Presentation by Mr. Nicolas Simon, at the Meeting on Fostering Inclusive Grow...
Droit & patrimoine
1. actualité éclairage
Moult sites Internet proposent de l’information et du conseil
juridiques en ligne. Enquête sur ce phénomène.
Internet :
le droit à portée de clic !
Depuis quelques temps, des sites est bonne pour vous ». Tirant les conséquences
proposant de l’information ou du conseil de cette affirmation, il enchaîne en expliquant
juridiques en ligne fleurissent un peu que le métier d’avocat « consiste moins qu’avant
à aller chercher cette règle de droit, qui parfois est à
partout sur Internet. Les avocats, en la portée de l’usager lui-même, que de réfléchir sur
particulier, se sont engouffrés dans l’adaptation de cette solution au cas particulier de ce
cette nouvelle opportunité. Enquête sur dernier ».
une pratique amenée à se développer Les plus actifs – voire omniprésents – dans le
sous le regard vigilant des institutions. domaine du conseil juridique en ligne sont les
avocats. Au-delà des classiques annuaires, plé-
Le web tisse sa toile et piège dans thore de sites leur proposent,
ses fils le droit. Rien de plus facile moyennant finance, de se référen-
en effet que d’y trouver une infor- cer et de créer une fiche de pré-
mation, une aide ou un conseil sentation à destination des futurs
juridique. Pour cela, il suffit utilisateurs. Nom, prénom, qua-
d’entrer ces termes en tant que lité, code postal, tarif, délai de
mots clefs dans un moteur de réponse, domaine(s) de compé-
recherche. Legadirect.com, juri- tence(s). Le schéma est quasi-iden-
guide.com, aide-juridique-en- tique sur les différents sites. Le
ligne.fr, portail-juridique.com, choix de l’avocat par l’internaute
information-juridique.com, se faisant ainsi à partir de ces ren-
vosdroitsendirect.com, conseil- seignements. Méthode originale,
juridique.net, canaldroit.com, le site meilleuravocat.com pousse
wengo.com, meilleuravocat.com, l’exercice à l’extrême en soumet-
Pierre Berger,
connaître-ses-droits.com, mona- tant l’internaute à un questionnaire
président de la commission
vocatonline.fr… Les réponses Règles et usages du CNB
« pour vraiment affiner sa recherche »
sont infinies. Le droit décliné sous car « notre but est de trouver l’avocat
toutes ses coutures. le plus adapté aux besoins du client »,
À en croire plusieurs créateurs de sites, ces sup- commente Ralph Ruimy, directeur de la publi-
ports connaîtraient un réel essor depuis 2009. cation du site. D’où le nom de celui-ci.
De fil en aiguille, le droit tisse donc sa toile et Là où les sites se différencient les uns des autres,
capte à son tour les internautes. C’est un fait : outre leurs portails, c’est dans la tarification
l’information et le conseil juridiques sont par- et la façon de prendre contact avec le profes-
tout. Et attention à ne pas confondre ces deux sionnel. La tarification, d’abord. Le site
notions, « information » et « conseil », justement, wengo.com propose par exemple une tarifi-
comme le rappelle Pierre Berger, président de cation à la minute. David Bitton, directeur
la commission des Règles et usages du Conseil général de ce site, explique : « nous avons fait
national des barreaux (CNB) : « l’information des tests : prix forfaitaire, forfait initial plus minute
sur la règle de droit ne donne pas la réponse à la au-delà du forfait… C’est le prix à la minute qui
question de savoir si la solution que vous avez trouvée a eu le plus de succès auprès des utilisateurs. Nous
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2. suivons la demande ». Selon les conditions tari- et le taux horaire. Les prix varient du simple
faires et modalités de paiement du site, la trans- au double, voire plus. Certains sites facturant
action coûte au minimum 50 centimes d’euros à la question posée, d’autres à la consultation.
et au maximum 5 euros la minute. « Objecti- La prise de contact, ensuite. Deux possibilités
vement, l’avocat ne doit pas s’amuser, pour être s’offrent à l’internaute : soit il soumet sa question
conforme à nos règles déontologiques, à faire durer par écrit, soit il appelle en direct l’avocat. La
le compteur », souligne Laure Denervaud, avo- première formule est celle choisie par conseil-
cate utilisatrice de ce site. Pour parer à cette juridique.net car pour son créateur, Julien
éventualité, le site wengo prévoit qu’au-delà Pichot, « il y a forcément une réflexion et une
de 120 euros « par transaction par utilisateur », recherche à avoir avant de répondre au client ». Dans
la communication est interrompue. Il n’en la seconde formule, l’appel s’effectue selon les
reste pas moins que « pour délivrer un conseil de horaires de disponibilité indiqués par ce dernier.
qualité, il faut prendre un minimum de recul », Or le site wengo, par exemple, propose de join-
estime Pierre Berger qui poursuit en expliquant dre le professionnel 24h/24, 7j/7. Laure Dener-
que la tarification à la minute « crée des conditions vaud a ainsi eu une surprise : « j’ai eu un appel
de consultation qui risquent de ne pas être conforme à 1h du matin une fois. Je partais du principe que
à l’exigence de qualité et de dignité ». L’idée sous- l’on n’appelle pas la nuit ». Derrière ce coup de
jacente étant que l’usager, soucieux de ne pas fil tardif une vraie demande, pour autant l’avo-
avoir une trop grosse facture, surveille sa mon- cate envisage de ne plus se rendre disponible
tre… Autres formules de tarification : le forfait 24h/24 si cela venait à se reproduire.
3 questions à Emma, ancienne notaire assistant ayant lancé
aide-juridique-en-ligne.fr
Depuis combien de temps votre site existe-t-il et pourquoi l’avez-vous lancé ?
Il a été officiellement créé le 1er janvier 2008 mais il a vraiment décollé à l’été 2009. Je l’ai développé pour pouvoir
travailler à la maison et être indépendante. Le but de ma démarche est aussi de ne pas perdre le contact avec le monde
juridique, de ne pas oublier tout ce que j’avais appris, de rester au fait des réformes et de garder un contact avec la
clientèle bien que ce ne soit pas la même qu’à l’époque où j’exerçais dans une étude.
En quoi consiste votre aide juridique ?
Je mets des termes de droit sur une situation donnée de manière à aiguiller l’internaute vers un professionnel compé-
tent. Dans la plupart des cas, cela débouche sur la consultation d’un notaire, d’un avocat, d’un expert-comptable, etc.
Qu’est-ce qui vous différencie des autres sites tournés vers le juridique ?
Je suis à mi-chemin entre le forum juridique gratuit qui n’engage absolument pas la responsabilité de celui qui donne son
avis et le conseil juridique délivré par un praticien assuré. Je précise systématiquement dans mes réponses et condi-
tions générales d’utilisation que les informations que je donne ne remplacent pas une consultation auprès d’un profes-
sionnel. Le client est seul juge et responsable. Enfin, un volume peut-être moins important d’interrogations me permet
de rédiger des réponses très personnalisées.
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3. actualité
éclairage
Quid de la place de la déontologie ? « Le réfé- de discussions, le particulier peut potentielle-
rencement sur un site, même s’il est payant, est un ment, et sans aucune fiabilité, trouver une
mode de publicité qui en soi n’est pas critiquable. Le solution à son problème sans préjuger des consé-
site n’est pas a priori un lieu de démar- quences qui peuvent en découler.
chage puisque c’est l’usager lui-même Une préoccupation reprise par le
qui consulte le site. Ce dernier ne peut ministère de la Justice comme l’un
donc pas être considéré comme faisant des objectifs militant en faveur de
une offre de service personnalisée au la création de l’acte contresigné
domicile des usagers », relate Pierre par avocat. En effet, dixit l’étude
Berger. Il précise cependant que d’impact accompagnant le projet
« les sites affirmant avoir négocié les de loi de modernisation des pro-
honoraires avec les avocats ne sont pas fessions judiciaires et juridiques
tolérables car cela est contraire au prin- réglementées présenté par la garde
cipe essentiel de la libre discussion de des Sceaux en conseil des ministres,
l’honoraire entre l’avocat et le client ». le 17 mars dernier (pour plus
Les sites de référencement, gratuits d’informations, v. dans ce même
ou payants, n’ont toutefois pas le numéro p. 14), « de nombreux actes
monopole du conseil juridique en sous seing privé sont conclus par des
Ralph Ruimy,
ligne. Avocats et huissiers de jus- directeur de la publication
particuliers sans que les parties aient
tice proposent en effet des consul- de meilleuravocat.com reçu le conseil de professionnels du droit
tations via les sites de leurs études. sur la nature et les conséquences de
Si la Chambre nationale des huis- leurs engagements. Cette façon de pro-
siers de justice n’a pas souhaité céder est de plus en plus répandue en
s’exprimer sur le sujet, côté avocats France, des modèles de contrats étant
Pierre Berger juge qu’il y a « des même disponibles sur Internet. Elle
bonnes pratiques sur Internet ». Ainsi, présente pourtant des risques impor-
il estime qu’« il est tout à fait sain tants […]. Il importe donc d’encourager
qu’au travers de leurs sites, les avocats le recours à un professionnel du droit
expliquent ce qu’ils font, la manière pour accroître la sécurité juridique ».
dont ils calculent leurs honoraires ou Encouragement et non obligation.
les enjeux de tel ou tel mécanisme juri- La différence est là. Rien n’em-
dique ». pêche le développement des sites
proposant de l’information ou du
Autres pratiques conseil juridique. Julien Pichot
considère que « les gens vont avoir
Outre le conseil juridique en ligne, David Bitton, tendance à moins se déplacer avec tous
tout citoyen peut lancer un appel directeur général de wengo.com les services qu’ils trouvent sur Internet ».
d’offres pour des questions liées Il revient donc aux professionnels
au droit immobilier, droit bancaire ou encore du droit de valoriser leur place dans la société
au droit civil. C’est la formule choisie, par exem- du web.
ple, par le site boursedudroit.com qui permet Clémentine Delzanno
à un professionnel du droit de se porter candidat
à l’appel d’offres. « Le fait que des particuliers
utilisent Internet pour faire connaître un besoin n’a Notaires – Vu à l’étranger
rien de choquant en soi », considère Pierre Berger.
La limite étant pour l’avocat, selon lui, de « ne S’il est mission impossible de trouver un notaire fran-
pas accepter de répondre dans des conditions techniques çais – en raison de l’interdiction qui lui est faite de faire
qui n’assurent pas la qualité de la prestation et à un de la publicité individuelle – proposant du conseil juri-
tarif indigne ou rompant les conditions d’une concur- dique sur Internet, les notaires québécois eux sont bien
rence loyale entre les avocats ». présents. Par exemple, une étude de Montréal a créé
Enfin, l’internaute a à portée de clic toute une notaire-direct.com et propose des contrats types et
série de sites proposant des lettres types (lettre des consultations en ligne notamment en matière de
de licenciement, de mise en demeure, contrat succession, protection du patrimoine, de mariage ou
de bail…). En les complétant avec des infor- d’immobilier.
mations trouvées sur des blogs ou autres forums
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