1. Compter, c’est modéliser
l’entreprise et la modéliser, c’est
participer à sa gouvernance.
Le cas des normes comptables
internationales (IAS/IFRS).
Bernard Colasse
Professeur à l’Université Paris-Dauphine
Membre du Comité Consultatif de l’Autorité des
Normes Comptables (ANC)
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2. Définitions préliminaires
Modèle comptable : la représentation que donne la
comptabilité de l’entreprise à travers les documents qu’elle
produit (bilan, compte de résultat, annexe, tableaux de flux,
etc ), une représentation normalisée
Modèle de gouvernance : un schéma d’orientation et de
contrôle des entreprises
Proposition : le modèle comptable est dépendant d’un
modèle de gouvernance qu’il sert, il participe donc de façon
plus ou moins directe à la gouvernance de l’entreprise
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3. Plan
1. Introduction : Qu’est-ce que la
comptabilité ?
2. De trois modèles de gouvernance de
l’entreprise
3. A quel modèle de gouvernance se
réfèrent les normes internationales?
4. Conclusion : la pari de l ’IASC/IASB
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4. 1. Introduction : Qu’est-ce que la
comptabilité ?
Par-delà une définition technique (exemple, celle du
PCG) :
« La comptabilité est un système d’organisation de
l’information financière permettant de saisir, classer,
enregistrer des données de base chiffrées et présenter
des états reflétant une image fidèle du patrimoine , de
la situation financière et du résultat de l’entité à la
date de clôture ».
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5. Une proposition de définition socio-économique
La comptabilité est un instrument
- grâce auquel les dirigeants de l'entreprise rendent compte
de sa situation et de ses performances aux différentes
parties prenantes (stakeholders) concernées directement
ou indirectement par son activité
- et qui permet à ces parties prenantes de prendre des
décisions relatives à leurs relations avec l'entreprise (le cas
des investisseurs)
Cette définition fait implicitement de la comptabilité
l’instrument d’une relation d’agence ou de
mandat(schéma)
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6. 1.1. La comptabilité comme instrument d’une
relation d’agence (ou de mandat)
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7. 1.2. Le rôle du normalisateur dans cette relation
d’agence
La comptabilité doit être normalisée, c'est-à-dire être
tenue en conformité avec des prescriptions, des normes
(standards) émanant d'une instance légitime (Etat,
profession comptable ou organisme indépendant à la
fois de l'Etat et de la profession)
Le rôle du normalisateur est fondamental puisque c’est
lui qui, à travers ses normes, spécifie le modèle
comptable; il intervient donc directement mais de façon
subreptice dans la gouvernance des entreprises
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8. 2. De trois modèles de gouvernance des
grandes entreprises dans les années 1990,
examinés à travers le droit (boursier,
commercial, du travail)
2.1. Le modèle états-unien
2.2. Le modèle allemand (dit « rhénan »)
2.3. Le modèle français
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9. 2.1. Le modèle états-unien : une gouvernance
par les marchés financiers
Un droit boursier très développé, d’origine fédérale, et
une autorité des marchés financiers très puissante (la
SEC, créée en 1934) pour le faire respecter
Un droit commercial très souple, produit par les états,
de nature contractuelle
Un droit du travail assez peu développé, lui aussi de
nature contractuelle
Un tel modèle suppose donc un bon fonctionnement
des marchés financiers
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10. 2.2. Le modèle allemand : une gouvernance
partenariale
Un droit boursier assez peu développé, en général
local, du niveau du land
Un droit des sociétés, d’origine fédérale, très
élaboré : deux types de société
Un droit du travail fondé sur la cogestion : des
représentants des salariés dans le conseil de
surveillance et un comité d ’entreprise avec des
prérogatives de gestion
Un modèle adapté à une économie bancarisée
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11. 2.3. Le modèle français : un modèle médian ?
Un droit boursier un peu plus développé qu ’en
Allemagne et dont l’application est sous le contrôle
d’une commission des marchés (COB puis AMF)
Un droit des sociétés inspiré du droit allemand :
deux types principaux de sociétés anonymes; un
droit qui fait une place à l’ « intérêt social »
Pas de cogestion mais un comité d ’entreprise avec
droit d ’information et de consultation ( co-
surveillance plus que co-gestion à l’allemande)
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12. 3. Le cas des normes comptables
internationales : à quel modèle de
gouvernance se réfèrent-elles?
3.1. Le cadre conceptuel (conceptual
framework) de l ’IASC/IASB
- le cadre de 1989
- sa révision en cours en collaboration
avec le FASB
3.2. Ses implications normatives
3.3. Ses limites
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13. 3.1. Le cadre conceptuel de l’IASC/IASB (1989)
L ’affirmation de la primauté des investisseurs
(boursiers) sur les autres parties prenantes
Art. 10 : « Comme les investisseurs sont les
apporteurs de capitaux à risque de l’entreprise, la
fourniture d’états financiers qui répondent à
leurs besoins répondra également à la plupart des
besoins des autres utilisateurs susceptibles d’être
satisfaits par des états financiers »
Adhésion donc à une gouvernance par les marchés
financiers
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14. 3.1. (SUITE)
Le souci de faire de la comptabilité un instrument
d ’aide à la décision (versus instrument de
reddition de comptes); c’est cette vocation qui
détermine les qualités requises de l’information
comptable.
L ’accent mis sur la valeur (instantanée) de
l ’entreprise : faire de l’information comptable un
ingrédient de la décision boursière.
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15. 3.2. Les implications normatives du cadre
conceptuel de l’ IASC/IASB
Le recours à la valeur de marché à chaque fois que
c ’est possible; avec remise en cause du principe de
prudence.
Une nouvelle définition du résultat comme
variation de la valeur de l ’entreprise
(comprehensive income)
la primauté du bilan sur le compte de résultat de
résultat traditionnel
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16. 3.3. Ses limites
Une plus grande volatilité des résultats, dans la mesure ou
ceux-ci peuvent inclure des plus et des moins-values
boursières
Une plus grande difficulté pour apprécier la gestion des
dirigeants; ils ne sont responsables que du résultat
opérationnel.
Sa non-transférabilité à des organisations dont le modèle
de gouvernance est différent de celui des sociétés cotés
ayant accès aux marchés financiers :
Le cas des entreprises des pays en voie de
développement
Le cas des PME des pays développés
Le cas des organisation publiques
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17. 4. Conclusion
Des normes internationales pour une gouvernance
par les marchés financiers (pour un capitalisme de
marchés financiers)
Des normes qui suscitent des polémiques et des
résistances, notamment du côté français
Le pari de l’IASC/IASB, celui de la convergence des
modèles de gouvernance vers le modèle boursier.
La norme comptable, et donc la comptabilité, n’est
pas neutre elle est au service du modèle de
gouvernance dominant.
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