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Mémoire
La crise de l’industrie musicale
Sylvain LE BARILLEC
Master 1 Economie et Gestion
Université de Caen Basse-Normandie
Année Universitaire 2005 - 2006
Sous la direction de M. Albéric Tellier
-2-
« Sans la musique, la vie serait une erreur, une besogne éreintante, un exil »
Friedrich Nietzsche (1844-1900), Crépuscule des idoles, 1888
-3-
REMERCIEMENTS
Nous remercions Monsieur Albéric Tellier pour la supervision de ce travail.
Nous tenons également à remercier ceux qui, par des relectures et par leur soutien,
ont permis l’accomplissement de ce travail. À ce titre, nous remercions Madame Chantal Le
Barillec, Mademoiselle Aurélie Lopez et Monsieur Mathieu Raballand.
-4-
GLOSSAIRE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES
AAC: Advanced Audio Coding
ATRAC 3: Adaptive TRansform Acoustic Coding
DRM: Digital Rights Management
IFPI: International Federation of Phonographic Industry
MP3: Moving Picture Experts Group 3
MP4: Moving Picture Experts Group 4
NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques
P2P: Peer to Peer
RIAA: Recording Industry Association of America
RTC: Réseau Téléphonique Commuté
SACEM : Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique
SNEP: Syndicat National de l'Edition Phonographique
WMA: Windows Media Audio
WMP 10: Windows Media Player version 10
-5-
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS...................................................................................................3
GLOSSAIRE.............................................................................................................4
TABLE DES MATIÈRES............................................................................................5
INTRODUCTION.....................................................................................................7
I L’INDUSTRIE DU DISQUE : FONCTIONNEMENT ET ÉVOLUTIONS
RÉCENTES...............................................................................................................9
1.1 Historique et description du secteur…….............................................…9
1.1.1 L’industrie du disque : concentration et innovations……….…………..……..9
1.1.2 Une structure de marché : l’oligopole……………………………………...……..12
1.1.3 La chaîne de valeur de l’industrie……………………………………………………13
1.1.4 La distribution des revenus : de fortes disparités………………………..……16
1.1.5 Le modèle des cinq forces de M. Porter, appliqué à l’industrie du
disque………………………………...............................................................................17
1.1.6 Tarification et évolution des prix….....................................................20
1.2 Evolutions récentes de plusieurs marchés…...........................................21
1.2.1 Le marché mondial : les principales tendances……..............................22
1.2.2 Le marché américain : précurseur de la crise…...................................24
1.2.3 Le marché français : concentration de l’offre et chute des
ventes………..............................................................................................……….25
II LES CAUSES DE LA CRISE………………………………………………………………….29
2.1 Internet et P2P, le lien avec la crise……………………………...………..…29
2.1.1 Montée de l’Internet et des applications P2P……………………..........….…29
2.1.2 Les effets du P2P……………………………………………………………..........……33
2.2 Les autres facteurs…………………………………………………….........……38
2.2.1 Cycle de vie du CD…………………………………………………….........…….……38
2.2.2 Radio et répertoire……………………………………………….…………….........…40
-6-
2.2.3 Le piratage industriel et domestique………………….......……………………41
III DÉMATÉRIALSATION ET CHAINE DE VALEUR DE L’INDUSTRIE…….........…..44
3.1 Vers une dématérialisation des œuvres : une nouvelle forme de
distribution………………………………………………………………………………...........44
3.1.1 La chaîne de valeur de la musique dématérialisée……………......….…....44
3.1.2 Les principes de facturation……………………………………………….…..........52
3.1.2.1 Les systèmes proposés…………………………………….......………...52
3.1.2.2 Les flux générés……………………………………………………......…...53
3.2 Perspectives d’évolution et de rentabilisation……………………......…...54
3.2.1 Perspectives d’évolution du marché ………...................…………….........54
3.2.2 Perspectives d’évolution des différents acteurs…………………….........…..55
CONCLUSION……………………………………………………………………………...........57
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………….........58
ANNEXES…………………………………………………………………………………...........61
-7-
INTRODUCTION
Phénomène contemporain, la consommation de musique a su au fil des 30
dernières années prendre une place notable dans le temps de loisir. D’après une
enquête d’opinion1
réalisée pour la SACEM2
, les Français perçoivent en la musique,
un art indispensable pour 74 % d’entre eux, avec une durée d’écoute moyenne
journalière atteignant 2 heures. D’après cette même enquête, 16% des Français ont
déjà téléchargé de la musique sur l’Internet, que ce soit légalement (2%) ou en
fraudant (14%).
Souvent décriées par les artistes indépendants, parce qu’elles ne favorisent
que les vedettes et réduisent le champ créatif, les maisons de disques sont depuis la
fin des années 90 entrées dans une période de crise. D’une part, on constate un
effondrement de la vente de CD, concomitant à la diffusion des accès à l’Internet à
haut débit dans les ménages des pays développés : le taux de pénétration de ces
connexions passant entre 2001 et le deuxième trimestre 2005 de 2,9 % à 11,8%
pour les pays de l’OCDE. D’après les statistiques du SNEP3
et de la RIAA, 1999 a
marqué un tournant dans l’évolution des ventes de CD, même si la baisse des ventes
ne s’est surtout faite ressentir en France qu’à partir de l’année 2003. En un an, le
secteur a ainsi perdu 14,6% de son chiffre d’affaires en valeur et 11,5% de son
volume de production (unités physiques).
Vites pointés du doigt par les majors4
, les réseaux peer-to-peer5
sont-ils à eux
seuls responsables de cette désaffection du public pour les enregistrements légaux ?
Comment s’est caractérisée cette crise sur l’industrie du disque ? Quelles causes
peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène ? Quelles sont les évolutions
subies par cette industrie ?
1
Enquête d’opinion TNS-Sofres publiée le 22 juin 2005, et disponible à l’adresse suivante :
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/270605_musique.pdf
2
Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
3
SNEP : Syndicat National de l’Edition Phonographique, défendant les intérêts des industriels.
4
Major du disque : Entreprise du disque qui assure la phase de recherche de « nouveaux talents »
jusqu’à la distribution. Cet oligopole de 4 compagnies regroupe à lui seul 75 % des ventes du secteur
musical dans le monde.
5
Peer-to-peer (pair à pair): Réseau décentralisé d’échange de données informatiques. Contrairement
aux premiers réseaux d’échanges, il n’existe pas de serveur central regroupant un index des fichiers
disponibles, ce qui rend la tâche plus laborieuse pour les rendre inopérants.
-8-
Dans une première partie, nous décrirons le secteur et traiterons des faits
empiriques s’étant produits durant la dernière décennie, ainsi que les principales
évolutions qu’a connu l’industrie du disque, notamment en quantifiant les impacts de
la crise.
Nous verrons ensuite que l’origine de la baisse des ventes de CD revêt de
multiples facettes : les réseaux d’échanges de données , l’intégration quasi
systématique de graveurs dans les ordinateurs, l’implémentation d’applications dans
les systèmes d’exploitation, permettant d’outrepasser les lois sur les droits d’auteurs,
mais aussi le rétrécissement des goûts des consommateurs (dû en grande partie à
une faible médiatisation des petits artistes, et une surexposition des vedettes), des
phénomènes d’achat à la carte, et une politique tarifaire peu transparente ne sont
que quelques unes des raisons pouvant être invoquées.
Enfin, nous nous focaliserons sur les effets immédiats et à long terme de cette
tendance sur l’industrie, et les moyens mis en oeuvre pour y répondre. Pour cela,
nous montrerons les mutations de la chaîne de valeur de l’industrie du disque, liées à
la mise en place d’offres légales de téléchargement.
-9-
I L’INDUSTRIE DU DISQUE : FONCTIONNEMENT ET ÉVOLUTIONS
RECENTES
1.1 Historique et description du secteur
La filière musicale a subi par le passé de nombreuses mutations liées
notamment à l’apparition de nouveaux formats, et à de nouvelles façons de
consommer le bien musical. Nous allons donc retracer ici, les principales évolutions
et leurs conséquences sur cette industrie.
1.1.1 L’industrie du disque : concentration et innovations
L’invention du phonogramme6
par Thomas Edison en 1877 ainsi que
l’apparition du gramophone7
ont permis de démocratiser la musique et de la diffuser
à large échelle. Dès les années 1890, les premiers appareils domestiques
apparaissent, et après une bataille entre les deux standards, le gramophone est
adopté, et le 78 tours est alors utilisé comme format par défaut.
Il fallut cependant attendre les années 30 pour que les premiers
enregistrements longue durée8
et les supports magnétiques voient le jour.
L’apparition de la radio et d’autres formes de loisirs, durant ces années, couplés à la
crise économique ont toutefois marqué un frein dans l’évolution des ventes de
disques. De multiples rachats eurent lieu après cette période de marasme, tendant
donc à concentrer les maisons de disques. À cette époque, les firmes sont déjà en
nombre restreint, et 4 acteurs dominent le marché suite à cette vague de fusions et
de rachats : Aux États-unis, deux acteurs radiophoniques prennent le contrôle de
nombreuses maisons de disques9
, tandis qu’en Europe, Decca voit le jour en 1929,
suivie par EMI10
. RCA et CBS forment donc deux entités fortement intégrées. Suite à
6
Appareil permettant de resituer le son grâce à un stylet et un amplificateur. Les enregistrements se
faisant sur un cylindre.
7
Le Phonographe quant à lui restituait le son à partir d’un disque en cire.
8
LP (Long Play)
9
RCA rachète Victor et CBS fait main basse sur Columbia Records (à l’origine, CBS était une filiale de
Columbia Records, mais fut vendue à la fin des années 20, conséquence de sa faible rentabilité).
10
EMI est la résultante des fusions entre Victor, Columbia.
-10-
ces restructurations, la radio fait partie intégrante de la stratégie des firmes, leur
permettant ainsi de faire la promotion de leurs propres disques.
Le tournant essentiel de l’industrie reste malgré tout postérieur à la seconde
guerre mondiale. En effet, les facteurs clés du secteur (l’innovation, la
standardisation et la production de masse) permirent une croissance singulière. La
concrétisation commerciale des enregistrements de longue durée vit le jour en 1948
grâce au 33 tours. Le 45 tours voit aussi le jour, mais ses capacités de stockage sont
moindres. Il s’agit dès lors d’une guerre entre les deux géants américains CBS et
RCA, car tout deux sont détenteurs d’un des brevets. Cependant, le 33 tours, dont
les droits d’utilisation ont été cédés gratuitement à toutes les maisons de disque
devient le standard par défaut pour les albums, alors que les singles sont pressés en
45 tours. Warner ne se contente plus du cinéma, et s’introduit dans le milieu du
disque à la fin des années 50 : cette firme poursuivra sa progression en rachetant
Elektra Records et Atlantic Records. La stéréophonie fut quant à elle introduite en
1958, et la commercialisation de supports magnétique (cassettes audio) fut effective
dès 1963. La demande importante pour ce type de biens des adolescents du baby
boom et le perfectionnement de la qualité des supports dans les années 60 ont
souvent été avancés comme cause de cette demande11
. En 1962, le nouvel entrant
MCA se lance dans l’industrie du disque en rachetant Decca Records12
. La portabilité
est aussi un élément essentiel à prendre en compte depuis la commercialisation des
premiers Walkman par Sony en 1979.
Dans les années 80, il y eut une segmentation du marché en deux. D’une part,
l’industrie produisait des disques vinyles destinés à un usage domestique, et d’autre
part, des cassettes audio destinées à être utilisées dans les autoradios ou dans les
appareils portatifs. 1981, année précédant l’introduction du CD Audio de Sony et
Philips fut une année de forte vente de vinyles LP (+19.88% en volume). Malgré
tout, depuis la fin des années 70, l’industrie du disque a connu un point d’arrêt dans
la croissance de ses ventes. D’une part, le vieillissement de la population et
l’introduction de cassettes audio vierges permettant d’effectuer des copies illicites se
11
Vogel (2004), Entertainment Industry Economics: A Guide for Financial Analysis, Cambridge
University Press.
12
Le nombre d’acquisition de MCA étant trop important, on peut s’en tenir au fait que Seagram,
détenteur de MCA a fusionné les activités de MCA et PolyGram en 1998 pour donner naissance à
Universal Music Group.
-11-
traduisent par une diminution des ventes. Cependant le changement de format
musical majeur de ces 25 dernières années fut l’introduction du CD, qui a limité cette
chute. En effet, durant les premières années d’existence du CD, les foyers ont eu
tendance à racheter les œuvres qu’ils possédaient sous un autre format (vinyles,
cassettes audio). Il faut d’autre part noter que la marge sur un CD est plus
importante que sur un vinyle. Ainsi, les rentes tirées de la vente de CD ont permis à
l’industrie d’accroître ses profits. La fin des années 80 est aussi marquée par une
vague d’acquisition du japonais Sony, et CBS en fait les frais.
Depuis les années 90, de nombreux formats alternatifs ont vu le jour, mais
demeurent cependant utilisés par un nombre restreint de personnes : On peut
notamment citer le Minidisc13
, dont la taille modeste en fait un atout, et qui vit le jour
en 1992, mais dont les ventes n’ont jamais été probantes14
. L’introduction du DVD
audio15
en 1998 et du Super Audio CD16
sur le marché en 1999 a eu un impact peu
significatif sur la vente de musique. A la fin des années 90, 2 formats sont cependant
plébiscités par le grand public. D’une part, le format MP317
dont la gratuité et la
légèreté font deux de ses avantages, et d’autre part les DVD musicaux, qui
contrairement aux CD ont connu une forte expansion depuis les années 2000, et qui
sont un signal fort à l’industrie de l’importance de la vidéo, depuis que les chaînes
musicales se sont répandues18
. En août 2004, la joint-venture Sony-BMG Music
Entertainment, détenue à parts égales entre le japonais Sony et le groupe allemand
Bertelsmann A.G., voit le jour, tendant à concentrer encore plus le secteur musical.
13
Le Minidisc combine à la fois lecture optique et enregistrement électromagnétique.
14
Même si le support était peu onéreux, le coût du lecteur-enregistreur était rédhibitoire.
15
Le DVD audio permet de restituer jusqu’à 6 canaux contre 2 pour le CD, pour une durée de 74
minutes.
16
Le SACD quant à lui restitue jusqu’à 110 minutes de musique.
17
Le codage au format MP3 consiste à expurger le spectre originel du CD en n’encodant que les
fréquences audibles pour l’oreille humaine. Cette transformation permet de générer des fichiers
musicaux de taille modeste (environ 6 Mégaoctets pour une chanson de 4 minutes, à 192 Kbps)
18
La création de MTV aux Etats-Unis. (Ainsi que son adaptation à différents marchés : adaptation
géographique et musicale)
-12-
1.1.2 Une structure de marché : l’oligopole
Le secteur musical dont les rentes sont accaparées par quatre acteurs19
principaux20
, se partageant les ! des ventes, peut être assimilé à un oligopole à
frange concurrentielle21
: Universal Music Group, détenant à elle seule 25,5% du
marché mondial, la joint-venture Sony-BMG (21,5%), EMI Group (13,4%) et Warner
Music Group (11,3%).
Graphe 1 : Répartition du volume pour l’année 2004 (source IFPI)
Les majors sont les firmes qui peuvent se prévaloir d’artistes de grande
envergure, leur permettant ainsi d’accroître leur part de marché par rapport aux
indépendants qui eux, sont confinés à une production plus confidentielle. Les majors,
ayant des impératifs financiers prennent moins le temps de parfaire les œuvres
qu’elles distribuent : elles appartiennent à de grands groupes. Ces quatre entreprises
intègrent des fonctions de producteur et de distributeur (Cf. section 1.1.3), leur
donnant ainsi un accès facilité aux réseaux de distribution, mais aussi leur
permettant une diffusion aisée sur plusieurs marchés (Nous verrons plus tard que les
19
Source : IFPI
20
Nous ne traiterons pas du cas particulier du Japon, où la part de marché des indépendants atteint
51,6% des ventes totales de supports enregistrés.
21
La frange concurrentielle est formée par les indépendants.
-13-
indépendants ne sont pas dans cette situation). Universal est la firme dominante sur
les marchés américain et européen tandis que Sony-BMG est leader sur les marchés
asiatique et océanien.
Les indépendants quant à eux, sont situés sur des niches de marché, et
prennent en général plus de risques que les majors en se spécialisant sur des styles
musicaux sollicités par un public de taille plus modeste. Cependant, ils bénéficient
d’une plus grande flexibilité, se manifestant par une proximité accrue des différents
acteurs de marché. Ainsi, les indépendants consacrent en général plus de temps à la
production des œuvres que les majors. Ils sont aussi plus proches du public et des
vendeurs finaux. En effet, ne bénéficiant pas de campagne de publicité à grande
échelle, ils doivent, pour écouler leurs productions, créer un lien singulier avec ces
acteurs.
1.1.3 La chaîne de valeur de l’industrie
Il est généralement admis que dans le secteur musical, les artistes surexposés
(vedettes), vendant beaucoup d’albums et qui sont donc profitables, permettent de
-14-
subventionner les artistes qui ne génèrent pas assez de cash-flow. Ainsi, on chiffre à
10% le nombre d’artistes vedettes.
Avant que l’œuvre musicale ne soit disponible à la vente, il faut préalablement
que différents acteurs prennent part à sa réalisation. Ci-dessus, la chaîne de valeur
simplifiée de l’industrie musicale22
.
Les majors sont des sociétés composées de labels. Comme nous l’avons vu
précédemment, les regroupements successifs ont réduit de façon drastique les
offreurs sur le marché. Les labels qui composent les majors ont comme objectif de
rechercher les nouveaux talents (A&R. Artiste et Répertoire), et se focalisent sur un
style musical particulier (Blue Notes pour la Jazz, la Motown pour la soul par
exemple). Ces entités sont comparables à des centres de recherche-développement,
car elles permettent aux majors de renouveler leur offre. Néanmoins, cette activité
n’est pas sans risque et nécessite des compétences artistiques et commerciales afin
de réduire les risques de méventes encourus par le label.
D’autre part, les labels sont chargés de produire les artistes qu’elles jugent
comme commercialement profitables. Les artistes retenus (1 sur 1000) sont liés à la
firme par un contrat les verrouillant sur une période définie ou sur un nombre
d’albums à réaliser. D’autres clauses sont incluses, mais ce mémoire ne s’y
intéressera pas (Nombre minimal de ventes à réaliser, …). Étant donné leur faible
pouvoir de négociation, les nouveaux talents bénéficient de contrats peu avantageux
par rapports aux artistes vedettes. Lors de la phase d’enregistrement, certains
artistes perçoivent une avance pécuniaire. Cette phase est financée par le label.
Vogel donne une approximation du coût de production : il se situerait aux alentours
de 125.000 USD, pour un album dont le potentiel commercial est élevé. Cependant, il
existe de fortes disparités, en fonction de la notoriété de l’artiste. La qualité de
l’enregistrement dépendra donc de cette variable.
Vient ensuite le pressage du disque, qui se fait à partir du master23
. Ici, les
majors bénéficient d’économies d’échelle, car certaines d’entre elles disposent de
leurs propres usines, et n’ont donc pas à sous-traiter cette activité (ou seulement
lorsqu’elles doivent affronter une forte demande), contrairement aux indépendants
22
Les activités de soutient, ou de support apparaissent en jaune. Les activités principales sont en
cyan.
23
Le master est le support original sur lequel a été fixé l’œuvre, et qui sert à la duplication en série.
-15-
qui sont dépendants de presseurs. En sus, les indépendants produisent des volumes
plus petits, et bénéficient donc de tarifs moins attractifs que les majors qui sous-
traitent cette activité. D’après Labarthe-Piol, les majors bénéficient à ce stade d’un
avantage en terme de coûts allant de 1 à 5. Cependant, les coûts variables liés au
pressage ne représentent qu’une part minime du coût final (Environ 1 USD).
L’activité marketing consiste à aviser les médias (radios, télévisions,
journaux, …) afin que l’œuvre y bénéficie d’une visibilité auprès des consommateurs
potentiels. Étant donné le nombre d’œuvres produites par l’ensemble du secteur, et
donc la concurrence de plus en plus intense pour obtenir de la place dans les médias,
cette activité est essentielle. Le pendant à cette activité a été la promotion accrue
des artistes mainstream, ou peu novateurs, afin d’attirer le plus de demande
possible, en vue d’une rentabilisation plus rapide. En effet, d’après le SNEP24
, la
programmation des radios musicales s’est concentrée ces dernières années sur
quelques artistes25
, et 2005 a été marquée en France par une baisse de moitié du
nombre de nouveaux talents diffusés. D’autre part, ces médias sont de bons
pourvoyeurs de demande26
: la radio a influencé 75% des consommateurs
américains, les chaînes de télévision musicales 45% et la visibilité dans les rayons de
magasin 42%. L’industrie peut donc agir sur trois des quatre premiers facteurs
influençant la demande (Le bouche à oreille arrivant second avec 46%).
Vient ensuite la distribution : les majors disposent de leurs propres réseaux.
Les indépendants doivent négocier la diffusion avec les majors pour bénéficier de
leurs réseaux. Il existe cependant des regroupements d’indépendants fonctionnant
par syndication. Cette étape consiste à négocier avec les vendeurs pour que le bien
musical soit distribué dans leur(s) magasin(s). Il s’agit en fait de segmenter la vente
de CD par marché, et les majors ont un avantage : leur présence mondiale. Les
vendeurs peuvent d’une part être organisés en centres d’achat (grandes enseignes
spécialisées, grande distribution) ou en coopératives (pour les petits vendeurs de
type commerçants de quartier), ce qui permettra d’obtenir des rabais.
24
http://www.disqueenfrance.com/actu/ventes/vente2005_3.asp
25
Sur certaines radios, le Top 40 représente plus de 75% de la programmation musicale.
26
An economist’s guide to digital music, Peitz M., Waelbroeck P., Discussion Paper n°32, Décembre
2004, GESY
-16-
1.1.4 La distribution des revenus : de fortes disparités
Graphe 2 : Répartitions des recettes tirées de la vente de CD (source : Laing)
La distribution, la vente ainsi que la production sont les activités les plus
rémunérées. En effet, plus de 50 % du CD revient à ces acteurs27
; les artistes quant
à eux perçoivent des royalties, qui dépendent de leur succès. Les royalties reversées
sont négociables, mais, une moyenne de 10% semble acceptable. Les revenus sont
moindres car on retient sur les royalties les coûts de promotion. Malgré tout, les
gains retirés lors des opérations de merchandising sont empochés par les artistes (T-
shirts, stickers, concerts, …). Cependant, ce commerce étant en pleine expansion,
l’industrie musicale s’y intéresse de plus en plus.
Il existe un seuil de rentabilité que seul un artiste sur dix atteint, les neuf
autres étant donc des artistes non-profitables. L’industrie essaie donc de retirer un
maximum de cash-flow de ses vedettes et a construit son business plan en intégrant
ces difficultés : elle utilise des stratagèmes pour rentabiliser les artistes en revendant
à plusieurs reprises les mêmes titres (Single, Album, Bande Originale de film, Best
Of, Compilation,…).
27
http://www.icce.rug.nl/~soundscapes/DATABASES/MIE/Part1_introduction.html
-17-
Cette industrie est caractérisée par des coûts fixes élevés, et des coûts marginaux
faibles (Voir nuls dans le cas de la dématérialisation des œuvres. En effet, reproduire
un fichier informatique a un coût négligeable). Les coûts élevés sont en grande partie
liés à la production : la location de studios, le producteur…
1.1.5 Le modèle des cinq forces de M. Porter, appliqué à l’industrie du
disque
Avant l’entrée sur le marché de site de musique légale, le secteur était
caractérisé de la façon suivante :
-L’intensité de la concurrence intra-sectorielle était assez forte. En effet, les
coûts pour s’installer sont élevés. Il existe d’une part des coûts irrécouvrables
importants, notamment liés à la production (nous avons précédemment chiffré à
125.000 USD les coûts liés à l’enregistrement). D’autre part, les concurrents ne sont
pas de taille identique : les majors bénéficient d’économies d’échelle, et peuvent
grâce à leurs filiales se développer sur différents marchés. La différenciation des
-18-
produits est surtout établie entre indépendants et majors. Les majors étant plus
généralistes, la concurrence entre elles est plus intense, malgré leur volonté d’élargir
la gamme de styles musicaux qu’elles proposent. Les switching costs des acheteurs
sont importants. Les barrières à l’entrée sont relativement importantes, mais tendent
à s’affaiblir depuis la numérisation de l’industrie, tendant donc à accroître cette
rivalité.
-Etant donné leur faible concentration, les fournisseurs, qui sont ici les artistes
et les nouveaux talents ont un faible pouvoir de négociation, s’ils ne font pas partie
des 10% de vedettes. Ils peuvent rarement imposer leurs conditions lors de la
signature de contrat. Le fait que pléthore d’artistes veuillent sortir un disque accroît
d’autant plus leur difficulté à s’imposer. D’autre part, il ne peut y avoir un
attachement à la marque (i.e. aux artistes) sauf si ceux-ci sont déjà connus. Enfin,
les switching costs liés à un changement de maison de disque sont importants.
Les indépendants ont quant à eux une autre variable à prendre en compte,
car ils doivent négocier les tarifs liés au pressage et les coûts de distribution: si le
volume à presser est important, ils peuvent néanmoins obtenir des réductions.
-Les substituts sur le marché étaient les MP3 et CD piratés d’une part, et
d’autre part, les autres formes de loisirs. Sauf pour les MP3 et les CD piratés, il s’agit
de substituts imparfaits car ils ne répondent pas aux mêmes besoins. (I.e. l’écoute
de musique28
), mais influent fortement sur la demande de CD. De plus, l’offre de
loisirs s’est élargie au cours des dix dernières années. Les coûts liés à la substitution
sont nuls dans le cas du CD piraté, ce qui est loin d’être le cas pour le MP3, car il faut
préalablement disposer d’un ordinateur.
-Les nouveaux entrants sont nombreux, et bénéficient parfois d’un appui
financier solide, ce qui facilitera d’autant plus leur entrée que les coûts diminuent. Ils
peuvent bénéficier d’économies d’échelle, et de coûts de communication faibles.
D’autre part l’accès à la technologie est facilité pour nombre d’entre eux. La fidélité
28
La radio est aussi un substitut imparfait, car l’écoute est contrainte à la programmation de la
station : l’écoute se fait de manière non sélective.
-19-
des clients à la marque est nulle : un acheteur de CD se préoccupe rarement de
savoir quelle maison de disque a signé l’artiste. Même si les majors ont développé
leurs propres canaux de distribution, certaines des compagnies peuvent déployer des
façons plus atypiques pour distribuer la musique.
D’une part, les sociétés multimédias peuvent avoir l’ambition d’élargir leur
offre à de la musique (ce fut notamment le cas des studios Warner qui dans les
années 50 ont décidé de ne plus se cantonner qu’au cinéma, mais aussi de produire
de la musique). Les sociétés informatiques, bénéficiant d’un fort potentiel
d’innovation peuvent aussi constituer des entrants potentiels. Enfin, les groupes de
télécommunication, peuvent intégrer à leur portail des liens vers de la musique en
ligne.
-Les clients et les acheteurs forment un amas disparate. D’une façon générale,
la concentration des acheteurs et la normalisation des produits limitent le pouvoir de
négociation des industries du disque. Les menaces d’intégration en amont sont
réduites. Enfin, il est difficile pour les acheteurs de changer de fournisseur. En effet,
chaque major distribue des produits dont elle détient les droits, et qui par essence ne
peuvent être proposés par la concurrence. Le pouvoir de négociation est donc limité
de chaque côté, mais s’est accru du côté vendeur quand les centrales d’achat de
supermarché ont pris de l’importance : ces centrales d’achat de magasins non
spécialisés de type hypermarchés, ont au cours des années 90 accru leur pouvoir de
négociation. Elles peuvent donc négocier avec les majors sur un pied d’égalité, et
s’imposer lorsqu’il s’agit d’indépendants. En effet, plus de 50% des ventes de CD se
font dans ce type de magasins. Ainsi, ces centrales peuvent négocier non seulement
le type de CD que les majors doivent leur fournir, mais aussi obtenir un prix de gros.
Enfin, d’autres types de clauses telles que les retours d’invendus peuvent être
négociés. Les chaînes de magasins spécialisés (FNAC, Virgin Mégastores, …)
bénéficient aussi de ce fort pouvoir de négociation. Les disquaires indépendants ont
quant à eux un faible pouvoir de négociation lié au volume infinitésimal réalisé chez
ces commerçants. Ils peuvent d’autre part se voir imposer des ventes groupées
d’albums, si la major veut promouvoir un artiste.
-20-
1.1.6 Tarification et évolution des prix
La tarification des CD est évolutive. Elle suit le degré de nouveauté et la
demande attendue de l’artiste29
. Le CD suit donc le cycle de vie du produit en ce
sens qu’il sera proposé à des prix différents suivant la demande effective et son
obsolescence.
Le marché est caractérisé par trois types de prix : le full-price, le mid-price et
le budget-price.
Lors de sa sortie, le CD est généralement proposé au full-price (i.e. le prix
maximum), voir à un prix légèrement inférieur (comme les « prix verts » dans les
FNAC), si les ventes attendues sont faibles. Cependant, le prix de sortie se situe dans
la fourchette haute.
Le mid-price sera quant à lui appliqué lorsque le CD aura atteint un certain
stade de vieillissement, ou que les ventes réelles sont faibles.
Enfin, le budget-price est appliqué lorsque le CD a achevé son cycle de vie :
les œuvres vendues à ce prix ont un potentiel commercial faible. Pour un exemple de
grille tarifaire complète de CD hors musique classique, on peut se référer au site de
la Competition Comission30
. On peut néanmoins estimer que le mid-price représente
65% du full-price. Le budget-price représentant quant à lui 50% de ce prix.
Il faut toutefois noter que la partie la plus significative des ventes réalisées par
les majors se situe dans la catégorie des full-prices. En effet, il faut vendre
relativement plus de mid-prices ou de budget-prices en volume pour obtenir le
même cash-flow qu’en vendant des full-prices. D’autre part, le signal envoyé aux
consommateurs lors de la baisse du prix d’un CD est paradoxalement perçu de façon
négative : la baisse du prix indique l’obsolescence du bien et le consommateur en est
conscient. Les mid et budget-prices ne doivent donc pas être appliqués trop
rapidement pour ne pas repousser les consommateurs.
29
Voir Bulletin de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. (Décision 98-
D-76)
30
http://www.competition-commission.org.uk/rep_pub/reports/1994/fulltext/356a7.1.pdf
-21-
De manière globale, le prix des CD varie d’un marché à l’autre (Les taux de
TVA expliquant une partie du différentiel). Cependant, d’après Liebowitz31
, le prix des
CD a peu varié en monnaie constante au cours des vingt dernières années aux Etats-
Unis, mais le poids respectif de chaque catégorie de prix serait impliqué dans les
résultats de son étude. L’apparition de vendeurs non spécialisés de type
hypermarchés et supermarchés bénéficiant d’un fort pouvoir de négociation a eu
comme conséquence une concentration de l’offre sur un nombre restreint de CD.
Conséquemment aux moindres surfaces de vente disponibles pour les biens
musicaux, ces commerçants tendent à se focaliser sur un nombre limité de
références. De surcroît, ces magasins ont réussi à acquérir une position dominante32
.
1.2 Évolutions récentes de plusieurs marchés
Le CD a-t-il achevé son cycle de vie ? Rien n’est moins sûr, car la
consommation de CD en fonction des pays est hétérogène. Nous verrons qu’il est
possible de tracer une tendance généralisable à l’ensemble des pays malgré
l’existence de fortes disparités régionales : il existe ainsi des marchés où les CD sont
plébiscités. C’est le cas notamment de la Norvège, du Royaume-Uni, de l’Islande et
des États-unis, si on se réfère à la vente de musique par tête, et qui fortement
corrélée au PIB par habitant disponible pour les activités de loisir.
Cependant, les cinq premiers pays acheteurs de CD sont les États-unis, le
Japon, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne.
Nous allons nous intéresser dans les paragraphes suivants à l’évolution sur le
marché mondial, puis nous traiterons le cas du marché américain, et enfin, le cas
français, car le marché américain a été le premier marché touché, tandis que le
marché français a été plus tardivement affecté, mais l’ampleur de la crise fut plus
considérable.
31
Liebowitz, Will MP3 annihilate the Record Industry ? The evidence so far, Dallas, University of
Texas, Juin 2003.
32
En France, le premier disquaire est la FNAC, suivit par le groupe Carrefour.
-22-
1.2.1 Le marché mondial : les principales tendances
D’une façon générale, le secteur de la musique a été caractérisé par plusieurs
crises depuis un siècle. Cependant, depuis 1999, les ventes de CD ont baissé sur
plusieurs marchés. La baisse des ventes se fait aussi bien ressentir sur les grands
acteurs que sur les petits indépendants. D’une part, la baisse de vente de singles
s’est faite particulièrement ressentir sur plusieurs marchés (France, États-unis).
Graphe 3 : Ventes mondiales (source : RIAA)
-23-
Graphe 4 : Chiffre d’affaire mondial de l’industrie / source RIAA
(Ces données ne sont pas déflatées, elles ne donnent qu’une tendance)
Le marché mondial, dont les données figurent en annexes a connu un point
d’arrêt dans la croissance des ventes de CD en 1999. Il s’avère que les pays de
l’OCDE pour lesquels sont disponibles ces chiffres connaissent des situations
diamétralement opposées. Cependant, certains pays qui jusqu’à présent avaient
échappé à la crise, y sont entrés en 2004. Le Royaume-Uni, qui avait connu une
croissance sur 1997-2003 n’a donc pas échappé à cette situation. De 236.8 millions
d’unités vendues en 2003, les ventes sont passées à 174.6 en 2004.
Il existe cependant des pays pour lesquels le constat est moins clair. Les cinq
premiers pays acheteurs, qui représentent 75% de la part de marché mondiale ont
été confrontés à une baisse dès 1999, et l’année 2003 a été l’année durant laquelle
la dégradation a été la plus perceptible.
-24-
1.2.2 Le marché américain : précurseur de la crise.
Marché Américain
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Unités 66,7 56 55,9 34,2 17,3 4,5 8,3 3,1
Valeur 272,7 213,2 222,4 142,7 79,4 19,6 35,9 14,9Singles
Evolution / n-1 ø -16,04% -0,18% -38,82% -49,42% -73,99% 84,44% -62,65%
Unités 753,1 847 938,9 942,5 881,9 803,3 745,9 766,9
Valeur 9915,1 11416 12816,3 13214,5 12909,4 12044,1 11232,9 11446,5Albums
Evolution / n-1 ø 12,47% 10,85% 0,38% -6,43% -8,91% -7,15% 2,82%
Ventes d'albums et de singles (USA)
0
200
400
600
800
1000
1200
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Albums
Singles
Graphe 5 : Ventes en volume (source : IFPI)
Le marché du disque américain a été le premier à décliner, avec la chute du
nombre de singles vendu en 1999, mais il est aussi le premier à avoir vu son chiffre
d’affaires croître en 2004, lié à la reprise dans les ventes d’albums. Les DVD
musicaux ont aussi cru, et sont désormais le deuxième format vendu sur ce marché.
L’autre particularité de ce marché tient au fait qu’il a vu le format single
décliner depuis 1997. Cependant, l’industrie a des marges faibles sur ces supports.
En effet, ils sont surtout utilisés pour promouvoir les albums et être classé dans les
divers hits parades (Billboard Hot 100), permettant ainsi une plus forte visibilité de
l’artiste. De plus, le prix des singles a eu tendance à augmenter au fil du temps, afin
de favoriser la vente groupée de titres (albums), avec comme but ultime une
rentabilisation plus rapide des frais engagés pour produire et promouvoir l’artiste.
L’impact financier de cette baisse sur les rentes des majors fut donc limité. La chute
-25-
des ventes de singles fut vertigineuse aux États-unis : les données de l’IFPI et de la
RIAA33
, montrent qu’entre 1999 et 2004, le déclin de ce format fut caractérisé par un
recul des ventes de 52,8 millions d’unités, en volume, soit un taux de décroissance
de 94,5%34
(de 55.9 millions d’unités à 3.1 millions en 2004). Nous verrons
ultérieurement que cette tendance est en déphasage avec le comportement des
consommateurs sur les plateformes de téléchargement. En effet, sur ces sites, les
clients plébiscitent l’achat au morceau, et achètent rarement un album entier.
Les albums ont sur le marché américain accusé une baisse durant la même
période, mais de plus faible ampleur. Ainsi, la chute fut limitée à 18.31%.
Néanmoins, elle n’a pas été continue sur la période. En effet, 2004 fut une année
marquée par la reprise des ventes de CD (+2,82%) en volume et en valeur
(+1.90%).
La vente de musique a globalement décru, mais le format DVD vidéo semble
en plein essor. Le taux de croissance de ce support a été aux États-unis de 56.4% en
2004. Le volume vendu entre 2000 et 2004 a été multiplié par 9. Il semble offrir une
nouvelle alternative au CD.
1.2.3 Le marché français : concentration de l’offre et chute des ventes
Marché Français
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Unités 44,3 40,9 37,2 38 39,1 40,5 30,9 24,3
Singles Evolution /
n-1 ø -7,67% -9,05% 2,15% 2,89% 3,58% -23,70% -21,36%
Unités 123,1 123,7 120,6 119,7 132,6 135,9 120,8 106,4
Albums Evolution /
n-1 ø 0,49% -2,51% -0,75% 10,78% 2,49% -11,11% -11,92%
Note: les ventes d'albums incluent les CD, vinyles, et cassettes audio sur toute la période, les ventes
de Minidiscs sont incluses en 1999 et 2000.
Source : Calculs réalisés d’après données du SNEP
33
RIAA: Recording Industry Association of America (Yearend statistics)
34
The Recording Industry in Numbers, IFPI.
-26-
Ventes d'albums et de singles (France)
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Albums
Singles
Graphe 6 : Ventes en volume (source : SNEP)
En France, entre 2003 et 2005, la population non acheteuse de disques est
passée de 11 à 24 %, avec un tassement du nombre d’albums et de singles
vendus35
. Seuls les DVD musicaux ont connu une progression sur la période.
En France, le format single a lui aussi enregistré de fortes baisses, notamment
en 2003 et 2004. De surcroît, les ventes d’albums ont décru de façon plus intensive
qu’aux États-unis. L’industrie se retrouve donc en 2004 dans une situation de
récession. Le chiffre d’affaire 2004 est au même niveau que celui de 1993.
(Respectivement 953 et 945 Millions d’Euros)
35
Source: SNEP
-27-
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
Albums commercialisés
Singles commercialisés
Graphe 7 : Références commercialisées en France (source : SNEP)
Le nombre de nouvelles références d’albums commercialisées en France en
2004 est au même niveau que celui de 1999 (2065 contre 2063 références), et le
nombre de références de singles a été divisée par deux entre 1997 et 2004.
La tendance qui se dessine aux Etats-Unis semble aussi être présente en
France : les vidéos musicales connaissent une croissance en volume de 17.1% entre
2003 et 2004 (une baisse en valeur du chiffre d’affaires de 2%), et il en fut de même
entre 2002 et 2003 avec un accroissement de 88%.
Un constat peut donc être tiré : le format CD single est mort et le format
album est en phase de décroissance. Ceci pose un problème majeur aux majors ; ces
dernières rentabilisent les œuvres grâce à la vente d’album. Les inquiétudes dont
cette industrie fait part sont donc motivées. Cependant, le manque à gagner chiffré
par l’industrie doit être manipulé précautionneusement, car les majors indiquent des
-28-
pertes brutes liées au piratage. Elles incluent donc dans le manque à gagner des
ventes qui ne se seraient jamais produites si le piratage avait été nul.
Plusieurs questions se posent : La crise que subit l’industrie est elle
ponctuelle ? Quelles sont les raisons de cette baisse ? Le modèle de vente est-il à
remettre en question ? Le CD est-il arrivé en fin de cycle de vie ?
-29-
II LES CAUSES DE LA CRISE
Les origines de la crise sont multiples et les téléchargements illégaux, même
s’ils contribuent à cette tendance, ne peuvent à eux seuls l’expliquer. Nous verrons
dans une première partie les effets négatifs et positifs du P2P sur l’industrie, tandis
que dans une seconde partie nous nous intéresserons aux autres facteurs ayant un
impact sur les ventes de CD.
2.1 Internet et P2P, le lien avec la crise
2.1.1 Montée de l’Internet et des applications P2P
Le nombre de foyers ayant accès à l’Internet haut débit est en constante
croissance, ce qui facilite la distribution et le partage de fichiers plus volumineux
qu’avec des connexions RTC standard.
Comme le montre ce schéma, entre 1999 et 2004, le nombre de foyers
raccordés à l’Internet haut débit a été multiplié par 2836
. (De 4,1 à 116,8 millions de
foyers connectés dans les pays de l’OCDE). Dans le même temps, on a assisté à une
diffusion très rapide de logiciels permettant l’échange de fichiers : le premier du
36
OECD Key ICT indicators
-30-
genre étant Napster37
en 1999, qui permettait uniquement l’échange de fichiers MP3.
Depuis cette date, de nombreux protocoles et applications ont fait leur apparition,
permettant des échanges plus efficaces.
Les réseaux d’échanges basés sur les réseaux eDonkey2000 (eMule) ,
FastTrack38
(KaZaA) Gnutella (LimeWire) ou BitTorrent (application du même nom)
accueillent entre 4,5 et 6 millions d’utilisateurs instantanés, et ont par le passé connu
un pic à 10 millions d’utilisateurs. Chaque protocole apporte des innovations et n’est
pas destiné aux mêmes usages : les réseaux Gnutella et FastTrack sont conçus pour
l’échange de petits fichiers comme la musique numérisée, tandis que eDonkey2000
est spécialisé dans l’échange de fichiers plus importants, tout comme BitTorrent.
Ce dernier est par ailleurs le plus efficace, car il repose sur une mutualisation du
fichier : plus le fichier est « récent », plus il est demandé, et plus il sera facile de le
télécharger. En effet, cette application permet d’égaliser les flux de données
ascendantes et descendantes, évitant ainsi les « problèmes » liés aux passagers
clandestins39
(free riders).
D’après Cachelogic40
, le trafic engendré par les échanges de fichiers audio et
vidéo serait de l’ordre de 60% des échanges de données. À titre de comparaison, les
pages Web et les courriels représentent respectivement 30 et 5 % du trafic Internet.
37
Depuis, le logiciel a été relancé sous une forme payante.
38
Fast Track est un logiciel propriétaire. Des licences d’exploitation sont donc acquises par des
sociétés voulant exploiter cette technologie. D’autre part, des spyware, et des applications non désirés
peuvent être installés à l’insu de l’utilisateur.
39
Dans le cas des réseaux P2P, il s’agit d’un individu ne laissant pas ses fichiers « en partage », mais
qui profite des réseaux pour télécharger de la musique de façon égoïste. Les passagers clandestins
représentent 70% des utilisateurs.
40
http://www.cachelogic.com
-31-
Graphe 9 : Source : How Much Information 2003, Université de Berckley
La proportion des fichiers disponibles évolue : les fichiers audio qui
représentaient la quasi-totalité des fichiers disponibles et téléchargés lors du
lancement de Napster représentent environ 11% des fichiers échangés, la vidéo
étant responsable de 61% des échanges41
. Cependant, il faut prendre en compte le
fait que les échanges en volume ont augmenté, et surtout que les fichiers vidéo sont
plus volumineux que les fichiers musicaux. En 2003, les utilisateurs de réseaux
FastTrack « pesaient » 5000 térabits, pour 600 millions de fichiers et 3 millions
d’utilisateurs. D’autre part, l’Université de Berckley a mené une étude qui démontre
que 10% des utilisateurs représentent 60 % du poids des fichiers et 32% du nombre
total de fichiers. Les utilisateurs de ces réseaux n’ont donc pas un comportement
homogène, ce qui explique les difficultés pour quantifier les effets du P2P.
Cependant, ces réseaux ont accusé une baisse de fréquentation dans le
courant de l’année 2004, s’expliquant par les milliers de procédures judiciaires ayant
eu lieu aux Etats-Unis, ainsi que la mise en place de solutions payantes de
téléchargement : la fréquentation de ces réseaux a ainsi baissé de 23,53% entre
41
Le reste est composé des échanges d’applications, d’images, de fichiers textes, et de fichiers zippés.
-32-
2003 et 2004. Cette baisse s’est par ailleurs poursuivie, et la réduction du nombre
total d’utilisateurs américains a été estimée à 50%. Cette forte réduction s’est
accompagnée d’un accroissement des ventes de CD. Cependant, tous les pays
n’évoluent pas dans la même direction. Ainsi, les Etats-Unis, qui représentent 55%
des utilisateurs mondiaux sont relégués à la deuxième position si on se tient au
pourcentage de la population totale utilisant les réseaux P2P42
.
Pays
% d'utilisateurs P2P
dans la population
mondiale
d'internautes
% d'utilisateurs P2P
dans la population totale
du pays
États-Unis 55,4% 0,9%
Allemagne 10,2% 0,6%
Canada 8,0% 1,2%
France 7,8% 0,6%
Royaume-Uni 5,4% 0,4%
La quantité de fichiers échangés n’est donc pas négligeable : en 2003, ces
échanges ont été estimés à 150 milliards, alors qu’ils ne représentaient que 3
milliards en 1999. Le nombre moyen de titres téléchargés mensuellement par foyer
s’établit en France à 34 fichiers en 2005 contre 15 en 200443
.
De nouvelles tendances voient le jour aux Etats-Unis. Ainsi, selon le rapport
Pew44
, pour éviter de se faire épingler, les échanges de fichiers se font de plus en
plus par courriel ou messageries instantanées. D’autre part, les baladeurs
numériques semblent aussi devenir un vecteur d’échange. Le pourcentage de
personnes utilisant les courriels pour échanger de la musique s’établit à 20% des
utilisateurs d’Internet et l’échange par baladeurs numériques atteint un score de
15% (Dans cette étude le P2P est utilisé par 16% des utilisateurs). En effet, les
services de messagerie instantanés sont en plein essor45
, et des perspectives futures
d’interopérabilité entre ces services sont en cours d’élaboration notamment entre
Yahoo! et Microsoft. Cette technologie est actuellement bridée par le nombre
42
Source : OCDE
43
Le Monde, « Le téléchargement illégal explose en 2005 », 18 janvier 2006
44
Pew Internet & American Life Project, Mars 2005
45
MSN Messenger et Yahoo ! Messenger: 33 millions d’utilisateurs aux USA tandis que AIM pèse 23
millions d’utilisateurs.
-33-
d’utilisateurs présents dans chaque liste de contact mais aussi le manque de
compatibilité entre ces applications, tendant à augmenter les coûts de recherche et
limitant de facto les échanges.
2.1.2 Les effets du P2P
La non-rivalité des fichiers numériques distribués sur l’Internet induit un non-
respect de la propriété intellectuelle, et donc une non-rémunération des acteurs. En
effet, le coût nul de la distribution sur les réseaux informatiques fait qu’aucun
consommateur ne sera exclu. C’est un des enjeux de la diffusion du bien musical sur
l’Internet : trouver des solutions techniques qui rendent le bien rival (voir section
3.1.1 et l’utilisation de DRM) ou permettant d’accroître les externalités négatives liées
à l’utilisation de tels réseaux en créant une désutilité, notamment en augmentant les
coûts de recherche. En effet, l’industrie du disque utilise la rivalité pour exclure de la
consommation, c’est-à-dire de l’écoute. Traditionnellement, la musique est rattachée
à un support physique qui permet d’exclure les consommateurs. Sans cette rivalité, le
bien devient un bien public46
, et d’après Zhang47
, la musique disponible sur l’Internet
remplit les deux conditions du bien public : quand la musique est laissée en partage,
on ne peut exclure un consommateur, et d’autre part, la consommation d’un individu
(le rapatriement du fichier sur son disque dur) ne réduit pas l’utilité et la
consommation des autres utilisateurs. Il y aura donc des répercutions au niveau du
producteur, car les consommateurs n’adressent pas leur véritable demande aux
acteurs du marché musical, ce qui tend à réduire la diversité des œuvres produites.
D’autre part, se posera un problème lié à la rentabilisation des œuvres : les majors
vont et ont déjà relevé le seuil de rentabilité pour produire une œuvre.
A priori, les fichiers numériques semblent être des substituts plus proches des
singles que des albums, cependant, l’évidence ne se confirme pas dans la réalité, car
la substitution n’est pas parfaite. En effet, le coût nul du fichier numérique associé
46
Un bien public pur est caractérisé par une non-rivalité et une non-exclusion.
47
Zhang, A review of Economic Properties of Music Distribution, Novembre 2002.
-34-
aux coûts marginaux faibles de duplication (gravure48
) provoquerait une baisse des
ventes beaucoup plus importante que celle constatée les années passées si la
substitution était parfaite: l’industrie affronte une crise, mais n’est pas anéantie.
Les effets du P2P sur l’industrie sont difficilement quantifiables, et il s’avère
nécessaire de désagréger en groupes, les différents types d’utilisateurs ayant un
comportement homogène. Cependant, des études globales menées par les
économistes concluent que le P2P a un impact négatif, directement mesurable sur les
ventes de CD, mais il n’existe pas un consensus d’auteurs.
Les travaux économétriques de Liebowitz montrent qu’il existe certes une
corrélation entre le téléchargement de fichiers sur les réseaux P2P, mais que d’autres
facteurs sont impliqués. Ainsi, la diffusion de lecteurs portables, le prix des CD et le
PIB par habitant sont aux Etats-Unis corrélés avec la chute des ventes de disques :
toutefois, ces variables n’expliquent qu’une faible partie de la crise49
.
Le piratage musical serait cependant impliqué dans une proportion plus ou
moins variable de cette décroissance. Il faudrait 5 à 6 téléchargements pour que la
vente d’une unité n’ait pas lieu. Certaines études évaluent l’effet du téléchargement
comme marginal sur l’industrie du disque. D’une part, l’accès à l’Internet favoriserait
l’achat de CD chez les sujets de plus de 25 ans, tandis que l’inverse serait constaté
chez les plus jeunes. D’autre part, le P2P permettrait d’évaluer la qualité du bien
avant de l’acheter. En effet, la musique en plus d’être un bien d’information est un
bien d’expérience : avant de l’avoir écouté, le consommateur ne peut pas savoir si
celui-ci valait la peine d’être acheté, et pour l’écouter, le consommateur doit avoir
connaissance de son existence.
Malgré tout, Peitz et Waelbroeck ont estimé que les téléchargements illégaux
avaient provoqué une baisse de 12% des ventes de CD aux Etats-Unis, alors que cet
effet aurait touché les ventes mondiales à hauteur de 7% (le plus fort taux de
pénétration des accès haut débit aux Etats-Unis est une des raisons de ces résultats).
La légende qui veut que les petits artistes bénéficient d’une promotion gratuite grâce
48
Les personnes qui téléchargent sur l’Internet ont un comportement les poussant à graver les
fichiers sur CD sous forme audio, et non sous la forme d’un CD de données, ce qui leur permet de
multiplier le nombre de lecteurs compatibles.
49
Le coefficient de corrélation du test économétrique de Liebowitz est de 0,345.
-35-
au réseau P2P tombe aussi à l’eau : en effet, les fichiers disponibles sur ces réseaux
sont relativement connus, et font partie des meilleures ventes. Ceci s’explique
notamment par le fait que les productions confidentielles ont une probabilité moins
importante de se faire encoder pour être par la suite distribuées sur l’Internet. Pour
soutenir cette thèse, on peut juste signaler que 99% des échanges se font sur des
biens numériques copyrightés.
D’autre part, les travaux économétriques menés par l’OCDE renversent l’effet
de causalité précédemment expliqué. En effet, il s’agit plutôt de l’inverse qui se
produit : les gens choisissent de prendre un accès haut débit pour profiter des
réseaux P2P et non de fréquenter de tels sites s’ils bénéficient déjà d’un tel accès, ce
qui renvoie implicitement la responsabilité sur les fournisseurs d’accès à l’Internet,
qui ont promotionné leurs offres haut débit sur des spécificités techniques.
Pour se rendre compte de la corrélation existante entre pénétration de
l’Internet et amoindrissement des ventes, on peut tracer les deux graphes
suivants50
: le premier pour le marché américain, et le second pour le marché
français.
50
Graphiques effectués à partir de données provenant de la RIAA (taux de croissance des ventes
d’albums aux Etats-Unis) , du SNEP (taux de croissance des ventes d’albums des ventes d’albums en
France) et de l’OCDE. (C.f. Annexe 2)
-36-
La relation en France est nette, tandis que pour les États-unis, 2003, mais
surtout 2004, sont des années de changement dans la tendance. Il est aussi
nécessaire d’éclairer un point, celui de la diffusion de logiciel P2P, du piratage plus
intensif aux États-unis qu’en Europe : ces logiciels ont été adoptés plus tôt outre-
atlantique, car les opérateurs téléphoniques ont proposé des forfaits bas débit
illimités. En Europe, les connexions illimitées n’ont fait leur apparition qu’au début
des années 2000, lors de la diffusion des accès ADSL. D’autre part, les procès
peuvent expliquer ces baisses. Aux États-unis, les majors ont directement attaqué les
individus qui étaient auteurs de téléchargements illégaux. Si on se tient au fait que
les téléchargements font baisser les ventes, ceci expliquerait pourquoi le marché
américain a été le premier à décliner (en 2001 pour les albums).
Certains auteurs51
ont tenté de désagréger les individus en plusieurs groupes,
leur permettant ainsi de promulguer des conclusions et des orientations à suivre pour
les majors. Il faut donc que l’industrie incite les individus à acheter, non seulement
en tenant compte de leur disposition à payer, mais aussi en s’efforçant de créer de la
valeur, notamment en modifiant la chaîne de valeur de l’industrie musicale.
Moteni et Ordanini ont donc distingué cinq groupes d’utilisateurs, dont deux
51
Molteni, Ordanini, Consumption Patterns, Digital Technology and Music Downloading, 2003
-37-
seulement peuvent être orientés vers l’achat légal. Le premier groupe (30%) est
constitué d’individus qui achètent toujours de façon traditionnelle la musique, donc
sous forme matérielle et l’utilisation de réseaux P2P n’a pas d’impact majeur sur leur
consommation. Le deuxième groupe (11%) est constitué d’individus s’adonnant au
téléchargement sans but particulier, hormis une certaine jouissance liée à la
distraction : la conclusion est défavorable à l’industrie, en ce sens, où il sera
relativement difficile d’orienter ces individus vers les plates-formes légales. Un autre
groupe (14%) posant problème, est lui composé d’individus qui substituent la
musique gratuite à celle trouvée sur l’Internet. Ce groupe a donc nécessairement
contribué à la baisse des ventes de CD, et il faut que les maisons de disques utilisent
des stratégies crédibles, notamment en jouant sur les prix pour que ces utilisateurs
soient incités à effectuer des achats légaux. Les poursuites légales devant les
tribunaux sont aussi envisageables. Cependant le tableau n’est pas entièrement noir.
En effet, il existe deux autres groupes pour lesquels l’industrie peut espérer un
changement de comportement. Le premier (24%) représente un quart des individus,
et est composé de pionniers : ces individus accordent une place importante aux
nouvelles technologies, à la découverte, mais aussi aux contenus liés à l’achat de
musique (Biographies, information sur l’artiste,…). La diversité des œuvres
disponibles est aussi à prendre en compte, car le P2P offre un large choix de
références, qui ne sont pas disponibles dans les magasins traditionnels, ce qui
entraîne un phénomène d’acculturation à de nouveaux styles musicaux. Ces
utilisateurs sont donc prêts à se détourner du téléchargement illégal à condition que
l’industrie revoit sa façon de distribuer et de promouvoir la musique. Enfin, le dernier
groupe (21%) est composé d’individus ayant une disposition à payer de la musique
légalement très faible, car elle n’est pas perçue comme un élément assez important.
D’autre part, les goûts musicaux de ce groupe sont assez étroits. Un abonnement
pour ces utilisateurs est la meilleure façon de les inciter à acheter de la musique
légale.
Le constat entre P2P et ventes est donc délicat. D’une part, il produit une
chute des ventes, cependant, il aura eu aussi comme point positif, l’adoption plus
rapide d’une nouvelle technologie, en accélérant notamment le cycle de vie du CD
-38-
(voir point suivant). L’industrie utilise aussi ces réseaux pour anticiper les nouveaux
styles musicaux. Enfin, la substitution entre MP3 et CD n’est pas perçue comme telle
par les consommateurs. En effet, il existe des différences entre ces deux formes de
consommation. D’une part, la qualité (différenciation verticale) est différente, et
d’autre part, la valeur perçue n’est pas la même: les éditions « collectors », livrets,
imports, éditions limitées, font que le contenu a de l’importance, mais aussi que le
contenant prend une place de plus en plus importante. Même s’il existe des sites
Web permettant de trouver les livrets, l’impression sur la face du CD, sa fabrication,
et le temps de recherche sont autant de variables incitant le consommateur à
acheter légalement. Il y a donc une valeur et une qualité perçue par le
consommateur qui seront supérieures dans le cas des CD originaux.
D’autre part, pour pouvoir pirater efficacement, il faut que tous les contenus
soient disponibles facilement. Dans ce cas, il faut préalablement qu’il y ait un
acheteur ayant encodé l’œuvre pour la première fois, et l’ayant mis à disposition, ce
qui ne se révèle pas rationnel. En effet, aucun individu n’a intérêt à être le premier à
acheter. D’autre part, les logiciels, aussi évolués soient-ils, ne permettent pas des
recherches simplifiées. Il existe donc des difficultés liées à l’incertitude d’utilisation de
réseaux, mais aussi au temps de recherche P2P incitant l’utilisateur à acheter le bien.
2.2 Les autres facteurs
2.2.1 Cycle de vie du CD
Les réseaux P2P n’ont fait qu’accélérer l’obsolescence du CD en modernisant
la façon de distribuer la musique et de la consommer.
La théorie du cycle de vie du produit est composée de quatre étapes :
l’introduction, la croissance, la maturité et le déclin.
Lorsque le CD a été introduit sur le marché pour remplacer le vinyle ce dernier était
en déclin. En effet, les années précédant l’introduction du CD furent marquées par
une décroissance des ventes de ce support. L’introduction des SACD et autres
formats n’a pas été concluante. Une question se pose donc : la musique numérique
-39-
va-t-elle prendre le relais du CD ? Et surtout, l’industrie musicale va-t-elle réussir à
redynamiser le marché en s’investissant dans un nouveau format ?
Durant les premières années d’existence du CD, la croissance du support fut
portée d’une part par l’adoption d’un standard commun par l’industrie, et d’autre part
par des achats d’œuvres que les foyers possédaient déjà sur un autre support.
On constate pendant la période de maturité des coûts faibles et des profits
importants liés aux économies d’échelle. Cependant, la diminution des ventes
couplée à la diminution des profits et des prix tend à démontrer que le CD est entré
récemment dans la phase de déclin. D’autre part, les nouveaux moyens pour obtenir
de la musique ne font qu’accentuer ce déclin. Nous verrons ultérieurement que
malgré un début difficile, les plateformes légales de téléchargement semblent trouver
un public.
L’industrie du disque a donc tenté de maintenir les ventes et les profits de ces
supports physiques en poursuivant les personnes téléchargeant de la musique et en
privilégiant les retours sur investissements rapides. En effet, la demande sur le
marché du CD est saturée, et une augmentation des profits ne peut être effective
que si les coûts en amont diminuent. Ceci statue donc une prise de risque minimale
pour les maisons de disque52
. Le financement d’artistes de renommée est délicat, car
ceux-ci malgré leur prestige sont plus fréquemment exposés à un échec potentiel.
D’autre part, les majors se sont introduites tardivement dans la musique en
ligne alors même qu’en 1999 les échanges de fichiers commençaient sur l’Internet.
Les plateformes de musique légales sont donc en train de prendre le relais des
supports CD. En effet, ces vendeurs connaissent une croissance des ventes qui laisse
deviner une étape d’introduction. En effet, les coûts de ces plateformes sont toujours
élevés, et les prix pratiqués sont relativement faibles par rapports aux coûts réels.
(Ce qui est en désaccord avec la théorie du cycle de vie. Cependant, pour attirer des
52
On pourra notamment citer comme exemple à cet essoufflement, les ventes liées aux émissions de
télé-réalité, qui ont soutenu le marché du disque.
-40-
consommateurs ces plateformes doivent pratiquer un prix relativement bas, car les
réseaux P2P permettent un téléchargement gratuit)
2.2.2 Radio et répertoire
Comme nous l’avons vu, la radio permet la promotion53
, mais depuis une
dizaine d’années, on a constaté des changements dans les logiques des diffuseurs,
notamment une convergence des radios musicales sur un nombre restreint de titres
en vue de satisfaire le public le plus large. Or, les radios sont en nombre limité. (Les
webradios accueillent à ce jour un public marginal). Cette focalisation a donc
entraîné non seulement une augmentation des rotations, mais aussi un tassement du
nombre de nouveautés54
, car les titres restent plus longtemps dans la
programmation de la station. Ce resserrement de la programmation s’est surtout fait
ressentir sur les radios musicales à destination des jeunes.
D’après le SNEP, la rotation moyenne d’un titre du Top 20 est de 8 passages
par jour, et atteint 15 passages pour certaines radios. (La rotation de titres
francophones est plus intense, car des quotas de chansons francophones ont été
instaurés)
Le tableau ci-dessous définit les nouvelles tendances. Le top 40, qui occupait
60,4% des diffusions en 2003 contre 62 en 2005, tend de plus en plus à devenir un
Top 20.
Radio Top 40 Top 20 Top 40 (2003)
Europe 2 51% 30% Na
Fun Radio 74% 48% 66%
Le Mouv' 46% 29% 44%
NRJ 73% 46% 65%
Skyrock 73% 54% 66%
(Pourcentages pondérés par le nombre de diffusions)
53
Les consommateurs qui achètent un disque en connaissant en partie le contenu forment plus de
90% de la demande adressée aux maisons de disques.
54
Les données de cette sous partie proviennent du SNEP, et plus particulièrement du « Livre Blanc, 7
Propositions pour a diversité musicale en radio», décembre 2005.
-41-
La part des nouveautés diminue elle aussi, et de manière très importante : de
56% à 50% en moyenne pour les radios jeunes et adultes, or cette catégorie de la
population est celle qui achète le plus de musique.
Vogel explique par ailleurs que le renouvellement des titres dans la
programmation des radios aux Etats-Unis est de l’ordre de 10%, ce qui semble être
le cas en France, car le nombre de nouvelles entrées en programmation est de
l’ordre de 2500 titres. Un titre restera donc en moyenne plus de 2 mois dans la
programmation de la station.
Étant donné le nombre de radios existantes, le pourcentage de
recouvrement55
des programmations est en augmentation. L’offre des radios est
donc convergente.
Comme nous l’avons précédemment signalé, la valeur du bien musical ne sera
évaluée qu’a posteriori, or, cette tendance contribue elle aussi à la diminution des
ventes de CD, en réduisant l’information adressée aux consommateurs potentiels.
2.2.3 Le piratage industriel et domestique
Le piratage « professionnel » ou « commercial » est enfin, une des dernières
raisons invocables, et crédibles à une baisse des ventes de CD. Ce type de piratage
nécessite des investissements substantiels, car il s’agit là de reproduire en masse les
enregistrements légaux. Cependant, depuis l’abaissement des coûts des graveurs, les
fabriques de CD-R piratés ont proliféré.
La copie sera proche de l’original, car elle reprend les caractéristiques du CD
manufacturé: le CD, mais aussi le boîtier, le livret, etc.…
Cependant, le piratage n’a pas vraiment évolué (en volume) depuis 2001, car
les maisons de disques démantèlent les fabriques clandestines. De 640 millions
d’unités produites clandestinement en 2000, la production s’est établie à 950 millions
d’unités en 2001. Les dernières statistiques disponibles montrent une légère
55
Nombre de titres présents dans plusieurs programmations musicales.
-42-
augmentation sur la dernière année, pour s’établir en 2004 à 1155 millions d’unités,
pour un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’USD. Ce phénomène affecte cependant
des marchés spécifiques ayant un accès plus restreint aux nouvelles technologies,
comme les pays d’Europe de l’Est, d’Amérique Latine et d’Asie. Cependant, le
manque à gagner sur ces marchés est important et atteint plus de 50% des ventes.
Si on rapporte le nombre de CD piratés aux ventes mondiales, on obtient un
taux de piratage de 30%. Or, ce piratage est encore plus « dangereux » que le
piratage Internet, car ici, les consommateurs achètent (même si le prix est modique)
le bien contrefait, en moyenne 50% moins cher que l’original. Or sur l’Internet, nous
avons vu que le bien avait un coût nul et que le contenant avait aussi son
importance. La substitution s’opérant entre les CD contrefaits et les enregistrements
légaux apparaît comme plus intense. Plus que d’abaisser les ventes des maisons de
disques, ces copies commerciales anéantissent l’offre d’enregistrements légaux
locaux, et plus généralement d’offres légales à long terme, car les risques
économiques pour les maisons de disques sont accrus.
Conjointement, les copies illicites de CD effectuées par les ménages s’avèrent
faire baisser le nombre de CD vendus. Cependant, l’ordre de grandeur n’est pas le
même, car la cassette audio enregistrable avait aussi dès son introduction été
accusée de faire baisser les ventes. D’autre part, il faut que le réseau de relation soit
en accord avec les goûts de la personne (il existe donc des coûts de recherche
importants). Malgré tout, le marché du CD-R est lui aussi en plein essor, et l’on
estime que 50% de ces supports sont utilisés pour reproduire des contenus protégés.
Le constat est donc clair, les maisons de disque disposent de nouveaux
formats pour distribuer leurs artistes, mais semblent enclines à soutenir le CD, or
certains marchés, comme le cinéma, ont profité de ce manque de dynamisme. En
effet, il s’est opéré une substitution de la musique aux autres formes de loisir. La
consommation des ménages a au cours des dernières années fortement évolué dans
le domaine des loisirs. Les jeux vidéo, les logiciels prennent une part plus importante
des dépenses des ménages consacrées aux loisirs. La consommation de films sous
formats DVD suit elle aussi le même sentier de progression. Cependant, le piratage
-43-
informatique est un des facteurs qui tendent à faire décroître les ventes d’albums,
mais comme, nous l’avons vu, d’autres variables sont aussi à considérer. La fin du
format single quant à elle tient surtout au fait que la portabilité a entraîné une perte
d’utilité de ce format, et son coût élevé dû notamment à des économies d’échelle
nulles ont entraîné un coût élevé à l’achat et donc une désaffection du public.
Concernant les réseaux P2P, nous verrons quelles sont les solutions qui ont
été mises en place, notamment les plateformes légales de téléchargement. L’essor
des lecteurs portables a aussi permis une augmentation du piratage. Lors de
l’introduction du premier iPod par Apple en 2001, il n’existait aucune plateforme
légale de téléchargement. Les utilisateurs étaient donc obligés d’encoder eux-mêmes
leurs CD, ou de télécharger illégalement les titres sur l’Internet. En 2003, les lecteurs
MP3 représentaient 13,3% des ventes de dispositifs portables en Europe.
Quelles solutions ont été mises en place pour que les utilisateurs se tournent
vers une consommation légale de musique ? Comment l’industrie du disque a-t-elle
cherché à créer de la valeur ?
-44-
DÉMATÉRIALISATION ET CHAINE DE VALEUR DE L’INDUSTRIE
Face à la montée des téléchargements illégaux, l’industrie ne pouvait pas
rester passive : elle s’est donc adaptée à cette nouvelle forme de distribution de
contenu. La principale évolution est l’utilisation de fichiers musicaux avec DRM56
et la
mise en place de plateformes légales de téléchargement. Il faut signaler que, non
seulement les œuvres fournies proviennent toujours des majors, mais aussi que la
mise en place des plateformes a concentré les distributeurs57
. Cette innovation s’est
aussi caractérisée par la disparition de certains acteurs de la chaîne musicale, et
l’entrée d’entreprises issues du monde de l’informatique (Apple, Microsoft, Packard
Bell), de fournisseurs d’accès à l’Internet et plus généralement d’opérateurs
téléphoniques (Wanadoo, NC Numericable, SFR…), mais aussi du monde des médias
(MTV, M6, NRJ…). Cette nouvelle forme de distribution du bien musical s’est
accompagnée d’une baisse des coûts de distribution, car celle-ci se fait à coût
marginal faible, mais aussi d’un abaissement des barrières à l’entrée. D’autre part, de
nouvelles méthodes de marketing visant à informer le client sur le bien sont aussi
apparues, car le choix plus large des plateformes de téléchargement peut entraîner
des coûts de recherche importants. Nous verrons tout d’abord les modifications de
cette chaîne de valeur, et surtout les enjeux pour l’industrie, mais aussi les
perspectives d’évolution et de pérennisation de cette forme de distribution.
3.1 Vers une dématérialisation des œuvres : une nouvelle forme de
distribution
3.1.1 La chaîne de valeur de la musique dématérialisée
Afin de comprendre les enjeux de ce nouveau marché, il est préalablement
nécessaire de décomposer la chaîne de valeur, comme nous l’avons fait pour la
méthode de vente traditionnelle. Les acteurs entrant dans le processus sont ici plus
56
DRM (Digital Rights Management) : Gestion des droits numériques.
57
À ce jour, on compte 6 principaux fournisseurs en ligne : iTunes Music Sore, OD2-Loudeye,
VirginMega, FNACMusic, E-Compil, Sony Connect. Certains indépendants se sont regroupés pour créer
des plateformes, mais leur catalogue reste restreint à quelques milliers de titres disponibles.
-45-
nombreux, et les majors doivent faire face à des acteurs dont le pouvoir de
négociation est accru.
Les nouveaux acteurs sont ici présents car les majors ne disposent pas de
tout le savoir faire technique nécessaire à la vente et à la promotion en ligne.
La recherche de nouveaux talents par les labels, et la phase d’enregistrement
restent inchangées, même si les NTIC apportent sans conteste un abaissement des
coûts, et donc des barrières à l’entrée. La musique, sous la forme numérique, vendue
sur les plateformes reste la même que celle vendue par le système traditionnel. Les
artistes seront cependant touchés par les ventes si l’achat au morceau se diffuse
(I.e. une diminution des ventes d’albums « complets » impliquera une moindre
rémunération des artistes, car ceux-ci perçoivent un pourcentage sur les ventes
effectuées). Cependant, les rémunérations obtenues grâce aux exécutions publiques
pour les stars (reversements liés aux passages radios, clips, …) et aux concerts
représentent une part importante des revenus des artistes. En effet, il ne faut pas
oublier que, des royalties perçues sur les ventes sont défalqués les frais liés au
marketing, ce qui peut représenter des coûts importants. Les artistes se trouvent
dans le cas de la musique dématérialisée tributaire de la publicité finançant les
médias, ce qui n’est pas le cas des producteurs, car ils ne bénéficient pas du même
système de rémunération. La numérisation des œuvres requiert l’accord de l’artiste,
-46-
si aucune clause permettant une commercialisation sous n’importe quel support n’a
initialement été prévue dans le contrat.
Un des changements importants est lié à la promotion. Cette étape est
prépondérante pour informer le consommateur de l’existence du bien. Il est ici
nécessaire d’introduire les notions de push et de pull. Le push est caractéristique de
l’industrie musicale traditionnelle : le client reçoit l’information sur les biens, par le
biais des médias et des majors (Les coûts de marketing sont alors très élevés).
L’Internet est plus adapté à une méthode de pull, car les consommateurs vont
chercher l’information sur les biens, notamment sur les plateformes de
téléchargement58
. La promotion se fait alors à coût faible, mais la richesse
informationnelle obtenue peut non seulement être détachée des majors (sites
personnels, forums de discussion, etc.…) mais aussi engendrer des coûts de
recherche élevés. C’est ainsi, que des sociétés chargées d’adresser des informations
pertinentes et en adéquation avec la demande des utilisateurs ont pris une place
importante dans ce schéma59
. Ce processus, appellé matching et réalisé par des
infomédiaires abaisse donc les coûts de recherche en fournissant une information
ciblée, par une détermination du profil de l’utilisateur. Les biens proposés seront
donc faiblement différenciés horizontalement. Les infomédiaires peuvent donc avoir
comme objectif de promouvoir aussi bien des stars que des artistes plus
confidentiels, de telle sorte que les sites de téléchargement légaux fassent la
promotion de petits artistes qui n’auraient pas été téléchargés sur les réseaux P2P.
En effet, sur les réseaux P2P, ce sont les artistes stars qui sont téléchargés
massivement.
L’encodage est une étape cruciale, et consiste à numériser l’œuvre dans un
format protégé par une licence d’utilisation. Sans cette dernière, la lecture est
impossible. Ainsi, chaque album est encodé et désagrégé en autant de fichiers que
de pistes que comporte l’album, permettant ainsi une vente au morceau, ou une
58
Les consommateurs peuvent notamment obtenir des avis d’utilisateurs, des conseils tel que « les
utilisateurs ont aussi acheté », les meilleures ventes de l’artiste, ou envoyer le liens à des amis et
recevoir des conseils personnalisé en fonction du chemin effectuer sur le site.
59
Leur rémunération provient de la plateforme de vente
-47-
vente en lot, c'est-à-dire de l’album en entier. À cette étape, les données relatives
aux morceaux y sont incluses. Les métadonnées comportent un descriptif précis de
l’œuvre encodée, pour permettre au consommateur de classer ou de hiérarchiser sa
discothèque de fichiers numériques. Le coût associé à la numérisation est de l’ordre
de 20 à 80 centimes par piste, ce qui constitue un coût fixe faible. Le système de
protection employé est généralement basé sur des fichiers avec gestion des droits
numériques. D’autres formes de protection existent : il s’agit notamment du
watermarking qui a d’abord été utilisé dans la photographie pour laisser une trace
indélébile, une empreinte sur le fichier et qui ne se révèle qu’avec l’utilisation d’une
application dédiée, rendant impossible sa perception à l’oreille humaine. Les
informations contenues étant indélébiles (même si le fichier est tronqué ou altéré),
permettent notamment de contrôler le nombre de diffusions, de transferts…
La multiplicité des formats utilisés, des applications en permettant la lecture, des
baladeurs numériques, ainsi que des restrictions contenues dans les DRM sont autant
de barrières à l’utilisation de plusieurs services, ce qui limite de facto la concurrence
entre les plateformes. D’autre part, les législations locales font qu’il est difficile de
comparer la vente de morceau sur les différentes plateformes au plan mondial60
.
Il existe à ce jour trois principaux formats de fichiers DRM : le premier est le WMA
protégé, développé par Microsoft, l’AAC61
, évolution de la norme MP4 et pour lequel
Apple a développé un système de gestion des droits numériques propriétaire baptisé
FairPlay. Le dernier format utilisé est l’ATRAC 3 Open MG utilisé par Sony. Ces trois
formats sont fermés, ils ne sont donc pas lisibles avec n’importe quelle application.
D’autre part, ces systèmes de protection sont relativement peu flexibles, car toute
modification du système informatique implique une perte de la licence.
Se pose ici un problème : le manque d’interopérabilité. Ainsi, le format AAC
étant propriétaire, n’est commercialisé que par Apple, n’est lisible qu’avec
60
Le marché de la musique en ligne est cloisonné en marchés nationaux. (i.e. la plateforme visitée
refuse toute vente vers un ordinateur dont l’adresse I.P. n’est pas localisée dans le pays) D’autre part,
les législations locales font que pour certains pays comme les Etats-Unis, les prix indiqués ne tiennent
pas compte des sales taxes dont les consommateurs sont redevables non pas au plan fédéral, mais
local.
61
AAC : Advanced Audio Coding. Cette norme succède au MP3 et permet de conserver une plus
grande qualité de restitution au morceau codé à une fréquence d’échantillonnage identique, voire
inférieure au MP3.
-48-
l’application iTunes et surtout est illisible62
sur la plupart des lecteurs portables sauf
l’iPod. Le problème est identique pour l’ATRAC 3 de Sony, lisible uniquement sur un
Walkman et avec l’application SonyConnect. Le WMA est quant à lui lisible sur une
plus grande gamme de lecteurs portables. D’autre part, Microsoft permet l’utilisation
de son format à d’autres entreprises, en vendant des licences d’utilisation63
, ce qui
explique la plus grande gamme de lecteurs compatibles. Néanmoins, la stratégie de
Microsoft, en permettant l’utilisation du WMA protégé a été de répandre ce format,
et par la même occasion, l’utilisation du Windows Media Player 1064
.
L’utilisateur une fois le fichier rapatrié sur son disque dur doit télécharger une
licence d’utilisation, comportant les caractéristiques du morceau téléchargé. Sont
notamment contenues des informations relatives au nombre de gravures qu’il peut
effectuer. À titre d’exemple, Ecompil65
(groupe Universal Music) propose un nombre
de 7 gravures, son concurrent Sony Connect66
n’en propose que 3, tandis que
l’iTunes Music Store67
ne propose aucune limitation. Une autre limitation est le
nombre d’ordinateurs sur lequel le fichier peut être lu, c'est-à-dire pour lesquels la
licence a été téléchargée et activée : à un instant T, le fichier ne peut donc être lu
simultanément que sur 1 à 5 ordinateurs. D’autre part, pour que la lecture soit
possible, il faut que l’application que fournit la plateforme soit installée.
Le transfert vers les baladeurs numériques est lui aussi limité, et un logiciel
dédié doit être utilisé afin de transférer la licence, et de la modifier pour décrémenter
le nombre de transferts futurs possibles : 3 transferts possibles vers des lecteurs
portables semble être le nombre généralement proposé68
. D’autre part, il faut que le
lecteur portable soit compatible avec la norme utilisée. Les spécifications sont
incluses dans les conditions générales de vente.
62
Il existe bien des moyens de détourner ces problèmes de compatibilité, mais qui peuvent s’avérer
fastidieux : la technique consiste à graver le fichier sous la forme d’un CD audio, de le réimporter dans
un format non protégé, et enfin de le transférer sur un lecteur portable.
63
http://www.microsoft.com/windows/windowsmedia/licensing/interim.aspx
64
Le comportement de Microsoft fut par ailleurs jugé comme anticoncurrentiel par la Commission
Européenne en 2004. (IP/04/382)
65
http://www.ecompil.fr/main/legal.html?type=CG
66
http://www.connect-europe.com/FR/fr/website/static/node982.html
67
http://www.apple.com/fr/support/itunes/legal/terms.html
68
Seul l’iTunes Music Store propose un nombre de transferts illimité.
-49-
Plateforme Standard Utilisé Lecture possible Transférable sur Incompatibilité
E-Compil WMA DRM Windows (WMP 10)
Baladeurs WMA
DRM
iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM,
Mac OS
FNACMusic.Com WMA DRM Windows (WMP 10)
Baladeurs WMA
DRM
iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM,
Mac OS
iTunes Music Store AAC FairPlay
Windows & Mac OS
X (iTunes 4 à 7) iPod Walkman et autres lecteurs portables
MSN Music (OD2) WMA DRM Windows (WMP 10)
Baladeurs WMA
DRM
iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM,
Mac OS
SonyConnect
ATRAC 3 Open
MG
Windows (Sonic
Stage) Walkman iPod et autres lecteurs portables, Mac OS
VirginMega.fr WMA DRM Windows (WMP 10)
Baladeurs WMA
DRM
iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM,
Mac OS
Aucune plateforme ne propose des téléchargements légaux pour les plateformes Unix/Linux
Sources : E-Compil, FNACMusic, Apple, OD2, SonyConnect, Microsoft.com
L’hébergement de chaque morceau sur un serveur est une activité sous-
traitée, et nécessite étant donné le catalogue important qui a été numérisé au cours
du passé, et étant donné le nombre de plateformes de vente, des quantités
appréciables de stockage. L’hébergement de chaque Gigaoctet de fichiers a un coût
de 20 USD par an. Ce coût fixe se révèle relativement faible. Les coûts de duplication
seront des coûts marginaux, eux aussi relativement faibles par rapport au modèle de
vente traditionnelle. En effet, les usines de fabrication disparaissent totalement de la
chaîne de valeur.
Les institutions bancaires sont aussi essentielles, car elles permettent un
paiement instantané par le biais de carte de paiement, permettant une livraison
instantanée des pistes achetées. Cependant, les coûts liés à des paiements de l’ordre
de quelques euros peuvent s’avérer très importants, et l’industrie doit donc si elle
veut renforcer le système de vente numérique abaisser ses coûts, notamment en
favorisant les abonnements. On peut aussi signaler que des plateformes agrègent les
dépenses des consommateurs sur une période de 24 heures, afin de limiter les coûts
liés aux intermédiaires financiers. Ces coûts sont constitués d’un coût fixe et d’un
coût variable proportionnel aux dépenses effectuées sur la plateforme. Le coût fixe
représente 25% du prix d’une piste auquel il faut rajouter le coût variable. (entre
1.75 et 5%). De tels coûts ont incité certaines plateformes à créer des systèmes de
cartes prépayées. C’est notamment le cas de FNACmusic et de l’iTunes Music Store.
On peut d’autre part signaler que le nouveau modèle permet de bénéficier de
coûts fixes faibles, et de coûts marginaux faibles eux ici, contrairement au modèle
-50-
traditionnel, pour lequel les barrières à l’entrée, même si elle tendaient à diminuer
restaient relativement élevées : la numérisation entraîne une baisse comprise entre
30% et 40% des coûts liés à la fabrication et à la distribution par rapport aux
supports physiques. Cette baisse peut par ailleurs se répercuter sur le prix de la
musique, en tendant à faire décroître le prix et donc en relançant la demande de
musique. D’autre part il pourrait en résulter une stimulation du côté offre. Enfin, un
autre aspect de cette baisse potentielle serait un marché plus concurrentiel qu’il ne
l’est actuellement. Ceci est déjà la réalité, car il existe un écart substantiel entre les
prix des plateformes et les vendeurs de CD physiques en ligne tels qu’Amazon, ou la
FNAC :
All The Roadrunning Red Hot Chili Peppers
Mark Knopfler Dani California
(Album) (Single)
Amazon France 16,97 6,58
FNAC en ligne 16,99 3,99
iTunes Music Store 9,99 0,99
MSN Music (OD2) 9,99 1,19
VirginMega.fr 9,99 0,99
Ecompil.fr 9,99 0,99
FNACMusic.com 9,99 0,99
SonyConnect N.A. 1,29
Prix constatés en euros le 25/04/06
Il existe donc un avantage en termes de prix plus important sur les singles
que sur les albums, ce qui incite d’autant plus les utilisateurs à acheter de la musique
à l’unité. En effet, le prix de la piste achetée à l’unité peut représenter jusqu’à 6 fois
le prix du single, tandis que pour les albums, le gain sera limité à 42%.
Un des derniers acteurs est le fournisseur d’accès Internet qui permet de
transférer le fichier du serveur vers l’ordinateur du consommateur. Les coûts liés à ce
transfert sont payés d’une part par le client, et d’autre part par la plateforme de
vente. Les frais de distribution sont eux aussi moins importants que dans le schéma
traditionnel.
Enfin, les firmes qui fabriquent des lecteurs portables font partie intégrante de
cette chaîne de valeur, car elles participent au choix de la plateforme utilisée. Apple
et Sony ont toutes les deux des plateformes de vente légale, pour lesquelles elles
-51-
détiennent un format d’encodage propriétaire permettant de protéger les œuvres.
Elles fabriquent également des baladeurs portables. Ces firmes ont eu comme
stratégie de verrouiller leurs clients. En effet, lorsqu’un client achète un baladeur
produit par ces deux firmes, il ne peut effectuer ses achats de musique légale que
sur la plateforme du constructeur : Sony et Apple interdisent à leurs concurrents
d’encoder la musique dans le format dont elles détiennent les droits (ATRAC 3 Open
MG et AAC FairPlay). La première conséquence est que les plateformes concurrentes
ne peuvent proposer de morceaux transférables sur les baladeurs Sony et Apple.
D’autre part, ces dernières ne rendent pas compatibles leurs baladeurs portables
avec les formats concurrents. Les clients sont totalement verrouillés. Enfin, si on se
projette dans le futur, et si les formats AAC et ATRAC 3 restent associés aux
plateformes iTunes et Sony Connect, le client restera verrouillé sur une longue
période. Lorsque ce dernier voudra changer son baladeur numérique, il devra
prendre en compte les coûts supplémentaires qu’induit un changement de
constructeur. Les coûts d’opportunités peuvent s’avérer élevés, car il faudra que le
client rachète toute la musique dans le nouveau format que gère son baladeur
portable. D’autre part, les entreprises ne disposant d’aucune plateforme de
téléchargement peuvent voir en celles existantes une opportunité, en rendant leurs
baladeurs compatibles avec le WMA DRM de Microsoft. Microsoft ayant par ailleurs
pris l’initiative de répertorier les baladeurs compatibles avec son format69
.
Le dernier point à aborder est l’entrée de nombreux acteurs multimédias, de
fournisseurs d’accès Internet dans la vente de musique en ligne. Ces acteurs trustent
généralement beaucoup de visiteurs sur leurs sites. Cependant certains de ces
acteurs ne bénéficient pas de toutes les compétences en termes de filière musicale.
Ces acteurs s’introduisent donc sur le marché avec des plateformes à marque
blanche : Une plateforme à marque blanche, est une plateforme que fournit un
prestataire tel qu’OD270
et qui est customisée par l’entreprise, qui y appose son logo,
et plus généralement sa marque afin de l’intégrer à son site Internet. Il existe deux
69
http://www.microsoft.com/windows/windowsmedia/devices/default.mspx
70
OD2 est un service distribué en France sous les étiquettes MSN, MTV, Wanadoo, M6, Alice, Alapage,
Cora, Système U, Packard Bell, M6.
-52-
prestataires principaux, OD2, et MusicNet71
, ce dernier n’étant disponible qu’aux
Etats-Unis.
Il est à noter que les distributeurs traditionnels tels que les détaillants
disparaissent de la chaîne de valeur, en laissant leur place à des acteurs dont le
pouvoir de négociation est plus fort. On peut signaler que les distributeurs de
musique numérique appartiennent soit à des majors, soit à des entreprises micro-
informatiques, soit à des tiers.
3.1.2Le principe de facturation :
3.1.2.1 les systèmes proposés
De nouvelles façons de consommer la musique ont donc vu le jour. Il en
ressort que deux principales façon de la commercialiser sont proposées aux
utilisateurs : la vente ou le streaming. Ces deux types de commercialisation se font à
l’acte, sauf aux Etats-Unis ou il existe des plateformes forfaitisant l’accès à la
musique72
.
Dans le premier cas, le consommateur devient le détenteur de l’œuvre, et
peut enregistrer celle-ci sur son disque dur, et la transférer « à son gré » sur d’autres
supports : cette forme de consommation est plutôt destinée aux détenteurs de
baladeurs numériques. D’autre part, la vente peut avoir lieu « à la carte », c’est-à-
dire, par achat unitaire de piste provenant d’un album, ou par album.
Dans le second cas, le consommateur, pour un prix plus modique ne peut
qu’écouter une fois le morceau, sans avoir la possibilité de le conserver, de le graver,
ni même de le transférer sur un lecteur portable, car il n’en détient pas les droits. En
71
MusicNet fournit les plateformes de Yahoo.com, AOL.Com, Virgin Digital…
72
Aux Etats-Unis une troisième voie est proposée : elle consiste à payer un abonnement mensuel
permettant de télécharger un nombre illimité de fichiers, qui seront lisibles aussi longtemps que le
consommateur paye son abonnement. La licence du fichier est renouvelée périodiquement. Cette
forme de consommation s’apparente à de la location.
-53-
effet, la musique est diffusée en temps réel sur l’ordinateur du consommateur,
obtenue sous forme de flux depuis la plateforme musicale.
3.1.2.2 Les flux générés
Deux scénarios sont possibles quant à la distribution des revenus, et surtout
au fait que l’industrie génère ou non un profit. Dans le premier cas, il ressort que
l’industrie vend à perte, c’est l’hypothèse basse, caractérisée par des coûts élevés,
tandis que dans le second, elle génère un léger profit sur chaque chanson vendue, et
dispose de coûts faibles. D’après EMI Music, la vente d’un morceau à 99 centimes ne
permettrait de dégager qu’un profit compris entre 5 et 10 centimes.
Si on part de l’hypothèse de base que la plateforme vend chaque titre à un prix de
0.99 euros, on obtiendra les flux suivants :
Hypothèse basse Hypothèse haute
Major et Artiste 0,67 0,40
Institution Financière 0,30 0,10
Editeur 0,12 0,10
Frais d'exploitation 0,25 0,10
Prix de vente 0,99 0,99
Perte -0,35 Profit 0,29
Le prix payé est généralement de 99 centimes, et peut être modulé en
fonction des droits dont dispose le consommateur. Ainsi, le droit d’écouter un
nombre illimité de fois le fichier serait de 79 centimes. Le droit de graver le fichier
coûterait 15 centimes de plus. Enfin, le transfert sur un baladeur numérique aurait
un coût de 24 centimes. Les nouveaux acteurs présents dans la chaîne de valeur
comme les intermédiaires financiers, les entreprises chargées d’encoder les
morceaux, et les fabricants de baladeurs portables bénéficient de retombées
financières non négligeables.
-54-
3.2 Perspectives d’évolution et de rentabilisation
3.2.1 Perspectives d’évolution du marché
Le marché de la musique en ligne n’a réellement pris son essor que lorsque
les majors ont donné leur accord pour qu’une grande partie de leur répertoire soit
numérisé. Ce qui a donc permis aux plateformes légales de proposer un choix plus
important aux consommateurs potentiels. iTunes Music Store a récemment dépassé
le cap du milliard de téléchargements cumulés depuis son ouverture. Cependant, des
données fiables et récentes sont relativement dures à obtenir. Malgré tout, l’IFPI a
estimé que les téléchargements légaux ont été de l’ordre de 420 millions de titres
durant l’année 2005 (156 millions en 2004), représentant 6% des ventes mondiales
de musique73
. Ainsi, en France, les ventes sont passées entre 2004 et 2005 de 1.5
millions de téléchargements à 8 millions de pistes téléchargées74
. Cependant, ces
ventes peuvent paraître dérisoires par rapport au nombre de téléchargement sur les
réseaux P2P. En effet, les téléchargements légaux représentent moins de 5% des
fichiers musicaux téléchargés. En valeur, les téléchargements légaux ont été estimés
à 310 millions d’USD pour 2004, et les perspectives futures d’évolution tablent sur un
rythme de croissance annuel soutenu. Les téléchargements légaux représenteraient à
l’horizon 2009 de 10% à 15% tout au plus des ventes de musique mondiales.
Cependant, l’avenir est fortement incertain, car ce marché est analysé comme un
marché de niche par certains experts, tandis que d’autres pensent qu’il pourra
remplacer le CD.
Il faut aussi évoquer l’augmentation des prix. Même s’il existe sur certaines
plateformes une différence de prix entre les nouveautés et les titres plus anciens,
cette pratique n’est pas une généralité. Nous avons vu que les utilisateurs achetaient
plus rarement des albums « entiers », et préféraient un achat au morceau, car
l’avantage en termes de prix est plus important. Ainsi, les prévisions de croissance
des prix sont plus élevées sur les pistes achetées de façon isolée que sur les albums
73
L’IFPI inclue les sonneries pour téléphone portable dans ce pourcentage.
74
D’autres données sont disponibles : Etats-Unis (143 à 353), Royaume-Uni (5.8 à 26.4), Allemagne
(6.4 à 21)
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  • 1. Mémoire La crise de l’industrie musicale Sylvain LE BARILLEC Master 1 Economie et Gestion Université de Caen Basse-Normandie Année Universitaire 2005 - 2006 Sous la direction de M. Albéric Tellier
  • 2. -2- « Sans la musique, la vie serait une erreur, une besogne éreintante, un exil » Friedrich Nietzsche (1844-1900), Crépuscule des idoles, 1888
  • 3. -3- REMERCIEMENTS Nous remercions Monsieur Albéric Tellier pour la supervision de ce travail. Nous tenons également à remercier ceux qui, par des relectures et par leur soutien, ont permis l’accomplissement de ce travail. À ce titre, nous remercions Madame Chantal Le Barillec, Mademoiselle Aurélie Lopez et Monsieur Mathieu Raballand.
  • 4. -4- GLOSSAIRE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES AAC: Advanced Audio Coding ATRAC 3: Adaptive TRansform Acoustic Coding DRM: Digital Rights Management IFPI: International Federation of Phonographic Industry MP3: Moving Picture Experts Group 3 MP4: Moving Picture Experts Group 4 NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques P2P: Peer to Peer RIAA: Recording Industry Association of America RTC: Réseau Téléphonique Commuté SACEM : Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique SNEP: Syndicat National de l'Edition Phonographique WMA: Windows Media Audio WMP 10: Windows Media Player version 10
  • 5. -5- TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS...................................................................................................3 GLOSSAIRE.............................................................................................................4 TABLE DES MATIÈRES............................................................................................5 INTRODUCTION.....................................................................................................7 I L’INDUSTRIE DU DISQUE : FONCTIONNEMENT ET ÉVOLUTIONS RÉCENTES...............................................................................................................9 1.1 Historique et description du secteur…….............................................…9 1.1.1 L’industrie du disque : concentration et innovations……….…………..……..9 1.1.2 Une structure de marché : l’oligopole……………………………………...……..12 1.1.3 La chaîne de valeur de l’industrie……………………………………………………13 1.1.4 La distribution des revenus : de fortes disparités………………………..……16 1.1.5 Le modèle des cinq forces de M. Porter, appliqué à l’industrie du disque………………………………...............................................................................17 1.1.6 Tarification et évolution des prix….....................................................20 1.2 Evolutions récentes de plusieurs marchés…...........................................21 1.2.1 Le marché mondial : les principales tendances……..............................22 1.2.2 Le marché américain : précurseur de la crise…...................................24 1.2.3 Le marché français : concentration de l’offre et chute des ventes………..............................................................................................……….25 II LES CAUSES DE LA CRISE………………………………………………………………….29 2.1 Internet et P2P, le lien avec la crise……………………………...………..…29 2.1.1 Montée de l’Internet et des applications P2P……………………..........….…29 2.1.2 Les effets du P2P……………………………………………………………..........……33 2.2 Les autres facteurs…………………………………………………….........……38 2.2.1 Cycle de vie du CD…………………………………………………….........…….……38 2.2.2 Radio et répertoire……………………………………………….…………….........…40
  • 6. -6- 2.2.3 Le piratage industriel et domestique………………….......……………………41 III DÉMATÉRIALSATION ET CHAINE DE VALEUR DE L’INDUSTRIE…….........…..44 3.1 Vers une dématérialisation des œuvres : une nouvelle forme de distribution………………………………………………………………………………...........44 3.1.1 La chaîne de valeur de la musique dématérialisée……………......….…....44 3.1.2 Les principes de facturation……………………………………………….…..........52 3.1.2.1 Les systèmes proposés…………………………………….......………...52 3.1.2.2 Les flux générés……………………………………………………......…...53 3.2 Perspectives d’évolution et de rentabilisation……………………......…...54 3.2.1 Perspectives d’évolution du marché ………...................…………….........54 3.2.2 Perspectives d’évolution des différents acteurs…………………….........…..55 CONCLUSION……………………………………………………………………………...........57 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………….........58 ANNEXES…………………………………………………………………………………...........61
  • 7. -7- INTRODUCTION Phénomène contemporain, la consommation de musique a su au fil des 30 dernières années prendre une place notable dans le temps de loisir. D’après une enquête d’opinion1 réalisée pour la SACEM2 , les Français perçoivent en la musique, un art indispensable pour 74 % d’entre eux, avec une durée d’écoute moyenne journalière atteignant 2 heures. D’après cette même enquête, 16% des Français ont déjà téléchargé de la musique sur l’Internet, que ce soit légalement (2%) ou en fraudant (14%). Souvent décriées par les artistes indépendants, parce qu’elles ne favorisent que les vedettes et réduisent le champ créatif, les maisons de disques sont depuis la fin des années 90 entrées dans une période de crise. D’une part, on constate un effondrement de la vente de CD, concomitant à la diffusion des accès à l’Internet à haut débit dans les ménages des pays développés : le taux de pénétration de ces connexions passant entre 2001 et le deuxième trimestre 2005 de 2,9 % à 11,8% pour les pays de l’OCDE. D’après les statistiques du SNEP3 et de la RIAA, 1999 a marqué un tournant dans l’évolution des ventes de CD, même si la baisse des ventes ne s’est surtout faite ressentir en France qu’à partir de l’année 2003. En un an, le secteur a ainsi perdu 14,6% de son chiffre d’affaires en valeur et 11,5% de son volume de production (unités physiques). Vites pointés du doigt par les majors4 , les réseaux peer-to-peer5 sont-ils à eux seuls responsables de cette désaffection du public pour les enregistrements légaux ? Comment s’est caractérisée cette crise sur l’industrie du disque ? Quelles causes peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène ? Quelles sont les évolutions subies par cette industrie ? 1 Enquête d’opinion TNS-Sofres publiée le 22 juin 2005, et disponible à l’adresse suivante : http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/270605_musique.pdf 2 Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique 3 SNEP : Syndicat National de l’Edition Phonographique, défendant les intérêts des industriels. 4 Major du disque : Entreprise du disque qui assure la phase de recherche de « nouveaux talents » jusqu’à la distribution. Cet oligopole de 4 compagnies regroupe à lui seul 75 % des ventes du secteur musical dans le monde. 5 Peer-to-peer (pair à pair): Réseau décentralisé d’échange de données informatiques. Contrairement aux premiers réseaux d’échanges, il n’existe pas de serveur central regroupant un index des fichiers disponibles, ce qui rend la tâche plus laborieuse pour les rendre inopérants.
  • 8. -8- Dans une première partie, nous décrirons le secteur et traiterons des faits empiriques s’étant produits durant la dernière décennie, ainsi que les principales évolutions qu’a connu l’industrie du disque, notamment en quantifiant les impacts de la crise. Nous verrons ensuite que l’origine de la baisse des ventes de CD revêt de multiples facettes : les réseaux d’échanges de données , l’intégration quasi systématique de graveurs dans les ordinateurs, l’implémentation d’applications dans les systèmes d’exploitation, permettant d’outrepasser les lois sur les droits d’auteurs, mais aussi le rétrécissement des goûts des consommateurs (dû en grande partie à une faible médiatisation des petits artistes, et une surexposition des vedettes), des phénomènes d’achat à la carte, et une politique tarifaire peu transparente ne sont que quelques unes des raisons pouvant être invoquées. Enfin, nous nous focaliserons sur les effets immédiats et à long terme de cette tendance sur l’industrie, et les moyens mis en oeuvre pour y répondre. Pour cela, nous montrerons les mutations de la chaîne de valeur de l’industrie du disque, liées à la mise en place d’offres légales de téléchargement.
  • 9. -9- I L’INDUSTRIE DU DISQUE : FONCTIONNEMENT ET ÉVOLUTIONS RECENTES 1.1 Historique et description du secteur La filière musicale a subi par le passé de nombreuses mutations liées notamment à l’apparition de nouveaux formats, et à de nouvelles façons de consommer le bien musical. Nous allons donc retracer ici, les principales évolutions et leurs conséquences sur cette industrie. 1.1.1 L’industrie du disque : concentration et innovations L’invention du phonogramme6 par Thomas Edison en 1877 ainsi que l’apparition du gramophone7 ont permis de démocratiser la musique et de la diffuser à large échelle. Dès les années 1890, les premiers appareils domestiques apparaissent, et après une bataille entre les deux standards, le gramophone est adopté, et le 78 tours est alors utilisé comme format par défaut. Il fallut cependant attendre les années 30 pour que les premiers enregistrements longue durée8 et les supports magnétiques voient le jour. L’apparition de la radio et d’autres formes de loisirs, durant ces années, couplés à la crise économique ont toutefois marqué un frein dans l’évolution des ventes de disques. De multiples rachats eurent lieu après cette période de marasme, tendant donc à concentrer les maisons de disques. À cette époque, les firmes sont déjà en nombre restreint, et 4 acteurs dominent le marché suite à cette vague de fusions et de rachats : Aux États-unis, deux acteurs radiophoniques prennent le contrôle de nombreuses maisons de disques9 , tandis qu’en Europe, Decca voit le jour en 1929, suivie par EMI10 . RCA et CBS forment donc deux entités fortement intégrées. Suite à 6 Appareil permettant de resituer le son grâce à un stylet et un amplificateur. Les enregistrements se faisant sur un cylindre. 7 Le Phonographe quant à lui restituait le son à partir d’un disque en cire. 8 LP (Long Play) 9 RCA rachète Victor et CBS fait main basse sur Columbia Records (à l’origine, CBS était une filiale de Columbia Records, mais fut vendue à la fin des années 20, conséquence de sa faible rentabilité). 10 EMI est la résultante des fusions entre Victor, Columbia.
  • 10. -10- ces restructurations, la radio fait partie intégrante de la stratégie des firmes, leur permettant ainsi de faire la promotion de leurs propres disques. Le tournant essentiel de l’industrie reste malgré tout postérieur à la seconde guerre mondiale. En effet, les facteurs clés du secteur (l’innovation, la standardisation et la production de masse) permirent une croissance singulière. La concrétisation commerciale des enregistrements de longue durée vit le jour en 1948 grâce au 33 tours. Le 45 tours voit aussi le jour, mais ses capacités de stockage sont moindres. Il s’agit dès lors d’une guerre entre les deux géants américains CBS et RCA, car tout deux sont détenteurs d’un des brevets. Cependant, le 33 tours, dont les droits d’utilisation ont été cédés gratuitement à toutes les maisons de disque devient le standard par défaut pour les albums, alors que les singles sont pressés en 45 tours. Warner ne se contente plus du cinéma, et s’introduit dans le milieu du disque à la fin des années 50 : cette firme poursuivra sa progression en rachetant Elektra Records et Atlantic Records. La stéréophonie fut quant à elle introduite en 1958, et la commercialisation de supports magnétique (cassettes audio) fut effective dès 1963. La demande importante pour ce type de biens des adolescents du baby boom et le perfectionnement de la qualité des supports dans les années 60 ont souvent été avancés comme cause de cette demande11 . En 1962, le nouvel entrant MCA se lance dans l’industrie du disque en rachetant Decca Records12 . La portabilité est aussi un élément essentiel à prendre en compte depuis la commercialisation des premiers Walkman par Sony en 1979. Dans les années 80, il y eut une segmentation du marché en deux. D’une part, l’industrie produisait des disques vinyles destinés à un usage domestique, et d’autre part, des cassettes audio destinées à être utilisées dans les autoradios ou dans les appareils portatifs. 1981, année précédant l’introduction du CD Audio de Sony et Philips fut une année de forte vente de vinyles LP (+19.88% en volume). Malgré tout, depuis la fin des années 70, l’industrie du disque a connu un point d’arrêt dans la croissance de ses ventes. D’une part, le vieillissement de la population et l’introduction de cassettes audio vierges permettant d’effectuer des copies illicites se 11 Vogel (2004), Entertainment Industry Economics: A Guide for Financial Analysis, Cambridge University Press. 12 Le nombre d’acquisition de MCA étant trop important, on peut s’en tenir au fait que Seagram, détenteur de MCA a fusionné les activités de MCA et PolyGram en 1998 pour donner naissance à Universal Music Group.
  • 11. -11- traduisent par une diminution des ventes. Cependant le changement de format musical majeur de ces 25 dernières années fut l’introduction du CD, qui a limité cette chute. En effet, durant les premières années d’existence du CD, les foyers ont eu tendance à racheter les œuvres qu’ils possédaient sous un autre format (vinyles, cassettes audio). Il faut d’autre part noter que la marge sur un CD est plus importante que sur un vinyle. Ainsi, les rentes tirées de la vente de CD ont permis à l’industrie d’accroître ses profits. La fin des années 80 est aussi marquée par une vague d’acquisition du japonais Sony, et CBS en fait les frais. Depuis les années 90, de nombreux formats alternatifs ont vu le jour, mais demeurent cependant utilisés par un nombre restreint de personnes : On peut notamment citer le Minidisc13 , dont la taille modeste en fait un atout, et qui vit le jour en 1992, mais dont les ventes n’ont jamais été probantes14 . L’introduction du DVD audio15 en 1998 et du Super Audio CD16 sur le marché en 1999 a eu un impact peu significatif sur la vente de musique. A la fin des années 90, 2 formats sont cependant plébiscités par le grand public. D’une part, le format MP317 dont la gratuité et la légèreté font deux de ses avantages, et d’autre part les DVD musicaux, qui contrairement aux CD ont connu une forte expansion depuis les années 2000, et qui sont un signal fort à l’industrie de l’importance de la vidéo, depuis que les chaînes musicales se sont répandues18 . En août 2004, la joint-venture Sony-BMG Music Entertainment, détenue à parts égales entre le japonais Sony et le groupe allemand Bertelsmann A.G., voit le jour, tendant à concentrer encore plus le secteur musical. 13 Le Minidisc combine à la fois lecture optique et enregistrement électromagnétique. 14 Même si le support était peu onéreux, le coût du lecteur-enregistreur était rédhibitoire. 15 Le DVD audio permet de restituer jusqu’à 6 canaux contre 2 pour le CD, pour une durée de 74 minutes. 16 Le SACD quant à lui restitue jusqu’à 110 minutes de musique. 17 Le codage au format MP3 consiste à expurger le spectre originel du CD en n’encodant que les fréquences audibles pour l’oreille humaine. Cette transformation permet de générer des fichiers musicaux de taille modeste (environ 6 Mégaoctets pour une chanson de 4 minutes, à 192 Kbps) 18 La création de MTV aux Etats-Unis. (Ainsi que son adaptation à différents marchés : adaptation géographique et musicale)
  • 12. -12- 1.1.2 Une structure de marché : l’oligopole Le secteur musical dont les rentes sont accaparées par quatre acteurs19 principaux20 , se partageant les ! des ventes, peut être assimilé à un oligopole à frange concurrentielle21 : Universal Music Group, détenant à elle seule 25,5% du marché mondial, la joint-venture Sony-BMG (21,5%), EMI Group (13,4%) et Warner Music Group (11,3%). Graphe 1 : Répartition du volume pour l’année 2004 (source IFPI) Les majors sont les firmes qui peuvent se prévaloir d’artistes de grande envergure, leur permettant ainsi d’accroître leur part de marché par rapport aux indépendants qui eux, sont confinés à une production plus confidentielle. Les majors, ayant des impératifs financiers prennent moins le temps de parfaire les œuvres qu’elles distribuent : elles appartiennent à de grands groupes. Ces quatre entreprises intègrent des fonctions de producteur et de distributeur (Cf. section 1.1.3), leur donnant ainsi un accès facilité aux réseaux de distribution, mais aussi leur permettant une diffusion aisée sur plusieurs marchés (Nous verrons plus tard que les 19 Source : IFPI 20 Nous ne traiterons pas du cas particulier du Japon, où la part de marché des indépendants atteint 51,6% des ventes totales de supports enregistrés. 21 La frange concurrentielle est formée par les indépendants.
  • 13. -13- indépendants ne sont pas dans cette situation). Universal est la firme dominante sur les marchés américain et européen tandis que Sony-BMG est leader sur les marchés asiatique et océanien. Les indépendants quant à eux, sont situés sur des niches de marché, et prennent en général plus de risques que les majors en se spécialisant sur des styles musicaux sollicités par un public de taille plus modeste. Cependant, ils bénéficient d’une plus grande flexibilité, se manifestant par une proximité accrue des différents acteurs de marché. Ainsi, les indépendants consacrent en général plus de temps à la production des œuvres que les majors. Ils sont aussi plus proches du public et des vendeurs finaux. En effet, ne bénéficiant pas de campagne de publicité à grande échelle, ils doivent, pour écouler leurs productions, créer un lien singulier avec ces acteurs. 1.1.3 La chaîne de valeur de l’industrie Il est généralement admis que dans le secteur musical, les artistes surexposés (vedettes), vendant beaucoup d’albums et qui sont donc profitables, permettent de
  • 14. -14- subventionner les artistes qui ne génèrent pas assez de cash-flow. Ainsi, on chiffre à 10% le nombre d’artistes vedettes. Avant que l’œuvre musicale ne soit disponible à la vente, il faut préalablement que différents acteurs prennent part à sa réalisation. Ci-dessus, la chaîne de valeur simplifiée de l’industrie musicale22 . Les majors sont des sociétés composées de labels. Comme nous l’avons vu précédemment, les regroupements successifs ont réduit de façon drastique les offreurs sur le marché. Les labels qui composent les majors ont comme objectif de rechercher les nouveaux talents (A&R. Artiste et Répertoire), et se focalisent sur un style musical particulier (Blue Notes pour la Jazz, la Motown pour la soul par exemple). Ces entités sont comparables à des centres de recherche-développement, car elles permettent aux majors de renouveler leur offre. Néanmoins, cette activité n’est pas sans risque et nécessite des compétences artistiques et commerciales afin de réduire les risques de méventes encourus par le label. D’autre part, les labels sont chargés de produire les artistes qu’elles jugent comme commercialement profitables. Les artistes retenus (1 sur 1000) sont liés à la firme par un contrat les verrouillant sur une période définie ou sur un nombre d’albums à réaliser. D’autres clauses sont incluses, mais ce mémoire ne s’y intéressera pas (Nombre minimal de ventes à réaliser, …). Étant donné leur faible pouvoir de négociation, les nouveaux talents bénéficient de contrats peu avantageux par rapports aux artistes vedettes. Lors de la phase d’enregistrement, certains artistes perçoivent une avance pécuniaire. Cette phase est financée par le label. Vogel donne une approximation du coût de production : il se situerait aux alentours de 125.000 USD, pour un album dont le potentiel commercial est élevé. Cependant, il existe de fortes disparités, en fonction de la notoriété de l’artiste. La qualité de l’enregistrement dépendra donc de cette variable. Vient ensuite le pressage du disque, qui se fait à partir du master23 . Ici, les majors bénéficient d’économies d’échelle, car certaines d’entre elles disposent de leurs propres usines, et n’ont donc pas à sous-traiter cette activité (ou seulement lorsqu’elles doivent affronter une forte demande), contrairement aux indépendants 22 Les activités de soutient, ou de support apparaissent en jaune. Les activités principales sont en cyan. 23 Le master est le support original sur lequel a été fixé l’œuvre, et qui sert à la duplication en série.
  • 15. -15- qui sont dépendants de presseurs. En sus, les indépendants produisent des volumes plus petits, et bénéficient donc de tarifs moins attractifs que les majors qui sous- traitent cette activité. D’après Labarthe-Piol, les majors bénéficient à ce stade d’un avantage en terme de coûts allant de 1 à 5. Cependant, les coûts variables liés au pressage ne représentent qu’une part minime du coût final (Environ 1 USD). L’activité marketing consiste à aviser les médias (radios, télévisions, journaux, …) afin que l’œuvre y bénéficie d’une visibilité auprès des consommateurs potentiels. Étant donné le nombre d’œuvres produites par l’ensemble du secteur, et donc la concurrence de plus en plus intense pour obtenir de la place dans les médias, cette activité est essentielle. Le pendant à cette activité a été la promotion accrue des artistes mainstream, ou peu novateurs, afin d’attirer le plus de demande possible, en vue d’une rentabilisation plus rapide. En effet, d’après le SNEP24 , la programmation des radios musicales s’est concentrée ces dernières années sur quelques artistes25 , et 2005 a été marquée en France par une baisse de moitié du nombre de nouveaux talents diffusés. D’autre part, ces médias sont de bons pourvoyeurs de demande26 : la radio a influencé 75% des consommateurs américains, les chaînes de télévision musicales 45% et la visibilité dans les rayons de magasin 42%. L’industrie peut donc agir sur trois des quatre premiers facteurs influençant la demande (Le bouche à oreille arrivant second avec 46%). Vient ensuite la distribution : les majors disposent de leurs propres réseaux. Les indépendants doivent négocier la diffusion avec les majors pour bénéficier de leurs réseaux. Il existe cependant des regroupements d’indépendants fonctionnant par syndication. Cette étape consiste à négocier avec les vendeurs pour que le bien musical soit distribué dans leur(s) magasin(s). Il s’agit en fait de segmenter la vente de CD par marché, et les majors ont un avantage : leur présence mondiale. Les vendeurs peuvent d’une part être organisés en centres d’achat (grandes enseignes spécialisées, grande distribution) ou en coopératives (pour les petits vendeurs de type commerçants de quartier), ce qui permettra d’obtenir des rabais. 24 http://www.disqueenfrance.com/actu/ventes/vente2005_3.asp 25 Sur certaines radios, le Top 40 représente plus de 75% de la programmation musicale. 26 An economist’s guide to digital music, Peitz M., Waelbroeck P., Discussion Paper n°32, Décembre 2004, GESY
  • 16. -16- 1.1.4 La distribution des revenus : de fortes disparités Graphe 2 : Répartitions des recettes tirées de la vente de CD (source : Laing) La distribution, la vente ainsi que la production sont les activités les plus rémunérées. En effet, plus de 50 % du CD revient à ces acteurs27 ; les artistes quant à eux perçoivent des royalties, qui dépendent de leur succès. Les royalties reversées sont négociables, mais, une moyenne de 10% semble acceptable. Les revenus sont moindres car on retient sur les royalties les coûts de promotion. Malgré tout, les gains retirés lors des opérations de merchandising sont empochés par les artistes (T- shirts, stickers, concerts, …). Cependant, ce commerce étant en pleine expansion, l’industrie musicale s’y intéresse de plus en plus. Il existe un seuil de rentabilité que seul un artiste sur dix atteint, les neuf autres étant donc des artistes non-profitables. L’industrie essaie donc de retirer un maximum de cash-flow de ses vedettes et a construit son business plan en intégrant ces difficultés : elle utilise des stratagèmes pour rentabiliser les artistes en revendant à plusieurs reprises les mêmes titres (Single, Album, Bande Originale de film, Best Of, Compilation,…). 27 http://www.icce.rug.nl/~soundscapes/DATABASES/MIE/Part1_introduction.html
  • 17. -17- Cette industrie est caractérisée par des coûts fixes élevés, et des coûts marginaux faibles (Voir nuls dans le cas de la dématérialisation des œuvres. En effet, reproduire un fichier informatique a un coût négligeable). Les coûts élevés sont en grande partie liés à la production : la location de studios, le producteur… 1.1.5 Le modèle des cinq forces de M. Porter, appliqué à l’industrie du disque Avant l’entrée sur le marché de site de musique légale, le secteur était caractérisé de la façon suivante : -L’intensité de la concurrence intra-sectorielle était assez forte. En effet, les coûts pour s’installer sont élevés. Il existe d’une part des coûts irrécouvrables importants, notamment liés à la production (nous avons précédemment chiffré à 125.000 USD les coûts liés à l’enregistrement). D’autre part, les concurrents ne sont pas de taille identique : les majors bénéficient d’économies d’échelle, et peuvent grâce à leurs filiales se développer sur différents marchés. La différenciation des
  • 18. -18- produits est surtout établie entre indépendants et majors. Les majors étant plus généralistes, la concurrence entre elles est plus intense, malgré leur volonté d’élargir la gamme de styles musicaux qu’elles proposent. Les switching costs des acheteurs sont importants. Les barrières à l’entrée sont relativement importantes, mais tendent à s’affaiblir depuis la numérisation de l’industrie, tendant donc à accroître cette rivalité. -Etant donné leur faible concentration, les fournisseurs, qui sont ici les artistes et les nouveaux talents ont un faible pouvoir de négociation, s’ils ne font pas partie des 10% de vedettes. Ils peuvent rarement imposer leurs conditions lors de la signature de contrat. Le fait que pléthore d’artistes veuillent sortir un disque accroît d’autant plus leur difficulté à s’imposer. D’autre part, il ne peut y avoir un attachement à la marque (i.e. aux artistes) sauf si ceux-ci sont déjà connus. Enfin, les switching costs liés à un changement de maison de disque sont importants. Les indépendants ont quant à eux une autre variable à prendre en compte, car ils doivent négocier les tarifs liés au pressage et les coûts de distribution: si le volume à presser est important, ils peuvent néanmoins obtenir des réductions. -Les substituts sur le marché étaient les MP3 et CD piratés d’une part, et d’autre part, les autres formes de loisirs. Sauf pour les MP3 et les CD piratés, il s’agit de substituts imparfaits car ils ne répondent pas aux mêmes besoins. (I.e. l’écoute de musique28 ), mais influent fortement sur la demande de CD. De plus, l’offre de loisirs s’est élargie au cours des dix dernières années. Les coûts liés à la substitution sont nuls dans le cas du CD piraté, ce qui est loin d’être le cas pour le MP3, car il faut préalablement disposer d’un ordinateur. -Les nouveaux entrants sont nombreux, et bénéficient parfois d’un appui financier solide, ce qui facilitera d’autant plus leur entrée que les coûts diminuent. Ils peuvent bénéficier d’économies d’échelle, et de coûts de communication faibles. D’autre part l’accès à la technologie est facilité pour nombre d’entre eux. La fidélité 28 La radio est aussi un substitut imparfait, car l’écoute est contrainte à la programmation de la station : l’écoute se fait de manière non sélective.
  • 19. -19- des clients à la marque est nulle : un acheteur de CD se préoccupe rarement de savoir quelle maison de disque a signé l’artiste. Même si les majors ont développé leurs propres canaux de distribution, certaines des compagnies peuvent déployer des façons plus atypiques pour distribuer la musique. D’une part, les sociétés multimédias peuvent avoir l’ambition d’élargir leur offre à de la musique (ce fut notamment le cas des studios Warner qui dans les années 50 ont décidé de ne plus se cantonner qu’au cinéma, mais aussi de produire de la musique). Les sociétés informatiques, bénéficiant d’un fort potentiel d’innovation peuvent aussi constituer des entrants potentiels. Enfin, les groupes de télécommunication, peuvent intégrer à leur portail des liens vers de la musique en ligne. -Les clients et les acheteurs forment un amas disparate. D’une façon générale, la concentration des acheteurs et la normalisation des produits limitent le pouvoir de négociation des industries du disque. Les menaces d’intégration en amont sont réduites. Enfin, il est difficile pour les acheteurs de changer de fournisseur. En effet, chaque major distribue des produits dont elle détient les droits, et qui par essence ne peuvent être proposés par la concurrence. Le pouvoir de négociation est donc limité de chaque côté, mais s’est accru du côté vendeur quand les centrales d’achat de supermarché ont pris de l’importance : ces centrales d’achat de magasins non spécialisés de type hypermarchés, ont au cours des années 90 accru leur pouvoir de négociation. Elles peuvent donc négocier avec les majors sur un pied d’égalité, et s’imposer lorsqu’il s’agit d’indépendants. En effet, plus de 50% des ventes de CD se font dans ce type de magasins. Ainsi, ces centrales peuvent négocier non seulement le type de CD que les majors doivent leur fournir, mais aussi obtenir un prix de gros. Enfin, d’autres types de clauses telles que les retours d’invendus peuvent être négociés. Les chaînes de magasins spécialisés (FNAC, Virgin Mégastores, …) bénéficient aussi de ce fort pouvoir de négociation. Les disquaires indépendants ont quant à eux un faible pouvoir de négociation lié au volume infinitésimal réalisé chez ces commerçants. Ils peuvent d’autre part se voir imposer des ventes groupées d’albums, si la major veut promouvoir un artiste.
  • 20. -20- 1.1.6 Tarification et évolution des prix La tarification des CD est évolutive. Elle suit le degré de nouveauté et la demande attendue de l’artiste29 . Le CD suit donc le cycle de vie du produit en ce sens qu’il sera proposé à des prix différents suivant la demande effective et son obsolescence. Le marché est caractérisé par trois types de prix : le full-price, le mid-price et le budget-price. Lors de sa sortie, le CD est généralement proposé au full-price (i.e. le prix maximum), voir à un prix légèrement inférieur (comme les « prix verts » dans les FNAC), si les ventes attendues sont faibles. Cependant, le prix de sortie se situe dans la fourchette haute. Le mid-price sera quant à lui appliqué lorsque le CD aura atteint un certain stade de vieillissement, ou que les ventes réelles sont faibles. Enfin, le budget-price est appliqué lorsque le CD a achevé son cycle de vie : les œuvres vendues à ce prix ont un potentiel commercial faible. Pour un exemple de grille tarifaire complète de CD hors musique classique, on peut se référer au site de la Competition Comission30 . On peut néanmoins estimer que le mid-price représente 65% du full-price. Le budget-price représentant quant à lui 50% de ce prix. Il faut toutefois noter que la partie la plus significative des ventes réalisées par les majors se situe dans la catégorie des full-prices. En effet, il faut vendre relativement plus de mid-prices ou de budget-prices en volume pour obtenir le même cash-flow qu’en vendant des full-prices. D’autre part, le signal envoyé aux consommateurs lors de la baisse du prix d’un CD est paradoxalement perçu de façon négative : la baisse du prix indique l’obsolescence du bien et le consommateur en est conscient. Les mid et budget-prices ne doivent donc pas être appliqués trop rapidement pour ne pas repousser les consommateurs. 29 Voir Bulletin de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. (Décision 98- D-76) 30 http://www.competition-commission.org.uk/rep_pub/reports/1994/fulltext/356a7.1.pdf
  • 21. -21- De manière globale, le prix des CD varie d’un marché à l’autre (Les taux de TVA expliquant une partie du différentiel). Cependant, d’après Liebowitz31 , le prix des CD a peu varié en monnaie constante au cours des vingt dernières années aux Etats- Unis, mais le poids respectif de chaque catégorie de prix serait impliqué dans les résultats de son étude. L’apparition de vendeurs non spécialisés de type hypermarchés et supermarchés bénéficiant d’un fort pouvoir de négociation a eu comme conséquence une concentration de l’offre sur un nombre restreint de CD. Conséquemment aux moindres surfaces de vente disponibles pour les biens musicaux, ces commerçants tendent à se focaliser sur un nombre limité de références. De surcroît, ces magasins ont réussi à acquérir une position dominante32 . 1.2 Évolutions récentes de plusieurs marchés Le CD a-t-il achevé son cycle de vie ? Rien n’est moins sûr, car la consommation de CD en fonction des pays est hétérogène. Nous verrons qu’il est possible de tracer une tendance généralisable à l’ensemble des pays malgré l’existence de fortes disparités régionales : il existe ainsi des marchés où les CD sont plébiscités. C’est le cas notamment de la Norvège, du Royaume-Uni, de l’Islande et des États-unis, si on se réfère à la vente de musique par tête, et qui fortement corrélée au PIB par habitant disponible pour les activités de loisir. Cependant, les cinq premiers pays acheteurs de CD sont les États-unis, le Japon, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. Nous allons nous intéresser dans les paragraphes suivants à l’évolution sur le marché mondial, puis nous traiterons le cas du marché américain, et enfin, le cas français, car le marché américain a été le premier marché touché, tandis que le marché français a été plus tardivement affecté, mais l’ampleur de la crise fut plus considérable. 31 Liebowitz, Will MP3 annihilate the Record Industry ? The evidence so far, Dallas, University of Texas, Juin 2003. 32 En France, le premier disquaire est la FNAC, suivit par le groupe Carrefour.
  • 22. -22- 1.2.1 Le marché mondial : les principales tendances D’une façon générale, le secteur de la musique a été caractérisé par plusieurs crises depuis un siècle. Cependant, depuis 1999, les ventes de CD ont baissé sur plusieurs marchés. La baisse des ventes se fait aussi bien ressentir sur les grands acteurs que sur les petits indépendants. D’une part, la baisse de vente de singles s’est faite particulièrement ressentir sur plusieurs marchés (France, États-unis). Graphe 3 : Ventes mondiales (source : RIAA)
  • 23. -23- Graphe 4 : Chiffre d’affaire mondial de l’industrie / source RIAA (Ces données ne sont pas déflatées, elles ne donnent qu’une tendance) Le marché mondial, dont les données figurent en annexes a connu un point d’arrêt dans la croissance des ventes de CD en 1999. Il s’avère que les pays de l’OCDE pour lesquels sont disponibles ces chiffres connaissent des situations diamétralement opposées. Cependant, certains pays qui jusqu’à présent avaient échappé à la crise, y sont entrés en 2004. Le Royaume-Uni, qui avait connu une croissance sur 1997-2003 n’a donc pas échappé à cette situation. De 236.8 millions d’unités vendues en 2003, les ventes sont passées à 174.6 en 2004. Il existe cependant des pays pour lesquels le constat est moins clair. Les cinq premiers pays acheteurs, qui représentent 75% de la part de marché mondiale ont été confrontés à une baisse dès 1999, et l’année 2003 a été l’année durant laquelle la dégradation a été la plus perceptible.
  • 24. -24- 1.2.2 Le marché américain : précurseur de la crise. Marché Américain 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Unités 66,7 56 55,9 34,2 17,3 4,5 8,3 3,1 Valeur 272,7 213,2 222,4 142,7 79,4 19,6 35,9 14,9Singles Evolution / n-1 ø -16,04% -0,18% -38,82% -49,42% -73,99% 84,44% -62,65% Unités 753,1 847 938,9 942,5 881,9 803,3 745,9 766,9 Valeur 9915,1 11416 12816,3 13214,5 12909,4 12044,1 11232,9 11446,5Albums Evolution / n-1 ø 12,47% 10,85% 0,38% -6,43% -8,91% -7,15% 2,82% Ventes d'albums et de singles (USA) 0 200 400 600 800 1000 1200 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Albums Singles Graphe 5 : Ventes en volume (source : IFPI) Le marché du disque américain a été le premier à décliner, avec la chute du nombre de singles vendu en 1999, mais il est aussi le premier à avoir vu son chiffre d’affaires croître en 2004, lié à la reprise dans les ventes d’albums. Les DVD musicaux ont aussi cru, et sont désormais le deuxième format vendu sur ce marché. L’autre particularité de ce marché tient au fait qu’il a vu le format single décliner depuis 1997. Cependant, l’industrie a des marges faibles sur ces supports. En effet, ils sont surtout utilisés pour promouvoir les albums et être classé dans les divers hits parades (Billboard Hot 100), permettant ainsi une plus forte visibilité de l’artiste. De plus, le prix des singles a eu tendance à augmenter au fil du temps, afin de favoriser la vente groupée de titres (albums), avec comme but ultime une rentabilisation plus rapide des frais engagés pour produire et promouvoir l’artiste. L’impact financier de cette baisse sur les rentes des majors fut donc limité. La chute
  • 25. -25- des ventes de singles fut vertigineuse aux États-unis : les données de l’IFPI et de la RIAA33 , montrent qu’entre 1999 et 2004, le déclin de ce format fut caractérisé par un recul des ventes de 52,8 millions d’unités, en volume, soit un taux de décroissance de 94,5%34 (de 55.9 millions d’unités à 3.1 millions en 2004). Nous verrons ultérieurement que cette tendance est en déphasage avec le comportement des consommateurs sur les plateformes de téléchargement. En effet, sur ces sites, les clients plébiscitent l’achat au morceau, et achètent rarement un album entier. Les albums ont sur le marché américain accusé une baisse durant la même période, mais de plus faible ampleur. Ainsi, la chute fut limitée à 18.31%. Néanmoins, elle n’a pas été continue sur la période. En effet, 2004 fut une année marquée par la reprise des ventes de CD (+2,82%) en volume et en valeur (+1.90%). La vente de musique a globalement décru, mais le format DVD vidéo semble en plein essor. Le taux de croissance de ce support a été aux États-unis de 56.4% en 2004. Le volume vendu entre 2000 et 2004 a été multiplié par 9. Il semble offrir une nouvelle alternative au CD. 1.2.3 Le marché français : concentration de l’offre et chute des ventes Marché Français 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Unités 44,3 40,9 37,2 38 39,1 40,5 30,9 24,3 Singles Evolution / n-1 ø -7,67% -9,05% 2,15% 2,89% 3,58% -23,70% -21,36% Unités 123,1 123,7 120,6 119,7 132,6 135,9 120,8 106,4 Albums Evolution / n-1 ø 0,49% -2,51% -0,75% 10,78% 2,49% -11,11% -11,92% Note: les ventes d'albums incluent les CD, vinyles, et cassettes audio sur toute la période, les ventes de Minidiscs sont incluses en 1999 et 2000. Source : Calculs réalisés d’après données du SNEP 33 RIAA: Recording Industry Association of America (Yearend statistics) 34 The Recording Industry in Numbers, IFPI.
  • 26. -26- Ventes d'albums et de singles (France) 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Albums Singles Graphe 6 : Ventes en volume (source : SNEP) En France, entre 2003 et 2005, la population non acheteuse de disques est passée de 11 à 24 %, avec un tassement du nombre d’albums et de singles vendus35 . Seuls les DVD musicaux ont connu une progression sur la période. En France, le format single a lui aussi enregistré de fortes baisses, notamment en 2003 et 2004. De surcroît, les ventes d’albums ont décru de façon plus intensive qu’aux États-unis. L’industrie se retrouve donc en 2004 dans une situation de récession. Le chiffre d’affaire 2004 est au même niveau que celui de 1993. (Respectivement 953 et 945 Millions d’Euros) 35 Source: SNEP
  • 27. -27- 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 Albums commercialisés Singles commercialisés Graphe 7 : Références commercialisées en France (source : SNEP) Le nombre de nouvelles références d’albums commercialisées en France en 2004 est au même niveau que celui de 1999 (2065 contre 2063 références), et le nombre de références de singles a été divisée par deux entre 1997 et 2004. La tendance qui se dessine aux Etats-Unis semble aussi être présente en France : les vidéos musicales connaissent une croissance en volume de 17.1% entre 2003 et 2004 (une baisse en valeur du chiffre d’affaires de 2%), et il en fut de même entre 2002 et 2003 avec un accroissement de 88%. Un constat peut donc être tiré : le format CD single est mort et le format album est en phase de décroissance. Ceci pose un problème majeur aux majors ; ces dernières rentabilisent les œuvres grâce à la vente d’album. Les inquiétudes dont cette industrie fait part sont donc motivées. Cependant, le manque à gagner chiffré par l’industrie doit être manipulé précautionneusement, car les majors indiquent des
  • 28. -28- pertes brutes liées au piratage. Elles incluent donc dans le manque à gagner des ventes qui ne se seraient jamais produites si le piratage avait été nul. Plusieurs questions se posent : La crise que subit l’industrie est elle ponctuelle ? Quelles sont les raisons de cette baisse ? Le modèle de vente est-il à remettre en question ? Le CD est-il arrivé en fin de cycle de vie ?
  • 29. -29- II LES CAUSES DE LA CRISE Les origines de la crise sont multiples et les téléchargements illégaux, même s’ils contribuent à cette tendance, ne peuvent à eux seuls l’expliquer. Nous verrons dans une première partie les effets négatifs et positifs du P2P sur l’industrie, tandis que dans une seconde partie nous nous intéresserons aux autres facteurs ayant un impact sur les ventes de CD. 2.1 Internet et P2P, le lien avec la crise 2.1.1 Montée de l’Internet et des applications P2P Le nombre de foyers ayant accès à l’Internet haut débit est en constante croissance, ce qui facilite la distribution et le partage de fichiers plus volumineux qu’avec des connexions RTC standard. Comme le montre ce schéma, entre 1999 et 2004, le nombre de foyers raccordés à l’Internet haut débit a été multiplié par 2836 . (De 4,1 à 116,8 millions de foyers connectés dans les pays de l’OCDE). Dans le même temps, on a assisté à une diffusion très rapide de logiciels permettant l’échange de fichiers : le premier du 36 OECD Key ICT indicators
  • 30. -30- genre étant Napster37 en 1999, qui permettait uniquement l’échange de fichiers MP3. Depuis cette date, de nombreux protocoles et applications ont fait leur apparition, permettant des échanges plus efficaces. Les réseaux d’échanges basés sur les réseaux eDonkey2000 (eMule) , FastTrack38 (KaZaA) Gnutella (LimeWire) ou BitTorrent (application du même nom) accueillent entre 4,5 et 6 millions d’utilisateurs instantanés, et ont par le passé connu un pic à 10 millions d’utilisateurs. Chaque protocole apporte des innovations et n’est pas destiné aux mêmes usages : les réseaux Gnutella et FastTrack sont conçus pour l’échange de petits fichiers comme la musique numérisée, tandis que eDonkey2000 est spécialisé dans l’échange de fichiers plus importants, tout comme BitTorrent. Ce dernier est par ailleurs le plus efficace, car il repose sur une mutualisation du fichier : plus le fichier est « récent », plus il est demandé, et plus il sera facile de le télécharger. En effet, cette application permet d’égaliser les flux de données ascendantes et descendantes, évitant ainsi les « problèmes » liés aux passagers clandestins39 (free riders). D’après Cachelogic40 , le trafic engendré par les échanges de fichiers audio et vidéo serait de l’ordre de 60% des échanges de données. À titre de comparaison, les pages Web et les courriels représentent respectivement 30 et 5 % du trafic Internet. 37 Depuis, le logiciel a été relancé sous une forme payante. 38 Fast Track est un logiciel propriétaire. Des licences d’exploitation sont donc acquises par des sociétés voulant exploiter cette technologie. D’autre part, des spyware, et des applications non désirés peuvent être installés à l’insu de l’utilisateur. 39 Dans le cas des réseaux P2P, il s’agit d’un individu ne laissant pas ses fichiers « en partage », mais qui profite des réseaux pour télécharger de la musique de façon égoïste. Les passagers clandestins représentent 70% des utilisateurs. 40 http://www.cachelogic.com
  • 31. -31- Graphe 9 : Source : How Much Information 2003, Université de Berckley La proportion des fichiers disponibles évolue : les fichiers audio qui représentaient la quasi-totalité des fichiers disponibles et téléchargés lors du lancement de Napster représentent environ 11% des fichiers échangés, la vidéo étant responsable de 61% des échanges41 . Cependant, il faut prendre en compte le fait que les échanges en volume ont augmenté, et surtout que les fichiers vidéo sont plus volumineux que les fichiers musicaux. En 2003, les utilisateurs de réseaux FastTrack « pesaient » 5000 térabits, pour 600 millions de fichiers et 3 millions d’utilisateurs. D’autre part, l’Université de Berckley a mené une étude qui démontre que 10% des utilisateurs représentent 60 % du poids des fichiers et 32% du nombre total de fichiers. Les utilisateurs de ces réseaux n’ont donc pas un comportement homogène, ce qui explique les difficultés pour quantifier les effets du P2P. Cependant, ces réseaux ont accusé une baisse de fréquentation dans le courant de l’année 2004, s’expliquant par les milliers de procédures judiciaires ayant eu lieu aux Etats-Unis, ainsi que la mise en place de solutions payantes de téléchargement : la fréquentation de ces réseaux a ainsi baissé de 23,53% entre 41 Le reste est composé des échanges d’applications, d’images, de fichiers textes, et de fichiers zippés.
  • 32. -32- 2003 et 2004. Cette baisse s’est par ailleurs poursuivie, et la réduction du nombre total d’utilisateurs américains a été estimée à 50%. Cette forte réduction s’est accompagnée d’un accroissement des ventes de CD. Cependant, tous les pays n’évoluent pas dans la même direction. Ainsi, les Etats-Unis, qui représentent 55% des utilisateurs mondiaux sont relégués à la deuxième position si on se tient au pourcentage de la population totale utilisant les réseaux P2P42 . Pays % d'utilisateurs P2P dans la population mondiale d'internautes % d'utilisateurs P2P dans la population totale du pays États-Unis 55,4% 0,9% Allemagne 10,2% 0,6% Canada 8,0% 1,2% France 7,8% 0,6% Royaume-Uni 5,4% 0,4% La quantité de fichiers échangés n’est donc pas négligeable : en 2003, ces échanges ont été estimés à 150 milliards, alors qu’ils ne représentaient que 3 milliards en 1999. Le nombre moyen de titres téléchargés mensuellement par foyer s’établit en France à 34 fichiers en 2005 contre 15 en 200443 . De nouvelles tendances voient le jour aux Etats-Unis. Ainsi, selon le rapport Pew44 , pour éviter de se faire épingler, les échanges de fichiers se font de plus en plus par courriel ou messageries instantanées. D’autre part, les baladeurs numériques semblent aussi devenir un vecteur d’échange. Le pourcentage de personnes utilisant les courriels pour échanger de la musique s’établit à 20% des utilisateurs d’Internet et l’échange par baladeurs numériques atteint un score de 15% (Dans cette étude le P2P est utilisé par 16% des utilisateurs). En effet, les services de messagerie instantanés sont en plein essor45 , et des perspectives futures d’interopérabilité entre ces services sont en cours d’élaboration notamment entre Yahoo! et Microsoft. Cette technologie est actuellement bridée par le nombre 42 Source : OCDE 43 Le Monde, « Le téléchargement illégal explose en 2005 », 18 janvier 2006 44 Pew Internet & American Life Project, Mars 2005 45 MSN Messenger et Yahoo ! Messenger: 33 millions d’utilisateurs aux USA tandis que AIM pèse 23 millions d’utilisateurs.
  • 33. -33- d’utilisateurs présents dans chaque liste de contact mais aussi le manque de compatibilité entre ces applications, tendant à augmenter les coûts de recherche et limitant de facto les échanges. 2.1.2 Les effets du P2P La non-rivalité des fichiers numériques distribués sur l’Internet induit un non- respect de la propriété intellectuelle, et donc une non-rémunération des acteurs. En effet, le coût nul de la distribution sur les réseaux informatiques fait qu’aucun consommateur ne sera exclu. C’est un des enjeux de la diffusion du bien musical sur l’Internet : trouver des solutions techniques qui rendent le bien rival (voir section 3.1.1 et l’utilisation de DRM) ou permettant d’accroître les externalités négatives liées à l’utilisation de tels réseaux en créant une désutilité, notamment en augmentant les coûts de recherche. En effet, l’industrie du disque utilise la rivalité pour exclure de la consommation, c’est-à-dire de l’écoute. Traditionnellement, la musique est rattachée à un support physique qui permet d’exclure les consommateurs. Sans cette rivalité, le bien devient un bien public46 , et d’après Zhang47 , la musique disponible sur l’Internet remplit les deux conditions du bien public : quand la musique est laissée en partage, on ne peut exclure un consommateur, et d’autre part, la consommation d’un individu (le rapatriement du fichier sur son disque dur) ne réduit pas l’utilité et la consommation des autres utilisateurs. Il y aura donc des répercutions au niveau du producteur, car les consommateurs n’adressent pas leur véritable demande aux acteurs du marché musical, ce qui tend à réduire la diversité des œuvres produites. D’autre part, se posera un problème lié à la rentabilisation des œuvres : les majors vont et ont déjà relevé le seuil de rentabilité pour produire une œuvre. A priori, les fichiers numériques semblent être des substituts plus proches des singles que des albums, cependant, l’évidence ne se confirme pas dans la réalité, car la substitution n’est pas parfaite. En effet, le coût nul du fichier numérique associé 46 Un bien public pur est caractérisé par une non-rivalité et une non-exclusion. 47 Zhang, A review of Economic Properties of Music Distribution, Novembre 2002.
  • 34. -34- aux coûts marginaux faibles de duplication (gravure48 ) provoquerait une baisse des ventes beaucoup plus importante que celle constatée les années passées si la substitution était parfaite: l’industrie affronte une crise, mais n’est pas anéantie. Les effets du P2P sur l’industrie sont difficilement quantifiables, et il s’avère nécessaire de désagréger en groupes, les différents types d’utilisateurs ayant un comportement homogène. Cependant, des études globales menées par les économistes concluent que le P2P a un impact négatif, directement mesurable sur les ventes de CD, mais il n’existe pas un consensus d’auteurs. Les travaux économétriques de Liebowitz montrent qu’il existe certes une corrélation entre le téléchargement de fichiers sur les réseaux P2P, mais que d’autres facteurs sont impliqués. Ainsi, la diffusion de lecteurs portables, le prix des CD et le PIB par habitant sont aux Etats-Unis corrélés avec la chute des ventes de disques : toutefois, ces variables n’expliquent qu’une faible partie de la crise49 . Le piratage musical serait cependant impliqué dans une proportion plus ou moins variable de cette décroissance. Il faudrait 5 à 6 téléchargements pour que la vente d’une unité n’ait pas lieu. Certaines études évaluent l’effet du téléchargement comme marginal sur l’industrie du disque. D’une part, l’accès à l’Internet favoriserait l’achat de CD chez les sujets de plus de 25 ans, tandis que l’inverse serait constaté chez les plus jeunes. D’autre part, le P2P permettrait d’évaluer la qualité du bien avant de l’acheter. En effet, la musique en plus d’être un bien d’information est un bien d’expérience : avant de l’avoir écouté, le consommateur ne peut pas savoir si celui-ci valait la peine d’être acheté, et pour l’écouter, le consommateur doit avoir connaissance de son existence. Malgré tout, Peitz et Waelbroeck ont estimé que les téléchargements illégaux avaient provoqué une baisse de 12% des ventes de CD aux Etats-Unis, alors que cet effet aurait touché les ventes mondiales à hauteur de 7% (le plus fort taux de pénétration des accès haut débit aux Etats-Unis est une des raisons de ces résultats). La légende qui veut que les petits artistes bénéficient d’une promotion gratuite grâce 48 Les personnes qui téléchargent sur l’Internet ont un comportement les poussant à graver les fichiers sur CD sous forme audio, et non sous la forme d’un CD de données, ce qui leur permet de multiplier le nombre de lecteurs compatibles. 49 Le coefficient de corrélation du test économétrique de Liebowitz est de 0,345.
  • 35. -35- au réseau P2P tombe aussi à l’eau : en effet, les fichiers disponibles sur ces réseaux sont relativement connus, et font partie des meilleures ventes. Ceci s’explique notamment par le fait que les productions confidentielles ont une probabilité moins importante de se faire encoder pour être par la suite distribuées sur l’Internet. Pour soutenir cette thèse, on peut juste signaler que 99% des échanges se font sur des biens numériques copyrightés. D’autre part, les travaux économétriques menés par l’OCDE renversent l’effet de causalité précédemment expliqué. En effet, il s’agit plutôt de l’inverse qui se produit : les gens choisissent de prendre un accès haut débit pour profiter des réseaux P2P et non de fréquenter de tels sites s’ils bénéficient déjà d’un tel accès, ce qui renvoie implicitement la responsabilité sur les fournisseurs d’accès à l’Internet, qui ont promotionné leurs offres haut débit sur des spécificités techniques. Pour se rendre compte de la corrélation existante entre pénétration de l’Internet et amoindrissement des ventes, on peut tracer les deux graphes suivants50 : le premier pour le marché américain, et le second pour le marché français. 50 Graphiques effectués à partir de données provenant de la RIAA (taux de croissance des ventes d’albums aux Etats-Unis) , du SNEP (taux de croissance des ventes d’albums des ventes d’albums en France) et de l’OCDE. (C.f. Annexe 2)
  • 36. -36- La relation en France est nette, tandis que pour les États-unis, 2003, mais surtout 2004, sont des années de changement dans la tendance. Il est aussi nécessaire d’éclairer un point, celui de la diffusion de logiciel P2P, du piratage plus intensif aux États-unis qu’en Europe : ces logiciels ont été adoptés plus tôt outre- atlantique, car les opérateurs téléphoniques ont proposé des forfaits bas débit illimités. En Europe, les connexions illimitées n’ont fait leur apparition qu’au début des années 2000, lors de la diffusion des accès ADSL. D’autre part, les procès peuvent expliquer ces baisses. Aux États-unis, les majors ont directement attaqué les individus qui étaient auteurs de téléchargements illégaux. Si on se tient au fait que les téléchargements font baisser les ventes, ceci expliquerait pourquoi le marché américain a été le premier à décliner (en 2001 pour les albums). Certains auteurs51 ont tenté de désagréger les individus en plusieurs groupes, leur permettant ainsi de promulguer des conclusions et des orientations à suivre pour les majors. Il faut donc que l’industrie incite les individus à acheter, non seulement en tenant compte de leur disposition à payer, mais aussi en s’efforçant de créer de la valeur, notamment en modifiant la chaîne de valeur de l’industrie musicale. Moteni et Ordanini ont donc distingué cinq groupes d’utilisateurs, dont deux 51 Molteni, Ordanini, Consumption Patterns, Digital Technology and Music Downloading, 2003
  • 37. -37- seulement peuvent être orientés vers l’achat légal. Le premier groupe (30%) est constitué d’individus qui achètent toujours de façon traditionnelle la musique, donc sous forme matérielle et l’utilisation de réseaux P2P n’a pas d’impact majeur sur leur consommation. Le deuxième groupe (11%) est constitué d’individus s’adonnant au téléchargement sans but particulier, hormis une certaine jouissance liée à la distraction : la conclusion est défavorable à l’industrie, en ce sens, où il sera relativement difficile d’orienter ces individus vers les plates-formes légales. Un autre groupe (14%) posant problème, est lui composé d’individus qui substituent la musique gratuite à celle trouvée sur l’Internet. Ce groupe a donc nécessairement contribué à la baisse des ventes de CD, et il faut que les maisons de disques utilisent des stratégies crédibles, notamment en jouant sur les prix pour que ces utilisateurs soient incités à effectuer des achats légaux. Les poursuites légales devant les tribunaux sont aussi envisageables. Cependant le tableau n’est pas entièrement noir. En effet, il existe deux autres groupes pour lesquels l’industrie peut espérer un changement de comportement. Le premier (24%) représente un quart des individus, et est composé de pionniers : ces individus accordent une place importante aux nouvelles technologies, à la découverte, mais aussi aux contenus liés à l’achat de musique (Biographies, information sur l’artiste,…). La diversité des œuvres disponibles est aussi à prendre en compte, car le P2P offre un large choix de références, qui ne sont pas disponibles dans les magasins traditionnels, ce qui entraîne un phénomène d’acculturation à de nouveaux styles musicaux. Ces utilisateurs sont donc prêts à se détourner du téléchargement illégal à condition que l’industrie revoit sa façon de distribuer et de promouvoir la musique. Enfin, le dernier groupe (21%) est composé d’individus ayant une disposition à payer de la musique légalement très faible, car elle n’est pas perçue comme un élément assez important. D’autre part, les goûts musicaux de ce groupe sont assez étroits. Un abonnement pour ces utilisateurs est la meilleure façon de les inciter à acheter de la musique légale. Le constat entre P2P et ventes est donc délicat. D’une part, il produit une chute des ventes, cependant, il aura eu aussi comme point positif, l’adoption plus rapide d’une nouvelle technologie, en accélérant notamment le cycle de vie du CD
  • 38. -38- (voir point suivant). L’industrie utilise aussi ces réseaux pour anticiper les nouveaux styles musicaux. Enfin, la substitution entre MP3 et CD n’est pas perçue comme telle par les consommateurs. En effet, il existe des différences entre ces deux formes de consommation. D’une part, la qualité (différenciation verticale) est différente, et d’autre part, la valeur perçue n’est pas la même: les éditions « collectors », livrets, imports, éditions limitées, font que le contenu a de l’importance, mais aussi que le contenant prend une place de plus en plus importante. Même s’il existe des sites Web permettant de trouver les livrets, l’impression sur la face du CD, sa fabrication, et le temps de recherche sont autant de variables incitant le consommateur à acheter légalement. Il y a donc une valeur et une qualité perçue par le consommateur qui seront supérieures dans le cas des CD originaux. D’autre part, pour pouvoir pirater efficacement, il faut que tous les contenus soient disponibles facilement. Dans ce cas, il faut préalablement qu’il y ait un acheteur ayant encodé l’œuvre pour la première fois, et l’ayant mis à disposition, ce qui ne se révèle pas rationnel. En effet, aucun individu n’a intérêt à être le premier à acheter. D’autre part, les logiciels, aussi évolués soient-ils, ne permettent pas des recherches simplifiées. Il existe donc des difficultés liées à l’incertitude d’utilisation de réseaux, mais aussi au temps de recherche P2P incitant l’utilisateur à acheter le bien. 2.2 Les autres facteurs 2.2.1 Cycle de vie du CD Les réseaux P2P n’ont fait qu’accélérer l’obsolescence du CD en modernisant la façon de distribuer la musique et de la consommer. La théorie du cycle de vie du produit est composée de quatre étapes : l’introduction, la croissance, la maturité et le déclin. Lorsque le CD a été introduit sur le marché pour remplacer le vinyle ce dernier était en déclin. En effet, les années précédant l’introduction du CD furent marquées par une décroissance des ventes de ce support. L’introduction des SACD et autres formats n’a pas été concluante. Une question se pose donc : la musique numérique
  • 39. -39- va-t-elle prendre le relais du CD ? Et surtout, l’industrie musicale va-t-elle réussir à redynamiser le marché en s’investissant dans un nouveau format ? Durant les premières années d’existence du CD, la croissance du support fut portée d’une part par l’adoption d’un standard commun par l’industrie, et d’autre part par des achats d’œuvres que les foyers possédaient déjà sur un autre support. On constate pendant la période de maturité des coûts faibles et des profits importants liés aux économies d’échelle. Cependant, la diminution des ventes couplée à la diminution des profits et des prix tend à démontrer que le CD est entré récemment dans la phase de déclin. D’autre part, les nouveaux moyens pour obtenir de la musique ne font qu’accentuer ce déclin. Nous verrons ultérieurement que malgré un début difficile, les plateformes légales de téléchargement semblent trouver un public. L’industrie du disque a donc tenté de maintenir les ventes et les profits de ces supports physiques en poursuivant les personnes téléchargeant de la musique et en privilégiant les retours sur investissements rapides. En effet, la demande sur le marché du CD est saturée, et une augmentation des profits ne peut être effective que si les coûts en amont diminuent. Ceci statue donc une prise de risque minimale pour les maisons de disque52 . Le financement d’artistes de renommée est délicat, car ceux-ci malgré leur prestige sont plus fréquemment exposés à un échec potentiel. D’autre part, les majors se sont introduites tardivement dans la musique en ligne alors même qu’en 1999 les échanges de fichiers commençaient sur l’Internet. Les plateformes de musique légales sont donc en train de prendre le relais des supports CD. En effet, ces vendeurs connaissent une croissance des ventes qui laisse deviner une étape d’introduction. En effet, les coûts de ces plateformes sont toujours élevés, et les prix pratiqués sont relativement faibles par rapports aux coûts réels. (Ce qui est en désaccord avec la théorie du cycle de vie. Cependant, pour attirer des 52 On pourra notamment citer comme exemple à cet essoufflement, les ventes liées aux émissions de télé-réalité, qui ont soutenu le marché du disque.
  • 40. -40- consommateurs ces plateformes doivent pratiquer un prix relativement bas, car les réseaux P2P permettent un téléchargement gratuit) 2.2.2 Radio et répertoire Comme nous l’avons vu, la radio permet la promotion53 , mais depuis une dizaine d’années, on a constaté des changements dans les logiques des diffuseurs, notamment une convergence des radios musicales sur un nombre restreint de titres en vue de satisfaire le public le plus large. Or, les radios sont en nombre limité. (Les webradios accueillent à ce jour un public marginal). Cette focalisation a donc entraîné non seulement une augmentation des rotations, mais aussi un tassement du nombre de nouveautés54 , car les titres restent plus longtemps dans la programmation de la station. Ce resserrement de la programmation s’est surtout fait ressentir sur les radios musicales à destination des jeunes. D’après le SNEP, la rotation moyenne d’un titre du Top 20 est de 8 passages par jour, et atteint 15 passages pour certaines radios. (La rotation de titres francophones est plus intense, car des quotas de chansons francophones ont été instaurés) Le tableau ci-dessous définit les nouvelles tendances. Le top 40, qui occupait 60,4% des diffusions en 2003 contre 62 en 2005, tend de plus en plus à devenir un Top 20. Radio Top 40 Top 20 Top 40 (2003) Europe 2 51% 30% Na Fun Radio 74% 48% 66% Le Mouv' 46% 29% 44% NRJ 73% 46% 65% Skyrock 73% 54% 66% (Pourcentages pondérés par le nombre de diffusions) 53 Les consommateurs qui achètent un disque en connaissant en partie le contenu forment plus de 90% de la demande adressée aux maisons de disques. 54 Les données de cette sous partie proviennent du SNEP, et plus particulièrement du « Livre Blanc, 7 Propositions pour a diversité musicale en radio», décembre 2005.
  • 41. -41- La part des nouveautés diminue elle aussi, et de manière très importante : de 56% à 50% en moyenne pour les radios jeunes et adultes, or cette catégorie de la population est celle qui achète le plus de musique. Vogel explique par ailleurs que le renouvellement des titres dans la programmation des radios aux Etats-Unis est de l’ordre de 10%, ce qui semble être le cas en France, car le nombre de nouvelles entrées en programmation est de l’ordre de 2500 titres. Un titre restera donc en moyenne plus de 2 mois dans la programmation de la station. Étant donné le nombre de radios existantes, le pourcentage de recouvrement55 des programmations est en augmentation. L’offre des radios est donc convergente. Comme nous l’avons précédemment signalé, la valeur du bien musical ne sera évaluée qu’a posteriori, or, cette tendance contribue elle aussi à la diminution des ventes de CD, en réduisant l’information adressée aux consommateurs potentiels. 2.2.3 Le piratage industriel et domestique Le piratage « professionnel » ou « commercial » est enfin, une des dernières raisons invocables, et crédibles à une baisse des ventes de CD. Ce type de piratage nécessite des investissements substantiels, car il s’agit là de reproduire en masse les enregistrements légaux. Cependant, depuis l’abaissement des coûts des graveurs, les fabriques de CD-R piratés ont proliféré. La copie sera proche de l’original, car elle reprend les caractéristiques du CD manufacturé: le CD, mais aussi le boîtier, le livret, etc.… Cependant, le piratage n’a pas vraiment évolué (en volume) depuis 2001, car les maisons de disques démantèlent les fabriques clandestines. De 640 millions d’unités produites clandestinement en 2000, la production s’est établie à 950 millions d’unités en 2001. Les dernières statistiques disponibles montrent une légère 55 Nombre de titres présents dans plusieurs programmations musicales.
  • 42. -42- augmentation sur la dernière année, pour s’établir en 2004 à 1155 millions d’unités, pour un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’USD. Ce phénomène affecte cependant des marchés spécifiques ayant un accès plus restreint aux nouvelles technologies, comme les pays d’Europe de l’Est, d’Amérique Latine et d’Asie. Cependant, le manque à gagner sur ces marchés est important et atteint plus de 50% des ventes. Si on rapporte le nombre de CD piratés aux ventes mondiales, on obtient un taux de piratage de 30%. Or, ce piratage est encore plus « dangereux » que le piratage Internet, car ici, les consommateurs achètent (même si le prix est modique) le bien contrefait, en moyenne 50% moins cher que l’original. Or sur l’Internet, nous avons vu que le bien avait un coût nul et que le contenant avait aussi son importance. La substitution s’opérant entre les CD contrefaits et les enregistrements légaux apparaît comme plus intense. Plus que d’abaisser les ventes des maisons de disques, ces copies commerciales anéantissent l’offre d’enregistrements légaux locaux, et plus généralement d’offres légales à long terme, car les risques économiques pour les maisons de disques sont accrus. Conjointement, les copies illicites de CD effectuées par les ménages s’avèrent faire baisser le nombre de CD vendus. Cependant, l’ordre de grandeur n’est pas le même, car la cassette audio enregistrable avait aussi dès son introduction été accusée de faire baisser les ventes. D’autre part, il faut que le réseau de relation soit en accord avec les goûts de la personne (il existe donc des coûts de recherche importants). Malgré tout, le marché du CD-R est lui aussi en plein essor, et l’on estime que 50% de ces supports sont utilisés pour reproduire des contenus protégés. Le constat est donc clair, les maisons de disque disposent de nouveaux formats pour distribuer leurs artistes, mais semblent enclines à soutenir le CD, or certains marchés, comme le cinéma, ont profité de ce manque de dynamisme. En effet, il s’est opéré une substitution de la musique aux autres formes de loisir. La consommation des ménages a au cours des dernières années fortement évolué dans le domaine des loisirs. Les jeux vidéo, les logiciels prennent une part plus importante des dépenses des ménages consacrées aux loisirs. La consommation de films sous formats DVD suit elle aussi le même sentier de progression. Cependant, le piratage
  • 43. -43- informatique est un des facteurs qui tendent à faire décroître les ventes d’albums, mais comme, nous l’avons vu, d’autres variables sont aussi à considérer. La fin du format single quant à elle tient surtout au fait que la portabilité a entraîné une perte d’utilité de ce format, et son coût élevé dû notamment à des économies d’échelle nulles ont entraîné un coût élevé à l’achat et donc une désaffection du public. Concernant les réseaux P2P, nous verrons quelles sont les solutions qui ont été mises en place, notamment les plateformes légales de téléchargement. L’essor des lecteurs portables a aussi permis une augmentation du piratage. Lors de l’introduction du premier iPod par Apple en 2001, il n’existait aucune plateforme légale de téléchargement. Les utilisateurs étaient donc obligés d’encoder eux-mêmes leurs CD, ou de télécharger illégalement les titres sur l’Internet. En 2003, les lecteurs MP3 représentaient 13,3% des ventes de dispositifs portables en Europe. Quelles solutions ont été mises en place pour que les utilisateurs se tournent vers une consommation légale de musique ? Comment l’industrie du disque a-t-elle cherché à créer de la valeur ?
  • 44. -44- DÉMATÉRIALISATION ET CHAINE DE VALEUR DE L’INDUSTRIE Face à la montée des téléchargements illégaux, l’industrie ne pouvait pas rester passive : elle s’est donc adaptée à cette nouvelle forme de distribution de contenu. La principale évolution est l’utilisation de fichiers musicaux avec DRM56 et la mise en place de plateformes légales de téléchargement. Il faut signaler que, non seulement les œuvres fournies proviennent toujours des majors, mais aussi que la mise en place des plateformes a concentré les distributeurs57 . Cette innovation s’est aussi caractérisée par la disparition de certains acteurs de la chaîne musicale, et l’entrée d’entreprises issues du monde de l’informatique (Apple, Microsoft, Packard Bell), de fournisseurs d’accès à l’Internet et plus généralement d’opérateurs téléphoniques (Wanadoo, NC Numericable, SFR…), mais aussi du monde des médias (MTV, M6, NRJ…). Cette nouvelle forme de distribution du bien musical s’est accompagnée d’une baisse des coûts de distribution, car celle-ci se fait à coût marginal faible, mais aussi d’un abaissement des barrières à l’entrée. D’autre part, de nouvelles méthodes de marketing visant à informer le client sur le bien sont aussi apparues, car le choix plus large des plateformes de téléchargement peut entraîner des coûts de recherche importants. Nous verrons tout d’abord les modifications de cette chaîne de valeur, et surtout les enjeux pour l’industrie, mais aussi les perspectives d’évolution et de pérennisation de cette forme de distribution. 3.1 Vers une dématérialisation des œuvres : une nouvelle forme de distribution 3.1.1 La chaîne de valeur de la musique dématérialisée Afin de comprendre les enjeux de ce nouveau marché, il est préalablement nécessaire de décomposer la chaîne de valeur, comme nous l’avons fait pour la méthode de vente traditionnelle. Les acteurs entrant dans le processus sont ici plus 56 DRM (Digital Rights Management) : Gestion des droits numériques. 57 À ce jour, on compte 6 principaux fournisseurs en ligne : iTunes Music Sore, OD2-Loudeye, VirginMega, FNACMusic, E-Compil, Sony Connect. Certains indépendants se sont regroupés pour créer des plateformes, mais leur catalogue reste restreint à quelques milliers de titres disponibles.
  • 45. -45- nombreux, et les majors doivent faire face à des acteurs dont le pouvoir de négociation est accru. Les nouveaux acteurs sont ici présents car les majors ne disposent pas de tout le savoir faire technique nécessaire à la vente et à la promotion en ligne. La recherche de nouveaux talents par les labels, et la phase d’enregistrement restent inchangées, même si les NTIC apportent sans conteste un abaissement des coûts, et donc des barrières à l’entrée. La musique, sous la forme numérique, vendue sur les plateformes reste la même que celle vendue par le système traditionnel. Les artistes seront cependant touchés par les ventes si l’achat au morceau se diffuse (I.e. une diminution des ventes d’albums « complets » impliquera une moindre rémunération des artistes, car ceux-ci perçoivent un pourcentage sur les ventes effectuées). Cependant, les rémunérations obtenues grâce aux exécutions publiques pour les stars (reversements liés aux passages radios, clips, …) et aux concerts représentent une part importante des revenus des artistes. En effet, il ne faut pas oublier que, des royalties perçues sur les ventes sont défalqués les frais liés au marketing, ce qui peut représenter des coûts importants. Les artistes se trouvent dans le cas de la musique dématérialisée tributaire de la publicité finançant les médias, ce qui n’est pas le cas des producteurs, car ils ne bénéficient pas du même système de rémunération. La numérisation des œuvres requiert l’accord de l’artiste,
  • 46. -46- si aucune clause permettant une commercialisation sous n’importe quel support n’a initialement été prévue dans le contrat. Un des changements importants est lié à la promotion. Cette étape est prépondérante pour informer le consommateur de l’existence du bien. Il est ici nécessaire d’introduire les notions de push et de pull. Le push est caractéristique de l’industrie musicale traditionnelle : le client reçoit l’information sur les biens, par le biais des médias et des majors (Les coûts de marketing sont alors très élevés). L’Internet est plus adapté à une méthode de pull, car les consommateurs vont chercher l’information sur les biens, notamment sur les plateformes de téléchargement58 . La promotion se fait alors à coût faible, mais la richesse informationnelle obtenue peut non seulement être détachée des majors (sites personnels, forums de discussion, etc.…) mais aussi engendrer des coûts de recherche élevés. C’est ainsi, que des sociétés chargées d’adresser des informations pertinentes et en adéquation avec la demande des utilisateurs ont pris une place importante dans ce schéma59 . Ce processus, appellé matching et réalisé par des infomédiaires abaisse donc les coûts de recherche en fournissant une information ciblée, par une détermination du profil de l’utilisateur. Les biens proposés seront donc faiblement différenciés horizontalement. Les infomédiaires peuvent donc avoir comme objectif de promouvoir aussi bien des stars que des artistes plus confidentiels, de telle sorte que les sites de téléchargement légaux fassent la promotion de petits artistes qui n’auraient pas été téléchargés sur les réseaux P2P. En effet, sur les réseaux P2P, ce sont les artistes stars qui sont téléchargés massivement. L’encodage est une étape cruciale, et consiste à numériser l’œuvre dans un format protégé par une licence d’utilisation. Sans cette dernière, la lecture est impossible. Ainsi, chaque album est encodé et désagrégé en autant de fichiers que de pistes que comporte l’album, permettant ainsi une vente au morceau, ou une 58 Les consommateurs peuvent notamment obtenir des avis d’utilisateurs, des conseils tel que « les utilisateurs ont aussi acheté », les meilleures ventes de l’artiste, ou envoyer le liens à des amis et recevoir des conseils personnalisé en fonction du chemin effectuer sur le site. 59 Leur rémunération provient de la plateforme de vente
  • 47. -47- vente en lot, c'est-à-dire de l’album en entier. À cette étape, les données relatives aux morceaux y sont incluses. Les métadonnées comportent un descriptif précis de l’œuvre encodée, pour permettre au consommateur de classer ou de hiérarchiser sa discothèque de fichiers numériques. Le coût associé à la numérisation est de l’ordre de 20 à 80 centimes par piste, ce qui constitue un coût fixe faible. Le système de protection employé est généralement basé sur des fichiers avec gestion des droits numériques. D’autres formes de protection existent : il s’agit notamment du watermarking qui a d’abord été utilisé dans la photographie pour laisser une trace indélébile, une empreinte sur le fichier et qui ne se révèle qu’avec l’utilisation d’une application dédiée, rendant impossible sa perception à l’oreille humaine. Les informations contenues étant indélébiles (même si le fichier est tronqué ou altéré), permettent notamment de contrôler le nombre de diffusions, de transferts… La multiplicité des formats utilisés, des applications en permettant la lecture, des baladeurs numériques, ainsi que des restrictions contenues dans les DRM sont autant de barrières à l’utilisation de plusieurs services, ce qui limite de facto la concurrence entre les plateformes. D’autre part, les législations locales font qu’il est difficile de comparer la vente de morceau sur les différentes plateformes au plan mondial60 . Il existe à ce jour trois principaux formats de fichiers DRM : le premier est le WMA protégé, développé par Microsoft, l’AAC61 , évolution de la norme MP4 et pour lequel Apple a développé un système de gestion des droits numériques propriétaire baptisé FairPlay. Le dernier format utilisé est l’ATRAC 3 Open MG utilisé par Sony. Ces trois formats sont fermés, ils ne sont donc pas lisibles avec n’importe quelle application. D’autre part, ces systèmes de protection sont relativement peu flexibles, car toute modification du système informatique implique une perte de la licence. Se pose ici un problème : le manque d’interopérabilité. Ainsi, le format AAC étant propriétaire, n’est commercialisé que par Apple, n’est lisible qu’avec 60 Le marché de la musique en ligne est cloisonné en marchés nationaux. (i.e. la plateforme visitée refuse toute vente vers un ordinateur dont l’adresse I.P. n’est pas localisée dans le pays) D’autre part, les législations locales font que pour certains pays comme les Etats-Unis, les prix indiqués ne tiennent pas compte des sales taxes dont les consommateurs sont redevables non pas au plan fédéral, mais local. 61 AAC : Advanced Audio Coding. Cette norme succède au MP3 et permet de conserver une plus grande qualité de restitution au morceau codé à une fréquence d’échantillonnage identique, voire inférieure au MP3.
  • 48. -48- l’application iTunes et surtout est illisible62 sur la plupart des lecteurs portables sauf l’iPod. Le problème est identique pour l’ATRAC 3 de Sony, lisible uniquement sur un Walkman et avec l’application SonyConnect. Le WMA est quant à lui lisible sur une plus grande gamme de lecteurs portables. D’autre part, Microsoft permet l’utilisation de son format à d’autres entreprises, en vendant des licences d’utilisation63 , ce qui explique la plus grande gamme de lecteurs compatibles. Néanmoins, la stratégie de Microsoft, en permettant l’utilisation du WMA protégé a été de répandre ce format, et par la même occasion, l’utilisation du Windows Media Player 1064 . L’utilisateur une fois le fichier rapatrié sur son disque dur doit télécharger une licence d’utilisation, comportant les caractéristiques du morceau téléchargé. Sont notamment contenues des informations relatives au nombre de gravures qu’il peut effectuer. À titre d’exemple, Ecompil65 (groupe Universal Music) propose un nombre de 7 gravures, son concurrent Sony Connect66 n’en propose que 3, tandis que l’iTunes Music Store67 ne propose aucune limitation. Une autre limitation est le nombre d’ordinateurs sur lequel le fichier peut être lu, c'est-à-dire pour lesquels la licence a été téléchargée et activée : à un instant T, le fichier ne peut donc être lu simultanément que sur 1 à 5 ordinateurs. D’autre part, pour que la lecture soit possible, il faut que l’application que fournit la plateforme soit installée. Le transfert vers les baladeurs numériques est lui aussi limité, et un logiciel dédié doit être utilisé afin de transférer la licence, et de la modifier pour décrémenter le nombre de transferts futurs possibles : 3 transferts possibles vers des lecteurs portables semble être le nombre généralement proposé68 . D’autre part, il faut que le lecteur portable soit compatible avec la norme utilisée. Les spécifications sont incluses dans les conditions générales de vente. 62 Il existe bien des moyens de détourner ces problèmes de compatibilité, mais qui peuvent s’avérer fastidieux : la technique consiste à graver le fichier sous la forme d’un CD audio, de le réimporter dans un format non protégé, et enfin de le transférer sur un lecteur portable. 63 http://www.microsoft.com/windows/windowsmedia/licensing/interim.aspx 64 Le comportement de Microsoft fut par ailleurs jugé comme anticoncurrentiel par la Commission Européenne en 2004. (IP/04/382) 65 http://www.ecompil.fr/main/legal.html?type=CG 66 http://www.connect-europe.com/FR/fr/website/static/node982.html 67 http://www.apple.com/fr/support/itunes/legal/terms.html 68 Seul l’iTunes Music Store propose un nombre de transferts illimité.
  • 49. -49- Plateforme Standard Utilisé Lecture possible Transférable sur Incompatibilité E-Compil WMA DRM Windows (WMP 10) Baladeurs WMA DRM iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM, Mac OS FNACMusic.Com WMA DRM Windows (WMP 10) Baladeurs WMA DRM iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM, Mac OS iTunes Music Store AAC FairPlay Windows & Mac OS X (iTunes 4 à 7) iPod Walkman et autres lecteurs portables MSN Music (OD2) WMA DRM Windows (WMP 10) Baladeurs WMA DRM iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM, Mac OS SonyConnect ATRAC 3 Open MG Windows (Sonic Stage) Walkman iPod et autres lecteurs portables, Mac OS VirginMega.fr WMA DRM Windows (WMP 10) Baladeurs WMA DRM iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM, Mac OS Aucune plateforme ne propose des téléchargements légaux pour les plateformes Unix/Linux Sources : E-Compil, FNACMusic, Apple, OD2, SonyConnect, Microsoft.com L’hébergement de chaque morceau sur un serveur est une activité sous- traitée, et nécessite étant donné le catalogue important qui a été numérisé au cours du passé, et étant donné le nombre de plateformes de vente, des quantités appréciables de stockage. L’hébergement de chaque Gigaoctet de fichiers a un coût de 20 USD par an. Ce coût fixe se révèle relativement faible. Les coûts de duplication seront des coûts marginaux, eux aussi relativement faibles par rapport au modèle de vente traditionnelle. En effet, les usines de fabrication disparaissent totalement de la chaîne de valeur. Les institutions bancaires sont aussi essentielles, car elles permettent un paiement instantané par le biais de carte de paiement, permettant une livraison instantanée des pistes achetées. Cependant, les coûts liés à des paiements de l’ordre de quelques euros peuvent s’avérer très importants, et l’industrie doit donc si elle veut renforcer le système de vente numérique abaisser ses coûts, notamment en favorisant les abonnements. On peut aussi signaler que des plateformes agrègent les dépenses des consommateurs sur une période de 24 heures, afin de limiter les coûts liés aux intermédiaires financiers. Ces coûts sont constitués d’un coût fixe et d’un coût variable proportionnel aux dépenses effectuées sur la plateforme. Le coût fixe représente 25% du prix d’une piste auquel il faut rajouter le coût variable. (entre 1.75 et 5%). De tels coûts ont incité certaines plateformes à créer des systèmes de cartes prépayées. C’est notamment le cas de FNACmusic et de l’iTunes Music Store. On peut d’autre part signaler que le nouveau modèle permet de bénéficier de coûts fixes faibles, et de coûts marginaux faibles eux ici, contrairement au modèle
  • 50. -50- traditionnel, pour lequel les barrières à l’entrée, même si elle tendaient à diminuer restaient relativement élevées : la numérisation entraîne une baisse comprise entre 30% et 40% des coûts liés à la fabrication et à la distribution par rapport aux supports physiques. Cette baisse peut par ailleurs se répercuter sur le prix de la musique, en tendant à faire décroître le prix et donc en relançant la demande de musique. D’autre part il pourrait en résulter une stimulation du côté offre. Enfin, un autre aspect de cette baisse potentielle serait un marché plus concurrentiel qu’il ne l’est actuellement. Ceci est déjà la réalité, car il existe un écart substantiel entre les prix des plateformes et les vendeurs de CD physiques en ligne tels qu’Amazon, ou la FNAC : All The Roadrunning Red Hot Chili Peppers Mark Knopfler Dani California (Album) (Single) Amazon France 16,97 6,58 FNAC en ligne 16,99 3,99 iTunes Music Store 9,99 0,99 MSN Music (OD2) 9,99 1,19 VirginMega.fr 9,99 0,99 Ecompil.fr 9,99 0,99 FNACMusic.com 9,99 0,99 SonyConnect N.A. 1,29 Prix constatés en euros le 25/04/06 Il existe donc un avantage en termes de prix plus important sur les singles que sur les albums, ce qui incite d’autant plus les utilisateurs à acheter de la musique à l’unité. En effet, le prix de la piste achetée à l’unité peut représenter jusqu’à 6 fois le prix du single, tandis que pour les albums, le gain sera limité à 42%. Un des derniers acteurs est le fournisseur d’accès Internet qui permet de transférer le fichier du serveur vers l’ordinateur du consommateur. Les coûts liés à ce transfert sont payés d’une part par le client, et d’autre part par la plateforme de vente. Les frais de distribution sont eux aussi moins importants que dans le schéma traditionnel. Enfin, les firmes qui fabriquent des lecteurs portables font partie intégrante de cette chaîne de valeur, car elles participent au choix de la plateforme utilisée. Apple et Sony ont toutes les deux des plateformes de vente légale, pour lesquelles elles
  • 51. -51- détiennent un format d’encodage propriétaire permettant de protéger les œuvres. Elles fabriquent également des baladeurs portables. Ces firmes ont eu comme stratégie de verrouiller leurs clients. En effet, lorsqu’un client achète un baladeur produit par ces deux firmes, il ne peut effectuer ses achats de musique légale que sur la plateforme du constructeur : Sony et Apple interdisent à leurs concurrents d’encoder la musique dans le format dont elles détiennent les droits (ATRAC 3 Open MG et AAC FairPlay). La première conséquence est que les plateformes concurrentes ne peuvent proposer de morceaux transférables sur les baladeurs Sony et Apple. D’autre part, ces dernières ne rendent pas compatibles leurs baladeurs portables avec les formats concurrents. Les clients sont totalement verrouillés. Enfin, si on se projette dans le futur, et si les formats AAC et ATRAC 3 restent associés aux plateformes iTunes et Sony Connect, le client restera verrouillé sur une longue période. Lorsque ce dernier voudra changer son baladeur numérique, il devra prendre en compte les coûts supplémentaires qu’induit un changement de constructeur. Les coûts d’opportunités peuvent s’avérer élevés, car il faudra que le client rachète toute la musique dans le nouveau format que gère son baladeur portable. D’autre part, les entreprises ne disposant d’aucune plateforme de téléchargement peuvent voir en celles existantes une opportunité, en rendant leurs baladeurs compatibles avec le WMA DRM de Microsoft. Microsoft ayant par ailleurs pris l’initiative de répertorier les baladeurs compatibles avec son format69 . Le dernier point à aborder est l’entrée de nombreux acteurs multimédias, de fournisseurs d’accès Internet dans la vente de musique en ligne. Ces acteurs trustent généralement beaucoup de visiteurs sur leurs sites. Cependant certains de ces acteurs ne bénéficient pas de toutes les compétences en termes de filière musicale. Ces acteurs s’introduisent donc sur le marché avec des plateformes à marque blanche : Une plateforme à marque blanche, est une plateforme que fournit un prestataire tel qu’OD270 et qui est customisée par l’entreprise, qui y appose son logo, et plus généralement sa marque afin de l’intégrer à son site Internet. Il existe deux 69 http://www.microsoft.com/windows/windowsmedia/devices/default.mspx 70 OD2 est un service distribué en France sous les étiquettes MSN, MTV, Wanadoo, M6, Alice, Alapage, Cora, Système U, Packard Bell, M6.
  • 52. -52- prestataires principaux, OD2, et MusicNet71 , ce dernier n’étant disponible qu’aux Etats-Unis. Il est à noter que les distributeurs traditionnels tels que les détaillants disparaissent de la chaîne de valeur, en laissant leur place à des acteurs dont le pouvoir de négociation est plus fort. On peut signaler que les distributeurs de musique numérique appartiennent soit à des majors, soit à des entreprises micro- informatiques, soit à des tiers. 3.1.2Le principe de facturation : 3.1.2.1 les systèmes proposés De nouvelles façons de consommer la musique ont donc vu le jour. Il en ressort que deux principales façon de la commercialiser sont proposées aux utilisateurs : la vente ou le streaming. Ces deux types de commercialisation se font à l’acte, sauf aux Etats-Unis ou il existe des plateformes forfaitisant l’accès à la musique72 . Dans le premier cas, le consommateur devient le détenteur de l’œuvre, et peut enregistrer celle-ci sur son disque dur, et la transférer « à son gré » sur d’autres supports : cette forme de consommation est plutôt destinée aux détenteurs de baladeurs numériques. D’autre part, la vente peut avoir lieu « à la carte », c’est-à- dire, par achat unitaire de piste provenant d’un album, ou par album. Dans le second cas, le consommateur, pour un prix plus modique ne peut qu’écouter une fois le morceau, sans avoir la possibilité de le conserver, de le graver, ni même de le transférer sur un lecteur portable, car il n’en détient pas les droits. En 71 MusicNet fournit les plateformes de Yahoo.com, AOL.Com, Virgin Digital… 72 Aux Etats-Unis une troisième voie est proposée : elle consiste à payer un abonnement mensuel permettant de télécharger un nombre illimité de fichiers, qui seront lisibles aussi longtemps que le consommateur paye son abonnement. La licence du fichier est renouvelée périodiquement. Cette forme de consommation s’apparente à de la location.
  • 53. -53- effet, la musique est diffusée en temps réel sur l’ordinateur du consommateur, obtenue sous forme de flux depuis la plateforme musicale. 3.1.2.2 Les flux générés Deux scénarios sont possibles quant à la distribution des revenus, et surtout au fait que l’industrie génère ou non un profit. Dans le premier cas, il ressort que l’industrie vend à perte, c’est l’hypothèse basse, caractérisée par des coûts élevés, tandis que dans le second, elle génère un léger profit sur chaque chanson vendue, et dispose de coûts faibles. D’après EMI Music, la vente d’un morceau à 99 centimes ne permettrait de dégager qu’un profit compris entre 5 et 10 centimes. Si on part de l’hypothèse de base que la plateforme vend chaque titre à un prix de 0.99 euros, on obtiendra les flux suivants : Hypothèse basse Hypothèse haute Major et Artiste 0,67 0,40 Institution Financière 0,30 0,10 Editeur 0,12 0,10 Frais d'exploitation 0,25 0,10 Prix de vente 0,99 0,99 Perte -0,35 Profit 0,29 Le prix payé est généralement de 99 centimes, et peut être modulé en fonction des droits dont dispose le consommateur. Ainsi, le droit d’écouter un nombre illimité de fois le fichier serait de 79 centimes. Le droit de graver le fichier coûterait 15 centimes de plus. Enfin, le transfert sur un baladeur numérique aurait un coût de 24 centimes. Les nouveaux acteurs présents dans la chaîne de valeur comme les intermédiaires financiers, les entreprises chargées d’encoder les morceaux, et les fabricants de baladeurs portables bénéficient de retombées financières non négligeables.
  • 54. -54- 3.2 Perspectives d’évolution et de rentabilisation 3.2.1 Perspectives d’évolution du marché Le marché de la musique en ligne n’a réellement pris son essor que lorsque les majors ont donné leur accord pour qu’une grande partie de leur répertoire soit numérisé. Ce qui a donc permis aux plateformes légales de proposer un choix plus important aux consommateurs potentiels. iTunes Music Store a récemment dépassé le cap du milliard de téléchargements cumulés depuis son ouverture. Cependant, des données fiables et récentes sont relativement dures à obtenir. Malgré tout, l’IFPI a estimé que les téléchargements légaux ont été de l’ordre de 420 millions de titres durant l’année 2005 (156 millions en 2004), représentant 6% des ventes mondiales de musique73 . Ainsi, en France, les ventes sont passées entre 2004 et 2005 de 1.5 millions de téléchargements à 8 millions de pistes téléchargées74 . Cependant, ces ventes peuvent paraître dérisoires par rapport au nombre de téléchargement sur les réseaux P2P. En effet, les téléchargements légaux représentent moins de 5% des fichiers musicaux téléchargés. En valeur, les téléchargements légaux ont été estimés à 310 millions d’USD pour 2004, et les perspectives futures d’évolution tablent sur un rythme de croissance annuel soutenu. Les téléchargements légaux représenteraient à l’horizon 2009 de 10% à 15% tout au plus des ventes de musique mondiales. Cependant, l’avenir est fortement incertain, car ce marché est analysé comme un marché de niche par certains experts, tandis que d’autres pensent qu’il pourra remplacer le CD. Il faut aussi évoquer l’augmentation des prix. Même s’il existe sur certaines plateformes une différence de prix entre les nouveautés et les titres plus anciens, cette pratique n’est pas une généralité. Nous avons vu que les utilisateurs achetaient plus rarement des albums « entiers », et préféraient un achat au morceau, car l’avantage en termes de prix est plus important. Ainsi, les prévisions de croissance des prix sont plus élevées sur les pistes achetées de façon isolée que sur les albums 73 L’IFPI inclue les sonneries pour téléphone portable dans ce pourcentage. 74 D’autres données sont disponibles : Etats-Unis (143 à 353), Royaume-Uni (5.8 à 26.4), Allemagne (6.4 à 21)