Dans cette déclaration Me. Leon Manus trace son parcours pour devenir President du Conseil Electoral Provisoire d'Haiti (CEP), les conditions dans lesquelles il a trouve la machine électorale, ses efforts de coopération avec le gouvernement et les menaces reçues des Présidents Jean Bertrand Aristide et Rene Preval pour publier des résultats électoraux qu'ils avaient eux-memes fabriques.
DECLARATION LEON MANUS PRESIDENT DU CONSEIL ELECTORAL PROVISOIRE 21 JUIN 2000
1. DECLARATION
DE
Me
LEON
MANUS
PRESIDENT
DU
CONSEIL
ELECTORAL
PROVISOIRE
21
Juin
2000
Au
mois
de
mars
1999,
sur
demandes
réitérées
et
insistantes
du
Président
de
la
République,
et
après
mûres
réflexions,
j'ai
accepté
avec
d'autres
citoyennes
et
citoyens
haïtiens
d'être
membre
d'un
ultime
Conseil
Electoral
Provisoire
chargé
d'organiser
à
l'échelle
nationale
des
élections
libres,
honnêtes
et
démocratiques
pour
tous
les
postes
électifs
en
Haïti,
à
l'exception
des
postes
de
huit
sénateurs
et
de
celui
de
Président
de
la
République.
Compte
tenu
de
la
situation
critique
de
mon
pays
et
présumant
que
mon
expérience
et
ma
réputation
de
citoyen
honnête
et
intègre
pouvaient
faire
une
différence
dans
l'organisation
de
ces
joutes
électorales,
j'ai
accepté
de
sortir
de
ma
retraite
pour
me
mettre
au
service
de
mon
pays
et
d'apporter
ainsi
ma
contribution
à
ce
que
je
considérais
et
continue
de
considérer
comme
une
mission
hautement
patriotique.
Quand
mes
collègues
du
CEP
m'ont
fait
bénéficier
de
l'éminent
privilège
de
présider
cette
haute
institution,
je
me
suis
engagé
sur
l'honneur
à
ne
pas
démériter
de
leur
confiance
et
à
ne
pas
décevoir
le
peuple
haïtien.
N'appartenant
à
aucun
parti
politique
et
n'étant
au
service
d'aucun
clan
ou
faction,
je
me
suis
donc
engagé
résolument
au
service
de
ma
patrie.
Les
difficultés
ont
surgi
dès
les
premiers
pas
du
Conseil.
Des
problèmes
d'ordre
technique,
administratif
et
financier
ajoutés
à
des
faiblesses
inhérentes
à
la
structure
même
de
l'institution
électorale
ne
nous
ont
pas
permis
de
respecter
le
calendrier
initial.
En
outre,
même
si
le
CEP
est
un
organisme
indépendant,
il
doit
compter
sur
la
coopération
active
des
pouvoirs
publics
pour
le
bon
accomplissement
d'une
partie
importante
de
sa
mission:
la
dotation
budgétaire,
l'accès
aux
médias
d'état,
la
mise
en
place
des
mesures
de
sécurité
tant
pour
les
électeurs
que
pour
les
candidats.
Dans
la
réalité,
le
CEP
a
du
faire
face
très
tôt
à
l'incompréhension
des
uns,
la
mauvaise
foi
des
autres,
et
souvent,
au
manque
de
coopération
des
instances
gouvernementales
et
ceci
a
son
plus
haut
niveau.
Même
l'assistance
internationale
sollicitée
par
le
Conseil
était
considérée
avec
suspicion
par
les
pouvoirs
publics.
Par
conséquent,
l'environnement
dans
lequel
le
CEP
était
contraint
d'opérer
à
souvent
été
piégé
d'embûches
et
d'hostilités.
Les
calomnies
et
menaces
tombaient
à
profusion,
les
unes
ouvertes,
les
autres
plus
subtiles,
orchestrées
le
plus
souvent
par
et
à
travers
les
médias
d'état.
J'ai
enduré
tout
cela
avec
sérénité
et
patriotisme.
Mon
honneur
et
ma
dignité
ont
été
souvent
mis
à
rude
épreuve.
J'ai
toujours
pensé
que
si
à
la
fin
du
processus
mon
pays
finissait,
grâce
à
l'action
du
CEP,
par
être
doté
d'institutions
sérieuses
et
légitimes,
aucun
prix
ne
devait
être
considéré
comme
trop
élevé.
2. La
journée
du
21
mai
a
été
pour
le
CEP
et
le
pays
tout
entier
un
motif
de
grande
satisfaction.
Contrairement
aux
pronostics,
tout
s'est
déroulé
dans
le
calme
et
malgré
certains
retards
et
des
problèmes
logistiques
liés
à
la
lourdeur
et
au
manque
de
rôdage
de
certaines
pièces
de
la
machine
électorale,
les
critiques
les
plus
intraitables
tant
nationaux
qu'étrangers
ont
dû
reconnaître
que
la
journée
et
le
vote
du
21
mai
ont
été
un
succès.
Gloire
et
Honneur
au
peuple
Haïtien!
Cependant,
dès
le
lendemain,
les
protestations
ont
pris
corps,
plaçant
le
CEP
sous
les
feux
croisés
tant
de
ceux
qui
clamaient
victoire
que
de
ceux
qui
criaient
à
la
fraude
généralisée.
De
part
et
d'autre,
les
pressions
se
faisaient
de
plus
en
plus
fortes.
La
vérité,
comme
toujours
dans
ce
genre
de
situation,
se
trouve
bien
souvent
au
milieu.
Mais
les
passions
exacerbées
plaçaient
le
CEP
dans
un
camp
ou
dans
l'autre,
alors
que
sa
responsabilité
était
de
respecter
à
la
lettre
les
dispositions
de
la
loi
électorale
concernant
l'ensemble
des
opérations
y
compris
le
comptage,
la
tabulation
des
votes,
la
gestion
des
litiges
jusqu'à
la
proclamation
des
résultats
définitifs.
D'autant
plus
que
ces
contestations
s'étaient
dans
bien
des
cas
avérés
légitimes,
en
particulier
en
ce
qui
à
trait
au
rôle
actif
de
quelques
éléments
de
la
police
dans
certains
actes
de
fraude,
de
vols
d'urnes
et
de
falsification
de
procès
verbaux
au
cours
de
la
nuit
et
au
lendemain
du
scrutin.
La
publication
de
certains
résultats
partiels
a
été
exploitée
par
les
uns
et
les
autres
pour
jeter
le
discrédit
sur
le
CEP.
Même
la
Mission
d'Observation
de
l'OEA
jugeait
nécessaire
de
lancer
une
mise
en
garde
qui
a
été
diversement
interprétée.
Tout
en
maintenant
notre
position
concernant
la
manière
dont
cette
correspondance
de
la
MOE
a
été
rendue
publique,
je
dois
reconnaître
que
certaines
des
considérations
qu'elle
contient
nous
ont
permis
de
mieux
approfondir
certains
aspects
techniques
et
de
calculer
à
nouveau
le
pourcentage
de
votes
obtenus
par
les
candidats
en
stricte
conformité
avec
les
stipulations
de
la
loi
électorale.
Ainsi,
les
résultats
définitifs
pour
les
candidats
au
Sénat
de
la
République
ont
vu
seulement
cinq
sénateurs
élus
dès
le
premier
tour.
La
majorité
de
ceux-‐la
qui
venaient
par
la
suite
en
tête
au
moment
du
décompte
partiel
devait
participer
à
un
second
tour.
C'est
ce
qu'ont
révélé
le
décompte
final
des
votes
et
la
tabulation
des
résultats
en
fonction
des
dispositions
de
la
loi
électorale.
Ce
sont
ces
résultats
qu'en
tant
que
Président
du
CEP
je
comptais
rendre
publics,
conformément
aux
prescrits
de
la
constitution
haïtienne,
aux
principes
d'éthique
et
d'équité
qui
doivent
être
la
boussole
des
serviteurs
de
l'état.
En
agissant
ainsi
je
tenais
à
rester
fidèle
à
l'engagement
que
j'avais
pris
sur
l'honneur
de
respecter
la
volonté
du
peuple
haïtien.
Sitôt
que
ma
décision
a
été
portée
à
la
connaissance
de
l'Exécutif,
les
pressions
ont
commencé
à
se
faire
de
plus
en
plus
pressantes
pour
convertir
les
résultats
partiels
3. en
résultats
définitifs.
Ceci,
au
mépris
absolu
de
toutes
considérations
de
justice,
et
de
respect
de
la
loi
électorale.
Dès
lors,
ma
sécurité
a
été
gravement
mise
en
danger
car
je
n'ai
jamais
accepté
de
cautionner
les
derniers
résultats
électoraux
incorrects
et
non
conformes
à
la
loi
électorale.
Du
plus
haut
niveau
de
l'Etat,
des
messages
non
équivoques
m'ont
été
transmis
sur
les
conséquences
que
pourrait
entraîner
tout
refus
de
ma
part
de
publier
les
prétendus
résultats
définitifs.
En
outre,
des
groupes
d'individus
se
réclamant
d'un
parti
politique
influent
commençaient
à
exécuter
leurs
menaces
de
mettre
la
capitale
et
les
villes
de
province
à
feu
et
à
sang,
de
brûler
et
de
tout
détruire
sur
leur
passage.
M'adressant
un
ultimatum
pour
la
proclamation
immédiate
des
résultats
que
moi
je
considérais
comme
illégitimes
et
incorrects,
je
me
sentis
incapable
d'un
tel
acte
de
trahison
envers
mon
pays
dans
ce
tournant
décisif
de
son
histoire.
Je
compris
alors
que
ce
conflit
-‐
opposant
ma
position
légale
et
constitutionnelle
à
l'intransigeance
arbitraire
du
Pouvoir
et
à
la
furie
orchestrée
de
certaines
organisations
dites
"populaires"
-‐
devenait
inévitable.
Une
telle
situation
ne
me
laissait
d'autre
choix
que
celui
de
m'éloigner
temporairement
du
pays
pour
éviter
le
pire
et
freiner
ce
déchaînement.
Ne
défendant
aucun
intérêt
personnel,
j'ai
donc
décidé
de
tourner
le
dos
à
cette
saga
électorale
la
tête
haute
sans
accroc
à
mon
honneur,
à
ma
dignité,
à
mon
patriotisme.
Je
continue
à
croire
à
la
Démocratie
qui
met
fin
à
la
dictature
et
apporte
à
l'homme,
la
Liberté,
la
Justice,
l'esprit
de
partage
et
de
dialogue,
le
mieux
être
et
le
développement.
Je
sais
que
des
hommes
vindicatifs
et
stipendiés
n'acceptent
pas
que
sur
cette
terre
d'Haïti
des
hommes
intègres
capables
de
vivre
dans
la
dignité.
Ils
sont
toujours
prêts
à
tout
faire
pour
salir
l'honneur
d'honnêtes
gens.
D'ores
et
déja
je
les
dénonce
devant
la
conscience
nationale
et
internationale.
Citoyens
de
mon
pays,
je
continue
à
croire
à
la
rédemption
de
notre
patrie,
car
malgré
toutes
les
vicissitudes
de
son
existence,
aucun
peuple
ne
peut
vivre
indéfiniment
dans
l'ignorance,
la
division,
l'insécurité,
la
misère
et
l'injustice.
Leon
Manus