Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’accès à un avocat
dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l’arrestation: note de la Belgique, de la France, de l'Irlande, des Pays-Bas et du Royaume-Uni.
1. CO SEIL DE Bruxelles, le 22 septembre 2011
L'U IO EUROPÉE E
14495/11
Dossier interinstitutionnel:
2011/0154 (COD)
DROIPE 99
COPE 232
CODEC 1492
Traduction fournie par la Délégation Française
OTE
de: Secrétariat Général
au: Délegations
n° Prop. 114971 DROIPEN 61 COPEN 152 CODEC 1018
n° doc. préc.: 13360/11 DROIPEN 87 COPEN 197 CODEC 1299
Objet: Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit
d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de
communiquer après l'arrestation
- Note de la Belgique, de la France, de l'Irlande, des Pays-Bas et du Royaume-Uni
Les délégations trouveront ci-joint la note de la Belgique, de la France, de l'Irlande, des Pays-Bas et
du Royaume-Uni sur la directive proposée.
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DG H 2 B FR
2. A EXE
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’accès à un avocat
dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l’arrestation
ote de la Belgique, de la France, de l’Irlande, des Pays-Bas et du Royaume-Uni
La Belgique, la France, l’Irlande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni souhaitent rappeler leur
attachement à la feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des
personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, adoptée par le Conseil et endossée dans
le programme de Stockholm, approuvé par le Conseil européen de décembre 2009. Ces délégations
rappellent leur volonté de renforcer l’espace de justice, de liberté et de sécurité mis en œuvre par le
traité d’Amsterdam et poursuivi par le Traité de Lisbonne, qui en a fait l’un des objectifs de l’Union
européenne.
Ces Etats membres se réjouissent du fait que la Commission a proposé, conformément à la feuille
de route, une directive sur le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au
droit de communiquer après l’arrestation, dans l’objectif d’établir des règles minimales pour aboutir
à des droits effectifs. Il ne fait pas de doute que le droit d’accès à un avocat est l’un des éléments
clés du droit de la défense à un procès équitable. Tout instrument qui établit des règles minimales
dans ce domaine est d’une grande importance pour toutes les personnes mises en cause, dans le
cadre des procédures pénales en Europe et pour toutes les enquêtes menées par les autorités des
Etats membres. A ce titre, cet instrument contribuera à renforcer la confiance mutuelle au sein de
l’Union européenne. Pour ces raisons, il est essentiel d’aboutir à un bon instrument.
La Belgique, la France, l’Irlande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni souhaitent en conséquence
exprimer des réserves importantes quant à l’approche retenue par la Commission dans la
préparation de cette proposition de cette directive qui, si elle était mise en œuvre dans sa forme
actuelle, poserait des difficultés substantielles pour la mise en œuvre effective des enquêtes et des
procédures pénales par les Etats membres.
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ANNEXE DG H 2 B FR
3. La directive va gêner la conduite des enquêtes et des procédures pénales
Lors de la préparation d’une nouvelle législation dans le domaine de la procédure pénale
l’importance de protéger les droits des personnes mises en cause est un des éléments à prendre en
compte. Toute législation dans ce domaine doit ainsi permettre la conduite efficace et effective des
procédures pénales, pour assurer l’équilibre entre la protection des droits individuels et l’intérêt
public, à travers la poursuite efficace des délinquants et des criminels. Ces éléments sont aussi dans
l’intérêt de la personne mise en cause dans la mesure où cela permet un règlement rapide des
affaires. Il semble difficilement envisageable de légiférer pour renforcer ces droits, au niveau des
Etats membres comme de l’Union européenne, sans considérer aussi les questions liées au
fonctionnement des systèmes judiciaires comme de leurs ressources.
La proposition de la Commission n’aboutit pas à cet équilibre. A titre d’exemple, prévoir la
présence d’un avocat pour toute mesure d’enquête dès lors que la présence de la personne mise en
cause est requise ou permise (par exemple pour la prise d’empreintes digitales) ou permettre la
présence de l’avocat dans tous les cas, même pour des faits mineurs aura des conséquences
financières majeures, dans une période de contrainte budgétaire forte. Ce déséquilibre devrait aussi
entraîner des retards importants au stade des enquêtes, sans pour autant apporter de réelle valeur-
ajoutée pour la personne mise en cause et dans certaines situations, ces retards pourraient également
nuire aux intérêts de la personne mise en cause. Ce déséquilibre impliquerait aussi des ressources
supplémentaires de la part des Etats membres.
La nécessité d’un équilibre entre les garanties procédurales et l’effectivité des systèmes judiciaires
en matière pénale est pourtant soulignée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme.
Toute directive dans ce domaine devrait dès lors viser une approche cohérente, entre d’un
part l’accès à l’avocat et d’autre part assurer l’effectivité des systèmes judiciaires des Etats
membres. Ce constat implique aussi qu’un tel instrument prenne en compte la diversité des
situations juridiques et des catégories d’infractions.
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4. I. Le lien entre la proposition de directive et les exigences de la Convention européenne
des droits de l’homme n’est pas clarifié.
La Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme prévoient des garanties minimales, s’agissant des droits notamment régis par
cette proposition de directive. La jurisprudence de la Cour reste cependant toujours inscrite dans un
contexte particulier, lié à un Etat, dans une situation concrète avec ses spécificités. De plus, la Cour
a toujours posé comme principe que le droit à l’accès à un avocat devait être établi à l’aune du
contexte de la procédure pénale en cause. Il n’est dès lors pas facile de définir des règles générales
et abstraites à partir de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ce qui est
l’objectif de cette directive.
Il est clair qu’à travers plusieurs dispositions, la proposition de directive va plus loin que les
exigences et les standards prévus par la Convention européenne des droits de l’homme et que les
Etats-membres sont déjà tenus de respecter. Si la décision d’aller au-delà de ces standards doit être
prise à l’échelle de l’Union européenne, elle doit alors résulter d’une décision politique sans
équivoque, basée sur une évaluation de l’impact qu’elle aura sur les droits des personnes et les
besoins plus larges des systèmes judiciaires en matière pénale.
Dans certains cas, la proposition de directive reprend des arrêts de la Cour et les étend pour couvrir
des situations différentes. Par exemple, alors que la Cour avait indiqué que des propos incriminants
obtenus alors que la personne mise en cause n’avait pas eu accès à son avocat ne pouvaient être
utilisés contre elle -dès lors que cela ne garantissait pas son droit à un procès équitable- ce
raisonnement a été repris pour étendre le principe à toutes les catégories de preuves. De la même
façon, alors qu’il existe des situations dans lesquelles l’accès à un avocat est essentiel, à aucun
moment la Cour n’a envisagé la présence de l’avocat comme un droit, et ce, à toutes les étapes de la
procédure.
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5. Par ailleurs, plusieurs propositions de la Commission ne sont pas fondées sur la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme s’agissant de l’article 6 de la convention, comme par
exemple la possibilité pour l’avocat de contrôler le lieu de détention de la personne mise en cause
ou le droit de communiquer avec un tiers de son choix, que la proposition semble confondre avec le
droit de faire prévenir un tiers.
Dans le même temps, et de façon surprenante, l’analyse d’impact de la Commission s’appuie sur la
relation entre sa proposition et les droits garantis par la CEDH pour conclure que la directive aurait
un impact pratique et financier négligeable sur les systèmes judiciaires des Etats membres.
Au vu de ces éléments, la proposition de directive de la Commission n’apporte pas d’image
claire s’agissant de son articulation avec les standards de la Convention européenne des droits
de l’homme et de l’impact de ses propositions dans ce domaine.
II. La proposition de directive doit établir des règles minimales de façon à prendre en
compte la diversité des systèmes judiciaires et des garanties apportées pour garantir
un droit au procès équitable
La feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes
poursuivies dans le cadre des procédures pénales a établi une approche pragmatique, instrument par
instrument, pour renforcer les règles minimales en matière de procédure pénale et ce, afin de
renforcer la confiance mutuelle au sein de l’Union européenne. Participe de cette approche, la
nécessité de prendre en compte les différences existantes entre les systèmes judiciaires nationaux,
dans le cadre de la mise en œuvre de règles minimales, conformément à l’article 82 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne.
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6. Au-delà des droits de la personne mise en cause à avoir accès un avocat, d’autres éléments semblent
aussi devoir être pris en compte pour assurer un procès équitable et notamment la durée de la
privation de liberté, le délai de présentation à une autorité judiciaire, le rôle des autorités judiciaires
dans le cadre des investigations ou encore la possibilité de bénéficier d’une aide judiciaire. Il existe
à ce titre des différences importantes entre les systèmes judiciaires des Etats membres qu’il est
important de prendre en compte, pour maintenir l’équilibre d’ensemble de chaque système.
La proposition ne prend pas en compte cet impératif : à ce titre, elle définit le droit à un avocat de
façon extensive, comme s’appliquant de manière indifférenciée à toutes les infractions et à toutes
les étapes des procédures pénales. Par exemple, ces droits trouveraient à s’appliquer de la même
façon à une personne mise en cause pour une infraction mineure au Code de la route ou à une
personne détenue pour une agression grave. Une directive ignorant le fait que des droits différents
s’appliquent aux différentes étapes des procédures pénales semblerait dès lors susceptible d’avoir
un impact négatif important sur les systèmes judiciaires des Etats membres.
La proposition de la Commission ne prend pas en compte les différences liées aux systèmes
judiciaires ou aux procédures. Il sera essentiel de pouvoir reprendre cette question lors des
négociations afin de garantir que cette directive apporte des droits et des garanties minimales
effectives et pratiques pour les personnes mises en cause dans le cadre des procédures pénales.
III. L’élément manquant : l’impact de cette proposition en matière d’aide judiciaire
La proposition de la Commission est limitée aux règles fixant les conditions dans lesquelles des
personnes pourront avoir accès à un avocat : elle ne prévoit cependant aucune disposition sur l’aide
judiciaire. La Commission a indiqué à ce titre qu’elle prévoyait d’inclure ces dispositions dans un
instrument futur. La feuille de route adoptée par le Conseil et endossée par le Conseil européen de
décembre 2009 ne prévoyait cependant qu’une seule mesure et reflétait le souhait des Etats
membres de voir ces questions traitées ensemble.
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7. Il n’apparaît cependant pas envisageable de pouvoir disposer d’une pleine compréhension des
systèmes judiciaires nationaux d’accès à l’avocat sans prendre en compte la question de l’aide
judiciaire. Pour les très nombreux citoyens européens qui n’ont pas les moyens financiers de
recourir à un avocat, le droit d’accès à un avocat ne sera pas effectif, sauf à être accompagné de
mesures appropriées en la matière, ce qui était souhaité de façon implicite par la feuille de route.
Parce qu’il existe des différences importantes entre les systèmes judiciaires, l’impact en matière
d’aide judiciaire devrait varier de façon très importante selon les Etats-membres et cette proposition
devrait générer des coûts supplémentaires importants pour certains d’entre eux.
Dès lors, la décision de séparer ces deux questions (accès à l’avocat et aide judiciaire) ne devait pas
pour autant empêcher de procéder à une étude d’impact sur les coûts que la proposition de directive
aura, y compris sur les systèmes nationaux d’aide judiciaire, au vu de ses conséquences financières
particulièrement importantes dans certaines situations. Cela doit être pris en compte dans un
contexte de contraintes financières et économiques importantes.
La relation entre les règles sur l’accès à l’avocat et les règles sur l’aide judiciaire nécessite une
discussion approfondie au niveau politique. De la même façon, il apparait que tout instrument
sur le droit à l’accès à un avocat doit prendre en compte les conséquences financières qu’il est
susceptible de générer comme ses implications sur les systèmes nationaux en matière d’aide
judiciaire.
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