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Adélaïde
*
Tome I :
Le Club des Damnés
*
Philippe Rosenberger
« À Charlotte, à mes premiers lecteurs. »
Partie I
Le lieu de plaisir
Chapitre I
La recherche d’un emploi
Adélaïde ne savait pas pourquoi elle avait répondu à cette annonce.
Ce type de travail n’était pas son genre, elle qui était plutôt timide et réservée, et elle ne se
voyait pas gagner sa vie ainsi. Elle avait du caractère et de l’audace, certes, mais à petites
doses, rien qui puisse laisser croire qu’elle se présenterait un jour pour une telle offre
d’emploi. Mais comme toutes les filles de 21 ans, Adélaïde avait besoin d’argent. Pas pour le
dépenser en maquillage ou en vêtements hors de prix, non, simplement pour subvenir à ses
besoins.
Elle ne manquait de rien, et ses parents attentionnés payaient ses études, mais elle avait
réclamé son indépendance en prenant un appartement en ville et elle songeait aussi à s’acheter
une voiture pour se déplacer. Pas une de ces grosses voitures présomptueuses qui perdent tout
leur charme dès qu’une rayure se dessine sur la carrosserie, non, juste une voiture. Une simple
automobile pour commencer, une R5 ou une AX, de quoi se déplacer en passant inaperçue.
C’était son rêve du moment. Mener les années d’études qui lui restaient en étudiante
indépendante, loin de la maison familiale, et n’avoir besoin de rien d’autre qu’un chaton à
dorloter.
On était vers la fin du mois de septembre, les vacances de la Toussaint approchaient à grands
pas et l’excitation de la fête d’Halloween se faisait déjà ressentir. Les enfants suivis de leurs
parents chargés de courses courraient dans les rues. Ils se rendaient dans les magasins afin
d’acheter leurs costumes de sorcières, de fantômes et de pirates pour pouvoir partir frapper
aux portes tels de petits démons.
Cela faisait sourire Adélaïde. Elle se remémorait toujours avec mélancolie cette délicieuse
enfance faite d’insouciance et d’innocence, loin des responsabilités et du travail omniprésent.
Sauter dans la neige, regarder la télévision et jouer à des jeux de société, se goinfrer de
bonbons, c’était le paradis. Malheureusement pour elle ce temps était révolu et la gaîté
infantile avait fait place au stress des études.
Adélaïde était en seconde année d’histoire à la faculté Saint-Augustus. Ses études la
passionnaient. Elle adorait l’histoire. Ces fables contant des guerres menées pour la noble
cause de la justice, ces découvertes révolutionnaires, ces leçons de morale sur la condition de
l’homme… Elle se montrait toujours dévouée dans ce qu’elle faisait, remplissant ses tâches
avec engouement, même s’il fallait admettre que ce n’était pas forcément de tout repos,
principalement en ce qui concernait la masse de travail à la faculté en comparaison du lycée.
Mais sa passion étant sans égale, elle ne s’offusquait donc jamais d’avoir une surcharge de
travail. De parents français, Adélaïde Sureau était brune, avait les yeux marron et de jolies
formes, quoiqu’elle ne les mettait pas forcément en valeur. Elle ne voyait pas la nécessité de
plaire aux garçons pour le moment et se contentait donc de s’habiller à ses goûts et de mettre
un peu de maquillage. Haute d’un mètre soixante-quinze, son corps était élancé et bien
proportionné. Son nez aquilin et son teint peu bronzé faisaient ressortir ses yeux et ses fines
lèvres, embellissant son visage d’une beauté sans pareille. Selon ses parents, son sourire et
son regard étaient d’ailleurs ses deux plus beaux atouts, son visage étant pour eux le plus beau
du monde, mais comme pour tous les parents cela dit.
Adélaïde, bien qu’elle ne se préoccupait guère de tout cela avait toutefois constaté que cela
faisait effectivement de l’effet et comptait là-dessus pour ses entretiens d’embauche. Son
sourire donnait confiance aux parents et elle s’était donc avec joie mise à faire du baby-sitting
et à donner des cours à domicile tout au long de l’année précédente. Elle était douée pour les
deux, bizarrement, car bien que fille unique elle savait se débrouiller avec les enfants en bas
âge, leur racontant des histoires ou jouant avec eux à la poupée et en ce qui concerne les cours
à domicile, elle avait d’énormes facilités en mathématiques alors que ce n’était pourtant pas sa
vocation.
Malheureusement les horaires du gardiennage ne concordaient plus avec ses études et donner
des cours de mathématiques et d’anglais à des adolescents de 16 ans qui ne songeaient qu’à
savoir ce qu’elle portait sous ses vêtements ne lui convenait plus non plus.
Elle désespérait donc de trouver du travail lorsqu’elle tomba par hasard sur une discrète
annonce dans le journal de la faculté. Cela l’avait tout d’abord surprise, car malgré la teneur
en elle-même de l’annonce, à l’inverse des autres étudiants qui cherchaient des colocataires,
des modèles ou des relations d’une nuit, celle-ci n’était pas écrite en langage familier, mais en
parfait français, un français maîtrisé et soutenu.
« Administrateur d’un lieu de plaisir et de détente pour notables, je suis à la recherche de
jeunes filles majeures belles et réfléchies afin de distraire les membres une fois leurs
conversations terminées. Les distractions et les tenues sollicitées sont à fort caractère
érotique et la nudité des demoiselles peut être demandée, mais dans le respect toutefois de
leur pudeur. En aucun cas il ne s’agit de servir d’hôtesse ou d’Escort girl. Les horaires
seraient au choix libre des “demoiselles”, pour un revenu minimum de 65 euros de l’heure. Si
vous êtes intéressée(s), merci de vous adresser 27 rue des Rodiers. »
Après l’avoir lue et relue, Adélaïde avait rigolé devant une telle démonstration de stupidité,
pensant que même une fille comme elle qui avait besoin d’argent ne pourrait se laisser aller à
donner un strip-tease pour de vieux notables hautains et pervers. Qui plus est dans une
quelconque maison de cette rue miteuse et sombre où personne ne passait jamais.
Elle passa donc son chemin et s’en était allée en amphithéâtre en jetant le journal dans une
poubelle. L’histoire s’était arrêtée là. Elle se plongea dans ses cours de la journée et se
désintéressa de l’annonce, l’oubliant complètement. Elle continua à chercher un job dans les
journaux et sur Internet, mais ne trouva rien qui puisse convenir jusqu’à ce qu’une semaine
plus tard les circonstances changent les choses et la décident à finalement accepter l’offre. En
rentrant d’une journée particulièrement épuisante, elle avait découvert dans sa boîte aux
lettres la facture de gaz, d’un montant assez élevé, et la préoccupation de trouver une source
de revenus quelconque lui revint alors à l’esprit. Allongée sur son lit elle avait revu toutes les
possibilités qui s’offraient à elle pour palier ses impératifs financiers et la feuille humidifiée
par la pluie réapparut ainsi par hasard dans sa mémoire. Elle avait absolument besoin de
rentrer de l’argent et en y prêtant plus d’attention et de sérieux, elle fit des pronostics. Sur une
base de 10 heures par semaine, elle calcula qu’elle aurait la belle vie tous les mois. Mais elle
n’aimait pas danser et se voyait encore moins se mettre nue devant des gens. Elle n’était pas
moche du tout, elle le savait ; sa peau était douce et ne souffrait d’aucun problème, son poids
était dans les normes pour une personne de sa taille et elle avait de jolies formes, mais ce
n’était pas son genre et elle ne pensait d’ailleurs pas que ce soit le genre de quelqu’un de
sensé. Elle refusa donc une seconde fois l’idée de se livrer à cet exercice de dénuement afin
d’avoir de l’argent. Le type qui avait passé cette annonce devrait se passer d’elle, lança-t-elle
haut et fort, convaincue. Il avait de l’argent à dépenser, mais même si ce job pouvait lui
sauver la vie, elle refusait. Sur ces réflexions, elle avait ainsi arrêté de réfléchir à la question
d’un boulot et s’endormit.
*
Le réveil sonna à 9h30 le lendemain matin et Adélaïde émergea en douceur d’un épais rêve de
sucreries. Des bâtons de sucre d’orge, des sucettes et d’autres friandises dansaient au-dessus
de sa tête d’un air joyeux et elle pouvait les entendre chanter de manière festive. Elle était
plongée dans une mer de lait à la fraise, savourant les chants de fêtes sur fond de musique
pop-rock, lorsque le rêve s’était arrêté. Adélaïde arbora un sourire heureux. Elle accommoda
lentement ses yeux à la lumière filtrée par les volets en lamelles et se blottit sous sa couette
pour savourer sa petite demi-heure à fainéanter dans son lit. Elle avait cours à 10h45 ce
vendredi-là. Trois quarts d’heure pour se laver, s’habiller et parcourir sept cents mètres
jusqu’à sa faculté en mangeant un pain au chocolat acheté à la boulangerie d’en face, rien de
tel pour commencer en douceur le dernier jour de la semaine, se disait-elle.
Savourant le plaisir d’être dans son lit pour encore un certain temps, elle s’émerveilla donc de
toutes ces sucreries dont elle avait rêvé et eut envie de s’en acheter de toutes les sortes. Ce
serait délicieux. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas mangé de bonbons, la dernière fois
devant remonter à son anniversaire, et le goût sucré sur sa langue lui manquait. Adélaïde
s’extasia en pensant à cet instant prochain à la boulangerie lorsque sa béatitude s’écourta
nette. Elle avait rouvert les yeux sur son réveil qui indiquait 10h31.
Se relevant en sursaut, furieuse de s’être rendormie en pensant à son rêve, elle se lava
rapidement, mangea un morceau de pain de la veille pour ne pas avoir l’estomac vide,
s’habilla en trombe, et partit.
Les circonstances agirent une nouvelle fois tandis que la file de voitures sur la route de la
faculté lui suggérait de ne pas emprunter cette voie. Ce fut instinctif et purement futile. La file
de voitures avait donné à son cerveau l’idée d’un chemin encombré, prenant donc du temps à
parcourir même si elle était piétonne. Son subconscient avait alors passé l’alerte ; « Trop long,
trouve un raccourci ». Adélaïde décida ainsi de couper sur sa gauche pour rejoindre les grands
bâtiments de pierre situés au nord-est. Elle coupa par une rue piétonne et descendit sur la
vieille ville dans les rues marchandes. Si sa mémoire était bonne, une autre ruelle la ramenait
directement sur la gauche de l’accueil du bâtiment où elle avait cours et décida de
l’emprunter. L’endroit était sombre et glauque, de vieilles bâtisses se dressant de part et
d’autre de la rue, n’attendant qu’un coup de vent pour tomber et faire des victimes parmi les
sans-abris qui squattaient ici. Elle traversa la ruelle en hâte et se retrouva à tout juste deux
rues de sa faculté. Haletante, elle s’arrêta et reprit sa respiration, se penchant en avant les
mains appuyées au-dessus des genoux pour faire de grandes inspirations. Les gouttes de sueur
perlaient à ses tempes et sur ses clavicules découvertes, et Adélaïde se sentait en nage. Elle
inspira à fond et marcha rapidement vers le bâtiment d’accueil. Il était 11 heures passé d’une
minute à sa montre. Adélaïde passa devant la concierge, s’épongea la figure, but un coup à la
fontaine d’eau de l’entrée et s’engagea dans les couloirs la menant à sa salle de cours.
Le professeur fut clément et ne lui fit aucune remarque lorsqu’elle interrompit son cours en
entrant. Adélaïde adorait l’histoire et il le savait, il reprit donc son exposé tout en écrivant au
tableau, décrochant son regard de par-dessus ses lunettes pour le fixer sur la craie blanche qui
jalonnait le vert caractéristique des tableaux d’école.
Adélaïde s’assit près d’une fenêtre dans le fond, ouvrit ses cahiers et se mit immédiatement à
écrire. Il se passa une bonne heure avant que l’ennui ne finisse toutefois par la gagner. Ce
n’était pas parce que le cours ou le professeur à la barbe blanche étaient soporifiques, mais
parce que la fille qui s’était mise à jacasser ne connaissait absolument rien d’autre à l’histoire
que les dates d’achat de ses vernis à ongles et autres produits de beauté. Adélaïde laissa donc
son regard flâner par la fenêtre et la tête posée sur sa paume gauche elle regarda dans la
direction de son appartement, au-delà des cimes des arbres et des toits d’un autre siècle. Le
ciel était gris-clair ce jour-là, il ne faisait pas moche en soi, juste gris. Çà et là quelques zones
blanches rajoutaient un peu de contraste parmi les nuages, mais c’était tout. Le vent soufflait
beaucoup, cela se voyait aux arbres dont le feuillage encore vert oscillait au gré des
bourrasques. D’un œil distrait, elle regarda les gens aller et venir en face de la faculté, les
passants promenant leurs chiens ou se baladant avec leurs bébés, le fleuriste sortant ses
derniers bouquets pour les mettre sur l’établi, le barbier balayant devant sa porte… Elle
admirait tout ce petit monde et leur univers carré sans se soucier de rien d’autre lorsqu’elle
remarqua cette tache plus sombre que les autres parmi le décor citadin. En y portant plus
d’attention, elle se rendit compte que c’était la ruelle qu’elle avait empruntée comme
raccourci. Les bâtiments des deux côtés étaient si rapprochés par rapport à ceux des autres
intersections, si bancals et si attaqués par la pollution, que l’ensemble renvoyait une image
sombre et caverneuse. La seule touche de couleur dans ce décor noirci par la saleté était
l’unique arbre aux feuilles bien vertes qui se trouvait à l’entrée de la ruelle. Il semblait être la
dernière chose vivante luttant encore pour ne pas perdre sa joie de vivre. La dernière chose
qui n’était pas atteinte par cette mort qui planait au-dessus de ce coin oublié et délaissé de la
ville.
À cet instant elle s’en rendit compte, il s’agissait de la rue des Rodiers. Hasard ou
coïncidence ? Adélaïde se posa la question en quittant la salle de cours.
Le reste de la journée se passa de la façon la plus normale possible, sans aucun incident.
Adélaïde suivit ses cours avec attention, répondit aux questions avec exactitude et réussit une
interrogation surprise concoctée par le dernier professeur. Elle quitta son lieu d’étude, ses
écouteurs sur les oreilles, soulagée du bon déroulement de la journée et tandis qu’elle suivait
le flux des étudiants vers le boulevard principal, elle repensa à cet arbre donnant sur la rue des
Rodiers. Il lui semblait intemporel et incongru dans ce décor noir. Elle décida d’y jeter un
rapide coup d’œil maintenant qu’elle avait le temps et se dirigea donc vers la fameuse ruelle.
Le hasard fit que la musique passa sur « Every breath you takei
» de The Police.
Ce fut étrange, mais cette chanson l’apaisa et l’incita à continuer sur sa lancée. Elle parcourut
les derniers mètres la séparant de l’arbre et s’en approcha pour en toucher l’écorce. De près on
pouvait apercevoir son tronc parsemé de nœuds, ses couleurs nuancées de brun et de beige et
la majesté qu’il dégageait. C’est triste à dire, mais les gens sont si obnubilés par leur travail et
par le stress environnant qu’ils en oublient d’admirer la nature. Cette nature si parfaite.
Adélaïde se le rappela en contemplant cet arbre si simple et si insouciant, ne réagissant qu’aux
souffles du vent contre lui. Il ne faisait que vivre, sans rien demander, sans rien attendre. Elle
passa la main sur le tronc et en fit le tour calmement en regardant les feuilles virevolter
comme si elles jouaient de la musique sans qu’aucun son ne sorte. Les racines de l’arbre
émergeaient du sol, le macadam n’ayant apparemment pas résisté à sa puissance alors qu’il
avait lutté pour sa vie, se libérant avec vaillance du cocon imposé par l’homme, les morceaux
jonchant le sol ajoutant à son triomphe. Cet instant avait quelque chose d’intemporel et de
magique. Elle ne sût décrire comment, mais tout s’arrêtait autour d’elle, elle n’entendait plus
que l’arbre respirer, comme si elle pouvait le sentir vivre.
Puis le rêve se tut.
Le bruit des voitures se fit entendre de nouveau, les klaxons et les étudiants couvrirent le
chant du vent et la magie disparut. La musique avait changé.
Adélaïde rentra chez elle silencieuse. Le vendredi soir annonçait le calme et le repos. Elle
posa ses écouteurs et son baladeur sur la table de sa cuisine, passa dans sa chambre et déposa
son sac au pied du lit.
Son appartement était simple, la porte d’entrée donnait directement sur une cuisine d’où l’on
accédait à la chambre, aux toilettes et à un cagibi. La salle de bain et un débarras étaient quant
à eux accessibles depuis ladite chambre dont les grandes fenêtres donnaient sur la rue. Cela
lui convenait. C’était petit, mais spacieux et il y faisait bon vivre, sans compter qu’elle avait
une baignoire ET une douche. Elle se retourna pour regagner la cuisine et manger un morceau
lorsqu’elle vit son reflet dans le miroir de son armoire. Curieuse, elle s’en approcha. Ses
cheveux attachés étaient très peu ondulés. Elle les avait coupés le mois passé un peu en
dessous des épaules. Elle se trouvait jolie comme ça. Adélaïde esquissa un sourire.
- Tu n’es pas si moche que ça finalement.
Chapitre II
La vieille porte & le jeune homme
Adélaïde ne savait pas pourquoi elle avait répondu à cette annonce, mais elle était là.
Elle avait pourtant, au-delà de sa réticence, eu du mal à trouver. Le numéro 27 était presque
effacé, quant au nom du lieu, le « Club des Damnés », il n’apparaissait que sur le haut du
perron, écrit en lettres d’or effacées par le temps. Adélaïde sonna et attendit une réponse. Elle
était inquiète, elle avait peur que cela ne tourne mal, que cela finisse comme dans les
méchants contes ou les journaux. Mais la vue de l’arbre au bout de la rue la rassura. Il vibrait
au son du vent, ses feuilles s’amusant à faire la course.
Le déclic de la serrure la fit sursauter et elle se retourna avec appréhension.
La porte s’ouvrit sur une jeune femme qui devait avoir dans les vingt-cinq ans. Une très jolie
fille. Elle portait un bustier noir s’arrêtant très bas sur sa poitrine sans toutefois rien révéler,
une culotte assortie, et des porte-jarretelles noirs avec bas d’un tressage des plus délicats.
Adélaïde fut surprise, car malgré cette tenue noire et sexy qui lui fit prendre peur en pensant à
ce qui se passait à l’intérieur, la jeune fille avait un maquillage chaleureux et des cheveux
d’un blond presque caramel. L’hôtesse de la maison lui adressa un sourire de bienvenue et ce
visage amical lui donna le dernier réconfort dont elle avait besoin pour accepter de se livrer à
ces exercices coquins.
Adélaïde passa la porte d’un pas assuré.
- Vous venez pour l’annonce ?
- Oui, répondit Adélaïde.
- Bien, suivez-moi, je vous prie. Il va vous recevoir, continua la jeune fille qui la prit par la
main et la guida dans un labyrinthe de draperies de velours noir.
Adélaïde se laissa conduire et n’ayant rien à regarder dans ce couloir obscur et nu, elle porta
ses yeux sur le corps de sa guide, éclairé uniquement par des chandeliers disposés sur des
colonnes de marbre aux différentes intersections. Le bustier qu’elle portait était fermé dans le
dos par un laçage noir s’arrêtant une quinzaine de centimètres au-dessus des fesses. Ses fesses
étaient d’ailleurs rondement bien faites, d’une ligne pure, chacune d’elles se déplaçant avec
élégance en suivant les mouvements que la jeune femme ordonnait à ses jambes fuselées.
Bien qu’elle ne fut d’aucune sorte attirée par les femmes ou encline à comparer, Adélaïde
contempla avec admiration ce fessier qu’elle jalousait presque et les longues jambes se
terminant sur des talons hauts noirs fermés sur les chevilles. Il fallait le reconnaître, cette fille
était bien faite. Adélaïde n’avait pas vu ses seins, mais le reflet des bougies sur la peau douce
et propre de ses omoplates et de ses fesses ne laissait aucun doute quant à la beauté du reste de
son corps.
- Voilà, c’est ici, finit par annoncer la jeune femme.
Elle attira Adélaïde jusqu’à ses côtés et le labyrinthe s’ouvrit sur une somptueuse salle tirée
d’un siècle oublié.
La vision qui s’offrit à Adélaïde lui coupa alors le souffle.
Riche de mobilier et de détails, la salle semblait sortir tout droit d’un décor londonien. Les
murs recouverts de tapisseries de velours bordeaux renvoyaient une image d’aisance
agrémentée par une décoration luxueuse et fournie, alors que le plafond d’un style victorien
rafraîchissait l’ensemble d’un blanc apaisant. Un parquet de chêne foncé verni et lustré qui
semblait hors de prix complétait le tout dans une dernière touche de royauté.
Adélaïde balada son regard pour l’apprécier plus en détail. Un bar à boisson se trouvait sur la
gauche au fond de la pièce, de l’autre côté d’une immense balustrade permettant de monter
sur une scène d’un mètre vingt de haut en forme de demi-couronne de pétales de pâquerette,
et qui passait entre les tables du premier rang. Des clients étaient assis à ces tables et ils
pouvaient admirer à moins d’un mètre d’eux six femmes dansant dans des tenues suggestives.
Adélaïde les regarda, elles dansaient non pas comme des strip-teaseuses, mais plutôt comme
des danseuses de cabaret, dans un style toutefois plus érotique.
Les autres tables d’un mobilier victorien de très grande qualité étaient réparties entre la scène
et le mur du fond où se trouvaient des box aux bancs matelassés de cuir d’un rouge sombre.
Ils étaient éclairés par de petites lampes trônant sur des tables de chevet installées devant eux
et par des chandeliers posés sur des socles contre le mur. La pièce en elle-même était éclairée
par des chandeliers de 3 à 7 bougies placés sur des colonnes de marbre et dont la cire
accumulée formait des stalactites. Un immense lustre de perles à six mètres au-dessus d’elle
complétait l’ambiance en tamisant légèrement les ombres.
Adélaïde était stupéfaite devant une telle richesse artistique.
- Si vous restez avec nous, vous aurez tout le plaisir de découvrir les merveilles des lieux.
- Mon Dieu… c’est magnifique… qui croirait en voyant l’entrée ?
- Oh, ce n’est pas à la couverture que l’on juge un livre, lui répondit la jeune fille en souriant.
- Mais là, c’est au-delà des attentes ! En lisant l’annonce, on devine bien que celui qui l’a
rédigée est cultivé et surtout qu’il a les moyens de se payer de la place pour utiliser un vrai
vocabulaire, mais tout de même !
- Phileas.
- Pardon ? s’étonna Adélaïde.
- Il s’appelle Phileas. Enfin, ce n’est pas son vrai nom… venez.
La jeune fille reprit Adélaïde par la main et la tira vers la droite parmi les tables pour la guider
vers le fond de la pièce où se trouvait un magnifique escalier en colimaçon montant à l’étage
et une série de portes en bois massif décorées.
- Si jamais vous vous perdez ou qu’une chandelle s’éteint, l’entrée c’est gauche, gauche,
droite, droite, gauche, droite.
- Gauche, gauche, droite, droite, gauche, droite, répéta Adélaïde, ne sachant toutefois pas si
cela lui serait utile.
- Il y a seize couloirs distincts dans le labyrinthe, il est facile de se perdre... C’est là.
Elles s’arrêtèrent devant une porte en chêne sculptée. Incroyablement sculptée. Rien n’était
écrit dessus, mais l’on se doutait que cela devait être une pièce importante. La jeune fille
toqua trois fois avant qu’un « entrez » approbatif ne se fasse entendre.
La guide à la chevelure caramel ouvrit alors la porte et fit signe à Adélaïde d’entrer.
Hésitante, la jeune étudiante la regarda, cherchant un quelconque signe sur son visage de ce
qui allait l’attendre, mais celui-ci n’affichait rien d’autre qu’un sourire encourageant et elle se
décida donc à passer l’encadrement de la porte.
L’intérieur était dans le même ton que l’extérieur. Le velours rouge tapissait murs et sols
tandis que les plinthes d’un or majestueux étaient travaillées comme des bas-reliefs de luxure
et de démons. Adélaïde ne put se retenir de contempler les bustes de femmes posés sur des
colonnes de marbre tout autour de la pièce, les cadres renfermant des croquis peints de
femmes nues et les chandeliers sculptés dans de l’écume de mer. Elle fut tellement absorbée
par le décor qu’elle ne remarqua pas l’homme debout de l’autre côté du bureau de bois
travaillé et qui la regardait.
- Cela change de dehors, n’est-ce pas ?
Adélaïde le regarda, sursautant de surprise, non seulement elle ne l’avait pas vu, mais en plus
elle était abasourdie, cet homme faisait presque juron dans ce décor luxueux entretenu par la
tenue des filles. Il était certes bien rasé, semblait jeune et intelligent, mais ses habits étaient
des plus banals, un simple tee-shirt brun et un jeans foncé.
- Euh oui… on ne voit plus ce style de décoration victorienne en ville…
- Bienvenue au Club mademoiselle…
- Adélaïde.
- Parfait, prenez place.
Il lui indiqua un siège devant son bureau et s’assit lui-même.
- Alors, vous répondez donc à mon annonce ? poursuivit-il.
- Oui, c’est cela… enfin, je ne suis pas encore sûre d’accepter…
- Avant que vous ne preniez une décision, laissez-moi vous dire comment je vois les choses,
si vous voulez bien, l’arrêta le jeune homme.
- D’accord, annonça Adélaïde prise de court, mais quelque peu rassurée par cette douceur.
- Le Club des Damnés n’a pas une vocation vulgaire. C’est un club privé où les gens aisés
peuvent venir boire, parler politique, fuir leurs femmes ou évoquer la crise économique. Tout
cela en fumant un cigare et en admirant de jolies filles danser en espérant un peu plus. Ce
n’est aucunement un bar à strip-tease ou une maison close, le cadre est chic, luxueux, et une
musique douce passe en fond pour détendre l’atmosphère, mais le but est de prodiguer une
certaine forme de « rêve » ambiant alors que ces messieurs discutent.
- Oui, répondit Adélaïde.
- Maintenant, les clients peuvent demander à passer du temps en privé avec l’une des filles
pour se détendre ou demander à ce qu’elle enlève un dessous, mais cela ne vous concernera
que si vous avez spécifié aller jusque-là. Dans l’idéal le client ne touche pas et il ne repart pas
accompagné, vous offrez juste le plaisir des yeux. Il y a des salles en haut, accessibles par
l’escalier en colimaçon, où vous pouvez donner des danses privées si vous désirez de
l’intimité, mais je préférerais que cela en reste là. Maintenant, si vous sentez un bon feeling
avec un client et que vous voulez aller plus loin avec lui…
- Vous n’employez que des femmes ?
- Oui.
- Je ne sais pas si j’ai le courage pour cet emploi, mais j’ai besoin d’argent et…
- Si vous acceptez le salaire est de soixante-cinq euros de l’heure, quatre-vingt-dix à partir de
23h et cent-quarante-sept les soirs de week-end. Vous avez le droit en plus à un bonus de
cinquante euros si vous montrez vos seins et de quatre-vingt-dix si vous révélez votre… enfin
vous avez compris. Les garde-robes vous seront fournies de même qu’une loge privée.
- Je suis assez pudique vous comprenez, alors me balader dans une tenue sexy et ôter mes…
Le jeune homme se leva, contourna le bureau et se positionna près d’elle dans un sourire
amusé.
- J’imagine bien, dit-il. Je vais vous donner deux ou trois conseils, d’accord ? Vous êtes
étudiante ?
- À la fac oui.
- Bien, disons que vous essayez mes conseils pendant une semaine ou deux, et si au final ce
n’est pas votre genre, tant pis.
- D’accord, accepta Adélaïde.
- Vous portez quoi sur vous ?
- Là maintenant ?
- Oui. En dessous je veux dire.
- J’ai un ensemble soutif et tanga blanc à dentelle.
- Je peux le voir ? demanda le jeune homme.
En entendant ces mots, Adélaïde se figea. Elle eut un coup de chaud qui se remarqua tout de
suite.
- Si vous voulez travailler ici... poursuivit-il en décrescendo.
- Oui, oui… bien sûr. Tout de suite.
Adélaïde respira un grand coup. Elle se leva de son siège et dans un geste timide releva son
haut jusqu’au-dessous de ses clavicules, révélant son soutien-gorge blanc nacré fait de
dentelle. Elle tourna la tête de côté, pudique, tandis qu’il regardait sa poitrine. Son buste se
gonflait à chacune de ses respirations et elle se sentait terriblement mal à l’aise de montrer
ainsi son soutien-gorge à un type qu’elle ne connaissait pas.
Alors qu’elle se mordait la lèvre inférieure d’embarras, quelque chose de froid toucha sa peau
et la fit se parcourir d’un frisson. Elle tourna la tête pour voir quelle en était l’origine. Elle vit
avec stupeur que le jeune homme baladait ses doigts en dessous de son nombril en descendant
vers son pantalon et sans même lui demander la permission il déboutonna son jeans pour le
descendre jusqu’à mi-cuisses. D’une main posée sur son flanc il la fit pivoter pour regarder
son corps des deux côtés, attardant son regard sur la chair dénudée de ses fesses.
- Le bon côté de la chose c’est que vu votre corps, vous n’aurez pas besoin de faire de la
remise en forme…
- Merci, répondit Adélaïde n’étant toutefois pas certaine qu’elle doive le prendre comme un
compliment.
- Vous vous épilez ?
Elle fit un signe affirmatif de la tête.
- En ce moment j’ai un petit duvet, mais d’ordinaire je me rase, fit-elle rougissante de parler
ainsi de son anatomie intime.
Le jeune homme prit les élastiques des deux côtés du tanga et les baissa doucement pour
regarder le début de sa toison. Adélaïde rougit de pudeur et serra les cuisses espérant retenir
un peu de sa culotte s’il la baissait complètement. Elle ne voulait pas qu’il en voie plus et se
mordit la lèvre, mais elle ne protesta pas, bizarrement. Elle ne réussit pas à se convaincre de le
repousser. Ce n’était pas dans ses habitudes de montrer son intimité à des inconnus, mais s’il
fallait qu’il en soit ainsi pour qu’elle ait le job, soit, elle se laisserait déshabiller.
Elle sentit l’air la rafraîchir alors que le tissu quittait son entrejambe et ferma les yeux pour
oublier ce qu’elle était en train de faire. Elle rapprocha ses cuisses pour recouvrir un peu de sa
toison, mais comme s’il avait perçu son malaise, le dénommé Phileas remonta le dessous sur
ses hanches pour clôturer la séance. Il lui fit un sourire compréhensif et lui prit les mains,
baissant son haut pour recouvrir son buste.
- Vous avez eu confiance en moi, vous m’avez montré vos dessous et votre intimité. C’est un
bon début vous ne trouvez pas ?
Adélaïde rougit une nouvelle fois. Le fait qu’il le dise à haute voix la mit encore plus mal à
l’aise et elle avait à présent un coup de sang de tous les diables.
Phileas retourna derrière son bureau et s’installa confortablement.
- J’aimerais maintenant que vous fassiez un petit exercice pour moi. Lorsque vous irez à
votre fac, vous vous habillerez de cette façon…
Adélaïde quitta le bureau en fermant la porte, surprise de cet entretien. Cette histoire lui
paraissait à présent folle. Elle avait montré son « minou » à un inconnu et sortir de cet endroit
bizarre devint son seul désir. Elle se dirigea vers la sortie où la jeune femme aux cheveux
caramel attendait. Celle-ci lui fit signe d’un sourire et la précéda dans le labyrinthe en
engageant la conversation. Elle lui révéla qu’elle s’appelait Chloé et lui expliqua parmi les
voiles et les draps noirs que pour le début de soirée elle était l’hôtesse d’accueil du club,
chargée de guider les hôtes. Alors qu’elles arrivèrent sur le pas de la porte Adélaïde lui
demanda si cela n’était pas un boulot ingrat, ce à quoi la jeune femme lui répondit par un
baiser. Adélaïde fut déconcertée. Chloé s’était juste approchée d’elle sans aucun contact ni
aucun mot pour poser ses lèvres sur les siennes. Elles étaient tièdes et humides et Adélaïde
crut l’espace d’un instant sentir la langue de la jeune fille effleurer la sienne en déposant un
peu de salive, mais elle n’en fut pas sûre. Chloé s’écarta avant qu’elle n’ait eu le temps de la
repousser et lui fit un sourire.
- Il faut bien comprendre qu’au Club des Damnés nous offrons un plaisir aux clients, mais
qu’ils ne sont pas rois, nous sommes les Reines…
Sur ces mots, la conversation fut terminée et Adélaïde rentra chez elle en cette fin d’après-
midi grisâtre, quittant ce lieu étrange et cette fille libertine d’un pas précipité.
Chapitre III
Sans rien dessous
Adélaïde était en cours dans l’amphithéâtre. Elle portait une chemise en soie ouverte
aux trois premiers boutons du haut et une jupe arrivant à mi-cuisses. Elle avait froid. Dès que
quelqu’un ouvrait une fenêtre ou la porte, un courant d’air glacé passait entre ses jambes et
entre les pans de sa chemise. Elle sentait ses seins se raidir et son entrejambe frémir au
contact glacial. Adélaïde regarda son buste et vit la chemise mouler explicitement sa poitrine
tendue. Elle réajusta le tissu pour que cela ne se voie pas autant et reprit son écriture.
Après un week-end à se demander pourquoi elle s’était rendue dans ce lieu, elle s’était
décidée le dimanche soir à suivre les consignes du jeune homme, trouvant avec le recul que
cela n’engageait à rien dans sa démarche.
Après tout, s’être fait déshabiller n’avait pas été la fin du monde, il n’avait pas posé ses doigts
sur elle et n’avait rien tenté d’autre d’ailleurs, de plus, il lui avait assuré qu’elle n’aurait pas à
le faire si elle ne le désirait pas. Cela ne changeait donc pas d’une visite chez le gynécologue
qui lui, lui fait des frottis et pouvait reluquer pleinement ce qu’elle avait entre les jambes.
Adélaïde s’était donc décidée à réfléchir sérieusement à la proposition et y mit un peu du sien.
Si elle s’habituait à porter de la lingerie sexy à la faculté ou au contraire, rien du tout, cela
commencerait à la désinhiber et à la mettre plus en confiance d’après Phileas.
Le lundi matin donc, sur les conseils donnés par « l’homme du club », elle avait mis un
ensemble assez osé en dessous de ses vêtements. Elle n’était pas spécialement timide ou
complexée, mais ce n’était pas dans ses habitudes de s’habiller ainsi ce qui expliquait qu’elle
n’avait pas de jolie lingerie chez elle. Ses dessous affriolants et sexy étaient restés chez ses
parents, pour les grandes sorties où elle risquait de rencontrer des gens de son âge. Et ce
n’était pas arrivé depuis longtemps.
Recherchant dans ses commodes, elle n’avait rien eu d’autre à mettre qu’un vieux soutien-
gorge pigeonnant rouge et noir qui s’arrêtait à présent très bas sur ses seins, découvrant le
début de ses auréoles rosées. Elle enfila par-dessus un débardeur blanc épais qui permettait
presque de le voir dans le large décolleté et s’admira dans la glace. Cela lui semblait très
« hot » et elle partit ainsi vêtue en cours, optant pour un jeans neuf et une chemise beige en
guise de gilet.
Après coup, elle fut tout de même très gênée de sa tenue et passa le plus clair de son temps à
remonter son haut sur sa poitrine pour atténuer l’effet, ne désirant pas montrer cette partie de
son anatomie à ses camarades. Elle était embarrassée et avait souvent ses cahiers plaqués
contre elle. Le malaise qu’elle ressentait finit cependant par s’estomper et il n’y eut aucun
incident ce jour-là.
Adélaïde soulagée que sa journée se soit bien passée avait donc décidé en rentrant chez elle le
soir venu de s’acheter un peu de lingerie coquine dans une petite boutique discrète du centre-
ville. Étant donné son besoin d’argent, ce n’était pas une idée des plus sensées, mais si cela
marchait, elle rentrerait dans ses frais. Et elle avait tenu à continuer l’expérience, en évitant
bien sûr d’en montrer trop avec des dessous trop petits. Elle ne se l’était pas vraiment avoué,
mais elle voulait surtout ne pas la poursuivre avec de la vieille lingerie délavée… Avalant un
dernier verre de jus de fruits, elle partit ainsi en ville. La boutique s’appelait « Seconde peau »
et était réputée chic. Une petite boutique tenue par une femme d’âge mûr, proposant un
éventail quasi complet du meilleur de la lingerie. Les prix étaient élevés, mais on en avait
pour son argent. Adélaïde était quand même restée mal à l’aise à l’idée de rentrer dans cette
boutique. Aller s’acheter de la lingerie coquine n’était pas si évident. Elle descendit la rue
menant au centre-ville et s’engagea directement dans une petite ruelle à gauche. La nuit
commençait à tomber et c’était une de ces vieilles allées non éclairées. Ce n’était pas pour
rassurer Adélaïde en temps normal, mais comme elle y était allée d’un pas rapide et gai,
heureuse de son entreprise, cela ne lui posa pas de problème. Lorsqu’elle fut arrivée dans la
petite boutique coincée entre une librairie et une épicerie, elle fut soulagée de voir qu’elle
serait la seule cliente… Mais cela la confronterait à part entière à la vendeuse… Celle-ci après
avoir entendu l’objet de sa visite lui proposa une gamme de choix qu’Adélaïde essaya…
Contrairement à ce qu’elle pensait, cela se passa très bien. La vendeuse était cordiale, drôle, et
ne semblait pas la juger, ce qui conforta Adélaïde dans son projet… Elle se sentit rassurée
intérieurement...
Voilà comment, deux heures plus tard, ses achats faits, elle avait préparé ses tenues pour la
semaine avant de manger puis de s’endormir paisiblement.
Le second jour, se levant avec excitation, elle avait porté un ensemble coquin en dentelle
rouge et des vêtements un peu transparents. Elle était toujours un peu timide, mais elle y
pensait moins, la pudeur et la peur de révéler sa poitrine ayant disparu par rapport à la veille.
Son jeu continua ainsi jusqu’au huitième jour de cours où elle mit un dos nu avec un col en
« V » et une jupe particulièrement courte sur une culotte de coton très fine, évoluant dans sa
garde-robe de façon toujours plus audacieuse. Elle avait fini par se dire que personne ne s’en
souciait guère et osait aller toujours plus loin. Ce jour-là, Adélaïde fut d’ailleurs agréablement
surprise, prenant plaisir à montrer ses jambes et ses dessous dans l’escalier aux jeunes
étudiants, elle fut flattée d’entendre parler d’elle et de voir des garçons se retourner sur son
passage. Forte du succès de la veille, aujourd’hui donc, elle ne portait rien sous ses vêtements.
Cela la faisait gentiment sourire, car force est de constater qu’elle appréciait de plus en plus
l’idée de se mettre en valeur de la sorte et de s’habiller sexy par jeu et par plaisir. Adélaïde
n’aurait cependant jamais cru que l’excitation lui ferait aimer cela aussi rapidement. Elle se
sentait séduisante et attirante, elle était heureuse, le comble ayant été atteint le matin même
lorsqu’en amphithéâtre, elle amena ses jambes à son buste pour les dégourdir, oubliant qu’elle
ne portait pas de culotte. Elle offrit ainsi à son professeur de français un spectacle involontaire
en plein milieu du cours. Un spectacle qu’il avait semble-t-il toutefois apprécié à la couleur de
son visage. Cela avait achevé de la flatter. Adélaïde s’était certes immédiatement recouverte,
rouge de honte d’avoir révélé sa fleur à la vue d’un professeur, mais la vision intime n’avait
été perçue par personne d’autre et l’instant de complicité avec son professeur ne fut en lui-
même remarqué d’aucun de ses camarades. Elle était sortie avec gêne de sa classe dès que la
sonnerie avait retenti, s’empressant de disparaître dans le flux des étudiants, mais maintenant,
en regardant l’arbre par la fenêtre, elle était satisfaite. Elle avait un peu froid, mais c’était le
seul bémol occasionné par sa prise de confiance. Sa timidité disparaissait un peu plus chaque
instant, même si elle se rendait bien compte que ce n’était que dans le cadre de son jeu qu’elle
n’était ainsi plus timide. C’était un tour de force fait au Club des Damnés, son professeur
avait vu son sexe, deux trois garçons l’avaient admirée par-dessous sa jupe, mais elle restait
timide dans les magasins et avec son voisin par exemple, n’osant même pas lui adresser la
parole. Adélaïde méditait donc à la question de sa timidité lorsque son prof d’histoire
l’interpella avec surprise. Elle sursauta. Connaissait-elle la date au hasard, de la mort de
Napoléon ? Oui, le 17 mai 1821. Elle lui répondit et constata avec soulagement que c’était la
bonne réponse. Il la laissa tranquille et s’en retourna auprès de son bureau, mais elle décida
toutefois de ne plus se laisser distraire par ces extravagances en classe et se remit à prendre
des notes.
Le cours se termina à 18h45. Il commençait à faire nuit dehors. La pénombre environnante
était mangée par les lumières de la ville, mais on sentait déjà l’hiver approcher. En sortant,
Adélaïde réfléchit à propos de ce job. Elle réajusta la bretelle de son sac à dos et partit en
avant perdue dans ses pensées. Ce qu’elle avait fait ces deux dernières semaines pour se
préparer à obtenir de l’argent la mettait face à un dilemme. La nécessité justifiait-elle les
moyens ? Elle persistait à se dire que ce n’était pas son genre de faire cela, mais d’un autre
côté, elle s’avoua qu’elle éprouvait un plaisir malsain à se montrer de la sorte en cours, à faire
cet effet aux garçons. L’excitation du risque semblait telle une drogue. Cela lui plaisait
beaucoup. Elle ne comprenait toujours pas comment une telle transformation s’était opérée en
elle, mais maintenant qu’elle avait accompli avec succès l’épreuve elle se sentait prête à tester
pour au moins une nuit la proposition d’embauche du Club des Damnés. Adélaïde décida
donc de rentrer chez elle pour poser ses affaires et enfiler quelque chose de séduisant. Elle
avait l’intention d’aller rue des Rodiers faire preuve de culot pour obtenir une place. Adélaïde
courut donc chez elle, fière de son plan et de son audace, et mit ses projets à exécution. Elle
retira ses vêtements et fouilla dans sa garde-robe pour trouver de quoi faire de l’effet.
Elle fit son choix parmi ses ensembles de dessous les plus légers, prit un jeans taille basse
avec un pull rose à col en « V » révélant un peu de la chair de ses seins et se maquilla.
Choisissant un rouge à lèvres rose pour ne pas trop les mettre en valeur elle s’en passa
délicatement sur les lèvres puis se mit du fard à paupières noir avant de passer du crayon
autour de ses yeux pour encadrer ses pupilles marron. Elle s’attacha les cheveux en un
chignon en laissant une mèche sur le côté droit et posa sur le lit ses différents ensembles de
lingerie. Après une ou deux hésitations, elle enfila un string — chose rare chez elle — et un
soutien-gorge rouge assorti. Elle mit son pantalon taille basse, attrapa son pull rose, passa une
paire de ballerines à ses pieds et quitta son appartement.
i
—Every Breath You Take, de The Police © 2011 UNIVERSAL MUSIC GROUP. Tous
droits réservés.
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Adélaïde, de Philippe Rosenberger

  • 1.
  • 2. Adélaïde * Tome I : Le Club des Damnés * Philippe Rosenberger
  • 3. « À Charlotte, à mes premiers lecteurs. »
  • 4. Partie I Le lieu de plaisir
  • 5. Chapitre I La recherche d’un emploi Adélaïde ne savait pas pourquoi elle avait répondu à cette annonce. Ce type de travail n’était pas son genre, elle qui était plutôt timide et réservée, et elle ne se voyait pas gagner sa vie ainsi. Elle avait du caractère et de l’audace, certes, mais à petites doses, rien qui puisse laisser croire qu’elle se présenterait un jour pour une telle offre d’emploi. Mais comme toutes les filles de 21 ans, Adélaïde avait besoin d’argent. Pas pour le dépenser en maquillage ou en vêtements hors de prix, non, simplement pour subvenir à ses besoins. Elle ne manquait de rien, et ses parents attentionnés payaient ses études, mais elle avait réclamé son indépendance en prenant un appartement en ville et elle songeait aussi à s’acheter une voiture pour se déplacer. Pas une de ces grosses voitures présomptueuses qui perdent tout leur charme dès qu’une rayure se dessine sur la carrosserie, non, juste une voiture. Une simple automobile pour commencer, une R5 ou une AX, de quoi se déplacer en passant inaperçue. C’était son rêve du moment. Mener les années d’études qui lui restaient en étudiante indépendante, loin de la maison familiale, et n’avoir besoin de rien d’autre qu’un chaton à dorloter. On était vers la fin du mois de septembre, les vacances de la Toussaint approchaient à grands pas et l’excitation de la fête d’Halloween se faisait déjà ressentir. Les enfants suivis de leurs parents chargés de courses courraient dans les rues. Ils se rendaient dans les magasins afin d’acheter leurs costumes de sorcières, de fantômes et de pirates pour pouvoir partir frapper aux portes tels de petits démons. Cela faisait sourire Adélaïde. Elle se remémorait toujours avec mélancolie cette délicieuse enfance faite d’insouciance et d’innocence, loin des responsabilités et du travail omniprésent. Sauter dans la neige, regarder la télévision et jouer à des jeux de société, se goinfrer de bonbons, c’était le paradis. Malheureusement pour elle ce temps était révolu et la gaîté infantile avait fait place au stress des études. Adélaïde était en seconde année d’histoire à la faculté Saint-Augustus. Ses études la passionnaient. Elle adorait l’histoire. Ces fables contant des guerres menées pour la noble cause de la justice, ces découvertes révolutionnaires, ces leçons de morale sur la condition de l’homme… Elle se montrait toujours dévouée dans ce qu’elle faisait, remplissant ses tâches avec engouement, même s’il fallait admettre que ce n’était pas forcément de tout repos, principalement en ce qui concernait la masse de travail à la faculté en comparaison du lycée. Mais sa passion étant sans égale, elle ne s’offusquait donc jamais d’avoir une surcharge de travail. De parents français, Adélaïde Sureau était brune, avait les yeux marron et de jolies formes, quoiqu’elle ne les mettait pas forcément en valeur. Elle ne voyait pas la nécessité de plaire aux garçons pour le moment et se contentait donc de s’habiller à ses goûts et de mettre un peu de maquillage. Haute d’un mètre soixante-quinze, son corps était élancé et bien
  • 6. proportionné. Son nez aquilin et son teint peu bronzé faisaient ressortir ses yeux et ses fines lèvres, embellissant son visage d’une beauté sans pareille. Selon ses parents, son sourire et son regard étaient d’ailleurs ses deux plus beaux atouts, son visage étant pour eux le plus beau du monde, mais comme pour tous les parents cela dit. Adélaïde, bien qu’elle ne se préoccupait guère de tout cela avait toutefois constaté que cela faisait effectivement de l’effet et comptait là-dessus pour ses entretiens d’embauche. Son sourire donnait confiance aux parents et elle s’était donc avec joie mise à faire du baby-sitting et à donner des cours à domicile tout au long de l’année précédente. Elle était douée pour les deux, bizarrement, car bien que fille unique elle savait se débrouiller avec les enfants en bas âge, leur racontant des histoires ou jouant avec eux à la poupée et en ce qui concerne les cours à domicile, elle avait d’énormes facilités en mathématiques alors que ce n’était pourtant pas sa vocation. Malheureusement les horaires du gardiennage ne concordaient plus avec ses études et donner des cours de mathématiques et d’anglais à des adolescents de 16 ans qui ne songeaient qu’à savoir ce qu’elle portait sous ses vêtements ne lui convenait plus non plus. Elle désespérait donc de trouver du travail lorsqu’elle tomba par hasard sur une discrète annonce dans le journal de la faculté. Cela l’avait tout d’abord surprise, car malgré la teneur en elle-même de l’annonce, à l’inverse des autres étudiants qui cherchaient des colocataires, des modèles ou des relations d’une nuit, celle-ci n’était pas écrite en langage familier, mais en parfait français, un français maîtrisé et soutenu. « Administrateur d’un lieu de plaisir et de détente pour notables, je suis à la recherche de jeunes filles majeures belles et réfléchies afin de distraire les membres une fois leurs conversations terminées. Les distractions et les tenues sollicitées sont à fort caractère érotique et la nudité des demoiselles peut être demandée, mais dans le respect toutefois de leur pudeur. En aucun cas il ne s’agit de servir d’hôtesse ou d’Escort girl. Les horaires seraient au choix libre des “demoiselles”, pour un revenu minimum de 65 euros de l’heure. Si vous êtes intéressée(s), merci de vous adresser 27 rue des Rodiers. » Après l’avoir lue et relue, Adélaïde avait rigolé devant une telle démonstration de stupidité, pensant que même une fille comme elle qui avait besoin d’argent ne pourrait se laisser aller à donner un strip-tease pour de vieux notables hautains et pervers. Qui plus est dans une quelconque maison de cette rue miteuse et sombre où personne ne passait jamais. Elle passa donc son chemin et s’en était allée en amphithéâtre en jetant le journal dans une poubelle. L’histoire s’était arrêtée là. Elle se plongea dans ses cours de la journée et se désintéressa de l’annonce, l’oubliant complètement. Elle continua à chercher un job dans les journaux et sur Internet, mais ne trouva rien qui puisse convenir jusqu’à ce qu’une semaine plus tard les circonstances changent les choses et la décident à finalement accepter l’offre. En rentrant d’une journée particulièrement épuisante, elle avait découvert dans sa boîte aux lettres la facture de gaz, d’un montant assez élevé, et la préoccupation de trouver une source de revenus quelconque lui revint alors à l’esprit. Allongée sur son lit elle avait revu toutes les possibilités qui s’offraient à elle pour palier ses impératifs financiers et la feuille humidifiée par la pluie réapparut ainsi par hasard dans sa mémoire. Elle avait absolument besoin de rentrer de l’argent et en y prêtant plus d’attention et de sérieux, elle fit des pronostics. Sur une
  • 7. base de 10 heures par semaine, elle calcula qu’elle aurait la belle vie tous les mois. Mais elle n’aimait pas danser et se voyait encore moins se mettre nue devant des gens. Elle n’était pas moche du tout, elle le savait ; sa peau était douce et ne souffrait d’aucun problème, son poids était dans les normes pour une personne de sa taille et elle avait de jolies formes, mais ce n’était pas son genre et elle ne pensait d’ailleurs pas que ce soit le genre de quelqu’un de sensé. Elle refusa donc une seconde fois l’idée de se livrer à cet exercice de dénuement afin d’avoir de l’argent. Le type qui avait passé cette annonce devrait se passer d’elle, lança-t-elle haut et fort, convaincue. Il avait de l’argent à dépenser, mais même si ce job pouvait lui sauver la vie, elle refusait. Sur ces réflexions, elle avait ainsi arrêté de réfléchir à la question d’un boulot et s’endormit. * Le réveil sonna à 9h30 le lendemain matin et Adélaïde émergea en douceur d’un épais rêve de sucreries. Des bâtons de sucre d’orge, des sucettes et d’autres friandises dansaient au-dessus de sa tête d’un air joyeux et elle pouvait les entendre chanter de manière festive. Elle était plongée dans une mer de lait à la fraise, savourant les chants de fêtes sur fond de musique pop-rock, lorsque le rêve s’était arrêté. Adélaïde arbora un sourire heureux. Elle accommoda lentement ses yeux à la lumière filtrée par les volets en lamelles et se blottit sous sa couette pour savourer sa petite demi-heure à fainéanter dans son lit. Elle avait cours à 10h45 ce vendredi-là. Trois quarts d’heure pour se laver, s’habiller et parcourir sept cents mètres jusqu’à sa faculté en mangeant un pain au chocolat acheté à la boulangerie d’en face, rien de tel pour commencer en douceur le dernier jour de la semaine, se disait-elle. Savourant le plaisir d’être dans son lit pour encore un certain temps, elle s’émerveilla donc de toutes ces sucreries dont elle avait rêvé et eut envie de s’en acheter de toutes les sortes. Ce serait délicieux. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas mangé de bonbons, la dernière fois devant remonter à son anniversaire, et le goût sucré sur sa langue lui manquait. Adélaïde s’extasia en pensant à cet instant prochain à la boulangerie lorsque sa béatitude s’écourta nette. Elle avait rouvert les yeux sur son réveil qui indiquait 10h31. Se relevant en sursaut, furieuse de s’être rendormie en pensant à son rêve, elle se lava rapidement, mangea un morceau de pain de la veille pour ne pas avoir l’estomac vide, s’habilla en trombe, et partit. Les circonstances agirent une nouvelle fois tandis que la file de voitures sur la route de la faculté lui suggérait de ne pas emprunter cette voie. Ce fut instinctif et purement futile. La file de voitures avait donné à son cerveau l’idée d’un chemin encombré, prenant donc du temps à parcourir même si elle était piétonne. Son subconscient avait alors passé l’alerte ; « Trop long, trouve un raccourci ». Adélaïde décida ainsi de couper sur sa gauche pour rejoindre les grands bâtiments de pierre situés au nord-est. Elle coupa par une rue piétonne et descendit sur la vieille ville dans les rues marchandes. Si sa mémoire était bonne, une autre ruelle la ramenait directement sur la gauche de l’accueil du bâtiment où elle avait cours et décida de l’emprunter. L’endroit était sombre et glauque, de vieilles bâtisses se dressant de part et d’autre de la rue, n’attendant qu’un coup de vent pour tomber et faire des victimes parmi les sans-abris qui squattaient ici. Elle traversa la ruelle en hâte et se retrouva à tout juste deux rues de sa faculté. Haletante, elle s’arrêta et reprit sa respiration, se penchant en avant les
  • 8. mains appuyées au-dessus des genoux pour faire de grandes inspirations. Les gouttes de sueur perlaient à ses tempes et sur ses clavicules découvertes, et Adélaïde se sentait en nage. Elle inspira à fond et marcha rapidement vers le bâtiment d’accueil. Il était 11 heures passé d’une minute à sa montre. Adélaïde passa devant la concierge, s’épongea la figure, but un coup à la fontaine d’eau de l’entrée et s’engagea dans les couloirs la menant à sa salle de cours. Le professeur fut clément et ne lui fit aucune remarque lorsqu’elle interrompit son cours en entrant. Adélaïde adorait l’histoire et il le savait, il reprit donc son exposé tout en écrivant au tableau, décrochant son regard de par-dessus ses lunettes pour le fixer sur la craie blanche qui jalonnait le vert caractéristique des tableaux d’école. Adélaïde s’assit près d’une fenêtre dans le fond, ouvrit ses cahiers et se mit immédiatement à écrire. Il se passa une bonne heure avant que l’ennui ne finisse toutefois par la gagner. Ce n’était pas parce que le cours ou le professeur à la barbe blanche étaient soporifiques, mais parce que la fille qui s’était mise à jacasser ne connaissait absolument rien d’autre à l’histoire que les dates d’achat de ses vernis à ongles et autres produits de beauté. Adélaïde laissa donc son regard flâner par la fenêtre et la tête posée sur sa paume gauche elle regarda dans la direction de son appartement, au-delà des cimes des arbres et des toits d’un autre siècle. Le ciel était gris-clair ce jour-là, il ne faisait pas moche en soi, juste gris. Çà et là quelques zones blanches rajoutaient un peu de contraste parmi les nuages, mais c’était tout. Le vent soufflait beaucoup, cela se voyait aux arbres dont le feuillage encore vert oscillait au gré des bourrasques. D’un œil distrait, elle regarda les gens aller et venir en face de la faculté, les passants promenant leurs chiens ou se baladant avec leurs bébés, le fleuriste sortant ses derniers bouquets pour les mettre sur l’établi, le barbier balayant devant sa porte… Elle admirait tout ce petit monde et leur univers carré sans se soucier de rien d’autre lorsqu’elle remarqua cette tache plus sombre que les autres parmi le décor citadin. En y portant plus d’attention, elle se rendit compte que c’était la ruelle qu’elle avait empruntée comme raccourci. Les bâtiments des deux côtés étaient si rapprochés par rapport à ceux des autres intersections, si bancals et si attaqués par la pollution, que l’ensemble renvoyait une image sombre et caverneuse. La seule touche de couleur dans ce décor noirci par la saleté était l’unique arbre aux feuilles bien vertes qui se trouvait à l’entrée de la ruelle. Il semblait être la dernière chose vivante luttant encore pour ne pas perdre sa joie de vivre. La dernière chose qui n’était pas atteinte par cette mort qui planait au-dessus de ce coin oublié et délaissé de la ville. À cet instant elle s’en rendit compte, il s’agissait de la rue des Rodiers. Hasard ou coïncidence ? Adélaïde se posa la question en quittant la salle de cours. Le reste de la journée se passa de la façon la plus normale possible, sans aucun incident. Adélaïde suivit ses cours avec attention, répondit aux questions avec exactitude et réussit une interrogation surprise concoctée par le dernier professeur. Elle quitta son lieu d’étude, ses écouteurs sur les oreilles, soulagée du bon déroulement de la journée et tandis qu’elle suivait le flux des étudiants vers le boulevard principal, elle repensa à cet arbre donnant sur la rue des Rodiers. Il lui semblait intemporel et incongru dans ce décor noir. Elle décida d’y jeter un
  • 9. rapide coup d’œil maintenant qu’elle avait le temps et se dirigea donc vers la fameuse ruelle. Le hasard fit que la musique passa sur « Every breath you takei » de The Police. Ce fut étrange, mais cette chanson l’apaisa et l’incita à continuer sur sa lancée. Elle parcourut les derniers mètres la séparant de l’arbre et s’en approcha pour en toucher l’écorce. De près on pouvait apercevoir son tronc parsemé de nœuds, ses couleurs nuancées de brun et de beige et la majesté qu’il dégageait. C’est triste à dire, mais les gens sont si obnubilés par leur travail et par le stress environnant qu’ils en oublient d’admirer la nature. Cette nature si parfaite. Adélaïde se le rappela en contemplant cet arbre si simple et si insouciant, ne réagissant qu’aux souffles du vent contre lui. Il ne faisait que vivre, sans rien demander, sans rien attendre. Elle passa la main sur le tronc et en fit le tour calmement en regardant les feuilles virevolter comme si elles jouaient de la musique sans qu’aucun son ne sorte. Les racines de l’arbre émergeaient du sol, le macadam n’ayant apparemment pas résisté à sa puissance alors qu’il avait lutté pour sa vie, se libérant avec vaillance du cocon imposé par l’homme, les morceaux jonchant le sol ajoutant à son triomphe. Cet instant avait quelque chose d’intemporel et de magique. Elle ne sût décrire comment, mais tout s’arrêtait autour d’elle, elle n’entendait plus que l’arbre respirer, comme si elle pouvait le sentir vivre. Puis le rêve se tut. Le bruit des voitures se fit entendre de nouveau, les klaxons et les étudiants couvrirent le chant du vent et la magie disparut. La musique avait changé. Adélaïde rentra chez elle silencieuse. Le vendredi soir annonçait le calme et le repos. Elle posa ses écouteurs et son baladeur sur la table de sa cuisine, passa dans sa chambre et déposa son sac au pied du lit. Son appartement était simple, la porte d’entrée donnait directement sur une cuisine d’où l’on accédait à la chambre, aux toilettes et à un cagibi. La salle de bain et un débarras étaient quant à eux accessibles depuis ladite chambre dont les grandes fenêtres donnaient sur la rue. Cela lui convenait. C’était petit, mais spacieux et il y faisait bon vivre, sans compter qu’elle avait une baignoire ET une douche. Elle se retourna pour regagner la cuisine et manger un morceau lorsqu’elle vit son reflet dans le miroir de son armoire. Curieuse, elle s’en approcha. Ses cheveux attachés étaient très peu ondulés. Elle les avait coupés le mois passé un peu en dessous des épaules. Elle se trouvait jolie comme ça. Adélaïde esquissa un sourire. - Tu n’es pas si moche que ça finalement.
  • 10. Chapitre II La vieille porte & le jeune homme Adélaïde ne savait pas pourquoi elle avait répondu à cette annonce, mais elle était là. Elle avait pourtant, au-delà de sa réticence, eu du mal à trouver. Le numéro 27 était presque effacé, quant au nom du lieu, le « Club des Damnés », il n’apparaissait que sur le haut du perron, écrit en lettres d’or effacées par le temps. Adélaïde sonna et attendit une réponse. Elle était inquiète, elle avait peur que cela ne tourne mal, que cela finisse comme dans les méchants contes ou les journaux. Mais la vue de l’arbre au bout de la rue la rassura. Il vibrait au son du vent, ses feuilles s’amusant à faire la course. Le déclic de la serrure la fit sursauter et elle se retourna avec appréhension. La porte s’ouvrit sur une jeune femme qui devait avoir dans les vingt-cinq ans. Une très jolie fille. Elle portait un bustier noir s’arrêtant très bas sur sa poitrine sans toutefois rien révéler, une culotte assortie, et des porte-jarretelles noirs avec bas d’un tressage des plus délicats. Adélaïde fut surprise, car malgré cette tenue noire et sexy qui lui fit prendre peur en pensant à ce qui se passait à l’intérieur, la jeune fille avait un maquillage chaleureux et des cheveux d’un blond presque caramel. L’hôtesse de la maison lui adressa un sourire de bienvenue et ce visage amical lui donna le dernier réconfort dont elle avait besoin pour accepter de se livrer à ces exercices coquins. Adélaïde passa la porte d’un pas assuré. - Vous venez pour l’annonce ? - Oui, répondit Adélaïde. - Bien, suivez-moi, je vous prie. Il va vous recevoir, continua la jeune fille qui la prit par la main et la guida dans un labyrinthe de draperies de velours noir. Adélaïde se laissa conduire et n’ayant rien à regarder dans ce couloir obscur et nu, elle porta ses yeux sur le corps de sa guide, éclairé uniquement par des chandeliers disposés sur des colonnes de marbre aux différentes intersections. Le bustier qu’elle portait était fermé dans le dos par un laçage noir s’arrêtant une quinzaine de centimètres au-dessus des fesses. Ses fesses étaient d’ailleurs rondement bien faites, d’une ligne pure, chacune d’elles se déplaçant avec élégance en suivant les mouvements que la jeune femme ordonnait à ses jambes fuselées. Bien qu’elle ne fut d’aucune sorte attirée par les femmes ou encline à comparer, Adélaïde contempla avec admiration ce fessier qu’elle jalousait presque et les longues jambes se terminant sur des talons hauts noirs fermés sur les chevilles. Il fallait le reconnaître, cette fille était bien faite. Adélaïde n’avait pas vu ses seins, mais le reflet des bougies sur la peau douce et propre de ses omoplates et de ses fesses ne laissait aucun doute quant à la beauté du reste de son corps. - Voilà, c’est ici, finit par annoncer la jeune femme. Elle attira Adélaïde jusqu’à ses côtés et le labyrinthe s’ouvrit sur une somptueuse salle tirée d’un siècle oublié.
  • 11. La vision qui s’offrit à Adélaïde lui coupa alors le souffle. Riche de mobilier et de détails, la salle semblait sortir tout droit d’un décor londonien. Les murs recouverts de tapisseries de velours bordeaux renvoyaient une image d’aisance agrémentée par une décoration luxueuse et fournie, alors que le plafond d’un style victorien rafraîchissait l’ensemble d’un blanc apaisant. Un parquet de chêne foncé verni et lustré qui semblait hors de prix complétait le tout dans une dernière touche de royauté. Adélaïde balada son regard pour l’apprécier plus en détail. Un bar à boisson se trouvait sur la gauche au fond de la pièce, de l’autre côté d’une immense balustrade permettant de monter sur une scène d’un mètre vingt de haut en forme de demi-couronne de pétales de pâquerette, et qui passait entre les tables du premier rang. Des clients étaient assis à ces tables et ils pouvaient admirer à moins d’un mètre d’eux six femmes dansant dans des tenues suggestives. Adélaïde les regarda, elles dansaient non pas comme des strip-teaseuses, mais plutôt comme des danseuses de cabaret, dans un style toutefois plus érotique. Les autres tables d’un mobilier victorien de très grande qualité étaient réparties entre la scène et le mur du fond où se trouvaient des box aux bancs matelassés de cuir d’un rouge sombre. Ils étaient éclairés par de petites lampes trônant sur des tables de chevet installées devant eux et par des chandeliers posés sur des socles contre le mur. La pièce en elle-même était éclairée par des chandeliers de 3 à 7 bougies placés sur des colonnes de marbre et dont la cire accumulée formait des stalactites. Un immense lustre de perles à six mètres au-dessus d’elle complétait l’ambiance en tamisant légèrement les ombres. Adélaïde était stupéfaite devant une telle richesse artistique. - Si vous restez avec nous, vous aurez tout le plaisir de découvrir les merveilles des lieux. - Mon Dieu… c’est magnifique… qui croirait en voyant l’entrée ? - Oh, ce n’est pas à la couverture que l’on juge un livre, lui répondit la jeune fille en souriant. - Mais là, c’est au-delà des attentes ! En lisant l’annonce, on devine bien que celui qui l’a rédigée est cultivé et surtout qu’il a les moyens de se payer de la place pour utiliser un vrai vocabulaire, mais tout de même ! - Phileas. - Pardon ? s’étonna Adélaïde. - Il s’appelle Phileas. Enfin, ce n’est pas son vrai nom… venez. La jeune fille reprit Adélaïde par la main et la tira vers la droite parmi les tables pour la guider vers le fond de la pièce où se trouvait un magnifique escalier en colimaçon montant à l’étage et une série de portes en bois massif décorées. - Si jamais vous vous perdez ou qu’une chandelle s’éteint, l’entrée c’est gauche, gauche, droite, droite, gauche, droite. - Gauche, gauche, droite, droite, gauche, droite, répéta Adélaïde, ne sachant toutefois pas si cela lui serait utile. - Il y a seize couloirs distincts dans le labyrinthe, il est facile de se perdre... C’est là. Elles s’arrêtèrent devant une porte en chêne sculptée. Incroyablement sculptée. Rien n’était écrit dessus, mais l’on se doutait que cela devait être une pièce importante. La jeune fille toqua trois fois avant qu’un « entrez » approbatif ne se fasse entendre. La guide à la chevelure caramel ouvrit alors la porte et fit signe à Adélaïde d’entrer. Hésitante, la jeune étudiante la regarda, cherchant un quelconque signe sur son visage de ce
  • 12. qui allait l’attendre, mais celui-ci n’affichait rien d’autre qu’un sourire encourageant et elle se décida donc à passer l’encadrement de la porte. L’intérieur était dans le même ton que l’extérieur. Le velours rouge tapissait murs et sols tandis que les plinthes d’un or majestueux étaient travaillées comme des bas-reliefs de luxure et de démons. Adélaïde ne put se retenir de contempler les bustes de femmes posés sur des colonnes de marbre tout autour de la pièce, les cadres renfermant des croquis peints de femmes nues et les chandeliers sculptés dans de l’écume de mer. Elle fut tellement absorbée par le décor qu’elle ne remarqua pas l’homme debout de l’autre côté du bureau de bois travaillé et qui la regardait. - Cela change de dehors, n’est-ce pas ? Adélaïde le regarda, sursautant de surprise, non seulement elle ne l’avait pas vu, mais en plus elle était abasourdie, cet homme faisait presque juron dans ce décor luxueux entretenu par la tenue des filles. Il était certes bien rasé, semblait jeune et intelligent, mais ses habits étaient des plus banals, un simple tee-shirt brun et un jeans foncé. - Euh oui… on ne voit plus ce style de décoration victorienne en ville… - Bienvenue au Club mademoiselle… - Adélaïde. - Parfait, prenez place. Il lui indiqua un siège devant son bureau et s’assit lui-même. - Alors, vous répondez donc à mon annonce ? poursuivit-il. - Oui, c’est cela… enfin, je ne suis pas encore sûre d’accepter… - Avant que vous ne preniez une décision, laissez-moi vous dire comment je vois les choses, si vous voulez bien, l’arrêta le jeune homme. - D’accord, annonça Adélaïde prise de court, mais quelque peu rassurée par cette douceur. - Le Club des Damnés n’a pas une vocation vulgaire. C’est un club privé où les gens aisés peuvent venir boire, parler politique, fuir leurs femmes ou évoquer la crise économique. Tout cela en fumant un cigare et en admirant de jolies filles danser en espérant un peu plus. Ce n’est aucunement un bar à strip-tease ou une maison close, le cadre est chic, luxueux, et une musique douce passe en fond pour détendre l’atmosphère, mais le but est de prodiguer une certaine forme de « rêve » ambiant alors que ces messieurs discutent. - Oui, répondit Adélaïde. - Maintenant, les clients peuvent demander à passer du temps en privé avec l’une des filles pour se détendre ou demander à ce qu’elle enlève un dessous, mais cela ne vous concernera que si vous avez spécifié aller jusque-là. Dans l’idéal le client ne touche pas et il ne repart pas accompagné, vous offrez juste le plaisir des yeux. Il y a des salles en haut, accessibles par l’escalier en colimaçon, où vous pouvez donner des danses privées si vous désirez de l’intimité, mais je préférerais que cela en reste là. Maintenant, si vous sentez un bon feeling avec un client et que vous voulez aller plus loin avec lui… - Vous n’employez que des femmes ? - Oui. - Je ne sais pas si j’ai le courage pour cet emploi, mais j’ai besoin d’argent et… - Si vous acceptez le salaire est de soixante-cinq euros de l’heure, quatre-vingt-dix à partir de 23h et cent-quarante-sept les soirs de week-end. Vous avez le droit en plus à un bonus de
  • 13. cinquante euros si vous montrez vos seins et de quatre-vingt-dix si vous révélez votre… enfin vous avez compris. Les garde-robes vous seront fournies de même qu’une loge privée. - Je suis assez pudique vous comprenez, alors me balader dans une tenue sexy et ôter mes… Le jeune homme se leva, contourna le bureau et se positionna près d’elle dans un sourire amusé. - J’imagine bien, dit-il. Je vais vous donner deux ou trois conseils, d’accord ? Vous êtes étudiante ? - À la fac oui. - Bien, disons que vous essayez mes conseils pendant une semaine ou deux, et si au final ce n’est pas votre genre, tant pis. - D’accord, accepta Adélaïde. - Vous portez quoi sur vous ? - Là maintenant ? - Oui. En dessous je veux dire. - J’ai un ensemble soutif et tanga blanc à dentelle. - Je peux le voir ? demanda le jeune homme. En entendant ces mots, Adélaïde se figea. Elle eut un coup de chaud qui se remarqua tout de suite. - Si vous voulez travailler ici... poursuivit-il en décrescendo. - Oui, oui… bien sûr. Tout de suite. Adélaïde respira un grand coup. Elle se leva de son siège et dans un geste timide releva son haut jusqu’au-dessous de ses clavicules, révélant son soutien-gorge blanc nacré fait de dentelle. Elle tourna la tête de côté, pudique, tandis qu’il regardait sa poitrine. Son buste se gonflait à chacune de ses respirations et elle se sentait terriblement mal à l’aise de montrer ainsi son soutien-gorge à un type qu’elle ne connaissait pas. Alors qu’elle se mordait la lèvre inférieure d’embarras, quelque chose de froid toucha sa peau et la fit se parcourir d’un frisson. Elle tourna la tête pour voir quelle en était l’origine. Elle vit avec stupeur que le jeune homme baladait ses doigts en dessous de son nombril en descendant vers son pantalon et sans même lui demander la permission il déboutonna son jeans pour le descendre jusqu’à mi-cuisses. D’une main posée sur son flanc il la fit pivoter pour regarder son corps des deux côtés, attardant son regard sur la chair dénudée de ses fesses. - Le bon côté de la chose c’est que vu votre corps, vous n’aurez pas besoin de faire de la remise en forme… - Merci, répondit Adélaïde n’étant toutefois pas certaine qu’elle doive le prendre comme un compliment. - Vous vous épilez ? Elle fit un signe affirmatif de la tête. - En ce moment j’ai un petit duvet, mais d’ordinaire je me rase, fit-elle rougissante de parler ainsi de son anatomie intime. Le jeune homme prit les élastiques des deux côtés du tanga et les baissa doucement pour regarder le début de sa toison. Adélaïde rougit de pudeur et serra les cuisses espérant retenir un peu de sa culotte s’il la baissait complètement. Elle ne voulait pas qu’il en voie plus et se mordit la lèvre, mais elle ne protesta pas, bizarrement. Elle ne réussit pas à se convaincre de le
  • 14. repousser. Ce n’était pas dans ses habitudes de montrer son intimité à des inconnus, mais s’il fallait qu’il en soit ainsi pour qu’elle ait le job, soit, elle se laisserait déshabiller. Elle sentit l’air la rafraîchir alors que le tissu quittait son entrejambe et ferma les yeux pour oublier ce qu’elle était en train de faire. Elle rapprocha ses cuisses pour recouvrir un peu de sa toison, mais comme s’il avait perçu son malaise, le dénommé Phileas remonta le dessous sur ses hanches pour clôturer la séance. Il lui fit un sourire compréhensif et lui prit les mains, baissant son haut pour recouvrir son buste. - Vous avez eu confiance en moi, vous m’avez montré vos dessous et votre intimité. C’est un bon début vous ne trouvez pas ? Adélaïde rougit une nouvelle fois. Le fait qu’il le dise à haute voix la mit encore plus mal à l’aise et elle avait à présent un coup de sang de tous les diables. Phileas retourna derrière son bureau et s’installa confortablement. - J’aimerais maintenant que vous fassiez un petit exercice pour moi. Lorsque vous irez à votre fac, vous vous habillerez de cette façon… Adélaïde quitta le bureau en fermant la porte, surprise de cet entretien. Cette histoire lui paraissait à présent folle. Elle avait montré son « minou » à un inconnu et sortir de cet endroit bizarre devint son seul désir. Elle se dirigea vers la sortie où la jeune femme aux cheveux caramel attendait. Celle-ci lui fit signe d’un sourire et la précéda dans le labyrinthe en engageant la conversation. Elle lui révéla qu’elle s’appelait Chloé et lui expliqua parmi les voiles et les draps noirs que pour le début de soirée elle était l’hôtesse d’accueil du club, chargée de guider les hôtes. Alors qu’elles arrivèrent sur le pas de la porte Adélaïde lui demanda si cela n’était pas un boulot ingrat, ce à quoi la jeune femme lui répondit par un baiser. Adélaïde fut déconcertée. Chloé s’était juste approchée d’elle sans aucun contact ni aucun mot pour poser ses lèvres sur les siennes. Elles étaient tièdes et humides et Adélaïde crut l’espace d’un instant sentir la langue de la jeune fille effleurer la sienne en déposant un peu de salive, mais elle n’en fut pas sûre. Chloé s’écarta avant qu’elle n’ait eu le temps de la repousser et lui fit un sourire. - Il faut bien comprendre qu’au Club des Damnés nous offrons un plaisir aux clients, mais qu’ils ne sont pas rois, nous sommes les Reines… Sur ces mots, la conversation fut terminée et Adélaïde rentra chez elle en cette fin d’après- midi grisâtre, quittant ce lieu étrange et cette fille libertine d’un pas précipité.
  • 15. Chapitre III Sans rien dessous Adélaïde était en cours dans l’amphithéâtre. Elle portait une chemise en soie ouverte aux trois premiers boutons du haut et une jupe arrivant à mi-cuisses. Elle avait froid. Dès que quelqu’un ouvrait une fenêtre ou la porte, un courant d’air glacé passait entre ses jambes et entre les pans de sa chemise. Elle sentait ses seins se raidir et son entrejambe frémir au contact glacial. Adélaïde regarda son buste et vit la chemise mouler explicitement sa poitrine tendue. Elle réajusta le tissu pour que cela ne se voie pas autant et reprit son écriture. Après un week-end à se demander pourquoi elle s’était rendue dans ce lieu, elle s’était décidée le dimanche soir à suivre les consignes du jeune homme, trouvant avec le recul que cela n’engageait à rien dans sa démarche. Après tout, s’être fait déshabiller n’avait pas été la fin du monde, il n’avait pas posé ses doigts sur elle et n’avait rien tenté d’autre d’ailleurs, de plus, il lui avait assuré qu’elle n’aurait pas à le faire si elle ne le désirait pas. Cela ne changeait donc pas d’une visite chez le gynécologue qui lui, lui fait des frottis et pouvait reluquer pleinement ce qu’elle avait entre les jambes. Adélaïde s’était donc décidée à réfléchir sérieusement à la proposition et y mit un peu du sien. Si elle s’habituait à porter de la lingerie sexy à la faculté ou au contraire, rien du tout, cela commencerait à la désinhiber et à la mettre plus en confiance d’après Phileas. Le lundi matin donc, sur les conseils donnés par « l’homme du club », elle avait mis un ensemble assez osé en dessous de ses vêtements. Elle n’était pas spécialement timide ou complexée, mais ce n’était pas dans ses habitudes de s’habiller ainsi ce qui expliquait qu’elle n’avait pas de jolie lingerie chez elle. Ses dessous affriolants et sexy étaient restés chez ses parents, pour les grandes sorties où elle risquait de rencontrer des gens de son âge. Et ce n’était pas arrivé depuis longtemps. Recherchant dans ses commodes, elle n’avait rien eu d’autre à mettre qu’un vieux soutien- gorge pigeonnant rouge et noir qui s’arrêtait à présent très bas sur ses seins, découvrant le début de ses auréoles rosées. Elle enfila par-dessus un débardeur blanc épais qui permettait presque de le voir dans le large décolleté et s’admira dans la glace. Cela lui semblait très « hot » et elle partit ainsi vêtue en cours, optant pour un jeans neuf et une chemise beige en guise de gilet. Après coup, elle fut tout de même très gênée de sa tenue et passa le plus clair de son temps à remonter son haut sur sa poitrine pour atténuer l’effet, ne désirant pas montrer cette partie de son anatomie à ses camarades. Elle était embarrassée et avait souvent ses cahiers plaqués contre elle. Le malaise qu’elle ressentait finit cependant par s’estomper et il n’y eut aucun incident ce jour-là. Adélaïde soulagée que sa journée se soit bien passée avait donc décidé en rentrant chez elle le soir venu de s’acheter un peu de lingerie coquine dans une petite boutique discrète du centre- ville. Étant donné son besoin d’argent, ce n’était pas une idée des plus sensées, mais si cela
  • 16. marchait, elle rentrerait dans ses frais. Et elle avait tenu à continuer l’expérience, en évitant bien sûr d’en montrer trop avec des dessous trop petits. Elle ne se l’était pas vraiment avoué, mais elle voulait surtout ne pas la poursuivre avec de la vieille lingerie délavée… Avalant un dernier verre de jus de fruits, elle partit ainsi en ville. La boutique s’appelait « Seconde peau » et était réputée chic. Une petite boutique tenue par une femme d’âge mûr, proposant un éventail quasi complet du meilleur de la lingerie. Les prix étaient élevés, mais on en avait pour son argent. Adélaïde était quand même restée mal à l’aise à l’idée de rentrer dans cette boutique. Aller s’acheter de la lingerie coquine n’était pas si évident. Elle descendit la rue menant au centre-ville et s’engagea directement dans une petite ruelle à gauche. La nuit commençait à tomber et c’était une de ces vieilles allées non éclairées. Ce n’était pas pour rassurer Adélaïde en temps normal, mais comme elle y était allée d’un pas rapide et gai, heureuse de son entreprise, cela ne lui posa pas de problème. Lorsqu’elle fut arrivée dans la petite boutique coincée entre une librairie et une épicerie, elle fut soulagée de voir qu’elle serait la seule cliente… Mais cela la confronterait à part entière à la vendeuse… Celle-ci après avoir entendu l’objet de sa visite lui proposa une gamme de choix qu’Adélaïde essaya… Contrairement à ce qu’elle pensait, cela se passa très bien. La vendeuse était cordiale, drôle, et ne semblait pas la juger, ce qui conforta Adélaïde dans son projet… Elle se sentit rassurée intérieurement... Voilà comment, deux heures plus tard, ses achats faits, elle avait préparé ses tenues pour la semaine avant de manger puis de s’endormir paisiblement. Le second jour, se levant avec excitation, elle avait porté un ensemble coquin en dentelle rouge et des vêtements un peu transparents. Elle était toujours un peu timide, mais elle y pensait moins, la pudeur et la peur de révéler sa poitrine ayant disparu par rapport à la veille. Son jeu continua ainsi jusqu’au huitième jour de cours où elle mit un dos nu avec un col en « V » et une jupe particulièrement courte sur une culotte de coton très fine, évoluant dans sa garde-robe de façon toujours plus audacieuse. Elle avait fini par se dire que personne ne s’en souciait guère et osait aller toujours plus loin. Ce jour-là, Adélaïde fut d’ailleurs agréablement surprise, prenant plaisir à montrer ses jambes et ses dessous dans l’escalier aux jeunes étudiants, elle fut flattée d’entendre parler d’elle et de voir des garçons se retourner sur son passage. Forte du succès de la veille, aujourd’hui donc, elle ne portait rien sous ses vêtements. Cela la faisait gentiment sourire, car force est de constater qu’elle appréciait de plus en plus l’idée de se mettre en valeur de la sorte et de s’habiller sexy par jeu et par plaisir. Adélaïde n’aurait cependant jamais cru que l’excitation lui ferait aimer cela aussi rapidement. Elle se sentait séduisante et attirante, elle était heureuse, le comble ayant été atteint le matin même lorsqu’en amphithéâtre, elle amena ses jambes à son buste pour les dégourdir, oubliant qu’elle ne portait pas de culotte. Elle offrit ainsi à son professeur de français un spectacle involontaire en plein milieu du cours. Un spectacle qu’il avait semble-t-il toutefois apprécié à la couleur de son visage. Cela avait achevé de la flatter. Adélaïde s’était certes immédiatement recouverte, rouge de honte d’avoir révélé sa fleur à la vue d’un professeur, mais la vision intime n’avait été perçue par personne d’autre et l’instant de complicité avec son professeur ne fut en lui- même remarqué d’aucun de ses camarades. Elle était sortie avec gêne de sa classe dès que la sonnerie avait retenti, s’empressant de disparaître dans le flux des étudiants, mais maintenant, en regardant l’arbre par la fenêtre, elle était satisfaite. Elle avait un peu froid, mais c’était le seul bémol occasionné par sa prise de confiance. Sa timidité disparaissait un peu plus chaque
  • 17. instant, même si elle se rendait bien compte que ce n’était que dans le cadre de son jeu qu’elle n’était ainsi plus timide. C’était un tour de force fait au Club des Damnés, son professeur avait vu son sexe, deux trois garçons l’avaient admirée par-dessous sa jupe, mais elle restait timide dans les magasins et avec son voisin par exemple, n’osant même pas lui adresser la parole. Adélaïde méditait donc à la question de sa timidité lorsque son prof d’histoire l’interpella avec surprise. Elle sursauta. Connaissait-elle la date au hasard, de la mort de Napoléon ? Oui, le 17 mai 1821. Elle lui répondit et constata avec soulagement que c’était la bonne réponse. Il la laissa tranquille et s’en retourna auprès de son bureau, mais elle décida toutefois de ne plus se laisser distraire par ces extravagances en classe et se remit à prendre des notes. Le cours se termina à 18h45. Il commençait à faire nuit dehors. La pénombre environnante était mangée par les lumières de la ville, mais on sentait déjà l’hiver approcher. En sortant, Adélaïde réfléchit à propos de ce job. Elle réajusta la bretelle de son sac à dos et partit en avant perdue dans ses pensées. Ce qu’elle avait fait ces deux dernières semaines pour se préparer à obtenir de l’argent la mettait face à un dilemme. La nécessité justifiait-elle les moyens ? Elle persistait à se dire que ce n’était pas son genre de faire cela, mais d’un autre côté, elle s’avoua qu’elle éprouvait un plaisir malsain à se montrer de la sorte en cours, à faire cet effet aux garçons. L’excitation du risque semblait telle une drogue. Cela lui plaisait beaucoup. Elle ne comprenait toujours pas comment une telle transformation s’était opérée en elle, mais maintenant qu’elle avait accompli avec succès l’épreuve elle se sentait prête à tester pour au moins une nuit la proposition d’embauche du Club des Damnés. Adélaïde décida donc de rentrer chez elle pour poser ses affaires et enfiler quelque chose de séduisant. Elle avait l’intention d’aller rue des Rodiers faire preuve de culot pour obtenir une place. Adélaïde courut donc chez elle, fière de son plan et de son audace, et mit ses projets à exécution. Elle retira ses vêtements et fouilla dans sa garde-robe pour trouver de quoi faire de l’effet. Elle fit son choix parmi ses ensembles de dessous les plus légers, prit un jeans taille basse avec un pull rose à col en « V » révélant un peu de la chair de ses seins et se maquilla. Choisissant un rouge à lèvres rose pour ne pas trop les mettre en valeur elle s’en passa délicatement sur les lèvres puis se mit du fard à paupières noir avant de passer du crayon autour de ses yeux pour encadrer ses pupilles marron. Elle s’attacha les cheveux en un chignon en laissant une mèche sur le côté droit et posa sur le lit ses différents ensembles de lingerie. Après une ou deux hésitations, elle enfila un string — chose rare chez elle — et un soutien-gorge rouge assorti. Elle mit son pantalon taille basse, attrapa son pull rose, passa une paire de ballerines à ses pieds et quitta son appartement. i —Every Breath You Take, de The Police © 2011 UNIVERSAL MUSIC GROUP. Tous droits réservés. Si vous désirez connaître la suite, venez découvrir Adélaïde en intégralité sur Amazon.fr