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UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE
U.F.R Lettres et Sciences Humaines
Master « Sociétés, Espaces, Temps »
Mention « Histoire de l’art »
Spécialité « Histoire de l’art et de la culture »
Année universitaire 2009-2010




                                MEMOIRE DE MASTER II

                                               présenté par

                                      Romain JEANGIRARD

                                             le 23 juin 2010




   NICOLAS-VICTOR DUQUENELLE
      OU L’ANTIQUAIRE ACCOMPLI
                                       (1842-1883)




                               Sous la direction de :
              Madame Marie-Claude Genet-Delacroix (Université de Reims)
                Madame Frédérique Desbuissons (Université de Reims)
DES RESEAUX ET DES HOMMES




   72
IV. DU LOCAL A L’EUROPEEN : LES TROIS CERCLES
            DE DUQUENELLE

A tous les plans, du local à l’européen, l’antiquaire rémois s’est constitué un cercle de réseaux
savants, lui permettant ainsi d’échanger sur ses travaux et de commercer ses découvertes, mais aussi
de demander conseil auprès de ses pairs les plus glorieux comme Adrien de Longpérier ou Félicien
de Saulcy, ou auprès de ceux les plus en capacité de répondre géographiquement à ses demandes
dans une Europe certes mondialisée, mais disposant de frontières et de moyens de locomotion
encore lents.
L’échange savant s’étend et se coordonne du local au global, tant de par les correspondances
établies entre les institutions qu’entre les hommes. Il s’explique dans sa dimension géographique,
les communications offrant des courants d’échange ; dans sa dimension sociale car il existe une
culture européenne cosmopolite des élites ; et dans sa dimension économique, l’objet collectionné
n’ayant aucune valeur d’usage mais « une valeur d’échange » 282. Ces élites européennes constituent
une notabilité savante dont Nicolas-Victor Duquénelle fait partie. Elles se composent de
l’aristocratie, de la bourgeoisie et des « nouvelles couches issues de la méritocratie » disposant de
temps, d’argent et d’un capital culturel constitué par l’héritage familial et l’instruction 283.
L’échange savant au sein de l’Europe culturelle s’explique enfin dans sa dimension historique :
l’affirmation de laïcisation, le progrès du rationalisme, le « regain de curiosité pour les civilisations
de l’Antiquité » appelé par François de Polignac et Joselita Raspi-Serra « la fascination de
l’Antiquité » ou l’éminence de la science archéologique contre le rêve antique dès le XVIIIe
siècle 284, la thématique à vocation européenne 285 d’histoire des collections, des cours souveraines
aux bourgeois, par « européanisation du goût » 286 , le préromantisme européen du XIXe siècle.
L’essor des « relais culturels » en Europe tels les salons, académies et sociétés savantes dès le
XVIIIe siècle et leur mutation au début du XIXe siècle, et particulièrement leur encouragement en
France sous la Monarchie de Juillet et le second Empire, aboutissent à « l’impérialisme des cultures


282
    GRAN-AYMERICH, Op.cit, 2007, p. 12-19.
283
    MAURER, Catherine, Religion et culture dans les sociétés et dans les Etats européens de 1800 à 1914 : France,
Allemagne, Italie et Royaume-Uni dans leurs limites de 1914. Rosny-sous-Bois, Bréal, 2001, p. 147-162.
284
    POLIGNAC (de), François, RASPI-SERRA, Joselita (éd.), « Rome découverte, Rome inventée : l’Antiquité entre le
rêve et la science ». In : La fascination de l’antique, 1700-1770 : Rome découverte, Rome réinventée, catalogue de
l’exposition du musée de la civilisation gallo-romaine, Lyon, 20 décembre 1998-14 mars 1999. Paris : éd. Somogy,
1998, p. 10-17.
285
    GAEHTGENS, Thomas W., L’image des collections en Europe au XVIIIe siècle : leçon inaugurale faite le jeudi 29
janvier 1999. Paris : Collège de France, 1999, p. 5-6.
286
    Ibid., p. 28-31.


                                                       73
savantes » entre 1815 et 1914 287 et, par transfert du privé au public, à une croissance des collections
muséales publiques au XIXe siècle 288.
Aussi, ce réseau de cercles savants permet à l’antiquaire de promouvoir à tous échelons ses travaux
et ses collections rémoises, devant les collectionneurs comme devant les amateurs. Evoquant le
collectionnisme particulièrement, Dominique Poulot analyse les intérêts du collectionneur du XIXe
siècle à correspondre à tous les échelons. La constitution d’un réseau savant lui permet de maîtriser
« une activité difficile tout en construisant une identité au sein de la vie sociale des échanges, des
accumulations, des dispersions » 289. Par cette correspondance, l’antiquaire rémois assure sa
postérité dans l’histoire des collections au XIXe siècle. Surtout, elle lui permet de replacer sa
collection dans un corpus plus large de contribution à l’historiographie antiquaire. Nicolas-Victor
Duquénelle en appelle à de nombreux intermédiaires pour une « systématisation de la
recherche 290 ».
L’intérêt de ces correspondances entre antiquaires et historiens de l’institution savante locale à
l’Europe lettrée réside surtout dans le fait que, pour la France particulièrement, l’archéologie, ses
méthodes et son organisation sont restés longtemps un apanage privé, c'est-à-dire « le fait
d’individus, de collectionneurs ». Il réside aussi dans le fait que « la curiosité antiquaire constitue le
concept moderne du patrimoine », c'est-à-dire la prise de conscience, le souci de la protection, de la
conservation et de la transmission des traces du passé. Ces correspondances démontrent enfin que
les archéologies nationales se sont constituées par les échanges, qui ont permis la constitution d’un
corpus archéologique européen depuis la Renaissance jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, à
l’heure des nationalismes ; la stratigraphie est une invention scandinave et la problématique
interprétation des mégalithes trouve sa réponse en Grande-Bretagne 291.




                 Les cercles rémois et champenois


287
    GERBOD, Paul, L’Europe culturelle et religieuse de 1815 à nos jours. Paris : Presses universitaires de France, 1989,
p. 61-107.
288
    POULOT, Dominique, « La muséographie du siècle ». In : Patrimoine et musées, l’institution de la culture. Paris :
Hachette, 2001, p. 77-82.
289
    POULOT, Dominique, « L’histoire des collections entre l’histoire de l’art et l’histoire ». In : PRETI-HAMARD,
Monica, SENECHAL, Philippe (dir.), Collections et marché de l’art en France : 1789-1848, coll. Art & Société. Actes
du colloque de l’Institut national d’histoire de l’art, Paris, 4-6 décembre 2003. Rennes : Presses universitaires de
Rennes, 2005, p. 437.
290
    Ibid., p. 437.
291
    SCHNAPP, Alain, « Le patrimoine archéologique et la singularité française ». In : NORA, Pierre (dir.), Science et
conscience du patrimoine. Actes des 7e Entretiens du patrimoine, Théâtre national de Chaillot, Paris, 28, 29 et 30
novembre 1994. Paris : Fayard/éditions du patrimoine, 1997, p. 75-78.


                                                          74
Nicolas-Victor Duquénelle a le souci, pour s’élever toujours davantage dans la
constitution d’un réseau de cercles savants à toutes échelles, d’appartenir à une base locale forte et
impliquée dans la vie culturelle de la ville.
        L’antiquaire rémois constitue en premier lieu un réseau local et régional de cercles savants, à
partir de l’Académie nationale – ou impériale, selon le régime politique – de Reims, dont il est
membre depuis le 4 mars 1842, après signature du diplôme de membre résidant et paiement de la
cotisation qui officialisent son engagement auprès de l’Académie, soit un an après sa fondation par
le cardinal Gousset et le docteur Landouzy. Les résidants, ou titulaires, sont recrutés en nombre
limité et doivent s’acquitter d’un paiement de cotisation et d’un droit d’entrée. La Société
académique de Reims, bien que nouvelle au XIXe siècle, se calque sur le mode ancien, en fixant le
nombre de titulaires à trente. Ces derniers ont des devoirs : une assiduité aux séances et une
présentation périodique de travaux personnels. Nicolas-Victor Duquénelle s’en acquitte. Il existe
donc au sein l’académisme rémois une aristocratie des résidants et un repli sur des rites et des
privilèges, considérant qu’une démocratisation risque d’affaiblir l’identité collective 292 de la
corporation savante de la cité et d’abaisser l’élitisme socioculturel. Reconnue quatre ans après son
adhésion, en 1846, d’utilité publique, l’institution rémoise a pour but de « contribuer au
développement des sciences, des arts et des belles lettres, de recueillir et publier les matériaux qui
peuvent servir à l’histoire du pays, et d’encourager les travaux utiles et les actions méritantes par
des récompenses diverses 293 ». Cette reconnaissance publique permet à l’Académie de Reims de
devenir une personne morale. De ce fait, l’institution peut vendre, passer des contrats, « ester » en
justice, recevoir des donations ou des legs sans réserve du droit des tiers 294.
L’archéologie régionale naît au XIXe siècle, alors que la curiosité antiquaire aux XVIIe et XVIIIe
siècles était essentiellement un fait parisien et que l’engagement public de l’archéologie, sous
l’Ancien Régime et la Révolution, était très faible, à l’instar des pays voisins. Elle se développe par
l’impulsion dispensée à l’archéologie monumentale sous la monarchie de Juillet par la création de
la Commission des monuments historiques en 1834 ; par l’implosion des sociétés savantes
provinciales initiée par Arcisse de Caumont permettant la superposition des matériaux et des
contributions de l’échelon local pour la constitution d’une archéologie nationale ; par les Antiquités
nationales sous le second Empire malgré le soupçon « de césarisme impérial » 295.


292
    CHALINE, Jean-Pierre, Sociabilité et érudition : les sociétés savantes en France, XIXe-XXe siècles. Paris : éditions
du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 1998, p. 116-121.
293
      « Article 1 ». Statuts de l’Académie Nationale de Reims. Disponible sur : http://pagesperso-
orange.fr/acadnat.reims/Statuts.htm (consulté le 31 mai 2009).
294
    CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 112.
295
    SCHNAPP, Alain. In : NORA, Pierre (dir.), Op.cit, 1997, p. 73-81.


                                                          75
L’adhésion de l’antiquaire à l’Académie témoigne de son intégration à la sociabilité savante. Selon
la définition du concept générique et historique de Maurice Agulhon qui constate l’« essor de la
sociabilité érudite » 296 et « un élan irrésistible de cette forme cultivée de sociabilité 297 », elle traduit
la réussite de l’embourgeoisement de la France au XIXe siècle. Les sociétés de ce siècle, héritières
de la tradition d’Ancien Régime 298 et du réseau des sociétés de pensées du XVIIIe siècle démantelé
par la Révolution 299, sont régénérées par les notables provinciaux dès le premier quart du XIXe
siècle et donnent « une occasion de sociabilité distinguée à l’élite aisée et cultivée », c'est-à-dire de
se mondaniser et se réunir. « Le goût du passé, des ruines, des archives a joué un rôle considérable
au XIXe siècle en attendant la sauvegarde du patrimoine » et a permis la renaissance des modèles
institutionnels 300, entre la tradition d’Ancien Régime par l’élection limitée des membres ou le
« recrutement d’une élite urbaine cultivée » et la modernité du siècle pour mieux s’ouvrir à la
société, qui deviennent des « lieux d’épanouissement d’une civilité distinguée » et de l’érudition 301.
Nicolas-Victor Duquénelle répond au profil de cette nouvelle bourgeoisie : héritier de la pharmacie
familiale en 1829, il fait partie des professions libérales. Les professions libérales sont la seconde
source fondamentale de recrutement académique : elles représentent au XIXe siècle un cinquième à
un tiers de membres. Les listes annuelles recensant les membres de l’Académie de Reims révèlent
qu’il cesse son activité à partir de 1863 302, et qu’il aurait donc vécu de la rente de cette date à sa
mort, en 1883. Son aisance financière explique sa distinction au sein de la sociabilité savante,
corporation élitiste aux critères intellectuels et « cénacle d’esprit distingué » 303. L’antiquaire rémois
appartient à la bourgeoisie locale, selon les indices d’aisance et d’instruction. L’entrée dans les
professions libérales implique à minima l’obtention d’un baccalauréat et un niveau d’instruction
élevé 304.
L’antiquaire, membre de l’Académie, édite ses publications dans les Annales puis dans les Travaux.
On compte onze publications entre 1842 et 1855 que sont : « Quelques réflexions sur l’atelier



296
    CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 32-66.
297
    Ibid., p. 32.
298
    ROCHE, Daniel, Le Siècle des Lumières en province : académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, coll.
Civilisations et sociétés. Paris : Ecole des Hautes études en sciences sociales, 1978, 520 p.
299
    JACQUART, Jean, « Préface ». In : CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 1.
300
     LEMERCIER, Jean-Pierre, « Les Académies de province ». In : FUMAROLI, Marc, BROGLIE (de), Gabriel,
CHALINE, Jean-Pierre (dir.), Elites et sociabilité en France. Actes du colloque de la Fondation Singer-Polignac à
Paris, 22 janvier 2003. Paris : Perrin, 2003, p. 52-55.
301
     CHALINE, Jean-Pierre, « La sociabilité mondaine au XIXe siècle ». In : FUMAROLI, Marc, BROGLIE (de),
Gabriel, CHALINE, Jean-Pierre (dir.), Elites et sociabilité en France. Actes du colloque de la Fondation Singer-
Polignac à Paris, 22 janvier 2003. Paris : Perrin, 2003, p. 21-31.
302
    Cf. Annexe 1
303
    CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 187.
304
    Ibid., p. 225-228.


                                                       76
monétaire de Damery 305 », « Nomenclature d’objets d’antiquités récemment découverts à
Reims 306 », « Note sur un denier inédit de Massanès Ier, archevêque de Reims 307 », « Note sur une
des sépultures de l’époque gallo-romaine découvertes à Reims en 1846 308 », « Découvertes
archéologiques à Reims pendant l’année 1847 309 », « Notice sur une médaille gauloise inédite 310 »,
« Physiologie de l’antiquaire 311 », « Examen des monnaies d’or anglaises du XVe siècle trouvées à
Villers-Allerand et déposées au musée de Reims en 1850 312 », « Rapport sur quelques publications
archéologiques en 1851 313 », « Note sur quelques antiquités trouvées à Reims en 1852 314 » et
« Compte-rendu du bulletin de la Société de sphragistique 315 ». Ce catalogage permet de montrer la
production prolifique de l’antiquaire durant ces treize années, soit statistiquement 0,85 publication
annuelle éditée par les soins de l’Académie. Outre les missions des sociétés savantes qui sont de
recenser, étudier, faire connaître et aider à préserver et à valoriser le patrimoine 316, leur nature-
même est la publique est la publication à caractère scientifique, dont l’objet est « la vulgarisation
des connaissances humaines » 317. Si les communications de l’antiquaire sont régulières de 1842 à
1852, elles deviennent en revanche rares voire inexistantes ensuite.
Le rôle de Nicolas-Victor Duquénelle au sein de l’Académie ne se limitait pas à la publication.
Cette pratique de l’édition montre, au-delà de la production historique et archéologique locale de
l’antiquaire, ses présences en séances plénières pour présenter sa collection à ses pairs, tantôt de
visu, tantôt par la lecture de communications. Ses travaux, d’ailleurs, trouvent écho dans les




305
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, Art.cit., 1842-1843, p. 349-354.
306
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Nomenclature d’objets d’antiquités récemment découverts à Reims ». Annales de
l’Académie de Reims, 1843-1844, vol. 2, p. 35-40.
307
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Note sur un denier inédit de Massanès Ier, archevêque de Reims ». Séances et
travaux de l’Académie de Reims, 23 mai 1845 – 16 janvier 1846, vol. 3, n°1, p. 110-113.
308
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Note sur une des sépultures de l’époque gallo-romaine découvertes à Reims en
1846 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 6 février - 7 mai 1846, vol. 4, n°11, p. 109-114.
309
     DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Découvertes archéologiques, à Reims, pendant l’année 1847 ». Séances et
travaux de l’Académie de Reims, 13 juin 1847 – 7 janvier 1848, vol. 7, n°2, p. 394-402.
310
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, Art.cit., 1848-1849, p. 224-226.
311
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Physiologie de l’antiquaire ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 20
avril – 28 juin 1849, vol. 10, n°12, p. 202-221.
312
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Examen des monnaies d’or anglaises du XVe siècle trouvées à Villers-Allerand
et déposées au musée de Reims en 1850 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 4e trimestre 1850 – 1er trimestre
1851, vol. 13, n°1, p. 285-287.
313
     DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Rapport sur quelques publications archéologiques en 1851 ». Travaux de
l’Académie Impériale de Reims, 4e trimestre 1852 – 1er trimestre 1853, vol. 17, n°1, p. 41-49.
314
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Note sur quelques antiquités trouvées à Reims en 1852 ». Travaux de l’Académie
Impériale de Reims, 4e trimestre 1852 – 1er trimestre 1853, vol. 17, n°1, p. 200-210.
315
     DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Compte-rendu du bulletin de la Société de Sphragistique ». Travaux de
l’Académie Impériale de Reims, 2e – 3e trimestre 1855, vol. 22, n°1, p. 101-105.
316
    JACQUART, Jean. In : CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 1.
317
    CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 20-21.


                                                         77
comptes-rendus lus par le secrétaire général Charles Loriquet, pour les sessions annuelles de 1875-
1876 318, 1878-1879 319, 1881-1882 320.
L’antiquaire est régulièrement invité à participer aux commissions de travail de l’institution, telles
la commission, nommée par l’Académie dans sa séance du 16 août 1844, placée sous sa
responsabilité et celles de Joseph-Louis Lucas et Louis Paris « qui devra exprimer à
l’administration (municipale) le vœu de voir les fouilles (de l’ancien cimetière Saint-Nicaise)
soumises à une surveillance active, et lui proposer les mesures qu’elle jugera les plus efficaces »
pour optimiser « la conservation des objets qui intéressent la science historique ou archéologique »,
compte-tenu des risques de rapts de trésors par les ouvriers et des manques de réglementation et de
législation 321 ; la commission installée en séance du 8 juillet 1845, composée de Nicolas-Victor
Duquénelle, Charles Leconte, Louis-Emile Dérodé-Le Roy, Louis Gonel et Marc-Hector Landouzy,
chargée « d’étudier la limpidité et la qualité de la bière gazeuse » à la demande de Monsieur
Benoît 322 ; la commission nommée le 20 mars 1846 pour la préparation de la question historique à
mettre au concours de la séance solennelle du 3 avril 1846 composée de l’antiquaire Duquénelle, de
l’avocat Joseph-Louis Lucas, de Louis Paris, des abbés Bandeville et Nanquette, et de
Guillemin 323; la commission installée le 30 avril 1846 chargeant Duquénelle, Leconte et Henriot-
Delamotte « de faire quelques expériences sur quatre tablettes du Carthame hong-hoa, employé en
Chine pour la tenture » 324 et dont le rapport est rédigé par l’antiquaire rémois 325 ; la commission
nommée le 10 juin 1847 composée, outre Duquénelle, de l’abbé Bandeville et de Louis Paris,
« chargée de recueillir et de publier les anciens sceaux de la province de Champagne », à la
demande d’Edouard de Barthélemy 326 ; la commission fixée en séance solennelle du 6 août 1847,
composée de Narcisse Brunette, d’Alphonse Gosset et de Monsieur de Maizière, qui « doit




318
    LORIQUET, Charles, « Compte-rendu des travaux de l’année 1875-1876 ». Travaux de l’Académie nationale de
Reims, 1875-1876, vol. 59, n° 1-2, p. 11-31.
319
    LORIQUET, Charles, « Compte-rendu des travaux de l’année 1878-1879 ». Travaux de l’Académie nationale de
Reims, 1878-1879, vol. 65, n° 1-2, p. 23-53.
320
    LORIQUET, Charles, « Compte-rendu des travaux de l’année 1881-1882 ». Travaux de l’Académie nationale de
Reims, 1881-1882, vol. 71, n° 1-2, p. 11-37.
321
    LUCAS, Louis-Joseph, « Communication », Séances et travaux de l'Académie de Reims, 5 juillet 1844-7 mars 1845,
vol. 1, p. 165-166.
322
    « Séance du 8 juillet 1845. – Correspondance ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 23 mai 1845-16 janvier
1846, vol. 3, p. 149-150.
323
    « Séances des 20 mars et 3 avril 1846. – Correspondance ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, février-mai
1846, vol. 4, p. 105-108.
324
    « Séance extraordinaire du 30 avril 1846 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 20 novembre 1846-27 mai
1847, vol.6, p.11-13.
325
    Ibid, p. 105-107.
326
    « Séance du 10 juin 1847. – Correspondance ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 13 juin 1847-7 janvier
1848, vol.7, p. 1-7.


                                                         78
déterminer si le projet de Nicolas Maillet sur le travail des engrais offre des opportunités 327 ; sa
participation en 1857, avec Collery, Charles Givelet, Charles Loriquet et Louis-Auguste Reimbeau,
à la commission de contre-expertise de la note de Collery sur les statuettes qui décorent les piliers
du chœur de Saint-Remi de Reims, et chargée de rencontrer l’abbé de la basilique 328 ; la
commission chargée d’examiner, durant l’année 1865, un « mémoire sur l’origine de l’imprimerie à
Reims » 329 ; la commission sur les arquebusiers de Reims en 1868, comme en témoigne cet
extrait de lettre adressée par le secrétaire général Charles Loriquet à Louis-Simon Fanart 330 :
« Veuillez me dire quel jour vous pourriez réunir chez vous la commission des arquebusiers. […]
Les membres de la comm[iss]ion sont M.M. Fanart, Duquenelle, Givelet, Cerf [et] Maldon » ; la
commission du 9 juin 1870, enfin, relative au concours d’histoire, comme le montre une lettre de
Charles Loriquet en date du 7 juin de la même année 331 : « Font partie de la commission M.M.
Fanart, Duquenelle, (Louis) Paris, Mennesson, Givelet, Cerf, Gosset fils, Lalande, le secrét[ai]re
g[énéra]l ». Pour ces deux dernières réunions cependant, Nicolas-Victor Duquénelle fait parvenir
deux missives au secrétaire général pour l’avertir de son absence. Dans les deux cas excusé, il
fournit un avis sur les mémoires présentés en 1868 sur le thème des arquebusiers de Reims et admet
une supériorité du second « due aux recherches, aux citations et surtout à l’ordre méthodique du
travail 332 » ; il donne en revanche pouvoir pour juger les mémoires présentés sur les questions
d’histoire « à [ses] collègues, plus compétens que [lui] en pareille matière », dans sa lettre à
Charles Loriquet du 1er juin 1870 333. Ces commissions contribuent à définir les missions de
l’Académie de Reims et le rôle particulier de l’antiquaire Nicolas-Victor Duquénelle en son sein.
L’Académie dispose d’un poids culturel important. Ainsi, elle impulse des initiatives locales.
L’antiquaire Duquénelle, dans le cadre de ses compétences et connaissances reconnues, est nommé
membre de la commission archéologique pour l’exposition rétrospective rémoise de 1876 dont il fût
par ailleurs l’un des nombreux contributeurs à la tenue de cette exposition par le prêt d’objets
d’antiquités. Cette commission, dont le président est le maire de la ville, décide d’organiser cette
exposition à l’occasion du concours régional de mai 1876, de recueillir les objets d’art prêtés puis
de dresser, afin d’organiser au mieux cette exposition, un catalogue sommaire des objets présentés


327
    « Séance du 6 août 1847. – Lectures ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 13 juin 1847-7 janvier 1848,
vol.7, p. 143-149.
328
    COLLERY, « Note sur les statuettes qui décorent les piliers du chœur de Saint-Remi de Reims ». Travaux de
l’Académie impériale de Reims, 1857-1858, vol. 27, n° 1-2, p. 265-273.
329
    LORIQUET, Charles, « Compte-rendu des travaux de l’année 1865-66 ». Travaux de l’Académie impériale de
Reims, 1865-1866, vol. 43, n° 1-2, p.9-33
330
    A.M.C.R, 2S 5 : Académie de Reims : concours, correspondance, imprimés (1849-1879)
331
    A.M.C.R, 2S 5 : Académie de Reims : concours, correspondance, imprimés (1849-1879)
332
    A.M.C.R, 2S 5 : Académie de Reims : concours, correspondance, imprimés (1849-1879)
333
    A.M.C.R, 2S 5 : Académie de Reims : concours, correspondance, imprimés (1849-1879)


                                                       79
dans le palais archiépiscopal le 24 avril. Outre la commission archéologique organisatrice de cette
manifestation culturelle, Duquénelle est l’un des membres du Bureau d’organisation de
l’exposition, aux côtés de trois présidents, respectivement archevêque, maire et chevalier de la
Légion d’honneur 334 : « Les Membres du Bureau d’Organisation de l’Exposition sont :
M[onsei]g[neu]r l’Archevêque de Reims, Président d’Honneur ; M.M. le Maire de la Ville de
Reims, Président d’Honneur ; A. Dauphinot, chevalier de la Légion d’honneur, Président ;
Duquenelle, Vice-Président […] ».
L’antiquaire fait partie de sections de l’Académie, qui ont pour but de spécialiser les travaux et de
réunir les professionnels d’une discipline. Nicolas-Victor Duquénelle faisait partie de la section de
numismatique, qui avait pour objet d’étude l’étude des monnaies. La participation et l’appartenance
de l’antiquaire à cette section sont confirmées par la lecture de ce dernier en séance publique du 13
décembre 1850 relative à l’examen des monnaies d’or anglaises du XVe siècle et trouvées à Villers-
Allerand, dont les recherches ont été suivies par l’abbé Querry, et dont la commission émet le vœu
d’acquérir ces pièces pour enrichir les collections du musée de Reims 335 : « Dans l’une de ses
précédentes séances, l’Académie a renvoyé à la section de numismatique l’examen de quelques
monnaies d’or. Le rapport dont je vais donner lecture est l’œuvre de notre collègue M[onsieur]
l’Abbé Querry […] ».
         De 1864 à 1866, Nicolas-Victor Duquénelle est le vice-président de la commission pour la
constitution d’un musée archéologique à Reims, dès constitution de cette dernière en séance le 10
juin 1864 336, à la suite des grandes découvertes effectuées sur les promenades de Reims, mais aussi
dans le but de conserver les pièces éparses du tombeau de Jovin et autres vestiges archéologiques.
En cette qualité, signe encore une fois de sa compétence reconnue, il est l’un des coorganisateurs
des fouilles et est chargé d’obtenir des souscriptions pour le musée archéologique, dont il est avec
Alphonse Gosset, Prosper Tarbé, Edouard Werlé et François Clicquot l’un des fondateurs ; ce qui
montre sa notabilité et son implication sociale rémoise à Reims 337.
Près de vingt ans plus tard, le 2 décembre 1882, une nouvelle commission d’archéologie est
convoquée par l’Académie chez Nicolas-Victor Duquénelle. Les membres, outre l’antiquaire, sont
Charles Loriquet, Charles Cerf, Charles Givelet, Victor Diancourt, Alphonse Gosset, Louis

334
    Exposition rétrospective. Catalogue des objets d’art et de curiosité. Tableaux, dessins, tapisseries, etc., exposés dans
les salles et salons du Palais Archiépiscopal le 24 avril 1876. Reims : Dufour et Keller, 1876, p. 7-8.
335
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Examen des monnaies d’or anglaises du XVe siècle trouvées à Villers-Allerand
et déposées au musée de Reims en 1850 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 4e trimestre 1850 – 1er trimestre
1851, vol. 13, n°1, p. 285-287.
336
    « Commission archéologique de Reims : constitution de cette commission par l’Académie dans sa séance du 10 juin
1864 ». Travaux de l’Académie impériale de Reims, 1863-1864, vol. 40, n°3-4, p. 421-424.
337
    JADART, Henri, Victor Duquénelle, antiquaire rémois, 1807-1883. Notice sur sa Vie, ses Travaux et ses Collections
avec diverses Œuvres posthumes publiées par l’Académie de Reims. Reims : Michaud, 1884, p. 10-12.


                                                            80
Demaison et Henri Jadart. Ils émettent un double vœu : la restauration de la mosaïque des
promenades, qui interviendra en 1885, et un nouvel emplacement pour le musée 338.
L’antiquaire exerce aussi des responsabilités au sein de l’Académie puisqu’il est membre du conseil
d’administration de 1861 à 1864 et de 1865 à 1867 339. Celles-ci interviennent cependant pour la
première fois près de vingt ans après son adhésion à l’institution. Elles constituent une part évidente
de son influence croissante mais sont à relativiser dans le cadre de l’ancienneté, qui est aussi un
critère d’autorité. La faiblesse des effectifs du groupement permet à l’antiquaire d’être associé aux
responsabilités, de se reconnaître comme un membre à part entière de l’institution savante, et de se
définir comme faisant partie d’une « aristocratie d’égaux ayant conscience de former une élite
privilégiée » 340.
Ainsi, l’institution locale est la plateforme et la base d’une notoriété et d’une intégration dans les
réseaux savants. L’antiquaire entretient des relations avec des membres de l’Académie, comme en
témoigne la correspondance entretenue avec Charles Loriquet, à propos d’une convocation en
commission et de la présentation de la mosaïque des promenades lors du congrès archéologique de
1861 341. L’influence locale de Charles Loriquet, secrétaire général de l’Académie mais aussi
archiviste et bibliothécaire de la ville, est éminente. Sa correspondance et ses notes permettent
d’esquisser deux typologies d’échanges savants. En premier lieu, il s’agit de l’échange
« professionnel » sur les méthodes et les sources de l’archéologie. Dans un brouillon de lettre non
datée 342, il avoue à son correspondant la préciosité de son soutien : « […] j’ai compté [et] je compte
encore [beaucoup], permettez moi de vous le dire, sur votre appui, sur vos bonnes paroles en ma
faveur […] », avant d’évoquer une prise de contact avec Louis Régnier et Adrien de Longpérier
pour leur demander conseil à propos de ses ouvrages, reçus au concours de l’Académie : Reims
pendant la domination romaine, d’après les inscriptions, avec une dissertation sur le tombeau de
Jovin 343 et La mosaïque des Promenades et autres trouvées à Reims, étude sur les mosaïques et sur
                               344
les jeux de l’amphithéâtre           . Cette correspondance donne lieu à des confrontations de points de
vue. Ainsi, Charles Loriquet écrit : « Monsieur Rénier […], qui avait eu l’obligeance de m’indiquer
plusieurs points à réformer, a pu voir de mauvais œil que je n’adoptais pas [toujours] sans conteste


338
    GIVELET, Charles, JADART, Henri, DEMAISON, Louis, « Le musée lapidaire rémois, dans la Chapelle basse de
l’Archevêché (1865-1895) ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1893-1894, vol. 95, t. 1, p. 183-282.
339
    Voir Annexe 7.
340
    CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 131-136.
341
    A.M.C.R, 2S 18 : Mosaïque des promenades.
342
    A.M.C.R, 2S 1 : Correspondance diverse (1806-1882).
343
    LORIQUET, Charles, Reims pendant la domination romaine, d’après les inscriptions, avec une dissertation sur le
tombeau de Jovin. Reims : Dubois, 1860, 329 p.
344
    LORIQUET, Charles, La mosaïque des Promenades et autres trouvées à Reims, étude sur les mosaïques et sur les
jeux de l’amphithéâtre. Reims : Brissart-Binet, 1862, 427 p.


                                                       81
sa manière de voir et que [sur] d’autres points, je l’attaquais même un peu » ; et, évoquant Adrien
de Longpérier, ajoute : « je suis quelquefois [une ou deux fois] en dissentiment ». Ce type
d’échange lui permet enfin de faire connaître ses travaux et de faire reconnaître l’intérêt historique
de l’archéologie locale, et plus particulièrement de la mosaïque des promenades, auprès des plus
hautes institutions, ici le Comité des travaux historiques et scientifiques, puisqu’il écrit : « J’envoie
des exemplaires à M[essieurs] L. Rénier, Vitet, Maury, L. Delisle, de Longpérier [et] de Lasteyrie,
membres de la commission, [ainsi] qu’à Monsieur le secrét[ai]re perpétuel ».
En second lieu, il s’agit d’un échange personnel. Dans cette même lettre, il précise : « le seul des
membres de la commission que je connaisse [personnellement] est M[onsieur] Léon Delisle ». Les
vocations respectives de l’antiquaire Duquénelle et de l’historien Loriquet sont de nature différente
mais sont complémentaires pour la recherche, la description et l’interprétation des antiquités, et leur
contextualisation historique. Pour cela, Charles Loriquet avait accès à la collection Duquénelle pour
voir les objets puis les commenter. Ses écrits le confirment lorsqu’il écrit que « plusieurs petits
autels que possède M[onsieur] Duquénelle, portant trois figures accolées ou plutôt fondues sur une
même tête, particularité curieuse du culte local que personne n’a expliquée, je crois, mais sur
laquelle on a cru pouvoir établir une nouvelle explication de la triple figure qui se voit sur les
médailles à la légende Remo » ; ou encore lorsqu’il évoque des monuments épigraphiques, « deux
pierres […] qui ont été recueillies à Reims même, il y a quelques années, par (son) collègue
M[onsieur] Duquénelle, qui a eu l’obligeance de les (lui) communiquer » ou qu’il établit une liste
des marques de fabrique dont plusieurs appartiennent à la collection de Nicolas-Victor
Duquénelle 345. Ses multiples interventions lui facilitent la constitution d’un réseau autour de
l’institution, approchant ainsi les relations de ses collègues académiciens, comme le montre cette
lettre du 6 septembre 1849 recueillie par Charles Loriquet, envoyée par Charles Grouët à Duchene,
tous deux en relation avec l’Académie 346 : « […] Veuillez me rappeler au souvenir de notre
meilleur correspondant M[onsieur] Laberge, de n[o]tre ami l’antiquaire Duquenelle et de M.M Ch.
Loriquet et Barrois […] ».
Outre Charles Loriquet, Nicolas-Victor entretient à l’échelon rémois et à ses alentours, des relations
collégiales ou amicales avec Monsieur Counhaye, de Suippes, « l’un des doyens de l’archéologie
dans le département de la Marne, fut l’ami fidèle et le consciencieux collaborateur de M[onsieur]
Duquénelle, dont il pourra suivre jusqu’au bout les nobles traditions 347 ».

345
    LORIQUET, Charles, Op. cit., 1860, pp. 22, 286, 296-304.
346
    A.M.C.R, 2S 7 : Archéologie, paléographie, épigraphie, linguistique, enseignement des langues, tombeau de Jovin :
notes classées de façon thématique (1854-1883)
347
    JADART, Henri, « Compte-rendu des travaux pendant l’année 1886-87 ». Travaux de l’Académie nationale de
Reims, 1886-1887, vol. 91, t. 1, p. 28.


                                                         82
Selon Henri Jadart 348, Nicolas-Victor Duquénelle serait rentré en contact avec des
collectionneurs champenois lors de l’exposition rétrospective de 1876, ce qui suggère un premier
élargissement régional du réseau des cercles savants ou professionnels de l’antiquaire. Il aurait en
effet à cette occasion correspondu avec Frédéric Moreau, Eugène Deulin, Julien Gréau ou encore
avec des collectionneurs ayant des attaches rémoises comme Anatole de Barthélémy, Léon Foucher,
Etienne Saubinet et Joseph-Louis Lucas. Une lettre de Léon Maxe-Werly du 5 janvier 1877 à
l’attention du président de l’Académie de Reims, atteste de la relation amicale de l’expéditeur du pli
et de l’antiquaire rémois 349 : « […] Ces clichés sont, je le reconnais, indignes de figurer dans la
collection de monnaies rémoises offertes à la Ville par mon ami M[onsieu]r Duquenelle et le
regretté M[onsieu]r Saubinet, à qui je dois une reconnaissance éternelle […] ».
A l’Académie de Reims enfin, il incombe à l’antiquaire de présenter les travaux et les publications
des sociétés savantes dont il est membre correspondant ; ce qui démontre son assiduité aux séances
de l’Académie ainsi que sa responsabilité académique, mais aussi une ouverture vers les sociétés
savantes de province qui furent largement impulsées dans le second tiers du XIXe siècle par Arcisse
de Caumont. Son adhésion en 1845 à la Société Française de Reims pour la conservation des
Monuments Historiques montre son implication locale dans un combat national.




                Les cercles provinciaux et nationaux

                L’antiquaire s’est en second lieu constitué un réseau de cercles savants provinciaux
et parisiens, c'est-à-dire interrégionaux et centraux. Cette pratique repose sur deux formes qui lui
permettent d’élever sa notoriété et de propager largement le contenu de ses travaux et la
connaissance de sa collection, qui, selon Ernest Bosc 350, fait partie de cent plus grandes du XIXe
siècle.
          Pour la première forme, il s’agit de faire publier et éditer par les sociétés savantes
provinciales et parisiennes les travaux de Duquénelle, afin de rendre compte de ses découvertes et
des objets faisant partie de sa collection ainsi que de son apport pour une meilleure connaissance de
la science archéologique. Cette pratique lui offre ainsi une publicité dans la France des territoires,
chez ses pairs comme chez les amateurs passionnés. En 1858, Edouard de Barthélémy cite les



348
    JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 13-15.
349
    A.M.C.R, 2S 1 : Correspondance diverse (1806-1882).
350
    BOSC, Ernest, Op.cit, 1883, 695 p.


                                                          83
travaux de Nicolas-Victor Duquénelle pour l’étude de la numismatique rémoise, dans la Revue des
sociétés savantes de France et de l’étranger 351.
En 1881, le Bulletin Monumental 352 publie une note sur quelques cachets d’oculistes rémois :
« Nous avons publié ce cachet peu de temps après sa découverte, et à l’insu l’un de l’autre. C’est à
l’obligeance de M.M. Duquénelle et Maxe-Werly, que nous en devions les empreintes. Il fait partie
du riche cabinet de M[onsieur] Duquénelle. Le cachet de M. Claudius Martinus a été trouvé à
Reims, rue des Moulins, au mois de juin 1879. […]. Le cachet de Magilius. Reims (Marne). Ce
cachet fait partie du cabinet de M. Duquénelle, à qui nous en devons les empreintes. Il a été trouvé à
Reims ; c’est un schiste ardoisier, de couleur verte ; d’après les mesures qui nous ont été envoyées
par M. Duquénelle, ses dimensions sont, en largeur 0,043 m., en hauteur 0,032 m., en épaisseur
0,009 m. ».
L’antiquaire est donc associé à la publication puisqu’il est sollicité pour les mesures de l’objet
d’antiquités. Il ne pourrait donc s’agir d’une tournée provinciale de la Société française
d’archéologie publiant dans ses publication à large diffusion, les Bulletins Monumentaux, les
recherches régionales et territoriales ; mais d’une association des organismes associatifs
archéologiques – ici la Société française d’archéologie – aux recherches et aux travaux de
l’antiquaire par une correspondance qui lui permettait de décrire avec précision les objets. Il existe
une large diffusion des travaux, des recherches, et des collections de l’antiquaire ; ajouté au fait que
le Bulletin Monumental est une revue trimestrielle ayant joué un rôle déterminant dans l’étude et la
découverte des monuments, et connaissait déjà une vaste diffusion compte tenu du fait qu’elle était
l’une des premières revues françaises de référence de l’architecture et de l’archéologie.
La contribution de Nicolas-Victor Duquénelle, au niveau local, à un recueil des monuments français
et à un mélange des objets préhistoriques et antiquités nationales, se lit aussi dans les publications
particulières. Henri du Cleuziou, dans son ouvrage intitulé L’Art national : étude sur l’histoire de
l’art en France, évoque successivement un poignard de l’âge du bronze, des torques en bronze
comprenant bracelets et rondelle, trouvés dans des cimetières gaulois de la Marne, des fibules et
épinglettes « qu’elles (les femmes gauloises) affectionnaient particulièrement », des émaux figurant
un coq et un dauphin, de « charmantes fioles » gallo-romaines « incontestablement de fabrication
nationale », un vase gaulois emprunté aux hanaps, des vases gaulois à compression, avec
ornementation, des bouteilles et verres à boire, des « poteries parlantes noires gauloises, avec
ornementations en barbotine blanche et jaune, « une délicieuse burette […] où les ornements

351
    BARTELEMY (de), Edouard, « Annales de l’Académie impériale de Reims. 24 vol. in-8°, 1841-1856 ». Revue des
sociétés savantes de la France et de l’étranger, 1858, t. IV, p. 50-55.
352
    HERON DE VILLEFOSSE, Antoine-Marie, THEDENAT, Henri, « Notes sur quelques cachets d’oculistes
romains ». Bulletin Monumental, 1881, IX, 47, p. 259-286, p. 563-611.


                                                     84
appliqués à chaud sont parsemés avec un goût si parfait » qui appartient à l’art romain, un trépied en
bronze « d’apparence romaine » et enfin des fibules rondes tricolores 353. Tous ces objets,
constitutifs d’une histoire de l’archéologie en France et d’une histoire de l’art national,
appartiennent alors à la collection rémoise de Duquénelle. Pour autant, il convient de s’interroger
sur la nature de l’obtention de ces informations par son auteur : soit l’auteur a pu recourir aux
publications institutionnelles locales et nationales pour recenser les collections d’antiquités, soit ce
dernier et l’antiquaire ont échangé par mode épistolaire.
        La seconde forme de constitution de réseaux savants provinciaux et parisiens consistait en
des demandes d’adhésion par Nicolas-Victor Duquénelle en qualité de membre correspondant, aux
sociétés savantes de province et de la capitale. Et comme Henri Jadart le disait dans son ouvrage
posthume consacré à l’antiquaire : « Les relations de Monsieur Duquénelle devaient nécessairement
l’agréer, hors de Reims, à de nombreuses sociétés savantes ».
Le 23 mars 1846, il fut reçu après souscription à la Société française d’archéologie pour la
conservation et la description des Monuments Historiques 354, fondée en 1834 par Arcisse de
Caumont. Quatre ans plus tard, il fût reçu par élection à la Société Archéologique de Soissons. Il
avait du auparavant envoyer une lettre de recommandation adjointe à une lettre de motivation, qui
avaient sûrement été examinées en commission délibérative. Il apparaît en effet dans une
publication de 1868 dans la liste des membres correspondants 355. En 1851, il fut admis à la Société
de Sphragistique de Paris qui avait pour missions l’étude des cachets et de la sigillographie. Il
adhéra en 1856 à la Société des Antiquaires de France, ainsi dénommée après 1814, remplaçant
l’Académie Celtique fondée le 9 germinal an XII par Jacques Cambry, Jacques Antoine Dulaure et
Jacques le Brigant. Elle avait pour but l’étude de la civilisation des Gaulois, de l’histoire et de
l’archéologie françaises, qui étaient les objets d’étude de prédilection de l’antiquaire Duquénelle. Il
figurait bien dans la liste des associés correspondants du Bulletin de la Société de 1864 356. Le 12
août 1855, Adrien de Longpérier, son présentateur, lui répondait par retour de courrier sur les
conditions d’adhésion à cette institution parisienne 357 : « Je m’empresse de répondre à la question
que vous m’adressez. La société des antiquaires tient maintenant ses séances au Louvre, dans un
local où se trouvait autrefois la Bibliothèque Standish appartenant au roi Louis-Philippe. Nos
séances ont lieu, comme par le passé, les 9, 19 et 29 de chaque mois. Mais nous entrons pour deux

353
    CLEUZIOU (du), Henri, L’Art national : étude sur l’histoire de l’art en France, I : Les origines, la Gaule, les
Romains. Paris : A. Le Vasseur, 1882, 566 p..
354
    JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 16-19.
355
    « Membres correspondants ». Bulletin de la Société Historique et Archéologique de Soissons, 1868, vol. 2, p.393.
356
    « Liste des associés correspondants nationaux et étrangers ». Bulletin de la Société impériale des antiquaires de
France, 1864, p. 16.
357
    JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 44-45.


                                                         85
mois en vacances, le 1er septembre. […] Vous serez peut-être étonné si la société ne vous décerne
pas le titre de correspondant ; mais je dois à cet égard vous faire connaître la situation particulière
dans laquelle nous sommes. Nos règlements imposent aux correspondants, comme aux membres
résidants, des conditions onéreuses. On est tenu de payer un diplôme de 25 francs et d’acheter, au
prix de 6 francs, les volumes des mémoires à mesure qu’ils paraissent, c'est-à-dire à peu près tous
les deux ans. Il s’en suit qu’on ne peut nommer correspondants que ceux qui le désirent et qui en
font la demande par écrit ; parce qu’alors cette demande, faite en connaissance de cause, constitue
une sorte d’engagement. S’il peut vous être agréables d’être des nôtres, je me chargerai volontiers
d’être votre présentateur […] ».
En 1861, il fut procédé à son adhésion à la société française de numismatique et d’archéologie,
disciplines dans lesquelles il semblait exceller compte tenu de ses travaux et de ses responsabilités
en commissions et sections de l’Académie. Le cas de son adhésion à la Société Archéologique de
Sens en séance du 4 avril 1866 est intéressant car il révèle les modalités et les conditions de
validation d’une adhésion d’un membre correspondant 358 : « M[onsieur] Duquénelle, membre de
[sic] l’Académie de Reims, présenté par M.M Bazy, Genouille et Julliot est admis au nombre des
membres correspondants […] ».
Dans le cas de cette société provinciale, les modalités d’adhésion puis de validation par la
commission statutaire étaient le parrainage et la présentation. A la même date, il rejoignait la
commission de Topographie des Gaules à l’invitation de Félicien de Saulcy 359. Créée par Napoléon
III, « elle atteste des goûts archéologiques de l’Empire » 360.
D’ores et déjà, deux critères d’adhésion peuvent être dégagés à partir d’études de cas : le critère de
reconnaissance et le critère matériel ou financier, auxquels Duquénelle semblait satisfaire puisque
ses demandes d’adhésion en qualité de membre correspondant avaient toutes été retenues.
Selon Jean-Pierre Chaline, le titre de correspondant est un gage de reconnaissance, de distinction et
de recommandation. Son rôle effectif et sa part réelle d’activités sont cependant moindres. Le
correspondant, surtout, témoigne d’une ouverture à l’extérieur de la société savante qui l’accueille,
de son rayonnement et de sa bonne intégration dans l’espace culturel local 361.
Au XIXe siècle, les objets d’antiquités circulent et sont commercialisés dans un monde savant de
plus en plus globalisé. Ces échanges savants peuvent en avoir cette finalité. Deux lettres adressées
par Félicien de Saulcy à Nicolas-Victor Duquénelle démontrent cette théorie 362. La première de ces

358
    « Extrait des procès-verbaux ». Bulletin de la Société archéologique de Sens, 1867, X, p. 376-378.
359
    JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 16.
360
    SCHNAPP, Alain. In : NORA, Pierre, Op.cit, 1997, p. 78.
361
    CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 116-119, p. 148.
362
    SCHNAPP, Alain. In : NORA, Pierre, Op.cit, 1997, p. 45-47.


                                                           86
lettres, datée du 9 septembre 1869, montre l’aspect lucratif du commerce des objets antiques et le
recours à ces méthodes marchandes par les antiquaires et les savants : « La trouvaille que vous
voulez bien m’annoncer m’intéresse au plus haut point. Je possède déjà de ces pièces trouvées au
pays chartrain ou à Moinville, près de Melun. S’il était possible d’en acquérir une dizaine les plus
variées possible, aux prix de 20 fr[ancs] pièce, j’en serai ravi […] ».
La seconde des lettres, non datée, enrichit quant à elle notre connaissance sur l’échange des objets
d’antiquités par les collectionneurs : « […] En revanche, les deux autres [monnaies] sont tout à fait
nouvelles pour moi, et je n’ai pas le courage de ne pas accepter avec une vive reconnaissance l’offre
que vous vous bien me faire de conserver ces pièces pour ma collection. […] ».
Henri Jadart souligne l’utilité de ce commerce qui n’était pas forcément lucratif et qui permettait
aux savants ou archéologues d’apporter un éclairage nouveau ou de nouvelles interprétations sur les
antiquités.
        Il s’agit, pour la troisième forme, de relations amicales ou cordiales, exercées dans un cadre
privé, donnant lieu à des échanges de vue et à des demandes de service réciproques. Les lettres ci-
dessous, pour la plupart, sont reprises de la notice biographique de Henri Jadart 363. Elles sont
certainement issues de la correspondance de l’antiquaire 364, composée de vingt-et-une liasses et
répertoriée sous le numéro vingt-cinq de la série I de description des monuments et des antiquités
de la ville de Reims, que ce dernier a légué aux archives de l’Académie de Reims, et dont cette
institution fait état dans l’une de ses publications 365. Cette correspondance n’existe plus
aujourd’hui : alors conservée au Palais du Tau, elle a brûlé lors du bombardement de l’armée
allemande, du 4 septembre au 6 octobre 1914 366. En 1852, Adrien de Longpérier fait appel à la
connaissance de Duquénelle sur des objets trouvés à Reims pour dresser une liste alphabétique des
noms de potiers imprimés sur les vases de terre rouge 367 : « La société des antiquaires de France
m’a chargé de dresser pour son annuaire une liste alphabétique des noms de potiers imprimés sur
les vases de terre rouge. En réunissant ce que j’avais noté depuis longtemps, j’ai déjà pu former un
catalogue de 1300 noms. J’espère que vous me pardonnerez d’avoir recours à votre obligeance pour
obtenir la copie des estampilles qui se trouvent sur les vases ou fragments découverts à Reims.



363
    JADART, Henri, Op.cit, 1884, 57 p.
364
     A.N.R., Série I, n°25 : Correspondance de savants et d’amateurs avec V. Duquénelle (1840-1883), carton
comprenant 21 liasses numérotées.
365
    « Académie de Reims : inventaire des archives (1841-1886) ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1885-
1886, vol. 79, t. 1, p. 243.
366
    JADART, Henri, « Sur les ruines et les pertes causées à Reims par le bombardement de l’armée allemande, du 4
septembre au 6 octobre 1914 ». Comptes-rendus des séances de l’année 1914. – Académie des inscriptions et belles-
lettres, 1914, n° 7, p. 590-593.
367
    JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 43-44.


                                                       87
J’aurai soin d’indiquer à la reconnaissance des antiquaires, le nom de ceux qui voudront bien
prendre part à ce travail de collection […] ».
L’Académicien apporte son estime à l’antiquaire, mais surtout sa confiance dans les compétences
en matière d’histoire et d’archéologie de Duquénelle pour lui demander un tel service. Cette lettre
démontre également toute la logique de constitution des cercles savants, puisqu’Adrien de
Longpérier promet à l’antiquaire d’associer tous ceux qui auront bien voulu l’aider dans sa
démarche auprès de la Société des antiquaires de France, équivalant à une certaine reconnaissance.
En 1869, Félicien de Saulcy et Nicolas-Victor Duquénelle se prêtaient à une relation épistolaire
avec comme objet d’étude la numismatique, après envoi par l’antiquaire à l’Académicien d’une
série de monnaies. Ce dernier le remercie et converse avec son confrère à ce propos 368 : « […]
Voilà ce que je regarde comme très probable à propos de l’histoire de ce curieux petit monument. Je
vais aujourd’hui même le montrer à la séance de l’Académie des Inscriptions à mes deux confrères
Le Normant et Longpérier. Je suis sûr qu’ils seront très satisfaits d’examiner cette rare médaille.
Demain matin, je ferai porter au chemin de fer une petite boîte à votre adresse, et contenant la pièce
d’or en question et la pièce gauloise à la tête de face sous le sanglier. […] ».
L’échange de correspondances et la pratique savante sont une réalité, par la demande de conseil ou
même l’envoi d’objets d’antiquités afin de recueillir l’avis de ses confrères.
Nicolas-Victor Duquénelle correspondait également très fréquemment avec Charles Robert de
l’Institut et membre correspondant de l’Académie nationale de Reims, dont les relations semblaient
davantage amicales que collégiales. En effet, dans le compte-rendu des travaux de l’Académie
nationale de Reims pour les années 1887 et 1888, Henri Jadart dédie une notice nécrologique à celui
qui « resta l’intime confident de M[onsieur] Duquénelle et participa à toutes les découvertes
archéologiques faites au sein de cette ville, qu’il considérait à bon droit comme sa seconde
patrie 369 ». En 1852, cet Académicien inclut dans son ouvrage la description du monogramme et du
matériau, et l’interprétation d’une pièce trouvée à Reims en 1840 et appartenant à Duquénelle, qui
lui a transmis à ce sujet une communication 370. Le 26 mai 1879, Charles Robert envoie une lettre à
l’antiquaire rémois 371 : « J’ai communiqué dans la dernière séance des antiquaires de France votre
buste (tête d’empereur en marbre, trouvée à Reims en 1878) aux hommes compétents, avant de le
déposer de votre part sur le bureau. Personne ne s’est prononcé ; les plis du cou ont même paru à un
de nos confrères peu conformes aux usages antiques. L’opinion générale m’a paru cependant

368
    Ibid, p. 46-47.
369
     JADART, Henri, « Compte-rendu des travaux pendant l’année 1887-88 ». Travaux de l’Académie nationale de
Reims, 1887-1888, vol. 83, t. 1, p. 11-32
370
    ROBERT, Charles, Etudes numismatiques sur une partie du nord-est de la France. Metz : Nouvion, 1852, p. 206-
207.
371
    JADART, Henri, Op. cit., 1884, p. 50.


                                                      88
incliner à rapporter votre empereur au moyen-empire, pendant que le même confrère maintenait ses
doutes sur l’antiquité du marbre. J’ai fait porter ledit buste chez Rollin et Feuardent, qui ont une
grande habitude des têtes romaines ; dès que je serai libre, j’irai prendre leur avis que je vous ferai
connaître […] ». Charles Robert réitère cet exercice d’analyse et d’interprétation en 1882 lorsqu’il a
« la bonne fortune d’avoir à examiner deux petits médaillons de terre […] communiqués par
M[onsieur] Duquénelle », ayant fait l’objet d’une lecture devant la Société nationale des antiquaires
de France 372 puis d’une publication 373. Au-delà de la diffusion des idées, de la confrontation des
points de vue, de l’apport local pour la construction du « matériau archéologique national », il y a
aussi la diffusion et échange des objets par le fac-similé, c'est-à-dire la reproduction exacte,
imprimée, gravée ou photographiée – en fin de XIXe siècle pour cette dernière technique –, par le
dessin, ou encore par le moulage, au plâtre ou à la cire.
L’antiquaire Nicolas-Victor Duquénelle était « lié de vieille amitié » avec Monsieur Bretagne,
secrétaire perpétuel à la Société d’archéologie lorraine. Ce membre correspondant de l’Académie de
Reims, dont Henri Jadart écrit la notice nécrologique, était également un ami de Charles Robert 374.
Nicolas-Victor Duquénelle était également en collaboration avec Pierre-Jules Blavat-Deleulle,
originaire de la Meuse, membre titulaire de la Société archéologique champenoise, membre
correspondant et lauréat de l’Académie de Reims. A son propos, le secrétaire général de l’Académie
nationale de Reims Henri Jadart, écrit qu’il laissa « à son actif le souvenir vivant des services qu’il
rendît à M[onsieur] Duquénelle » 375. Il semble en effet qu’il ait bien existé une collaboration entre
Duquénelle et Blavat-Deleulle, de par la co-acquisition d’objets aujourd’hui propriétés du musée
Saint Remi de Reims 376. Léon Maxe-Werly, qui menait des recherches archéologiques dans le
Barrois et qui était membre correspondant de l’Académie nationale de Reims, faisait également
partie du cercle privé de Duquénelle. En 1860, Charles Robert prie ce dernier de présenter devant
l’Académie son travail sur les monnaies frappées à Provins. Empêché, l’antiquaire rémois charge
Léon Maxe-Werly de le remplacer 377. Il existait donc des cercles savants homogènes, bien établis
autour de personnalités disposant d’une notoriété certaine et d’une influence réelle.




372
    Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1882, p. 145.
373
    ROBERT, Charles, Médaillons de terre du cabinet Duquénelle. Nogent-le-Rotrou : impr. Daupeley-Gouverneur,
1882, 7 p.
374
    JADART, Henri, « Compte-rendu des travaux pendant l’année 1891-1892, lu à la séance publique du 7 juillet
1892 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1891-1892, vol. 91, t. 1, p. 26.
375
    JADART, Henri, « Compte-rendu des travaux pendant l’année 1900-1901, lu à la séance publique annuelle du 10
juillet 1902 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1901-1902, vol. 111, t. 1, p. 37.
376
    M.S.R., Fonds de documentation : Collection Duquénelle
377
    MAXE-WERLY, Léon, « Lettre à M. Ch. Robert sur l’origine du type des monnaies de Provins ». Travaux de
l’Académie impériale de Reims, 1860-1861, vol.31, n°2, p. 209-215.


                                                      89
Entretenir des contacts privés permet aussi à l’antiquaire de disposer de relais provinciaux et
parisiens, qui ainsi pourront présenter des objets de sa collection devant les plus prestigieuses
institutions archéologiques et faire connaître son nom. Ces relations permettaient aussi à
l’antiquaire de disposer des conseils judicieux des plus hautes sphères parisiennes, comme
Longpérier, mais aussi d’approcher directement ou indirectement de spécialistes d’une discipline
afin de connaître leur opinion sur un objet d’antiquités.
L’amitié scientifique est cependant à relativiser. Emmanuel Bury a étudié l’amitié du point de vue
rhétorique comme argument du discours savant. Il énonce les « trois commerces savants » énoncés
par Pierre Gassendi, qui a contribué à la construction de l’image de la vie savante et intellectuelle
au XVIIe siècle : la lecture, la méditation solitaire et la communication. La civilité savante, présente
dans les savoirs traditionnels de l’humanisme, fait partie de l’institutionnalisation et des valeurs de
la République des lettres, par l’échange des savoirs. La déclaration d’amitié est envisagée comme
une procédure rhétorique qui amène au discours scientifique, c'est-à-dire comme « l’amorce de la
communication savante » dans le cadre général de la sociabilité savante. L’amitié est aussi un
argument de transmission intellectuelle, par la déclaration de service appelée le bon échange savant.
L’amitié doit faire les preuves de l’esprit de l’expéditeur au destinataire, et de sa disponibilité à la
participation du discours scientifique. L’amitié est donc une conséquence du savoir, visant à la
reconnaissance mutuelle dans les réseaux d’échanges. Elle fait surtout partie intégrante de la
dimension argumentaire de la démarche savante, de la construction et de la légitimation du discours
savant, pour une rationalisation optimale de la procédure objective par l’énonciation de méthodes
dans le débat scientifique 378.
Disposer de contacts permet aussi à Duquénelle de réaliser d’autres desseins que la correspondance
archéologique. Dans une lettre adressée en 1862 à un membre du cabinet de l’Empereur à propos du
don d’antiquités à l’empereur pour le musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye,
l’antiquaire demande au destinataire de la lettre un bien curieux service 379 : « […] J’ai eu il y a
deux ans l’honneur d’être reçu par l’empereur au camp de Chalons, et pour témoigner à sa Majesté
ma vive reconnaissance pour le bienveillant accueil qu’elle a daigné me faire, je voudrais pouvoir
de nouveau offrir les quelques antiques dont je vous donne ici le détail. Mais pour obtenir cette
faveur, j’ai besoin d’être présenté, et j’ai pensé Monsieur que vous, qui m’avez dans quelques
circonstances, témoigné tant de bienveillance, vous consentiriez à me venir en aide et protection, et

378
    BURY, Emmanuel, « L’amitié, entre argument et sentiment dans l’échange savant au XVIIe siècle ». In :
DARMON, Jean-Charles, WAQUET, Françoise (dir.), L’amitié et les sciences, de Descartes à Lévi-Strauss, colloque
international de Paris, Ecole normale supérieure, 16 et 17 janvier 2009. Ressource vidéo disponible sur « Savoirs
multimédia » de l’Ecole normale supérieure : http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=2214# (consulté
le 26 avril 2010).
379
    M.A.N., « Fonds Correspondance » : lettre du 18 avril 1862.


                                                       90
m’aider, selon la promesse que vous avez bien voulu me faire, à obtenir ce que je désire si
ardemment. Si vous voulez bien vous intéresser à moi et au but que je voudrais atteindre, faites le
moi savoir par un mot et de suite je me rendrai à Paris au jour indiqué. […] ». Nous ignorons la
suite donnée à cette lettre, toujours est-il que le Palais impérial reçoit les objets d’antiquités un mois
plus tard.
L’échange savant semble se nouer par la recommandation. Dans une lettre d’un passionné
d’antiquités, le chef d’escadron Mourat de Rennes, adressée à Charles Loriquet le 31 mai 1875,
l’expéditeur souligne son intérêt pour « les bas-reliefs représentant un personnage tricéphale
appartenant à M[onsieur] Duquénelle » dont la connaissance a été diffusée par la publication de
l’archiviste et bibliothécaire de la ville de Reims 380. Très intéressé, l’amateur rennais précise qu’il a
sollicité l’antiquaire rémois « pour des détails plus circonstanciés sur ces curieux monuments, et, si
possible était, un fac-similé » avant d’ajouter à l’auteur de Reims pendant la domination romaine,
d’après les inscriptions, avec une dissertation sur le tombeau de Jovin que sa démarche de prise de
contact, demeurée vaine, avait été précédée par la recommandation de Charles Robert 381.
L’antiquaire disposait donc de cercles provinciaux et parisiens en grand nombre qui lui permettaient
de faire connaître ses travaux et sa collection sur tout le territoire national mais surtout dans la
sphère parisienne. Ces cercles pouvaient ainsi répondre à ses interrogations ou à ses attentes, et
réciproquement.




                 Les cercles étrangers

                 L’antiquaire s’était enfin constitué un réseau de cercles savants européens. Sa
relation avec ces sphères se manifestait sous diverses formes, qui exaltaient un collectif
archéologique européen. L’archéologie française en Europe se décline par l’initiative étatique dès le
règne de Louis XIV par le financement de missions extra-muros 382, et se complémentarise des
initiatives privées du XVe siècle avec la propagation d’une littérature de la curiosité et du voyage
en Italie 383, au XVIIe siècle par la correspondance « des antiquaires de l’Europe lettrée », Fabri de
Pereisc particulièrement en France 384. Plus tard, au XVIIIe siècle, Montfaucon et Caylus « suivent

380
    LORIQUET, Charles, Op.cit, 1860.
381
    A.M.C.R., 2S 7 : Archéologie, paléographie, épigraphie, linguistique, enseignement des langues, tombeau de Jovin :
notes classées de façon thématique (1854-1883).
382
    SCHNAPP, Alain. In : NORA, Pierre (dir.), Op.cit, 1997, p. 76.
383
    POMIAN, Krzysztof, Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris, Venise : XVIe-XVIIIe siècle, coll. Bibliothèque
des histoires. Paris : Gallimard, 1987, p. 9.
384
    Ibid, p. 77.


                                                         91
passionnément les fouilles de Herculanum et de Pompéi 385 » alors que le baron d’Hancarville
s’aventure en Europe 386. Au XIXe siècle, l’archéologie en Europe s’organise.
        La première forme intervient par des publications savantes dans les revues archéologiques
européennes auxquelles Nicolas-Victor Duquénelle contribuait.
Ses travaux sont cités par Celestino Cavedoni dans la revue italienne Annali dell’Instituto di
correspondenza archeologica 387, lequel institut créé à Rome en 1829 coordonne les recherches
internationales ; diffuse, par la publication des Annales, l’étude des monuments ; et annonce l’essor
de « la nouvelle archéologie » de coopération internationale par des « échanges savants fructueux »
et l’adoption des méthodes de l’archéologie, et de son « rapport à la philologie et à l’histoire » 388 :
« Questo insigne medaglioncino d’oro fu primamente edito dal Mionnet (Méd. Rom. It. p.117,119),
e poscia più minutamente descritto dal ch[e] Duquenelle (Revue num. 1852 p.233) sopra un altro
esemplare piu nitido del primo, che si scoperse presso Reims ».
Les travaux de Duquénelle sont également cités dans la revue britannique Archaeological
Journal 389, publication annuelle, créée en 1843 390, qui présente les travaux sur les vestiges
archéologiques et architecturaux, sites et monuments, de toutes les périodes, éditée par the Royal
Archaeological Institute. Cette revue relate la remarquable découverte survenue à Reims en 1855 en
liaison avec des vestiges de l’Empire Romain. Un bronze et soixante dix instruments médicinaux
furent découverts à cette occasion, et qui appartenaient au cabinet des curiosités de l’antiquaire
rémois : « Notices of various stamps used by Roman oculists or empirics have been communicated
on several occasions at the meetings of the institute. In the course of the year 1855, a remarkable
discovery had been made at Rheims, connected with these vestiges of the Roman empirics. […] An
oculist’s stamp was found with these reliques, and bronze bowls, in one of which were two first
brass coins of Antoninus. These curious objects in connection with the history of medicine amongst
the Romans are in the possession of M. Duquenelle, who has formed an extensive collection of local
antiquities at Rheims ».
Les travaux de Nicolas-Victor Duquénelle sont enfin évoqués dans la rubrique « Numismatics »
d’une seconde revue britannique, à propos de la publication de l’antiquaire sur l’archevêque de




385
    GRAN-AYMERICH, Eve, Op.cit, 2007, p. 30.
386
    HASKELL, Francis, De l’art et du goût jadis et naguère, coll. Bibliothèque illustrée des histoires. Paris : Gallimard,
1987, p. 80-105.
387
    CAVEDONI, Celestino, « Dichiarazone di alcune monete dell’Imperatore M. Aurelio Probo». Annali dell’Instituto
di correspondenza archeologica, 1858, T. XXX, p. 87-100.
388
    GRAN-AYMERICH, Eve, Op.cit, 2007, p. 48-55.
389
    « Proceedings at the meetings of the archaeological Institute ». Archaeological journal, 1856, vol.13, p. 282.
390
    GRAN-AYMERICH, Eve, Op.cit, 2007, p. 135.


                                                           92
Reims Massanès Ier 391. En effet, quelques pages de Annual journal of the British Archaeological
Association 392 sont réservées à la promotion des publications savantes. L’institution a été fondée en
1843 pour promouvoir l’étude de l’archéologie, de l’art et de l’architecture et la préservation des
antiquités nationales du Royaume-Uni.
Ces revues sont comme en France avec l’exemple de l’Académie Nationale de Reims et de ses
Annales ou Travaux, des publications officielles et reconnues de sociétés savantes. Il s’agirait donc
plutôt de contacts entre sociétés savantes européennes, que de relations privées entre membres
d’instituts savants européens ou, pour le cas qui nous intéresse, d’une intervention directe de
l’antiquaire. Cette dernière appréciation est largement confirmée par les notes de bas de page des
articles de ces publications, renvoyant respectivement pour la revue italienne à une publication de la
Revue Numismatique de 1852, et pour la première revue britannique à une publication du tome XII
de la Revue Archéologique d’octobre 1855.
        Il existe une tradition antiquaire des liens directs entre « curieux de l’Europe savante 393 »,
qui est perpétuée au XIXe siècle.
Nicolas-Victor Duquénelle entretient une relation épistolaire régulière de douze lettres, de 1852 à
1874, avec le baron Jean-Joseph-Marie-Antoine de Witte, de nationalité belge, associé
correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et membre résidant de la Société de
numismatique belge. Ce dernier a d’ailleurs pu rendre compte de recherches archéologiques dans
des publications françaises, telle la Revue archéologique 394. Il existe alors une typologie européenne
de la recherche archéologique au XIXe siècle. Henri Jadart 395, dans sa notice, avait retranscrit deux
lettres du baron de Witte adressées à l’antiquaire rémois. En voici, pour l’une d’entre elles écrite
depuis Vieux-Dieu en Belgique le 27 juillet 1814, deux extraits : « Je vous suis très reconnaissant
de la lettre que vous avez bien voulu m’écrire pour signaler à mon attention un moyen bronze de
Postume, variété du n°75 de mon ouvrage. J’ai quitté Paris le 21 juillet, et malheureusement je ne
compte y retourner que vers la fin du mois de septembre. J’aurais été heureux de recevoir votre
bonne visite et de voir en même temps votre belle médaille. […] J’aurai soin d’écrire à M. le Major
Markl à Linz, et je lui dirai les regrets que vous avez de ne posséder aucune monnaie de Claude le
Gothique et de Quintille qui mérité son attention ».




391
    DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Note sur un denier inédit de Massanès Ier, archevêque de Reims ». Séances et
travaux de l’Académie de Reims, 23 mai 1845 – 16 janvier 1846, vol. 3, n°1, p. 110-113.
392
    « Recent archaeological publications ». The journal of British archaeological Association, 1847, vol.2, p. 220.
393
    JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 19.
394
    WITTE (de), Jean, « Bas-relief de Reims ». Revue archéologique, avril-septembre 1852, t.I, p. 561-564.
395
    JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 47-49


                                                        93
A la lecture de ces extraits, il apparaît d’abord que les deux numismates ne se limitaient pas à
l’écriture et s’entretenaient directement à Paris. Nicolas-Victor Duquénelle se rendît essentiellement
à Paris sous le Second Empire Français, qui promût l’archéologie nationale.
Il apparaît ensuite que le réseau de l’antiquaire pouvait s’élargir par des connaissances d’amis. En
tout cas, selon Henri Jadart 396, l’antiquaire aurait été en relation avec le Major Markl de Linz en
Autriche, spécialisé en numismatique sous les règnes de Claude II et Quintilius. Il aurait également
correspondu avec Renier Chalon, de Belgique, et John Evans, vice-président de la société des
antiquaires de Londres.
La finalité de cette constitution d’un réseau européen de cercles savants était la visite du cabinet de
curiosités de l’antiquaire par des amateurs, touristes et collectionneurs étrangers, comme en atteste
cette lettre parvenue d’un britannique de Wakefield, Monsieur N. Fermell, datée du 15 avril
1864 397 : « Etranger ici et ayant peu de connaissance de votre langue, je vois néanmoins, avec le
plus grand intérêt, les noble monuments des jours long passés qui adorne votre citée, et ayant
entendue que vous avez une collection assez répandue des petits monuments qu’on troue en les
monnaies des Romains, j’ai pris la liberté de demandez si vous m’en voulez accorder une vue, avant
que je part pour Paris à onze heure ».




396
      Ibid, p. 18.
397
      Ibid, p. 18.


                                                  94

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  • 1. UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE U.F.R Lettres et Sciences Humaines Master « Sociétés, Espaces, Temps » Mention « Histoire de l’art » Spécialité « Histoire de l’art et de la culture » Année universitaire 2009-2010 MEMOIRE DE MASTER II présenté par Romain JEANGIRARD le 23 juin 2010 NICOLAS-VICTOR DUQUENELLE OU L’ANTIQUAIRE ACCOMPLI (1842-1883) Sous la direction de : Madame Marie-Claude Genet-Delacroix (Université de Reims) Madame Frédérique Desbuissons (Université de Reims)
  • 2. DES RESEAUX ET DES HOMMES 72
  • 3. IV. DU LOCAL A L’EUROPEEN : LES TROIS CERCLES DE DUQUENELLE A tous les plans, du local à l’européen, l’antiquaire rémois s’est constitué un cercle de réseaux savants, lui permettant ainsi d’échanger sur ses travaux et de commercer ses découvertes, mais aussi de demander conseil auprès de ses pairs les plus glorieux comme Adrien de Longpérier ou Félicien de Saulcy, ou auprès de ceux les plus en capacité de répondre géographiquement à ses demandes dans une Europe certes mondialisée, mais disposant de frontières et de moyens de locomotion encore lents. L’échange savant s’étend et se coordonne du local au global, tant de par les correspondances établies entre les institutions qu’entre les hommes. Il s’explique dans sa dimension géographique, les communications offrant des courants d’échange ; dans sa dimension sociale car il existe une culture européenne cosmopolite des élites ; et dans sa dimension économique, l’objet collectionné n’ayant aucune valeur d’usage mais « une valeur d’échange » 282. Ces élites européennes constituent une notabilité savante dont Nicolas-Victor Duquénelle fait partie. Elles se composent de l’aristocratie, de la bourgeoisie et des « nouvelles couches issues de la méritocratie » disposant de temps, d’argent et d’un capital culturel constitué par l’héritage familial et l’instruction 283. L’échange savant au sein de l’Europe culturelle s’explique enfin dans sa dimension historique : l’affirmation de laïcisation, le progrès du rationalisme, le « regain de curiosité pour les civilisations de l’Antiquité » appelé par François de Polignac et Joselita Raspi-Serra « la fascination de l’Antiquité » ou l’éminence de la science archéologique contre le rêve antique dès le XVIIIe siècle 284, la thématique à vocation européenne 285 d’histoire des collections, des cours souveraines aux bourgeois, par « européanisation du goût » 286 , le préromantisme européen du XIXe siècle. L’essor des « relais culturels » en Europe tels les salons, académies et sociétés savantes dès le XVIIIe siècle et leur mutation au début du XIXe siècle, et particulièrement leur encouragement en France sous la Monarchie de Juillet et le second Empire, aboutissent à « l’impérialisme des cultures 282 GRAN-AYMERICH, Op.cit, 2007, p. 12-19. 283 MAURER, Catherine, Religion et culture dans les sociétés et dans les Etats européens de 1800 à 1914 : France, Allemagne, Italie et Royaume-Uni dans leurs limites de 1914. Rosny-sous-Bois, Bréal, 2001, p. 147-162. 284 POLIGNAC (de), François, RASPI-SERRA, Joselita (éd.), « Rome découverte, Rome inventée : l’Antiquité entre le rêve et la science ». In : La fascination de l’antique, 1700-1770 : Rome découverte, Rome réinventée, catalogue de l’exposition du musée de la civilisation gallo-romaine, Lyon, 20 décembre 1998-14 mars 1999. Paris : éd. Somogy, 1998, p. 10-17. 285 GAEHTGENS, Thomas W., L’image des collections en Europe au XVIIIe siècle : leçon inaugurale faite le jeudi 29 janvier 1999. Paris : Collège de France, 1999, p. 5-6. 286 Ibid., p. 28-31. 73
  • 4. savantes » entre 1815 et 1914 287 et, par transfert du privé au public, à une croissance des collections muséales publiques au XIXe siècle 288. Aussi, ce réseau de cercles savants permet à l’antiquaire de promouvoir à tous échelons ses travaux et ses collections rémoises, devant les collectionneurs comme devant les amateurs. Evoquant le collectionnisme particulièrement, Dominique Poulot analyse les intérêts du collectionneur du XIXe siècle à correspondre à tous les échelons. La constitution d’un réseau savant lui permet de maîtriser « une activité difficile tout en construisant une identité au sein de la vie sociale des échanges, des accumulations, des dispersions » 289. Par cette correspondance, l’antiquaire rémois assure sa postérité dans l’histoire des collections au XIXe siècle. Surtout, elle lui permet de replacer sa collection dans un corpus plus large de contribution à l’historiographie antiquaire. Nicolas-Victor Duquénelle en appelle à de nombreux intermédiaires pour une « systématisation de la recherche 290 ». L’intérêt de ces correspondances entre antiquaires et historiens de l’institution savante locale à l’Europe lettrée réside surtout dans le fait que, pour la France particulièrement, l’archéologie, ses méthodes et son organisation sont restés longtemps un apanage privé, c'est-à-dire « le fait d’individus, de collectionneurs ». Il réside aussi dans le fait que « la curiosité antiquaire constitue le concept moderne du patrimoine », c'est-à-dire la prise de conscience, le souci de la protection, de la conservation et de la transmission des traces du passé. Ces correspondances démontrent enfin que les archéologies nationales se sont constituées par les échanges, qui ont permis la constitution d’un corpus archéologique européen depuis la Renaissance jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, à l’heure des nationalismes ; la stratigraphie est une invention scandinave et la problématique interprétation des mégalithes trouve sa réponse en Grande-Bretagne 291. Les cercles rémois et champenois 287 GERBOD, Paul, L’Europe culturelle et religieuse de 1815 à nos jours. Paris : Presses universitaires de France, 1989, p. 61-107. 288 POULOT, Dominique, « La muséographie du siècle ». In : Patrimoine et musées, l’institution de la culture. Paris : Hachette, 2001, p. 77-82. 289 POULOT, Dominique, « L’histoire des collections entre l’histoire de l’art et l’histoire ». In : PRETI-HAMARD, Monica, SENECHAL, Philippe (dir.), Collections et marché de l’art en France : 1789-1848, coll. Art & Société. Actes du colloque de l’Institut national d’histoire de l’art, Paris, 4-6 décembre 2003. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 437. 290 Ibid., p. 437. 291 SCHNAPP, Alain, « Le patrimoine archéologique et la singularité française ». In : NORA, Pierre (dir.), Science et conscience du patrimoine. Actes des 7e Entretiens du patrimoine, Théâtre national de Chaillot, Paris, 28, 29 et 30 novembre 1994. Paris : Fayard/éditions du patrimoine, 1997, p. 75-78. 74
  • 5. Nicolas-Victor Duquénelle a le souci, pour s’élever toujours davantage dans la constitution d’un réseau de cercles savants à toutes échelles, d’appartenir à une base locale forte et impliquée dans la vie culturelle de la ville. L’antiquaire rémois constitue en premier lieu un réseau local et régional de cercles savants, à partir de l’Académie nationale – ou impériale, selon le régime politique – de Reims, dont il est membre depuis le 4 mars 1842, après signature du diplôme de membre résidant et paiement de la cotisation qui officialisent son engagement auprès de l’Académie, soit un an après sa fondation par le cardinal Gousset et le docteur Landouzy. Les résidants, ou titulaires, sont recrutés en nombre limité et doivent s’acquitter d’un paiement de cotisation et d’un droit d’entrée. La Société académique de Reims, bien que nouvelle au XIXe siècle, se calque sur le mode ancien, en fixant le nombre de titulaires à trente. Ces derniers ont des devoirs : une assiduité aux séances et une présentation périodique de travaux personnels. Nicolas-Victor Duquénelle s’en acquitte. Il existe donc au sein l’académisme rémois une aristocratie des résidants et un repli sur des rites et des privilèges, considérant qu’une démocratisation risque d’affaiblir l’identité collective 292 de la corporation savante de la cité et d’abaisser l’élitisme socioculturel. Reconnue quatre ans après son adhésion, en 1846, d’utilité publique, l’institution rémoise a pour but de « contribuer au développement des sciences, des arts et des belles lettres, de recueillir et publier les matériaux qui peuvent servir à l’histoire du pays, et d’encourager les travaux utiles et les actions méritantes par des récompenses diverses 293 ». Cette reconnaissance publique permet à l’Académie de Reims de devenir une personne morale. De ce fait, l’institution peut vendre, passer des contrats, « ester » en justice, recevoir des donations ou des legs sans réserve du droit des tiers 294. L’archéologie régionale naît au XIXe siècle, alors que la curiosité antiquaire aux XVIIe et XVIIIe siècles était essentiellement un fait parisien et que l’engagement public de l’archéologie, sous l’Ancien Régime et la Révolution, était très faible, à l’instar des pays voisins. Elle se développe par l’impulsion dispensée à l’archéologie monumentale sous la monarchie de Juillet par la création de la Commission des monuments historiques en 1834 ; par l’implosion des sociétés savantes provinciales initiée par Arcisse de Caumont permettant la superposition des matériaux et des contributions de l’échelon local pour la constitution d’une archéologie nationale ; par les Antiquités nationales sous le second Empire malgré le soupçon « de césarisme impérial » 295. 292 CHALINE, Jean-Pierre, Sociabilité et érudition : les sociétés savantes en France, XIXe-XXe siècles. Paris : éditions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 1998, p. 116-121. 293 « Article 1 ». Statuts de l’Académie Nationale de Reims. Disponible sur : http://pagesperso- orange.fr/acadnat.reims/Statuts.htm (consulté le 31 mai 2009). 294 CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 112. 295 SCHNAPP, Alain. In : NORA, Pierre (dir.), Op.cit, 1997, p. 73-81. 75
  • 6. L’adhésion de l’antiquaire à l’Académie témoigne de son intégration à la sociabilité savante. Selon la définition du concept générique et historique de Maurice Agulhon qui constate l’« essor de la sociabilité érudite » 296 et « un élan irrésistible de cette forme cultivée de sociabilité 297 », elle traduit la réussite de l’embourgeoisement de la France au XIXe siècle. Les sociétés de ce siècle, héritières de la tradition d’Ancien Régime 298 et du réseau des sociétés de pensées du XVIIIe siècle démantelé par la Révolution 299, sont régénérées par les notables provinciaux dès le premier quart du XIXe siècle et donnent « une occasion de sociabilité distinguée à l’élite aisée et cultivée », c'est-à-dire de se mondaniser et se réunir. « Le goût du passé, des ruines, des archives a joué un rôle considérable au XIXe siècle en attendant la sauvegarde du patrimoine » et a permis la renaissance des modèles institutionnels 300, entre la tradition d’Ancien Régime par l’élection limitée des membres ou le « recrutement d’une élite urbaine cultivée » et la modernité du siècle pour mieux s’ouvrir à la société, qui deviennent des « lieux d’épanouissement d’une civilité distinguée » et de l’érudition 301. Nicolas-Victor Duquénelle répond au profil de cette nouvelle bourgeoisie : héritier de la pharmacie familiale en 1829, il fait partie des professions libérales. Les professions libérales sont la seconde source fondamentale de recrutement académique : elles représentent au XIXe siècle un cinquième à un tiers de membres. Les listes annuelles recensant les membres de l’Académie de Reims révèlent qu’il cesse son activité à partir de 1863 302, et qu’il aurait donc vécu de la rente de cette date à sa mort, en 1883. Son aisance financière explique sa distinction au sein de la sociabilité savante, corporation élitiste aux critères intellectuels et « cénacle d’esprit distingué » 303. L’antiquaire rémois appartient à la bourgeoisie locale, selon les indices d’aisance et d’instruction. L’entrée dans les professions libérales implique à minima l’obtention d’un baccalauréat et un niveau d’instruction élevé 304. L’antiquaire, membre de l’Académie, édite ses publications dans les Annales puis dans les Travaux. On compte onze publications entre 1842 et 1855 que sont : « Quelques réflexions sur l’atelier 296 CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 32-66. 297 Ibid., p. 32. 298 ROCHE, Daniel, Le Siècle des Lumières en province : académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, coll. Civilisations et sociétés. Paris : Ecole des Hautes études en sciences sociales, 1978, 520 p. 299 JACQUART, Jean, « Préface ». In : CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 1. 300 LEMERCIER, Jean-Pierre, « Les Académies de province ». In : FUMAROLI, Marc, BROGLIE (de), Gabriel, CHALINE, Jean-Pierre (dir.), Elites et sociabilité en France. Actes du colloque de la Fondation Singer-Polignac à Paris, 22 janvier 2003. Paris : Perrin, 2003, p. 52-55. 301 CHALINE, Jean-Pierre, « La sociabilité mondaine au XIXe siècle ». In : FUMAROLI, Marc, BROGLIE (de), Gabriel, CHALINE, Jean-Pierre (dir.), Elites et sociabilité en France. Actes du colloque de la Fondation Singer- Polignac à Paris, 22 janvier 2003. Paris : Perrin, 2003, p. 21-31. 302 Cf. Annexe 1 303 CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 187. 304 Ibid., p. 225-228. 76
  • 7. monétaire de Damery 305 », « Nomenclature d’objets d’antiquités récemment découverts à Reims 306 », « Note sur un denier inédit de Massanès Ier, archevêque de Reims 307 », « Note sur une des sépultures de l’époque gallo-romaine découvertes à Reims en 1846 308 », « Découvertes archéologiques à Reims pendant l’année 1847 309 », « Notice sur une médaille gauloise inédite 310 », « Physiologie de l’antiquaire 311 », « Examen des monnaies d’or anglaises du XVe siècle trouvées à Villers-Allerand et déposées au musée de Reims en 1850 312 », « Rapport sur quelques publications archéologiques en 1851 313 », « Note sur quelques antiquités trouvées à Reims en 1852 314 » et « Compte-rendu du bulletin de la Société de sphragistique 315 ». Ce catalogage permet de montrer la production prolifique de l’antiquaire durant ces treize années, soit statistiquement 0,85 publication annuelle éditée par les soins de l’Académie. Outre les missions des sociétés savantes qui sont de recenser, étudier, faire connaître et aider à préserver et à valoriser le patrimoine 316, leur nature- même est la publique est la publication à caractère scientifique, dont l’objet est « la vulgarisation des connaissances humaines » 317. Si les communications de l’antiquaire sont régulières de 1842 à 1852, elles deviennent en revanche rares voire inexistantes ensuite. Le rôle de Nicolas-Victor Duquénelle au sein de l’Académie ne se limitait pas à la publication. Cette pratique de l’édition montre, au-delà de la production historique et archéologique locale de l’antiquaire, ses présences en séances plénières pour présenter sa collection à ses pairs, tantôt de visu, tantôt par la lecture de communications. Ses travaux, d’ailleurs, trouvent écho dans les 305 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, Art.cit., 1842-1843, p. 349-354. 306 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Nomenclature d’objets d’antiquités récemment découverts à Reims ». Annales de l’Académie de Reims, 1843-1844, vol. 2, p. 35-40. 307 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Note sur un denier inédit de Massanès Ier, archevêque de Reims ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 23 mai 1845 – 16 janvier 1846, vol. 3, n°1, p. 110-113. 308 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Note sur une des sépultures de l’époque gallo-romaine découvertes à Reims en 1846 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 6 février - 7 mai 1846, vol. 4, n°11, p. 109-114. 309 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Découvertes archéologiques, à Reims, pendant l’année 1847 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 13 juin 1847 – 7 janvier 1848, vol. 7, n°2, p. 394-402. 310 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, Art.cit., 1848-1849, p. 224-226. 311 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Physiologie de l’antiquaire ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 20 avril – 28 juin 1849, vol. 10, n°12, p. 202-221. 312 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Examen des monnaies d’or anglaises du XVe siècle trouvées à Villers-Allerand et déposées au musée de Reims en 1850 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 4e trimestre 1850 – 1er trimestre 1851, vol. 13, n°1, p. 285-287. 313 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Rapport sur quelques publications archéologiques en 1851 ». Travaux de l’Académie Impériale de Reims, 4e trimestre 1852 – 1er trimestre 1853, vol. 17, n°1, p. 41-49. 314 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Note sur quelques antiquités trouvées à Reims en 1852 ». Travaux de l’Académie Impériale de Reims, 4e trimestre 1852 – 1er trimestre 1853, vol. 17, n°1, p. 200-210. 315 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Compte-rendu du bulletin de la Société de Sphragistique ». Travaux de l’Académie Impériale de Reims, 2e – 3e trimestre 1855, vol. 22, n°1, p. 101-105. 316 JACQUART, Jean. In : CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 1. 317 CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 20-21. 77
  • 8. comptes-rendus lus par le secrétaire général Charles Loriquet, pour les sessions annuelles de 1875- 1876 318, 1878-1879 319, 1881-1882 320. L’antiquaire est régulièrement invité à participer aux commissions de travail de l’institution, telles la commission, nommée par l’Académie dans sa séance du 16 août 1844, placée sous sa responsabilité et celles de Joseph-Louis Lucas et Louis Paris « qui devra exprimer à l’administration (municipale) le vœu de voir les fouilles (de l’ancien cimetière Saint-Nicaise) soumises à une surveillance active, et lui proposer les mesures qu’elle jugera les plus efficaces » pour optimiser « la conservation des objets qui intéressent la science historique ou archéologique », compte-tenu des risques de rapts de trésors par les ouvriers et des manques de réglementation et de législation 321 ; la commission installée en séance du 8 juillet 1845, composée de Nicolas-Victor Duquénelle, Charles Leconte, Louis-Emile Dérodé-Le Roy, Louis Gonel et Marc-Hector Landouzy, chargée « d’étudier la limpidité et la qualité de la bière gazeuse » à la demande de Monsieur Benoît 322 ; la commission nommée le 20 mars 1846 pour la préparation de la question historique à mettre au concours de la séance solennelle du 3 avril 1846 composée de l’antiquaire Duquénelle, de l’avocat Joseph-Louis Lucas, de Louis Paris, des abbés Bandeville et Nanquette, et de Guillemin 323; la commission installée le 30 avril 1846 chargeant Duquénelle, Leconte et Henriot- Delamotte « de faire quelques expériences sur quatre tablettes du Carthame hong-hoa, employé en Chine pour la tenture » 324 et dont le rapport est rédigé par l’antiquaire rémois 325 ; la commission nommée le 10 juin 1847 composée, outre Duquénelle, de l’abbé Bandeville et de Louis Paris, « chargée de recueillir et de publier les anciens sceaux de la province de Champagne », à la demande d’Edouard de Barthélemy 326 ; la commission fixée en séance solennelle du 6 août 1847, composée de Narcisse Brunette, d’Alphonse Gosset et de Monsieur de Maizière, qui « doit 318 LORIQUET, Charles, « Compte-rendu des travaux de l’année 1875-1876 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1875-1876, vol. 59, n° 1-2, p. 11-31. 319 LORIQUET, Charles, « Compte-rendu des travaux de l’année 1878-1879 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1878-1879, vol. 65, n° 1-2, p. 23-53. 320 LORIQUET, Charles, « Compte-rendu des travaux de l’année 1881-1882 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1881-1882, vol. 71, n° 1-2, p. 11-37. 321 LUCAS, Louis-Joseph, « Communication », Séances et travaux de l'Académie de Reims, 5 juillet 1844-7 mars 1845, vol. 1, p. 165-166. 322 « Séance du 8 juillet 1845. – Correspondance ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 23 mai 1845-16 janvier 1846, vol. 3, p. 149-150. 323 « Séances des 20 mars et 3 avril 1846. – Correspondance ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, février-mai 1846, vol. 4, p. 105-108. 324 « Séance extraordinaire du 30 avril 1846 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 20 novembre 1846-27 mai 1847, vol.6, p.11-13. 325 Ibid, p. 105-107. 326 « Séance du 10 juin 1847. – Correspondance ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 13 juin 1847-7 janvier 1848, vol.7, p. 1-7. 78
  • 9. déterminer si le projet de Nicolas Maillet sur le travail des engrais offre des opportunités 327 ; sa participation en 1857, avec Collery, Charles Givelet, Charles Loriquet et Louis-Auguste Reimbeau, à la commission de contre-expertise de la note de Collery sur les statuettes qui décorent les piliers du chœur de Saint-Remi de Reims, et chargée de rencontrer l’abbé de la basilique 328 ; la commission chargée d’examiner, durant l’année 1865, un « mémoire sur l’origine de l’imprimerie à Reims » 329 ; la commission sur les arquebusiers de Reims en 1868, comme en témoigne cet extrait de lettre adressée par le secrétaire général Charles Loriquet à Louis-Simon Fanart 330 : « Veuillez me dire quel jour vous pourriez réunir chez vous la commission des arquebusiers. […] Les membres de la comm[iss]ion sont M.M. Fanart, Duquenelle, Givelet, Cerf [et] Maldon » ; la commission du 9 juin 1870, enfin, relative au concours d’histoire, comme le montre une lettre de Charles Loriquet en date du 7 juin de la même année 331 : « Font partie de la commission M.M. Fanart, Duquenelle, (Louis) Paris, Mennesson, Givelet, Cerf, Gosset fils, Lalande, le secrét[ai]re g[énéra]l ». Pour ces deux dernières réunions cependant, Nicolas-Victor Duquénelle fait parvenir deux missives au secrétaire général pour l’avertir de son absence. Dans les deux cas excusé, il fournit un avis sur les mémoires présentés en 1868 sur le thème des arquebusiers de Reims et admet une supériorité du second « due aux recherches, aux citations et surtout à l’ordre méthodique du travail 332 » ; il donne en revanche pouvoir pour juger les mémoires présentés sur les questions d’histoire « à [ses] collègues, plus compétens que [lui] en pareille matière », dans sa lettre à Charles Loriquet du 1er juin 1870 333. Ces commissions contribuent à définir les missions de l’Académie de Reims et le rôle particulier de l’antiquaire Nicolas-Victor Duquénelle en son sein. L’Académie dispose d’un poids culturel important. Ainsi, elle impulse des initiatives locales. L’antiquaire Duquénelle, dans le cadre de ses compétences et connaissances reconnues, est nommé membre de la commission archéologique pour l’exposition rétrospective rémoise de 1876 dont il fût par ailleurs l’un des nombreux contributeurs à la tenue de cette exposition par le prêt d’objets d’antiquités. Cette commission, dont le président est le maire de la ville, décide d’organiser cette exposition à l’occasion du concours régional de mai 1876, de recueillir les objets d’art prêtés puis de dresser, afin d’organiser au mieux cette exposition, un catalogue sommaire des objets présentés 327 « Séance du 6 août 1847. – Lectures ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 13 juin 1847-7 janvier 1848, vol.7, p. 143-149. 328 COLLERY, « Note sur les statuettes qui décorent les piliers du chœur de Saint-Remi de Reims ». Travaux de l’Académie impériale de Reims, 1857-1858, vol. 27, n° 1-2, p. 265-273. 329 LORIQUET, Charles, « Compte-rendu des travaux de l’année 1865-66 ». Travaux de l’Académie impériale de Reims, 1865-1866, vol. 43, n° 1-2, p.9-33 330 A.M.C.R, 2S 5 : Académie de Reims : concours, correspondance, imprimés (1849-1879) 331 A.M.C.R, 2S 5 : Académie de Reims : concours, correspondance, imprimés (1849-1879) 332 A.M.C.R, 2S 5 : Académie de Reims : concours, correspondance, imprimés (1849-1879) 333 A.M.C.R, 2S 5 : Académie de Reims : concours, correspondance, imprimés (1849-1879) 79
  • 10. dans le palais archiépiscopal le 24 avril. Outre la commission archéologique organisatrice de cette manifestation culturelle, Duquénelle est l’un des membres du Bureau d’organisation de l’exposition, aux côtés de trois présidents, respectivement archevêque, maire et chevalier de la Légion d’honneur 334 : « Les Membres du Bureau d’Organisation de l’Exposition sont : M[onsei]g[neu]r l’Archevêque de Reims, Président d’Honneur ; M.M. le Maire de la Ville de Reims, Président d’Honneur ; A. Dauphinot, chevalier de la Légion d’honneur, Président ; Duquenelle, Vice-Président […] ». L’antiquaire fait partie de sections de l’Académie, qui ont pour but de spécialiser les travaux et de réunir les professionnels d’une discipline. Nicolas-Victor Duquénelle faisait partie de la section de numismatique, qui avait pour objet d’étude l’étude des monnaies. La participation et l’appartenance de l’antiquaire à cette section sont confirmées par la lecture de ce dernier en séance publique du 13 décembre 1850 relative à l’examen des monnaies d’or anglaises du XVe siècle et trouvées à Villers- Allerand, dont les recherches ont été suivies par l’abbé Querry, et dont la commission émet le vœu d’acquérir ces pièces pour enrichir les collections du musée de Reims 335 : « Dans l’une de ses précédentes séances, l’Académie a renvoyé à la section de numismatique l’examen de quelques monnaies d’or. Le rapport dont je vais donner lecture est l’œuvre de notre collègue M[onsieur] l’Abbé Querry […] ». De 1864 à 1866, Nicolas-Victor Duquénelle est le vice-président de la commission pour la constitution d’un musée archéologique à Reims, dès constitution de cette dernière en séance le 10 juin 1864 336, à la suite des grandes découvertes effectuées sur les promenades de Reims, mais aussi dans le but de conserver les pièces éparses du tombeau de Jovin et autres vestiges archéologiques. En cette qualité, signe encore une fois de sa compétence reconnue, il est l’un des coorganisateurs des fouilles et est chargé d’obtenir des souscriptions pour le musée archéologique, dont il est avec Alphonse Gosset, Prosper Tarbé, Edouard Werlé et François Clicquot l’un des fondateurs ; ce qui montre sa notabilité et son implication sociale rémoise à Reims 337. Près de vingt ans plus tard, le 2 décembre 1882, une nouvelle commission d’archéologie est convoquée par l’Académie chez Nicolas-Victor Duquénelle. Les membres, outre l’antiquaire, sont Charles Loriquet, Charles Cerf, Charles Givelet, Victor Diancourt, Alphonse Gosset, Louis 334 Exposition rétrospective. Catalogue des objets d’art et de curiosité. Tableaux, dessins, tapisseries, etc., exposés dans les salles et salons du Palais Archiépiscopal le 24 avril 1876. Reims : Dufour et Keller, 1876, p. 7-8. 335 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Examen des monnaies d’or anglaises du XVe siècle trouvées à Villers-Allerand et déposées au musée de Reims en 1850 ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 4e trimestre 1850 – 1er trimestre 1851, vol. 13, n°1, p. 285-287. 336 « Commission archéologique de Reims : constitution de cette commission par l’Académie dans sa séance du 10 juin 1864 ». Travaux de l’Académie impériale de Reims, 1863-1864, vol. 40, n°3-4, p. 421-424. 337 JADART, Henri, Victor Duquénelle, antiquaire rémois, 1807-1883. Notice sur sa Vie, ses Travaux et ses Collections avec diverses Œuvres posthumes publiées par l’Académie de Reims. Reims : Michaud, 1884, p. 10-12. 80
  • 11. Demaison et Henri Jadart. Ils émettent un double vœu : la restauration de la mosaïque des promenades, qui interviendra en 1885, et un nouvel emplacement pour le musée 338. L’antiquaire exerce aussi des responsabilités au sein de l’Académie puisqu’il est membre du conseil d’administration de 1861 à 1864 et de 1865 à 1867 339. Celles-ci interviennent cependant pour la première fois près de vingt ans après son adhésion à l’institution. Elles constituent une part évidente de son influence croissante mais sont à relativiser dans le cadre de l’ancienneté, qui est aussi un critère d’autorité. La faiblesse des effectifs du groupement permet à l’antiquaire d’être associé aux responsabilités, de se reconnaître comme un membre à part entière de l’institution savante, et de se définir comme faisant partie d’une « aristocratie d’égaux ayant conscience de former une élite privilégiée » 340. Ainsi, l’institution locale est la plateforme et la base d’une notoriété et d’une intégration dans les réseaux savants. L’antiquaire entretient des relations avec des membres de l’Académie, comme en témoigne la correspondance entretenue avec Charles Loriquet, à propos d’une convocation en commission et de la présentation de la mosaïque des promenades lors du congrès archéologique de 1861 341. L’influence locale de Charles Loriquet, secrétaire général de l’Académie mais aussi archiviste et bibliothécaire de la ville, est éminente. Sa correspondance et ses notes permettent d’esquisser deux typologies d’échanges savants. En premier lieu, il s’agit de l’échange « professionnel » sur les méthodes et les sources de l’archéologie. Dans un brouillon de lettre non datée 342, il avoue à son correspondant la préciosité de son soutien : « […] j’ai compté [et] je compte encore [beaucoup], permettez moi de vous le dire, sur votre appui, sur vos bonnes paroles en ma faveur […] », avant d’évoquer une prise de contact avec Louis Régnier et Adrien de Longpérier pour leur demander conseil à propos de ses ouvrages, reçus au concours de l’Académie : Reims pendant la domination romaine, d’après les inscriptions, avec une dissertation sur le tombeau de Jovin 343 et La mosaïque des Promenades et autres trouvées à Reims, étude sur les mosaïques et sur 344 les jeux de l’amphithéâtre . Cette correspondance donne lieu à des confrontations de points de vue. Ainsi, Charles Loriquet écrit : « Monsieur Rénier […], qui avait eu l’obligeance de m’indiquer plusieurs points à réformer, a pu voir de mauvais œil que je n’adoptais pas [toujours] sans conteste 338 GIVELET, Charles, JADART, Henri, DEMAISON, Louis, « Le musée lapidaire rémois, dans la Chapelle basse de l’Archevêché (1865-1895) ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1893-1894, vol. 95, t. 1, p. 183-282. 339 Voir Annexe 7. 340 CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 131-136. 341 A.M.C.R, 2S 18 : Mosaïque des promenades. 342 A.M.C.R, 2S 1 : Correspondance diverse (1806-1882). 343 LORIQUET, Charles, Reims pendant la domination romaine, d’après les inscriptions, avec une dissertation sur le tombeau de Jovin. Reims : Dubois, 1860, 329 p. 344 LORIQUET, Charles, La mosaïque des Promenades et autres trouvées à Reims, étude sur les mosaïques et sur les jeux de l’amphithéâtre. Reims : Brissart-Binet, 1862, 427 p. 81
  • 12. sa manière de voir et que [sur] d’autres points, je l’attaquais même un peu » ; et, évoquant Adrien de Longpérier, ajoute : « je suis quelquefois [une ou deux fois] en dissentiment ». Ce type d’échange lui permet enfin de faire connaître ses travaux et de faire reconnaître l’intérêt historique de l’archéologie locale, et plus particulièrement de la mosaïque des promenades, auprès des plus hautes institutions, ici le Comité des travaux historiques et scientifiques, puisqu’il écrit : « J’envoie des exemplaires à M[essieurs] L. Rénier, Vitet, Maury, L. Delisle, de Longpérier [et] de Lasteyrie, membres de la commission, [ainsi] qu’à Monsieur le secrét[ai]re perpétuel ». En second lieu, il s’agit d’un échange personnel. Dans cette même lettre, il précise : « le seul des membres de la commission que je connaisse [personnellement] est M[onsieur] Léon Delisle ». Les vocations respectives de l’antiquaire Duquénelle et de l’historien Loriquet sont de nature différente mais sont complémentaires pour la recherche, la description et l’interprétation des antiquités, et leur contextualisation historique. Pour cela, Charles Loriquet avait accès à la collection Duquénelle pour voir les objets puis les commenter. Ses écrits le confirment lorsqu’il écrit que « plusieurs petits autels que possède M[onsieur] Duquénelle, portant trois figures accolées ou plutôt fondues sur une même tête, particularité curieuse du culte local que personne n’a expliquée, je crois, mais sur laquelle on a cru pouvoir établir une nouvelle explication de la triple figure qui se voit sur les médailles à la légende Remo » ; ou encore lorsqu’il évoque des monuments épigraphiques, « deux pierres […] qui ont été recueillies à Reims même, il y a quelques années, par (son) collègue M[onsieur] Duquénelle, qui a eu l’obligeance de les (lui) communiquer » ou qu’il établit une liste des marques de fabrique dont plusieurs appartiennent à la collection de Nicolas-Victor Duquénelle 345. Ses multiples interventions lui facilitent la constitution d’un réseau autour de l’institution, approchant ainsi les relations de ses collègues académiciens, comme le montre cette lettre du 6 septembre 1849 recueillie par Charles Loriquet, envoyée par Charles Grouët à Duchene, tous deux en relation avec l’Académie 346 : « […] Veuillez me rappeler au souvenir de notre meilleur correspondant M[onsieur] Laberge, de n[o]tre ami l’antiquaire Duquenelle et de M.M Ch. Loriquet et Barrois […] ». Outre Charles Loriquet, Nicolas-Victor entretient à l’échelon rémois et à ses alentours, des relations collégiales ou amicales avec Monsieur Counhaye, de Suippes, « l’un des doyens de l’archéologie dans le département de la Marne, fut l’ami fidèle et le consciencieux collaborateur de M[onsieur] Duquénelle, dont il pourra suivre jusqu’au bout les nobles traditions 347 ». 345 LORIQUET, Charles, Op. cit., 1860, pp. 22, 286, 296-304. 346 A.M.C.R, 2S 7 : Archéologie, paléographie, épigraphie, linguistique, enseignement des langues, tombeau de Jovin : notes classées de façon thématique (1854-1883) 347 JADART, Henri, « Compte-rendu des travaux pendant l’année 1886-87 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1886-1887, vol. 91, t. 1, p. 28. 82
  • 13. Selon Henri Jadart 348, Nicolas-Victor Duquénelle serait rentré en contact avec des collectionneurs champenois lors de l’exposition rétrospective de 1876, ce qui suggère un premier élargissement régional du réseau des cercles savants ou professionnels de l’antiquaire. Il aurait en effet à cette occasion correspondu avec Frédéric Moreau, Eugène Deulin, Julien Gréau ou encore avec des collectionneurs ayant des attaches rémoises comme Anatole de Barthélémy, Léon Foucher, Etienne Saubinet et Joseph-Louis Lucas. Une lettre de Léon Maxe-Werly du 5 janvier 1877 à l’attention du président de l’Académie de Reims, atteste de la relation amicale de l’expéditeur du pli et de l’antiquaire rémois 349 : « […] Ces clichés sont, je le reconnais, indignes de figurer dans la collection de monnaies rémoises offertes à la Ville par mon ami M[onsieu]r Duquenelle et le regretté M[onsieu]r Saubinet, à qui je dois une reconnaissance éternelle […] ». A l’Académie de Reims enfin, il incombe à l’antiquaire de présenter les travaux et les publications des sociétés savantes dont il est membre correspondant ; ce qui démontre son assiduité aux séances de l’Académie ainsi que sa responsabilité académique, mais aussi une ouverture vers les sociétés savantes de province qui furent largement impulsées dans le second tiers du XIXe siècle par Arcisse de Caumont. Son adhésion en 1845 à la Société Française de Reims pour la conservation des Monuments Historiques montre son implication locale dans un combat national. Les cercles provinciaux et nationaux L’antiquaire s’est en second lieu constitué un réseau de cercles savants provinciaux et parisiens, c'est-à-dire interrégionaux et centraux. Cette pratique repose sur deux formes qui lui permettent d’élever sa notoriété et de propager largement le contenu de ses travaux et la connaissance de sa collection, qui, selon Ernest Bosc 350, fait partie de cent plus grandes du XIXe siècle. Pour la première forme, il s’agit de faire publier et éditer par les sociétés savantes provinciales et parisiennes les travaux de Duquénelle, afin de rendre compte de ses découvertes et des objets faisant partie de sa collection ainsi que de son apport pour une meilleure connaissance de la science archéologique. Cette pratique lui offre ainsi une publicité dans la France des territoires, chez ses pairs comme chez les amateurs passionnés. En 1858, Edouard de Barthélémy cite les 348 JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 13-15. 349 A.M.C.R, 2S 1 : Correspondance diverse (1806-1882). 350 BOSC, Ernest, Op.cit, 1883, 695 p. 83
  • 14. travaux de Nicolas-Victor Duquénelle pour l’étude de la numismatique rémoise, dans la Revue des sociétés savantes de France et de l’étranger 351. En 1881, le Bulletin Monumental 352 publie une note sur quelques cachets d’oculistes rémois : « Nous avons publié ce cachet peu de temps après sa découverte, et à l’insu l’un de l’autre. C’est à l’obligeance de M.M. Duquénelle et Maxe-Werly, que nous en devions les empreintes. Il fait partie du riche cabinet de M[onsieur] Duquénelle. Le cachet de M. Claudius Martinus a été trouvé à Reims, rue des Moulins, au mois de juin 1879. […]. Le cachet de Magilius. Reims (Marne). Ce cachet fait partie du cabinet de M. Duquénelle, à qui nous en devons les empreintes. Il a été trouvé à Reims ; c’est un schiste ardoisier, de couleur verte ; d’après les mesures qui nous ont été envoyées par M. Duquénelle, ses dimensions sont, en largeur 0,043 m., en hauteur 0,032 m., en épaisseur 0,009 m. ». L’antiquaire est donc associé à la publication puisqu’il est sollicité pour les mesures de l’objet d’antiquités. Il ne pourrait donc s’agir d’une tournée provinciale de la Société française d’archéologie publiant dans ses publication à large diffusion, les Bulletins Monumentaux, les recherches régionales et territoriales ; mais d’une association des organismes associatifs archéologiques – ici la Société française d’archéologie – aux recherches et aux travaux de l’antiquaire par une correspondance qui lui permettait de décrire avec précision les objets. Il existe une large diffusion des travaux, des recherches, et des collections de l’antiquaire ; ajouté au fait que le Bulletin Monumental est une revue trimestrielle ayant joué un rôle déterminant dans l’étude et la découverte des monuments, et connaissait déjà une vaste diffusion compte tenu du fait qu’elle était l’une des premières revues françaises de référence de l’architecture et de l’archéologie. La contribution de Nicolas-Victor Duquénelle, au niveau local, à un recueil des monuments français et à un mélange des objets préhistoriques et antiquités nationales, se lit aussi dans les publications particulières. Henri du Cleuziou, dans son ouvrage intitulé L’Art national : étude sur l’histoire de l’art en France, évoque successivement un poignard de l’âge du bronze, des torques en bronze comprenant bracelets et rondelle, trouvés dans des cimetières gaulois de la Marne, des fibules et épinglettes « qu’elles (les femmes gauloises) affectionnaient particulièrement », des émaux figurant un coq et un dauphin, de « charmantes fioles » gallo-romaines « incontestablement de fabrication nationale », un vase gaulois emprunté aux hanaps, des vases gaulois à compression, avec ornementation, des bouteilles et verres à boire, des « poteries parlantes noires gauloises, avec ornementations en barbotine blanche et jaune, « une délicieuse burette […] où les ornements 351 BARTELEMY (de), Edouard, « Annales de l’Académie impériale de Reims. 24 vol. in-8°, 1841-1856 ». Revue des sociétés savantes de la France et de l’étranger, 1858, t. IV, p. 50-55. 352 HERON DE VILLEFOSSE, Antoine-Marie, THEDENAT, Henri, « Notes sur quelques cachets d’oculistes romains ». Bulletin Monumental, 1881, IX, 47, p. 259-286, p. 563-611. 84
  • 15. appliqués à chaud sont parsemés avec un goût si parfait » qui appartient à l’art romain, un trépied en bronze « d’apparence romaine » et enfin des fibules rondes tricolores 353. Tous ces objets, constitutifs d’une histoire de l’archéologie en France et d’une histoire de l’art national, appartiennent alors à la collection rémoise de Duquénelle. Pour autant, il convient de s’interroger sur la nature de l’obtention de ces informations par son auteur : soit l’auteur a pu recourir aux publications institutionnelles locales et nationales pour recenser les collections d’antiquités, soit ce dernier et l’antiquaire ont échangé par mode épistolaire. La seconde forme de constitution de réseaux savants provinciaux et parisiens consistait en des demandes d’adhésion par Nicolas-Victor Duquénelle en qualité de membre correspondant, aux sociétés savantes de province et de la capitale. Et comme Henri Jadart le disait dans son ouvrage posthume consacré à l’antiquaire : « Les relations de Monsieur Duquénelle devaient nécessairement l’agréer, hors de Reims, à de nombreuses sociétés savantes ». Le 23 mars 1846, il fut reçu après souscription à la Société française d’archéologie pour la conservation et la description des Monuments Historiques 354, fondée en 1834 par Arcisse de Caumont. Quatre ans plus tard, il fût reçu par élection à la Société Archéologique de Soissons. Il avait du auparavant envoyer une lettre de recommandation adjointe à une lettre de motivation, qui avaient sûrement été examinées en commission délibérative. Il apparaît en effet dans une publication de 1868 dans la liste des membres correspondants 355. En 1851, il fut admis à la Société de Sphragistique de Paris qui avait pour missions l’étude des cachets et de la sigillographie. Il adhéra en 1856 à la Société des Antiquaires de France, ainsi dénommée après 1814, remplaçant l’Académie Celtique fondée le 9 germinal an XII par Jacques Cambry, Jacques Antoine Dulaure et Jacques le Brigant. Elle avait pour but l’étude de la civilisation des Gaulois, de l’histoire et de l’archéologie françaises, qui étaient les objets d’étude de prédilection de l’antiquaire Duquénelle. Il figurait bien dans la liste des associés correspondants du Bulletin de la Société de 1864 356. Le 12 août 1855, Adrien de Longpérier, son présentateur, lui répondait par retour de courrier sur les conditions d’adhésion à cette institution parisienne 357 : « Je m’empresse de répondre à la question que vous m’adressez. La société des antiquaires tient maintenant ses séances au Louvre, dans un local où se trouvait autrefois la Bibliothèque Standish appartenant au roi Louis-Philippe. Nos séances ont lieu, comme par le passé, les 9, 19 et 29 de chaque mois. Mais nous entrons pour deux 353 CLEUZIOU (du), Henri, L’Art national : étude sur l’histoire de l’art en France, I : Les origines, la Gaule, les Romains. Paris : A. Le Vasseur, 1882, 566 p.. 354 JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 16-19. 355 « Membres correspondants ». Bulletin de la Société Historique et Archéologique de Soissons, 1868, vol. 2, p.393. 356 « Liste des associés correspondants nationaux et étrangers ». Bulletin de la Société impériale des antiquaires de France, 1864, p. 16. 357 JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 44-45. 85
  • 16. mois en vacances, le 1er septembre. […] Vous serez peut-être étonné si la société ne vous décerne pas le titre de correspondant ; mais je dois à cet égard vous faire connaître la situation particulière dans laquelle nous sommes. Nos règlements imposent aux correspondants, comme aux membres résidants, des conditions onéreuses. On est tenu de payer un diplôme de 25 francs et d’acheter, au prix de 6 francs, les volumes des mémoires à mesure qu’ils paraissent, c'est-à-dire à peu près tous les deux ans. Il s’en suit qu’on ne peut nommer correspondants que ceux qui le désirent et qui en font la demande par écrit ; parce qu’alors cette demande, faite en connaissance de cause, constitue une sorte d’engagement. S’il peut vous être agréables d’être des nôtres, je me chargerai volontiers d’être votre présentateur […] ». En 1861, il fut procédé à son adhésion à la société française de numismatique et d’archéologie, disciplines dans lesquelles il semblait exceller compte tenu de ses travaux et de ses responsabilités en commissions et sections de l’Académie. Le cas de son adhésion à la Société Archéologique de Sens en séance du 4 avril 1866 est intéressant car il révèle les modalités et les conditions de validation d’une adhésion d’un membre correspondant 358 : « M[onsieur] Duquénelle, membre de [sic] l’Académie de Reims, présenté par M.M Bazy, Genouille et Julliot est admis au nombre des membres correspondants […] ». Dans le cas de cette société provinciale, les modalités d’adhésion puis de validation par la commission statutaire étaient le parrainage et la présentation. A la même date, il rejoignait la commission de Topographie des Gaules à l’invitation de Félicien de Saulcy 359. Créée par Napoléon III, « elle atteste des goûts archéologiques de l’Empire » 360. D’ores et déjà, deux critères d’adhésion peuvent être dégagés à partir d’études de cas : le critère de reconnaissance et le critère matériel ou financier, auxquels Duquénelle semblait satisfaire puisque ses demandes d’adhésion en qualité de membre correspondant avaient toutes été retenues. Selon Jean-Pierre Chaline, le titre de correspondant est un gage de reconnaissance, de distinction et de recommandation. Son rôle effectif et sa part réelle d’activités sont cependant moindres. Le correspondant, surtout, témoigne d’une ouverture à l’extérieur de la société savante qui l’accueille, de son rayonnement et de sa bonne intégration dans l’espace culturel local 361. Au XIXe siècle, les objets d’antiquités circulent et sont commercialisés dans un monde savant de plus en plus globalisé. Ces échanges savants peuvent en avoir cette finalité. Deux lettres adressées par Félicien de Saulcy à Nicolas-Victor Duquénelle démontrent cette théorie 362. La première de ces 358 « Extrait des procès-verbaux ». Bulletin de la Société archéologique de Sens, 1867, X, p. 376-378. 359 JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 16. 360 SCHNAPP, Alain. In : NORA, Pierre, Op.cit, 1997, p. 78. 361 CHALINE, Jean-Pierre, Op.cit, 1998, p. 116-119, p. 148. 362 SCHNAPP, Alain. In : NORA, Pierre, Op.cit, 1997, p. 45-47. 86
  • 17. lettres, datée du 9 septembre 1869, montre l’aspect lucratif du commerce des objets antiques et le recours à ces méthodes marchandes par les antiquaires et les savants : « La trouvaille que vous voulez bien m’annoncer m’intéresse au plus haut point. Je possède déjà de ces pièces trouvées au pays chartrain ou à Moinville, près de Melun. S’il était possible d’en acquérir une dizaine les plus variées possible, aux prix de 20 fr[ancs] pièce, j’en serai ravi […] ». La seconde des lettres, non datée, enrichit quant à elle notre connaissance sur l’échange des objets d’antiquités par les collectionneurs : « […] En revanche, les deux autres [monnaies] sont tout à fait nouvelles pour moi, et je n’ai pas le courage de ne pas accepter avec une vive reconnaissance l’offre que vous vous bien me faire de conserver ces pièces pour ma collection. […] ». Henri Jadart souligne l’utilité de ce commerce qui n’était pas forcément lucratif et qui permettait aux savants ou archéologues d’apporter un éclairage nouveau ou de nouvelles interprétations sur les antiquités. Il s’agit, pour la troisième forme, de relations amicales ou cordiales, exercées dans un cadre privé, donnant lieu à des échanges de vue et à des demandes de service réciproques. Les lettres ci- dessous, pour la plupart, sont reprises de la notice biographique de Henri Jadart 363. Elles sont certainement issues de la correspondance de l’antiquaire 364, composée de vingt-et-une liasses et répertoriée sous le numéro vingt-cinq de la série I de description des monuments et des antiquités de la ville de Reims, que ce dernier a légué aux archives de l’Académie de Reims, et dont cette institution fait état dans l’une de ses publications 365. Cette correspondance n’existe plus aujourd’hui : alors conservée au Palais du Tau, elle a brûlé lors du bombardement de l’armée allemande, du 4 septembre au 6 octobre 1914 366. En 1852, Adrien de Longpérier fait appel à la connaissance de Duquénelle sur des objets trouvés à Reims pour dresser une liste alphabétique des noms de potiers imprimés sur les vases de terre rouge 367 : « La société des antiquaires de France m’a chargé de dresser pour son annuaire une liste alphabétique des noms de potiers imprimés sur les vases de terre rouge. En réunissant ce que j’avais noté depuis longtemps, j’ai déjà pu former un catalogue de 1300 noms. J’espère que vous me pardonnerez d’avoir recours à votre obligeance pour obtenir la copie des estampilles qui se trouvent sur les vases ou fragments découverts à Reims. 363 JADART, Henri, Op.cit, 1884, 57 p. 364 A.N.R., Série I, n°25 : Correspondance de savants et d’amateurs avec V. Duquénelle (1840-1883), carton comprenant 21 liasses numérotées. 365 « Académie de Reims : inventaire des archives (1841-1886) ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1885- 1886, vol. 79, t. 1, p. 243. 366 JADART, Henri, « Sur les ruines et les pertes causées à Reims par le bombardement de l’armée allemande, du 4 septembre au 6 octobre 1914 ». Comptes-rendus des séances de l’année 1914. – Académie des inscriptions et belles- lettres, 1914, n° 7, p. 590-593. 367 JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 43-44. 87
  • 18. J’aurai soin d’indiquer à la reconnaissance des antiquaires, le nom de ceux qui voudront bien prendre part à ce travail de collection […] ». L’Académicien apporte son estime à l’antiquaire, mais surtout sa confiance dans les compétences en matière d’histoire et d’archéologie de Duquénelle pour lui demander un tel service. Cette lettre démontre également toute la logique de constitution des cercles savants, puisqu’Adrien de Longpérier promet à l’antiquaire d’associer tous ceux qui auront bien voulu l’aider dans sa démarche auprès de la Société des antiquaires de France, équivalant à une certaine reconnaissance. En 1869, Félicien de Saulcy et Nicolas-Victor Duquénelle se prêtaient à une relation épistolaire avec comme objet d’étude la numismatique, après envoi par l’antiquaire à l’Académicien d’une série de monnaies. Ce dernier le remercie et converse avec son confrère à ce propos 368 : « […] Voilà ce que je regarde comme très probable à propos de l’histoire de ce curieux petit monument. Je vais aujourd’hui même le montrer à la séance de l’Académie des Inscriptions à mes deux confrères Le Normant et Longpérier. Je suis sûr qu’ils seront très satisfaits d’examiner cette rare médaille. Demain matin, je ferai porter au chemin de fer une petite boîte à votre adresse, et contenant la pièce d’or en question et la pièce gauloise à la tête de face sous le sanglier. […] ». L’échange de correspondances et la pratique savante sont une réalité, par la demande de conseil ou même l’envoi d’objets d’antiquités afin de recueillir l’avis de ses confrères. Nicolas-Victor Duquénelle correspondait également très fréquemment avec Charles Robert de l’Institut et membre correspondant de l’Académie nationale de Reims, dont les relations semblaient davantage amicales que collégiales. En effet, dans le compte-rendu des travaux de l’Académie nationale de Reims pour les années 1887 et 1888, Henri Jadart dédie une notice nécrologique à celui qui « resta l’intime confident de M[onsieur] Duquénelle et participa à toutes les découvertes archéologiques faites au sein de cette ville, qu’il considérait à bon droit comme sa seconde patrie 369 ». En 1852, cet Académicien inclut dans son ouvrage la description du monogramme et du matériau, et l’interprétation d’une pièce trouvée à Reims en 1840 et appartenant à Duquénelle, qui lui a transmis à ce sujet une communication 370. Le 26 mai 1879, Charles Robert envoie une lettre à l’antiquaire rémois 371 : « J’ai communiqué dans la dernière séance des antiquaires de France votre buste (tête d’empereur en marbre, trouvée à Reims en 1878) aux hommes compétents, avant de le déposer de votre part sur le bureau. Personne ne s’est prononcé ; les plis du cou ont même paru à un de nos confrères peu conformes aux usages antiques. L’opinion générale m’a paru cependant 368 Ibid, p. 46-47. 369 JADART, Henri, « Compte-rendu des travaux pendant l’année 1887-88 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1887-1888, vol. 83, t. 1, p. 11-32 370 ROBERT, Charles, Etudes numismatiques sur une partie du nord-est de la France. Metz : Nouvion, 1852, p. 206- 207. 371 JADART, Henri, Op. cit., 1884, p. 50. 88
  • 19. incliner à rapporter votre empereur au moyen-empire, pendant que le même confrère maintenait ses doutes sur l’antiquité du marbre. J’ai fait porter ledit buste chez Rollin et Feuardent, qui ont une grande habitude des têtes romaines ; dès que je serai libre, j’irai prendre leur avis que je vous ferai connaître […] ». Charles Robert réitère cet exercice d’analyse et d’interprétation en 1882 lorsqu’il a « la bonne fortune d’avoir à examiner deux petits médaillons de terre […] communiqués par M[onsieur] Duquénelle », ayant fait l’objet d’une lecture devant la Société nationale des antiquaires de France 372 puis d’une publication 373. Au-delà de la diffusion des idées, de la confrontation des points de vue, de l’apport local pour la construction du « matériau archéologique national », il y a aussi la diffusion et échange des objets par le fac-similé, c'est-à-dire la reproduction exacte, imprimée, gravée ou photographiée – en fin de XIXe siècle pour cette dernière technique –, par le dessin, ou encore par le moulage, au plâtre ou à la cire. L’antiquaire Nicolas-Victor Duquénelle était « lié de vieille amitié » avec Monsieur Bretagne, secrétaire perpétuel à la Société d’archéologie lorraine. Ce membre correspondant de l’Académie de Reims, dont Henri Jadart écrit la notice nécrologique, était également un ami de Charles Robert 374. Nicolas-Victor Duquénelle était également en collaboration avec Pierre-Jules Blavat-Deleulle, originaire de la Meuse, membre titulaire de la Société archéologique champenoise, membre correspondant et lauréat de l’Académie de Reims. A son propos, le secrétaire général de l’Académie nationale de Reims Henri Jadart, écrit qu’il laissa « à son actif le souvenir vivant des services qu’il rendît à M[onsieur] Duquénelle » 375. Il semble en effet qu’il ait bien existé une collaboration entre Duquénelle et Blavat-Deleulle, de par la co-acquisition d’objets aujourd’hui propriétés du musée Saint Remi de Reims 376. Léon Maxe-Werly, qui menait des recherches archéologiques dans le Barrois et qui était membre correspondant de l’Académie nationale de Reims, faisait également partie du cercle privé de Duquénelle. En 1860, Charles Robert prie ce dernier de présenter devant l’Académie son travail sur les monnaies frappées à Provins. Empêché, l’antiquaire rémois charge Léon Maxe-Werly de le remplacer 377. Il existait donc des cercles savants homogènes, bien établis autour de personnalités disposant d’une notoriété certaine et d’une influence réelle. 372 Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1882, p. 145. 373 ROBERT, Charles, Médaillons de terre du cabinet Duquénelle. Nogent-le-Rotrou : impr. Daupeley-Gouverneur, 1882, 7 p. 374 JADART, Henri, « Compte-rendu des travaux pendant l’année 1891-1892, lu à la séance publique du 7 juillet 1892 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1891-1892, vol. 91, t. 1, p. 26. 375 JADART, Henri, « Compte-rendu des travaux pendant l’année 1900-1901, lu à la séance publique annuelle du 10 juillet 1902 ». Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1901-1902, vol. 111, t. 1, p. 37. 376 M.S.R., Fonds de documentation : Collection Duquénelle 377 MAXE-WERLY, Léon, « Lettre à M. Ch. Robert sur l’origine du type des monnaies de Provins ». Travaux de l’Académie impériale de Reims, 1860-1861, vol.31, n°2, p. 209-215. 89
  • 20. Entretenir des contacts privés permet aussi à l’antiquaire de disposer de relais provinciaux et parisiens, qui ainsi pourront présenter des objets de sa collection devant les plus prestigieuses institutions archéologiques et faire connaître son nom. Ces relations permettaient aussi à l’antiquaire de disposer des conseils judicieux des plus hautes sphères parisiennes, comme Longpérier, mais aussi d’approcher directement ou indirectement de spécialistes d’une discipline afin de connaître leur opinion sur un objet d’antiquités. L’amitié scientifique est cependant à relativiser. Emmanuel Bury a étudié l’amitié du point de vue rhétorique comme argument du discours savant. Il énonce les « trois commerces savants » énoncés par Pierre Gassendi, qui a contribué à la construction de l’image de la vie savante et intellectuelle au XVIIe siècle : la lecture, la méditation solitaire et la communication. La civilité savante, présente dans les savoirs traditionnels de l’humanisme, fait partie de l’institutionnalisation et des valeurs de la République des lettres, par l’échange des savoirs. La déclaration d’amitié est envisagée comme une procédure rhétorique qui amène au discours scientifique, c'est-à-dire comme « l’amorce de la communication savante » dans le cadre général de la sociabilité savante. L’amitié est aussi un argument de transmission intellectuelle, par la déclaration de service appelée le bon échange savant. L’amitié doit faire les preuves de l’esprit de l’expéditeur au destinataire, et de sa disponibilité à la participation du discours scientifique. L’amitié est donc une conséquence du savoir, visant à la reconnaissance mutuelle dans les réseaux d’échanges. Elle fait surtout partie intégrante de la dimension argumentaire de la démarche savante, de la construction et de la légitimation du discours savant, pour une rationalisation optimale de la procédure objective par l’énonciation de méthodes dans le débat scientifique 378. Disposer de contacts permet aussi à Duquénelle de réaliser d’autres desseins que la correspondance archéologique. Dans une lettre adressée en 1862 à un membre du cabinet de l’Empereur à propos du don d’antiquités à l’empereur pour le musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye, l’antiquaire demande au destinataire de la lettre un bien curieux service 379 : « […] J’ai eu il y a deux ans l’honneur d’être reçu par l’empereur au camp de Chalons, et pour témoigner à sa Majesté ma vive reconnaissance pour le bienveillant accueil qu’elle a daigné me faire, je voudrais pouvoir de nouveau offrir les quelques antiques dont je vous donne ici le détail. Mais pour obtenir cette faveur, j’ai besoin d’être présenté, et j’ai pensé Monsieur que vous, qui m’avez dans quelques circonstances, témoigné tant de bienveillance, vous consentiriez à me venir en aide et protection, et 378 BURY, Emmanuel, « L’amitié, entre argument et sentiment dans l’échange savant au XVIIe siècle ». In : DARMON, Jean-Charles, WAQUET, Françoise (dir.), L’amitié et les sciences, de Descartes à Lévi-Strauss, colloque international de Paris, Ecole normale supérieure, 16 et 17 janvier 2009. Ressource vidéo disponible sur « Savoirs multimédia » de l’Ecole normale supérieure : http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=2214# (consulté le 26 avril 2010). 379 M.A.N., « Fonds Correspondance » : lettre du 18 avril 1862. 90
  • 21. m’aider, selon la promesse que vous avez bien voulu me faire, à obtenir ce que je désire si ardemment. Si vous voulez bien vous intéresser à moi et au but que je voudrais atteindre, faites le moi savoir par un mot et de suite je me rendrai à Paris au jour indiqué. […] ». Nous ignorons la suite donnée à cette lettre, toujours est-il que le Palais impérial reçoit les objets d’antiquités un mois plus tard. L’échange savant semble se nouer par la recommandation. Dans une lettre d’un passionné d’antiquités, le chef d’escadron Mourat de Rennes, adressée à Charles Loriquet le 31 mai 1875, l’expéditeur souligne son intérêt pour « les bas-reliefs représentant un personnage tricéphale appartenant à M[onsieur] Duquénelle » dont la connaissance a été diffusée par la publication de l’archiviste et bibliothécaire de la ville de Reims 380. Très intéressé, l’amateur rennais précise qu’il a sollicité l’antiquaire rémois « pour des détails plus circonstanciés sur ces curieux monuments, et, si possible était, un fac-similé » avant d’ajouter à l’auteur de Reims pendant la domination romaine, d’après les inscriptions, avec une dissertation sur le tombeau de Jovin que sa démarche de prise de contact, demeurée vaine, avait été précédée par la recommandation de Charles Robert 381. L’antiquaire disposait donc de cercles provinciaux et parisiens en grand nombre qui lui permettaient de faire connaître ses travaux et sa collection sur tout le territoire national mais surtout dans la sphère parisienne. Ces cercles pouvaient ainsi répondre à ses interrogations ou à ses attentes, et réciproquement. Les cercles étrangers L’antiquaire s’était enfin constitué un réseau de cercles savants européens. Sa relation avec ces sphères se manifestait sous diverses formes, qui exaltaient un collectif archéologique européen. L’archéologie française en Europe se décline par l’initiative étatique dès le règne de Louis XIV par le financement de missions extra-muros 382, et se complémentarise des initiatives privées du XVe siècle avec la propagation d’une littérature de la curiosité et du voyage en Italie 383, au XVIIe siècle par la correspondance « des antiquaires de l’Europe lettrée », Fabri de Pereisc particulièrement en France 384. Plus tard, au XVIIIe siècle, Montfaucon et Caylus « suivent 380 LORIQUET, Charles, Op.cit, 1860. 381 A.M.C.R., 2S 7 : Archéologie, paléographie, épigraphie, linguistique, enseignement des langues, tombeau de Jovin : notes classées de façon thématique (1854-1883). 382 SCHNAPP, Alain. In : NORA, Pierre (dir.), Op.cit, 1997, p. 76. 383 POMIAN, Krzysztof, Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris, Venise : XVIe-XVIIIe siècle, coll. Bibliothèque des histoires. Paris : Gallimard, 1987, p. 9. 384 Ibid, p. 77. 91
  • 22. passionnément les fouilles de Herculanum et de Pompéi 385 » alors que le baron d’Hancarville s’aventure en Europe 386. Au XIXe siècle, l’archéologie en Europe s’organise. La première forme intervient par des publications savantes dans les revues archéologiques européennes auxquelles Nicolas-Victor Duquénelle contribuait. Ses travaux sont cités par Celestino Cavedoni dans la revue italienne Annali dell’Instituto di correspondenza archeologica 387, lequel institut créé à Rome en 1829 coordonne les recherches internationales ; diffuse, par la publication des Annales, l’étude des monuments ; et annonce l’essor de « la nouvelle archéologie » de coopération internationale par des « échanges savants fructueux » et l’adoption des méthodes de l’archéologie, et de son « rapport à la philologie et à l’histoire » 388 : « Questo insigne medaglioncino d’oro fu primamente edito dal Mionnet (Méd. Rom. It. p.117,119), e poscia più minutamente descritto dal ch[e] Duquenelle (Revue num. 1852 p.233) sopra un altro esemplare piu nitido del primo, che si scoperse presso Reims ». Les travaux de Duquénelle sont également cités dans la revue britannique Archaeological Journal 389, publication annuelle, créée en 1843 390, qui présente les travaux sur les vestiges archéologiques et architecturaux, sites et monuments, de toutes les périodes, éditée par the Royal Archaeological Institute. Cette revue relate la remarquable découverte survenue à Reims en 1855 en liaison avec des vestiges de l’Empire Romain. Un bronze et soixante dix instruments médicinaux furent découverts à cette occasion, et qui appartenaient au cabinet des curiosités de l’antiquaire rémois : « Notices of various stamps used by Roman oculists or empirics have been communicated on several occasions at the meetings of the institute. In the course of the year 1855, a remarkable discovery had been made at Rheims, connected with these vestiges of the Roman empirics. […] An oculist’s stamp was found with these reliques, and bronze bowls, in one of which were two first brass coins of Antoninus. These curious objects in connection with the history of medicine amongst the Romans are in the possession of M. Duquenelle, who has formed an extensive collection of local antiquities at Rheims ». Les travaux de Nicolas-Victor Duquénelle sont enfin évoqués dans la rubrique « Numismatics » d’une seconde revue britannique, à propos de la publication de l’antiquaire sur l’archevêque de 385 GRAN-AYMERICH, Eve, Op.cit, 2007, p. 30. 386 HASKELL, Francis, De l’art et du goût jadis et naguère, coll. Bibliothèque illustrée des histoires. Paris : Gallimard, 1987, p. 80-105. 387 CAVEDONI, Celestino, « Dichiarazone di alcune monete dell’Imperatore M. Aurelio Probo». Annali dell’Instituto di correspondenza archeologica, 1858, T. XXX, p. 87-100. 388 GRAN-AYMERICH, Eve, Op.cit, 2007, p. 48-55. 389 « Proceedings at the meetings of the archaeological Institute ». Archaeological journal, 1856, vol.13, p. 282. 390 GRAN-AYMERICH, Eve, Op.cit, 2007, p. 135. 92
  • 23. Reims Massanès Ier 391. En effet, quelques pages de Annual journal of the British Archaeological Association 392 sont réservées à la promotion des publications savantes. L’institution a été fondée en 1843 pour promouvoir l’étude de l’archéologie, de l’art et de l’architecture et la préservation des antiquités nationales du Royaume-Uni. Ces revues sont comme en France avec l’exemple de l’Académie Nationale de Reims et de ses Annales ou Travaux, des publications officielles et reconnues de sociétés savantes. Il s’agirait donc plutôt de contacts entre sociétés savantes européennes, que de relations privées entre membres d’instituts savants européens ou, pour le cas qui nous intéresse, d’une intervention directe de l’antiquaire. Cette dernière appréciation est largement confirmée par les notes de bas de page des articles de ces publications, renvoyant respectivement pour la revue italienne à une publication de la Revue Numismatique de 1852, et pour la première revue britannique à une publication du tome XII de la Revue Archéologique d’octobre 1855. Il existe une tradition antiquaire des liens directs entre « curieux de l’Europe savante 393 », qui est perpétuée au XIXe siècle. Nicolas-Victor Duquénelle entretient une relation épistolaire régulière de douze lettres, de 1852 à 1874, avec le baron Jean-Joseph-Marie-Antoine de Witte, de nationalité belge, associé correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et membre résidant de la Société de numismatique belge. Ce dernier a d’ailleurs pu rendre compte de recherches archéologiques dans des publications françaises, telle la Revue archéologique 394. Il existe alors une typologie européenne de la recherche archéologique au XIXe siècle. Henri Jadart 395, dans sa notice, avait retranscrit deux lettres du baron de Witte adressées à l’antiquaire rémois. En voici, pour l’une d’entre elles écrite depuis Vieux-Dieu en Belgique le 27 juillet 1814, deux extraits : « Je vous suis très reconnaissant de la lettre que vous avez bien voulu m’écrire pour signaler à mon attention un moyen bronze de Postume, variété du n°75 de mon ouvrage. J’ai quitté Paris le 21 juillet, et malheureusement je ne compte y retourner que vers la fin du mois de septembre. J’aurais été heureux de recevoir votre bonne visite et de voir en même temps votre belle médaille. […] J’aurai soin d’écrire à M. le Major Markl à Linz, et je lui dirai les regrets que vous avez de ne posséder aucune monnaie de Claude le Gothique et de Quintille qui mérité son attention ». 391 DUQUENELLE, Nicolas-Victor, « Note sur un denier inédit de Massanès Ier, archevêque de Reims ». Séances et travaux de l’Académie de Reims, 23 mai 1845 – 16 janvier 1846, vol. 3, n°1, p. 110-113. 392 « Recent archaeological publications ». The journal of British archaeological Association, 1847, vol.2, p. 220. 393 JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 19. 394 WITTE (de), Jean, « Bas-relief de Reims ». Revue archéologique, avril-septembre 1852, t.I, p. 561-564. 395 JADART, Henri, Op.cit, 1884, p. 47-49 93
  • 24. A la lecture de ces extraits, il apparaît d’abord que les deux numismates ne se limitaient pas à l’écriture et s’entretenaient directement à Paris. Nicolas-Victor Duquénelle se rendît essentiellement à Paris sous le Second Empire Français, qui promût l’archéologie nationale. Il apparaît ensuite que le réseau de l’antiquaire pouvait s’élargir par des connaissances d’amis. En tout cas, selon Henri Jadart 396, l’antiquaire aurait été en relation avec le Major Markl de Linz en Autriche, spécialisé en numismatique sous les règnes de Claude II et Quintilius. Il aurait également correspondu avec Renier Chalon, de Belgique, et John Evans, vice-président de la société des antiquaires de Londres. La finalité de cette constitution d’un réseau européen de cercles savants était la visite du cabinet de curiosités de l’antiquaire par des amateurs, touristes et collectionneurs étrangers, comme en atteste cette lettre parvenue d’un britannique de Wakefield, Monsieur N. Fermell, datée du 15 avril 1864 397 : « Etranger ici et ayant peu de connaissance de votre langue, je vois néanmoins, avec le plus grand intérêt, les noble monuments des jours long passés qui adorne votre citée, et ayant entendue que vous avez une collection assez répandue des petits monuments qu’on troue en les monnaies des Romains, j’ai pris la liberté de demandez si vous m’en voulez accorder une vue, avant que je part pour Paris à onze heure ». 396 Ibid, p. 18. 397 Ibid, p. 18. 94