1. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
LA PROPAGANDE
1. Introduction
L'expression "propagande" apparaît, dans son sens politique, à la révolution française sous la plume de
Tocqueville. Jusqu'alors, elle n'appartenait qu'au vocabulaire ecclésiastique (la Congrégation de la
propagande, instituée par le pape Grégoire 15 au 17 e siècle avait pour but de répandre la religion
catholique). Même si l'on trouve déjà des traces de propagande dans l'antiquité, la propagande ne se
pratique à grande échelle que depuis la fin du 19e siècle.
Jean-Marie Domenach définit la propagande comme "une entreprise organisée pour influencer et
diriger l'opinion publique" (1950).
Serge Tchakhotine distingue:
- Propagande de persuasion: recourt à des arguments logiques
- Propagande suggestive: recourt à l'émotion
2. La première guerre mondiale (1GM)
Elle suscita une intense activité de propagande.
Les Allemands s’organisèrent rapidement même si ce fut d'une manière un peu maladroite.
Les Alliés mirent plus de temps pour mettre en place leur propagande mais furent plus créatifs.
En 1916, la France créa 3 organes de propagande:
- Un Bureau de documentation
- Un Commissariat de la propagande vers l'étranger
- Un Service de guerre psychologique
C’est à ce moment-là que fût inventée la tactique qui consiste à larguer des tracts par avion en terrain
ennemi.
Les Anglais ont vite fait appel à de professionnels: sous direction de Lord Northcliffe, une équipe de
journalistes (dont H.G. Wells) se distingua par des efforts de théorisation de cette technique afin de
l’exploiter au mieux. Ils établirent quelques règles:
- Une campagne ne peut être organisée que sur base d’une définition précise et préalable d’une ligne,
d’un projet politique.
- Il faut éviter de mentir.
- Il faut éviter les contradictions ou les équivoques.
Mais les beaux principes cèdent rapidement la place à l’exagération et à la déformation. Ponsonby
(député britannique) décrit la façon dont la propagande dépeignait les Allemands comme de vicieux
criminels et le Kaiser comme un monstre sanguinaire. Il souligne aussi la nécessité d'enflammer les
passions pour maintenir l'effort de guerre (patriotisme).
Aux USA, ce sont d’abords les grands de la presse qui débattirent à propos de la 1GM (Randolph
Hearst et Joseph Pulitzer). La neutralité des USA au début du conflit et la présence de populations
d'origine européenne permirent le développement des efforts de propagande, même pro-allemande
(Deutsch Amerikaner Bund). Au moment de l'entrée en guerre des USA, le président Wilson créa le
Committee on Public Information (CPI) qui devait convaincre les américains (y compris les émigrés
allemands) de la légitimité pour les USA d’entrer dans le conflit à travers:
- Des brochures et des films
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- Des "Loyalty Leagues"
- Des "Five minutes men" (propagandistes volontaires capables de justifier la guerre en 5 minutes).
Cet organe fut dissout en 1919 en raison de sa propagande trop brutale mais on lui doit pourtant un
certain nombre d'innovations majeures comme l'idée de la "guerre juste" (nécessaire pour la paix et les
droits de l'homme).
3. La propagande Bolchevique
La révolution russe a institutionnalisé la propagande: elle devient un pilier de l'organisation sociale et
politique du pays alors que, jusque là, elle servait plutôt d'instrument pour gérer la crise. La
propagande orchestrée par les révolutionnaires est systématisée par Lénine.
Ellul parle d'orthopraxie pour qualifier cette nouvelle propagande qui n'agit pas seulement sur les
modes de raisonnement ou les idées mais essentiellement dans le but de provoquer l'action. Elle
s'articule autour de 2 procédés:
La révélation politique
Elle vise à dénoncer un certain nombre de réalités sociales comme résultats d’un système injuste dans
lequel une classe dominante impose ses volontés pour son seul profit.
Elle repose sur un discours de "démystification" qui consiste, à partir de faits concrets, à révéler les
vraies intentions de la classe dominante (lutte des classes).
Selon Marx, il s’agit de rendre l’oppression réelle plus dure en jouant sur la conscience de cette
oppression et sur la honte qu’elle suscite. Dans une certaine mesure, on utilise encore ce procédé
aujourd'hui, notamment dans la vie politique, et ce même dans les régimes démocratiques (ex: les
partis de l'opposition présentent tous les malheurs comme le résultat de la gestion désastreuse de
l'équipe au pouvoir).
Plus tard, les communistes utiliseront la révélation politique à contresens en élevant au rang de mythes
un certain nombre d'exploits (réels, amplifiés ou fabriqués) pour révéler la réussite du régime en place
et le courage de son peuple.
Le mot d’ordre
Il s’agit de formules claires, brèves et euphoniques qui synthétisent des principes fondamentaux que la
propagande cherche à propager.
Les mots d'ordre s'appuient sur les désirs et les aspirations qui prédominent au sein de la population
ciblée (ex: "terre et paix" qui reprenait l'essentiel des aspirations des paysans mobilisés dans les forces
armées).
Les mots d’ordre se propagent par répétition Diffusion rapide et pas de moyens logistiques
nécessaires. Les mots d'ordre pouvaient être conçus de manière différente en fonction des populations
ciblées.
3.1. Agitation et propagande: "agitprop"
La propagande s'appuie sur la combinaison de 2 opérations:
- L'agitation: c'est le fait de diffuser un petit nombre d’idées à beaucoup de gens, voire à des foules en
suscitant le mécontentement et l’agitation. L'agitateur s'appuie principalement sur l’oral.
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- Le propagande: c’est le fait de diffuser beaucoup d’idées à peu de gens en suivant une démarche de
conviction et d'argumentation (ex: en démontrant les contradictions et les injustices du système
existant et en établissant la pertinence des alternatives proposées). Le propagandiste s'appuie
principalement sur l'écrit.
En Russie un ministère chargé de la propagande se chargeait d'assurer cohérence et l'omniprésence de
la propagande.
Une section des "informations":
- Editait, pour le gouvernement, un bulletin quotidien sur la situation du pays
- Publiait ses propres journaux
- Organisait des revues de presse pour d'autres journaux
- Gérait un bureau de presse qui informait les journaux ainsi qu'une agence télégraphique
- Publiait et diffusait des affiches
- Organisait la "météorologie politique" qui visait à représenter la situation des pays et des régions en
termes d'économie, d’agitation politique ou de logistique Cet outil permettait d'organiser des
politiques de propagande ciblées et différenciées.
Une section de "l'agitation":
- Concevait et distribuait des tracts et des brochures
- Organisait la formation des agitateurs
- Gérait l'agitation par la production d'affiches, de photos, de films et de caricatures, l'organisation de
conférences et de meetings, l'envoie d'orateurs dans des lieux publics ainsi que l'animation de fêtes
populaires.
Autre innovation sous Lénine: les "commissaires politiques" envoyés dans les forces armées pour
commenter les ordres et les placer dans le contexte politique général.
Lénine a également très vite compris l’importance du contrôle direct et complet des médias: -
Nationalisation du cinéma en 1919
- Etatisation de la presse en 1922
- Création d'un service radiophonique dès 1924
4. La propagande Nazie
Mussolini fut le premier, dans les années 1920, à tirer profit des outils de crées par les Bolcheviques.
Ce n’est que plus tard que les nazis organisèrent une synthèse aboutie des techniques développées par
les publicitaires américains.
La différence principale entre les propagandes bolchevique et nazie vient de leur finalité:
- La propagande bolchevique affichait une certaine stabilité et une cohérence par rapport à des
objectifs définis.
- La propagande nazie était très orientée vers le conditionnement des esprits pour les préparer à
accepter ou à agir en fonction des nécessités dictées par les circonstances politiques et stratégiques.
Elle s’appuyait donc sur une exaltation des sentiments à partir de pulsions primaires et de thèmes
exploitables en raison de leur interprétation favorable aux thèses nazies (ex: crise économique,
racisme).
Un ouvrage fondateur de la propagande nazie est attribué au colonel Blau: "Propaganda als Waffe"
(1935). Cette synthèse combine des thèmes sociologiques et psychanalitiques.
Un des principes fondamentaux de la machine de propagande nazie est le recours aux symboles (croix
gammée) et à la crainte provoquée, notamment, par des menaces.
Le mouvement a choisi la croix gammée (svastika) car:
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- C'est un symbole clair
- C'est un symbole distinctif
- C'est un symbole équilibré
- C'est un symbole dur et facile à reproduire
Cette stratégie visuelle fut reprise par les opposants qui détournèrent le symbole. Dans un premier
temps, les croix gammées furent barrées d'un simple trait. Ensuite, le Front d'Airin fit de cette simple
ligne une flèche pour introduire une connotation de dynamisme. Finalement, les fameuses triples
flèches s'imposèrent (elles connotaient le caractère collectif du mouvement d'opposition).
La propagande était organisée comme une opération de masse. C'est ce que Tchakhotine décrit suivant
la règle des "55 000/5 000" qui repose sur la distinction entre électeurs "actifs" et "passifs": en 1932, la
ville d'Heidelberg comptait 60 000 électeurs dont 5 000 personnes fréquentaient les meetings
politiques. Alors que les efforts de campagne portaient sur les 5 000 actifs, il apparut que l'adhésion
populaire dépendait de l'aptitude à convaincre les 55 000 passifs souvent hésitants Ils devinrent
l'enjeu des campagnes de propagande Pour les convaincre, on recourut à la "senso-propagande" qui,
par suggestion, suscitait la peur et l'enthousiasme.
Les militants étaient formés dans de véritables écoles pour apprendre à dominer et guider les masses.
Les meetings sont la clé de voûte de la propagande nazie: la préparation était minutieuse, la mise en
scène s'inspirait de cérémonies religieuses et la dynamique alternait entre tension et relâchement (de
longs discours assouplissaient le public qui devenait plus réceptif, ensuite, une rupture brutale suscitait
l'exaltation).
La propagande nazie souffrait de quelques défauts dont un manque de centralisation qui conduisait à
certaines dissonances.
Le succès de cette propagande viendrait de l'application des théories du conditionnement de Pavlov.
5. Principes de propagande
5.1. Principes élémentaires de propagande de guerre (Anne Morelli)
Postures à portée universelle dans les situations de guerre:
- Nous ne voulons pas la guerre
- Les adversaires sont les seuls responsables de la guerre
- Le chef des ennemis a le visage du diable
- Notre cause est noble, nous n’avons pas d’intérêts particuliers
- L’ennemi commet sciemment des atrocités, nous ne commettons que des bavures accidentelles
- Nos pertes sont très faibles, les leur sont énormes
- Les artistes et les intellectuels soutiennent notre cause
- Notre cause est sacrée
- Ceux qui mettent doute notre propagande sont des traîtres
5.2. Les lois principales du fonctionnement de la propagande (Jean-Marie
Domenach)
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Il s’agit plutôt de règles d’usages, basées sur une analyse des propagandes bolchevique et nazie:
Simplification et ennemi unique: pour mobiliser, les thèmes doivent être simples et sans ambiguïté.
L’unicité de l’ennemi permet de motiver un effort particulier dans la mesure où il semble qu'un seul
obstacle (même imposant) entrave la route. C'est également une façon de légitimer le combat: "nous
ne sommes pas seuls contre tous". On personnifie également l'ennemi: "nous ne combattons pas des
forces obscures mais des individus (dirigeants) qui conduisent leur peuple à sa perte".
Grossissement et défiguration: lorsque l’exagération ne suffit pas, on sort les événements de leurs
contextes, on les présentes sous un jour propice à certaines interprétations ce qui permet de
transformer peu à peu un événement en démonstration de la pertinence et de la légitimité des thèses
défendues.
Orchestration: répétition et redondance fondent la propagande mais pour ne pas lasser, il faut
décliner l’idéologie sous diverses formes. On peut, par exemple, se servir de rumeurs.
Transfusion: la propagande agit dans un contexte culturel, mythologique, traditionnel préexistant.
On joue sur les croyances et les clichés par petites touches successives. L'Allemagne des années 1930
était un terreau fertile (crise économique, fond de mythologie germanique).
Unanimité et contagion: la propagande ne supporte pas la contradiction. Elle s'appuie sur la
tendance conformiste des individus. L'opinion ou les idées s'imposent d'autant mieux qu'elles
semblent faire l'unanimité. La combinaison d'enthousiasme et de terreur exploite au mieux ce
phénomène. La contagion s’opère grâce à des actions comme les manifestations et défilés de masse.
Pour ce faire, les nazis ont aussi exploité les nouveaux médias (pendant chaque discours
radiophonique d'Hitler, il était obligatoire d'écouter et d'ouvrir les fenêtres pour qu'il envahisse la rue).
LE MARKETING POLITIQUE
1. Terminologie
Les élections: constituent, dans les pays démocratiques, des occasions de consulter l’opinion
publique.
La campagne électorale: est un intense travail de marketing politique qui précède les élections et
qui est destiné infléchir l’opinion et le comportement des électeurs.
La propagande: est cantonnée, depuis la 2GM et la guerre froide, à des usages péjoratifs associés
aux régimes totalitaires.
La communication politique: regroupe les techniques et les infrastructures qui sous-tendent les
joutes préélectorales. Wolton dénonce cette acception trop générale et préfère parler "d'un espace dans
lequel sont échangés des discours contradictoires entre 3 acteurs bénéficiant du droit de s'exprimer en
public sur la politique: les politiciens, les journalistes et l'opinion publique (par l'intermédiaire des
sondages).
La confusion règne entre "communication politique" et "communication publique". Alors que
certains opposent ces 2 notions, d'autres les confondent. Jean-Marie Cotteret distingue:
- La communication politique: échange d'information entre gouvernants et gouvernés.
- Le marketing politique: action d'un homme, d'un parti qui tente de modifier l'opinion ou le
comportement des électeurs pour obtenir le maximum de voix.
La nouvelle communication politique: correspond à la contamination des campagnes électorales par
des techniques transposées de la publicité commerciale.
! Conventions terminologiques pour le cours !
La communication publique: est la communication entre gouvernants et gouvernés (ex: autorités
publiques et citoyens/entreprises). Elle se divise en 2 sous-genres:
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- La communication gouvernementale: qui est adressées par un mandataire public (ex: ministre) à ses
administrés.
- La communication administrative: qui est adressée par une administration publique à des fins de
gestion administrative (ex: impôts).
La communication politique: est la communication entre la classe politique (ex: partis) et les
citoyens/entreprises. Elle se divise en 1 sous-genre:
- La communication électorale: qui vise plus particulièrement à influencer le comportement électoral,
le choix des électeurs (à l'approche des élections). Lorsque cette communication électorale met en
œuvre tout ou une partie des outils traditionnels du marketing commercial (sondages, publicités, …),
on parlera de "marketing politique".
2. Origines
Le marketing politique est né aux USA, après la 1GM. Philippe Maarek attribue aux Républicains les
premières initiatives en la matière, c'est-à-dire lorsqu'ils ont soutenu la candidature d'Eisenhower
(1952) en faisant appel à un grand cabinet de relations publiques, à un consultant en publicité
audiovisuelle et eurent recours aux sondages, au marketing direct, le tout financé par un budget
spécifique de communication politique.
La campagne de Kennedy lors l'élection présidentielle de 1960 (Kennedy vs. Nixon) est considérée
comme la première mettant en œuvre tout l’arsenal de la promotion commerciale, y compris les
"media trainings" (entraînements) qui l'aidèrent dans les débats télévisés.
Cette tendance envahit l’Europe quelques années plus tard (ce décalage serait dû au retard de l'Europe
en matière de médias et de sondages qui sont les éléments de base du marketing politique).
En France, c’est Jean Lecanuet (candidat aux présidentielles de 1965) qui a, le premier, bâti sa
campagne de cette approche. C'est également cette année là que les sondages électoraux gagnèrent
leurs lettres de noblesse en devenant des outils de campagne à part entière. La campagne des
présidentielles de 1974 marque l'entrée complète dans l'ère du marketing politique moderne.
3. Candidat-produit
Certains publicitaires n'ont pas de scrupules à considérer que "le candidat-produit doit conquérir un
électorat-marché et déclencher des votes-achats". La démarche politique se distingue de celle qui est
purement commerciale à plusieurs égards:
- En principe, les électeurs sont égaux alors que les consommateurs disposent d'un pouvoir d’achat
variable.
- Le consommateur décide du lieu et du moment d’achat, pas l’électeur.
- En cas d’insatisfaction, l’acheteur a certains droits (ex: se faire rembourser), pas l'électeur.
- Voter pour un candidat ou un parti revient souvent à voter contre un autre, démarche exceptionnelle
dans le domaine de la consommation.
- La "valeur d’usage" est une composante essentielle du marketing commercial (on incite à l'achat en
démontrant l'utilité du bien ou du service promu ainsi que la satisfaction qu'il procure) tandis que les
effets bénéfiques éventuels pour un électeur ne se feront sentir qu'à moyen ou à long terme, et souvent
de façon indirecte.
L'audiovisuel s'impose comme le support le plus performant, tant en termes d’efficacité que de
couverture.
4. Influence des Médias
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Les enjeux du marketing politique dépassent le cadre de la campagne électorale, notamment lorsqu'il
s'agit de contrer la tendance au rejet de la politique. Le rejet de la politique est plus marqué chez:
- Les femmes
- Les jeunes
- Les revenus inférieurs
- Les niveaux d'éducation inférieurs
En Belgique, les mécanismes qui fondent la démocratie représentative sont perturbés en raison:
- De difficultés de lisibilité institutionnelle (réformes complexes et successives)
- De difficultés de lisibilité du paysage politique (les partis connaissent d'importants mouvements)
- Du caractère obligatoire du vote (dans d'autres pays, une grande partie des citoyens désabusés
s'abstiennent simplement de voter)
Les médias jouent aussi un rôle dans la dégradation de l'information des citoyens en matière politique
car l'aversion d'une bonne partie du public pour les questions politiques les conduit vers la
spectacularisation, la primauté du visuel, de l'émotion, du sensationnel, la personnification,
l'anecdotique et, in fine, la dépolitisation des contenus.
4.1. Conditions socio-psychologiques
Même si on a pu relativiser l’effet des médias sur les comportements des individus, il ne faudrait pas
négliger leur effet direct sur le public. Roland Cayrol énumère des conditions socio-psychologiques
dont dépendra l'influence des messages médiatiques sur le public:
- Le degré de confiance envers les médias: il varie dans le temps et d'un pays à l'autre.
- La mise en page et la mise en scène: l'importance donnée à une information, mais aussi la façon dont
elle sera présentée (le ton, l’illustration) peuvent agir sur le potentiel d'influence. Des expériences ont
montré qu'un présentateur de JT était perçu comme plus crédible lorsqu'il était bien habillé (costume,
cravate) et qu'il avait une bonne diction.
- L’exposition sélective: dans le journal, on ne lit que certains articles; à la radio ou à la télévision, on
n'écoute ou ne regarde que certains sujets.
- Compréhension des messages et mémoire sélective: parmi les messages sélectionnés, certains seront
compris, et parmi ceux-là, seuls certains seront mémorisés avec une précision et une fiabilité variable
(distorsion) On parle de "perception sélective" ou de "rétention sélective".
- Climat et cadre de communication: on tient compte de l’impact sur la perception d'un message, de
l'environnement dans lequel il est diffusé.
- Relations interpersonnelles, groupes primaires, leaders d’opinion: observations dérivées du modèle
"Two step flow of communication" de Katz et Lazarsfeld qui relativise les effets directs des médias en
insistant sur l'importance de l'influence exercée par des "guides d'opinion" auprès de leurs groupes
primaires.
4.2. Dissonance cognitive, perception sélective
L'ouvrage de Leon Festinger "A theory of cognitive dissonance" (1957) marque le début d'une théorie
dont l'influence se fait encore sentir aujourd'hui, même si elle est sérieusement remise en question
depuis le début des années 1970. Selon cette approche, les individus sélectionnent les messages
auxquels ils s'exposent en fonction de leurs opinions et attitudes de manière à éviter la "dissonance
cognitive", c'est-à-dire les contradictions entre leurs opinions et les informations auxquelles ils
peuvent être confrontés. Lorsqu'un individu est mis en présence d'éléments qui contredit son champ
d'opinions et d'expériences antérieures, il ressent une tension, un malaise et va pour l'atténuer,
déclencher une série de mécanismes de défense destinés à réduire la dissonance. Plusieurs stratégies
sont envisageables:
- Il va chercher les éléments susceptibles de renforcer les acquis
- Il va déformer, altérer ou relativiser les éléments dissonants
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- Il va tenter de convaincre la source de l'information dissonante qu'elle se trompe
- Il va s'adapter et changer d'opinion ou d'attitude pour se conformer aux informations qui semblaient
dissonantes
- Il va rejeter les messages dissonants et la source qui les formulent (stratégie la plus immédiate)
- Il va, grâce au filtre de la "rétention sélective", éviter les messages dissonants. Ils ne seront pas
assimilés, pas mémorisés ou mémorisés de façon partielle et déformée
Récemment, on a avancé l'hypothèse que ces manœuvres d'évitement s'expliquent par le simple fait
que la perception et l'assimilation des messages consonants (non dissonants) entraîne, pour l'individu,
un moindre effort et donc une moindre dépense d'énergie.
Au début des années 1970, on s'aperçoit que ces théories ne résistent qu'imparfaitement à l'expérience
Elles sont recadrées:
- L'évitement de la dissonance est reconnu comme un élément parmi tant d'autres du processus de
sélection des messages par l'individu.
- Ce processus d'évitement intervient surtout lorsque le sujet du message est en rapport avec l'individu.
- Son importance varie en fonction de la crédibilité et de la réfutabilité de l'information ainsi qu'en
fonction de la confiance que l'individu a en lui.
Des recherches plus récentes ont permis de moderniser cette approche. Dans le cadre de la
communication politique, on a mis en évidence divers facteurs modulant l'influence de la dissonance
cognitive:
- Si l'information est négative, partisans et opposants manifestent un intérêt comparable pour
l'information.
- Si l'information est positive, les partisans manifestent nettement plus d'intérêt et les opposants
nettement moins.
- Moins le lecteur à le temps de lire son journal, plus il est sélectif, plus il sera exposé aux effets
d'évitement de la dissonance cognitive (les facteurs déterminants sur la sélection du lecteur sont la
position de l'article et la taille du titre, c'est-à-dire la hiérarchie choisie par l'équipe rédactionnelle).
4.3. Agenda setting, framing
Agenda-setting
Cette théorie de McCombs et Shaw (1972), qu'on appelle parfois en français la fonction d'ordre du
jour des médias, décrit le rôle déterminant que les médias exercent sur l'agenda des gouvernements:
les questions mises en exergue dans les médias sont amenées à être davantage débattues dans le public
et tendent donc à être reconnues comme problèmes à résoudre, se retrouvant ainsi à l'ordre du jour des
gouvernants (1er niveau = object salience). A cela s'ajoute les attributs des objets mis en évidence au 1 er
niveau, c'est-à-dire la façon dont il faut envisager ces objets (2e niveau = attribute salience).
Mais corrélation ne veut pas dire causalité. Même si l'on pouvait démontrer que les médias exercent
une influence sur ce "à quoi" le public pense et de quelle façon, cela ne démontrerait en rien une
influence sur ce que le public "en" pense.
Framing
Le framing correspond en grande partie au second niveau de l'agenda-setting. Il s'agit d'envisager la
façon dont un événement, un objet, sont évoqués dans les médias. On pourrait parler de "cadrage" (au
sens de la photographie), c'est-à-dire le choix que l'on fait d'inclure ou non certains aspects ou
éléments dans l'image.
Si les médias influencent l'ordre du jour des gouvernants, on peut se demander qui décide de l'ordre du
jour des médias: les agenda-setters sont l'ensemble des acteurs sociaux susceptibles de tirer profit de
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quelque influence sur le contenu des médias (partis politiques, groupes de pression et lobbies,
entreprises).
Il existe également une influence réciproque entre les médias parfois qualifiée d'inter-media-setting
(Bourdieu parle de circulation circulaire de l'information) qui distingue des médias guides d'opinion,
c'est-à-dire des organes de référence dont la crédibilité et la légitimité dominent le paysage
médiatique.
4.4. La spirale du silence
Dans les années 1970, des chercheurs se sont employés à dénoncer l'insuffisance des théories
dominantes des effets limités des médias. Porte-drapeau de ce mouvement, l'allemande Elizabeth
Noelle-Neumann commença par remettre en cause les processus de perception sélective: les médias
sont tellement omniprésents et les messages se redondants qu'il est bien difficile d'éviter quelque
message que ce soit.
Elle développa ensuite la théorie de "la spirale du silence": les individus présentent une tendance à
craindre l'isolement et peuvent renoncer à leur propre jugement pour l'éviter, c'est-à-dire à mesurer
l'opinion sociale de leur entourage et de s'y conformer pour ne pas être marginalisés, donc seuls. Les
individus n'exposent donc plus que les points de vue dominants, réduisant ainsi l'expression d'opinions
discordantes, et renforçant la prépondérance de l'opinion dominante.
Les médias occupent une place centrale dans ce mécanisme dans la mesure où ils constituent une
source essentielle d'information sur l'environnement social qui dépasse la sphère personnelle Les
médias sont des créateurs d'opinion publique.
5. La télévision
En Belgique, 97,3% des foyers possèdent au moins un téléviseur La TV est devenue le véhicule
privilégié des moyens de communication préélectoraux. Les pays qui autorisent la publicité électorale
(USA et UK) connaissent des joutes spectaculaires par agence de publicité interposées recourant à tout
l'arsenal persuasif et particulièrement à l'émotion et à l'humour. Ex: pour les élections américaines de
2008, on estime que 2,6 milliards de dollars ont été dépensés en publicité, dont 2 milliards rien qu'en
spot télévisés.
Face à un public peut réceptif, l’information cède la place au spectacle. On va jusqu’à théâtraliser les
interventions des hommes politiques qui sont alors plus des acteurs que des politiciens. Le but est
toujours le même : faire le plus d’audience possible.
Depuis l'avènement de la radio et de la télévision, la durée des messages politiques n'a cessé de
décroître. Les conseillers de communication qui préparent les politiciens à des intervenions télévisées,
à des débats, les enjoindraient même à ne pas dépasser, pour le cœur de chaque intervention, une durée
de 7 secondes.
En politique, aujourd'hui, il faut être télévisuel. Les travaux de Kurt et Gladys Lang distinguent 3
caractéristiques d'une personnalité télévisuelle:
- La prestation télévisée, c'est-à-dire la façon de passer à la télévision.
- Le rôle politique, c'est-à-dire les compétences, la maîtrise des dossiers.
- L’image personnelle, c'est-à-dire les aspects privés, les éléments susceptibles de provoquer chez les
électeurs potentiels des phénomènes d'identification.
Gourevitch distingue 3 critères de qualité d'une campagne télévisuelle:
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- La cohérence, c’est-à-dire l’adéquation entre ce que le politique montre de lui et l'image que le
récepteur en reçoit.
- La pertinence de la prestation, c'est-à-dire la nécessité de l'intervention.
- La prégnance dépend de la spécificité de la prestation, de sa capacité à se démarquer des énoncés des
concurrents.
Dwight D. Eisenhower (et son candidat vice-président: Richard Nixon) fut le 1er à recourir à des spots
télévisés dans le cadre de sa campagne en vue des élections présidentielles de 1952.
Les débats en face-à-face
Parmi l’arsenal médiatique, insistons sur les faces-à faces (spécialité américaine et française). Ce sont
des vrais matchs:
- Les candidats sont entraînés, conseillés.
- Ils s'affrontent en présence d'arbitres.
- Suivant des règles établies.
- Une phrase ou une attitude, souvent préparée, met l'un des 2 participants en position de faiblesse,
voire de KO.
- On (les observateurs et le public via les sondages) décrète généralement un vainqueur.
Le 1er face-à-face fût organisé aux USA et opposait Kennedy à Nixon lors de la campagne
présidentielle de 1960.
Les avantages des face-à-face sont:
- Ils ramènent une partie du public vers le débat politique.
- Ils introduisent une composante divertissante dans un message sérieux, voire ennuyeux.
- C’est une occasion unique de confronter des personnes et des programmes qui sont généralement
difficiles à comparer.
- C'est un moyen de tester les candidats comme on le ferait lors d'un entretien d'embauche, en
observant leur attitude et leurs réactions dans des situations délicates et dans des conditions de stress
intense.
Les défauts des débats à l'américaine sont:
- Les règles interdisent aux candidats de se parler directement et de s'interrompre.
- Par peur de heurter certains électeurs ou de paraître agressif, on a vidé les débats d’une partie de leur
substance. Ils sont aseptisés et sans spontanéité.
En France, les débats n'ont été établis que depuis les présidentielles de 1974. Les face-à-face
Mitterand-Giscard d'Estaing (1974 et 1981) ont rassemblé quelque 23 millions de Français. En 2002
Jacques Chirac a refusé d'affronter Jean-Marie Le Pen en débat alors qu'ils s'affrontaient pour le 2e
tour des présidentielles.
6. Technologies de l'information et de la communication (TIC)
L'articulation entre le développement des TIC et la communication politique doit s'envisager à 3
niveaux:
E-gouvernement
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11. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
C'est une appellation trompeuse car elle recouvre bien plus d'un ensemble d'applications et de
procédures dans le domaine des administrations publiques que dans celui du gouvernement
proprement dit.
Il s'agit, en fait, du prolongement de l'informatisation des administrations entamé dans les années
1970-1980 en mettant à profit les nouvelles possibilités offertes par les TIC, et en particulier les
possibilités de communication électronique entre les administrations et les administrés.
Le développement des programmes d'e-gouvernement s'accompagnent généralement de
réorganisations profondes de l'organisation des administrations et des procédures fondant ainsi une
sorte de nouvelle gouvernance.
Ses objectifs sont:
- L'amélioration de l'efficacité de l'administration en raccourcissant les délais d'exécution et en
facilitant les tâches des fonctionnaires comme des administrés.
- L'amélioration de la fiabilité de l'administration en réduisant le nombre d'erreurs.
- La réduction des coûts de fonctionnement de l'administration.
Mais ces stratégies posent certains problèmes:
- La place centrale des TIC conduit parfois à un techno-centrisme obsessionnel qui se résume parfois à
vouloir automatiser les procédures et à vouloir transposer "en ligne" toutes les transactions.
- L'e-gouvernement se heurte à des problèmes techniques, légaux et comportementaux.
- Les délais, les coûts et les performances de ces technologies sont difficiles à maîtriser.
Pourtant, ces technologies sont omniprésentes et très valorisées dans la communication des
mandataires politiques car elles sont synonymes de modernité, d'efficacité, d'économie et de
transparence.
E-démocratie
Certains voient dans les Tic un moyen de développer de nouvelles formes de participation ou d'action
politique, et donc de ramener les citoyens vers la politique.
Plusieurs applications peuvent être considérées comme relevant de l'e-démocratie:
- L'e-voting ("distance-voting") doit permettre d'améliorer le taux de participation aux scrutins en
permettant aux électeurs de voter sans se rendre au bureau de vote. Mais c'est sans considérer le fait
que si un électeur ne va pas voter, c'est souvent qu'il décide de ne pas le faire (acte d'expression
politique) Dans la pratique, il semble que les dispositifs d'e-voting n'augmentent pas
significativement le taux de participation aux élections.
- Les forums de discussion en ligne permettent à ceux qui disposent d'une connexion internet de
participer à des échanges d'idées, y compris politiques, voire de les initier. Ces forums reposent sur
une vision utopique selon laquelle les participants libérés des contraintes (distances et déplacements)
devraient provenir d'horizons divers et donc exposer une diversité d'idées et d'opinions. Or, dans les
faits, les discussions politiques en lignes tendant à exclure les voix discordantes, si bien que ces
forums constituent plutôt des lieux de renforcement que d'élargissement d'opinions.
- Les pétitions en ligne remportent un certain succès car elles permettent de contourner la difficulté
principale de ce genre de démarche: se déplacer pour aller à la rencontre de ceux et celles qui
voudraient s'y joindre. Elle permet de réunir rapidement un nombre important de marques de soutien
mais cela n'affecte pas significativement l'efficacité de ce mode d'action avant tout symbolique.
- D'autres initiatives annoncées comme innovantes telles que le responsable politique assurant des
permanences par "chat", la retransmission des délibérations d'une assemblée en direct sur le web ou à
la télévision, sont à classer dans la catégorie "anecdotique". Paradoxalement, alors que les TIC
réduisent les distances, les exemples les plus convaincants de ce type d'interaction se situent
généralement à l'échelle régionale ou locale.
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12. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
Les principaux bénéficiaires de ces technologies sont les groupes de pression et les activistes. En
effet, souvent exclus des canaux traditionnels de communication politique, ils ont trouvé dans les TIC
des outils leur permettant d'améliorer la diffusion de leurs idées et l'organisation de leurs activités.
Marketing politique et électoral
La plupart des partis politiques et des principaux candidats aux élections disposent au moins d'un site
web.
Ecolo http://web4.ecolo.be/
PS http://www.ps.be/Source/Home.aspx?EntID=1
CDH http://www.lecdh.be/
MR http://www.mr.be/index.phtml
Bien que l'esthétique et l'ergonomie de ces sites évoluent régulièrement, ils se limitent souvent à une
plateforme d'information (programmes, présentation des candidats, calendrier des activités) y compris
sous forme de petites séquences vidéo (souvent pompeusement qualifiées de "web-TV").
Par ailleurs, les candidats prennent soin de montrer qu'ils sont dans le coup en s'affichant sur des
plateformes à la mode telles que Facebook, Twitter ou Myspace.
Les TIC sont des outils très utiles dans différents registres de l'organisation d'une campagne:
- Recrutement des militants
- Motivation des militants
- Organisation de la campagne
- Récolte de fonds, le cas échéant.
Aux USA, lors des présidentielles de 2000, le "vote swapping" ("vote pairing") a permis à certains
militants de créer des bourses d'échange de votes sur Internet. L'idée était de proposer à une partie des
partisans de Ralph Nader votant dans des Etats très disputés ("Swing States") de voter pour Al Gore,
en échange de quoi, certains partisans de Gore résidant dans les Etats acquis aux Républicains
voteraient pour Nader. L'effet espéré était de renforcer les voix de Gore là où il en avait le plus besoin
sans affecter le score de Nader dont le seul objectif était d'atteindre, au total national, le seuil des 5%
qui lui ouvriraient l'accès au financement public de sa prochaine campagne.
Des observateurs s'accordent pour reconnaître que le recours intensif et intelligent aux TIC (réseaux
sociaux en ligne) serait une des clés de la victoire de Barack Obama aux présidentielles de 2008.
En l'occurrence il s'agissait de recourir aux TIC pour:
- Recruter: diffusion virale des messages ciblés, mise en place d'un réseau autonome
(http://my.barackobama.com) où les membres disposent d'un ensemble de fonctionnalités comme
celles de "Facebook" (un des fondateurs de Facebook fût d'ailleurs conseiller par la campagne
d'Obama).
- Motiver et organiser: les membres de ce réseau avaient accès à une grande quantité d'information
stratégique, soit exclusive, soit reçue en priorité, ce qui procurait un statut privilégié aux militants et
permettait de les informer avec précision (sans que les médias n'aient déformé l'information). De plus,
ils disposaient d'outils pour mener campagne (ex: argumentaires).
- Récolter des fonds: Obama a recueilli un grand nombre de petits dons (au total 3 millions d'€) qui se
sont additionnés pour constituer un budget de campagne sans précédent.
LES SONDAGES D’OPINION
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13. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
1. Historique
1.1. Origines
L'histoire des sondages est indissociable de celle des recensements et de la genèse des statistiques et
des probabilités. Charles Booth et son étude sur les conditions sociales à Londres (début du 20e siècle)
sont retenus comme la 1re référence d'analyse structurée d'opinion.
Au 19e siècle, même si les progrès des statistiques sont considérables, on juge encore les recensements
(mesure ou enquête auprès de l'ensemble de la population considérée) comme seuls aptes à décrire de
façon fiable les paramètres étudiés. Mais l’augmentation de la population rend les recensements de
plus en plus difficiles à réaliser On se dirige, petit à petit, vers les échantillons (mesure ou enquête
sur une partie seulement de la population étudiée). Dès la fin du 19 e siècle, on débat de la
représentativité de ces échantillons et de la précision des inférences qui en sont faites (extrapolation
des mesures effectuées sur l'échantillon à l'ensemble de la population étudiée).
Dans le cadre des travaux de l'Institut International de statistique (ISS) créé en 1885, Andres Kiaer
développa "les enquêtes représentatives". De la polémique autour de ses recherches naquit une
commission qui attesta, dans ces conclusions, de la pertinence de l'approche par échantillon
représentatif. Le débat porta ensuite sur la meilleure façon de sélectionner l'échantillon.
C’est aux USA que les sondages d’opinion modernes sont nés. Citons:
- "L’Interchurch Movement" regroupant, après la première mondiale, diverses églises protestantes et
envisageant d'entreprendre un sondage mondial des besoins du monde.
- Les "Voluntary Crop Reporters" constituaient un groupe d'individus qui était à la fois un échantillon
(ou plutôt un panel puisqu'on faisait toujours appel aux mêmes) et une équipe d'enquêteurs (ils
récoltaient des observations sur leur voisinage et répondaient à des questionnaires).
Ensuite, naîtra l'idée de ne demander à ces individus que des informations les concernant, constituant
alors un véritable échantillon.
La crise des années 1930 a suscité de grands besoins en information sur la population qui ont forcés
les pouvoirs publics à recourir aux sondages.
1.2. USA, novembre 1936
Les ancêtres directs sont sans conteste les sondages préélectoraux organisés pour la campagne
présidentielle de 1936. Avant, les journaux organisaient des votes de pailles ("Straw votes") qui
récoltaient les intentions de votes du plus grand nombre d'individus possible, soit:
- En invitant les lecteurs à renvoyer un coupon
- En disposant des urnes dans des endroits publics
- En envoyant des questionnaires à partir de listes
- En faisant du porte-à-porte.
Le journal "Literary Digest" était passé maître en la matière, avec en point d’orgue, une récolte de plus
2 millions de réponses avant l’élection de 1936.
De leur côté, quelques audacieux (George Gallup, Elmo Roper et Archibald Crosseley) avaient
organisé leurs propres enquêtes:
Crosseley: il avait recours aux sondages téléphoniques dans le cadre de ses études des audiences de
la radio. Le sondage de 1936 lui avait été commandé par le groupe Hearst pour ses journaux.
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14. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
Roper: il avait cofondé un institut de consultants en marketing. Le sondage de 1936 s’inscrivait
dans le cadre des enquêtes périodiques qu’il effectuait pour le magazine Fortune.
Gallup: est le plus connu. Psychologue de formation, il s'intéresse aux sondages électoraux lorsque
sa belle-mère est élue Secrétaire d'Etat de l'Iowa, à la surprise générale.
Dans les années 1930, il démontre que les lecteurs de journaux sont bien plus intéressés par les BD, les
photos et les nécrologies que par les éditoriaux et l'actualité internationale mais un projet l'obsède et
finit par aboutir: un sondage périodique de l'opinion publique qui devient le "Gallup Poll" (1935).
C'est également en 1935 qu'il fonde l’American Institute of Public Opinion (AIPO), première initiative
du genre.
Mais Gallup avait surtout lancé un véritable défi au "Literary Digest" en affirmant que le vote de paille
pour l'élection présidentielle de 1936 (Roosevelt vs. Landon) était biaisé et en quantifiant la marge
d’erreur avant même que l’enquête ne soit réalisée. Il basait son estimation sur le fait que les classes
sociales supérieures y étaient surreprésentées (répondent plus volontiers). Or, les classes inférieures
étaient particulièrement favorables à Roosevelt. De plus, l'échantillon était biaisé dès le départ puisque
les 10 millions de bulletins envoyés l'étaient sur base de fichiers constitués à partir de listes de
propriétaires d'automobiles et d'abonnés au téléphone (donc les plus riches). Gallup prévoyait la
victoire de Roosevelt avec 54% des voix, le "Literary Digest" prévoyait celle de Landon avec 57,4%
des voix. Roosevelt l'emporta avec 60% des voix, démontrant qu'une étude sur un échantillon réduit
mais représentatif, était bien plus fiable qu'une étude sur un échantillon énorme mais non contrôlé.
Toutefois, les votes de paille ont permis de développer durablement l'intérêt du public pour les études
d'opinion, et les sondages en profitèrent largement.
1.3. En Europe
C’est la France et la Grande Bretagne qui constituent le berceau des sondages modernes en Europe
(après la 1GM). Citons quelques noms: Jean Stoetzel, Tom Harrisson et Charles Habermas. Même si
les sondages politiques sont les plus connus, ils demeurent marginaux face aux études de marché.
2. Techniques
Les sondages relèvent des techniques dites "quantitatives" (chiffrées). Il existe 3 dispositifs servant à
recueillir des données:
- Le recensement: consiste en la mesure d’un paramètre donné sur l’ensemble des individus d’une
population.
- Le sondage: n’étudie qu’un échantillon jugé représentatif de la population étudiée.
- La monographie: ne s’intéresse qu'à quelques unités de la population, sans souci de représentativité
par rapport à l’ensemble.
2.1. Principe
Pour mesurer un paramètre auprès d’une population déterminée, on envisage naturellement de le faire
sur l’ensemble des individus composant l’univers considéré mais les moyens nécessaires pour
atteindre cet objectif et les délais sont tels qu'il faut recourir au sondage. Il consiste à effectuer une
mesure sur un échantillon représentatif (modèle réduit de la population que l'on veut étudier) qui
permet d’extrapoler cette mesure à l’ensemble de la population.
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15. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
2.2. Représentativité
C’est la propriété fondamentale que doit posséder l'échantillon. On dit qu’un échantillon est
représentatif lorsqu'il présente des caractéristiques aussi proches que possible de l’univers qu’il est
censé représenter.
Cette représentativité sera estimée par rapport à un certain nombre de paramètres
sociodémographiques: le sexe, l'âge et la profession, par exemple.
La démarche repose sur l'hypothèse que des individus présentant un profil sociodémographique
similaire vont présenter des attitudes, comportements ou opinions similaires Sont interchangeables.
Puisqu'il s'agit d'obtenir les mêmes proportions que l'univers (la population totale) dans l'échantillon, il
faut connaître ces proportions dans l'univers. Les choses peuvent donc se compliquer quand l'univers
est mal connu (ex: qui peut déterminer les proportions d'hommes et de femmes parmi les
consommateurs de drogues dures? Tout au plus dispose-t-on de données relatives à ceux qui se font
soigner).
2.3. Echantillonnage
Le rêve pour les enquêteurs serait d’avoir un village ou une ville qui soit le modèle réduit de la
population du pays.
- En France, il semblerait que Donzy soit une ville test pour une série d'étude car elle a la particularité
de refléter quasi parfaitement les résultats nationaux.
- Aux USA, la ville de Peoria présenterait des propriétés similaires. Dans les années 1920, il était
coutume d'y tester de nouveaux Vaudevilles (spectacles) qui a donné naissance à une expression
encore utilisée aujourd'hui: "Will it play in Peoria?".
- En Flandre, c'est le village de Buggenhout qui a été décrété "village le plus moyen de Flandre" à
partir d'une soixantaine de critères.
Le cœur de la démarche se situe dans:
- La façon de recruter les répondants, de constituer l'échantillon. La méthode appliquée résulte d'un
compromis entre coût et représentativité. En général, on se contente d'un échantillon de 1000
personnes (bon compromis).
- La base de sondage dans laquelle est tiré l'échantillon qui doit constituer un inventaire aussi complet
que possible de l’univers.
- Les plans de sondages, c'est-à-dire les méthodes de recrutement de l'échantillon. Ils sont aussi
nombreux que les sondages mais sont regroupés en 2 familles distinctes:
Sondages aléatoires (ou probabilistes)
Ce sont ceux pour lesquels chaque individu de la population a une probabilité donnée et connue
d'avance, d’appartenir à l’échantillon. On parle aussi "d’estimateur sans biais" car les résultats
aléatoires qu'il produit ont une valeur qui correspond, en moyenne, à la variable estimée.
Il existe plusieurs types de sondages aléatoires:
- Le sondage aléatoire simple: est idéal en termes de fiabilité tous les individus ont la même
probabilité d’être "tirés" (équiprobabilité). Il est utopique mais son statut "idéal" constitue un but à
atteindre C'est une sorte de nirvana du sondage.
- Le tirage systématique: tire au sort un point de départ dans la base de sondage puis interroge les
individus à intervalle régulier (tous les x noms de la liste, où le x représente le "pas de sondage" et
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16. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
s'obtient en divisant la population par l'effectif de l'échantillon que l'on veut tirer, c'est-à-dire le
nombre de personnes que l'on veut que l'échantillon contienne x=N/n).
- Le sondage stratifié: utilise les informations auxiliaires, c'est-à-dire les informations que l'on possède
sur un certain nombre de caractéristiques de la population étudiée, pour créer des sous-échantillons
dans un certain nombre de groupes (strates) de l’univers étudié. Les strates sont sélectionnées pour
représenter des caractéristiques aussi contrastées que possible (ex: si on étudie les habitudes
vestimentaires, on pourra travailler à partir de 2 strates: hommes et femmes). On appliquera en
principe le même taux de sondage pour chaque strate. On peut toutefois envisager un taux de sondage
plus élevé pour les strates plus hétérogènes (composées d'éléments d'origine différente) mais cela
implique une bonne connaissance de l’univers.
- Le sondage à plusieurs degrés: d'abord, on divise l'univers en un certain nombre de groupes. Ensuite,
on "tire" quelques groupes (unités primaires) au sein desquels on sélectionne, par tirage aléatoire
simple, des individus sondés (unités secondaires). Cette pratique à pour avantages de rationaliser les
déplacements. Cas particulier de cette catégorie:
Le sondage par grappes: qui procède par enquête auprès de l'ensemble des individus des unités
primaires sélectionnées.
• Si ces grappes sont définies en termes géographique, on parle de sondage
aréolaire.
Sondages par choix raisonnés (ou empiriques)
Cette appellation reprend toutes les méthodes qui ne procèdent pas par méthode aléatoire. Ce type de
sondage s’impose en l’absence de base de sondage fiable ou complète. L’enquêteur jouit ici d’une
certaine liberté lors du recrutement.
La rupture avec la "famille aléatoire" tient au fait qu’il est impossible de déterminer la probabilité de
sélection de l'échantillon.
L’avantage principal de cette approche relève des moyens à mettre en œuvre. Ce type de sondage est
moins cher et plus rapide.
Il existe plusieurs types de sondages par choix raisonnés:
- Les sondages par quotas: sont les plus répandus. Il s'agit de donner à l'échantillon exactement les
mêmes caractéristiques que l'univers pour un certain nombre de paramètres. On établit des
proportions, puis les enquêteurs sont guidés dans leur recrutement par des quotas "à remplir"
L'échantillon est construit délibérément comme un modèle réduit de la population. Il faut absolument
prendre en compte le plus de variables explicatives possibles (caractéristiques jugées liées au
comportement étudié et pour lesquelles on dispose de distributions fiables pour la population étudiée).
Pour limiter l'intervention du jugement personnel des enquêteurs, il existe des variantes
comme la "méthode des itinéraires" qui impose à l'enquêteur des adresses, des rues ou des
quartiers.
- Les sondages par unités-types: constituent la méthode la plus empirique. Il s’agit de choisir un ou
des individus jugés moyens et d'estimer qu'ils sont également "moyens" sur les paramètres étudiés.
L'échantillon sera alors littéralement choisi.
2.4. La précision : les marges d’erreur
A partir du moment où l’on sait que les sondages fournissent des estimations, il faut en mesurer la
précision pour en connaître les limites.
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17. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
La marge d’erreur et l’intervalle de confiance ne peuvent être rigoureusement calculés que pour les
sondages aléatoires.
La précision dépend de l’homogénéité de la variable au sein de l’univers visé (plus l'homogénéité est
marquée, plus la précision est grande, et vice versa).
Les sondages sur de vastes populations reposent sur le principe d'une "distribution normale" ou
"distribution gaussienne", c'est-à-dire que la distribution des valeurs présente la forme d'une cloche
(courbe gaussienne).
Pour calculer la marge d’erreur d'un sondage aléatoire simple, nous utiliserons la formue suivante:
p(1 − p )
P = p±z α (1 − f )
1−
2
n
Où:
P= la proportion que l’on veut estimer de l’univers.
p= cette proportion mesurée sur l’échantillon.
z α
1−
= le quantile dont dépend le niveau de confiance, c’est à dire la probabilité que
2
l’intervalle contienne P.
f= le taux de sondage (n/N où N représente la taille de l’échantillon étudié).
n= l’effectif de l’échantillon (le nombre d'individus le composant).
On peut simplifier cette formule car le facteur (1-f) est proche de 1. Pour un niveau de confiance de
95%, on dira:
p (1 − p )
P = p ± 1.96
n
Remarques:
- On estime qu'avec une probabilité de 95%, la proportion sur la population étudiée se trouve dans
l'intervalle de confiance.
- Le signe "±" doit être entendu au sens mathématique Il ne veut pas dire "environ" mais bien "plus"
ou "moins".
- Il convient de parler de "points de pour cent" (variations absolues de pourcentages). En effet: 40% +
3% = 41,2% alors que 40% + 3ppt = 43% On parle d’intervalle de confiance (IC).
- Il n’y a, ici, que 2 grandeurs qui font varier la marge d'erreur: la proportion mesurée et la taille de
l’échantillon (plus l'échantillon est grand, plus l'estimation est précise).
- Plus on exige un niveau de confiance élevé, plus les marges d'erreur augmentent.
2.5. Pondération
On peut améliorer la précision des résultats en les redressant (post-stratification) à partir d'une
comparaison entre les caractéristiques de l’échantillon et celles connues de l’univers étudié.
Cette opération se fait sur un nombre limité de caractéristiques, le plus souvent sociodémographiques:
on donne un poids plus important aux réponses exprimées par les individus sous-représentés dans
l'échantillon ou un poids moins important aux réponses exprimées par les individus surreprésentés.
Ex: si dans la population, il y a 8,9% de femmes et que dans l'échantillon en compte 10,1% (donc,
qu'elles sont surreprésentées), on divisera le nombre de femmes de l'univers par celui de l'échantillon
pour obtenir la pondération (8,9/10,1 = 0,881).
17
18. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
Si on prend plusieurs variables en compte, on doit construire une "matrice de pondération" qui
comporte autant de cases qu'on peut définir de catégories d'individus.
Les limites de cette méthode sont les suivantes:
- On ne peut pas multiplier les caractères considérés à l'infini.
- Il faut disposer d'informations adéquates pour la population, ce qui est plus dur que ce que l’on pense
(ex: on peut très bien connaître la proportion d'hommes et de femmes et les différentes tranches d'âge
sans pour autant connaître la proportion d'hommes et de femmes pour chaque tranche d'âge).
- Les cases vides (catégories pour lesquelles on ne dispose d'aucun individu dans l'échantillon) posent
problème car, dans ce cas, la pondération est impossible et il faut avoir recours à un artifice qui
consiste à calculer la moyenne des valeurs observées dans les cases adjacentes.
4. Les limites du sondage d’opinion
4.1. Biais inhérent à l’approche quantitative
Ces méthodes consistent à décomposer artificiellement une réalité sociale complexe à l’aide en un
nombre réduit et simpliste de variables opérationnelles. Malgré l'apparente précision conférée à
l'expression chiffrée, les variables ne peuvent souvent représenter la réalité sociale que de manière très
imparfaite.
4.2. Biais lié à la nature du thème abordé
Tous les sujets ne se prêtent pas à une étude par sondage. D'une manière générale, un sondage
d'opinion ne prend pleinement son sens qu'à propos de sujets et problèmes généraux, publics, voire
politiques.
Les attitudes et comportements valorisants ("lisez-vous régulièrement le journal?") peuvent,
consciemment ou non, donner lieu à des surestimations et, à l'inverse, les attitudes et comportements
avilissants peuvent s'avérer sous-estimés ("êtes-vous raciste?"). De tels thèmes devront être abordés
par un ensemble de questions portant sur des indicateurs liés à la variable.
4.3. Décalage entre déclaration et réalité
Les sondages ne recueillent que des "déclarations" qui sont transformées en estimations de
comportements ou d'attitudes. Or, un écart considérable peut exister entre ce qu’on dit faire et ce
qu’on fait vraiment. Ce décalage matérialise celui qui sépare culture subjective (idéale) et culture
objective (réelle). On peut supposer que les individus sondés préfèrent donner d'eux l'image qu'ils
aimeraient véhiculer. Ajoutons à cela un certain degré de "conformisme" ou "d'anticonformisme". Ce
biais n’est pas quantifiable il est donc difficile à compenser.
4.4. Formulation des questions
C’est un élément fondamental des sondages que l’on sous-estime beaucoup. Il est donc essentiel de
prendre connaissance de la formulation intégrale des questions posées lorsqu'on étudie les résultats. En
effet, celle-ci peut corrompre la démarche:
- La question inductrice pousse vers une ou certaines réponses (ex: "ça ne te gêne pas que je fume?"
alors qu'on a déjà la cigarette en bouche et le briquet en main).
- Certaines questions peuvent en cacher d’autres, c'est-à-dire tenter de mesurer plusieurs variables à la
fois. Mais ces louchements rendent les données inexploitables puisqu'il est impossible de dissocier les
variables les unes des autres (ex: la question "êtes-vous pour une augmentation des budgets consacrés
à la police et à l'armée?" exclut la prise en compte de l'opinion des individus qui pourraient estimer
que l'augmentation se justifie pour la police mais pas pour l'armée).
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19. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
Que ces biais soient accidentels ou délibérés, il ne faut jamais perdre de vue le fait qu'un sondage est
généralement effectué à la demande d'une entreprise pour un client qui reste maître du projet, y
compris dans la nature du questionnaire. On peut donc soupçonner une réelle tentation pour lui de
démontrer un mouvement d'opinion favorable à ses projets.
4.5. Aptitude à émettre des opinions
Il faut savoir de quoi on parle. Lorsque Bourdieu affirme (1972) que "l’opinion publique n’existe
pas". Il se base sur 3 postulats implicites des pratiques de sondage d'opinion:
- Chacun est apte à émettre une opinion.
- Toutes les opinions se valent.
- Un sondage implique l'unanimité autour des questions qui méritent d'être posées.
Certains sondages portent sur des problèmes pointus, il ne faut donc pas oublier que si chacun est libre
d'émettre une opinion, "tout le monde ne sait pas toujours tout sur tout".
On peut donc douter de la pertinence des réponses apportées par ceux qui n'ont pas ou mal compris la
question.
4.6. Les refus et les "sans réponse"
La représentativité d’un échantillon dépend de la démarche de recrutement. Pourtant, dans la pratique,
un nombre considérable de personnes refusent de participer à l'enquête. On parie alors sur le fait que
ceux qui répondent sont interchangeables avec les autres On doit se contenter de ceux qui acceptent
de répondre On fait le pari que ceux qui acceptent et ceux qui refusent sont interchangeables.
Ceux qui refusent ne seront jamais pris en compte alors que leur refus peut-être le résultat d'autres
propriétés pertinentes (ex: attachement au respect de la vie privée).
Il n'est pas rare que le taux de refus dépasse les 50%. Et le problème se complique encore si l'on
envisage les cas de ceux qui refusent ou se disent incapables de répondre à certaines questions.
4.7. Confusion autour de la précision
Lorsque l’on publie ou diffuse les résultats de sondages, les marges d’erreurs sont souvent présentées
de façon imprécise, voire erronée (ex: confusion entre point de pour cent et %).
De plus, les résultats sont obtenus sur l’ensemble de l’échantillon, mais leur présentation se fait par
catégories plus petites, ce qui augmente la marge d’erreur.
Notons qu’une présentation des résultats avec plusieurs décimales est inutile. Ne pas le faire renforce
l’intelligibilité. De plus l’utilisation des proportions est également souhaitable (au lieu de dire 52%, on
dit la moitié).
4.8. Moyenne arithmétique
Cet indicateur de position est normalement indissociable d'un paramètre de dispersion (ex: écart-type).
Imaginons 2 pays dont les populations présentent un revenu moyen par habitant similaire. Le lecteur
mal informé peut en déduire que ces pays connaissent une situation analogue. Or, il se peut que l'un
présente une société polarisée (très riches vs. très pauvres) et l'autre une répartition homogène
(niveaux de revenus comparables) La moyenne peut s'avérer trompeuse Entre les mains de gens
mal intentionnés ou mal informés, elle peut devenir un instrument de manipulation.
19
20. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
De plus la moyenne est souvent assimilée à la norme. Les choses se compliquent lorsqu'on considère
le fait que pour beaucoup (politiciens, journalistes et même certains chercheurs), dès qu'une
observation dépasse les 50% d'individus, elle concerne la "majorité".
4.9. Les pseudo-sondages
La crédibilité des sondages vient de leur caractère scientifique et rigoureux. C’est dans ce contexte
qu’apparaissent ce qu'on qualifiera de "pseudo-sondages", c'est-à-dire dont la publication des résultats
prend les apparences d'un sondage ordinaire, alors qu’aucun des principes de base n’ont été respectés.
Il existe différents types de pseudo-sondages:
Les sondages ineptes: sont généralement organisés sans le moindre souci de rigueur
méthodologique, auprès d'échantillons de taille dérisoire et/ou recrutés dans des conditions très
éloignées du contexte aléatoire (ex: mini-sondages, réponses envoyées à la rédaction d'une revue). Ils
sont présentés avec de fausses précautions signalant qu'ils sont "sans valeur scientifique"
comme si cela pouvait minimiser le fait qu'ils entretiennent la confusion.
Les sondages en direct: sont réalisés durant certaines émissions de télévision. Sur RTL-TVI, Pascal
Vrebos a longtemps organisé des mini-sondages au cours de son émission dominicale de débat
"Controverses". Il invitait les téléspectateurs à se prononcer sur des questions liées au débat en cours
au moyen de réponses dichotomisées (oui/non, pour/contre).
Il n'y a apparemment pas que les téléspectateurs qui soient naïfs puisqu'il arrive que des journalistes se
servent de ces pseudo-sondages comme d’une référence fiable pour exprimer l’opinion publique.
Les micros-trottoirs: constituent une pratique perverse. Très utilisée par les journaux télévisés
(notamment en France) qui entendent recueillir l'avis d'une population à partir de rencontres au hasard
des déambulations d'un journaliste dans le but de rendre l'information plus vivante, ces micros-trottoirs
élèvent l'anecdotique au rand du fait signification.
Les personnes rencontrées, implicitement considérées comme représentatives alors qu'elles ne le sont
pas, seront les porte-parole de leurs condisciples. De plus, les personnes interrogées sont sélectionnées
par le journaliste, soit:
- En fonction de ce qu'il veut démontrer
- Pour la virulence de leurs propos
- Pour leur caractère plus ou moins folklorique
Les sondages "on-line": sont des gadgets de l’interactivité des sites web. La démarche qui consiste
à encourager et à structurer la rétroaction et à permettre aux internautes de donner leur avis n'a rien de
répréhensible. Malheureusement, on emprunte abusivement l'appellation de "sondage" en oubliant que
l'échantillon n'est représentatif que de lui-même, alors que les résultats figurent souvent aux côtés de
vrais sondages.
Les faux sondages: de nombreuses démarches se donnant des apparences de sondage ne sont en fait
que des moyens de vendre un produit ou un service (ex: on vous téléphone pour une enquête sur les
vacances puis on vous invite à une présentation pour vous remercier).
5. PUBLICATION DES RÉSULTATS DES SONDAGES
Pour limiter les risques de mauvaise utilisation des résultats d'un sondage, il faut entreprendre des
efforts d'éducation du public, des journalistes et de la classe politique. Pourtant, cela ne suffit pas Il
est indispensable d'accompagner la publication des résultats d'un certain nombre de renseignements
techniques.
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21. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
Le "Code for the Publication of Opinion Polls" élaboré par ESOMAR estime que la publication des
résultats d'un sondage doit toujours être accompagnée des indications suivantes:
- Le nom de l’institut qui a réalisé le sondage.
- L’univers étudié.
- La taille de l’échantillon et sa couverture géographique.
- La période durant laquelle ont été faites les interviews.
- La méthode d’échantillonnage et le taux de réponse.
- La méthode d’interview (téléphone, face-à-face).
- La formulation des questions posées.
La presse écrite doit mentionner l'ensemble de ces renseignements, les autres médias au moins les 4
premiers.
Il faut aussi indiquer clairement:
- Le pourcentage des réponses de type "ne sait pas".
- Pour les sondages préélectoraux, il faut indiquer si les chiffres comprennent ou non les réponses des
indécis sur leur choix ou sur le fait d'aller voter.
6. LES SONDAGES PRÉÉLECTORAUX
C’est une classe à part des sondages d’opinions car on pourra confronter les variables mesurées avec la
réalité (lors du scrutin).
Ils soulèvent la question de l’effet produit sur les électeurs lors de leur publication. Toutefois, on
ignore toujours s'il existe un quelconque effet significatif.
Dans le doute, certains pays interdisent leur publication pendant la fin de la campagne. Cet embargo
est de:
- 2 semaines en Italie
- 5 jours en Espagne
- 1 semaine au Portugal
- 30 jours au Luxembourg
- En France, la loi de 1977 interdisait la publication, la diffusion et le commentaire des sondages
d'opinion pendant la semaine précédant chaque tour de scrutin. Après que la Cours de Cassation ait
estimé qu'elle contrevenait à une convention européenne, une loi de 2002 a limité cette interdiction à
la vieille et au jour du scrutin (la publication est autorisée jusqu'à la fin de la campagne, c'est-à-dire
vendredi minuit). Cette interdiction concerne aussi les commentaires de sondages antérieurs.
- En Belgique, une loi de 1985 interdisait la diffusion et le commentaire de sondages relatifs à
l'élection à partir du 30e jour précédant le scrutin. Cet article a été abrogé par une loi de 1991.
Remarquons que le coût de ces sondages est assez proche dans un grand et dans un petit pays, si bien
qu'ils sont bien moins fréquents en Belgique qu'en France Question de l'embargo moins cruciale en
Belgique.
Cette question oppose 2 points de vue:
- Celui des tenants de l'embargo qui veulent protéger les électeurs des effets que pourraient avoir ces
sondages.
- Celui des adversaires qui estiment qu'interdire la publication sans interdire les sondages, c'est
favoriser quelques privilégiés qui ont accès à l'information au détriment de la plupart (ex: ceux qui
grâce à Internet peuvent aisément consulter les résultats sur des sites ou auprès de médias étrangers) et
c'est aussi ouvrir la porte à la rumeur et aux manipulations.
6.1. Les effets directs : Bandwagon et Underdog
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22. Résumé du syllabus de Communication Politique 2008-2009
Les 2 principaux effets soupçonnés des sondages électoraux sont:
Le bandwagon effect: qui tient compte de la tendance à se joindre à la majorité, en se conformant
au mouvement ambiant. Autrement dit, qui tient compte de la tentation des indécis de voter en faveur
de ceux qui sont donnés favoris.
Souvent vraisemblable pour:
- Les électeurs indécis aux tendances conformistes
- Ceux qui préfèrent être du côté des gagnants
- Ceux qui sont peu intéressés et mal informés sur la politique et qui s'en remettent au jugement de
ceux qui sont censés être informés et qui se sont prononcés dans le sondage.
L'underdog effect: conduirait un électeur à soutenir ceux qu'on annonce perdants, soit par crainte
d'une victoire trop imposante des autres, soit par réflexe de défense des opprimés et des faibles.
Souvent vraisemblable pour:
- Les individus aux tendances déviantes (qui se complaisent dans la marginalité)
Il faut également tenir compte des effets sur les médias eux-mêmes (et par ricochet sur les publics de
ces médias). Les journalistes et analystes spéculent souvent sur les conséquences possibles des
résultats s'ils devaient correspondre à ceux annoncés par les sondages L'électeur peut se réjouir ou
s'effrayer des perspectives ainsi présentées.
6.2. Effets indirects
- La publication répétée des résultats liés à l'élection monopolise l'attention des consommateurs et
journalistes au point d'occulter de véritables débats d'idées. Cette prolixité s'explique par le fait que les
sondages sont souvent commandés et payés par les médias qui se doivent d'en faire grand usage.
- Ils peuvent nourrir toutes les démagogies. Les candidats peuvent opportunément articuler un
discours, voire construire un programme "sur mesure" pour un segment électoral déterminé. Ce risque
peut infléchir la dynamique politique en poussant les candidats à défendre les idées populaires plutôt
qu'à convaincre d'adopter les leurs.
- Les sondages peuvent légitimer un certain nombre de positions ou d'attitudes en démontrant leur
assise populaire. Il peut aussi arriver que les résultats de ces études soient détournés pour nourrir des
argumentations difficiles à soutenir, soit:
En sortant les résultats de leur contexte
En en déformant les variables mesurées
En ponctuant son discours de références crédibilisantes telles que "tous les sondages montrent
que…"
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