VISION AUJOURD'HUI DE ABASSI MADANI RAHIMAHOU ALLAH .
LA MANIPULATION DU PEUPLE PAR LA PEUR
1. LA MANIPULATION DU
PEUPLE PAR LA PEUR.
« De toutes les passions, la peur est celle qui pousse le
moins les humains à enfreindre les lois. »
Léviathan, Thomas Hobbes.
Qu’est ce que la Peur ?
La peur est un Phénomène psychologique qui se manifeste par une émotion
associée à la prise de conscience d’une menace ou d’un danger plus ou moins
imminent. Ce péril perçu peut être imaginaire ou réel, et le degré de frayeur qu’il
suscitera dépendra en majeure partie non de sa teneur, mais surtout de
l’individu concerné. La peur est un sentiment de crainte qui peut être parfois mis
à profit par le marketing, notamment dans le cadre de campagnes de
communication (voir exemples). « Utiliser les ressorts de la peur dans le cadre
de campagnes de prévention est assez fréquent, notamment dans les pays
anglo-saxons. Le principe des messages élaborés est de présenter une menace
(mort, maladie) à laquelle le prospect prend le risque de s’exposer s’il continue à
adopter le comportement incriminé par l’annonceur (fumer, boire, conduire
vite…). La présentation de ces menaces fait naître une émotion négative
inconfortable dont l’individu va chercher à se débarrasser pour rétablir un
équilibre psychologique », indique Karine Gallopel. Imène Bécheur, Hayan Dib et
Pierre Valette-Florence précisent que « la peur n’est pas la seule émotion
génératrice de stress. Plusieurs autres émotions négatives, comme la culpabilité
ou la honte, sont utilisées en communication dans plusieurs domaines tels que la
politique, la consommation ou la santé publique. Dans le cadre des messages
phobiques, plusieurs études montrent que plus la perception de la menace est
élevée, plus la peur activée est importante.
2. Machiavel et la peur
Machiavel avait bien vu l’importance politique de la gestion de la peur. "Maintenir
les hommes dans la peur, c’est les maintenir sous un grand pouvoir. Le pouvoir
suprême ici-bas est le pouvoir politique. Il n’est donc pas étonnant que les
techniciens du pouvoir aient cherché à justifier l’usage de la peur. Une pratique
machiavélique de la politique n’a aucun mal à justifier la valeur et l’emploi de la
peur. Machiavel enseigne que le prince doit être craint, mais cependant ne pas
être haï. S’il est haï, il retourne le peuple contre lui, s’il est seulement craint, il
maintient son autorité et son pouvoir. Aussi est-il de ce point de vue de bonne
politique de maintenir la peur, sans pour autant qu’elle se transforme en haine.
Un peuple maintenu dans la peur reste « tranquille ». Il n’ose plus s’opposer
au pouvoir. Un peuple qui se met à haïr son souverain cherchera à le renverser
et il suivra ceux qui le conduiront à la révolte. Tous les tyrans que l’humanité a
pu engendré le savaient. Il existe une habileté calculée, rusée, "machiavélique"
à manipuler l’insécurité et utiliser la peur pour assurer la légitimité du pouvoir.
Machiavel dans Le Prince, n’en fait pas cependant un système, pour lui c’est
surtout une question d’opportunisme politique, de tactique. Il est en tout
préférable d’user de la loi".
Longtemps les politiques se sont donné des fins positives : l’égalité, la justice, la
révolution, etc. Ce temps est lointain. La politique aujourd’hui ne se donne plus
d’autre fin que celle qui consiste à tirer bénéfice de la peur. De toutes les peurs.
Toutes sont bonnes en effet : le terrorisme, l’anarchie, des épidémies des bêtes
contagieuses, de la route, du tabac, du sexe (le Sida), etc. C’est-à-dire, toutes
sont de nature à justifier les politiques (on ne dit plus : politiques répressives,
mais « principe de précaution ») qui prétendent les apaiser. De telles politiques
auraient été dites machiavéliques il y a quelques années encore. Mais plus
aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est toute une armada politique qui s’est emparé de ce
thème bien efficace pour mater les peuples.
Faire gouverner par la peur
La politique de la peur consiste, pour un pouvoir politique ou un régime, à créer
la peur au sein de sa population pour faciliter l’application d e lois sécuritaires et
reléguer les impératifs socioéconomiques ainsi que les revendications du peuple
au dernier souci. En réduisant ainsi la liberté individuelle, et en interdisant les
manifestations et les révoltes, il espère pouvoir assurer son maintien. Les
citoyens, quant à eux, en échange d'une hypothétique sécurité sont conditionnés
pour renoncer progressivement à leurs libertés et à leurs droits.
Le journaliste et critique américain, Henry Louis Mencken (1880-1956) constate,
dès le début du XXe siècle, cette tendance : "le but de la politique est de garder
la population inquiète et donc en demande d'être mise en sécurité, en la
menaçant d'une série ininterrompue de monstres, tous étant imaginaires, en
Algérie ces monstres actuels sont le terrorisme et les ennemis étrangers .
Selon Dan Gardner, l'efficacité des politiques de la peur seraient due au fait que
l'évaluation des risques et les façons de s'en protéger ne résultent pas d'une
attitude rationnelle, mais d'un comportement émotionnel entretenu par les
3. hommes politiques. C'est un corollaire de l'explication donnée par Edward
Bernays pour qui la mentalité collective est guidée par l'impulsion, l’habitude ou
l’émotion et non par la pensée.
Irène Khan, secrétaire générale d'Amnesty International, a souligné ce
phénomène à l'occasion de la sortie de son rapport 2007 : "En adoptant des
politiques à court terme qui encouragent les peurs et créent la division, certains
gouvernements sapent l'Etat de droit et les droits humains, entretiennent le
racisme et la xénophobie, divisent les populations, augmentent les inégalités et
sèment les germes de nouvelles violences et de futurs conflits".
Si l'on a pu considérer la "politique de la peur" comme l'une des caractéristiques
des dictatures, l'emploi de cette expression dans une démocratie sous-entend
que les hommes politiques instrumentalisent des craintes avérées ou non de la
population pour atteindre leurs objectifs. Il s'agit-là d'une forme de manipulation
de l'opinion, de manière indirecte ou subliminale, qui réveille les pulsions les plus
abjectes de la xénophobie et du racisme. Les discours alarmistes et anxiogènes
ainsi que la désignation d'ennemis intérieurs servent alors à légitimer des
mesures disproportionnées qui portent atteinte aux droits fondamentaux, dans le
but de mieux contrôler la population.
La classe politique, impuissante devant l'oligarchie financière qui dirige
l'économie mondiale, a besoin pour rester au pouvoir d'agiter le chiffon rouge de
la peur pour détourner l'attention du peuple. Concentrée sur des "guerres
perpétuelles", méfiante et divisée, l'opinion publique mondiale n'est plus tentée
par la remise en cause du système politiquo-économique en place.
Corey Robin* souligne d'abord un trait essentiel de la dialectique de la peur.
Celle-ci «n'est pas exclusivement du côté des faibles et la manipulation du côté
des puissants»; ces derniers, en effet, craignent aussi une révolte qui les
déposséderait de leurs pouvoirs et de leurs privilèges. Ensuite, notre auteur
revisite les écrits de quelques philosophes qui ont, au cours des siècles, réfléchi
sur le rôle de la peur comme levier fondamental du pouvoir. Depuis Hobbes, pour
qui la crainte doit être élevée au rang de vertu, puisqu'elle pousse, par réaction,
à la recherche du Bien. Depuis aussi Montesquieu, analysant la «terreur
despotique», qui abaisse l'homme. Puis Tocqueville, dénonçant «l'inquiétude de
masse», la peur diffuse qui anime chacun et peut amener les foules à la tyrannie
si elle n'est pas corrigée, canalisée, par des hiérarchies éclairées. Et enfin
Hannah Arendt, disséquant le «terrorisme totalitaire», appuyé sur des idéologies
capables de faire de chacun, indifféremment ou successivement, un bourreau ou
une victime. Comment ne pas être frappé, à la lecture de ces chapitres, par la
lucidité, très souvent l'actualité, de bien des notations? Ceux qui ont coutume de
marquer les phrases et les paragraphes jugés importants en useront leur
surligneur. Mais Robin, abordant l'histoire contemporaine, va bien plus loin.
La peur est peut-être, parfois et dans certains cas, le
« commencement de la sagesse », mais dans son usage
politique, elle contribue à asservir.
4. Il est clair que de nombreux gouvernements utilisent le concept de terrorisme
pour soutenir des intérêts politiques par la voie de la stigmatisation de leurs
opposants, et ce phénomène prend bien des formes. L’une d’elles consiste à tirer
profit d’actes de terrorisme isolés ou individuels en les attribuant à des groupes,
des organisations, des mouvements politiques, des groupes ethniques, alors
catalogués comme terroristes sans le moindre fondement. Dans d’autres cas, un
gouvernement tente tout simplement de neutraliser ses opposants en les
traitants de terroristes sans qu’ils ne se soient jamais livrés à un acte de
terrorisme... Les États peuvent s’impliquer dans des actes de terrorisme ou se
livrer en coulisses au terrorisme en recrutant ou en finançant des groupes
terroristes qui réalisent des attaques terroristes..."
Recoupages, composition , arrangements :
Par Sadek KHEDDACHE
Expert-Consultant en management, innovation et développement
d‘entreprises.
* Corey Robin est un théoricien politique américain de gauche, journaliste et
professeur de sciences politiques au Brooklyn College.
Corey Robin développe le concept selon lequel l'ennemi unique est un moteur d'existence, un
besoin social pour les foules et une arme politique. Ainsi, du Moyen Âge où l'ennemi était le Diable,
les sociétés humaines seraient passées à la religion catholique, suivant les doctrines des
Philosophes des Lumières, puis au Patronat, suivant la doctrine communiste, puis au Soviétique,
suivant la doctrine atlantiste libérale, et depuis le 11 septembre 2001 au terrorisme islamiste1
.
Corey Robin, Fear: The History of a Political Idea, New York & London, Oxford University Press,
2004. ISBN 0195157028
Corey Robin, La peur, histoire d'une idée politique, Paris, Armand Colin, 2006. ISBN 2-200-
34562-3
Corey Robin, The Ex-Cons: Right-Wing Thinkers Go Left!, dans: Lingua Franca, janvier 2001, pp.
24-33.
Corey Robin, The Fear of the Liberals, dans: The Nation, 26 septembre 2005.