1. Le vin dans la culture
française
Pr. Jean-Pierre Poulain, Socio anthropologue, Université
de Toulouse 2, CERTOP-TAS. UMRCNRS 50044
2. "Ni les lois, ni les interdits, ni l'information ne suffisent pour lutter
efficacement contre l'alcool.
Il faut encore y adjoindre une éducation permanente, visant à transformer
les attitudes du publics. Cela sera possible que dans la mesure ou nous
auront modifié la symbolique qui se rattache à cette drogue.
Tant que l'alcool représentera la gaieté, l'amusement, le rire, la fête, la
virilité et le romanesque ; tant qu'il sera associé à l'entente, à la
cordialité, aux réceptions amicales, ou à la conclusion d'un marché ; tant
qu'il véhiculera avec lui ces connotations séduisantes, nous devrons en
subir les méfaits. C'est donc sur le plan de l'imaginaire qu'il faut agir, par
une action permanente et concertée de tous les dirigeants, des
éducateurs, des travailleurs sociaux, etc., soutenue par les mass média.
A ce prix seulement, on peut espérer changer la signification culturelle de
l'alcool et vaincre ce fléau."
Myriam SILLAMY.
La posture de l’alcoologie
3. Plan
La double réduction du vin dans la modernité
Réductionnisme hygiéniste
Réductionnisme culturel
Retour sur les fonctions du vin dans la culture
gastronomique française
La culture du vin et de l’alcool comme facteur
de protection
4. La perspective hygiéniste
L’alcool est une drogue
À l’origine de deux fléaux
Les accidents de la route
Et l’alcoolisme
L’alcoolisme débute à la première goutte
d’alcool
5. L’alcool et les accidents de la route
Réglons tout d’abord le problème
On ne conduit pas en état d’alcoolisation
Il faut le dire et…
Le faire respecter
6. Mais, faut-il aller au bout des choses…
Doit on conduire sous l’emprise d’autres
modificateurs d’état de conscience
Les drogues douces sont aujourd’hui pointées
du doigt
Mais
Quid de certains médicaments remboursés par
la sécurité sociale ?
Quid des pertes de compétences avec l’age
7. Ambiguïtés de la position hygiéniste
Les données scientifiques ne sont pas simples
et depuis 30 ans des éléments positifs
apparaissent
L’alcool apparaît comme un facteur de protection des
maladies cardiovasculaires
À partir d’un certain seuil, il semble impliqué dans le
développement des certains cancers
Faut-il boire 2 verres par jour ou « prendre une
cuite » de temps en temps ?
8. Distinguons alcoolisme
et alcoolisation
Alcoolisme
1. Chronicité
2. Dose importante en
permanence avec
tendance à
l’augmentation
3. Addiction
4. Désocialisation
Alcoolisation
1. Alternance de périodes
d’alcoolisation et de
périodes d’abstinence
2. Faible dose quotidienne
3. Décision libre
4. Contexte socialisé et
forte ritualisation de la
consommation
9. Le réductionnisme culturel contemporain : le
goût du vin
La culture moderne du vin, ou plus exactement sa vulgate
contemporaine, puise ses modèles dans les techniques de
dégustation oenologique.
Etayé sur le paradigme de « l'objet à connaître », dans la
culture contemporaine du vin se déploie le simulacre de la
science. La version moderne de « in vino véritas », se
méfie de la subjectivité du buveur et cherche à mettre au
jour grâce à la grille de dégustation élevée au rang de
protocole expérimental, la vérité contenue dans le vin.
Cette conception refoule la dimension alcoolique du vin ou
des spiritueux
10. La culture française : une culture complexe
du vin
Le vin est un aliment, c’est-à-dire un objet
incorporé et comme tous les aliments ses
usages évoluent avec le temps
Le vin, c’est aussi de l’alcool, « un formidable
lubrifiant social » JB Paturet
11. WINE SERVICE IN THE “GRAND SERVICE
A LA FRANCAISE”
1ST SERVICE 2ND SERVICE 3RD SERVICE
13. Nous buvons aussi des symboles
Entre un Monbazillac qui
coute 15 euros et un grand
Sauternes à 300 euros la
différence n’est pas
seulement dans les
caractéristiques objectives
du vine.
14. Les fonctions sociales du vin et de l’alcool
Socialisation
integration/distinction
Liens sociaux
Historisisation
Poétique
Révélation
15. Historicisation
Il articule le temps cyclique qui
toujours revient et le temps
linéaire du progrès.
Associés aux rites de passage,
le vin et l’alcool marquent l’ordre
du temps.
16. Ouverture poétique
Gaston Bachelard nous
montre ainsi comment
par l’ivresse l’alcool et le
vin peuvent contribuer à
l’ouverture à la
mutidimentionnalité
logique du réel.
« De toute évidence,
l'alcool est un facteur de
langage... Bacchus est un
dieu bon ; en faisant
divaguer la raison, il
empêche l'ankylose de la
logique et prépare
l'invention rationnelle. »
17. Révélation
Parce qu’il modifie le
rapport de force entre le
ça, le surmoi et le moi,
l’alcool permet
l’expression et le
passage à la conscience
de certains contenus
préconscients ou
refoulés.
« Le Surmoi est la
seule instance de
l'appareil psychique
qui est soluble dans
l'alcool »
Freud
Le cinéma de série B
américain
18. Du point de vue anthropologique
Il n’y a pas de société sans modificateur d’état
de conscience
On n’empêche l’usage de ces dispositifs
Mais, pour une culture données, il y a des
produits enculturés (insérés dans des
ensembles de rituels) et d’autres qui ne le sont
pas
Refouler les dimensions alcooliques du vin et
des spiritueux est non seulement stupide mais
aussi dangereux
19. Pour une culture du vin et de l’alcool
La « culture du vin et des boissons
alcoolisées », qui suppose tout à la fois la
connaissance des produits, de leur histoire,
de leurs usages et une initiation aux fonctions
de l’alcool, est la meilleure prévention contre
l’alcoolisme.
20. Nécessité de prolonger les recherches
Sur le lien consommation de vin, d’alcool et santé
Études épidémiologiques et sous déclaration
(expérience de l’obésité)
Sur les comportements et la construction des décisions
de consommations
Sur les dimensions culturelles du vin et de l’alcool
(histoire sociale des formes de consommations)
21. « A travers le choix de ses
aliments, l’homme choisit le type
d’homme qu’il désire être…
En réduisant le pain à des calories,
le vin à une drogue, le sexuel à
une hygiène, nous nions le rôle
affectif de la chair et nous
proclamons que notre science est
suffisante pour donner un sens à
la vie, nous reléguons la
symbolique et le sacré au rang
de vestiges barbares. »
Jean Trémolières, Le grand livre de la nutrition, Laffont, 1973.