?
Ah, décidément, cette Guess parle drôlement bien.
- Malheureusement si. Maintenant en tout cas. Il fut une époque où nos cités fleurissaient en
Tyrie, nombreuses sous terre, à l’instar des nains ou des fichus skritts. Louran Sum, c’était
notre cité commerçante la plus fastueuse à nous les asuras. Un comptoir de commerce et de
technologie où toutes les marchandises du monde y transitaient, où toutes les langues
étaient parlées, où toutes les cultures, ou presque, y étaient mélangées. Mais quand le
maître des profondeurs, je nomme Primordus, s’est réveillé, il a tout ravagé et nous n’eûmes
d’autres choix que de fuir à la surface. Oh, certains peuples comme les nains ont eu le
courage ou la folie de rester sous terre mais nous autres, nous préférâmes reculer pour
mieux contre-attaquer.
- Je vois.
- Louran-Sum, c’était quelque chose ! Une splendeur qui s’épanouissait dans les contrées
arides du désert. Le joyau du désert. Telle un iceberg, seuls quelques minarets et pyramides
fleurissaient à la surface. Mais sous cette petite forêt de toitures, la cité s’étendait des lieues
sous le sable, aussi loin qu’au cœur de la terre. Rata Sum à côté, ce n’est qu’une pâle copie
dix fois, non que dis-je, cent fois inférieure en taille et en beauté à côté de Louran Sum.
- Et maintenant ?
- Primordus était trop occupé pour prendre possession des lieux et maintenant ? C’est un
tombeau dont les couloirs silencieux et poussiérieux sont arpentés, dit-on, par divers
charognards, golems défectueux et spectres.
- Des spectres ?
- Des fantômes, des esprits égarés comme vous les appeleriez vous les humains.
- Comme ceux d’Ascalon ?
- Oui, pas exactement. Les rares rescapés qui reviennent des couloirs hantés en parlent, à
travers leur folie, comme d’esprits indépendants, des fantômes libres et de toute espèce,
contrairement à ceux d’Ascalon qui sont rattachés à leur roi défunt.
- De toute espèce ?
- Des spectres de tout genre oui.
- Tu comptes t’y rendre un jour Aboune ?
- Ah ah ! Non ! Il faudrait être fou, complètement fou et suicidaire, pour aller là-bas !
Le contrat était signé, nous voilà maintenant archéologues du patrimoine asura prêts à faire
les poussières de Louran Sum pour récupérer quelques bibelots appartenant à de lointaines
époques. Les pales de l’aéronef vrombrissaient. La machine tremblait et des spasmes se
saisissaient d’elles maintenant. Les voiles s’agitaient, se gonflaient. La magie se faisait sentir à plein
nez. Dans un toussotement grinçant des machines, le métal crissa d’abord, puis l’engin prit son envol
lourdement. Les matelots couraient dans tous les sens sur le pont, ici pour élever une voile, là-bas
Chapitre 32 : Augures
pour délier un cordage, plus loin pour donner des ordres. Une vraie petite fourmilière d’une
vingtaine de membres que nous regardions faire.
Déjà l’Arche du Lion se dessinait en contrebas. Certains habitants nous faisaient signe de la main, et
leurs sihouettes disparaissant à mesure que nous nous élevions dans le ciel. L’aéronef finit par
tourner sur lui-même, laissant le soleil dans nos dos.
- Louran Sum, nous voilà ! s’écria Splif.
Il récupère vite, notre fils indigne… Les hélices gagnèrent en intensité et battèrent des ailes à toute
allure. L’aéronef avança timidement puis gagna en vitesse progressivement. L’Arche était déjà
derrière nous lorsque l’aéronef était au meilleur de sa vitesse. L’ingéniosité des autres peuples est
surprenante et ne cessera de m’émerveiller.
Au dire de maître Splouf, petite sœur de l’indigne Splif, il nous faudrait quatre jours de voyage
pour se rendre à bon port. Je ne sais pas si j’ai fait le bon choix, mais il fallait en faire un de
toute façon. Sans plus d’informations pour retrouver ma mère, il fallait bien que je tente ma
chance quelque part. Et, à vrai dire, l’estuaire de Louran Sum me semblait être un bon départ. Peut-
être y trouverais-je des indices quant à la présence de ma maman. Maman… Pourquoi es-tu partie
aussi loin ? Qu’est-ce qui t’a poussé à m’abandonner pour te rendre dans des contrées aussi
hostiles ? Prends soin de toi, je t’en prie.
Les paysages se succédaient au gré de la rapide avancée de notre vaisseau. A bâbord se discernaient
les brumes éternelles des marais de Lumillule. Un chemin meurtrier et hostile pour qui ose affronter
les brumes. Un chemin potentiel pour nos amis… J’espère qu’ils s’en sortent bien et qu’ils auront su
trouver meilleure route. A tribord, les hautes chaînes des Cimefroides, aux sommets enneigés pour
l’éternité. En dessous, nos compagnons, et le tombeau d’Ayrin. Paix à son âme.
L’aéronef filait à toute allure. Les matelots maintenant se prélassaient sur le pont, en vérifiant
occasionnellement les machineries. Des humains, des asuras, et même des norns. Je vins m’encquérir
auprès du capitaine de l’équipage, qui n’est autre que Splif lui-même, bien sûr.
- Maître Splouf ?
- Madame Arkady ?
- Comment va se dérouler l’exploration ?
- Oh, facile. Nous amarrons l’aéronef au-dessus des ruines. Nous descendons. Nous explorons.
- Ces ruines ont la fâcheuse réputation d’être maudites.
- Ce ne sont que des rumeurs.
- Mmh. Il faudra rester vigilant tout de même.
- Bien sûr, la vigilance, ça nous connaît nous les asuras. Quoi que..
Elle fixait son frère en terminant sa phrase.
- Enfin, presque tous.
- Qu’est-ce qui s’est passé avec votre frère ?
Chapitre 32 : Augures
- Un conseil, madame Arkady, ne vous mêlez pas de cette histoire. Il y a des choses qu’il vaut
mieux ne pas savoir. Mais pour vous éclaircir un peu les méninges, Splif est probablement
l’asura le plus maladroit du monde.
Allez donc dire ça à Nezumy… Quatre jours où les magnifiques paysages se succédaient sous nos yeux
émerveillés. Le désert se dessinait enfin à la fin du quatrième jour, après avoir franchi l’immense
détroit qui le sépare du reste du continent. Le soleil se couchait à l’horizon, projetant de magnifiques
couleurs orangées tout autour de nous, reflet de la mer de sable que nous survolions maintenant,
dont les dunes formaient des vagues figées dans le temps. Le delta se dessinait enfin.
Tous les matelots se mirent au travail. Le même manège qu’au départ, mais dans l’autre sens cette
fois-ci. Ces gens connaissaient bien leur métier et notre vaisseau s’ammarra au pied d’une dune, se
posant doucement, sans aucun choc notoire. Dans les ombres tombantes du crépuscule se
dessinaient les toitures de quelques minarets se dégageant du sable, des petites pyramides à jamais
ensevelies sous ce désert, où seules quelques reliques s’extirpaient du sable, comme pour témoigner
de leur magnificence une dernière fois aux visiteurs de passage.
- Nous dormirons dans le clocher de ce minaret. Demain, nous commencerons nos recherches,
s’exclama Splif, tout enjoué et impatient qu’il était maintenant.
Le bivouac installé, les rondes de garde réparties, je me laissai aller à un sommeil reposant. Le vent
soufflait fort et le sable nous fouettait au visage quand nous n’étions pas à l’abri dans nos tentes. Il
gagna même en intensité dans la nuit, et son souffle projettait parfois des cris, du moins pourrait-on
penser à des cris, à des hurlements, qui m’empêchaient de trouver le sommeil. Au milieu de toutes
ces clameurs, un chuchotement me vint aux oreilles.
- Ma fille. Ma tendre, ma bien-aimée… Je suis désolée.
Je sortis en trombe de ma tente. Il n’y avait rien, strictement rien, à part les hurlements que
projettaient le vent, tout était calme. Et un oiseau qui m’était inconnu, aux ailes blanches, devant la
tente, prit son envol à mon approche. L’augure ne présageait rien de bon. Je n’aurais retrouvé que
difficilement le sommeil avant le départ du groupe au bon matin, annoncé par la diabolique sonnerie
de la machine à temps…
J’ai fait un nouveau rêve cette nuit-là. Dans un néant était agenouillée Alia, deux grandes ailes
blanches et brillantes battaient doucement dans son dos. Elle me tenait dans ses bras. La vie
s’échappait avec délice de mon corps meurtri. Je voyais son visage mat. Des larmes de sang
coulaient de ses yeux.

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  • 1. Chapitre 32 : Augures
  • 2. Chapitre 32 : Augures : Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste) : Svynge (norn, gardienne) : Nezumy (asura, ingénieur) : Pug (asura, élémentaliste) : Alia Arkady (humaine, voleuse) : Shalimar (sylvari, élémentaliste) : Ayrin Fields (humaine, guerrière) : Aboune (asura, envoûteur) : Stathor (asura, ingénieur) : Guess (humaine, élémentaliste) : Lianis (sylvari, élémentaliste) : Agaéti (sylvari, gardienne) : Lazare (humain, nécromant) : Pogonar (humain, guerrier) : Gledinia (norn, rôdeuse) : Pajim (norn, rôdeuse) : Yaddle (charr, guerrière) : Oméga (asura, guerrier) : Pan d’Orr ( ?)
  • 3. Chapitre 32 : Augures Sur le seuil de la demeure de Svynge, méditative, je regardais le petit groupe sortir d’Hoelbrak de bon matin pour se rendre au Mont Maëlstrom afin de détruire cette malédiction que représentait Jormun-Anda. Aboune et les autres n’étaient toujours pas revenus et continuaient de rechercher, du moins je l’espère, quelques choses dans l’antre de Primordus. Pan d’Orr, enfin, avait disparu, et ça, ça ne m’enchantait guère. Même si ces derniers jours elle semblait relativement plus proche de nous et plus « humaine » dans son attitude, ce n’est pas pour autant que je lui accordais plus de confiance. Il y a quelquechose que je ne sentais pas dans cette fille, elle n’était pas sincère avec nous. Je ne sais pas ce qu’en pensaient les autres et, à dire vrai, je ne voulais pas leur embrouiller l’esprit avec mes sombres doutes, d’autant plus qu’ils ont la gentillesse de m’accompagner dans la dangereuse traversée du Désert de Cristal et ça, ce n’est pas donné à tout le monde. Je sais que Svynge s’en contrefous de la disparition de Pan d’Orr, qu’Aelwynn est autant distante que moi par rapport à elle, que Nezumy aime tout le monde, que Lazare est inconsolable et qu’Aboune avait une attitude digne de la plus grande suspicion auprès de Pan d’Orr. Autrement, les autres n’y prêtaient guère d’attention au final, à première vue, ce qui n’est pas plus mal. Le petit groupe avait fini par passer l’imposante porte barricadée d’Hoelbrak et leurs silhouettes disparurent de nos champs de vision. Il ne restait plus que les trois sylvaris, Lianis, Agaéti, Altyon, et la charr Yaddle et moi enfin. Concentrée sur mes expectatives, j’écoutais d’une demi oreille le dialogue qui s’était noué entre les trois sylvaris, à commencer par Lianis qui parla en ces termes : - J’ai encore fait un rêve cette nuit. - Encore ? lui répondit Agaéti. C’est très étrange. Un sylvari n’est plus censé avoir de rêves après son réveil, alors pourquoi toi tu continues à en avoir ? - Je ne sais pas. - Elle doit être ce qu’on appelle un oracle, intervient Altyon. - Un oracle ? Tu es sérieux là, Alty ? lui répondit Agaéti. C’est très grave. - Je ne vois pas d’autres explications. - Qu’est-ce qu’un oracle ? finis-je par leur demander, curieuse. Agaéti baissa la tête et ronchonna. Altyon pris la parole, en s’allumant une pipe d’où sortait une fumée légère, à l’odeur épicée d’herbes et autres aromates. - Les oracles sont très rares parmi nous. Ce sont des jeunes pousses qui continuent de rêver malgré le fait qu’ils soient réveillés. - Où est le problème ? Moi aussi je rêve régulièrement. - Pour nous, ce n’est pas normal, Alia. Les rêves des autres espèces sont des projections des énergies qui les entourent. Nous autres sylvaris ne rêvons plus une fois réveillés, car nos rêves tiennent de l’augure. Ce que nous rêvons est une projection de l’avenir, souvent imagée, qu’il faut décortiquer pour en comprendre le sens. - Tu veux dire que Lianis a des visions de l’avenir ? - C’est exactement cela. - Pourquoi est-ce dangereux ? - Les oracles sont des cibles privilégiées pour la Cour des Cauchemars, qui les traque sans vergogne. - Je comprends. Nous tâcherons de la protéger au mieux.
  • 4. Chapitre 32 : Augures - Bien sur, mais ce n’est pas tout. Le plus gros danger qui menace les oracles, c’est qu’ils finissent par vivre à moitié. - A moitié ? - Comment dire ? Leur enveloppe charnelle est parmi nous certes, mais leur esprit finit par se noyer et par perdre la notion de réalité. Ils se mélangent au rêve et à la réalité et ont de plus en plus de mal à faire la différence entre ces deux mondes. - Y a-t-il un remède ? - A ma connaissance, non. Peut être que Mère nous en dira plus. - Voulez-vous qu’on aille la voir ? - Non non, tout ne se passe pas en un jour. Lianis a encore beaucoup de temps devant elle avant de se perdre dans les méandres de l’onirique. - D’accord. On s’occupe de ça après notre voyage ? - Ça me semble judicieux. - Mais de quoi parlait son rêve en fait ? Devant moi, il y avait un volcan en éruption. Terrible. Des fleuves de lave coulaient sur ses pans et se déversaient de ses flancs. Les roches et les scories chutaient tout autour de moi dans un déversement apocalyptque. Tout en haut du volcan, je voyais Jormag luttant de toutes ses forces contre des visages qui m’étaient familiers. Le dragon était acculé, le cratère mortel derrière lui, et il luttait, il luttait avec l’énergie du désespoir, les ailes brisées, pour ne pas tomber dedans le cratère. Étrangement, le dragon avait quatre têtes, je ne comprenais pas pourquoi. Les cieux ressemblaient à une orbe ensoleillée dôtée de deux gigantesques ailes chatoyantes. Derrière moi, il y avait le désert. Aride, froid, austère, dangereux. J’y voyais mes compagnons et moi- même, à bout de force, se tenant devant un spectre gris et froid. Nous étions à genoux devant l’entité, qui nous vidait de nos forces, et nous luttions énergiquement pour récupérer ce qui nous appartenait. Derrière le spectre, il y avait Zhaïtan qui nous observait, sans bouger. Les cieux ressemblaient à une orbe ensoleillée dôtée de deux gigantesques ailes chatoyantes. Sous mes pieds, le sol se brisa. Des entrailles de la terre jaillit Primordus qui s’extirpa de sa prison comme un tourbillon déchainé. Il s’arrêta un instant pour me fixer de son œil rouge plus grand que moi - dans le reflet duquel je voyais les cendres de notre monde - avant de se diriger vers Ælwynn toute proche qu’il enveloppa de son aile aussi doucement qu’une mère enlasserait son propre enfant. En regardant la crevasse fraîchement ouverte, j’y voyais quatre asuras et une humaine évoluant au milieu de ruines, en compagnie d’un moa doré aux ailes blanches. Zhaïtan s’engouffra d’un coup dans les entrailles de la terre, et je perdis de vue, l’espace d’un instant, le petit groupe. Lorsque je rouvris les yeux, tout avait disparu. Je me retrouvais au milieu d’un désert gris et sans couleurs. En face de moi se tenait une petite fille humaine, toute vêtue de rouge, dans les bras d’Ayrin qui pleurait. Avant même que je sache si la petite fille était en vie, je me suis réveillée en sursaut. Le silence de la nuit me murmurait des mots incompréhensibles, j’avais du mal à reprendre conscience de ce qui m’entourait.
  • 5. Chapitre 32 : Augures Ouais, un rêve quoi. On va pas en faire un steack. Moi aussi je rêve de trucs, des dragons à qui je botte le train par exemple, et alors, on va pas en faire un fromage, si ? Le vent vivifiant soufflait dans mon pelage tandis que Lianis racontait son songe. Pourquoi ai-je voulu les aider ? Je m’en fous un peu de sa maman moi. Le truc, c’est que le Désert de Cristal est très peu répertorié par mon peuple, si ça me permet d’obtenir des informations intéressantes sur ce lieu au sud de la Citadelle Noire, ça me fera peut être une promotion. Et puis merde, sans trop réfléchir, j’ai consenti à les aider. Bof, c’est pas pour me déplaire je pense, ils se battent bien et, pour moi, c’est l’occasion de m’ouvrir aux autres cultures. Bon, si c’est pour parler de rêves, ça va vite me gonfler. Mais depuis que les dragons se sont réveillés, la guerre entre les charrs et les humains a pris fin. Ouais, une longue guerre sanglante que mon peuple remportait haut la main. S’il n’y avait pas eu ces dragons de malheur, il n’y aurait plus eu d’humains sur ce continent, et mon peuple aurait retrouvé ses terres ancestrales. Pourtant… Pourtant, je finis par m’y habituer, à ces humains. Je fais partie de la nouvelle génération de charr, notre guerre à nous, c’est celle qu’on livre aux dragons. Nos unions à nous, c’est celles que l’on forme avec les autres peuples. Réussirons-nous à vivre dans la paix et l’harmonie même si les dragons chutent ? C’est mettre la charrue avant le dolyak je pense. On verra bien. Mais une chose est sure : je n’aime pas qu’on me dise ce que je dois penser des autres. Alors partir en expédition avec d’autres expèces me permettra de me donner un avis qui me sera propre tout en me déroullant un peu les muscles. Le désert est connu pour son inhospitalité, une bonne occasion de m’aguerrir. On a attendu l’après-midi pour partir. Alia espérait je ne sais trop quoi, le retour de Pan d’Orr peut être, ou de Guess et des quatre asuras. Il n’en fut rien, Hoelbrak vaquait à ses occupations habituelles sans rupture aucune dans sa monotonie. Alia finit par se lever et, en soupirant, nous déclara : - En route. Le problème avec les déserts, en plus d’être arides et de posséder une faune sauvage pas très sympathique, c’est que c’est grand. Lorsque Logan me fit le signalement de ma mère aux alentours du désert, c’est tellement enjouée que je partis en oubliant de demander des détails. Grossière erreur. Par où commencer ? Le groupe de Svynge en avait pour deux semaines aller-retour si tout se passait bien, alors il me fallait relever le défi. Il y avait plusieurs moyens d’accéder à cet espace : partir de l’Arche en bateau pour traverser les régions d’Orr et débarquer au Détroit du Cristal où, paraît-il, une antique ville serait enterrée sous des tonnes de sable. Trop long malheureusement, trop dangereux aussi (les régions d’Orr ne sont pas encore tout à fait sécurisées, je n’aimerais guère me retrouver face à un kraken ou créature du même genre). Il y avait bien entendu l’escale Noifaucon, celle qu’avait emprunté les Fils de la Destinée il y a de cela des années. La plus rapide certes, mais depuis que Kralkatorrik a survolé la région, ses pantins maléfiques patrouillent ces régions et ce serait courir au suicide que de traverser ses armées pour retrouver mère. Il nous restait la possibilité de couper à travers les hautes chaines
  • 6. Chapitre 32 : Augures des Cimefroides, les antiques terres des nains, mais nous en aurions pour des semaines, sans compter la dangerosité d’un tel voyage. Je ne voyais plus qu’une solution… Sur le départ, une violente sonnerie nous fit tous sursauter. Je la reconnaissais que trop bien : la machine à temps de Splif. Je l’avais totalement oublié celui-là ! Tout embrumé de sommeil, le voilà en train de sortir de la demeure de Svynge, le regard hagard. - Déjà le matin ? nous demanda-t-il, les yeux a demi clos, se frottant le visage énergiquement. - Il est midi. - Ah ? Tiens donc. Comme ça passe vite. L’asura machonna et s’étira pour se réveiller. - Quelle est la suite du programme ? - Euh, les autres viennent de partir vers le Mont Maëlstrom et nous nous apprêtions à nous rendre à l’Arche pour tenter de trouver une solution. - Une solution ? Toujours prêt à vous aider. Dites-moi votre problème. - Il nous faudrait parvenir au Désert de Cristal, assez rapidement en fait. - Ah carrément ? Splif se gratta la tête, plongé dans ses réflexions. - Le Désert de Cristal. Oui oui oui. Je vois, j’ai peut être une idée. Quelle jour nous sommes ? - Le deuxième de la saison du Phénix. - J’ai peut-être bien une idée, finit-il par marmonner. Suivez-moi, fainénants, l’avenir appartient à ceux qui n’ont pas de cernes ! Nous nous rendîmes à l’Arche dès le premier jour à la recherche d’un… Aéronef. Selon les explications de notre asura, une de ses connaissances pourrait nous fournir un tel engin, ce qui nous permettrait d’atteindre le désert en quelques jours. J’espère que sa connaissance est fiable, car je ne vois pas comment financer une telle expédition. - Restez là, je n’en ai pas pour long. Maître Splaf est un peu ronchon, je préfère le voir d’abord. - Maître Splaf ? - Tout à fait. Un grand charpentier c’est sur. Un asura de génie, si ce n’est que c’est mon père. - Tiens donc ? - Souhaitez-moi bonne chance. - Pourquoi ? Splif partit sans nous répondre. Nous attendîmes bêtement son retour la journée durant. Agacés de son absence, nous nous rendîmes à la tombée de la nuit de nous-mêmes au quartier des artisans, dans une partie excentrée de l’Arche. Qui avait tout du quartier des ateliers, où l’activité restait aussi intense de jour comme de nuit, où les sons des marteaux se joignaient à la mélopée des scies, où les vois hêlantes des chefs d’atelier réprimandaient les travaux des ouvriers… Toutes les races y étaient réprésentées, et même des skritts comme des hyleks pouvaient se faire voir. Un contremaître nous indiqua l’atelier du fameux Splaf, père de Splif : un bateau renversé dont la coque faisait office de toiture. C’est qui le prochain ? Splouf ? Quoi qu’il en soit, je remarquai que
  • 7. Chapitre 32 : Augures derrière l’atelier se discernaient les mâts d’un aéronef. Un asura à la peau bleue gris se dirigea vers notre petit groupe à notre approche. - Mesdames et mesdames et messieurs, excelsior à vous. Que puis-je pour vous aider ? - Excelsior à vous. Pourrions-nous nous adresser à Maître Splaf ? - Lui-même, pour vous servir. - Ah. Enchanté. Nous sommes ici sur les conseils de votre fils, Splif. Le contremaître se renfrogna et d’une voix grave surenchérissa. - Oui, que puis-je pour vous ? - Et bien voilà, nous aimerions nous rendre au Désert de Cristal, le plus rapidement possible. - Vous vous adressez à la bonne personne ! Splaf, organisateur de croisières et d’expéditions pour les retraités, guide émérite et octolangue. Figurez-vous que je sais parler l’asurien bien sur, l’humain, le charr, le sylvari, le skrittois, le quaggannais, et le zhaïtanique ! - Le zhaïtanique ? - Oh, c’est une langue basée surtout sur des grognements, mais en y mettant les bonnes intentions et intonations, vous pouvez entretenir de palpitantes discussions avec des zombies. - Hum… Oui, je vois. Et combien pour se rendre au dit désert. - Tous ensemble ? - Oui. - Vous êtes tous majeurs ? Parce que, voyez-vous, nous faisons des réductions aux moins de douze ans. - J’ai 3 mois, répondit Lianis. - Ah oui… Fichus sylvaris. Va falloir que je fasse un tarif spécial pour eux. Alors, voyons-voir, trois sylvaris, une boule de poil et vous… - Qui traites-tu de boule de poil, le nabot ? s’exclama Yaddle. - Oh… Eh bien, vous, en fait. - Tu vas voir ! - Non, Yaddle, non, reste calme je t’en prie, repris-je, une peu stressée. Je savais une chose, il est toujours bon de ménager la susceptibilité des asuras. - Humph. - Donc, tout ce joli monde… Première ou troisième classe ? - Euh… Troisième ? - Bien bien. Ça fera quarante pièces d’or je vous prie. - Combien ? - Quarante. - Mais c’est hors de prix ! - Eh, c’est que ça coûte cher ces petits engins, dit-il en montrant du doigt l’aéronef derrière le bâtiment. Et le Désert de Cristal, c’est pas sans risque. - Ne pouvons-nous pas trouver un arrangement ? - Oh, si bien sur. Laissez-moi y réflechir et revenez me voir demain matin à la première heure. Vos noms s’il vous plaît.
  • 8. Chapitre 32 : Augures Que nous lui donnâmes. - Hum, dites-moi, reprit-il en se frottant le menton, vous êtes bien le groupe qui a occis le sbire de Primordus, vulgairement appelé par un confrère le Flammotaure. - C’est nous si… Un confrère ? - J’ai mes sources. - Vos sources ? - Oui. - Votre fils n’y serait pas pour quelque chose ? - Cette limace ? Ce fils indigne ? Affronter un sbire de Primordus ? Ah ah, je me gausse ! Lui qui n’est même pas capable de discerner un coupleur d’énergie d’une carotte, alors affronter Primordus ! Non mais si vous croyez que me faire rire réduira le prix du tarif, vous vous méprenez ! - Ah non, ce n’était pas notre intention. Une courte pause s’immisça dans la discussion. Il reprit en relevant la tête, les yeux plus acérés. - Repassez demain, nous pourrons peut-être trouver un arrangement. - Très bien, merci à vous, maître Splaf. Maître Splaf maître Splaf. Non mais y sait où il peut se le fourrer son titre ronflant ? Boule de poil. Si ça ne tenait qu’à moi, je lui aurais fracassé la tête sur son épave et tout ça appartiendrait au passé. Ça ne tient pas qu’à moi... Puis Splaf, et Splif, manquerait plus que Splouf tiens ! La nuit fut très calme, au bout de laquelle nous sommes revenus sur le chantier. Après quelques courbettes et conneries de ce genre, le maître nabot prit la parole : - Bon, voilà le topo. Vous n’êtes pas sans savoir que mon peuple est né avec l’arrivée de Primordus. - Vous êtes liés au dragon, demanda Lianis, un peu inquiète ? - Oui et non. Nous les asuras vivions sous terre avant que les dragons ne se réveillassent. Manque de bol pour nous, Primordus est une grosse bébête, et lorsqu’il s’est étiré pour prendre son envol, il a cassé tout simplement notre habitat (en croquant quelques habitants au passage). Livrés-à nous-mêmes, nous n’avions plus d’autres choix que de vivre à la surface. - Comme les skritts non ? Splaf devint rouge à travers sa peau bleue et fulminait ! - Ne nous comparez jamais, j’ai bien dit jamais ! A ces détritus de la nature. Bien compris ?! - Compris. - Où en étais-je. Ah oui, Rata Sum fondée, bla bla bla, les asuras qui sauvent la Tyrie, bla bla bla. Le classique quoi. Et des ruines, des multitudes de ruine où sommeille le savoir des anciens. - Je commence à comprendre. - Voilà le bidule : proche de l’Estuaire de Cristal, il y avait une merveille d’architecture, un lieu magnificient et d’une richesse incomparable : la cité de Louran Sum, enfouie maintenant
  • 9. Chapitre 32 : Augures sous des tonnes de sable. Ce que je vous demande contre le prix de la croisière, c’est un petit coup de main pour farfouiller dans les antiques couloirs. - Eh oh, le nabot, tu nous prends pour tes larbins ou quoi ? - Si ça peut vous éviter de payer. C’est ça ou quarante pièces d’or. - Ça me va, répondit Alia. Vous autres ? - Peu de Sylvaris ont du se rendre là-bas, nous sommes du voyage aussi. - Yaddle ? - Ah faites pas chier. Bien sur que je viens. Il faut bien quelqu’un pour veiller sur vous. - Merci. Eh bien, maître Splaf, c’est quand vous voulez. - À la bonne heure. Départ cette après-midi. Mais ce n’est pas tout. - On vous écoute ? - Vous allez emmener mon crétin de fils avec vous. Moins je l’aurai dans les pattes, mieux ce sera pour moi. - Il est d’accord ? - Bien sur qu’il l’est. Splouf, va chercher ton frère, tout de suite ! - Bien papa. Bon sang, il y a vraiment un Splouf dans cette famille ! Oh là là. - Si vous me le perdez dans les couloirs de Louran Sum, je ne le compterai pas dans les dédommagements. Par contre, la moindre rayure sur mon bébé, et il faudra payer, on est bien d’accord ? - Tout à fait. Votre bébé ? - L’aéronef. Je vous fournis l’équipage nécessaire pour le vol, ma fille Splouf prendra la direction des opérations pendant le voyage. Elle s’y connait et manie ce genre d’engin d’une main de maître. Ramenez-moi autant d’artefacts que possible, nous évaluerons objectivement leur valeur pour nous acquitter de la facture. Autre chose ? - Non non, merci à vous. Nous prendrons grand soin de votre bébé. - Très bien, alors bon voyage… Ah ! Te voilà toi, fils indigne ! File, que je ne te vois plus ! - Mais papa, c’était pas ma faute, je… - Ne discute pas ! Tu écouteras tout ce que te dis Splouf et sans broncher, on est bien d’accord ? - Quoi ? Splouf vient aussi ? Mais je peux très bien le conduire moi ce vaisseau ! - Fils cruel, ne me fais pas rire, ça me fait mal aux côtes ! Tu n’as donc aucune pitié pour ton vieux père ? Va-t-en, et que je ne te revois plus ! Splif partit en regardant le sol, contrarié et visiblement triste. Sa jovialité inhérente avait visiblement disparu. Je pouvais comprendre, rien de pire que de s’attirer les foudres de son père, et ce dans tous les peuples manifestement. En farfouillant, en compagnie de Guess, dans les artefacts sommeillant dans les rares demeures naines qui avaient échappées à l’incendie, je reconnus des traités de commerce entre nains et asuras, dont l’origine était aussi lointaine que Louran Sum. Voilà quelque chose de rare et d’une richesse historique exceptionnelle !
  • 10. Chapitre 32 : Augures - Oh, Guess, as-tu déjà entendu parler de Louran Sum quand tu étais à Rata Sum ? - Maleheureusement non. C’était un sujet tabou à l’école, et on ne m’en parlait pas. Personne ne voulait m’en parler. Une histoire qui m’était interdite. Jusque là, je pensais que vous autres asuras, n’avaient que Rata Sum comme florilège et richesse de votre culture ? Ah, décidément, cette Guess parle drôlement bien. - Malheureusement si. Maintenant en tout cas. Il fut une époque où nos cités fleurissaient en Tyrie, nombreuses sous terre, à l’instar des nains ou des fichus skritts. Louran Sum, c’était notre cité commerçante la plus fastueuse à nous les asuras. Un comptoir de commerce et de technologie où toutes les marchandises du monde y transitaient, où toutes les langues étaient parlées, où toutes les cultures, ou presque, y étaient mélangées. Mais quand le maître des profondeurs, je nomme Primordus, s’est réveillé, il a tout ravagé et nous n’eûmes d’autres choix que de fuir à la surface. Oh, certains peuples comme les nains ont eu le courage ou la folie de rester sous terre mais nous autres, nous préférâmes reculer pour mieux contre-attaquer. - Je vois. - Louran-Sum, c’était quelque chose ! Une splendeur qui s’épanouissait dans les contrées arides du désert. Le joyau du désert. Telle un iceberg, seuls quelques minarets et pyramides fleurissaient à la surface. Mais sous cette petite forêt de toitures, la cité s’étendait des lieues sous le sable, aussi loin qu’au cœur de la terre. Rata Sum à côté, ce n’est qu’une pâle copie dix fois, non que dis-je, cent fois inférieure en taille et en beauté à côté de Louran Sum. - Et maintenant ? - Primordus était trop occupé pour prendre possession des lieux et maintenant ? C’est un tombeau dont les couloirs silencieux et poussiérieux sont arpentés, dit-on, par divers charognards, golems défectueux et spectres. - Des spectres ? - Des fantômes, des esprits égarés comme vous les appeleriez vous les humains. - Comme ceux d’Ascalon ? - Oui, pas exactement. Les rares rescapés qui reviennent des couloirs hantés en parlent, à travers leur folie, comme d’esprits indépendants, des fantômes libres et de toute espèce, contrairement à ceux d’Ascalon qui sont rattachés à leur roi défunt. - De toute espèce ? - Des spectres de tout genre oui. - Tu comptes t’y rendre un jour Aboune ? - Ah ah ! Non ! Il faudrait être fou, complètement fou et suicidaire, pour aller là-bas ! Le contrat était signé, nous voilà maintenant archéologues du patrimoine asura prêts à faire les poussières de Louran Sum pour récupérer quelques bibelots appartenant à de lointaines époques. Les pales de l’aéronef vrombrissaient. La machine tremblait et des spasmes se saisissaient d’elles maintenant. Les voiles s’agitaient, se gonflaient. La magie se faisait sentir à plein nez. Dans un toussotement grinçant des machines, le métal crissa d’abord, puis l’engin prit son envol lourdement. Les matelots couraient dans tous les sens sur le pont, ici pour élever une voile, là-bas
  • 11. Chapitre 32 : Augures pour délier un cordage, plus loin pour donner des ordres. Une vraie petite fourmilière d’une vingtaine de membres que nous regardions faire. Déjà l’Arche du Lion se dessinait en contrebas. Certains habitants nous faisaient signe de la main, et leurs sihouettes disparaissant à mesure que nous nous élevions dans le ciel. L’aéronef finit par tourner sur lui-même, laissant le soleil dans nos dos. - Louran Sum, nous voilà ! s’écria Splif. Il récupère vite, notre fils indigne… Les hélices gagnèrent en intensité et battèrent des ailes à toute allure. L’aéronef avança timidement puis gagna en vitesse progressivement. L’Arche était déjà derrière nous lorsque l’aéronef était au meilleur de sa vitesse. L’ingéniosité des autres peuples est surprenante et ne cessera de m’émerveiller. Au dire de maître Splouf, petite sœur de l’indigne Splif, il nous faudrait quatre jours de voyage pour se rendre à bon port. Je ne sais pas si j’ai fait le bon choix, mais il fallait en faire un de toute façon. Sans plus d’informations pour retrouver ma mère, il fallait bien que je tente ma chance quelque part. Et, à vrai dire, l’estuaire de Louran Sum me semblait être un bon départ. Peut- être y trouverais-je des indices quant à la présence de ma maman. Maman… Pourquoi es-tu partie aussi loin ? Qu’est-ce qui t’a poussé à m’abandonner pour te rendre dans des contrées aussi hostiles ? Prends soin de toi, je t’en prie. Les paysages se succédaient au gré de la rapide avancée de notre vaisseau. A bâbord se discernaient les brumes éternelles des marais de Lumillule. Un chemin meurtrier et hostile pour qui ose affronter les brumes. Un chemin potentiel pour nos amis… J’espère qu’ils s’en sortent bien et qu’ils auront su trouver meilleure route. A tribord, les hautes chaînes des Cimefroides, aux sommets enneigés pour l’éternité. En dessous, nos compagnons, et le tombeau d’Ayrin. Paix à son âme. L’aéronef filait à toute allure. Les matelots maintenant se prélassaient sur le pont, en vérifiant occasionnellement les machineries. Des humains, des asuras, et même des norns. Je vins m’encquérir auprès du capitaine de l’équipage, qui n’est autre que Splif lui-même, bien sûr. - Maître Splouf ? - Madame Arkady ? - Comment va se dérouler l’exploration ? - Oh, facile. Nous amarrons l’aéronef au-dessus des ruines. Nous descendons. Nous explorons. - Ces ruines ont la fâcheuse réputation d’être maudites. - Ce ne sont que des rumeurs. - Mmh. Il faudra rester vigilant tout de même. - Bien sûr, la vigilance, ça nous connaît nous les asuras. Quoi que.. Elle fixait son frère en terminant sa phrase. - Enfin, presque tous. - Qu’est-ce qui s’est passé avec votre frère ?
  • 12. Chapitre 32 : Augures - Un conseil, madame Arkady, ne vous mêlez pas de cette histoire. Il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas savoir. Mais pour vous éclaircir un peu les méninges, Splif est probablement l’asura le plus maladroit du monde. Allez donc dire ça à Nezumy… Quatre jours où les magnifiques paysages se succédaient sous nos yeux émerveillés. Le désert se dessinait enfin à la fin du quatrième jour, après avoir franchi l’immense détroit qui le sépare du reste du continent. Le soleil se couchait à l’horizon, projetant de magnifiques couleurs orangées tout autour de nous, reflet de la mer de sable que nous survolions maintenant, dont les dunes formaient des vagues figées dans le temps. Le delta se dessinait enfin. Tous les matelots se mirent au travail. Le même manège qu’au départ, mais dans l’autre sens cette fois-ci. Ces gens connaissaient bien leur métier et notre vaisseau s’ammarra au pied d’une dune, se posant doucement, sans aucun choc notoire. Dans les ombres tombantes du crépuscule se dessinaient les toitures de quelques minarets se dégageant du sable, des petites pyramides à jamais ensevelies sous ce désert, où seules quelques reliques s’extirpaient du sable, comme pour témoigner de leur magnificence une dernière fois aux visiteurs de passage. - Nous dormirons dans le clocher de ce minaret. Demain, nous commencerons nos recherches, s’exclama Splif, tout enjoué et impatient qu’il était maintenant. Le bivouac installé, les rondes de garde réparties, je me laissai aller à un sommeil reposant. Le vent soufflait fort et le sable nous fouettait au visage quand nous n’étions pas à l’abri dans nos tentes. Il gagna même en intensité dans la nuit, et son souffle projettait parfois des cris, du moins pourrait-on penser à des cris, à des hurlements, qui m’empêchaient de trouver le sommeil. Au milieu de toutes ces clameurs, un chuchotement me vint aux oreilles. - Ma fille. Ma tendre, ma bien-aimée… Je suis désolée. Je sortis en trombe de ma tente. Il n’y avait rien, strictement rien, à part les hurlements que projettaient le vent, tout était calme. Et un oiseau qui m’était inconnu, aux ailes blanches, devant la tente, prit son envol à mon approche. L’augure ne présageait rien de bon. Je n’aurais retrouvé que difficilement le sommeil avant le départ du groupe au bon matin, annoncé par la diabolique sonnerie de la machine à temps… J’ai fait un nouveau rêve cette nuit-là. Dans un néant était agenouillée Alia, deux grandes ailes blanches et brillantes battaient doucement dans son dos. Elle me tenait dans ses bras. La vie s’échappait avec délice de mon corps meurtri. Je voyais son visage mat. Des larmes de sang coulaient de ses yeux.