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UNIVERSITÉ PARIS 8
INSTITUT D'ÉTUDES EUROPÉENNES
Master 1 Commerce international et marketing export
Le marché du transport de marchandises entre l’Europe et la Chine :
quelle place pour le ferroviaire ?
soutenu par Stéphane Levis
sous la direction de M. Guédé
Année universitaire 2015-2016
2
3
Remerciements
Au directeur du Master Commerce international et marketing export,
Monsieur BENAMMAR,
Merci pour la validation de ce sujet qui me tient à cœur ainsi que pour vos précieux
conseils vis-à-vis de mes recherches documentaires.
Au directeur de Mémoire,
Monsieur GUEDE,
Merci de m’avoir reçu, de m’avoir conseillé et éclairé quant à la rédaction du
mémoire.
A ma famille,
ma mère, ma sœur, ma grand-mère à qui je dois tout. A mon père, d’où tu es, tu me
vois. Merci.
Aux Bourgeois et aux Bonardels.
A Mathieu, correcteur en chef, hôte et soutien majeur dans cette ville parfois
pluvieuse.
Aux proches et aux amis.
4
Sommaire
Introduction ...................................................................................................................5
Partie 1 : Un environnement conjoncturellement porteur ?.........................................10
1.A. L’influence des facteurs macroéconomiques................................................10
1.B. Infrastructures anciennes et nouvelles ..........................................................15
Partie 2 : Vers un équilibre entre l’offre et la demande sur le segment ?....................19
2.A. Les opérateurs...............................................................................................19
2.B. Les chargeurs ................................................................................................22
Partie 3 : Quelle attractivité pour le rail eurasiatique ? ...............................................25
3.A. L’intensité concurrentielle............................................................................25
3.B. La compétitivité ............................................................................................28
Conclusion...................................................................................................................30
Bibliographie globale ..................................................................................................33
Table des annexes........................................................................................................36
Annexe 1 : Carte OBOR..............................................................................................37
Annexe 2 : Carte répartition de la population et de la richesse en Chine....................38
Annexe 3 : Cartes du réseau trans-sibérien .................................................................39
Annexe 4 : Carte de la répartition des écartements de rail..........................................40
Annexe 5 : Carte du corridor Sud................................................................................41
Annexe 6 : Les routes du corridor Sud........................................................................42
Glossaire......................................................................................................................43
5
Introduction
Les relations commerciales entre l’Europe et la Chine au XXème
siècle sont marquées
par de profonds bouleversements à l’intérieur de chacun des deux espaces
géopolitiques, et ce à plusieurs niveaux. Durant cette période, les deux parties doivent
faire face à des guerres intestines, des changements de régime politique - qui
fragilisent leurs économies - puis à des re-consolidations progressives. C’est au
rythme de ces crises, de leurs échos de part et autre du continent eurasiatique, que va
se dessiner la configuration actuelle du commerce entre deux des plus importantes
aires de peuplement et d’agglomération de richesse au niveau mondiale.
En 2014, l’Union Européenne rassemble 507,81
millions d’habitants et 16 230,542
milliards de dollars de PIB nominal, soit environ 6,99%3
de la population pour
20,85%4
de la richesse mondiale. Quant à la Chine, elle représente 1,3645
milliard
d’habitants et 10 3516
milliards de dollars de PIB, soit 18,78% de l’humanité contre
seulement 13,30% de l’économie mondiale. Le déséquilibre entre l’importance
démographique de la Chine, qui est 2,5 fois plus peuplée que l’Union Européenne, et
son infériorité économique face aux 28 qui, unis, supplantent son PIB de plus de
moitié, est patent.
Si le décalage entre peuplement et répartition des richesses semble jouer en faveur de
l’UE, en terme de relations commerciales, la balance des paiements est nettement
favorable à l’Empire du Milieu. Observant les chiffres des deux partenaires, il
apparaît que la République Populaire de Chine subjugue l’Union Européenne de
quelques 180,067
milliards d’euros de déficit commercial quant à l’année 2015.
Effectivement, lorsque l’UE se fournit à l’import pour 350,436 milliards d’euros de
marchandises et de services en provenance d’Extrême Orient, elle ne compte que
170,376 milliards d’euros de recettes quant à son versant export. Constituant un
volume annuel total d’échange de 520,812 milliards d’euros, la Chine est le deuxième
partenaire de l’Union Européenne (derrière les Etats-Unis, avec un total annuel de
1	Eurostat,	Population	Union	Européenne	
2	Ibid.,	PIB	de	l’UE		
3	Banque	mondiale,	Population	total	
4	Statistica,	Global	gross	domestic	product	
5	Banque	mondiale,	Population	chinoise	
6	Ibid.,		PIB	Chine	
7	European	Commision,	Directorate	General	for	Trade,	European	Union,	Trade	in	goods	with	China,	2015
6
620,3068
milliards d’euros en 2015). En ce qui concerne la Chine, l’UE est son
premier partenaire, auprès duquel elle opère, de surcroît, un excèdent commercial
stratégique pour son économie largement basée sur l’exportation de produits
manufacturés (22,4% du PIB en 2015)9
. La situation de 2015 reflète assez fidèlement
le paradigme du commerce bilatéral sino-européen des dix années précédentes.
Cependant, cette configuration est à l’opposé de celle qui prévaut de la fin du XIXème
au début du XXème
siècle, quand la Chine, considérée en situation de retard
technologique et social vis-à-vis des nations occidentales, notamment européennes,
est contrainte de briser son autarcie marchande au profit de ces dernières.
Défaite par deux fois - Guerres de l’opium10
- par le tentaculaire Empire Britannique,
soutenu entre 1856 et 1860 par les Américains, les Français et les Russes, la dynastie
des Qing se voit imposer une série de traités dits « inégaux » visant à forcer
l’ouverture de son vaste marché intérieur aux produits occidentaux. La Chine est
encerclée par les empires européens présents en Asie : le Royaume-Uni au Sud avec
les Indes, la France au Sud-Est avec la Cochinchine, les Etats-Unis dans le Pacifique
avec les Philippines. Partant, de nombreux ports de la côte Est sont ouverts au
commerce mondial puis déclarés francs avant d’être sommés d’accueillir des
concessions étrangères et parfois même d’être cédés, tel Hong Kong qui devient une
dépendance de la couronne d’Angleterre. Le produit phare des exportations
britanniques est alors l’opium, cultivé et transformé aux Indes et qui déferle par ces
têtes de pont côtières pour contaminer jusqu'à l’arrière pays. L’Empire du Milieu,
rebaptisé « homme malade de l’Asie de l’Est », est humilié, intoxiqué par un exclusif
colonial qui bride largement sa capacité à exporter. Cette crise profonde de la société
chinoise va entrainer la chute de son régime féodal : en 1912, la République est
proclamée. Cependant, ce bouleversement politique ne signe pas le glas de l’emprise
étrangère sur le pays : le pouvoir central est accaparé par l’occupant japonais et un
triple front met encore plus à mal l’économie du pays. En effet, l’opposition à
l’impérialisme nippon se scinde en deux factions aux influences antinomiques
représentés par deux partis politiques, l’un nationaliste et l’autre populaire. Cette
confrontation tripartite donnera lieu à des collaborations conjoncturelles entre
communistes et nationalistes, témoignant d’un semblant d’unité national, mais
8	European	Commision,	Directorate	General	for	Trade,	European	Union,	Trade	with	USA,	2015	
9	Banque	Mondiale, Exportations de biens et de services (% du PIB)	
10	Première	guerre	de	l’opium	:	1839-1842,	deuxième	guerre	de	l’opium	:	1856-1860.
7
laissera l’économie et le commerce international exsangues, relayé au second plan
face à l’urgence de l’envahisseur.
Du coté européen, le début du XXème
siècle est placé sous le signe de la prospérité et
du progrès. Certes, l’unité n’est pas envisagée, mais les Royaumes sont devenus des
Républiques, puis des Empires inspirant à l’expansion territoriale. Toutefois, les
rivalités pour l’hégémonie provoquent un conflit mondial sans précédent, puis un
deuxième, tout aussi ravageur pour les économies du continent. Au cours des deux
décennies qui suivent l’armistice, les Empires défaits se séparent de la majeure partie
de leurs anciennes enclaves extra-continentales : c’est le début des revendications
d’indépendance et de la construction du grand projet politique et économique qu’est
l’Union Européenne. Initiée avec la Communauté Européenne du Charbon et de
l’Acier en 1951, l’UE forme, traités après traités, un bloc régional fort et articulé
autour d’un dogme socio-économique : le libéralisme. Ce libéralisme, qui caractérise
le bloc de l’Ouest, se heurte indirectement mais à de nombreuses reprises avec le bloc
communiste établi à l’Est, et dont la Chine fait partie.
Alors que les nations européennes se font face sur le continent comme dans leurs
colonies au cours des deux conflagrations, les Chinois sont entrés en guerre civile. A
l’issue de la Seconde Guerre Mondiale et de la capitulation de l’occupant japonais, le
conflit s’intensifie jusqu'à déboucher sur la victoire des communistes qui proclament
la République Populaire de Chine en 1949. Alliée aux soviétiques et opposée aux
impérialistes qui l’ont humiliée durant le siècle précédant, la Chine devient une
économie socialiste, planifiée et isolée du reste des nations non-communistes.
Pendant plus de vingt-cinq ans de Guerre Froide, la RPC et l’UE sont entravées dans
leurs échanges par leurs idéologies respectives quand, en 1975, Mao Zedong mandate
son Premier Ministre, le réformateur Zhou Enlai, afin de mettre en œuvre les « 4
réformes » qui ouvriront la pays et son économie sur le monde.
Au début des années 80, la Chine est pauvre et largement rurale ; son économie
encore refermée sur elle-même, peu complexe et interconnectée. Cette situation, qui
semble de prime abord peu favorable à une insertion triomphante dans une
mondialisation accélérée par les innovations techniques et technologiques, est
exploitée à bon escient par les Chinois. Effectivement, cette gigantesque population
rurale devient un réservoir illimité de main d’œuvre bon marché pour les usines de la
8
côte Est. L’exode rural est de taille puisqu’entre 1981 et 2003 la part des chinois
vivant dans les campagnes passe de 80 à 6011
% de la population. En 2015, cette part a
diminué pour ne peser plus que 44%. L’atout démographie représente un avantage
comparatif hautement concurrentiel vis-à-vis des autres pays puisqu’il induit un coût
salarial bas dans le secteur manufacturier. Ces faibles coûts attirent les entreprises
étrangères qui délocalisent leurs productions afin d’accroître leur marge ou bien de se
livrer à une guerre des prix, parfois les deux. De plus, les infrastructures permettant
l’exportation, tels que les ports, sont déjà développés depuis l’époque coloniale. Les
concessions occidentales ayant principalement un but marchand, le bon état des ports
est garanti, l’insertion dans le commerce mondial en est facilitée. Ainsi, les têtes de
pont où débarquait autrefois l’opium sont transformées en vastes ports conteneurisés,
véritable symbole de la mondialisation des échanges. A l’aube du XXIème
siècle, la
Chine passe de « l’homme malade de l’Asie de l’Est » à « l’atelier du monde », 7 des
10 plus grands ports mondiaux sont situés sur sa côte, nombre d’entre eux ayant abrité
des concessions occidentales. Cet essor commercial est couronné par l’entrée de
l’Empire du Milieu dans l’Organisation Mondiale du Commerce en 2001.
Désormais, la Chine affronte les nations occidentales d’égal à égal dans une
compétition économique globalisée qui lui a permis de reprendre le rang qu’elle
considère avoir tenu durant plusieurs millénaires, celui de nation de premier ordre.
Aujourd’hui, elle est parfois désignée comme le « Banquier du monde » du fait de ses
larges réserves de change et de bons du trésor américain, véritable trophée dans cette
nouvelle sorte de guerre.
Il apparaît clairement que la puissance commerciale chinoise repose sur son
déploiement maritime. Le contrôle regagné qu’elle opère sur sa longue façade côtière,
ainsi que dans plusieurs concessions portuaires et autres terminaux en eaux profondes
à l’étranger (Kyaukpyu au Myanmar, Chittagong au Bangladesh, Pirée en Grèce etc.),
facilite l’accès à un marché-monde d’une profondeur peut-être inégalée dans
l’histoire. Les entreprises occidentales ont, elles-aussi, grandement bénéficié du
« made in China » qui a fait chuter leurs coûts de production, accru le pouvoir d’achat
de leurs consommateurs historiques et sollicité les services de grandes compagnies
maritimes telles que MSC, CMA-CGM ou Maersk.
11	Banque	mondiale,	Population	rurale	de	la	Chine
9
La domination du fret maritime sur les autres modes s’explique donc en partie
historiquement. Sur le plan technique, les innovations apportées par les constructeurs
de cargo ont aussi joué en faveur du secteur. En effet, les porte-conteneurs géants ont
permis des économies d’échelles significatives quant aux coûts du transport entre les
zones fournisseuses de consommables, la Chine productrice et les marchés mondiaux.
La chaîne logistique sur laquelle se crée la valeur au niveau planétaire repose ainsi sur
une division internationale du travail, elle-même rendue possible par le transport de
grands volumes de marchandises en mer.
Dans un contexte de suprématie du transport maritime quant aux échanges entre
l’Europe et la Chine, il est étonnant de voir les plus hautes instances du Parti
Communiste Chinois promouvoir un mode de transport comme oublié de la
mondialisation des échanges: le ferroviaire. En 2014, à l’occasion d’une tournée
diplomatique européenne, le président chinois Xi Jingping en personne se rend à
Duisbourg, importante plateforme logistique située dans le Basin de la Ruhr en
Allemagne, afin d’accueillir un train convoyant des marchandises en provenance de la
ville-préfecture de Chongqing dans le centre de la Chine. Qu’est-ce qui motive alors
un si fort intérêt de la part des Chinois pour ce mode de transport en apparence limité
par le volume ? Qu’est-ce qui conditionne l’accueil positif de la contrepartie
européenne pour le chantier d’infrastructure eurasiatique, voulu par les autorités
chinoises ? En somme, quelle est la place du segment ferroviaire au sein du ce marché
du transport sur lequel repose plus de 500 milliards d’euros d’échanges annuels ?
Afin de tenter de répondre à cette question, je vais analyser les tenants et aboutissants
de ce segment qui évoque dans l’imaginaire collectif la Route de la Soie antique. Pour
ce faire, j’analyserai dans un premier temps l’environnement dans lequel évolue le
ferroviaire eurasiatique, sur le plan macroéconomique mais aussi du point de vue
technique, en observant les infrastructures historiques et contemporaines qui dessinent
les axes de transport. Puis, dans un deuxième temps, je m’intéresserai aux acteurs qui
constituent ce segment : les chargeurs en amont et les transitaires en aval. Dans un
troisième et dernier temps, je procéderai à l’analyse concurrentielle du segment
ferroviaire en interne puis vis-à-vis du reste du marché du transport entre l’Europe et
la Chine, c’est-à-dire du maritime et de l’aérien.
10
Partie 1 : Un environnement conjoncturellement porteur ?
En divisant le marché du transport de marchandises entre l’Europe et la Chine en trois
segments correspondants à des modes – maritime, aérien et ferroviaire – on peut
constater que le segment ferroviaire bénéficie d’un dynamisme et d’une couverture
médiatique qui détonne avec le reste du marché. Au fur et à mesure que de nouvelles
routes s’ouvrent, alors que ces événements sont autant d’occasions de rencontres,
aussi bien pour les industriels issus de part et d’autre du continent eurasiatique que
pour les représentants gouvernementaux, il semble nécessaire d’analyser
l’environnement du ferroviaire eurasiatique afin de mesurer l’impact de celui-ci,
potentiellement positif comme négatif, sur son évolution. C’est l’objectif de cette
première partie. Je considèrerai d’abord l’environnement macroéconomique. Pour
mener à bien cette étude, je vais utiliser la méthode dite « PESTE », attribué à Francis
J. Aguilar, professeur à Harvard, et qui porte sur les dimensions politique, socio-
économique, technologique et environnementale du sujet. A l’occasion d’une seconde
sous-partie, je vais examiner les caractéristiques techniques des voies ferrées qui
accueillent le fret en provenance de Chine vers l’Europe, et vice-versa, dans le but
d’identifier leurs forces et faiblesses.
1.A. L’influence des facteurs macroéconomiques
Politique
Les réseaux ferrées sont des infrastructures couteuses qui, à l’échelle d’un pays
comme d’un continent, nécessitent le recours à un important capital ainsi qu’à des
concepteurs hautement qualifiés. Les ressources financières, matérielles et humaines
sollicitées sont telles qu’une entreprise privée seule ne pourrait pas en assumer la
charge par elle-même, aussi le développement de ce type d’infrastructure est-il
souvent le fait des Etats. Par ailleurs, il s’agit là de l’aménagement du territoire, celui-
ci influence l’ensemble des habitants d’une aire géographique, et ne peut par
conséquent être décidé unilatéralement par un organisme qui vise son propre profit et
non celui de la communauté. La dimension politique est alors de premier ordre, les
pouvoirs publics intervenant en amont à la construction et en aval à l’exploitation via
des joint-ventures publique-privé.
11
Evoquant le transport de marchandises par voie ferroviaire entre l’Europe et la Chine,
le projet bénéficiant de l’écho médiatique le plus retentissant ces dernières années est
l’ambitieuse politique chinoise d’investissement et de développement dénommée
« Ceinture économique de la route de la soie et route maritime de la soie du XXIème
siècle », abrégée en « Une ceinture, une route » (One Belt, One Road en anglais, ou
OBOR). Surfant sur la symbolique forte de la route de la soie, cette politique de
développement économique est considérée par certains analystes comme le « Pivot
eurasiatique » chinois, en analogie avec le « Pivot asiatique » étasunien, et venant
contrebalancer ce dernier12
. Il s’agit entre autres d’un projet multi-modal visant à
renforcer la connectivité - donc l’interdépendance - de la Chine avec le reste du
continent eurasiatique et ses partenaires moyen-orientaux par le biais d’un « collier de
perles » constitué de concessions portuaires en eaux profondes réparties depuis le
Détroit de Malacca jusqu’à la Méditerranée en passant par Bab-el-Mandeb, mais aussi
via le prolongement du réseau ferré chinois à travers sa province la plus occidental –
le Xinjiang – jusqu’au Kazakhstan afin de rallier la Russie puis l’Europe13
.
En ce qui concerne la partie russe, elle bénéficie, par sa position géographique
limitrophe de l’Europe et de la Chine, d’une voie pouvant relier les deux ensembles –
la ligne trans-sibérienne et ses capillaires trans-mongolien et trans-mandchourien – et
peut ainsi mettre en avant une ligne rodée. Cependant le projet chinois, plus au Sud,
vient concurrencer l’ex-monopole en terme de liaison ferroviaire eurasiatique. Cette
compétition représente une pierre d’achoppement dans le rapprochement sino-russe
qui semble avoir lieu depuis à crise ukrainienne de 2014 et pose également la question
du leadership en Asie centrale.
Socio-économique
Evoqué plus tôt, le modèle économique qui a porté l’Empire du Milieu jusqu’à sa
place de deuxième puissance mondiale (en terme de PIB nominal) est résolument basé
sur l’export et l’investissement directe étranger, notamment vers les capacités de
production dont sont issues les biens commercialisés en dehors des frontières.
Bénéficiant d’une compétitivité forte sur les marchés extérieurs grâce à une main
d’œuvre à bas coûts, le pays a vu son produit intérieur brut croître en moyenne de
12	ZHU,	Zhiqun.	China’s	AIIB	and	OBOR:	Ambitions	and	Challenges.	The	Diplomat,	9	octobre	2015	
13	Annexe	1	:	Carte	OBOR
12
16,6% par an entre 2000 et 201414
. Aujourd’hui cette dynamique semble être rompue,
du moins altérée, en témoigne le taux de croissance des six premier mois de 2015,
ayant chuté à 7%, soit le plus bas niveau depuis 200915
. De plus, le total des
importations et des exportations a décru de 6,9% sur le premier semestre de 2015 vis-
à-vis de l’année précédente.
Dans un contexte de ralentissement global des échanges, la Chine doit faire face à
plusieurs phénomènes intrinsèques aggravants : perte de compétitivité de ses produits
à l’export liée à l’augmentation des salaires, surcapacité de production dans de
nombreux secteurs tels que l’acier, le ciment, l’aluminium ou bien la construction
navale et qui mine leur rentabilité. En somme, la Chine est confrontée à une crise de
son modèle économique de pays en développement – basé sur la consommation
extérieure et l’investissement endogène - et opère plusieurs réformes vers un modèle
correspondant à un pays en stade avancé de développement – et qui se base sur sa
consommation endémique et les investissements hors du pays. En outre, la RPC tend
vers la fabrication de biens plus haut-de-gamme en adéquation avec une main
d’œuvre dont le salaire a augmenté en moyenne de 1216
% par an depuis 2001.
Par ailleurs, les inégalités de développement entre la côte Est et l’intérieur du pays
représente un défi pour l’Etat chinois qui cherche à harmoniser géographiquement la
création de richesse17
. De là, un moyen de procurer une profondeur de marché export
à ces poches de sous-développement - regroupés dans les provinces internes et
occidentales - consiste à relier ces dernières directement à l’Europe grâce au
déploiement de lignes de chemin de fer. De surcroît, si une montée en gamme est
effectivement observée quant aux marchandises conçues dans ces régions, le mode
ferroviaire – présumé plus coûteux que le maritime à cause des faibles volumes
transportés – pourrait se révéler adéquat, les coûts étant absorbés par de plus fortes
marges. En reliant les provinces centrales de la Chine au cœur de l’Union Européenne
à l’aide de voies ferrées, les autorités cherchent à encourager des relations
commerciales, escomptées synergiques, et qui renforceraient l’interdépendance
économique entre les deux espaces.
14	TCAM	PIB	chinois	en	dollars constants, Banque Mondiale, PIB Chine	
15	Fondation	Robert	Schuman,	Question	d’Europe	n°376	:	L’impacte	de	la	situation	économique	chinoise	sur	les	
relations	Europe-Chine	
16	Ibid.	
17	Annexe	2	:	Carte	répartition	de	la	population	et	de	la	richesse	en	Chine
13
En revanche, les liaisons ferroviaires, reposant sur l’énergie électrique – produite
principalement à partir du charbon en Chine – ne bénéficient que faiblement des bas
cours du pétrole. En effet, l’indice Brent est passé de 115 dollars à l’été 2014 à
environ 50 dollars à l’été 201518
, laissant penser à certains analystes un retournement
sur le long terme du paradigme des prix de l’énergie. A l’inverse, les prix peu élevés
des hydrocarbures bénéficient grandement au segment maritime dont les charges
d’exploitation dépendent amplement.
Technologique
Du point de vue technologique, le fret ferroviaire eurasiatique repose sur une
technique rodée, le concept même du chemin de fer remontant à la Révolution
Industrielle. Toutefois, des innovations ont émergé au cours des décennies afin de
perfectionner l’efficacité du train. Principalement, les motrices à vapeur
traditionnelles – fonctionnant au charbon et donc fort polluantes – ont été remplacées
par des machines dont les moteurs sont alimentés par d’autres types de carburants
(type fioul, tout aussi polluant mais plus ergonomique) ou bien directement par un
réseau électrique greffé le long du circuit grâce aux caténaires. D’autres sources
d’énergie sont envisagées par les industriels du rail telles que la pile à combustible
consommant l’hydrogène obtenu à partir du gaz naturel19
.
En ce qui concerne les itinéraires intercontinentaux qui permettent la jonction
européo-chinoise, ils sont complètement électrifiés. De la question du mix
énergétique des pays hôtes des tronçons constituants ces axes dépend alors
l’efficience énergétique et l’empreinte carbone du transport ainsi que son potentiel en
émission de gaz à effet de serre.
Environnemental
Depuis les années 70, la question environnementale est de plus en plus présente à tous
les niveaux de la société – Etats, entreprises, ONG, individus – en témoigne les cinq
Sommets de la Terre et les vingt-et-une Conférences des Parties. Faisant face aux
altérations écologiques engendrées par l’activité humaine, et particulièrement la
production de biens et services, les entreprises sont au cœur de l’action, au point
18	STACEY,	Kiran,	LIVSEY,	Alan.	Breaking	up	is	hard	to	do,	Financial	Time.	9	juin	2016		
19	BOURASSI,	Nabil.	Alstom	va	lancer	un	train	à	pile	à	combustible	en	Allemagne,	La	Tribune	(en	ligne).	24	
septembre	2014
14
d’entériner l’effort au sein d’une discipline à part entière : la RSE (Responsabilité
Sociale et Environnemental). Cette facette de l’organisation mise sur sa capacité à
propager une onde positive à l’impact avec ses marchés, que ce soit sur le plan
humain comme environnemental. Dans ce contexte, les processus liés au transport de
marchandises – souvent pointé du doigt pour leur répercussion néfaste sur la qualité
de l’air – sont repensés vers plus de « vert », c’est-à-dire des moyens de transport
moins polluants. Ainsi la lutte contre le réchauffement climatique représente une
opportunité pour le fer, présumé moins lourd pour l’environnement, car alimenté par
l’énergie électrique. Cette problématique sied singulièrement aux entreprises
résidentes des pays fortement pollueurs tels que la Chine (10,3 milliards de tonnes de
CO2 émises en 2013, soit 29% des émissions mondiales, contre moins de 4 milliards
en 2002)20
ou l’Allemagne (2,4% des émissions globales, en augmentation de 2,4%
par rapport à 2012)21
.
A l’opposé, le réchauffement climatique conduisant à la fonte des glaces du Pôle
Nord représente une menace en cas de viabilité du trafic maritime par l’Arctique. En
effet, une navigabilité en Arctique pourrait raccourcir le périple en mer entre
Rotterdam et Shanghai de 19550 à 15793 km22
, mettant en péril l’avantage
concurrentiel du fer quant aux délais. Quoi qu’il en soit, cette hypothèse est largement
balayée par les commentateurs du projet qui remettent systématiquement en cause la
viabilité d’un tel itinéraire.
20	PBL	Netherlands	Environmental	Assessment	Agency,	Trends	in	Global	co2	emissions,	2014	Report	
21	Ibid.	
22	LASSERRE, Frédéric. Vers une autoroute maritime ? Passages arctiques et trafic maritime international (p.6)
15
1.B. Infrastructures anciennes et nouvelles
A l’occasion de cette seconde sous-partie, je vais analyser l’histoire, la géographie
ainsi que les caractéristiques des infrastructures ferroviaires qui composent les axes de
transport de marchandises entre l’Union Européenne et la Chine. J’ai identifié deux
axes principaux, communément appelés corridors, articulés autours des réseaux de
chemins de fer nationaux qui s’étendent horizontalement des confins occidentaux aux
confins orientaux du continent eurasiatique, et vice-versa. Ces deux corridors
évoluent parallèlement, et bien que leur standard industriel, tout comme les intérêts
qu’ils portent, soient parfois antinomiques, leur objet les fait converger.
Le Corridor Nord
Cet axe est le premier à émerger en tant que liaison quasi directe entre les deux aires
géographiques dont il est question dans ce mémoire, il est majoritairement bâti autour
de la ligne trans-sibérienne. Cette ligne est initialement un projet politique de
développement économique qui vise à relier la Russie dite « européenne » à son
pendant « asiatique ». L’instigateur de ce projet, qui reste aujourd’hui encore
phénoménal de par ses proportions, est l’avant-dernier Tsar de Russie, Alexandre III
(1845 – 1894) qui en 1891 décrète l’extension du tronçon qui relie Moscou à Oufa via
Samara jusqu'à la ville de Vladivostok sur l’océan Pacifique. La ligne est
officiellement inaugurée en 1904 par le fils d’Alexandre III, le Tsar Nicolas II (1868 –
1918), dernier membre de la famille Romanov à régner sur la Russie.
Depuis Moscou jusqu’à Vladivostok, la ligne s’entend sur 9968 km de double voie
électrifiée, reliant presque un millier de gares passager. C’est la principale ligne de
Russie. Elle permet à la fois le transport des passagers et celui des marchandises, ces
dernières demeurant prioritaires. En 2012, cette ligne assure le transit des 67% du
trafic international de marchandise via le fer russe, soit 111,2 millions de tonnes de
fret23
. Un train de marchandises met 7 jours pour relier Moscou à Vladivostok, et une
quinzaine de jours pour relier Hambourg à Harbin en Chine via le capillaire trans-
mandchourien24
.
23	GRAS,	Thomas.	Où	en	est	le	transport	ferroviaire	de	marchandises	en	Russie	?	Le	courrier	de	Russie.	29	
avril	2013	
24	Russian	Railways,	Freight	on Eurasian routes
16
Si la ligne historique Moscou – Vladivostok est bel et bien russo-russe, elle compte
également plusieurs lignes connexes créant une formation réticulaire autour de
plusieurs gares limitrophes. En Occident, les capillaires s’étendent jusqu’aux capitales
d’Europe de l’Est (Odessa, Kiev, Budapest etc.) et du Nord (Vilnius, Riga, Helsinki
etc.) pour atteindre Berlin et Rotterdam. En Orient, les correspondances atteignent les
provinces « Mandchoues » de Chine du Nord-Est via le capillaire Chita (Russie)-
Manzhouli (frontière russo-chinoise)-Harbin (Chine) ou bien Pékin via Oulan-Oude
(frontière russo-mongole)25
.
Le réseau ferré de la Fédération de Russie, hérité de l’Union Soviétique, présente une
altérité notable vis-à-vis des blocs géopolitique limitrophes : l’écartement des rails.
Cette spécificité́ technique est à prendre en considération dans le cadre du transport
international. En effet, il existe un nombre pléthorique d’écartements à travers les
pays et les continents, toutefois un standard prime : l’écartement de 1435 mm26
. Dans
ces conditions, comment transiter d’une zone à une autre ?
Le transfert des trains depuis les zones au standard européen et chinois vers la
Fédération de Russie et le Kazakhstan, et vice-versa, comporte une étape de rupture
de charge où les essieux des trains sont inter-changés. Les essieux des trains font
partie d’un ensemble moteur - frein - suspensions intégré dans un bâti et que l’on
appelle un bogie. Les bogies sont fixés aux voitures passagères pour former des
rames. Lors de la rupture, les trains sont immobilisés sur un quai spécialement équipé́
de bornes de sustentation qui, une fois les bogies détachés de la voiture, soulèvent le
train suffisamment haut pour que celui-ci laisse passer les blocs essieux. Les bogies
du calibre amont sont alors remplacés par ceux de calibre aval, et le train reposé sur
ces derniers. Cette étape peut prendre entre 30 minutes et deux heures selon la taille et
le poids du train, elle permet de ne pas transvaser les voyageurs vers un autre train.
Néanmoins, la conteneurisation progressive du transport quant aux produits
manufacturés rend possible un transfert rapide des boîtes depuis un train vers un
autre, depuis un écartement de rail vers un autre. Pour ce faire deux solutions plus ou
moins rapides et efficaces sont en concurrence : soit un portique sur rail munie d’une
grue amovible fait le lien entre les trains disposés côte à côte, soit un camion muni
d’une grue, un stacker, transporte les conteneurs un à un d’un train à un autre. La
25	Annexe	3	:	Carte	du	réseau	trans-sibérien		
26	Annexe	4	:	Carte	de	la	répartition des écartements de rail
17
solution du portique semble privilégiée par les opérateurs du rail de part et d’autre de
la « zone 1520 ».
Les points de « break of gauge » et donc de transbordement sont, en orient : les villes
de Zamyn-Uud (Mongolie) et Erenhot (Chine) sur le capillaire trans-mongolien, les
villes de Zabaikalsk (Russie) et Manzhouli (Chine) sur le capillaire trans-
mandchourien. En occident, une partie des ex-Républiques Socialiste Soviétique telles
que l’Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie et les Pays baltes appartiennent encore à la
zone d’écartement 1520 mm, un transbordement est donc nécessaire aux frontières
avec la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne.
Le Corridor Sud
Au cours de la période maoïste, la Chine est isolée du reste du monde en dehors des
autres nations socialistes. Or plusieurs de ses voisins font partie du bloc de l’Est,
comme la Russie, la Mongolie et le Kazakhstan. La connectivité avec ces nations
« soeurs » et limitrophes est alors encouragée par le régime : le prolongement du
réseau vers l’ouest est la première pierre d’un pont continental encore exploité à ce
jour. Pour ce faire, le réseau chinois repose principalement sur ses deux connexions
avec la ligne trans-sibériennes et peine à atteindre le Kazakhstan. Aussi la ligne
Lanzhou-Xinjiang (LanXin) est-elle consolidée à partir de 2009 afin de favoriser le
fret et de relier la ville centrale de Lanzhou, dans le Gansu, et la ville d’Urumqi, dans
la province la plus occidentale de Chine, le Xinjiang, sur une double voie électrifiée.
Les lignes de chemin de fer chinoises sont alors opérationnelles pour le déplacement
des marchandises depuis le centre, telles les provinces du Sichuan, du Shaanxi ou du
Gansu, esquivant le plateau tibétain pour s’enfoncer dans le désert de Gobi. Par la
suite, le réseau ferré pénètre au Kazakhstan via la ville chinoise d’Alashankou et sa
jumelle kazakhe Dostyk au niveau du col d’Alatau. Ultérieurement, les lignes s’étirent
à travers le Kazakhstan jusqu’à la frontière Kazakh-Russe et la partie la plus
occidentale de la Fédération de Russie. L’Europe, est toute proche27
. Seulement, il
n’est pas physiquement possible aux acteurs chinois d’établir une ligne directe Chine-
Europe sans passer par la Russie, du moins en empruntant le chemin nord, le plus
rapide et le plus sûr politiquement. Il est en effet envisageable de passer par le
Moyen-Orient pour joindre l’Europe via l’Asie-centrale, l’Iran et la Turquie, toujours
27	Annexe	5	:	Carte du corridor Sud
18
est-il que le jeu géopolitique ne permet pas l’avènement d’une telle route, du moins
pas pour le moment.
La ligne pionnière de cet axe méridional est la ligne Yuxinou. Yu renvoi à la ville de
Chongqing, son départ et qui est parfois surnommé Yu, Xi à la province autonome
ouïgour du Xinjiang et enfin Ou à l’Europe. Elle fut inaugurée en 2013.
Le réseau ferré chinois se caractérise par son homogénéité́ avec le standard 1435 mm
d’écartement des rails, il est électrifié́ et comporte une majorité́ de double voie.
Depuis Chongqing jusqu’à Duisbourg, la ligne s’étend sur 11179 km. Lorsque les
trains cargo traversent la frontière sino-kazakhe, un transbordement des conteneurs est
nécessaire, de même qu’à l’entrée en Biélorussie. Le périple s’effectue en 17 jours.
En 2015, les autorités du rail kazakh dénombrent quelques 4200028
conteneurs en
transit entre l’Europe et la Chine sur l’axe Yuxinou.
Il existe une volonté́ de créer des jumelages économiques entre les villes chinoises
continentales et les villes européennes autour des routes proposées par l’exploitant
chinois du corridor Sud, par exemple la ligne reliant Suzhou, dans le Jiangsu, à
Varsovie en Pologne, Lianyungang, également dans le Jiangsu, à Rotterdam en
Hollande, Chengdu, dans le Sichuan à Lodz en Pologne.
Pour clôturer cette première partie, rappelons que dans un contexte économique
globalement morne, les relations commerciales sino-européenne restent en croissance,
à l’instar des échanges avec les provinces les moins avancées de Chine intérieure. Ce
dernier point est le fait de l’Etat chinois, soucieux d’équilibrer le développement
économique en reliant ces zones cibles à leurs marchés export via le train, un mode
rapide, écologique et désenclavant.
Par ailleurs, les autorités russes et chinoises cherchent à améliorer la connectivité de
leur réseau ferré en harmonisant, sur le plan technique, le transport d’un confins à
l’autre du continent, via leur corridor de prédilection, respectivement septentrional et
méridional.
Nous allons voir comment cette volonté politique rencontre la conjoncture
économique et les contraintes techniques du mode de transport, et comment cela
influence l’offre et la demande en Chine et en Europe.
28	SHEPARD, Wade. Why The China-Europe 'Silk Road' Rail Network Is Growing Fast. Forbes Asia. 28 janvier
2016
19
Partie 2 : Vers un équilibre entre l’offre et la demande sur le
segment ?
Le segment ferroviaire, issu du marché du transport eurasiatique, trouve son origine
dans le besoin du service de fret par les entreprises importatrices et exportatrices de
part et d’autre du continent. A la rencontre de cette demande, l’offre est constituée
d’une multitude d’operateurs-prestataires intervenant à plusieurs niveaux : transitaires
ou commissionnaires. Nous allons voir que la nature juridique des entreprises
offreuses, tout comme leurs clients et leurs compétiteurs, dépend pour beaucoup de
leur emplacement géographique. Pour mener à bien l’analyse du segment, j’ai retenu
le modèle analytique dit des « 3C » (Corporation, Customer, Competitors), création
de Kenichi Ohmae, stratégiste, homme d’affaire et universitaire japonais, et qui va me
permettre de comprendre le positionnement des entreprises offreuses, en amont, et des
demandeuses, en aval, le but étant de saisir les relations entre les parties.
2.A. Les opérateurs
Chronologiquement, la première organisation à avoir connecté l’Orient et l’Occident
par le fer est l’opérateur de la ligne transsibérienne : les Chemins de Fer Russes.
Aujourd’hui, ils sont regroupés au sein de Russian Railways (RZD), une holding à
l’organigramme tentaculaire et qui est partie prenante dans les activités se déroulant
sur le corridor Nord comme Sud. Initialement publiques, les Chemins de Fer Russes
sont en partie privatisés à la chute de l’URSS. Pourtant, par le biais d’un partenariat
publique/privé sous forme d’open joint stock, l’entreprise reste dans le giron de l’Etat
qui compte en faire un champion national. Elle est garante du 3ème réseau ferroviaire
mondial, compte 1,2 millions d’employés et concentre 1,7% du PIB russe29
. RZD
Holding, la maison mère des pléthoriques filiales du groupe, assure d’une part le
transit sur l’axe transsibérien via des entités endogènes (RZD Logistics,
TransContainer, etc.), et, d’autre part, est financièrement impliquée dans certaines
entreprises concurrentes mises sur pied à l’occasion de l’ouverture du corridor Sud,
remettant en avant ce mode de transport continental.
29	Russian Railways, Investor Relations
20
En effet, ce corridor, contraint par un contexte géopolitique tendu au Moyen-Orient,
n’a d’autre choix que de sillonner la Fédération de Russie. Les entreprises transitaires
souhaitant proposer un service ferroviaire eurasiatique, doivent ouvrir leur capital à
RZD pour pouvoir opérer sur son territoire. Partant, l’entreprise est impliquée dans la
société Yuxinou Logistics au côté du gouvernorat de la ville de Chongqing, de China
Railway Corp, de Kazakhstan Railway et de Deutsche Bahn. Elle est également
impliquée dans des joint-ventures cherchant à attirer les chargeurs occidentaux via
leur site internet ergonomique et anglophone: Far East Land Bridge (FELB, à hauteur
de 75,52%), Trans Eurasian logistics (TEL, à hauteur de 30% via RZD Logistics et de
20% via TransContainer), Gefco (ancienne division logistique de Citroën, pour près
de 75%).
RZD capitalise sur sa proximité culturelle ainsi que sur des liens étroits avec son
partenaire allemand Deutsche Bahn pour promouvoir le mode ferroviaire vis-à-vis du
maritime et de l’aérien auprès des industriels européens exportant en Chine. Par
ailleurs, ses clients comptent naturellement les industriels russes.
Du côté occidental toujours, la division fret des Chemins de Fer Allemands (DB
Schenker), compte parmi les opérateurs incontournables. Effectivement, la première
et plus importante liaison usant du corridor Sud – la ligne Yuxinou – atteint son
terminus au cœur de la Ruhr, à Duisbourg en Allemagne. La Germanie étant le
premier partenaire commercial de la Chine au sein de l’Union Européenne,
accueillant 104,830
milliards de dollars d’import en 2014, le tracé de cette ligne ne
doit rien au hasard.
Ainsi DB Schenker est, à l’instar de RZD, pécuniairement impliqué dans plusieurs
joint ventures positionnées en offreur du service côté européen tel que Yuxinou
Logistics et TEL.
En Chine, la distribution de l’offre suit un schéma légèrement diffèrent, ce dernier
s’articule autour des couplages entre les municipalités de l’Empire du Milieu et leurs
homologues européennes, suivant les routes ouvertes au fur et à mesure en parallèle
de l’axe Yuxinou, pionnier en la matière. Ce dernier est exploité par Yuxinou
Logistics, une joint venture internationale présentée ci-dessus. Effectivement, une fois
l’opérabilité de cette route entérinée par plusieurs milliers de TEU échangés, le
30	De GRANDI, Michel. Routes de la soie: le plan de Pékin pour dominer le monde. Les Echos. 29 janvier 2016
21
couplage avec d’autres métropoles de part et d’autre du continent parut aux autorités
provinciales chinoises une façon d’agrandir le volume des marchandises exportées sur
le corridor.
Ainsi, la route Chengdu (Sichuan) – Lodz (Pologne) ouvre en avril 2013 grâce au
concours de la joint venture sino-polonaise YHV Chengdu Hatrans, soutenue par le
gouvernorat du Sichuan. Elle intéresse les industriels du Sichuan et de Pologne quant
au recours au train pour leurs échanges eurasiatiques. La route Wuhan (Hubei) –
Pardubice (République Tchèque) est ouverte en avril 2014 avec la participation de la
municipalité de Wuhan et des Chemins de Fer Chinois. L’entité en charge est appelée
Wuhan An’ou International Logistics. Enfin, la route Zhengzhou (Henan) –
Hambourg ouvre en mai 2014 via l’appui des gouvernements de Zhengzhou et du
Henan 31
. L’opérateur est Zhengzhou International Hub Development and
Construction Co.
Chacune des entités en charge du transit au départ de la Chine sur les différentes
routes du corridor Sud est créée et subventionnée avec de l’argent public. Se posent
alors la question de la viabilité du modèle ainsi que celle de l’éthique commerciale
vis-à-vis des offreurs à capitaux privés, majoritairement occidentaux ou russes,
opérant sur le segment. Dans le but de rapprocher le tarif à la boîte appliqué au fer de
celui du maritime, le gouvernement de la ville de Chengdu a par exemple versé
quelques 3032
millions de yuans à l’exploitant en 2014, soit plus de 4,5 millions de
dollars.
Outre les entreprises chinoises et européennes proposant leurs services dans leur zone
de chalandise locale, plusieurs grandes entreprises de transport international, tels que
DHL ou UPS, sollicitent les services des transitaires susmentionnés en tant que
commissionnaires de transport pour le compte de leurs propres clients. De cette
manière, DHL transporte des marchandises entre l’UE et la Chine en utilisant la route
Hambourg - Zhengzhou33
.
31	Annexe	6	:	Les	routes du corridor Sud	
32	YANG, Jing. Silk Road subsidies undermine rail link. South China Morning Post. 8 décembre 2014	
33WILLIAMS, Marcus. DHL agreement builds on rail services between Europe and China. Automotive Logistics.
1er
juillet 2015
22
2.B. Les chargeurs
En Orient, les entreprises utilisatrices du service arborent deux caractéristiques
communes : elles vendent une part importante de leur production à l’export en
Europe, et sont regroupées dans des municipalités de Chine intérieure, où les
gouvernements centraux et régionaux cherchent à développer l’activité économique.
Le regain d’intérêt pour ce mode, onéreux vis-à-vis du maritime, est en grande partie
imputable à ce type de politique publique visant au rattrapage du retard accumulé par
certaines provinces continentales. Outre les zones économiques spéciales et les
déductions fiscales visant à l’implantation de firmes étrangères, comme locales, le
développement des infrastructures est également un facteur pris en compte par ces
dernières. De fait, une firme internationale venue installer une unité de production
manufacturière dans le centre de la Chine bénéfice d’avantages fiscaux, d’une main
d’œuvre ainsi que d’un coût global de la vie meilleur marché que sur la côte, mais
aussi d’un réseau ferroviaire interconnecté jusqu'à l’Europe et dont l’utilisation est
elle-même sujette à subvention.
Si l’on observe les modalités du fret ferroviaire eurasiatique en dehors des
subventions dont il bénéficie au départ de la Chine, il est approprié aux entreprises
souhaitant expédier des marchandises lourdes (entre un et trois m3 par tonne) et dont
la marge est suffisante pour absorber un tarif à la boite trois à cinq fois plus important
que par la mer. L’avantage concurrentiel réside dans les délais de transport, deux à
trois fois plus restreints. L’avantage comparatif en terme de délais n’est alors pas
nécessairement acceptable pour de nombreuses entreprises européennes, produisant
en Chine des biens manufacturés à faible marge tels que les jouets, le textile et autres
biens de grande consommation plus profitables aux distributeurs qu’aux producteurs.
L’attrait pour ce mode est alors limité aux firmes fabricant des produits à forte marge
(composants high-tech, électronique etc.). Les autorités régionales chinoises,
souhaitant attirer les investissements étrangers dans leurs circonscriptions,
subventionnent le fret ferroviaire jusqu'à ce que son tarif avoisine celui du maritime34
.
Un exemple emblématique de cette politique de soutien et de réactualisation du mode
réside dans le cas Hewlett-Packard à Chongqing.
34	YANG, Jing. Silk Road subsidies undermine rail link. South China Morning Post. 8 décembre 2014
23
HP, géant américain présent dans les secteurs de l’informatique, du numérique, des
logiciels, des réseaux etc. est implanté en Chine depuis 1998, à Shanghai, où il
produit ordinateurs, imprimantes et autres appareils électroniques. En 2008,
l’entreprise reçoit à son siège de Palo Alto un adjoint représentant le maire de la
municipalité de Chongqing. Celui-ci met en avant le passif industriel de la ville-
préfecture : d’abord martialement développée durant l’occupation japonaise, les
industries de la ville se concentrent sur la production d’appareils militaires. Puis, en
temps de paix, elle bénéfice de ce savoir faire pour se spécialiser dans l’automobile et
en devient la troisième productrice du pays35
. Le timing de la visite du représentant de
la ville n’est pas fortuit, Chongqing a pour ambition de se diversifier massivement
dans l’électronique, alors que la crise frappe et met à terre des villes dépendantes de
l’industrie automobile telle que Detroit. Misant sur des salaires relativement bas vis-à-
vis de la côte Est, d’une organisation industrielle expérimentée et de multiples
subventions, le pari est un succès : en 2013, la ville accueille une unité de production
HP ainsi que les usines de quatre des plus grandes marques d’ordinateur : Acer, Asus,
Toshiba et Sony. A leurs cotés sont installés leurs sous-traitant et fournisseurs tels que
Foxconn, Inventec et Wistron. La municipalité garantit au groupe l’accès à 80% des
composantes nécessaires à la fabrication des ordinateurs portables en local. En 2013,
les industriels de la municipalité de Chongqing produisent 55 millions de laptops pour
un chiffre d’affaire de 26 milliards de dollars (dont les deux tiers sont réalisés à
l’export entre l’Union Européenne et les Etats-Unis)36
. Ces ventes comptent pour 10%
du revenu industriel de la ville, une réussite pour les autorités ainsi que leurs
partenaires étrangers et chinois.
L’année 2013 est aussi celle de l’ouverture de la ligne ferroviaire Yuxinou aux
fabricants de la ville. Elle est testée et rôdée pendants plus d’un an et demi avec les
produits HP. Une fois les difficultés techniques, notamment liées au froid,
solutionnées grâce à des conteneurs intégrant une gestion climatique, le service de
transport sur la ligne va être commercialisé aux concurrents d’HP et essaimer dans les
villes chinoises à la recherche d’une solution globale de développement sensée attirer
les investisseurs étrangers.
35	AUTOMOTIVE INDUSTRY IN CHONGQING, SICHUAN AND HUBEI, 2014	
36	Chongqing : land of laptops. China Daily. 16 juin 2014
24
Aussi les entreprises potentiellement demandeuses sur ce segment sont probablement
celle qui bénéficieront, à l’instar de HP à Chongqing, de généreuses subventions
d’’utilisation indirectes, reversées aux opérateurs du rail. Pour ce qui est des
entreprises basées dans l’Union Européenne et cherchant à exporter en Chine, leurs
marges devront être à même d’absorber le surcout du ferroviaire. Plusieurs secteurs
d’activité tels que la pharmacie, l’automobile, l’agroalimentaire et la mode peuvent
être concernés. Les entreprises issues de ces secteurs cherchent à exporter leur image
qualitative auprès d’une classe moyenne chinoise grandissante. Par ailleurs, ces
dernières opèrent sur des marchés très réactifs où l’innovation et la primauté sont des
facteurs de vente importants.
Si l’offre, depuis la Chine vers l’UE, rencontre la demande, grâce à l’appui du
gouvernement, le segment du transport ferroviaire eurasiatique subit le déséquilibre
commercial que connaissent les transitaires au départ de l’Europe. Ainsi, l’offre
excède la demande au départ de l’UE.
25
Partie 3 : Quelle attractivité pour le rail eurasiatique ?
Le segment « fret ferroviaire eurasiatique » se distingue des autres moyens de
transport par la forte implication des gouvernements chinois et russe dans sa mise en
œuvre. Au gré des deux corridors, auxquels correspondent des zones d’influence
commerciale et stratégique, ces Etats – autoritaire pour certains – forgent leur
politique étrangère. Nous l’avons vu, leur implication se manifeste depuis la
conception des routes jusqu'à leur exploitation. Cela influence la mise sur le marché
du mode. Le ferroviaire arbore cependant des forces inaliénables tout en portant en
son sein des faiblesses difficilement franchissables. Au cours de cette troisième et
dernière partie, je vais tenter de mesurer la compétitivité du rail par rapport au reste
du marché du transport eurasiatique. Pour mener à bien cette étude, je vais dans un
premier temps observer l’intensité concurrentielle du segment. Dans cette optique,
j’utiliserai le modèle dit des « 5 forces de Porter », du nom du célèbre consultant et
professeur à Harvard Michael Porter. Puis j’analyserai comment les caractéristiques
du fer peuvent être transposées en forces et faiblesses face au segment maritime.
3.A. L’intensité concurrentielle
Pouvoir de négociation des clients
A priori, le pouvoir de négociation des clients est un facteur au désavantage du fer
dans la mesure où les services de substitution sont compétitifs. En effet, le volume des
marchandises transportées par un train avoisine les cent TEU alors qu’il n’est plus
rare aujourd’hui qu’un porte-conteneurs en charrie plus de dix mille. Les économies
d’échelles sont donc moindres. Quant aux chargeurs pour qui le prix du transport
représente une part relativement faible par rapport au prix des marchandises affrétées,
le transport aérien est alors plus rapide. En revanche, le service ferroviaire au départ
de la Chine fait parti d’un ensemble de mesures visant à attirer les investisseurs. Par
conséquent, les aides publiques qui accompagnent l’utilisation du train sont le fruit
d’une collaboration entre autorités locales et utilisateurs. L’engagement dans ce
partenariat représente un coût de transfert difficilement chiffrable et qui bénéficie au
ferroviaire. La menace liée à l’intégration du service est faible car les infrastructures
sont une barrière à l’entrée sur le segment.
26
Menace des produits de substitution
Le marché du transport eurasiatique de marchandises comporte trois modes, dont
chacun bénéficie de modalités particulières en terme de délais, de capacité et de coût.
En théorie, ces modes sont substituables les uns aux autres selon que le chargeur
privilégie une modalité plutôt qu’une autre. En pratique, les utilisateurs du ferroviaire
produisent leurs marchandises non-loin des terminaux de chargement, le coût du
transfert, vers le maritime par exemple, impliquera un délais supplémentaire de 3
jours en moyenne pour pré-acheminer le fret jusqu’à un port. En outre, parler de
substitution au maritime, qui concentre plus de 95% du trafic international de
marchandises, n’est pas réaliste. Dans la configuration actuelle, le fer est un mode
alternatif qui vient en renfort de la solution maritime.
Pouvoir de négociation des prestataires
Les opérateurs du rail, en Europe comme en Asie, bénéficient des échanges florissants
entre l’UE et la RPC. Il existe effectivement une demande pour le service de fret
ferroviaire dans la mesure ou celui-ci apporte une innovation au marché en se
positionnant en alternative entre le maritime et l’aérien. Les transitaires peuvent se
targuer de proposer un service « entre deux » unique. Par ailleurs, les offreurs situés
dans les provinces intérieures de Chine, sont à même de commercialiser un service 30
à 50 37
% moins cher que leurs homologues européens. Ce privilège, lié aux
subventions, joue unilatéralement en faveur des prestataires du segment basés à l’Est.
Menace des nouveaux entrants
Pour pénétrer le marché, un nouvel acteur devra se heurter à plusieurs barrières.
D’abord, les chemins de fer étant la propriété des Etats, un nouvel entrant potentiel, si
il souhaite se positionner en tant que transitaire, devra obtenir le droit d’exploiter une
partie du réseau auprès de l’administration compétente. Ensuite, il devra investir dans
les motrices et wagons nécessaires à l’activité, ce qui représente en soi une forte
barrière financière. En ce qui concerne les entreprises commissionnaires, celles-ci
doivent négocier avec les exploitants actuels afin de bénéficier du service. C’est le cas
37	FAINSILBER, Denis. La nouvelle route de la soie. Les Echos. 18 juillet 2014
27
des grands transporteurs internationaux tels que UPS ou DHL. Le taux de fret sur la
prestation est le résultat des négociations entre transitaire et commissionnaire.
Concurrence intra-branche
La concurrence à l’intérieur même du segment est facteur du contexte économique
d’une part, et du soutien politique, d’autre part, apporté aux opérateurs. Le commerce
bilatéral est déséquilibré entre l’UE et la Chine. Le fait que les entreprises
européennes importent plus qu’elles n’exportent a une influence directe sur les flux de
marchandises issues de ces échanges. En valeur, les produits au départ de la Chine et
à destination de l’Union Européenne sont deux fois plus important que dans le sens
inverse, cela provoque un taux de remplissage des trains faible depuis l’UE vers la
RPC. Le coût des wagons vides est alors à la charge des transitaires chinois, qui
doivent assumer un retour en sous-chargement de leurs convois. Ce problème ne se
pose pas lorsque un opérateur européen expédie un bloc de train vers l’Asie, puisque
celui-ci reviendra chargé de marchandises. Le coût d’exploitation d’un convoi est
alors plus élevé pour les chinois dans l’hypothèse d’un train complétement chargé au
départ38
. Néanmoins, ce déséquilibre des charges est compensé par les pouvoirs
publics chinois qui subventionnent les départs depuis leur propre territoire. En
revanche, les gouvernorats des différentes provinces ne dotent pas leur transitaire de
la même façon, ainsi le taux de subvention à l’exploitation varie d’un itinéraire à un
autre, d’un exploitant à un autre.
38	TRANSPORT & LOGISTICS IN CHONGQING AND SICHUAN, 2014
28
3.B. La compétitivité
Dans quelle mesure le ferroviaire est-il compétitif vis-à-vis du maritime ? Afin de
répondre à cette question je vais effectuer une analyse comparative fer/mer quant à la
situation suivante : transit de marchandises depuis le centre de la Chine, à Chongqing,
jusqu'à Duisbourg, dans la Ruhr. Les modalités observées sont le délai de transit et le
coût du transport international. Enfin, et de façon plus générale, je comparerai les
deux modes par rapport aux volumes transportables, à la sécurité et à l’empreinte
carbone.
La liaison ferroviaire Chongqing - Duisbourg est à l’origine du regain d’intérêt pour
ce mode dès 2013. Elle relie deux centres urbains, industriels et logistiques
d’envergure. Les ordinateurs portables, les télévisions et les composants automobiles,
entre autres, sont acheminés en 16 à 17 jours sur une route de plus de 12000 km. Ils
rejoignent ensuite les circuits de distribution de matériel spécialisé, allemands et
européens, ainsi que les usines d’assemblage des constructeurs allemands, situées en
Allemagne ou en Europe de l’Est. Le coût du transport international dépend de la
quantité de FEU transportés : en 2014, un chargement de moins de 5 FEU coutait
900039
dollars US par FEU, 7000$/FEU au dessus de 20 unités (hors subvention).
Dans le sens inverse, depuis Duisbourg jusqu'à Chongqing, le tarif est de 7000 à 8000
dollars par FEU en dessous de 5 FEU, ramené à 5000 – 5500$/FEU à partir de 20
FEU achetés.
En considérant l’itinéraire Chongqing – Duisbourg par le biais du maritime, les délais
de transport s’allongent considérablement. Les infrastructures portuaires les plus
proches sont localisées à Shanghai, atteignables en pré-acheminement fluvial ou
ferroviaire, et Shenzhen, via le transport routier ou ferroviaire. Pour joindre Shanghai,
les marchandises peuvent transiter sur le fleuve Yang-Tsé, le délai est de 10 à 12
jours. A contre-courant, le délai peut monter jusqu'à 15 jours. En utilisant le fer sur
l’axe Yu-Shang, la latence est écourtée à 4 jours. Pour joindre le port de Shenzhen, un
pré-acheminement routier est envisageable en 3 jours, 2 pour le train. Quant au
transport maritime international, il faut compter 3440
jours en moyenne depuis
39	TRANSPORT & LOGISTICS IN CHONGQING AND SICHUAN, 2014	
40	https://www.searates.com	(réf.	du	30	juillet	2016)
29
Shenzhen jusqu'à Rotterdam, ou 43 jours jusqu'à Hambourg. Depuis Shanghai, 34
jours en moyenne seront nécessaires pour joindre Rotterdam ou Hambourg. Le post-
acheminement d’un port européen jusqu’à Duisbourg requiert 1 à 2 jours de route.
Soit un délai total d’environ 47 jours en utilisant un pré-acheminement fluvial et de
40 jours en cas de pré-acheminement ferroviaire sur l’itinéraire Chongqing –
Shanghai – Rotterdam ou Hambourg. Ce temps de transport de 40 jours est
sensiblement le même sur la route Chongqing – Shenzhen – Rotterdam, montant à 50
jours en moyenne pour atteindre Hambourg.
Quant au prix du transport maritime, l’indice Shanghai – port européen est de 1125
dollars par TEU (2250$/FEU) au 28 juillet 2016, ou de 863,54$/TEU (1727,08$/FEU)
pour l’indice Chine – Europe41
à la même date.
Ainsi le transport ferroviaire, depuis l’intérieur de la Chine jusqu’en Europe est 2,3 à
2,7 fois plus rapide que le maritime pour un coût au FEU 2 à 5 fois plus élevé hors
pré-, post-acheminement et subventions.
Le mode ferroviaire a-t-il du sens pour les entreprises situées sur la côte Est chinoise ?
Depuis Shanghai ou Shenzhen, avec un pré-acheminement de 4 jours en moyenne, le
délai est de 21 jours pour atteindre Duisbourg, ce qui est toujours 2 fois plus rapide
que par la mer. En terme de délai, le ferroviaire eurasiatique est tout aussi compétitif
pour les chargeurs issus des provinces côtières ainsi que pour les européens désirant
exporter vers ces zones.
Plus généralement, le fer eurasiatique arbore les avantages du train peu importe sa
destination : c’est un moyen de transport sûr et peu polluant. En effet, alors que de
nombreux matériaux dangereux ne peuvent être transportés en aérien, le ferroviaire,
qui est peu propice aux accidents, est tout à fait adapté à ce type de marchandises. Le
caractère sécurisé du mode sied également aux produits à très forte valeur ajoutée,
aux biens précieux.
Par ailleurs, les quantités de Co2 émises à l’occasion d’un voyage Europe – Chine par
le fer représente environ 27042
kilos par tonne de marchandise, contre 381 par l’océan
et 5727 par les airs. Le ferroviaire est bel et bien le mode de transport le plus « vert »,
30% moins polluant que le maritime, et 21 fois moins que l’aérien.
41	Indices	disponibles sur http://www1.chineseshipping.com.cn	
42	DB	Schenker.	Get	your	business	rolling	with	innovative	rail	logistics	solutions	between	China	and	Europe.	
Février	2015
30
Conclusion
Le segment « fret ferroviaire eurasiatique » est porté par l’environnement macro-
économique dans lequel il évolue. Du point de vue politique, il représente pour les
Chinois un projet d’envergure servant un double objectif : le désenclavement des
provinces intérieures, souvent en déficit de développement par rapport à leurs
voisines côtières, ainsi que la projection de puissance commerciale à l’international.
Bien que le déploiement maritime soit le vecteur principal de cette puissance
économique, les lourds investissements en terme d’infrastructures démontrent le
savoir-faire des Chinois. Le corridor Sud, désormais viable et régulièrement utilisé,
prouve également que la politique « Une ceinture, une route », financée par le fond
« Route de la soie » est à même de se traduire en actions concrètes. Ce fond est issu
de la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures, à l’initiative de la
Chine et qui a attiré des capitaux de par le monde, et notamment des pays les plus
avancés. Par ailleurs, le corridor Sud, vient concurrencer le corridor Nord russe. Ces
deux pays, conjoncturellement alliés, historiquement rivaux, testent leurs leadership
en Asie centrale, une région où la primauté stratégique reste à déterminer.
La politique étrangère chinoise sert l’économie du pays. La République Populaire
opère progressivement un tournant dans son modèle de développement. Plus basé sur
la consommation intérieure que sur l’export, les entreprises chinoises, dont les
produits montent en gamme, restent fortes sur leurs marchés étrangers, notamment en
Europe. Une jonction ferroviaire directe entre les deux partenaires pourrait pérenniser
une route, une configuration particulièrement profitable à la Chine.
Du point de vue technologique, le ferroviaire a fait ses preuves. Les conteneurs
circulant sur les routes méridionales, comme septentrionales, sont gérées
climatiquement pour transporter tout type de marchandises dans de bonnes conditions.
En outre, la technique, utilisant l’énergie électrique, est perçue comme une alternative
aux autres modes, plus polluants. Aussi le ferroviaire bénéficie-t-il de la prise de
conscience écologique au niveau mondial.
Malgré des infrastructures opérationnelles et un contexte largement favorable, la
compétitivité du ferroviaire n’est pas encouragée par la baisse du prix des
hydrocarbures, plus favorable au maritime et à l’aérien.
31
Au niveau du marché, on observe un déséquilibre pour le trajet Europe – Asie, la
configuration des flux de marchandises en est à l’origine. Tant que le volume des
produits en provenance de Chine sera supérieur à celui en provenance de l’Union
Européenne, les chargeurs chinois devront supporter la charge des retours à vide de
leurs convois. Cependant, de par la nature politique du déploiement ferroviaire, la
majorité des offreurs, en Chine comme en Russie, bénéficient de partenariat
public/privé. Cela donne lieu à des subventions d’exploitation sensées corriger le
déséquilibre des flux, donnant lieu par la même à une course aux subventions chez les
transitaires. Finalement, les aides publiques dont bénéficient les opérateurs se
répercutent sur les taux de fret, à l’avantage des chargeurs. Le problème de l’éthique
commerciale et de la résilience du segment est alors posé.
Vis-à-vis des autres modes qui composent le marché du fret eurasiatique, le fer jouit
de forces et de faiblesse indépendantes de son environnement. C’est un mode de
transport relativement rapide quant au maritime et relativement lent quant à l’aérien.
Il est aussi relativement bon marché quant à l’aérien et relativement cher quant au
maritime. Le « fret ferroviaire eurasiatique » est alors une alternative entre les deux
autres segments, destinée aux chargeurs souhaitant profiter de délais courts tout en
payant un taux de fret plus élevé. En revanche, le train, à l’instar de l’avion et à
l’inverse du bateau, est un vecteur de faibles volumes de marchandises. Cela a deux
conséquences majeures : dans un premier temps, la compétitivité tarifaire ne
bénéficiera pas d’économies d’échelles à la mesure du maritime. Dans un deuxième
temps, il ne représentera jamais une alternative pour le transport des biens de grande
consommation produit en très large volume.
Mon impression est la suivante : l’intérêt retrouvé pour ce mode de transport
intercontinental est le fruit de la rencontre entre le politique et la conjoncture
économique. Le désir, politique, de marquer l’histoire, et la géographie, par un grand
projet de développement rencontre une configuration des échanges bilatéraux
européo-chinois prête à accueillir cette innovation. Le président chinois Xi Jingping a
évoqué à de multiples reprises le « Rêve chinois », ce dernier est porté par de vastes
politiques d’investissement à l’international et qui servent les intérêts du pays. En
effet, le train véhicule un faible volume de produits à forte valeur ajoutée : à l’image
de la Chine, qui va être amenée à exporter moins, mais des produits plus qualitatifs. A
32
mon sens, la place du ferroviaire, parfois présentée dans les médias comme une
menace pour le maritime, est celle d’une alternative de niche, à l’instar de l’aérien,
quant à ce vaste marché du transport eurasiatique.
33
Bibliographie globale
Articles
BOURASSI, Nabil. Alstom va lancer un train à pile à combustible en Allemagne, La
Tribune (en ligne). 24 septembre 2014 (réf. du 23 juin 2016). Disponible sur
http://www.latribune.fr
Anonyme. Chongqing : land of laptops. China Daily (en ligne). 16 juin 2014 (réf. du
23 juillet 2016). Disponible sur http://www.china.org.cn
FAINSILBER, Denis. La nouvelle route de la soie. Les Echos (en ligne). 18 juillet
2014 (réf. du 25 juillet 2016). Disponible sur http://www.lesechos.fr
De GRANDI, Michel. Routes de la soie: le plan de Pékin pour dominer le monde. Les
Echos (en ligne). 29 janvier 2016 (réf. du 9 juillet 2016). Disponible sur
http://www.lesechos.fr
GRAS, Thomas. Où en est le transport ferroviaire de marchandises en Russie ? Le
courrier de Russie (en ligne). 29 avril 2013 (réf. du 29 juin 2016). Disponible sur
http://www.lecourrierderussie.com
Anonyme. La population européenne. Essentiel sur l’UE (en ligne). 17 Juillet 2015
(réf. du 12 juin 2016). Disponible sur http://www.touteleurope.eu
SHEPARD, Wade. Why The China-Europe 'Silk Road' Rail Network Is Growing
Fast. Forbes Asia (en ligne). 28 janvier 2016 (réf. du 2 juillet 2016). Disponible sur
http://www.forbes.com
STACEY, Kiran, LIVSEY, Alan. Breaking up is hard to do, Financial Time. 9 juin
2016, p.7.
34
WILLIAMS, Marcus. DHL agreement builds on rail services between Europe and
China. Automotive Logistics (en ligne). 1er
juillet 2015 (réf. du 20 juillet 2016).
Disponible sur http://automotivelogistics.media
YANG, Jing. Silk Road subsidies undermine rail link. South China Morning Post (en
ligne). 8 décembre 2014 (réf. du 23 juin 2016). Disponible sur http://www.scmp.com
ZHU, Zhiqun. China’s AIIB and OBOR: Ambitions and Challenges. The Diplomat
(en ligne). 9 octobre 2015 (réf. du 22 juin 2016). Disponible sur
http://thediplomat.com
Documents d'archives
Banque mondiale, Population total et Population chinoise (réf. 13 juin 2016),
Population rurale de la Chine (réf. 15 juin 2016),	Exportations de biens et de services
(% du PIB chinois) (réf. du 13 juin 2016) (en ligne). Disponible sur
http://data.worldbank.org
L’économie de l’UE, l’Europe en quelques chiffres (en ligne), (réf. 13 juin 2016).
Disponible sur http://europa.eu
European Commision, Directorate General for Trade, European Union, Trade with
USA, 2015 (en ligne), (réf. 15 juin 2016). Disponible sur http://trade.ec.europa.eu
Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°376 : L’impacte de la situation
économique chinoise sur les relations Europe-Chine, 21/12/2015 (en ligne), (réf du
18 juin 2016). Disponible sur http://www.robert-schuman.eu
Indices « Chinese Shipping », China Containerized Freight Index (CCFI), Shanghai
Containerized Freight Index (SCFI), (réf. du 2 juillet 2016). Disponible sur
http://www1.chineseshipping.com.cn
Russian Railways, Freight on Eurasian Routes ; Investor Relations (en ligne), (réf. du
25 juin 2016). Disponible sur http://eng.rzd.ru
35
Statistica, Global gross domestic product (GDP) at current prices from 2010 to 2020
(en ligne), (réf. 13 juin 2016). Disponible sur http://www.statista.com
Manuscrits
Consulate General of the Kingdom of the Netherlands in Chongqing / Netherlands
Business Support Office in Chengdu, Sichuan. TRANSPORT & LOGISTICS IN
CHONGQING AND SICHUAN, 2014 (en ligne), (réf. du 30 juillet). Disponible sur
china.nlambassade.org
Consulate General of the Kingdom of the Netherlands in Chongqing / Netherlands
Business Support Offices in Chengdu, Sichuan and Wuhan, Hubei. AUTOMOTIVE
INDUSTRY IN CHONGQING, SICHUAN AND HUBEI, 2014 (en ligne), (réf du 23
juillet 2016). Disponible sur china.nlambassade.org
DB Schenker. Get your business rolling with innovative rail logistics solutions
between China and Europe (présentation commerciale en ligne). Février 2015 (réf. du
3 aout 2016). Disponible sur https://www.dbschenker.ee
European Commision, Directorate General for Trade, European Union, Trade in good
with China, 2015 (en ligne), (réf 15 juin 2016). Disponible sur
http://trade.ec.europa.eu
LASSERRE, Frédéric. Vers une autoroute maritime ? Passages arctiques et trafic
maritime international. Université Laval, Québéc, 2009, (réf du 25 juin 2016).
PBL Netherlands Environmental Assessment Agency, Trends in Global co2
emissions, 2014 Report (en ligne), (réf. du 22 juin 2016). Disponible sur
http://edgar.jrc.ec.europa.eu
36
Table des annexes
Annexe 1 : Carte OBOR
Mercator Insitute for China Studies, Infographic/China Mapping Silk Road Initiative,
December 2015 (en ligne), (réf. du 20 juin 2016). Disponible sur
http://www.merics.org
Annexe 2 : Carte répartition de la population et de la richesse en Chine
Le Cartographe, Chine – les disparités régionales de l’espace chinois, 2005 (en ligne)
(réf. du 2 juillet 2016). Disponible sur http://www.le-cartographe.net
Annexe 3 : Carte du réseau trans-sibérien
Russian Railway, Trans-Siberian Railway (en ligne) (réf. du 3 juillet 2016).
Disponible sur http://eng.rzd.ru
Hobohop, Planning a trip on the Trans Siberian & Trans Mongolian railways (en
ligne) (réf. du 3 juillet 2016). Disponible sur http://www.hobohop.com
Annexe 4 : Carte de la répartition des écartements de rail
CIA Factbook Railway, World Map, rail gauge by region (en ligne) (réf. du 3 juillet
2016). Disponible sur https://en.wikipedia.org
Annexe 5 : Cartes du corridor Sud
ESCOBAR, Pepe. The new China-Europe connection: how China’s new Silk Road
strategy will change the face of the world. Energy Post (en ligne). 23 décembre 2014
(réf. du 3 juillet 2016). Disponible sur http://www.energypost.eu
Annexe 6 : Les routes du corridor Sud
YANG, Jing. Silk Road subsidies undermine rail link. South China Morning Post (en
ligne). 8 décembre 2014 (réf. du 23 juin 2016). Disponible sur http://www.scmp.com
37
Annexe 1 : Carte OBOR
38
Annexe 2 : Carte répartition de la population et de la richesse en
Chine
39
Annexe 3 : Cartes du réseau trans-sibérien
40
Annexe 4 : Carte de la répartition des écartements de rail
41
Annexe 5 : Carte du corridor Sud
42
Annexe 6 : Les routes du corridor Sud
43
Glossaire
Bogie : Châssis porteur à deux ou trois essieux supportant l'extrémité d'un véhicule de
chemin de fer, relié au châssis principal par une articulation.
IDE (Investissement Direct à l’Etranger): Investissements qu'une unité institutionnelle
résidente d'une économie effectue dans le but d'acquérir un intérêt durable dans une
unité institutionnelle résidente d'une autre économie et d'exercer, dans le cadre d'une
relation à long terme, une influence significative sur sa gestion.
Open Joint Stock Company : Entreprise par action et dont les titres s’échangent
librement sur le marché sans consultation préalable des autres porteurs, ni autre
limitation.
Joint venture : Filiale commune entre deux ou plusieurs entreprises dans le cadre
d'une coopération économique internationale. (Cette technique financière est un
moyen de coopération entre des sociétés qui possèdent des compétences
complémentaires ; elle représente un des seuls moyens d'accès des firmes étrangères
voulant s'implanter dans les ex-pays communistes.)
RSE : La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est un « concept dans lequel
les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et
économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes
sur une base volontaire ». Énoncé plus clairement et simplement, c’est « la
contribution des entreprises aux enjeux du développement durable ».
Stacker : engin de manipulation des conteneurs par palonnier.
TEU (Twenty-foot Equivalent Unit) : ou EVP (Equivalent Vingt Pieds), est l’unité de
mesure du volume des conteneurs. Le FEU (Fourty-foot Equivalent Unit), ou EQP,
est plus rarement utilisé. Il sied cependant au transport ferroviaire, où le conteneur de
quarante pieds est largement utilisé.
Sources : Larousse en ligne, INSEE, developpement-durable.gouv

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Mémoire M1 CIME (V2) Stéphane Levis

  • 1. UNIVERSITÉ PARIS 8 INSTITUT D'ÉTUDES EUROPÉENNES Master 1 Commerce international et marketing export Le marché du transport de marchandises entre l’Europe et la Chine : quelle place pour le ferroviaire ? soutenu par Stéphane Levis sous la direction de M. Guédé Année universitaire 2015-2016
  • 2. 2
  • 3. 3 Remerciements Au directeur du Master Commerce international et marketing export, Monsieur BENAMMAR, Merci pour la validation de ce sujet qui me tient à cœur ainsi que pour vos précieux conseils vis-à-vis de mes recherches documentaires. Au directeur de Mémoire, Monsieur GUEDE, Merci de m’avoir reçu, de m’avoir conseillé et éclairé quant à la rédaction du mémoire. A ma famille, ma mère, ma sœur, ma grand-mère à qui je dois tout. A mon père, d’où tu es, tu me vois. Merci. Aux Bourgeois et aux Bonardels. A Mathieu, correcteur en chef, hôte et soutien majeur dans cette ville parfois pluvieuse. Aux proches et aux amis.
  • 4. 4 Sommaire Introduction ...................................................................................................................5 Partie 1 : Un environnement conjoncturellement porteur ?.........................................10 1.A. L’influence des facteurs macroéconomiques................................................10 1.B. Infrastructures anciennes et nouvelles ..........................................................15 Partie 2 : Vers un équilibre entre l’offre et la demande sur le segment ?....................19 2.A. Les opérateurs...............................................................................................19 2.B. Les chargeurs ................................................................................................22 Partie 3 : Quelle attractivité pour le rail eurasiatique ? ...............................................25 3.A. L’intensité concurrentielle............................................................................25 3.B. La compétitivité ............................................................................................28 Conclusion...................................................................................................................30 Bibliographie globale ..................................................................................................33 Table des annexes........................................................................................................36 Annexe 1 : Carte OBOR..............................................................................................37 Annexe 2 : Carte répartition de la population et de la richesse en Chine....................38 Annexe 3 : Cartes du réseau trans-sibérien .................................................................39 Annexe 4 : Carte de la répartition des écartements de rail..........................................40 Annexe 5 : Carte du corridor Sud................................................................................41 Annexe 6 : Les routes du corridor Sud........................................................................42 Glossaire......................................................................................................................43
  • 5. 5 Introduction Les relations commerciales entre l’Europe et la Chine au XXème siècle sont marquées par de profonds bouleversements à l’intérieur de chacun des deux espaces géopolitiques, et ce à plusieurs niveaux. Durant cette période, les deux parties doivent faire face à des guerres intestines, des changements de régime politique - qui fragilisent leurs économies - puis à des re-consolidations progressives. C’est au rythme de ces crises, de leurs échos de part et autre du continent eurasiatique, que va se dessiner la configuration actuelle du commerce entre deux des plus importantes aires de peuplement et d’agglomération de richesse au niveau mondiale. En 2014, l’Union Européenne rassemble 507,81 millions d’habitants et 16 230,542 milliards de dollars de PIB nominal, soit environ 6,99%3 de la population pour 20,85%4 de la richesse mondiale. Quant à la Chine, elle représente 1,3645 milliard d’habitants et 10 3516 milliards de dollars de PIB, soit 18,78% de l’humanité contre seulement 13,30% de l’économie mondiale. Le déséquilibre entre l’importance démographique de la Chine, qui est 2,5 fois plus peuplée que l’Union Européenne, et son infériorité économique face aux 28 qui, unis, supplantent son PIB de plus de moitié, est patent. Si le décalage entre peuplement et répartition des richesses semble jouer en faveur de l’UE, en terme de relations commerciales, la balance des paiements est nettement favorable à l’Empire du Milieu. Observant les chiffres des deux partenaires, il apparaît que la République Populaire de Chine subjugue l’Union Européenne de quelques 180,067 milliards d’euros de déficit commercial quant à l’année 2015. Effectivement, lorsque l’UE se fournit à l’import pour 350,436 milliards d’euros de marchandises et de services en provenance d’Extrême Orient, elle ne compte que 170,376 milliards d’euros de recettes quant à son versant export. Constituant un volume annuel total d’échange de 520,812 milliards d’euros, la Chine est le deuxième partenaire de l’Union Européenne (derrière les Etats-Unis, avec un total annuel de 1 Eurostat, Population Union Européenne 2 Ibid., PIB de l’UE 3 Banque mondiale, Population total 4 Statistica, Global gross domestic product 5 Banque mondiale, Population chinoise 6 Ibid., PIB Chine 7 European Commision, Directorate General for Trade, European Union, Trade in goods with China, 2015
  • 6. 6 620,3068 milliards d’euros en 2015). En ce qui concerne la Chine, l’UE est son premier partenaire, auprès duquel elle opère, de surcroît, un excèdent commercial stratégique pour son économie largement basée sur l’exportation de produits manufacturés (22,4% du PIB en 2015)9 . La situation de 2015 reflète assez fidèlement le paradigme du commerce bilatéral sino-européen des dix années précédentes. Cependant, cette configuration est à l’opposé de celle qui prévaut de la fin du XIXème au début du XXème siècle, quand la Chine, considérée en situation de retard technologique et social vis-à-vis des nations occidentales, notamment européennes, est contrainte de briser son autarcie marchande au profit de ces dernières. Défaite par deux fois - Guerres de l’opium10 - par le tentaculaire Empire Britannique, soutenu entre 1856 et 1860 par les Américains, les Français et les Russes, la dynastie des Qing se voit imposer une série de traités dits « inégaux » visant à forcer l’ouverture de son vaste marché intérieur aux produits occidentaux. La Chine est encerclée par les empires européens présents en Asie : le Royaume-Uni au Sud avec les Indes, la France au Sud-Est avec la Cochinchine, les Etats-Unis dans le Pacifique avec les Philippines. Partant, de nombreux ports de la côte Est sont ouverts au commerce mondial puis déclarés francs avant d’être sommés d’accueillir des concessions étrangères et parfois même d’être cédés, tel Hong Kong qui devient une dépendance de la couronne d’Angleterre. Le produit phare des exportations britanniques est alors l’opium, cultivé et transformé aux Indes et qui déferle par ces têtes de pont côtières pour contaminer jusqu'à l’arrière pays. L’Empire du Milieu, rebaptisé « homme malade de l’Asie de l’Est », est humilié, intoxiqué par un exclusif colonial qui bride largement sa capacité à exporter. Cette crise profonde de la société chinoise va entrainer la chute de son régime féodal : en 1912, la République est proclamée. Cependant, ce bouleversement politique ne signe pas le glas de l’emprise étrangère sur le pays : le pouvoir central est accaparé par l’occupant japonais et un triple front met encore plus à mal l’économie du pays. En effet, l’opposition à l’impérialisme nippon se scinde en deux factions aux influences antinomiques représentés par deux partis politiques, l’un nationaliste et l’autre populaire. Cette confrontation tripartite donnera lieu à des collaborations conjoncturelles entre communistes et nationalistes, témoignant d’un semblant d’unité national, mais 8 European Commision, Directorate General for Trade, European Union, Trade with USA, 2015 9 Banque Mondiale, Exportations de biens et de services (% du PIB) 10 Première guerre de l’opium : 1839-1842, deuxième guerre de l’opium : 1856-1860.
  • 7. 7 laissera l’économie et le commerce international exsangues, relayé au second plan face à l’urgence de l’envahisseur. Du coté européen, le début du XXème siècle est placé sous le signe de la prospérité et du progrès. Certes, l’unité n’est pas envisagée, mais les Royaumes sont devenus des Républiques, puis des Empires inspirant à l’expansion territoriale. Toutefois, les rivalités pour l’hégémonie provoquent un conflit mondial sans précédent, puis un deuxième, tout aussi ravageur pour les économies du continent. Au cours des deux décennies qui suivent l’armistice, les Empires défaits se séparent de la majeure partie de leurs anciennes enclaves extra-continentales : c’est le début des revendications d’indépendance et de la construction du grand projet politique et économique qu’est l’Union Européenne. Initiée avec la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1951, l’UE forme, traités après traités, un bloc régional fort et articulé autour d’un dogme socio-économique : le libéralisme. Ce libéralisme, qui caractérise le bloc de l’Ouest, se heurte indirectement mais à de nombreuses reprises avec le bloc communiste établi à l’Est, et dont la Chine fait partie. Alors que les nations européennes se font face sur le continent comme dans leurs colonies au cours des deux conflagrations, les Chinois sont entrés en guerre civile. A l’issue de la Seconde Guerre Mondiale et de la capitulation de l’occupant japonais, le conflit s’intensifie jusqu'à déboucher sur la victoire des communistes qui proclament la République Populaire de Chine en 1949. Alliée aux soviétiques et opposée aux impérialistes qui l’ont humiliée durant le siècle précédant, la Chine devient une économie socialiste, planifiée et isolée du reste des nations non-communistes. Pendant plus de vingt-cinq ans de Guerre Froide, la RPC et l’UE sont entravées dans leurs échanges par leurs idéologies respectives quand, en 1975, Mao Zedong mandate son Premier Ministre, le réformateur Zhou Enlai, afin de mettre en œuvre les « 4 réformes » qui ouvriront la pays et son économie sur le monde. Au début des années 80, la Chine est pauvre et largement rurale ; son économie encore refermée sur elle-même, peu complexe et interconnectée. Cette situation, qui semble de prime abord peu favorable à une insertion triomphante dans une mondialisation accélérée par les innovations techniques et technologiques, est exploitée à bon escient par les Chinois. Effectivement, cette gigantesque population rurale devient un réservoir illimité de main d’œuvre bon marché pour les usines de la
  • 8. 8 côte Est. L’exode rural est de taille puisqu’entre 1981 et 2003 la part des chinois vivant dans les campagnes passe de 80 à 6011 % de la population. En 2015, cette part a diminué pour ne peser plus que 44%. L’atout démographie représente un avantage comparatif hautement concurrentiel vis-à-vis des autres pays puisqu’il induit un coût salarial bas dans le secteur manufacturier. Ces faibles coûts attirent les entreprises étrangères qui délocalisent leurs productions afin d’accroître leur marge ou bien de se livrer à une guerre des prix, parfois les deux. De plus, les infrastructures permettant l’exportation, tels que les ports, sont déjà développés depuis l’époque coloniale. Les concessions occidentales ayant principalement un but marchand, le bon état des ports est garanti, l’insertion dans le commerce mondial en est facilitée. Ainsi, les têtes de pont où débarquait autrefois l’opium sont transformées en vastes ports conteneurisés, véritable symbole de la mondialisation des échanges. A l’aube du XXIème siècle, la Chine passe de « l’homme malade de l’Asie de l’Est » à « l’atelier du monde », 7 des 10 plus grands ports mondiaux sont situés sur sa côte, nombre d’entre eux ayant abrité des concessions occidentales. Cet essor commercial est couronné par l’entrée de l’Empire du Milieu dans l’Organisation Mondiale du Commerce en 2001. Désormais, la Chine affronte les nations occidentales d’égal à égal dans une compétition économique globalisée qui lui a permis de reprendre le rang qu’elle considère avoir tenu durant plusieurs millénaires, celui de nation de premier ordre. Aujourd’hui, elle est parfois désignée comme le « Banquier du monde » du fait de ses larges réserves de change et de bons du trésor américain, véritable trophée dans cette nouvelle sorte de guerre. Il apparaît clairement que la puissance commerciale chinoise repose sur son déploiement maritime. Le contrôle regagné qu’elle opère sur sa longue façade côtière, ainsi que dans plusieurs concessions portuaires et autres terminaux en eaux profondes à l’étranger (Kyaukpyu au Myanmar, Chittagong au Bangladesh, Pirée en Grèce etc.), facilite l’accès à un marché-monde d’une profondeur peut-être inégalée dans l’histoire. Les entreprises occidentales ont, elles-aussi, grandement bénéficié du « made in China » qui a fait chuter leurs coûts de production, accru le pouvoir d’achat de leurs consommateurs historiques et sollicité les services de grandes compagnies maritimes telles que MSC, CMA-CGM ou Maersk. 11 Banque mondiale, Population rurale de la Chine
  • 9. 9 La domination du fret maritime sur les autres modes s’explique donc en partie historiquement. Sur le plan technique, les innovations apportées par les constructeurs de cargo ont aussi joué en faveur du secteur. En effet, les porte-conteneurs géants ont permis des économies d’échelles significatives quant aux coûts du transport entre les zones fournisseuses de consommables, la Chine productrice et les marchés mondiaux. La chaîne logistique sur laquelle se crée la valeur au niveau planétaire repose ainsi sur une division internationale du travail, elle-même rendue possible par le transport de grands volumes de marchandises en mer. Dans un contexte de suprématie du transport maritime quant aux échanges entre l’Europe et la Chine, il est étonnant de voir les plus hautes instances du Parti Communiste Chinois promouvoir un mode de transport comme oublié de la mondialisation des échanges: le ferroviaire. En 2014, à l’occasion d’une tournée diplomatique européenne, le président chinois Xi Jingping en personne se rend à Duisbourg, importante plateforme logistique située dans le Basin de la Ruhr en Allemagne, afin d’accueillir un train convoyant des marchandises en provenance de la ville-préfecture de Chongqing dans le centre de la Chine. Qu’est-ce qui motive alors un si fort intérêt de la part des Chinois pour ce mode de transport en apparence limité par le volume ? Qu’est-ce qui conditionne l’accueil positif de la contrepartie européenne pour le chantier d’infrastructure eurasiatique, voulu par les autorités chinoises ? En somme, quelle est la place du segment ferroviaire au sein du ce marché du transport sur lequel repose plus de 500 milliards d’euros d’échanges annuels ? Afin de tenter de répondre à cette question, je vais analyser les tenants et aboutissants de ce segment qui évoque dans l’imaginaire collectif la Route de la Soie antique. Pour ce faire, j’analyserai dans un premier temps l’environnement dans lequel évolue le ferroviaire eurasiatique, sur le plan macroéconomique mais aussi du point de vue technique, en observant les infrastructures historiques et contemporaines qui dessinent les axes de transport. Puis, dans un deuxième temps, je m’intéresserai aux acteurs qui constituent ce segment : les chargeurs en amont et les transitaires en aval. Dans un troisième et dernier temps, je procéderai à l’analyse concurrentielle du segment ferroviaire en interne puis vis-à-vis du reste du marché du transport entre l’Europe et la Chine, c’est-à-dire du maritime et de l’aérien.
  • 10. 10 Partie 1 : Un environnement conjoncturellement porteur ? En divisant le marché du transport de marchandises entre l’Europe et la Chine en trois segments correspondants à des modes – maritime, aérien et ferroviaire – on peut constater que le segment ferroviaire bénéficie d’un dynamisme et d’une couverture médiatique qui détonne avec le reste du marché. Au fur et à mesure que de nouvelles routes s’ouvrent, alors que ces événements sont autant d’occasions de rencontres, aussi bien pour les industriels issus de part et d’autre du continent eurasiatique que pour les représentants gouvernementaux, il semble nécessaire d’analyser l’environnement du ferroviaire eurasiatique afin de mesurer l’impact de celui-ci, potentiellement positif comme négatif, sur son évolution. C’est l’objectif de cette première partie. Je considèrerai d’abord l’environnement macroéconomique. Pour mener à bien cette étude, je vais utiliser la méthode dite « PESTE », attribué à Francis J. Aguilar, professeur à Harvard, et qui porte sur les dimensions politique, socio- économique, technologique et environnementale du sujet. A l’occasion d’une seconde sous-partie, je vais examiner les caractéristiques techniques des voies ferrées qui accueillent le fret en provenance de Chine vers l’Europe, et vice-versa, dans le but d’identifier leurs forces et faiblesses. 1.A. L’influence des facteurs macroéconomiques Politique Les réseaux ferrées sont des infrastructures couteuses qui, à l’échelle d’un pays comme d’un continent, nécessitent le recours à un important capital ainsi qu’à des concepteurs hautement qualifiés. Les ressources financières, matérielles et humaines sollicitées sont telles qu’une entreprise privée seule ne pourrait pas en assumer la charge par elle-même, aussi le développement de ce type d’infrastructure est-il souvent le fait des Etats. Par ailleurs, il s’agit là de l’aménagement du territoire, celui- ci influence l’ensemble des habitants d’une aire géographique, et ne peut par conséquent être décidé unilatéralement par un organisme qui vise son propre profit et non celui de la communauté. La dimension politique est alors de premier ordre, les pouvoirs publics intervenant en amont à la construction et en aval à l’exploitation via des joint-ventures publique-privé.
  • 11. 11 Evoquant le transport de marchandises par voie ferroviaire entre l’Europe et la Chine, le projet bénéficiant de l’écho médiatique le plus retentissant ces dernières années est l’ambitieuse politique chinoise d’investissement et de développement dénommée « Ceinture économique de la route de la soie et route maritime de la soie du XXIème siècle », abrégée en « Une ceinture, une route » (One Belt, One Road en anglais, ou OBOR). Surfant sur la symbolique forte de la route de la soie, cette politique de développement économique est considérée par certains analystes comme le « Pivot eurasiatique » chinois, en analogie avec le « Pivot asiatique » étasunien, et venant contrebalancer ce dernier12 . Il s’agit entre autres d’un projet multi-modal visant à renforcer la connectivité - donc l’interdépendance - de la Chine avec le reste du continent eurasiatique et ses partenaires moyen-orientaux par le biais d’un « collier de perles » constitué de concessions portuaires en eaux profondes réparties depuis le Détroit de Malacca jusqu’à la Méditerranée en passant par Bab-el-Mandeb, mais aussi via le prolongement du réseau ferré chinois à travers sa province la plus occidental – le Xinjiang – jusqu’au Kazakhstan afin de rallier la Russie puis l’Europe13 . En ce qui concerne la partie russe, elle bénéficie, par sa position géographique limitrophe de l’Europe et de la Chine, d’une voie pouvant relier les deux ensembles – la ligne trans-sibérienne et ses capillaires trans-mongolien et trans-mandchourien – et peut ainsi mettre en avant une ligne rodée. Cependant le projet chinois, plus au Sud, vient concurrencer l’ex-monopole en terme de liaison ferroviaire eurasiatique. Cette compétition représente une pierre d’achoppement dans le rapprochement sino-russe qui semble avoir lieu depuis à crise ukrainienne de 2014 et pose également la question du leadership en Asie centrale. Socio-économique Evoqué plus tôt, le modèle économique qui a porté l’Empire du Milieu jusqu’à sa place de deuxième puissance mondiale (en terme de PIB nominal) est résolument basé sur l’export et l’investissement directe étranger, notamment vers les capacités de production dont sont issues les biens commercialisés en dehors des frontières. Bénéficiant d’une compétitivité forte sur les marchés extérieurs grâce à une main d’œuvre à bas coûts, le pays a vu son produit intérieur brut croître en moyenne de 12 ZHU, Zhiqun. China’s AIIB and OBOR: Ambitions and Challenges. The Diplomat, 9 octobre 2015 13 Annexe 1 : Carte OBOR
  • 12. 12 16,6% par an entre 2000 et 201414 . Aujourd’hui cette dynamique semble être rompue, du moins altérée, en témoigne le taux de croissance des six premier mois de 2015, ayant chuté à 7%, soit le plus bas niveau depuis 200915 . De plus, le total des importations et des exportations a décru de 6,9% sur le premier semestre de 2015 vis- à-vis de l’année précédente. Dans un contexte de ralentissement global des échanges, la Chine doit faire face à plusieurs phénomènes intrinsèques aggravants : perte de compétitivité de ses produits à l’export liée à l’augmentation des salaires, surcapacité de production dans de nombreux secteurs tels que l’acier, le ciment, l’aluminium ou bien la construction navale et qui mine leur rentabilité. En somme, la Chine est confrontée à une crise de son modèle économique de pays en développement – basé sur la consommation extérieure et l’investissement endogène - et opère plusieurs réformes vers un modèle correspondant à un pays en stade avancé de développement – et qui se base sur sa consommation endémique et les investissements hors du pays. En outre, la RPC tend vers la fabrication de biens plus haut-de-gamme en adéquation avec une main d’œuvre dont le salaire a augmenté en moyenne de 1216 % par an depuis 2001. Par ailleurs, les inégalités de développement entre la côte Est et l’intérieur du pays représente un défi pour l’Etat chinois qui cherche à harmoniser géographiquement la création de richesse17 . De là, un moyen de procurer une profondeur de marché export à ces poches de sous-développement - regroupés dans les provinces internes et occidentales - consiste à relier ces dernières directement à l’Europe grâce au déploiement de lignes de chemin de fer. De surcroît, si une montée en gamme est effectivement observée quant aux marchandises conçues dans ces régions, le mode ferroviaire – présumé plus coûteux que le maritime à cause des faibles volumes transportés – pourrait se révéler adéquat, les coûts étant absorbés par de plus fortes marges. En reliant les provinces centrales de la Chine au cœur de l’Union Européenne à l’aide de voies ferrées, les autorités cherchent à encourager des relations commerciales, escomptées synergiques, et qui renforceraient l’interdépendance économique entre les deux espaces. 14 TCAM PIB chinois en dollars constants, Banque Mondiale, PIB Chine 15 Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°376 : L’impacte de la situation économique chinoise sur les relations Europe-Chine 16 Ibid. 17 Annexe 2 : Carte répartition de la population et de la richesse en Chine
  • 13. 13 En revanche, les liaisons ferroviaires, reposant sur l’énergie électrique – produite principalement à partir du charbon en Chine – ne bénéficient que faiblement des bas cours du pétrole. En effet, l’indice Brent est passé de 115 dollars à l’été 2014 à environ 50 dollars à l’été 201518 , laissant penser à certains analystes un retournement sur le long terme du paradigme des prix de l’énergie. A l’inverse, les prix peu élevés des hydrocarbures bénéficient grandement au segment maritime dont les charges d’exploitation dépendent amplement. Technologique Du point de vue technologique, le fret ferroviaire eurasiatique repose sur une technique rodée, le concept même du chemin de fer remontant à la Révolution Industrielle. Toutefois, des innovations ont émergé au cours des décennies afin de perfectionner l’efficacité du train. Principalement, les motrices à vapeur traditionnelles – fonctionnant au charbon et donc fort polluantes – ont été remplacées par des machines dont les moteurs sont alimentés par d’autres types de carburants (type fioul, tout aussi polluant mais plus ergonomique) ou bien directement par un réseau électrique greffé le long du circuit grâce aux caténaires. D’autres sources d’énergie sont envisagées par les industriels du rail telles que la pile à combustible consommant l’hydrogène obtenu à partir du gaz naturel19 . En ce qui concerne les itinéraires intercontinentaux qui permettent la jonction européo-chinoise, ils sont complètement électrifiés. De la question du mix énergétique des pays hôtes des tronçons constituants ces axes dépend alors l’efficience énergétique et l’empreinte carbone du transport ainsi que son potentiel en émission de gaz à effet de serre. Environnemental Depuis les années 70, la question environnementale est de plus en plus présente à tous les niveaux de la société – Etats, entreprises, ONG, individus – en témoigne les cinq Sommets de la Terre et les vingt-et-une Conférences des Parties. Faisant face aux altérations écologiques engendrées par l’activité humaine, et particulièrement la production de biens et services, les entreprises sont au cœur de l’action, au point 18 STACEY, Kiran, LIVSEY, Alan. Breaking up is hard to do, Financial Time. 9 juin 2016 19 BOURASSI, Nabil. Alstom va lancer un train à pile à combustible en Allemagne, La Tribune (en ligne). 24 septembre 2014
  • 14. 14 d’entériner l’effort au sein d’une discipline à part entière : la RSE (Responsabilité Sociale et Environnemental). Cette facette de l’organisation mise sur sa capacité à propager une onde positive à l’impact avec ses marchés, que ce soit sur le plan humain comme environnemental. Dans ce contexte, les processus liés au transport de marchandises – souvent pointé du doigt pour leur répercussion néfaste sur la qualité de l’air – sont repensés vers plus de « vert », c’est-à-dire des moyens de transport moins polluants. Ainsi la lutte contre le réchauffement climatique représente une opportunité pour le fer, présumé moins lourd pour l’environnement, car alimenté par l’énergie électrique. Cette problématique sied singulièrement aux entreprises résidentes des pays fortement pollueurs tels que la Chine (10,3 milliards de tonnes de CO2 émises en 2013, soit 29% des émissions mondiales, contre moins de 4 milliards en 2002)20 ou l’Allemagne (2,4% des émissions globales, en augmentation de 2,4% par rapport à 2012)21 . A l’opposé, le réchauffement climatique conduisant à la fonte des glaces du Pôle Nord représente une menace en cas de viabilité du trafic maritime par l’Arctique. En effet, une navigabilité en Arctique pourrait raccourcir le périple en mer entre Rotterdam et Shanghai de 19550 à 15793 km22 , mettant en péril l’avantage concurrentiel du fer quant aux délais. Quoi qu’il en soit, cette hypothèse est largement balayée par les commentateurs du projet qui remettent systématiquement en cause la viabilité d’un tel itinéraire. 20 PBL Netherlands Environmental Assessment Agency, Trends in Global co2 emissions, 2014 Report 21 Ibid. 22 LASSERRE, Frédéric. Vers une autoroute maritime ? Passages arctiques et trafic maritime international (p.6)
  • 15. 15 1.B. Infrastructures anciennes et nouvelles A l’occasion de cette seconde sous-partie, je vais analyser l’histoire, la géographie ainsi que les caractéristiques des infrastructures ferroviaires qui composent les axes de transport de marchandises entre l’Union Européenne et la Chine. J’ai identifié deux axes principaux, communément appelés corridors, articulés autours des réseaux de chemins de fer nationaux qui s’étendent horizontalement des confins occidentaux aux confins orientaux du continent eurasiatique, et vice-versa. Ces deux corridors évoluent parallèlement, et bien que leur standard industriel, tout comme les intérêts qu’ils portent, soient parfois antinomiques, leur objet les fait converger. Le Corridor Nord Cet axe est le premier à émerger en tant que liaison quasi directe entre les deux aires géographiques dont il est question dans ce mémoire, il est majoritairement bâti autour de la ligne trans-sibérienne. Cette ligne est initialement un projet politique de développement économique qui vise à relier la Russie dite « européenne » à son pendant « asiatique ». L’instigateur de ce projet, qui reste aujourd’hui encore phénoménal de par ses proportions, est l’avant-dernier Tsar de Russie, Alexandre III (1845 – 1894) qui en 1891 décrète l’extension du tronçon qui relie Moscou à Oufa via Samara jusqu'à la ville de Vladivostok sur l’océan Pacifique. La ligne est officiellement inaugurée en 1904 par le fils d’Alexandre III, le Tsar Nicolas II (1868 – 1918), dernier membre de la famille Romanov à régner sur la Russie. Depuis Moscou jusqu’à Vladivostok, la ligne s’entend sur 9968 km de double voie électrifiée, reliant presque un millier de gares passager. C’est la principale ligne de Russie. Elle permet à la fois le transport des passagers et celui des marchandises, ces dernières demeurant prioritaires. En 2012, cette ligne assure le transit des 67% du trafic international de marchandise via le fer russe, soit 111,2 millions de tonnes de fret23 . Un train de marchandises met 7 jours pour relier Moscou à Vladivostok, et une quinzaine de jours pour relier Hambourg à Harbin en Chine via le capillaire trans- mandchourien24 . 23 GRAS, Thomas. Où en est le transport ferroviaire de marchandises en Russie ? Le courrier de Russie. 29 avril 2013 24 Russian Railways, Freight on Eurasian routes
  • 16. 16 Si la ligne historique Moscou – Vladivostok est bel et bien russo-russe, elle compte également plusieurs lignes connexes créant une formation réticulaire autour de plusieurs gares limitrophes. En Occident, les capillaires s’étendent jusqu’aux capitales d’Europe de l’Est (Odessa, Kiev, Budapest etc.) et du Nord (Vilnius, Riga, Helsinki etc.) pour atteindre Berlin et Rotterdam. En Orient, les correspondances atteignent les provinces « Mandchoues » de Chine du Nord-Est via le capillaire Chita (Russie)- Manzhouli (frontière russo-chinoise)-Harbin (Chine) ou bien Pékin via Oulan-Oude (frontière russo-mongole)25 . Le réseau ferré de la Fédération de Russie, hérité de l’Union Soviétique, présente une altérité notable vis-à-vis des blocs géopolitique limitrophes : l’écartement des rails. Cette spécificité́ technique est à prendre en considération dans le cadre du transport international. En effet, il existe un nombre pléthorique d’écartements à travers les pays et les continents, toutefois un standard prime : l’écartement de 1435 mm26 . Dans ces conditions, comment transiter d’une zone à une autre ? Le transfert des trains depuis les zones au standard européen et chinois vers la Fédération de Russie et le Kazakhstan, et vice-versa, comporte une étape de rupture de charge où les essieux des trains sont inter-changés. Les essieux des trains font partie d’un ensemble moteur - frein - suspensions intégré dans un bâti et que l’on appelle un bogie. Les bogies sont fixés aux voitures passagères pour former des rames. Lors de la rupture, les trains sont immobilisés sur un quai spécialement équipé́ de bornes de sustentation qui, une fois les bogies détachés de la voiture, soulèvent le train suffisamment haut pour que celui-ci laisse passer les blocs essieux. Les bogies du calibre amont sont alors remplacés par ceux de calibre aval, et le train reposé sur ces derniers. Cette étape peut prendre entre 30 minutes et deux heures selon la taille et le poids du train, elle permet de ne pas transvaser les voyageurs vers un autre train. Néanmoins, la conteneurisation progressive du transport quant aux produits manufacturés rend possible un transfert rapide des boîtes depuis un train vers un autre, depuis un écartement de rail vers un autre. Pour ce faire deux solutions plus ou moins rapides et efficaces sont en concurrence : soit un portique sur rail munie d’une grue amovible fait le lien entre les trains disposés côte à côte, soit un camion muni d’une grue, un stacker, transporte les conteneurs un à un d’un train à un autre. La 25 Annexe 3 : Carte du réseau trans-sibérien 26 Annexe 4 : Carte de la répartition des écartements de rail
  • 17. 17 solution du portique semble privilégiée par les opérateurs du rail de part et d’autre de la « zone 1520 ». Les points de « break of gauge » et donc de transbordement sont, en orient : les villes de Zamyn-Uud (Mongolie) et Erenhot (Chine) sur le capillaire trans-mongolien, les villes de Zabaikalsk (Russie) et Manzhouli (Chine) sur le capillaire trans- mandchourien. En occident, une partie des ex-Républiques Socialiste Soviétique telles que l’Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie et les Pays baltes appartiennent encore à la zone d’écartement 1520 mm, un transbordement est donc nécessaire aux frontières avec la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne. Le Corridor Sud Au cours de la période maoïste, la Chine est isolée du reste du monde en dehors des autres nations socialistes. Or plusieurs de ses voisins font partie du bloc de l’Est, comme la Russie, la Mongolie et le Kazakhstan. La connectivité avec ces nations « soeurs » et limitrophes est alors encouragée par le régime : le prolongement du réseau vers l’ouest est la première pierre d’un pont continental encore exploité à ce jour. Pour ce faire, le réseau chinois repose principalement sur ses deux connexions avec la ligne trans-sibériennes et peine à atteindre le Kazakhstan. Aussi la ligne Lanzhou-Xinjiang (LanXin) est-elle consolidée à partir de 2009 afin de favoriser le fret et de relier la ville centrale de Lanzhou, dans le Gansu, et la ville d’Urumqi, dans la province la plus occidentale de Chine, le Xinjiang, sur une double voie électrifiée. Les lignes de chemin de fer chinoises sont alors opérationnelles pour le déplacement des marchandises depuis le centre, telles les provinces du Sichuan, du Shaanxi ou du Gansu, esquivant le plateau tibétain pour s’enfoncer dans le désert de Gobi. Par la suite, le réseau ferré pénètre au Kazakhstan via la ville chinoise d’Alashankou et sa jumelle kazakhe Dostyk au niveau du col d’Alatau. Ultérieurement, les lignes s’étirent à travers le Kazakhstan jusqu’à la frontière Kazakh-Russe et la partie la plus occidentale de la Fédération de Russie. L’Europe, est toute proche27 . Seulement, il n’est pas physiquement possible aux acteurs chinois d’établir une ligne directe Chine- Europe sans passer par la Russie, du moins en empruntant le chemin nord, le plus rapide et le plus sûr politiquement. Il est en effet envisageable de passer par le Moyen-Orient pour joindre l’Europe via l’Asie-centrale, l’Iran et la Turquie, toujours 27 Annexe 5 : Carte du corridor Sud
  • 18. 18 est-il que le jeu géopolitique ne permet pas l’avènement d’une telle route, du moins pas pour le moment. La ligne pionnière de cet axe méridional est la ligne Yuxinou. Yu renvoi à la ville de Chongqing, son départ et qui est parfois surnommé Yu, Xi à la province autonome ouïgour du Xinjiang et enfin Ou à l’Europe. Elle fut inaugurée en 2013. Le réseau ferré chinois se caractérise par son homogénéité́ avec le standard 1435 mm d’écartement des rails, il est électrifié́ et comporte une majorité́ de double voie. Depuis Chongqing jusqu’à Duisbourg, la ligne s’étend sur 11179 km. Lorsque les trains cargo traversent la frontière sino-kazakhe, un transbordement des conteneurs est nécessaire, de même qu’à l’entrée en Biélorussie. Le périple s’effectue en 17 jours. En 2015, les autorités du rail kazakh dénombrent quelques 4200028 conteneurs en transit entre l’Europe et la Chine sur l’axe Yuxinou. Il existe une volonté́ de créer des jumelages économiques entre les villes chinoises continentales et les villes européennes autour des routes proposées par l’exploitant chinois du corridor Sud, par exemple la ligne reliant Suzhou, dans le Jiangsu, à Varsovie en Pologne, Lianyungang, également dans le Jiangsu, à Rotterdam en Hollande, Chengdu, dans le Sichuan à Lodz en Pologne. Pour clôturer cette première partie, rappelons que dans un contexte économique globalement morne, les relations commerciales sino-européenne restent en croissance, à l’instar des échanges avec les provinces les moins avancées de Chine intérieure. Ce dernier point est le fait de l’Etat chinois, soucieux d’équilibrer le développement économique en reliant ces zones cibles à leurs marchés export via le train, un mode rapide, écologique et désenclavant. Par ailleurs, les autorités russes et chinoises cherchent à améliorer la connectivité de leur réseau ferré en harmonisant, sur le plan technique, le transport d’un confins à l’autre du continent, via leur corridor de prédilection, respectivement septentrional et méridional. Nous allons voir comment cette volonté politique rencontre la conjoncture économique et les contraintes techniques du mode de transport, et comment cela influence l’offre et la demande en Chine et en Europe. 28 SHEPARD, Wade. Why The China-Europe 'Silk Road' Rail Network Is Growing Fast. Forbes Asia. 28 janvier 2016
  • 19. 19 Partie 2 : Vers un équilibre entre l’offre et la demande sur le segment ? Le segment ferroviaire, issu du marché du transport eurasiatique, trouve son origine dans le besoin du service de fret par les entreprises importatrices et exportatrices de part et d’autre du continent. A la rencontre de cette demande, l’offre est constituée d’une multitude d’operateurs-prestataires intervenant à plusieurs niveaux : transitaires ou commissionnaires. Nous allons voir que la nature juridique des entreprises offreuses, tout comme leurs clients et leurs compétiteurs, dépend pour beaucoup de leur emplacement géographique. Pour mener à bien l’analyse du segment, j’ai retenu le modèle analytique dit des « 3C » (Corporation, Customer, Competitors), création de Kenichi Ohmae, stratégiste, homme d’affaire et universitaire japonais, et qui va me permettre de comprendre le positionnement des entreprises offreuses, en amont, et des demandeuses, en aval, le but étant de saisir les relations entre les parties. 2.A. Les opérateurs Chronologiquement, la première organisation à avoir connecté l’Orient et l’Occident par le fer est l’opérateur de la ligne transsibérienne : les Chemins de Fer Russes. Aujourd’hui, ils sont regroupés au sein de Russian Railways (RZD), une holding à l’organigramme tentaculaire et qui est partie prenante dans les activités se déroulant sur le corridor Nord comme Sud. Initialement publiques, les Chemins de Fer Russes sont en partie privatisés à la chute de l’URSS. Pourtant, par le biais d’un partenariat publique/privé sous forme d’open joint stock, l’entreprise reste dans le giron de l’Etat qui compte en faire un champion national. Elle est garante du 3ème réseau ferroviaire mondial, compte 1,2 millions d’employés et concentre 1,7% du PIB russe29 . RZD Holding, la maison mère des pléthoriques filiales du groupe, assure d’une part le transit sur l’axe transsibérien via des entités endogènes (RZD Logistics, TransContainer, etc.), et, d’autre part, est financièrement impliquée dans certaines entreprises concurrentes mises sur pied à l’occasion de l’ouverture du corridor Sud, remettant en avant ce mode de transport continental. 29 Russian Railways, Investor Relations
  • 20. 20 En effet, ce corridor, contraint par un contexte géopolitique tendu au Moyen-Orient, n’a d’autre choix que de sillonner la Fédération de Russie. Les entreprises transitaires souhaitant proposer un service ferroviaire eurasiatique, doivent ouvrir leur capital à RZD pour pouvoir opérer sur son territoire. Partant, l’entreprise est impliquée dans la société Yuxinou Logistics au côté du gouvernorat de la ville de Chongqing, de China Railway Corp, de Kazakhstan Railway et de Deutsche Bahn. Elle est également impliquée dans des joint-ventures cherchant à attirer les chargeurs occidentaux via leur site internet ergonomique et anglophone: Far East Land Bridge (FELB, à hauteur de 75,52%), Trans Eurasian logistics (TEL, à hauteur de 30% via RZD Logistics et de 20% via TransContainer), Gefco (ancienne division logistique de Citroën, pour près de 75%). RZD capitalise sur sa proximité culturelle ainsi que sur des liens étroits avec son partenaire allemand Deutsche Bahn pour promouvoir le mode ferroviaire vis-à-vis du maritime et de l’aérien auprès des industriels européens exportant en Chine. Par ailleurs, ses clients comptent naturellement les industriels russes. Du côté occidental toujours, la division fret des Chemins de Fer Allemands (DB Schenker), compte parmi les opérateurs incontournables. Effectivement, la première et plus importante liaison usant du corridor Sud – la ligne Yuxinou – atteint son terminus au cœur de la Ruhr, à Duisbourg en Allemagne. La Germanie étant le premier partenaire commercial de la Chine au sein de l’Union Européenne, accueillant 104,830 milliards de dollars d’import en 2014, le tracé de cette ligne ne doit rien au hasard. Ainsi DB Schenker est, à l’instar de RZD, pécuniairement impliqué dans plusieurs joint ventures positionnées en offreur du service côté européen tel que Yuxinou Logistics et TEL. En Chine, la distribution de l’offre suit un schéma légèrement diffèrent, ce dernier s’articule autour des couplages entre les municipalités de l’Empire du Milieu et leurs homologues européennes, suivant les routes ouvertes au fur et à mesure en parallèle de l’axe Yuxinou, pionnier en la matière. Ce dernier est exploité par Yuxinou Logistics, une joint venture internationale présentée ci-dessus. Effectivement, une fois l’opérabilité de cette route entérinée par plusieurs milliers de TEU échangés, le 30 De GRANDI, Michel. Routes de la soie: le plan de Pékin pour dominer le monde. Les Echos. 29 janvier 2016
  • 21. 21 couplage avec d’autres métropoles de part et d’autre du continent parut aux autorités provinciales chinoises une façon d’agrandir le volume des marchandises exportées sur le corridor. Ainsi, la route Chengdu (Sichuan) – Lodz (Pologne) ouvre en avril 2013 grâce au concours de la joint venture sino-polonaise YHV Chengdu Hatrans, soutenue par le gouvernorat du Sichuan. Elle intéresse les industriels du Sichuan et de Pologne quant au recours au train pour leurs échanges eurasiatiques. La route Wuhan (Hubei) – Pardubice (République Tchèque) est ouverte en avril 2014 avec la participation de la municipalité de Wuhan et des Chemins de Fer Chinois. L’entité en charge est appelée Wuhan An’ou International Logistics. Enfin, la route Zhengzhou (Henan) – Hambourg ouvre en mai 2014 via l’appui des gouvernements de Zhengzhou et du Henan 31 . L’opérateur est Zhengzhou International Hub Development and Construction Co. Chacune des entités en charge du transit au départ de la Chine sur les différentes routes du corridor Sud est créée et subventionnée avec de l’argent public. Se posent alors la question de la viabilité du modèle ainsi que celle de l’éthique commerciale vis-à-vis des offreurs à capitaux privés, majoritairement occidentaux ou russes, opérant sur le segment. Dans le but de rapprocher le tarif à la boîte appliqué au fer de celui du maritime, le gouvernement de la ville de Chengdu a par exemple versé quelques 3032 millions de yuans à l’exploitant en 2014, soit plus de 4,5 millions de dollars. Outre les entreprises chinoises et européennes proposant leurs services dans leur zone de chalandise locale, plusieurs grandes entreprises de transport international, tels que DHL ou UPS, sollicitent les services des transitaires susmentionnés en tant que commissionnaires de transport pour le compte de leurs propres clients. De cette manière, DHL transporte des marchandises entre l’UE et la Chine en utilisant la route Hambourg - Zhengzhou33 . 31 Annexe 6 : Les routes du corridor Sud 32 YANG, Jing. Silk Road subsidies undermine rail link. South China Morning Post. 8 décembre 2014 33WILLIAMS, Marcus. DHL agreement builds on rail services between Europe and China. Automotive Logistics. 1er juillet 2015
  • 22. 22 2.B. Les chargeurs En Orient, les entreprises utilisatrices du service arborent deux caractéristiques communes : elles vendent une part importante de leur production à l’export en Europe, et sont regroupées dans des municipalités de Chine intérieure, où les gouvernements centraux et régionaux cherchent à développer l’activité économique. Le regain d’intérêt pour ce mode, onéreux vis-à-vis du maritime, est en grande partie imputable à ce type de politique publique visant au rattrapage du retard accumulé par certaines provinces continentales. Outre les zones économiques spéciales et les déductions fiscales visant à l’implantation de firmes étrangères, comme locales, le développement des infrastructures est également un facteur pris en compte par ces dernières. De fait, une firme internationale venue installer une unité de production manufacturière dans le centre de la Chine bénéfice d’avantages fiscaux, d’une main d’œuvre ainsi que d’un coût global de la vie meilleur marché que sur la côte, mais aussi d’un réseau ferroviaire interconnecté jusqu'à l’Europe et dont l’utilisation est elle-même sujette à subvention. Si l’on observe les modalités du fret ferroviaire eurasiatique en dehors des subventions dont il bénéficie au départ de la Chine, il est approprié aux entreprises souhaitant expédier des marchandises lourdes (entre un et trois m3 par tonne) et dont la marge est suffisante pour absorber un tarif à la boite trois à cinq fois plus important que par la mer. L’avantage concurrentiel réside dans les délais de transport, deux à trois fois plus restreints. L’avantage comparatif en terme de délais n’est alors pas nécessairement acceptable pour de nombreuses entreprises européennes, produisant en Chine des biens manufacturés à faible marge tels que les jouets, le textile et autres biens de grande consommation plus profitables aux distributeurs qu’aux producteurs. L’attrait pour ce mode est alors limité aux firmes fabricant des produits à forte marge (composants high-tech, électronique etc.). Les autorités régionales chinoises, souhaitant attirer les investissements étrangers dans leurs circonscriptions, subventionnent le fret ferroviaire jusqu'à ce que son tarif avoisine celui du maritime34 . Un exemple emblématique de cette politique de soutien et de réactualisation du mode réside dans le cas Hewlett-Packard à Chongqing. 34 YANG, Jing. Silk Road subsidies undermine rail link. South China Morning Post. 8 décembre 2014
  • 23. 23 HP, géant américain présent dans les secteurs de l’informatique, du numérique, des logiciels, des réseaux etc. est implanté en Chine depuis 1998, à Shanghai, où il produit ordinateurs, imprimantes et autres appareils électroniques. En 2008, l’entreprise reçoit à son siège de Palo Alto un adjoint représentant le maire de la municipalité de Chongqing. Celui-ci met en avant le passif industriel de la ville- préfecture : d’abord martialement développée durant l’occupation japonaise, les industries de la ville se concentrent sur la production d’appareils militaires. Puis, en temps de paix, elle bénéfice de ce savoir faire pour se spécialiser dans l’automobile et en devient la troisième productrice du pays35 . Le timing de la visite du représentant de la ville n’est pas fortuit, Chongqing a pour ambition de se diversifier massivement dans l’électronique, alors que la crise frappe et met à terre des villes dépendantes de l’industrie automobile telle que Detroit. Misant sur des salaires relativement bas vis-à- vis de la côte Est, d’une organisation industrielle expérimentée et de multiples subventions, le pari est un succès : en 2013, la ville accueille une unité de production HP ainsi que les usines de quatre des plus grandes marques d’ordinateur : Acer, Asus, Toshiba et Sony. A leurs cotés sont installés leurs sous-traitant et fournisseurs tels que Foxconn, Inventec et Wistron. La municipalité garantit au groupe l’accès à 80% des composantes nécessaires à la fabrication des ordinateurs portables en local. En 2013, les industriels de la municipalité de Chongqing produisent 55 millions de laptops pour un chiffre d’affaire de 26 milliards de dollars (dont les deux tiers sont réalisés à l’export entre l’Union Européenne et les Etats-Unis)36 . Ces ventes comptent pour 10% du revenu industriel de la ville, une réussite pour les autorités ainsi que leurs partenaires étrangers et chinois. L’année 2013 est aussi celle de l’ouverture de la ligne ferroviaire Yuxinou aux fabricants de la ville. Elle est testée et rôdée pendants plus d’un an et demi avec les produits HP. Une fois les difficultés techniques, notamment liées au froid, solutionnées grâce à des conteneurs intégrant une gestion climatique, le service de transport sur la ligne va être commercialisé aux concurrents d’HP et essaimer dans les villes chinoises à la recherche d’une solution globale de développement sensée attirer les investisseurs étrangers. 35 AUTOMOTIVE INDUSTRY IN CHONGQING, SICHUAN AND HUBEI, 2014 36 Chongqing : land of laptops. China Daily. 16 juin 2014
  • 24. 24 Aussi les entreprises potentiellement demandeuses sur ce segment sont probablement celle qui bénéficieront, à l’instar de HP à Chongqing, de généreuses subventions d’’utilisation indirectes, reversées aux opérateurs du rail. Pour ce qui est des entreprises basées dans l’Union Européenne et cherchant à exporter en Chine, leurs marges devront être à même d’absorber le surcout du ferroviaire. Plusieurs secteurs d’activité tels que la pharmacie, l’automobile, l’agroalimentaire et la mode peuvent être concernés. Les entreprises issues de ces secteurs cherchent à exporter leur image qualitative auprès d’une classe moyenne chinoise grandissante. Par ailleurs, ces dernières opèrent sur des marchés très réactifs où l’innovation et la primauté sont des facteurs de vente importants. Si l’offre, depuis la Chine vers l’UE, rencontre la demande, grâce à l’appui du gouvernement, le segment du transport ferroviaire eurasiatique subit le déséquilibre commercial que connaissent les transitaires au départ de l’Europe. Ainsi, l’offre excède la demande au départ de l’UE.
  • 25. 25 Partie 3 : Quelle attractivité pour le rail eurasiatique ? Le segment « fret ferroviaire eurasiatique » se distingue des autres moyens de transport par la forte implication des gouvernements chinois et russe dans sa mise en œuvre. Au gré des deux corridors, auxquels correspondent des zones d’influence commerciale et stratégique, ces Etats – autoritaire pour certains – forgent leur politique étrangère. Nous l’avons vu, leur implication se manifeste depuis la conception des routes jusqu'à leur exploitation. Cela influence la mise sur le marché du mode. Le ferroviaire arbore cependant des forces inaliénables tout en portant en son sein des faiblesses difficilement franchissables. Au cours de cette troisième et dernière partie, je vais tenter de mesurer la compétitivité du rail par rapport au reste du marché du transport eurasiatique. Pour mener à bien cette étude, je vais dans un premier temps observer l’intensité concurrentielle du segment. Dans cette optique, j’utiliserai le modèle dit des « 5 forces de Porter », du nom du célèbre consultant et professeur à Harvard Michael Porter. Puis j’analyserai comment les caractéristiques du fer peuvent être transposées en forces et faiblesses face au segment maritime. 3.A. L’intensité concurrentielle Pouvoir de négociation des clients A priori, le pouvoir de négociation des clients est un facteur au désavantage du fer dans la mesure où les services de substitution sont compétitifs. En effet, le volume des marchandises transportées par un train avoisine les cent TEU alors qu’il n’est plus rare aujourd’hui qu’un porte-conteneurs en charrie plus de dix mille. Les économies d’échelles sont donc moindres. Quant aux chargeurs pour qui le prix du transport représente une part relativement faible par rapport au prix des marchandises affrétées, le transport aérien est alors plus rapide. En revanche, le service ferroviaire au départ de la Chine fait parti d’un ensemble de mesures visant à attirer les investisseurs. Par conséquent, les aides publiques qui accompagnent l’utilisation du train sont le fruit d’une collaboration entre autorités locales et utilisateurs. L’engagement dans ce partenariat représente un coût de transfert difficilement chiffrable et qui bénéficie au ferroviaire. La menace liée à l’intégration du service est faible car les infrastructures sont une barrière à l’entrée sur le segment.
  • 26. 26 Menace des produits de substitution Le marché du transport eurasiatique de marchandises comporte trois modes, dont chacun bénéficie de modalités particulières en terme de délais, de capacité et de coût. En théorie, ces modes sont substituables les uns aux autres selon que le chargeur privilégie une modalité plutôt qu’une autre. En pratique, les utilisateurs du ferroviaire produisent leurs marchandises non-loin des terminaux de chargement, le coût du transfert, vers le maritime par exemple, impliquera un délais supplémentaire de 3 jours en moyenne pour pré-acheminer le fret jusqu’à un port. En outre, parler de substitution au maritime, qui concentre plus de 95% du trafic international de marchandises, n’est pas réaliste. Dans la configuration actuelle, le fer est un mode alternatif qui vient en renfort de la solution maritime. Pouvoir de négociation des prestataires Les opérateurs du rail, en Europe comme en Asie, bénéficient des échanges florissants entre l’UE et la RPC. Il existe effectivement une demande pour le service de fret ferroviaire dans la mesure ou celui-ci apporte une innovation au marché en se positionnant en alternative entre le maritime et l’aérien. Les transitaires peuvent se targuer de proposer un service « entre deux » unique. Par ailleurs, les offreurs situés dans les provinces intérieures de Chine, sont à même de commercialiser un service 30 à 50 37 % moins cher que leurs homologues européens. Ce privilège, lié aux subventions, joue unilatéralement en faveur des prestataires du segment basés à l’Est. Menace des nouveaux entrants Pour pénétrer le marché, un nouvel acteur devra se heurter à plusieurs barrières. D’abord, les chemins de fer étant la propriété des Etats, un nouvel entrant potentiel, si il souhaite se positionner en tant que transitaire, devra obtenir le droit d’exploiter une partie du réseau auprès de l’administration compétente. Ensuite, il devra investir dans les motrices et wagons nécessaires à l’activité, ce qui représente en soi une forte barrière financière. En ce qui concerne les entreprises commissionnaires, celles-ci doivent négocier avec les exploitants actuels afin de bénéficier du service. C’est le cas 37 FAINSILBER, Denis. La nouvelle route de la soie. Les Echos. 18 juillet 2014
  • 27. 27 des grands transporteurs internationaux tels que UPS ou DHL. Le taux de fret sur la prestation est le résultat des négociations entre transitaire et commissionnaire. Concurrence intra-branche La concurrence à l’intérieur même du segment est facteur du contexte économique d’une part, et du soutien politique, d’autre part, apporté aux opérateurs. Le commerce bilatéral est déséquilibré entre l’UE et la Chine. Le fait que les entreprises européennes importent plus qu’elles n’exportent a une influence directe sur les flux de marchandises issues de ces échanges. En valeur, les produits au départ de la Chine et à destination de l’Union Européenne sont deux fois plus important que dans le sens inverse, cela provoque un taux de remplissage des trains faible depuis l’UE vers la RPC. Le coût des wagons vides est alors à la charge des transitaires chinois, qui doivent assumer un retour en sous-chargement de leurs convois. Ce problème ne se pose pas lorsque un opérateur européen expédie un bloc de train vers l’Asie, puisque celui-ci reviendra chargé de marchandises. Le coût d’exploitation d’un convoi est alors plus élevé pour les chinois dans l’hypothèse d’un train complétement chargé au départ38 . Néanmoins, ce déséquilibre des charges est compensé par les pouvoirs publics chinois qui subventionnent les départs depuis leur propre territoire. En revanche, les gouvernorats des différentes provinces ne dotent pas leur transitaire de la même façon, ainsi le taux de subvention à l’exploitation varie d’un itinéraire à un autre, d’un exploitant à un autre. 38 TRANSPORT & LOGISTICS IN CHONGQING AND SICHUAN, 2014
  • 28. 28 3.B. La compétitivité Dans quelle mesure le ferroviaire est-il compétitif vis-à-vis du maritime ? Afin de répondre à cette question je vais effectuer une analyse comparative fer/mer quant à la situation suivante : transit de marchandises depuis le centre de la Chine, à Chongqing, jusqu'à Duisbourg, dans la Ruhr. Les modalités observées sont le délai de transit et le coût du transport international. Enfin, et de façon plus générale, je comparerai les deux modes par rapport aux volumes transportables, à la sécurité et à l’empreinte carbone. La liaison ferroviaire Chongqing - Duisbourg est à l’origine du regain d’intérêt pour ce mode dès 2013. Elle relie deux centres urbains, industriels et logistiques d’envergure. Les ordinateurs portables, les télévisions et les composants automobiles, entre autres, sont acheminés en 16 à 17 jours sur une route de plus de 12000 km. Ils rejoignent ensuite les circuits de distribution de matériel spécialisé, allemands et européens, ainsi que les usines d’assemblage des constructeurs allemands, situées en Allemagne ou en Europe de l’Est. Le coût du transport international dépend de la quantité de FEU transportés : en 2014, un chargement de moins de 5 FEU coutait 900039 dollars US par FEU, 7000$/FEU au dessus de 20 unités (hors subvention). Dans le sens inverse, depuis Duisbourg jusqu'à Chongqing, le tarif est de 7000 à 8000 dollars par FEU en dessous de 5 FEU, ramené à 5000 – 5500$/FEU à partir de 20 FEU achetés. En considérant l’itinéraire Chongqing – Duisbourg par le biais du maritime, les délais de transport s’allongent considérablement. Les infrastructures portuaires les plus proches sont localisées à Shanghai, atteignables en pré-acheminement fluvial ou ferroviaire, et Shenzhen, via le transport routier ou ferroviaire. Pour joindre Shanghai, les marchandises peuvent transiter sur le fleuve Yang-Tsé, le délai est de 10 à 12 jours. A contre-courant, le délai peut monter jusqu'à 15 jours. En utilisant le fer sur l’axe Yu-Shang, la latence est écourtée à 4 jours. Pour joindre le port de Shenzhen, un pré-acheminement routier est envisageable en 3 jours, 2 pour le train. Quant au transport maritime international, il faut compter 3440 jours en moyenne depuis 39 TRANSPORT & LOGISTICS IN CHONGQING AND SICHUAN, 2014 40 https://www.searates.com (réf. du 30 juillet 2016)
  • 29. 29 Shenzhen jusqu'à Rotterdam, ou 43 jours jusqu'à Hambourg. Depuis Shanghai, 34 jours en moyenne seront nécessaires pour joindre Rotterdam ou Hambourg. Le post- acheminement d’un port européen jusqu’à Duisbourg requiert 1 à 2 jours de route. Soit un délai total d’environ 47 jours en utilisant un pré-acheminement fluvial et de 40 jours en cas de pré-acheminement ferroviaire sur l’itinéraire Chongqing – Shanghai – Rotterdam ou Hambourg. Ce temps de transport de 40 jours est sensiblement le même sur la route Chongqing – Shenzhen – Rotterdam, montant à 50 jours en moyenne pour atteindre Hambourg. Quant au prix du transport maritime, l’indice Shanghai – port européen est de 1125 dollars par TEU (2250$/FEU) au 28 juillet 2016, ou de 863,54$/TEU (1727,08$/FEU) pour l’indice Chine – Europe41 à la même date. Ainsi le transport ferroviaire, depuis l’intérieur de la Chine jusqu’en Europe est 2,3 à 2,7 fois plus rapide que le maritime pour un coût au FEU 2 à 5 fois plus élevé hors pré-, post-acheminement et subventions. Le mode ferroviaire a-t-il du sens pour les entreprises situées sur la côte Est chinoise ? Depuis Shanghai ou Shenzhen, avec un pré-acheminement de 4 jours en moyenne, le délai est de 21 jours pour atteindre Duisbourg, ce qui est toujours 2 fois plus rapide que par la mer. En terme de délai, le ferroviaire eurasiatique est tout aussi compétitif pour les chargeurs issus des provinces côtières ainsi que pour les européens désirant exporter vers ces zones. Plus généralement, le fer eurasiatique arbore les avantages du train peu importe sa destination : c’est un moyen de transport sûr et peu polluant. En effet, alors que de nombreux matériaux dangereux ne peuvent être transportés en aérien, le ferroviaire, qui est peu propice aux accidents, est tout à fait adapté à ce type de marchandises. Le caractère sécurisé du mode sied également aux produits à très forte valeur ajoutée, aux biens précieux. Par ailleurs, les quantités de Co2 émises à l’occasion d’un voyage Europe – Chine par le fer représente environ 27042 kilos par tonne de marchandise, contre 381 par l’océan et 5727 par les airs. Le ferroviaire est bel et bien le mode de transport le plus « vert », 30% moins polluant que le maritime, et 21 fois moins que l’aérien. 41 Indices disponibles sur http://www1.chineseshipping.com.cn 42 DB Schenker. Get your business rolling with innovative rail logistics solutions between China and Europe. Février 2015
  • 30. 30 Conclusion Le segment « fret ferroviaire eurasiatique » est porté par l’environnement macro- économique dans lequel il évolue. Du point de vue politique, il représente pour les Chinois un projet d’envergure servant un double objectif : le désenclavement des provinces intérieures, souvent en déficit de développement par rapport à leurs voisines côtières, ainsi que la projection de puissance commerciale à l’international. Bien que le déploiement maritime soit le vecteur principal de cette puissance économique, les lourds investissements en terme d’infrastructures démontrent le savoir-faire des Chinois. Le corridor Sud, désormais viable et régulièrement utilisé, prouve également que la politique « Une ceinture, une route », financée par le fond « Route de la soie » est à même de se traduire en actions concrètes. Ce fond est issu de la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures, à l’initiative de la Chine et qui a attiré des capitaux de par le monde, et notamment des pays les plus avancés. Par ailleurs, le corridor Sud, vient concurrencer le corridor Nord russe. Ces deux pays, conjoncturellement alliés, historiquement rivaux, testent leurs leadership en Asie centrale, une région où la primauté stratégique reste à déterminer. La politique étrangère chinoise sert l’économie du pays. La République Populaire opère progressivement un tournant dans son modèle de développement. Plus basé sur la consommation intérieure que sur l’export, les entreprises chinoises, dont les produits montent en gamme, restent fortes sur leurs marchés étrangers, notamment en Europe. Une jonction ferroviaire directe entre les deux partenaires pourrait pérenniser une route, une configuration particulièrement profitable à la Chine. Du point de vue technologique, le ferroviaire a fait ses preuves. Les conteneurs circulant sur les routes méridionales, comme septentrionales, sont gérées climatiquement pour transporter tout type de marchandises dans de bonnes conditions. En outre, la technique, utilisant l’énergie électrique, est perçue comme une alternative aux autres modes, plus polluants. Aussi le ferroviaire bénéficie-t-il de la prise de conscience écologique au niveau mondial. Malgré des infrastructures opérationnelles et un contexte largement favorable, la compétitivité du ferroviaire n’est pas encouragée par la baisse du prix des hydrocarbures, plus favorable au maritime et à l’aérien.
  • 31. 31 Au niveau du marché, on observe un déséquilibre pour le trajet Europe – Asie, la configuration des flux de marchandises en est à l’origine. Tant que le volume des produits en provenance de Chine sera supérieur à celui en provenance de l’Union Européenne, les chargeurs chinois devront supporter la charge des retours à vide de leurs convois. Cependant, de par la nature politique du déploiement ferroviaire, la majorité des offreurs, en Chine comme en Russie, bénéficient de partenariat public/privé. Cela donne lieu à des subventions d’exploitation sensées corriger le déséquilibre des flux, donnant lieu par la même à une course aux subventions chez les transitaires. Finalement, les aides publiques dont bénéficient les opérateurs se répercutent sur les taux de fret, à l’avantage des chargeurs. Le problème de l’éthique commerciale et de la résilience du segment est alors posé. Vis-à-vis des autres modes qui composent le marché du fret eurasiatique, le fer jouit de forces et de faiblesse indépendantes de son environnement. C’est un mode de transport relativement rapide quant au maritime et relativement lent quant à l’aérien. Il est aussi relativement bon marché quant à l’aérien et relativement cher quant au maritime. Le « fret ferroviaire eurasiatique » est alors une alternative entre les deux autres segments, destinée aux chargeurs souhaitant profiter de délais courts tout en payant un taux de fret plus élevé. En revanche, le train, à l’instar de l’avion et à l’inverse du bateau, est un vecteur de faibles volumes de marchandises. Cela a deux conséquences majeures : dans un premier temps, la compétitivité tarifaire ne bénéficiera pas d’économies d’échelles à la mesure du maritime. Dans un deuxième temps, il ne représentera jamais une alternative pour le transport des biens de grande consommation produit en très large volume. Mon impression est la suivante : l’intérêt retrouvé pour ce mode de transport intercontinental est le fruit de la rencontre entre le politique et la conjoncture économique. Le désir, politique, de marquer l’histoire, et la géographie, par un grand projet de développement rencontre une configuration des échanges bilatéraux européo-chinois prête à accueillir cette innovation. Le président chinois Xi Jingping a évoqué à de multiples reprises le « Rêve chinois », ce dernier est porté par de vastes politiques d’investissement à l’international et qui servent les intérêts du pays. En effet, le train véhicule un faible volume de produits à forte valeur ajoutée : à l’image de la Chine, qui va être amenée à exporter moins, mais des produits plus qualitatifs. A
  • 32. 32 mon sens, la place du ferroviaire, parfois présentée dans les médias comme une menace pour le maritime, est celle d’une alternative de niche, à l’instar de l’aérien, quant à ce vaste marché du transport eurasiatique.
  • 33. 33 Bibliographie globale Articles BOURASSI, Nabil. Alstom va lancer un train à pile à combustible en Allemagne, La Tribune (en ligne). 24 septembre 2014 (réf. du 23 juin 2016). Disponible sur http://www.latribune.fr Anonyme. Chongqing : land of laptops. China Daily (en ligne). 16 juin 2014 (réf. du 23 juillet 2016). Disponible sur http://www.china.org.cn FAINSILBER, Denis. La nouvelle route de la soie. Les Echos (en ligne). 18 juillet 2014 (réf. du 25 juillet 2016). Disponible sur http://www.lesechos.fr De GRANDI, Michel. Routes de la soie: le plan de Pékin pour dominer le monde. Les Echos (en ligne). 29 janvier 2016 (réf. du 9 juillet 2016). Disponible sur http://www.lesechos.fr GRAS, Thomas. Où en est le transport ferroviaire de marchandises en Russie ? Le courrier de Russie (en ligne). 29 avril 2013 (réf. du 29 juin 2016). Disponible sur http://www.lecourrierderussie.com Anonyme. La population européenne. Essentiel sur l’UE (en ligne). 17 Juillet 2015 (réf. du 12 juin 2016). Disponible sur http://www.touteleurope.eu SHEPARD, Wade. Why The China-Europe 'Silk Road' Rail Network Is Growing Fast. Forbes Asia (en ligne). 28 janvier 2016 (réf. du 2 juillet 2016). Disponible sur http://www.forbes.com STACEY, Kiran, LIVSEY, Alan. Breaking up is hard to do, Financial Time. 9 juin 2016, p.7.
  • 34. 34 WILLIAMS, Marcus. DHL agreement builds on rail services between Europe and China. Automotive Logistics (en ligne). 1er juillet 2015 (réf. du 20 juillet 2016). Disponible sur http://automotivelogistics.media YANG, Jing. Silk Road subsidies undermine rail link. South China Morning Post (en ligne). 8 décembre 2014 (réf. du 23 juin 2016). Disponible sur http://www.scmp.com ZHU, Zhiqun. China’s AIIB and OBOR: Ambitions and Challenges. The Diplomat (en ligne). 9 octobre 2015 (réf. du 22 juin 2016). Disponible sur http://thediplomat.com Documents d'archives Banque mondiale, Population total et Population chinoise (réf. 13 juin 2016), Population rurale de la Chine (réf. 15 juin 2016), Exportations de biens et de services (% du PIB chinois) (réf. du 13 juin 2016) (en ligne). Disponible sur http://data.worldbank.org L’économie de l’UE, l’Europe en quelques chiffres (en ligne), (réf. 13 juin 2016). Disponible sur http://europa.eu European Commision, Directorate General for Trade, European Union, Trade with USA, 2015 (en ligne), (réf. 15 juin 2016). Disponible sur http://trade.ec.europa.eu Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°376 : L’impacte de la situation économique chinoise sur les relations Europe-Chine, 21/12/2015 (en ligne), (réf du 18 juin 2016). Disponible sur http://www.robert-schuman.eu Indices « Chinese Shipping », China Containerized Freight Index (CCFI), Shanghai Containerized Freight Index (SCFI), (réf. du 2 juillet 2016). Disponible sur http://www1.chineseshipping.com.cn Russian Railways, Freight on Eurasian Routes ; Investor Relations (en ligne), (réf. du 25 juin 2016). Disponible sur http://eng.rzd.ru
  • 35. 35 Statistica, Global gross domestic product (GDP) at current prices from 2010 to 2020 (en ligne), (réf. 13 juin 2016). Disponible sur http://www.statista.com Manuscrits Consulate General of the Kingdom of the Netherlands in Chongqing / Netherlands Business Support Office in Chengdu, Sichuan. TRANSPORT & LOGISTICS IN CHONGQING AND SICHUAN, 2014 (en ligne), (réf. du 30 juillet). Disponible sur china.nlambassade.org Consulate General of the Kingdom of the Netherlands in Chongqing / Netherlands Business Support Offices in Chengdu, Sichuan and Wuhan, Hubei. AUTOMOTIVE INDUSTRY IN CHONGQING, SICHUAN AND HUBEI, 2014 (en ligne), (réf du 23 juillet 2016). Disponible sur china.nlambassade.org DB Schenker. Get your business rolling with innovative rail logistics solutions between China and Europe (présentation commerciale en ligne). Février 2015 (réf. du 3 aout 2016). Disponible sur https://www.dbschenker.ee European Commision, Directorate General for Trade, European Union, Trade in good with China, 2015 (en ligne), (réf 15 juin 2016). Disponible sur http://trade.ec.europa.eu LASSERRE, Frédéric. Vers une autoroute maritime ? Passages arctiques et trafic maritime international. Université Laval, Québéc, 2009, (réf du 25 juin 2016). PBL Netherlands Environmental Assessment Agency, Trends in Global co2 emissions, 2014 Report (en ligne), (réf. du 22 juin 2016). Disponible sur http://edgar.jrc.ec.europa.eu
  • 36. 36 Table des annexes Annexe 1 : Carte OBOR Mercator Insitute for China Studies, Infographic/China Mapping Silk Road Initiative, December 2015 (en ligne), (réf. du 20 juin 2016). Disponible sur http://www.merics.org Annexe 2 : Carte répartition de la population et de la richesse en Chine Le Cartographe, Chine – les disparités régionales de l’espace chinois, 2005 (en ligne) (réf. du 2 juillet 2016). Disponible sur http://www.le-cartographe.net Annexe 3 : Carte du réseau trans-sibérien Russian Railway, Trans-Siberian Railway (en ligne) (réf. du 3 juillet 2016). Disponible sur http://eng.rzd.ru Hobohop, Planning a trip on the Trans Siberian & Trans Mongolian railways (en ligne) (réf. du 3 juillet 2016). Disponible sur http://www.hobohop.com Annexe 4 : Carte de la répartition des écartements de rail CIA Factbook Railway, World Map, rail gauge by region (en ligne) (réf. du 3 juillet 2016). Disponible sur https://en.wikipedia.org Annexe 5 : Cartes du corridor Sud ESCOBAR, Pepe. The new China-Europe connection: how China’s new Silk Road strategy will change the face of the world. Energy Post (en ligne). 23 décembre 2014 (réf. du 3 juillet 2016). Disponible sur http://www.energypost.eu Annexe 6 : Les routes du corridor Sud YANG, Jing. Silk Road subsidies undermine rail link. South China Morning Post (en ligne). 8 décembre 2014 (réf. du 23 juin 2016). Disponible sur http://www.scmp.com
  • 37. 37 Annexe 1 : Carte OBOR
  • 38. 38 Annexe 2 : Carte répartition de la population et de la richesse en Chine
  • 39. 39 Annexe 3 : Cartes du réseau trans-sibérien
  • 40. 40 Annexe 4 : Carte de la répartition des écartements de rail
  • 41. 41 Annexe 5 : Carte du corridor Sud
  • 42. 42 Annexe 6 : Les routes du corridor Sud
  • 43. 43 Glossaire Bogie : Châssis porteur à deux ou trois essieux supportant l'extrémité d'un véhicule de chemin de fer, relié au châssis principal par une articulation. IDE (Investissement Direct à l’Etranger): Investissements qu'une unité institutionnelle résidente d'une économie effectue dans le but d'acquérir un intérêt durable dans une unité institutionnelle résidente d'une autre économie et d'exercer, dans le cadre d'une relation à long terme, une influence significative sur sa gestion. Open Joint Stock Company : Entreprise par action et dont les titres s’échangent librement sur le marché sans consultation préalable des autres porteurs, ni autre limitation. Joint venture : Filiale commune entre deux ou plusieurs entreprises dans le cadre d'une coopération économique internationale. (Cette technique financière est un moyen de coopération entre des sociétés qui possèdent des compétences complémentaires ; elle représente un des seuls moyens d'accès des firmes étrangères voulant s'implanter dans les ex-pays communistes.) RSE : La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire ». Énoncé plus clairement et simplement, c’est « la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable ». Stacker : engin de manipulation des conteneurs par palonnier. TEU (Twenty-foot Equivalent Unit) : ou EVP (Equivalent Vingt Pieds), est l’unité de mesure du volume des conteneurs. Le FEU (Fourty-foot Equivalent Unit), ou EQP, est plus rarement utilisé. Il sied cependant au transport ferroviaire, où le conteneur de quarante pieds est largement utilisé. Sources : Larousse en ligne, INSEE, developpement-durable.gouv