1. Axelle Lemaire
Secrétaire d’État chargée du numérique
2 Paroles d’élus tome 10
Les temps changent. Le numérique n’est plus la préoccupation de quelques-uns ou le béné-fice
d’une élite, mais se développe désormais dans chacun des compartiments personnel,
social ou professionnel de nos vies. Ce formidable outil doit être mis à la disposition du plus
grand nombre. C’est ainsi qu’il changera en profondeur notre façon de communiquer, de
travailler, de nous divertir et, de façon croissante, de participer à la vie de la cité. Le numérique
est une chose publique.
Le véhicule de cette transformation n’est pas éthéré, il n’a rien de virtuel : il s’incarne dans
les centaines de milliers de kilomètres de cuivre et, de plus en plus, de fibre optique, dans
les milliers de pylônes et d’antennes déployés sous nos pieds ou dans le ciel pour raccorder
nos entreprises, nos écoles, nos logements, nos amis. Ces réseaux numériques sont les
routes d’aujourd’hui : comme ces routes, construites hier, ils sont le fruit du savoir-faire de nos
entreprises et du labeur d’un grand nombre d’ouvriers et d’ingénieurs dont nous ne pouvons
qu’être fiers. Et comme les routes, en pierre puis en bitume, comme le train, à vapeur puis à
grande vitesse, qui ont façonné la France d’aujourd’hui, ces réseaux bâtissent la France de
demain. Grâce à eux, le numérique irrigue nos territoires et redistribue les cartes en faveur de
leur égalité et de leur capacité à contribuer à la modernisation de notre pays.
Assurer l’égalité numérique des territoires
C’est parce que les infrastructures numériques sont un facteur puissant d’égalité entre les
territoires que la mobilisation de tous était essentielle. Nous avons créé un outil, le plan France
Très Haut Débit ; nous l’avons doté de moyens financiers, plus de 3 milliards d’euros, à la
hauteur de l’enjeu ; nous y avons consacré des moyens humains et l’expertise nécessaire, avec
la mise en place de la mission Très Haut Débit et, demain, de l’Agence du numérique pour
accompagner toutes les initiatives dans les territoires. Car ce sont bien les collectivités locales
et les opérateurs privés qui, par leur mobilisation désormais nationale, font vivre le plan et vont
nous permettre d’atteindre l’objectif que le président de la République nous a collectivement
assigné : couvrir en dix ans l’ensemble du territoire en très haut débit. Nul territoire ne doit
être oublié, car notre pays se doit d’assurer durablement l’égalité de ses citoyens, où qu’ils se
trouvent. Les attentes sont de plus en plus fortes, et les élus et représentants des collectivités
territoriales le savent. Leur mobilisation et leur implication énergique dans ce grand chantier
qu’est la couverture numérique du territoire le démontrent chaque jour. Il faut désormais aller
plus loin et mettre en cohérence le développement des infrastructures et celui des usages,
notamment des usages locaux.
Mobiliser le numérique pour transformer les territoires
Les collectivités territoriales n’ont attendu personne pour se saisir du numérique. Depuis
longtemps, elles en font à la fois le moyen d’une modernisation de leurs interventions, de
leur relation aux citoyens, un vecteur de développement économique local, et aussi la source
d’une réelle innovation dans les services qu’elles peuvent proposer aux entreprises comme
aux individus. Elles ont ainsi su mener des projets pilotes, souvent avant-gardistes, dans des
domaines aussi différents que la santé, la culture, l’enseignement ou le tourisme.
2. Ce livre, années après années, témoigne autant de la diversité des projets que de leur ampleur
croissante. Puisqu’une nouvelle génération d’infrastructures se déploie sur le territoire et
va apporter des possibilités nouvelles, il est grand temps de changer d’ère et d’échelle, et
d’envisager ensemble ce que seront les services de demain. Sur ce chemin, l’État doit être
lui-même exemplaire, en étendant ses services en ligne, en mobilisant au mieux les données
dont il dispose. La numérisation des services publics nous permet de les rapprocher des
individus, d’en améliorer l’ergonomie et l’organisation, et ainsi de mieux répondre aux besoins
de chacun. Je m’y emploie, avec mon collègue au sein du Gouvernement, Thierry Mandon.
Dans cette mutation, l’État a également son rôle à jouer auprès des collectivités. Il sera là
pour donner de la visibilité à leurs initiatives. Il sera là pour promouvoir la complémentarité ou
la dissémination d’initiatives locales exemplaires. Il sera un soutien sans faille à la conception
de leurs projets. C’est l’une des missions que je confierai à l’Agence du numérique. Je veux
aussi que l’État accompagne nos entreprises, en valorisant les innovations qu’elles peuvent
apporter à la société, dans le domaine médical ou pour rendre les villes et les transports plus
intelligents, domaines où nous savons que les avancées seront nombreuses et nécessaires
dans les prochaines années.
Ce qui se dessine avec le numérique, c’est l’opportunité pour chaque territoire de prendre son
destin en main, comme pour chaque individu de trouver de nouveaux moyens de s’accomplir,
de s’émanciper. Le numérique libère.
Faire République par le numérique
Le 9e tome de Paroles d’élus, paru en 2013, était très justement intitulé Vive la République
numérique ! J’ai repris l’expression, car c’est exactement cette République que je souhaite
construire, que nous devons construire. Tout comme le numérique permet à des entreprises
innovantes de bousculer l’ordre établi, de briser les rentes, il doit pouvoir être mobilisé pour
accroître le pouvoir d’agir de chacun d’entre nous, en particulier des personnes les plus
fragiles ou les plus marginalisées, et permettre de nous affranchir des contraintes sociales ou
économiques. Il doit être un outil au service de l’égalité.
Quand je vois se multiplier les initiatives collaboratives qui, grâce aux outils numériques, ont
ramené des individus vers l’emploi, en ont conduit d’autres à créer leurs entreprises, quand je
vois les nouvelles conversations se former autour des lieux de production numérique comme
les fablabs ouverts, j’observe un visage du numérique éloigné de certaines caricatures : un
numérique qui n’est ni déshumanisé ni distant, mais qui recrée le lien social. Ce numérique-là
construit de nouvelles solidarités, permet de nouvelles causeries, au plus près, au plus loin,
et concourt à revisiter la valeur qui conclut le triptyque républicain : la fraternité.
Nous avons engagé, depuis quelques mois, une politique déterminée pour démocratiser
l’accès au numérique et son usage. Il reste du chemin à parcourir, mais nous savons pouvoir
compter sur la mobilisation de tous pour que la République numérique, solidaire et inclusive,
que nous appelons de nos voeux devienne réalité. Les multiples témoignages contenus dans
ce 10e tome de Paroles d’élus y contribuent et dessinent la République de demain, forcément
numérique.
parolesdelus.com 3
“Les réseaux
bâtissent
la France
de demain.
Grâce à eux,
le numérique
irrigue nos
territoires et
redistribue
les cartes en
faveur de leur
égalité et de
leur capacité
à contribuer à
la modernisation
de notre pays.”
4. Pour se projeter dans l’avenir
et suivre les tendances en cours,
“Paroles d’élus” a sollicité des
experts, notamment des sociologues
et anthropologues d’Orange Labs,
auscultant les grands enjeux qui vont
transformer la vie des citoyens
et auxquels seront confrontés,
demain, les territoires.
5. [DIX ANS] Demain, la société connectée 10 enjeux
Open data
Le principe de “donnée ouverte” (open data) fait référence à une donnée numérique
d’origine publique (collectivité, service public) ou privée (entreprise) dont la diffusion
est libre, sans aucune restriction, et qui peut susciter de nouveaux usages et de
nouvelles applications.
Données
en libre-service
Né dans les années 1960 aux États-Unis, le processus de libé-ration
des données publiques s’est démultiplié partout dans
le monde à l’ère d’Internet. En France, les pionniers sont pour
l’essentiel
des villes et des collectivités, rassemblées dans l’asso-ciation
Open Data France : Rennes, la Communauté urbaine de
Bordeaux, Brest, Paris, Marseille, Montpellier, Digne-les-Bains ont
ou vont bientôt ouvrir leurs données cartographiques (parcelles,
signalétiques…). C’est que la loi, pour les collectivités territoriales,
a rendu obligatoire leur diffusion par une mise en ligne sur Internet
ou sur le portail gouvernemental pour réutilisation par le public.
Ainsi, Digne-les-Bains a-t-elle constaté un élan d’activité avec
l’implantation de nouvelles entreprises.
Baptisé “Data.gouv.fr” et ouvert en décembre 2011, le portail du
Gouvernement recense plus de 13 000 informations publiques
gratuites et réutilisables, comme les dépenses de l’État ou la liste
des biens immobiliers propriétés de l’État.
À l’heure où, dans le privé, l’analyse
des données clients est source de
différenciation commerciale, dans
la sphère publique, l’open data
sert la transparence, le développe-ment
économique, susceptible de
contribuer aussi à la baisse de la
dépense publique.
6 Paroles d’élus tome 10
Big data
Données massives
pour analyse prédictive
Avec la chute des coûts de traitement et de stockage informatique,
la capacité d’analyser des centaines de milliards de données
(big data) modifie les processus de décision en s’appuyant sur
l’analyse prédictive et sur la personnalisation systématique de
la relation au client. Les perspectives du big data sont énormes,
pour partie encore insoupçonnées, et toucheront de nombreux
champs de l’activité humaine : l’information ; la gestion des risques
(commerciaux, assuranciels, industriels) ; les pratiques religieuses,
culturelles et politiques ; la médecine ; la météorologie, etc.
1
EN BREF
>> L’information
libre d’accès est
un bien commun
dont la diffusion
est d’intérêt général.
>> Les collectivités
engagées dans
cette démarche
se sont regroupées
dans Open Data
France.
6. parolesdelus.com 7
économie de la fonctionnalité
Autolib, Vélib… La mode est à l’usage et à l’économie
de la fonctionnalité. L’émergence de ces nouveaux
rites d’échange est le fruit de la généralisation
du numérique et de la raréfaction des
ressources naturelles.
L’usage
plutôt que
l’appropriation
Popularisée en France par le Grenelle de l’environnement, l’éco-nomie
de la fonctionnalité (visible à travers les dispositifs de par-tage
– Autolib, Vélib…) apporte une contribution au développement
durable parce qu’elle va au-delà de la réduction des impacts éner-gétiques
et de l’obsolescence des objets. À l’inverse du modèle
économique classique, l’offreur maximise l’utilisation de ses biens
en concevant des produits durables utilisés par une communauté
de clients. Et dès lors qu’un bien unique satisfait les usages de
plusieurs clients, le commerçant ne bâtit plus sa stratégie sur le
nombre de produits vendus, mais sur le cumul des usages cédés
aux clients.
L’émergence de l’économie de la fonctionnalité est liée à la géné-ralisation
du numérique, car, dans un contexte de raréfaction des
ressources naturelles, il est un vecteur de passage à une logique de
service et à la tertiarisation de l’économie. Dans sa pratique, l’éco-nomie
de la fonctionnalité propose un retournement de la logique
consumériste, avec une séparation
de l’usage et de la propriété.
In fine, l’économie de la fonctionna-lité
entraîne la création d’emplois de
proximité, non délocalisables, en sti-mulant
les activités de maintenance,
de formation, de services à la per-sonne,
etc. Elle contribue ainsi à une
revitalisation des territoires.
Économie circulaire
Le modèle
du circuit fermé
L’économie circulaire est un modèle qui limite les flux d’énergies
fossiles et de matières premières en allongeant la durée de vie
des produits, à l’image de l’économie de fonctionnalité, et en
prévoyant leur recyclage dès leur conception. En réintroduisant
des produits en fin de vie dans la boucle de production,
l’économie circulaire s’approche d’un modèle tournant en circuit
fermé. L’économie de la fonctionnalité tend à compléter la
démarche de l’économie circulaire en jouant sur la non-cession
des droits de propriété, ce qui permet de distribuer les usages
d’un bien unique à un large public.
2
EN BREF
>> Un bien unique
doit pouvoir satisfaire
les usages de
plusieurs clients.
>> L’économie
de la fonctionnalité
propose un
retournement de la
logique consumériste,
séparant l’usage
de la propriété.
7. Face à la congestion des transports urbains, comment repenser l’aménagement
du territoire autour de la mobilité ? Par une approche multimodale et une
incitation au changement comportemental et à la solidarité entre citadins.
Comportements
citoyens et
fluidité des
transports
Les transports quotidiens sont un enjeu majeur de l’aménagement
du territoire : l’accessibilité aux entreprises, aux zones commer-ciales
ou aux centres-villes a un impact direct sur les indicateurs
économiques (PIB, emploi…) et sur les encombrements – source
de pollution, de perte de temps et d’attractivité des zones concer-nées.
Il suffit de 10 % de voitures en trop sur un axe routier pour
créer un embouteillage, et en matière de prévision de trafic, les
erreurs d’estimations sont souvent comprises entre 20 et 50 %.
Actuellement, les réflexions sur le développement de nouveaux
8 Paroles d’élus tome 10
Mobilité alternative
Mobidix
à Paris-Saclay
Le projet Mobidix utilise les technologies numériques pour mieux
prendre en compte la situation des usagers du Plateau de Saclay,
en région parisienne (Yvelines), future Silicon Valley à la française.
Afin de favoriser les comportements individuels susceptibles
d’améliorer la mobilité de tous, Mobidix se propose de dessiner
de nouvelles intermodalités : à partir de la géolocalisation de leurs
déplacements via leurs smartphones, les participants au projet
visualisent en 3D leurs trajets sur plusieurs semaines. L’objectif :
voir dans quelle mesure la perception de sa propre mobilité et de
ses effets peut inciter à changer ses pratiques.
modèles de mobilité urbaine entendent encourager les compor-tements
de coopération et d’entraide entre usagers de la ville.
Le potentiel est gigantesque : à titre d’exemple, sur une route
périurbaine, le nombre de places inoccupées dans les automobiles
représente, par jour, l’équivalent de 2 500 bus.
À l’avenir, la prise de conscience généralisée des citadins, de
leur rôle dans la création des difficultés de déplacement, pour-rait
provoquer une modification profonde des comportements en
matière de mobilité urbaine. Dès
aujourd’hui, la technologie permet
aux usagers des transports quoti-diens
(métro, bus, voiture) d’échan-ger
des infos trafic en temps réel,
très utiles pour fluidifier les dépla-cements.
EN BREF
>> Les encombrements
urbains sont récurrents,
mais en matière de
prévisions de trafic,
les erreurs d’estimations
vont de 20 à 50 %.
>> Les places inoccupées
dans les voitures sur un
axe périurbain au cours
d’une journée équivalent
à 2 500 bus.
Améliorer la mobilité 3[DIX ANS] Demain, la société connectée 10 enjeux
8. Habitant, touriste ou agent municipal, l’usager urbain rêve de mieux profiter
de tous ses temps de déplacement… Pour les nomades connectés, les
premiers services urbains enrichis alimentent d’ores et déjà leurs assistants
virtuels de multiples et précieuses données. 4Services urbains enrichis
parolesdelus.com 9
Un territoire
connecté
Avec la montée en puissance du numérique, nombreux sont les
usages en ville pouvant se décliner en “services urbains enrichis”
à destination des citadins : habitants, agents des services publics,
commerçants et clients, touristes, sans oublier les personnes à
mobilité réduite. Dès aujourd’hui, des technologies existent – telles
que la localisation GPS ou la réalité augmentée (un décor agrémenté
de données visibles via son smartphone, sa tablette, ses e-lunettes)
pour enrichir son parcours en ville.
À terme, la multiplication des systèmes de géolocalisation et l’analyse
en temps réel de données issues de capteurs urbains proposeront au
citadin connecté différents services contextualisés en phase avec son
activité. Ainsi, le “coach numérique” se veut un véritable assistant virtuel
personnel : outre les logiciels de type Siri (Apple) ou les services Google
Now, il existe des assistants spécialisés dédiés notamment à l’aide
au shopping (ZeGroom d’Auchan, m-Casino) ou aux déplacements
(Train Yamanote Line Network à Tokyo). À l’horizon 2020, la majorité
des citoyens disposera d’un assistant
virtuel personnel capable de proposer
en temps réel, de manière proactive
ou réactive, une aide personnalisée
pertinente au regard de son activité du
moment. Gestionnaire de nos données
personnelles, l’assistant virtuel person-nel
se rendra indispensable pour faire
les courses, voyager, visiter une ville,
ou s’informer des nouveautés relatives
à nos lieux de vie habituels.
Assistant virtuel
Métro facile, à Bordeaux
comme à Tokyo
Connaissez-vous Martin, l’assistant virtuel du réseau de transport
public de Bordeaux opéré par Keolis ? Sa mission : répondre
aux questions fréquemment posées par les usagers (habitants,
touristes) sur le site Internet du métro bordelais. À l’autre bout
de la planète, à Tokyo, la ligne de métro la plus fréquentée se nomme
Yamanote Line (littéralement, la “ligne du côté de la montagne”),
car elle fait une boucle autour de la capitale. Depuis 2011, l’application
Train Yamanote Line Network, disponible sur iPhone et Android,
assiste et accompagne les millions d’usagers qui empruntent chaque
jour le périphérique métropolitain tokyoïte.
EN BREF
>> Le numérique décuple
les opportunités de
services urbains enrichis
pour tous les profils
d’usagers de la ville.
>> À l’horizon 2020,
les services urbains
enrichis seront à 100 %
en “interaction” avec
nos assistants virtuels
personnels.
9. 5[DIX ANS] Demain, la société connectée 10 enjeux
nouvelles formes d’apprentissage La diffusion de masse du savoir se répand à travers le monde.
Grâce au numérique, de nouveaux processus d’apprentissage
se font jour, pour accroître à tout moment les connaissances de tous.
Apprendre en
mode multicanal
Du silex taillé à Wikipédia, du livre au mp3, de la liste de courses
à Google Scholar, la sophistication technique de nos socié-tés
déplace constamment les savoirs de nos cerveaux vers les
hypomnemata (supports de mémoire) numériques. Jamais autant
de connaissances n’ont été si facilement accessibles, à portée de
clic. Jamais aussi la connaissance n’a-t-elle été au coeur d’autant
d’activités professionnelles, quotidiennes, ludiques, traduisant un
phénomène massif “d’intellectualisation de la vie sociale”.
Mais les nouvelles formes d’apprentissage ne sont pas forcément
là où on les attend : numérisation du tableau noir, du cartable, du
10 Paroles d’élus tome 10
Cours en ligne
Les MOOCs, ou la
pédagogie inversée
L’émergence récente des MOOCs (Massive Open Online Course)
marque un virage à 180 degrés de la pédagogie traditionnelle :
proposés pour la première fois en 2001 par le MIT (Massachusetts
Institute of Technology), ces cours vidéo en ligne, réalisés par
les meilleures universités américaines, cherchent à conquérir un
marché mondial. Objectif visé : inverser l’organisation temporelle
et spatiale de l’apprentissage, autrement dit pouvoir assimiler
les savoirs chez soi pour les exercer ensuite en classe. Le premier
MOOC “certificatif” français (avec délivrance de certificat) s’est
tenu à l’École centrale de Lille en 2013 : consacré à la gestion de
projet, il a été suivi par 2 500 étudiants.
manuel scolaire, des exercices, de la relation avec l’enseignant,
etc. Il ne suffit pas de substituer un dispositif numérique à un
outillage analogique pour que l’apprentissage à l’école s’améliore
ou que les inégalités devant l’éducation s’évaporent.
Dans ce contexte, on s’interroge : si le savoir est dans le réseau,
toujours à portée de main, que faut-il apprendre ? En choeur,
les pédagogues répondent : il faut “apprendre à apprendre”. Et
admettre qu’il ne suffit pas que le
savoir soit à disposition pour qu’il
soit vraiment intériorisé. Banalisée,
simplifiée, empaquetée, l’informa-tion
peut apparaître comme un
bien de consommation dont on
use, sans vouloir (ou pouvoir) se
l’approprier réellement.
EN BREF
>> Il ne suffit pas de
substituer un dispositif
numérique à un outillage
analogique pour
que l’apprentissage
s’améliore.
>> Banalisée,
empaquetée, l’information
disponible en un clic peut
apparaître comme un
bien de consommation.
10. Une chaise, une table et une connexion WiFi : ces quelques éléments mis
à disposition d’un groupe de travailleurs suffisent à créer un espace de
travail collaboratif. Une version 2.0 du traditionnel bureau… très tendance. 6espaces de travail collaboratif
parolesdelus.com 11
Des tiers lieux
pour cotravailler
autrement
Phénomène émergent et en pleine expansion, le travail collaboratif
dans des tiers lieux (coworking, télétravail, pépinières) se carac-térise
par de nouvelles formes de travail, et surtout par des lieux
qui cristallisent ces pratiques. Un mouvement qui permet à des
dynamiques sociales nouvelles de s’exprimer dans le cadre d’un
espace aménagé pour recevoir des travailleurs (salariés, indépen-dants)
en dehors des lieux de vie traditionnels que sont le domicile
et le bureau.
Véritables lieux de rencontre, les espaces de travail collaboratif
permettent notamment aux indépendants ou aux start-upers de
rompre l’isolement inhérent à leur statut. Les sociabilités à l’oeuvre
dans ces espaces varient, allant des simples interactions inhé-rentes
à la vie d’un collectif jusqu’à des niveaux plus poussés,
comme l’échange de bons procédés, voire même la collaboration
sur des projets communs.
In fine, l’espace de travail collaboratif répond aux besoins d’une
plus grande autonomie et d’une plus
grande interpénétration des com-pétences,
pour mener à bien des
projets professionnels. Par ailleurs,
en faisant passer au second plan la
localisation des travailleurs (salariés,
indépendants), le recours à un tiers
lieu de travail permet d’envisager de
nouvelles réponses aux probléma-tiques
de développement durable.
Coworking
La Californie, éternel
territoire d’inspiration
Selon les individus qui lui donnent corps, l’espace de travail
collaboratif recouvre des réalités multiples qui se mesurent
notamment à l’aune de l’importance qu’accordent ces tiers lieux
à la dimension sociale et collaborative. Dans tous les cas, les
acteurs du coworking adoptent globalement le même discours,
porteur d’un imaginaire mû par des valeurs d’ouverture, de partage
et de collaboration spontanée. Un imaginaire inspiré des origines
du mouvement, né en Californie au début du millénaire, du désir
d’indépendants de mutualiser à la fois locaux et compétences pour
gagner en efficacité.
EN BREF
>> Le tiers lieu
collaboratif met
à disposition les
conditions nécessaires
à l’exercice du travail.
>> Les espaces de
coworking constituent
une réponse innovante
aux besoins des
indépendants et des
start-upers.
11. transition énergétique 7
L’épuisement des ressources et l’urgence de protéger durablement l’environnement
font de la transition énergétique une nécessité. Dans les territoires, de nombreux
projets fleurissent (bâtiments à énergie positive, réseaux électriques intelligents…)
et constituent l’amorce d’un changement.
de nouveaux
comportements
en faveur de
l’environnement
Dans la plupart des pays développés, la transition énergétique
est en marche. Enjeu majeur : chercher des solutions pour
remédier à l’épuisement des énergies fossiles et proposer aux
citoyens un avenir énergétique plus durable qui s’appuie à la
fois sur la division par deux de la consommation énergétique
à l’horizon 2050 et sur le développement des énergies renou-velables.
Le débat a été esquissé en France durant l’été 2014,
lors de la présentation par le Gouvernement de la future loi sur
la transition énergétique.
12 Paroles d’élus tome 10
Économie positive
Vers le partage
et la gratuité ?
Parce qu’elle vise à changer la donne et les pratiques de chacun,
la transition énergétique est porteuse de nouveaux modèles
de consommation, comme l’économie du partage et de la gratuité
(revente, don, troc, location de court terme, emprunt…), favorisée
par l’essor du numérique. Au-delà de ces nouvelles pratiques,
nombreux sont les observateurs (économistes, politiques…)
à déceler dans ces comportements émergents les prémisses
d’une “économie positive”. Avec des citoyens qui cultivent
l’altruisme et travaillent dans l’intérêt des générations suivantes…
Dans les territoires où les intercommunalités portent et animent des
projets locaux avec les habitants, la transition énergétique est d’ores
et déjà une réalité. Elle se concrétise principalement au travers de
la construction de “bâtiments à énergie positive” (Bepos), que ce
soit dans des logements (comme l’écoquartier de Lyon Confluence,
premier du genre en France) ou dans des bureaux (ci-contre, le
nouvel Hôtel de Région imaginé par Christian de Portzamparc à
Lyon, aux vertus “écologiques et durables”). Dans le même temps, le
déploiement de “smart grids” (réseaux
intelligents) doit influer sur la demande
électrique. Grâce aux réseaux
informatiques et à la fibre optique,
reliant producteurs, distributeurs et
consommateurs – dotés de “comp-teurs
communicants”, de panneaux
photovoltaïques, de véhicules élec-triques,
etc. –, l’objectif est d’adapter
une partie de sa consommation aux
capacités instantanées de production.
EN BREF
>> La transition
énergétique vise à diviser
par deux la consommation
d’énergie à l’horizon 2050.
>> L’atteinte de cet
objectif passe notamment
par la construction
de bâtiments à énergie
positive et le déploiement
de réseaux électriques
intelligents.
[DIX ANS] Demain, la société connectée 10 enjeux
12. Présent partout dans la vie quotidienne, le numérique devient aussi indispensable pour
les populations les plus fragiles (femmes, jeunes, seniors en difficulté). Les accompagner
dans l’appropriation de ces nouveaux outils et usages est l’un des enjeux majeurs de
demain. Autant pour leur avenir que pour la société. 8solidarité numérique
parolesdelus.com 13
agir contre
la précarité
numérique
La solidarité numérique consiste à lutter contre la fracture numé-rique
en soutenant les associations engagées dans des actions
en faveur de l’éducation, de la santé, de l’insertion sociale. Grâce
au numérique et à l’expertise de bénévoles, de nombreux projets
associatifs peuvent être améliorés, accélérés, renforcés.
L’aide à l’éducation et au soutien scolaire, par exemple, passe par
différentes actions : diffusion numérique d’applicatifs éducatifs (lire
l’encadré ci-contre sur la Khan Academy), accompagnement de
structures dédiées à l’autisme via la prise en charge d’outils numé-riques
d’apprentissage (tablettes tactiles), promotion de nouvelles
formes de production d’objets via notamment les fablabs (ateliers
coopératifs de fabrication numérique), etc.
De la même manière, le numérique peut aider les associations à
mieux s’organiser et à communiquer. Le programme “Solidarité
numérique” porté par la Fondation Orange va dans ce sens, en
mettant notamment à disposition d’associations les 200 salles
de formation du groupe Orange afin
d’y organiser des sessions d’initia-tion
aux technologies numériques.
D’autres formes de soutien se déve-loppent
également, comme la dota-tion
en matériel informatique.
Khan Academy
Une salle de classe
à l’échelle du monde
Organisation non gouvernementale née en 2006, la Khan Academy
a pour ambition de fournir un enseignement de grande qualité
à tous, partout. Elle compte plus de 10 millions d’utilisateurs
chaque mois. Concrètement, dès que les élèves de primaire
ou du secondaire ont créé leur profil, la plateforme leur propose
des parcours pédagogiques personnalisés et adaptés à leur niveau.
Plus de 2 200 mini-leçons vidéo gratuites et des milliers d’exercices
interactifs sont disponibles. Engagée dans l’éducation numérique,
la Fondation Orange est à l’origine de la version française de la
Khan Academy, lancée en septembre 2014.
EN BREF
>> La solidarité
numérique promeut la
culture et les pratiques
numériques à destination
des associations.
>> La Fondation Orange
favorise l’utilisation
des technologies de
communication pour
lutter contre la fracture
numérique.
13. À l’heure où les systèmes de santé publique chancèlent et face au vieillissement
des populations, les acteurs de ce secteur s’appuient sur des solutions
projetées par l’e-santé pour pallier les soins hospitaliers et donner corps
au maintien à domicile des seniors.
Les multiples
promesses
de l’e-santé Lancée par le Gouvernement en avril 2013, la filière “Silver
Partout dans l’Union européenne, les systèmes de santé mis en
place après guerre s’efforcent d’assurer leur survie : en France,
outre la multiplication des déserts médicaux dans bon nombre de
régions, l’accroissement des maladies chroniques – concomitam-ment
au vieillissement des populations dans les territoires – creuse
chaque année les déficits publics et entretient les carences du
système.
Afin de tenter de relever ces défis colossaux, les dispositifs de
soins pour les malades chroniques et la population vieillissante
se déplacent de l’hôpital vers un habitat médicalisé. Grâce aux
technologies mobiles numériques, des solutions de type “m-santé”
14 Paroles d’élus tome 10
Silver Économie
Au chevet du futur senior
Économie” est un appel aux entreprises du pays… pour prendre
soin de ses anciens ! Il y a urgence : si plus d’un tiers des Français
a plus de 50 ans, les plus de 60 ans seront 20 millions en 2030,
et près de 24 millions en 2060. Une humanité vieillissante – on
compte aujourd’hui 900 millions de personnes âgées dans le
monde – à qui proposer des services de santé, notamment
dans le cadre du maintien à domicile. Une prise en charge de la
dépendance qui, rien qu’en France, devrait générer d’ici 2040 un
besoin de financement de l’ordre de 10 milliards d’euros par an.
émergent, influençant tout l’écosystème médical, du médecin au
patient, en passant par les aides-soignants. L’objectif : permettre
le traitement à distance du malade chronique en dotant les four-nisseurs
de santé des équipements adaptés à leur nouvel envi-ronnement
de travail.
Dès à présent, des dizaines de milliers d’applications m-santé
destinées au grand public sont disponibles. Via des capteurs
médicaux connectés au mobile, le smartphone se transforme
en glucomètre ou en carnet de suivi médical, capable également
de calculer une dose d’insuline et
d’envoyer le tout au médecin trai-tant.
Rien qu’aux États-Unis, le
marché de la m-santé est estimé
à 6 milliards de dollars pour 2015.
EN BREF
>> Grâce aux solutions
émergentes de
“m-santé”, le traitement
à distance du malade
chronique est possible.
>> Conseils bien-être
ou services de m-santé,
les applications mobiles
se multiplient, portées
par les opérateurs
télécoms et les assureurs.
Digitalisation des soins 9[DIX ANS] Demain, la société connectée 10 enjeux
14. Nouveau capital social et économique de chaque individu, la réputation
à l’ère digitale acquiert une dimension universelle que tout un chacun
– dans sa vie privée, professionnelle, sociale – doit apprendre à gérer…
pour mieux se protéger. 10e-réputation
parolesdelus.com 15
La réputation
à l’ère du village
global
Historiquement, le terme e-réputation a fait son apparition en
France en 2010, tandis qu’aux États-Unis, le terme “online repu-tation”
émergeait dès 2006. Aujourd’hui, il s’agit d’une notion
“carrefour” où convergent diverses problématiques : la publicité,
les relations publiques, la communication de crise, la relation client,
la veille stratégique, mais aussi la construction de la confiance et
la protection de la vie privée.
Des travaux d’économie et de sociologie révèlent que la réputa-tion
renvoie à la confiance, constituant un signal de qualité pour
les consommateurs. Elle se caractérise par deux dimensions : sa
polarisation, bonne (good buzz) ou mauvaise (bad buzz), et son
étendue – la taille des groupes sociaux où elle s’est diffusée. Les
individus, comme les entreprises, peuvent amorcer un travail répu-tationnel
visant à mesurer et à entretenir cette forme particulière
de capital social et économique.
En démultipliant les traces, en exposant à tous les conversations
ordinaires et en rendant possible
le traitement de grandes masses
d’informations, les médias sociaux
ont changé les règles du jeu. S’ap-puyant
notamment sur des outils de
traitement du langage, des logiciels
d’e-réputation permettent de carto-graphier
sa réputation en ligne, pour
mieux l’améliorer.
E-réputation des élus
S’informer, se former,
pour mieux se protéger
Maire, conseiller (municipal, général, régional), député, sénateur…
de par son mandat, l’élu s’expose. À l’ère digitale, ses faits et
gestes constituent son identité numérique : en cas de bad buzz,
faute d’avoir su anticiper, il est crucial de savoir réagir avec
les bons termes pour endiguer le phénomène. De nombreuses
formations existent pour aider les élus et leurs équipes à se
préparer à de telles situations, ainsi que sur l’art et la manière
de revoir sa communication politique et institutionnelle (tenue
d’un blog, présence sur Twitter, publication des comptes après
campagne…).
EN BREF
>> Pour l’individu,
l’e-réputation renvoie
à la construction
de la confiance et à
la protection de la vie
privée.
>> En exposant à
tous les conversations
ordinaires, les médias
sociaux ont changé la
donne.
15. Retrouvez l’intégralité
de l’émission sur
parolesdelus.com/
territoiresnumeriques/
16 Paroles d’élus tome 10
16. [Dix ans] L’émission
Xavier Couture. En quoi le
numérique a-t-il transformé
votre existence ?
Luc Bretones. En quelques
années, le numérique a changé
nos vies : smartphone, visio,
objets connectés, big data, etc.
Se souvient-on que les tablettes
n’existaient pas il y a quatre ans
seulement ! Face à un tel champ
de possibilités, les équipes du
technocentre d’Orange doivent
s’assurer que les services
proposés anticipent les ruptures
technologiques en se concentrant
sur un nombre de sujets émergents
ciblés : big data, Internet des objets,
ouverture de nos plateformes
par les API, services centrés autour
de la carte SIM et l’e-éducation.
Grâce à son effet de levier, le
numérique est un fabuleux outil
de désenclavement, quelle que
soit la taille des collectivités, à des
coûts réduits, accessibles à tous
et susceptibles de fédérer tous les
citoyens.
Marie-Laure Sauty de Chalon.
Le numérique a tout changé dans
ma vie, parce que je ne vois plus
de séparation entre le virtuel et
le réel ! Les deux mondes se sont
rejoints, que ce soit dans la sphère
professionnelle ou personnelle.
Dans la relation à mes amis, à
ma famille ou dans le shopping,
tout se fait à distance. Chacun
peut rester à tout moment connecté,
de sorte que le numérique multiplie
parolesdelus.com 17
Pour marquer son dixième
anniversaire, “Paroles d’élus”
a organisé un débat autour
de quatre personnalités du
monde numérique : Virginie
Fauvel, directrice Digital et
Market Management d’Allianz
France ; Marie-Laure Sauty
de Chalon, présidente-directrice
générale du groupe aufeminin.com ;
Luc Bretones, directeur du
technocentre d’Orange ; et Michel
Feltin-Palas, rédacteur en chef
à L’Express. Ce débat était animé
par Xavier Couture, producteur,
à la Gaîté Lyrique, haut lieu de
la culture numérique. En voici les
principaux extraits.
De gauche à droite :
Michel Feltin-Palas,
Virginie Fauvel,
Xavier Couture,
Marie-Laure Sauty
de Chalon
et Luc Bretones.
À l’arrière-plan :
l’artiste Dag en
train de réaliser
une oeuvre éphémère
sur le mur du
studio pour marquer
cet anniversaire.
débat
17. 18 Paroles d’élus tome 10
pas assez de temps au débat
et à l’élaboration commune.
La participation peut occasionner
des retards. Dans ce domaine,
je crois à l’extraordinaire potentiel
du numérique, sans pour autant
tout changer !
X. C. Cette irruption du numérique
dans la vie publique implique-t-elle
des comportements plus éthiques
et plus rigoureux de la part de nos
élus ?
Virginie Fauvel. En tant que
membre du Conseil national
du numérique (CNNum), je suis
persuadée qu’il faut gérer avec
la plus grande transparence et
la plus grande rigueur les données
numériques des personnalités
publiques. Il y a un besoin de
régulation des données générées
globalement par les individus.
Comment ne pas regretter, par
exemple, qu’actuellement de
grands acteurs, hors de France,
s’autorisent déjà à collecter des
données personnelles de santé.
X. C. Et que penser de la prise
de parole quasi systématique
des élus sur les réseaux sociaux ?
V. F. Pour ma part, je me félicite
que les chefs d’entreprise et les
hommes politiques s’y expriment.
Même si certaines prises de parole
sont parfois un peu rapides… Avec
Twitter, une nouvelle communication
s’instaure, qui implique une nouvelle
le nombre d’opportunités.
J’y vois surtout un gain énorme
de temps et d’efficacité. Il nous
faut apprendre à vivre avec ces
nouvelles technologies.
Michel Feltin-Palas. Journaliste,
j’utilise Internet sur mon téléphone
mobile, en reportage, pour répondre
à mes lecteurs ou pour chercher
de l’information. Mais, plus original,
grâce à Internet et ayant des attaches
en province, je communique
en béarnais avec des interlocuteurs
éloignés. Je peux même apprendre
des chansons polyphoniques
béarnaises. J’en déduis que si
Internet a été envahi au départ
par l’anglais, les langues minoritaires
s’y développent aujourd’hui.
Et Internet facilite la communication
entre des communautés dispersées.
X. C. La relation entre le citoyen
et l’élu est-elle modifiée par le
numérique ?
M. F.-P. Au lieu de s’en servir
pour justifier une décision
déjà prise, certains élus savent
désormais mieux prendre en
compte l’avis des citoyens avant
de prendre leur décision. On a vu
certains quartiers ou équipements
publics s’élaborer au cours
de processus participatifs avec
le concours des citoyens. Mais
je suis plus sceptique devant
d’autres élus, pressés de prendre
des décisions et qui n’accordent
responsabilité : quel que soit
l’endroit où l’on se trouve, propos
et faits de chacun peuvent être
rendus publics ! Cette proximité
des chefs d’entreprise ou des
politiques avec leurs clients, leurs
électeurs ou détracteurs est une
bonne chose.
M.-L. S.-C. Nous n’avons pas
encore assimilé les nouveaux codes
de cette communication numérique.
Il faut prendre du recul, s’armer
et construire “sa barrière de corail”,
attaquer, porter plainte quand
c’est nécessaire ; bref, retrouver
les règles éthiques normales pour
ne pas se laisser déborder. L’affaire
Thévenoud, par exemple, outre
un certain populisme, révèle que
la démocratie a fonctionné, plutôt
vite d’ailleurs, la transparence
aussi, que l’administration fiscale
fonctionne, que des pénalités
ont été infligées, alors qu’avant,
on n’aurait peut-être même pas
su... Oublions la déferlante populiste
haineuse, ne retenons plutôt que
le positif.
X. C. D’après vous, quelle est
la responsabilité des médias
traditionnels dans cette dérive ?
M.-L. S.-C. J’enseigne les médias
mutants à Sciences Po et je
constate que les sujets “people”
nous polluent et nous empêchent
de discuter des grands sujets et
réformes importantes. Mieux vaut
“Avec Twitter,
une nouvelle
communication
s’instaure,
qui implique
une nouvelle
responsabilité :
quel que soit
l’endroit où
l’on se trouve,
propos et faits
de chacun
peuvent être
rendus publics !”
Virginie Fauvel
[DIX ANS] Demain, la société connectée l’émission
18. Brocas-lès Forges
L’open data au
coeur des Landes
parolesdelus.com 19
clients que l’entreprise elle-même
en interne, avec du WiFi, des accès
Internet pour tous, en s’ouvrant
aux réseaux sociaux, en équipant
les collaborateurs pour retrouver
a minima au bureau la technologie
dont ils disposent chez eux.
M.-L. S.-C. Un constat me trouble.
Il y a vingt ans, les entreprises
proposaient un matériel performant
à des salariés non équipés chez
eux. Aujourd’hui, c’est le contraire :
les salariés sont bien équipés
et c’est l’entreprise qui dispose
d’un matériel vieillissant avec un
personnel non formé. Il faut donc
dire aux chefs d’entreprise et
aux élus de s’équiper, de passer
à la 4G. Le risque, c’est que
les collaborateurs et l’entourage,
en particulier les jeunes générations,
ne les respectent pas.
X .C. Au sujet de la transmission
du savoir, Luc Bretones, pouvez-vous
nous en dire plus sur les
Cités du savoir ?
L. B. Il s’agit d’un projet de soutien
scolaire innovant, une sorte de
“Resto du coeur du savoir” auquel
se sont associés 2 500 salariés
bénévoles d’Orange Solidarité pour
un coût dérisoire (2 500 euros par
dispositif). Il suffit qu’une collectivité
mette à disposition des tables
et des chaises dans un espace
chauffé pour installer ce dispositif
numérique de soutien scolaire.
écouter les besoins des gens qui
s’expriment à travers les réseaux
sociaux plutôt que les petits
mots des journalistes. Les médias
traditionnels ont beaucoup
de difficultés à opérer la transition
numérique.
M. F.-P. Convenons que si
les médias traditionnels sont
bousculés, c’est que leur ancien
modèle économique est affaibli,
remis en question, avec moins
de publicité et de vente. L’essentiel,
c’est de trouver les moyens
de financer des enquêtes longues
et indépendantes, comme à
L’Express, lorsque nous avons
enquêté à quatre pendant trois mois
sur le cumul des mandats auprès
de 1 500 élus. Les nouveaux médias
en ligne auront-ils la capacité
de financer des enquêtes longues
menées par des journalistes
indépendants ?
X. C. L’entreprise a-t-elle
un rôle majeur à jouer
dans la transmission des
connaissances ?
V. F. Une société comme Allianz
a, me semble-t-il, un devoir de
former et d’accompagner, quel
que soit leur âge, l’ensemble
de ses collaborateurs, qui expriment
le besoin d’appréhender le
numérique et qui, d’ailleurs, sont
aussi des citoyens. Mais cette
numérisation touche tout autant les
“Grâce à son
effet de levier,
le numérique
est un fabuleux
outil de
désenclavement,
quelle que
soit la taille
des collectivités,
à des coûts
réduits,
accessibles
à tous et
susceptibles
de fédérer tous
les citoyens.”
Luc Bretones
Un village des Landes, à
deux pas de Mont-de-Marsan,
a adopté le numérique pour
changer la vie de ses habitants :
Brocas-lès-Forges veut les faire
entrer dans un monde nouveau.
À une centaine de kilomètres
au sud de Bordeaux et au nord
de Pau, Brocas (Landes) a fait
le pari de l’open data. Soucieuse
d’efficacité de l’action publique,
cette commune de 800 habitants
en plein coeur de la forêt landaise,
a choisi l’open data comme
support de transparence et
d’efficience dans la vie publique
et politique. Productrice de
données comme n’importe
quelle collectivité, à commencer
par ses délibérations qui
sont nécessairement publiques,
Brocas a vu un intérêt à fournir
et à mettre à disposition 22 jeux
de données pour 90 fichiers :
eau, effectif scolaire, économie
du village, taux d’accidents, etc.
Elle invite aussi le public
à lui envoyer vidéos et photos
du village pour les partager.
Aujourd’hui pionniers, les
élus de Brocas sont convaincus
d’une généralisation rapide
de ce mouvement de mise
à disposition de données
communales. Ils reçoivent
d’ailleurs de nombreuses
sollicitations de collègues,
en recherche de précisions.
Quant aux habitants, ils
ont vite compris que l’open
data pouvait leur rendre
des services, mettre leur
territoire en avant et faciliter
les échanges.
u opendata.brocas.fr
19. [DIX ANS] Demain, la société connectée l’émission
20 Paroles d’élus tome 10
une ville inconnue, a pu échanger
une nuit durant avec d’autres
femmes qui avaient connu le même
drame. La solidarité online est très
forte et débouche parfois sur la
vraie vie, abolissant les séparations
entre virtuel et réel.
X. C. Qu’apporte le numérique
dans la relation des femmes au
travail ?
V. F. Quand on sait le maîtriser,
le numérique peut considérablement
aider les hommes et les femmes
à gérer vie privée et professionnelle
en restant à proximité de leur bureau,
tout en allant chercher leurs enfants
ou en les accompagnant chez
le médecin et en restant connecté
avec l’entreprise si besoin.
Le numérique génère donc moins
de stress, à condition aussi
que l’entreprise régule bien l’envoi
des courriels : chez Allianz, une
charte recommande de ne pas
envoyer de courriel avant 7 heures
du matin et après 21 heures,
ainsi que le week-end (sauf
urgence). L’application de cette
charte a changé le rapport des
salariés aux courriels et participe
à une diminution du stress.
X. C. La France est-elle équipée
pour affronter cette nouvelle
économie du numérique ?
Existe-t-il une stratégie politique
numérique ?
L. B. On constate une réelle prise
de conscience dont les récentes
prises de position des secrétaires
X. C. Qu’est-ce au juste
qu’Orange Solidarité ?
L. B. Sous l’impulsion de Mireille
Le Van, secrétaire générale
de la Fondation Orange, nous
avons réactivé il y a trois ans
cette association qui a recruté
2 500 bénévoles pour mettre
Internet à la portée du plus
grand nombre : jeunes des cités,
personnes âgées ou femmes
au chômage. Nous sommes
en contact avec des élus des
associations régionales et locales,
des comités de quartier, des
associations de retraités, etc.
Tous les soirs, les salariés
volontaires du groupe Orange
se rendent dans ces salles de
formation équipées d’accès Internet
ouverts, accueillent ce public
en face-à-face et tissent ce lien
social… plutôt improbable sans
le Net. C’est ainsi qu’un jeune
délinquant en réinsertion a croisé
à Saint-Denis (93) un cadre sup
d’Orange, qu’il n’aurait sans cela
jamais rencontré, et qu’autour
d’une souris et d’un écran ils ont
ensemble rédigé un CV en ligne,
envoyé un premier courriel, etc.
X. C. Comment s’exprime cette
solidarité sur aufeminin.com ?
M.-L. S.-C. Dans l’anonymat
d’un site comme le nôtre, se créent
de nouvelles intimités qui tissent
du lien social. Comme cette femme
de militaire partie en Afghanistan
qui, après une fausse couche dans
d’État au numérique sont la preuve.
Mais depuis dix ans, on voit passer
tous les trains de l’innovation
numérique en Europe, en France
en particulier, sans en accrocher
un. Il suffirait de prendre le prochain.
Le logiciel s’est immiscé dans
tous les secteurs de l’économie,
ou comme le dit Marc Andreessen
“software is eating the word”
(le logiciel a mangé toute la valeur
du monde). Aujourd’hui, c’est vers
la data que se tournent les regards,
que se cristallise la curiosité,
autour de laquelle il faut se mobiliser.
Pour les objets connectés et le big
data, nous disposons des meilleurs
ingénieurs. Le monde nous les
envie. 60 000 expatriés développent
des applications dans la Silicon
Valley, où la French Touch est
considérée comme l’intelligence
la plus raffinée. Il faut regretter
qu’une fois les start-up lancées,
les créateurs partent à l’étranger
parce qu’ils ne trouvent pas de
capitaux en France…
X. C. Et qu’en est-il du principe
de précaution ?
V. F. À mon avis, on se cache
souvent derrière ce principe pour
ne pas innover. Quand on veut
développer et jouer dans la cour
des grands industriels, il faut
accepter de prendre des risques.
En France, on n’en prend pas
assez.
M.-L. S.-C. Pourtant, il existe en
France un mécanisme très puissant
“Certains
élus savent
désormais
mieux prendre
en compte l’avis
des citoyens
avant de prendre
leur décision.
On a vu certains
quartiers ou
équipements
publics s’élaborer
au cours
de processus
participatifs
avec le concours
des citoyens.”
Michel Feltin-Palas
20. Aurillac
Le numérique
au service
des artisans
parolesdelus.com 21
rencontrer un médecin. Tout le
monde consulte Internet sur ces
sujets-là. Nous avons donc choisi
de proposer des consultations
de professionnels à faible coût
pour désengorger les urgences
et répondre à une réelle demande.
pour aider les start-up : c’est le
chômage. Dans aucun autre pays
au monde, des chômeurs ne
sont rémunérés pendant deux ou
trois ans pour monter leur boîte.
Quelle fabuleuse aide à la création
d’entreprise quand un emploi sur
cinq naît du numérique !
X. C. Quel est votre sentiment
sur les avancées dans le secteur
de la santé, dossier que vous
portez au CNNum, alors qu’une
étude annonce qu’en 2015
500 millions d’utilisateurs de
smartphones et de tablettes
utiliseront des applis mobiles
liées à la santé ?
V. F. La France, qui dispose d’un
patrimoine de données parmi les
plus riches au monde, doit les ouvrir
à l’open data, avec les précautions
qui s’imposent. À cette condition,
les ingénieurs pourront créer
des applications qui amélioreront
considérablement la santé.
On a raison d’être prudent sur cette
diffusion de données ultrasensibles,
mais le domaine est très porteur et
créateur d’emplois.
Dès lors que la donnée est
individuelle, elle doit être manipulée
avec un maximum de précautions,
en accord avec la Cnil et en préservant
rigoureusement son anonymat.
M.-L. S.-C. La santé, secteur très
présent sur aufeminin.com, nous
a incités à créer les préconsultations.
Il s’agit d’aider les internautes
à comprendre leur état avant de
“Il existe en
France un
mécanisme
très puissant
pour aider les
start-up : c’est
le chômage.
Dans aucun
autre pays au
monde, des
chômeurs ne
sont rémunérés
pendant deux
ou trois ans pour
monter leur boîte.
Quelle fabuleuse
aide à la création
d’entreprise
quand un emploi
sur cinq naît
du numérique !”
Marie-Laure
Sauty de Chalon
À l’initiative de son fondateur
américain, NetSocial marketing,
agence de net marketing
spécialisée dans la stratégie
digitale et l’e-commerce,
s’est installée à Aurillac (Cantal).
Elle propose ses services à des
entreprises qui cherchent des
opportunités de développement,
entre autres à l’international,
grâce à des sites web efficaces
et aux ventes en ligne.
Elle étudie les besoins, propose
des solutions web et les a déjà
mises en oeuvre avec succès
pour plusieurs marques locales.
La société s’est installée
dans le Cantal par choix de la
qualité de vie et d’équipements
adaptés à ses activités, mis
en place par le Conseil général.
L’accompagnement des
pouvoirs publics à la création
d’entreprise a été un facteur
majeur de son implantation.
Depuis, l’agence est d’ailleurs
devenue partenaire du
programme CyberCantal lancé
par le Conseil général. Elle
participe aussi à la formation
des télétravailleurs. De sorte
que NetSocial marketing
est l’exemple d’une entreprise
qui a reçu de la part de la
collectivité et lui rend en retour
son savoir-faire.
u netsocialmarketing.fr
Une réalisation dédiée aux
dix ans de Paroles d’élus
Après avoir étudié au Conservatoire
libre du cinéma français, Dagmar
Dudinsky débute sa carrière en voguant
entre la production audiovisuelle, l’art
underground (Hôpital éphémère) et
la mode. En 1988, Dag intègre le studio
graphique “La Force Magique” avant
de rencontrer son binôme, Gonzague
Lacombe, avec lequel elle créé l’agence
de signalétique “Directeur Général”.
Elle participe à la réalisation de Métavilla
avec le collectif EXYZT lors de la
biennale de Venise en 2006. Ensuite, elle
s’immerge dans l’univers de la création
sons et lumières v.2, où s’entrechoquent
graphisme en temps réel, audio en
surround et algorithmes. Dag a été invitée
à réaliser, pendant le tournage de
l’émission à la Gaîté lyrique, une création
graphique autour de “Paroles d’élus”.
u daginsky.com