Formation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadership
Faburel - La ville durable pour qui
1. La ville durable, pour qui ?
L’impensé social des éco-quartiers : du label à Babel
Guillaume Faburel
Maître de conférences - Institut d’Urbanisme de Paris – Université Paris Est-Créteil Val-de-Marne
Bureau de recherches Aménités : Aménagement, Environnement, Territoires
2. 1. De quelques hésitations dans les termes malgré une volonté de bâtir
un référentiel pour l’action
Préambule : propos tiré d’un rapport Aménités : « L’impensé social de la
durabilité : l’exemple des éco-quartiers en France. Des modes de vie des
populations… aux valeurs et principes de l’action », pour la DREAL Lorraine,
mars 2011, 58 p.
L'effet de mode du « durable » :
Transports et mobilité durables, habitat durable, tourisme durable, emploi
durable, agriculture durable...
Impulsion du Grenelle de l’Environnement, à travers « un plan
volontariste d’éco-quartiers impulsé par les collectivités locales (prévoyant la
réalisation d’) au moins un éco-quartier avant 2012 (…) dans toutes les
communes qui ont des programmes de développement de l’habitat significatif ;
une quinzaine de grands projets d’innovation énergétique, architecturale et
sociale. » (Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et
de l’Aménagement du Territoire – MEEDDM, 2007 : 8).
La ville durable, pour qui ? – 24 mars 2011- Reims
3. 1. De quelques hésitations dans les termes malgré un volonté de bâtir
un référentiel pour l’action
Instabilité des qualifications entre éco-quartiers et quartiers
durables:
« Un aménagement durable (…) (à l’échelle du quartier, et prenant en
compte) l’ensemble de ses impacts, tant au niveau environnemental qu’aux
niveaux économique et social, aussi bien lors du déroulement du projet que
dans sa phase d’exploitation. » (Agence Régionale de l’Environnement et des
Nouvelles Energies Ile de France - ARENE, 2005 : 9).
« Une zone de mixité fonctionnelle développant un esprit de quartier ; c’est un
endroit où les personnes veulent vivre et travailler, maintenant et dans le futur.
Les quartiers durables répondent aux divers besoins de ses habitants actuels
et futurs, ils sont sensibles à l’environnement et contribuent à une haute
qualité de vie. Ils sont sûrs et globaux, bien planifiés, construits et gérés, et
offrent des opportunités égales et des services de qualité à tous » (Accord de
Bristol, 6-7 décembre 2005 : 4).
La ville durable, pour qui ? – 24 mars 2011- Reims
4. 1. De quelques hésitations dans les termes malgré une volonté de bâtir
un référentiel pour l’action
Les domaines thématiques « classiques » d’intervention :
Développement des) énergies renouvelables, (recyclage des) eaux
usées, (gestion environnementale des) déchets, (obligation de respect
de) normes écologiques de construction… tout ceci afin de tendre vers
une autonomie énergétique et de réduire son empreinte écologique ;
Nouveaux rapports à la nature et à la biodiversité, développement des
liaisons douces et autres services de proximité, densité et compacité
des formes urbaines, mixité des tissus fonctionnels et sociaux,
gouvernance et dites innovations participatives …
Objectif institutionnel : dépasser cette ligne de partage pour
commencer à stabiliser un référentiel plus ample
d’évaluation, voire entrevoir un modèle en construction
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5. 1. De quelques hésitations dans les termes malgré une volonté de bâtir
un référentiel pour l’action
Les thèmes et sous-thèmes d’évaluation
Démarche et Cadre de vie et Développement Performances
processus Usages territorial écologiques
1 – Piloter et concer ter 16 – Réduire les émissions
6 – Promouvoir 11 – Assurer la mixité de Gaz à Effets de Serre,
dans une optique de
le vivre -ensemble fonctionnelle s'adapter au cha ngement
transversalité
climatique
12 –Organiser au mieux les
7 – Promouvoir des modes 17 – Optimiser les besoins
2 – Bien situer et définir déplacements et diminuer
de vie solidaires et en énergie et diversifier les
son pr ojet la dépendance à
responsables sources
l’autom obile
3 – S’assurer de la
13 – Promouvoir des 18 – Assurer une gestion
faisabilit é financière, 8 – Offrir un cadre de vie modes de déplaceme nts qualitative et économe
technique et juridique du agréable et sain
alternatifs et durables des ressources en eau
projet
19 – Utiliser de mani ère
9 – Valoriser le patrimoine 14 – Inscrire le projet da ns raisonnée les ressources
4 – Savoir gérer et évaluer
local, l'histoire et l ’identité la dynamique de non re nouvelables et
son pr ojet et son quartie r
du quartier développement local limiter la production de
déchets
10 – Intensité, compacité
15 – Valoriser les relations 20 – Préserver la
5 – Pérenniser la démarc he et densité : dessiner un
avec le milieu agricole et biodiversité, restaure r et
quartie r adapté au
forestier valoriser la nature e n ville
contexte
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6. 2. De quelques manques dans l’analyse des retours d’expériences
Des analyses encore très factuelles et descriptives… malgré l’appel
croissant à des évaluations approfondies, à l’exemple de quelques
écrits récents :
évaluation rétrospective de gouvernance institutionnelle et des réflexivités dont
le développement durable serait porteur pour les pouvoirs publics (Rumpala,
2010), ou encore des pratiques professionnelles et de leur « évolution »
(appropriation des langages et outils, codifications des discours… in Villalba
coord., 2009),
évaluations plus prospectives (Theys, du Tertre et Rauschemayer, 2010), voire
même perspectives pragmatiques de changement dans les interventions
sociales et politiques (Puech, 2010)
Des angles morts analytiques persistent, au tout premier rang
desquels les questions et enjeux sociaux figurent :
participation citoyenne (ex : engagements communautaires)
modes de vie (ex : leur réforme écologique)
modes d’habiter (ex : mondes communs en rapport aux relations nature/culture)
etc…
Les modes de vie et d’habiter restent en retrait dans les
travaux d’analyse, mis à part quelques exemples fort récents
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7. 2. Du questionnement même des référentiels de l’action
La prégnance des indicateurs quantitatifs d'observation et de suivi,
centrés sur les effets de la technique écologique et du génie de
l’environnement ou le recyclage de la conception bâtisseuse du
rapport des autorités décisionnaires aux territoires et à leur
environnement : « L’erreur fondamentale du prométhéisme qui consiste à se
représenter l’être humain comme ne faisant pas partie de la nature » (Flahault,
2008 : 240).
Déséquilibres multiples : entre le poids respectif de chacun des
thèmes, la transversalité affichée des approches et leur réelle
conjugaison... Le volet social est très souvent rabattu sur la
seule recherche de mixité voire d’équité (recyclage de politiques
sectorielles) : « Diversité, Intégration : Mixité sociale, Mixité urbaine / Lien
social et gouvernance : Concertation, Cohésion sociale »
(http://www.suden.org/fr/developpement-urbain-durable/ecoquartier-quartier-
durable/) ;
Les éco-quartiers privilégient les formes et supports
spatiaux, et, du coup, la morphologie locale, au détriment souvent
des types et formes de constructions sociales.
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8. 2. Lorsque les modes de vie interrogent les modes d’agir
Les rapports avec les échelles de temps et d'espace, interrogés
par les problématiques de la durabilité…
pour les échelles de temps, en raison notamment d'incertitudes
grandissantes voire d'irréversibilités reconnues, dans un contexte de
désynchronisation croissante des temps économiques, politiques, sociaux
et écologiques
pour les échelles d'espace, du fait des écueils de la logique descendante
de construction de l'action et d'intervention sur les territoires, et ce face à
une disjonction croissante entre espaces des problèmes, espaces de
solutions et territoires de décisions
Des limites plus importantes à ce jour dans le champ social figurent :
l'implication pérenne des habitants et plus largement une démocratie
réellement participative, du monde social, de même que le temps libéré
pour l'élaboration de tels exercices de co-construction de l'action,
le poids de la sectorialité des approches institutionnelles et de
l'expertise strictement technique dans les référentiels de l'aide à la décision
Manque de réflexion fondamentale sur les
transformations sociales
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9. 3. Valeurs, principes et gouvernance
Les valeurs ou principes plus remontants de responsabilité, de
solidarité ou encore de sobriété, de cohésion… s’adossent voire
parfois se substituent à des valeurs et principes plus institutionnels
(de mixité, d’équité, de densité… certainement à ce jour les plus
publicisés dans les projets).
Trois enjeux axiologiques selon un rapport récent :
la justice par la mixité sociale, intergénérationnelle,
fonctionnelle ;
la solidarité et le partage par la cohésion sociale ou encore la
convivialité inter et infra quartier ;
la responsabilité ou éco-responsabilité par les nouveaux modes
d’habiter, de consommer, de se déplacer.
25 % des 160 projets déposés en 2009 avec des mesures
originales ou inédites (par des mesures sociales et sociétales dans
les projets d’éco-quartiers),
37 % n’abordant quant à eux pas ces dimensions
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10. 3. Valeurs et principes :
les projets d’éco-quartiers soumis à la consultation nationale de 2009
L’originalité implique 4 champs :
La gouvernance
L’élaboration d’outils d’évaluation et de suivi de la durabilité
de l’éco-quartier
Degré de cohésion sociale et d’ancrage
Développer une identité de quartier
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11. 4. (Re)faire société par l'appropriation habitante?
Une ville désirable est d'abord une ville où les relations entre les
habitants sont fortes et où la vie collective est dense et
harmonieuse (Strasbourg, 2010).
Articulations entre modes de vie, d’habiter et d’engagement par des valeurs et
principes :
la solidarité par la mise en commun d’espaces communautaires et de
moments dédiés, (qui peut même parfois donner lieu à la cogestion du
quartier par les habitants),
la justice, par développement de principes conjoints de justice spatiale et
environnementale,
ainsi que par l’inclusion sociale des plus modestes, par des dispositifs
participatifs en amont et surtout aval du projet,
la responsabilité, non pas par la seule éducation mais par un horizon
remontant de réforme écologique des modes de vie,
la sobriété, par des modes de consommation énergétique et alimentaire,
mais aussi par des économies locales de proximité, par des nouveaux
modèles de production (économie solidaire)
la « capacitation », notamment par la reconnaissance des registres de
savoirs habitants (perceptions, expériences des lieux, savoir-faire…),
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12. 4. (Re)faire société par l'appropriation habitante ?
Définitions de la durabilité sociale
Définitions de la durabilité sociale :
« Un développement (et/ou croissance) adapté à l’évolution harmonieuse de la société
civile, qui crée un environnement favorable à une bonne cohabitation de groupes
sociaux et culturels divers et, en parallèle, stimule l’intégration sociale en améliorant la
qualité de vie de toutes les couches de populations » (M Polèse et R. Stren).
« la capacité d’un groupe de personnes, d’une institution ou de la société à traiter les
problèmes environnementaux, économiques, de santé ou autres de manières à améliorer
la qualité de vie des générations actuelles et futures » (R.J. Lawrence, 1998).
L’appropriation peut revêtir plusieurs formes et mobiliser plusieurs vecteurs :
la compréhension par l’apprentissage collectif (et non pas l’injonction
à…),
l’engagement personnel par le concernement individué (convaincre plus
que contraindre),
l’inclusion sociale par la participation active de toutes les catégories aux
débats et surtout à la co-production,
et ainsi développer des modes de vie et d’habiter, plus librement
éprouvés et consentis.
La redéfinition des liens sociaux passe souvent d'abord par
d'autres relations et conceptions locales de la nature (et de ses
temporalités)
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13. 5.1 Retours d'expérience: lorsque la technique écologique détourne des
considérations sociales (ex : BedZed, Londres)
BedZed, Londres : les liens sociaux par les appendices des techniques
et la performance énergétique.
Boucle locale : avoir recours au maximum aux ressources locales, à la
réutilisation et au recyclage.
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14. 5.1 Retours d'expérience: lorsque la technique écologique détourne des
considérations sociales (BedZed, Londres)
Efficience énergétique et de qualité de vie : isolation renforcée,
ensoleillement maximum, terrasses et jardinets, systèmes de ventilation avec
récupération de la chaleur...
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15. 5.1 Retours d'expérience: lorsque la technique écologique détourne des
considérations sociales (BedZed, Londres)
L’objectif global était de permettre aux gens de vivre d’une manière durable
dans une empreinte écologique de deux hectares maximum, soit l’espace
environnemental moyen disponible par personne dans le monde. Et ce, sans
pour autant « sacrifier le confort et les avantages liés à un style de vie moderne
et mobile » (chef de projet).
Omission sociale de la durabilité, par un déploiement dit
innovant de la technique énergétique.
Pas de projet social en amont, ni d'appropriation sociale en
aval de principes et valeurs différents
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16. 5.2 Retours d'expérience : entre écologie et dimensions sociales. Le
poids des institutions et de leurs politiques (Zac de Bonne, Grenoble)
Zac de Bonne, Grenoble : les liens sociaux par l'accessibilité multiple
(notamment à l'habitat)
Les objectifs affichés :
démarche d’accessibilité pour tous
haute qualité environnementale,
diversité des logements,
espaces publics accessibles,
déplacements doux
respect des éléments architecturaux du passé,
mise à disposition d’équipements sensés favoriser la vie sociale,
éducative, sportive et culturelle, mais également le commerce et l’activité.
participation incluant les habitants des quartiers voisins
Attentif aux questions sociales, tout en restant très
marqué par l'axiologie institutionnelle (ex : mixité) ainsi que par la
culture opérationnelle française (cf. projet de requalification).
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17. 5.2 Retours d'expérience : entre écologie et dimensions sociales. Le
poids des institutions et de leurs politiques (Zac de Bonne, Grenoble)
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18. 5.3 Retours d'expérience : des liens sociaux par le développement
communautaire et des principes socio-écologiques (Eva Lanxmeer,
Culemborg - Pays-Bas)
Respect du génie des lieux (Genius Loci), autrement dit, état des lieux,
et inventaire de ce qui doit être préservé et/ou consolidé ;
Mise en place de dispositifs circulaires de gestion des matériaux et des
énergies, en rendant visibles les circuits naturels existants ;
Harmonisation optimale entre éléments de paysage et éléments
d’architecture ;
Gestion durable de l’eau et fourniture d’énergies renouvelables intégrées
dans le plan de quartier
et conception de lieux de rencontre et création des conditions
nécessaires pour favoriser les initiatives personnelles de participation
citoyenne des futurs habitants à la gestion du quartier et à ses
conceptions futurs.
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19. 5.3 Retours d'expérience : des liens sociaux par le développement
communautaire et des principes socio-écologiques
Eva Lanxmeer, Culemborg (Pays-Bas)
La première originalité : soutien constant de la participation des
habitants : quartier conçu et réalisé avec des représentants des futurs
habitants, ainsi que des enfants, dans un processus créatif avec mêmes
quelques projets d'auto-construction
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20. Conclusion
Le projet social, par l’intégration des thématiques, valeurs et
principes, et l’inclusion des individus, de nouveaux mode de vie et
d’habiter, souvent pensés et développés de manière
communautaire,
… semble nouvellement marquer de son empreinte les projets locaux
(socio-écologiques, participatifs, auto-constructifs...)
… faisant apparaître (signaux faibles et disséminés) une nouvelle
génération d'éco-quartier... des quartiers durables
… à l’adresse de sociétés locales, de leurs histoires et volontés de
transformation
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