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Ressources
Humaines
Ce livret a été réalisé à l’initiative du Groupe Chèque Déjeuner
Septembre 2013
annuelles obligatoires
Négociations
Les
Handicap
Au-delà
des quotas
Temps de travail
Prudence et
jurisprudence...
Égalité hommes/
femmes
Les écarts
persistent
Salaires
Une recherche
de cohérence
et d’équité
> 18 > 22 > 26 > 30
une question
d’enjeux
Pour plus d’informations,
connectez-vous sur:
LAFONCTIONRH
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CESÉVOLUTIONS
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Un outil de diagnostic en ligne du Groupe Chèque Déjeuner.
Votre fonction RH change et devient de plus en plus
stratégique. Accompagner la politique managériale de
l’entreprise, participer à l’efficacité du management,
assurer un bon climat social, améliorer les processus
degestion…Autantdeproblématiquesqu’ilestnécessaire
d’aborder différemment.
C’est pour cette raison que le Groupe Chèque Déjeuner,
partenaire des DRH depuis près de 50 ans, vous propose
une gamme de solutions qui s’adaptent avec efficacité
à vos besoins et à ceux de vos collaborateurs.
Chèque Déjeuner®
, l’avantage
social plébiscité par les salariés, qui
vous aide à recruter et à fidéliser.
Chèque Domicile, pour vous soutenir
dans votre politique RH: égalité
professionnelle hommes/ femmes,
handicap, …
IdeaStim, pour vous accompagner
efficacement dans la conduite
du changement.
Le Groupe Chèque Déjeuner est partenaire de l’
3
e dialogue social est un facteur
de performance incontournable,
tout particulièrement en période de crise
Alors que les salariés sont confrontés à toutes sortes d’inquiétudes
liées à la conjoncture, les employeurs ont tout intérêt à veiller à ce qu’ils
se sentent bien dans l’entreprise et à donner du sens à leur engage-
ment professionnel. Au plan des ressources humaines, cela passe
par une réelle écoute, un échange permanent avec les instances re-
présentatives du personnel et une démarche de co-construction des
normes de l’entreprise.
Depuis sa création, Chèque Déjeuner a toujours entretenu des rela-
tions étroites avec les partenaires sociaux, auxquels on reconnaît un
rôle prépondérant dans la gouvernance et la performance de l’en-
treprise. Ce mode de fonctionnement très participatif a largement
contribué à notre développement économique puisque nous sommes
aujourd’hui n° 3 mondial sur le marché des titres de paiement et des
cartes de service.
Dans ce contexte, les négociations annuelles obligatoires (NAO) ne
constituent pas un moment solennel, où pourraient se cristalliser
toutes les tensions. Elles s’inscrivent simplement dans une continuité
de dialogue, dans le cadre des échanges entretenus tout au long de
l’année.
Ce dialogue n’exclut évidemment pas les revendications et les diver-
gences de vues, notamment sur les rémunérations. Si la marge de
manœuvre est des plus restreintes, des alternatives existent à tra-
vers des mesures ponctuelles comme l’épargne salariale, le compte
épargne temps ou les titres de paiement. Plus largement, la négocia-
tion est l’occasion d’expliquer les résultats de l’entreprise, de détailler
son bilan social, mais aussi d’ouvrir la
discussion sur des sujets plus larges –
et tout aussi essentiels – relevant de la
responsabilité sociale de l’entreprise.
En nous associant au magazine
Liaisons Sociales pour la publication
de ce livret, nous souhaitons proposer
aux DRH et aux délégués syndicaux à la fois un guide pratique et un
outil de réflexion pour transformer les obligations légales de négocier
en une opportunité d’ouvrir un dialogue constructif permettant aux
salariés de se sentir pleinement impliqués dans les orientations prises
par leur entreprise.
Au-delà de l’obligation légale, les NAO offrent
l’opportunité de co-construire les normes
de l’entreprise et de permettre aux salariés
de se sentir pleinement impliqués dans les
orientations prises par leur entreprise.
Florence
QUENTIER
Directrice des
Ressources Humaines
du Groupe
Chèque Déjeuner
edito
L
4
Enquête et rédaction Etienne Guillermond : 06 86 89 95 69publi-informatioN
sommaire
Les NAO
en quête de sens
Instaurées il y a 30 ans, les
négociations annuelles obligatoires
(NAO) ont indéniablement créé
un espace de dialogue entre
les partenaires sociaux et les
entreprises. Mais ouvrir la
négociation n’oblige pas à trouver
un accord ni à aller au fond
des sujets abordés...
Les NAO : une question
d’enjeux
> 06 > 17
NÉGOCIATIONS SALARIALES
Une recherche
de cohérence
et d’équité
Au fil des années, la négociation
salariale est devenue une affaire
d’experts, où la question du salaire
de base n’est plus qu’une donnée parmi
d’autres et où les règles du jeu ne sont
pas toujours connues.
> 18
10 questions
pour comprendre
les NAO
GUIDE PRATIQUE
> 11
À l’ordre du jour
des NAO...
> 10
Les enjeux
5
Prudence et
jurisprudence...
En matière d’organisation du temps
de travail, tout ou presque est devenu
négociable. Mais l’enchevêtrement
juridique est tel que la liberté accordée
par le législateur impose un surcroît
de prudence lors de la conclusion
d’accords.
temps de travail
> 22
Conception graphique et réalisation Agence GAYA : 01 42 43 80 25 Illustrations Marc Chalvin : 06 22 58 12 75
Le handicap, au-delà de
la question des quotas
Depuis son inscription à l’ordre du
jour des NAO, en 2005, le handicap
est devenu pour l’entreprise et les
partenaires sociaux un vrai sujet de
réflexion, ouvrant sur de nombreuses
possibilités d’actions.
emploi et handicap
> 30
pour en savoir plus
> 34
égalité professionnelle
Égalité professionnelle :
les écarts persistent
En dépit des obligations légales,
l’égalité professionnelle reste traitée
de façon marginale dans le cadre des
NAO. Quarante ans après l’instauration
du principe d’égalité entre les hommes
et les femmes face au travail, la
question est loin d’être résolue.
> 26
À côté des traditionnels débats
sur le temps partiel et les heures
supplémentaires, l’organisation du
travail doit, de plus en plus, intégrer
de nouveaux enjeux sociétaux,
qui dépassent le cadre des NAO.
Quand l’individuel
prime sur le collectif
> 24
6
Les NAO
en quête de sens
Instaurées il y a 30 ans, les négociations annuelles obligatoires (NAO)
ont indéniablement créé un espace de dialogue entre les partenaires
sociaux et les entreprises. Mais ouvrir la négociation n’oblige pas à
trouver un accord ni à aller au fond des sujets abordés...
Les NAO : une question d’enjeux
L’ère des grandes confrontations
idéologiques entre les organisa-
tions syndicales et les entreprises serait-
elle en passe d’être révolue ? À force
d’étoffer, d’année en année, la liste des
négociations obligatoires en entreprise,
le législateur n’est-il pas progressive-
ment parvenu à ses fins en contraignant
les directions et les syndicats à s’asseoir
autour de la table pour ouvrir un dialogue
plus pragmatique et plus responsable,
au-delà des postures traditionnelles ?
Si l’on en juge par le nombre d’accords
et de textes signés chaque année sur
tous les sujets (près de 39 000 en 2012,
selon le ministère du Travail), le dialogue
social prend effectivement de plus en
plus d’importance et de nombreux ob-
servateurs se félicitent de l’émergence
d’une véritable co-responsabilité. Dans
le vaste mille-feuille des négociations
obligatoires imposées par le législateur,
le socle commun des NAO a sans doute
largement contribué à cette évolution.
Comment, en une seule négociation, mettre
tous les sujets sur la table ? Il est logique
que, dans ces conditions, les débats soient
phagocytés par la question des salaires.
stratégique publiée fin 20111
. Car, dans
les faits, l’obligation de négocier annuel-
lement sur tel ou tel sujet n’implique pas
nécessairement une obligation de résul-
tat. Un accord NAO, pour peu qu’il soit
signé, peut tout aussi bien s’appuyer sur
un diagnostic superficiel et se limiter à
une simple déclaration d’intention. L’em-
pilement législatif sur le thème de l’éga-
lité professionnelle hommes-femmes
en témoigne. Alors que le sujet a été
intégré aux NAO dès 2001, il a fallu que
le législateur menace les entreprises de
sanctions financières en 2010 et que le
ministère ordonne des contrôles
7
Depuis la loi Auroux de 1982 instaurant
l’obligation de négocier chaque année
sur « les salaires effectifs, la durée ef-
fective et l’organisation du temps de
travail », l’État n’a cessé d’élargir l’ordre
du jour des NAO, en y intégrant de nou-
veaux sujets : la prévoyance maladie
(2000), l’épargne salariale (2001), l’éga-
lité professionnelle (2001 et 2006), l’em-
ploi des travailleurs handicapés (2005)...
Si l’effet quantitatif est manifeste en
termes d’accords conclus ou de né-
gociations engagées, l’impact qualitatif
est beaucoup plus incertain, comme le
souligne une étude du Centre d’analyse
3 questions à...
Christophe Doyon,
directeur associé du groupe Alpha
Les NAO sont souvent présentées comme un jeu
de dupes. Qu’en est-il en réalité ?
Christophe Doyon : Cela dépend des entreprises et
de la loyauté des négociations. Quoiqu’il en soit, on
ne peut jamais préjuger de l’issue d’une négociation.
Les délégués syndicaux peuvent souvent obtenir
quelque chose, à condition d’être bien préparés à cette
négociation : quelle est la situation financière et quelles
contraintes réelles pèsent sur l’entreprise, quelle est
la structure des rémunérations, comment aborder
tactiquement les discussions, quels points mettre
en avant ? Les sujets abordés sont de plus en plus
complexes. Si les négociateurs n’acquièrent pas un
minimum d’expertise et n’anticipent pas, ils en seront
d’autant plus désavantagés vis-à-vis de leur direction.
Dans le contexte actuel, les DRH ont-ils réellement
des choses à proposer ?
C. D. : Les marges de manœuvre sont certes réduites,
mais elles ne sont pas toujours si étroites qu’on
veut bien le dire.Toutes les entreprises ne sont pas
touchées de la même manière par la crise. Forts des
valeurs qu’ils défendent, les syndicats s’inscrivent
dans une démarche revendicative et sont attachés
aux salaires de base qui déterminent la protection
sociale et ne sont pas soumis à la réversibilité. Mais
d’autres éléments peuvent être mis en concurrence :
les rémunérations périphériques, l’épargne salariale
qui prend de plus en plus d’importance... Les
délégués syndicaux ne sont pas toujours à l’aise sur
ces sujets, notamment lorsqu’il s’agit de les expliquer
aux salariés, dont les attentes sont fortes.
Quid des autres sujets relevant de la négociation
obligatoire ?
C. D. : Ils sont souvent laissés de côté faute d’être
suffisamment maîtrisés. Comment mettre en œuvre
l’égalité professionnelle ? Comment aborder la
question de l’emploi des personnes handicapées ?
Sur quels critères, quels indicateurs faut-il
s’appuyer ? Quels objectifs faut-il fixer ? En dehors
des grandes entreprises, au sein desquelles ces sujets
font l’objet de négociations et d’accords spécifiques,
les partenaires sociaux ne savent pas toujours se
saisir de ces thématiques. Elles peuvent paraître
consensuelles. Mais elles ne relèvent pas d’un simple
enjeu d’image. Un minimum de méthodologie est
indispensable pour les traiter convenablement.
Ce qui explique qu’elles passent malheureusement
trop souvent à la trappe.
8
Sciberras, président de l’ANDRH. Surtout
dans les groupes internationaux où les
décisions sont arrêtées par des instances
de direction très éloignées du terrain.
Quant aux autres sujets à l’ordre du jour,
ils sont, le plus souvent, purement et
simplement laissés de côté ou à peine
abordés. Dans la pratique, nul n’a envie
de rouvrir l’épineux dossier de la réduc-
tion du temps de travail, tant les négo-
ciations autour des 35 heures ont laissé
de souvenirs douloureux. Sur les autres
thèmes, faute de sensibilisation et d’ex-
pertise, les négociateurs se contentent au
mieux de mesures symboliques. Seules
les grandes entreprises, disposant d’une
infrastructure RH solide et d’instances
représentatives du personnel suffisam-
ment « armées », se donnent le temps
d’approfondir les dossiers. « Tous ces
sujets exigent des connaissances as-
sez pointues, aussi bien dans la négo-
ciation que dans le suivi des accords,
explique Christophe Visse, délégué syn-
dical central CFDT chez Orange. Chez
nous, chaque thématique fait l’objet
d’un accord séparé. Mais nous sommes
systématiques fin 2012, pour que la
question commence à être envisagée
sérieusement (voir p. 26).
Une priorité : les salaires
« La réalité, explique Christophe Doyon,
directeur associé du groupe Alpha, c’est
que les NAO se limitent généralement
à la seule question des rémunérations
parce que c’est sur ce terrain que les
attentes des salariés sont les plus
fortes. Les organisations syndicales,
soucieuses de défendre leurs valeurs,
s’inscrivent dans une posture revendi-
cative, tout en sachant que les marges
de manœuvre sont restreintes. » (voir
interview). Pour Dominique Fruleux, du
cabinet Syndex, la focalisation sur les
salaires s’explique aussi par une relative
segmentation des sujets entre représen-
tants du personnel. « La question des
rémunérations est presque uniquement
du ressort des délégués syndicaux, alors
que l’emploi est principalement discuté
avec l’ensemble du CE et les conditions
de travail avec le CHSCT », explique-t-
elle. La prééminence de la négociation
salariale est d’autant plus forte qu’elle
s’est singulièrement complexifiée au fil
des années, à mesure que diminuaient
les enveloppes allouées. Ayant de moins
en moins à offrir, les DRH sont contraints
d’élaborer des stratégies de négociation
pour parvenir à un accord : principe des
vases communicants entre augmenta-
tions collectives et individuelles, étale-
ment des augmentations sur plusieurs
échéances, proposition de packages
intégrant d’autres avantages... « Entre
les organisations syndicales d’un côté
et les directions générales et financières
de l’autre, la NAO est une double né-
gociation pour les DRH. Et la plus diffi-
cile n’est pas nécessairement celle que
l’on croit ! », rappelle Jean-Christophe
Les NAO : une question d’enjeux
Entre les syndicats et les directions, la NAO
est une double négociation pour les DRH.
Et la plus difficile n’est pas toujours celle
que l’on pense...
3 questions à...
Jean-Christophe
Sciberras,
président de l’ANDRH
De votre point de vue, les NAO
relèvent-elle d’une simple
obligation formelle ou constituent-elles un véritable outil
de dialogue social ?
Jean-Christophe Sciberras : Il est évident qu’à l’origine,
l’instauration des NAO visait à faire avancer le dialogue social,
en particulier sur la question salariale. La démarche était
légitime et salutaire à une époque où l’inflation plafonnait à
14-15 % et où les entreprises avaient matière à redistribuer
les fruits de la croissance. Depuis, le contexte économique a
changé : l’inflation est au plus bas et les DRH n’ont plus grand
chose à donner. On peut donc s’interroger sur la pertinence de
règles fixées il y a plus de 30 ans.
Quelles évolutions faudrait-il envisager, selon vous ?
J.-C. S. : Il n’est pas question de remettre en cause le principe
de la négociation salariale. Mais le “A” de NAO n’est-il pas
de trop, aujourd’hui ? En d’autres termes, le rythme annuel
a-t-il encore un sens ? Remettre la question salariale sur
la table tous les ans revient à créer des attentes que les
DRH ne sont pas forcément en mesure de satisfaire. Cela
ne fait qu’accroître les tensions et les crispations au sein
de l’entreprise, ce qui n’est pas satisfaisant. D’autre part, la
notion de salaire effectif pose question alors qu’une grande
partie de la rémunération sort du cadre de la négociation.
Qu’en est-il des autres sujets intégrés aux NAO ?
J.-C. S. : Il suffit de regarder les accords pour constater que la
question des salaires accapare totalement les NAO.Au fil des
années, on a ajouté de nouveaux sujets à la négociation, au
risque d’en faire un mille-feuille. Ces nouveaux sujets sont-ils
convenablement traités ? La réponse est non. Ils sont peu,
voire pas abordés du tout. On en est arrivé à l’opposé de ce que
recherchaient leurs promoteurs. L’enjeu, aujourd’hui, n’est pas
de venir alourdir les NAO avec de nouvelles thématiques, mais
de réfléchir à des sujets salariaux connexes qui viendraient
enrichir les débats et donner de la substance aux négociations.
9
largement privilégiés par rapport aux pe-
tites entreprises. Comment, en une seule
négociation, mettre sur la table à la fois
les rémunérations, l’aménagement du
temps de travail, l’égalité professionnelle,
le handicap… ? »
Une ouverture vers
des sujets RSE ?
Si les NAO n’apportent pas réellement
de réponses à des problématiques qui
ne figurent pas a priori dans les préoccu-
pations immédiates des entreprises, des
syndicats et des salariés, tout au moins
permettent-elle de les rendre visibles et
de leur réserver un espace de dialogue
social. Pour François Fatoux, délégué gé-
néral de l’Observatoire de la Responsabi-
lité sociétale des entreprises (ORSE), les
négociations annuelles constituent même
une opportunité d’intégrer dans les dis-
cussions des thématiques nouvelles, re-
levant de la RSE. « Tous les sujets d’en-
treprise peuvent être abordés sous le
prisme de la RSE, explique-t-il. On peut,
par exemple, très bien imaginer d’intéres-
ser les salariés à la démarche environne-
mentale de l’entreprise ou à la réduction
du nombre d’accidents du travail. Face à
la montée de la précarité, certaines entre-
prises mettent en place des enveloppes
de solidarité, gérées de façon paritaire.
D’autres utilisent le CESU ou mettent en
place des plans de déplacement pour
alléger le budget des familles. Au-delà
de la stricte négociation sur les salaires,
il existe toutes sortes de sujets extrapro-
fessionnels impactant la vie des salariés.
Lorsque les marges de manœuvre sont
réduites, ils peuvent contribuer à redon-
ner du sens à la négociation. »
1. Les obligations et incitations portant sur la
négociation collective, Centre d’analyse stratégique,
la note d’analyse n° 240, septembre 2011 –
www.strategie.gouv.fr
10
Les salaires effectifs
• La négociation doit concerner
l’ensemble des salariés.
• Elle s’applique aux salaires bruts
catégoriels, y compris les primes
et les avantages en nature.
• Si les cas individuels ne sont pas abordés,
des critères et des outils de suivi peuvent être mis
en place afin de garantir l’équité et la cohérence
des augmentations individuelles.
• Depuis 2006, la négociation salariale doit
également intégrer des mesures permettant
de supprimer les écarts de rémunération entre
les femmes et les hommes.
La durée effective et
l’organisation du temps
de travail
• Au-delà du temps de travail proprement
dit, la négociation peut englober les
congés payés, les jours fériés, les ponts…
• L’organisation du temps de travail concerne
les modes de répartition de l’horaire collectif
de travail (durées journalières, hebdomadaires,
mensuelles…) et les formes particulières du temps
de travail (travail de nuit, travail en continu…).
• La NAO intègre également la question de la mise
en place du travail à temps partiel à la demande
des salariés.
Lorsque les salariés ne sont pas couverts par
un accord d’entreprise ou un accord de branche
Dispositif d’épargne salariale
L’employeur est tenu d’engager, chaque année,
une négociation sur un ou plusieurs de ces
dispositifs : intéressement, participation ou plan
d’épargne.
Prévoyance maladie
L’employeur est tenu d’engager
chaque année une négociation
sur ce thème. Elle doit également
figurer à l’ordre du jour des NAO.
L’égalité professionnelle
hommes/femmes
• Même si elle fait l’objet d’un accord
triennal, l’égalité professionnelle doit être
prise en compte dans la NAO.
• Au-delà de la réduction des écarts de
salaire, l’employeur doit engager chaque année
une négociation sur les conditions d’accès
à l’emploi, à la formation et à la promotion
professionnelles, les conditions de travail
et d’emploi (notamment le temps partiel),
l’articulation vie privée/vie professionnelle.
• La négociation se déroule à partir des éléments
figurant dans le rapport de situation comparée.
L’emploi des travailleurs
handicapés
• La loi du 11 février 2005 impose à
l’employeur d’engager chaque année
une négociation sur les mesures
relatives à l’insertion professionnelle et au
maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés.
• Sur la base d’un rapport établi par l’employeur,
la négociation porte sur les conditions d’accès
à l’emploi, à la formation et à la promotion
professionnelle, les conditions de travail et d’emploi,
les actions de sensibilisation au handicap.
• Lorsqu’un accord collectif comportant de telles
mesures est signé dans l’entreprise, la périodicité
de la négociation est portée à trois ans.
Les NAO : une question d’enjeux
À l’ordre du jour des NAO...
11
GUIDE PRATIQUE
Guidepratique
10 questions
pour comprendre
les NAO
12
1
Quelles sont les entreprises
soumises aux négociations
annuelles obligatoires ?
Les NAO concernent toutes les
entreprises où sont constituées une ou
plusieurs sections syndicales d’organi-
sations représentatives. Elles ne s’impo-
sent qu’à partir du moment où il existe au
moins un délégué syndical, dont la pré-
sence est indispensable pour négocier.
La loi prévoit la présence de délégués
syndicaux dans les entreprises de 50 sa-
lariés et plus. Dans les plus petites struc-
tures, le délégué du personnel peut être
désigné comme délégué syndical pour
la durée de son mandat.
2
Quand la négociation doit-
elle avoir lieu ?
La négociation doit se dérouler
chaque année, dans un délai de
12 mois à compter de la date du début
de la précédente négociation annuelle
obligatoire. Si l’entreprise n’en a jamais
tenu, la négociation doit se dérouler dans
l’année civile (c’est-à-dire avant le 31 dé-
cembre) pendant laquelle une section
syndicale s’est implantée dans l’entre-
prise et un délégué syndical a été désigné.
C’est à l’employeur que revient l’initiative
de l’organiser et d’y convoquer les par-
ties prenantes dans les délais impartis.
À défaut, elle doit s’ouvrir à la demande
d’une organisation syndicale représenta-
tive. Dès lors, l’employeur dispose d’un
délai de 8 jours pour informer les autres
organisations syndicales et de 15 jours
pour les convoquer à la négociation an-
nuelle.
En l’absence de réponse de l’employeur
à la demande d’ouverture de la négocia-
tion annuelle, la loi prévoit des sanctions
(voir question 10).
À noter : la tenue de négociations en
cours d’année sur un thème spécifique
ou la conclusion d’un accord pluriannuel
n’exonère pas l’entreprise de la négocia-
tion annuelle obligatoire.
3
À quel niveau de
l’entreprise la négociation
doit-elle se dérouler ?
En principe, la négociation a
lieu au niveau de l’entreprise. Lorsque
celle-ci possède plusieurs établisse-
ments disposant chacun d’au moins
une section syndicale et d’un délégué
syndical, elle peut se dérouler au niveau
de chaque établissement, à condition
que les accords conclus n’introduisent
10 questions
pour comprendre les NAO
guide pratique
Le cadre légal des NAO établit des règles précises
pour conduire les parties à ouvrir une discussion sérieuse
et loyale sur les différents sujets abordés, dans le respect
des droits et des obligations de chacun.
13
pas de différences de traitement d’un
établissement à l’autre, sauf pour des
raisons objectives. Le choix du niveau
de négociation (entreprise ou établisse-
ment) peut dans tous les cas être remis
en cause dès l’instant où un syndicat
représentatif de l’établissement ou de
l’entreprise s’y oppose.
D’une manière générale, les organi-
sations syndicales considèrent que la
négociation par établissement est un
moyen pour l’employeur de diviser les
salariés et d’affaiblir leur position. Elles
privilégient donc les négociations cen-
trales qui garantissent par ailleurs l’éga-
lité de traitement.
Dans certains cas – et bien que cette
disposition ne figure pas dans la loi -, la
négociation peut aussi être menée au ni-
veau d’une Unité économique et sociale
(UES) – groupement d’entreprises - dès
l’instant où les conditions de la NAO y
sont réunies.
4
Quelles sont les modalités
de préparation de la
NAO ?
L’organisation de la négocia-
tion suppose la convocation de l’en-
semble des organisations syndicales
représentatives présentes dans l’entre-
prise. L’exclusion ou la non-convocation
d’un syndicat constitue un acte discrimi-
natoire susceptible d’entraîner la nullité
de tout accord en cas de recours de
l’organisation exclue.
D’une manière générale, l’employeur est
soumis à une obligation de loyauté : il
doit donc proposer un calendrier précis
avec des délais raisonnables, commu-
niquer les informations nécessaires à la
négociation et répondre de façon moti-
vée aux propositions des organisations
syndicales.
14
5
Suivant quel calendrier
la négociation se déroule-
t-elle ?
La loi impose un nombre mini-
mal de deux réunions, mais dans la pra-
tique, la négociation s’appuie sur 3 ou
4 réunions organisées sur une période
n’excédant pas trois mois.
La première réunion vise à l’organisa-
tion de la négociation. Les participants
établissent un plan de travail, détermi-
nent la nature des documents et infor-
mations à fournir par l’entreprise afin
que les parties puissent échanger dans
de bonnes conditions. Les délais de re-
mise de ces documents sont clairement
fixés. Le calendrier des réunions à ve-
nir est également élaboré en commun
en espaçant raisonnablement chaque
rendez-vous. En général, le délai inter-
venant entre la première réunion et la
suivante est de 8 à 15 jours.
Enfin,lecalendrierdétermineletermedela
négociation, c’est-à-dire le moment à par-
tir duquel l’employeur pourra constater, le
caséchéant,l’absenced’accordetmettre
en œuvre des dispositions unilatérales.
Pendant la durée de la négociation,
l’employeur ne peut prendre aucune
décision unilatérale à caractère collectif
sur les sujets de la NAO.
6
Qui participe à la
négociation ?
Côté patronal  : l’employeur
peut se faire assister de diffé-
rents collaborateurs en veillant toutefois
à en limiter le nombre de manière à pré-
server l’équilibre des parties.
Coté syndical  : chaque délégation
syndicale comprend au minimum un
délégué. Il peut être accompagné de
plusieurs salariés de l’entreprise, dont le
nombre est déterminé d’un commun ac-
cord par l’ensemble des parties. À défaut
d’accord, ce nombre est fixé à deux.
Si les différents syndicats présents dans
l’entreprise possèdent chacun plusieurs
délégués, leur délégation n’en compor-
tera que deux au maximum qui pourront
être assistés de salariés dans les mêmes
conditions que ci-dessus. Faute d’ac-
cord, le nombre de salariés sera équiva-
lent à celui de délégués syndicaux.
guide pratique
La communication des informations,
un élément-clé
Afin de pouvoir négocier en pleine connaissance de cause, les délégations
syndicales doivent pouvoir s’appuyer sur des informations fournies par l’employeur.
En dépit de l’exigence légale de loyauté, c’est souvent là où le bât blesse… Il est
impossible de dresser la liste exhaustive des informations requises car elles sont
très variées selon les entreprises et les sujets abordés. Le bilan social de l’entreprise
peut constituer une base pour formuler une demande d’information. Par ailleurs, les
délégués du personnel et les élus du comité d’établissement et du CHSCT disposent
déjà des informations relatives à la situation économique de l’entreprise, à l’emploi et
aux prévisions. Les délégués syndicaux peuvent également demander tout accord ou
convention existant. Concernant les salaires, les discussions s’appuient sur les indices du
coût de la vie, du coût de la construction et de la valeur du plafond de sécurité sociale.
15
7
Le temps consacré
à la NAO est-il rémunéré ?
La loi distingue le temps de pré-
paration au sein des organisa-
tions syndicales et le temps de négocia-
tion proprement dit.
Pour la préparation de la négocia-
tion, chaque délégation syndicale
dispose d’un crédit d’heures global
supplémentaire pouvant être librement
réparti entre tous ses membres, qu’ils
soient délégués ou non. Ce crédit
s’élève à 10 heures dans les entreprises
d’au moins 500 salariés. Il est porté à
15 heures au-delà de 1 000 salariés.
Le temps de négociation est en re-
vanche payé comme temps de tra-
vail à l’échéance habituelle. Il ne peut
en aucun cas être imputé sur le crédit
d’heures des délégués syndicaux, pas
plus que sur tout autre crédit dont dis-
poseraient les membres de la délégation
au titre d’autres fonctions syndicales
(délégué du personnel, membre du co-
mité d’entreprise, du CHSCT, etc.).
En cas de dépassement de la durée lé-
gale du travail, les heures concernées
sont rémunérées comme des heures
supplémentaires.
En cas de déplacement liés à la négo-
ciation, les frais sont pris en charge par
l’employeur.
Qu’est-ce qu’une
organisation
représentative ?
Définie par la loi du 20 août 2008,
la représentativité d’un syndicat résulte
de sept critères cumulatifs :
• Le respect des valeurs républicaines ;
• L’indépendance vis-à-vis de tout
mouvement politique et religieux.
• La transparence financière
• Une ancienneté minimale de deux ans
dans le champ professionnel
et géographique couvrant le niveau
de négociation.
• L’influence, prioritairement caractérisée
par l’activité et l’expérience.
• Les effectifs d’adhérents (en fonction
de l’effectif de l’entreprise et du taux
de syndicalisation dans la profession)
et les cotisations.
• L’audience recueillie aux élections
professionnelles (élections du comité
d’entreprise ou à défaut de la délégation
unique du personnel ou des délégués du
personnel). Le syndicat doit avoir recueilli
au moins 10 % des suffrages au premier
tour, quel qu’ait été le nombre de votants.
16
guide pratique
Références
légales
Le cadre légal des
NAO est inscrit dans
le Code du travail.
Les principales
dispositions figurent
dans la deuxième
partie, relative aux
relations collectives
de travail : Titre IV,
chapitres 2 et 3 (Art
L2241-1 à L2243-2)
8
Quelles sont les conditions
de validité d’un accord ?
En cas d’accord sur l’un des
sujets abordés, un acte écrit est
produit. Il est signé par toutes les parties
prenantes. L’accord n’est valide qu’à par-
tir du moment où il est signé par un ou
plusieurs syndicats représentatifs ayant
recueilli au moins 30 % au premier tour
des dernières élections professionnelles
et où il n’est pas contesté par des organi-
sations ayant recueilli la majorité des suf-
frages au cours de ces mêmes élections.
Tout accord doit également être soumis
pour avis au comité d’entreprise avant
la signature. Dans le cas contraire, l’en-
treprise peut être sanctionnée pour délit
d’entrave. Mais ce fait n’entraîne pas
pour autant la nullité de l’accord.
9
Qu’arrive-t-il lorsque
les parties ne parviennent
pas à un accord ?
La loi ne prévoit pas d’obligation
d’accord à l’issue de la négociation. En
cas de désaccord, l’entreprise doit tou-
tefois prouver que les négociations ont
été menées loyalement et sérieusement
et conduites à leur terme. Un procès-
verbal de désaccord est donc rédigé.
Il présente les différentes propositions
des parties et les mesures que l’entre-
prise entend appliquer de façon unilaté-
rale. Les délégués syndicaux n’ont pas
d’obligation de signer ce procès-verbal.
Les procès-verbaux de désaccord (tout
comme les accords) sont déposés à
la Dirrecte1
et au greffe du conseil des
prud’hommes.
10
Quelles sont
les sanctions en cas
de manquement
de l’employeur ?
Trois types de sanctions peuvent être
prononcées à l’encontre des employeurs
ne respectant pas le cadre légal.
Sanctions civiles  : en cas de refus
d’ouvrir la négociation ou de fournir les
informations nécessaires, les organisa-
tions syndicales peuvent saisir le juge
des référés. Ce dernier peut prononcer
une astreinte pour contraindre l’entre-
prise à se conformer à la loi. Des dom-
mages et intérêts peuvent également
être réclamés.
Sanctions pénales : le fait d’occulter
l’un des thèmes obligatoires ou de ne
pas répondre dans les délais impartis à
une demande d’une organisation syn-
dicale peut exposer l’employeur à une
peine d’un an d’emprisonnement et à
une amende de 3 750 euros.
Sanctions financières : en cas d’ab-
sence de négociation sur les salaires,
les allègements de charges sociales
peuvent être réduits ou supprimés. En
matière d’égalité professionnelle, l’ab-
sence d’accord ou de plan d’actions
peut donner lieu à une pénalité pouvant
aller jusqu’à 1 % de la masse salariale.
1. Directions régionales des entreprises, de la
concurrence, de la consommation, du travail et de
l’emploi.
17
Lesenjeux ?
Salaires et autres
avantages
Temps de travail
égalité professionnelle
Emploi et handicap
18
négociations salariales
Prudence, modération, restric-
tions... C’est sous le signe
de la crise que se sont déroulées les
NAO 2013. Sans surprise, au vu de la
conjoncture, les budgets d’augmenta-
tion ont accusé une baisse sensible et
sont passés au-dessous de la barre des
3 %, qui prévalait encore ces dernières
années. Mais, d’une manière générale,
la négociation aura été marquée par
une faible conflictualité. « La situation
de l’emploi ne nous incite pas à jouer
Une recherche
de cohérence et d’équité
Au fil des années, la négociation salariale est devenue une affaire
d’experts, où la question du salaire de base n’est plus qu’une donnée
parmi d’autres et où les règles du jeu ne sont pas toujours connues.
l’épreuve de force. Nous avons peu de
moyens de pression et les directions le
savent bien », reconnaît un syndicaliste.
DRH et partenaires sociaux se sont
donc retrouvés autour de la table pour
résoudre la difficile équation des rému-
nérations, avec d’un côté, le souci de
limiter la masse salariale et, de l’autre,
celui de ménager le pouvoir d’achat
des salariés, notamment des plus bas
salaires.
Un exercice d’autant plus difficile qu’il
n’a cessé, ces dernières années, de
s’enrichir de nouvelles inconnues. Les
DRH doivent intégrer la hausse du coût
du travail (notamment l’augmentation
du forfait social, passé de 8 à 20 % en
2012), scruter la fiscalité et parier sur les
perspectives d’activité, toujours incer-
taines. Côté syndicat, on s’efforce de
démêler l’inextricable mille-feuille des
rémunérations, toujours plus complexe.
« Lorsque les NAO ont été instaurées,
dans les années 1980, les termes du
débat étaient relativement clairs, analyse
Dominique Fruleux, du cabinet Syndex.
L’emploi était stable et l’inflation se situait
autour de 15 %. La négociation portait
essentiellement sur les augmentations
générales. Trente ans plus tard, le centre
de gravité des NAO s’est déplacé. Avec
une inflation plus de dix fois moins
19
Les cadres réclament
davantage de transparence
En matière de rémunération, la question de la
transparence touche en premier lieu les cadres, dont
la rémunération intègre une part de plus en plus
importante d’éléments individuels et variables. En 2011,
l’Apec* les a interrogés sur leur communication en matière de
rémunération. 56 % estiment qu’elle est mauvaise voire très
mauvaise. Parmi les principaux points à améliorer figurent,
sans surprise, les modalités d’obtention des augmentations
individuelles (42 %), les niveaux de salaires pratiqués dans
l’entreprise (32 %), la comparaison par rapport au marché
externe (24 %), la visibilité sur les grilles (21 %) et les écarts
de salaires par catégorie, par sexe etc. (20 %).
* Source :Apec, évolution de la rémunération des cadres, édition 2011.
élevée, la part des augmentations col-
lectives s’est considérablement réduite.
Les entreprises misent sur l’individuali-
sation, les primes et les périphériques
qui ne les engagent pas sur l’avenir. Ce
qui complique singulièrement la donne. »
Transparence et co-responsabilité
En dépit de cette segmentation des
rémunérations, certaines entreprises
demeurent attachées à l’approche col-
lective, à l’instar du Groupe Chèque
Déjeuner, pour qui la négociation sala-
riale annuelle ne constitue pas, du reste,
un point de fixation, mais une simple
étape dans un dialogue permanent
avec les différentes IRP. « La rémunéra-
tion est un élément de discussion parmi
d’autres, intégré dans une politique so-
ciale globale, co-construite tout au long
de l’année avec le CE, les délégués syn-
dicaux, le CHSCT et portant tout aussi
bien sur le temps de travail, les rémuné-
rations périphériques, la démarche RSE,
explique Aurélien Pérol, DRH France. En
tout état de cause, nous considérons
que la performance collective passe par
l’approche collective. »
Mais dans la plupart des entreprises,
l’enjeu porte bel et bien sur la question
de l’invidualisation, chez les cadres,
mais pas seulement. De ce point de
vue, la négociation 2013 menée chez
Electro Dépôt (1 200 salariés), filiale de
Boulanger spécialisée dans la vente dis-
count de produits électroménagers, est
assez représentative des choix opérés
cette année. « Nous avons procédé à
des hausses plus faibles que les années
précédentes, en allouant aux employés
une augmentation générale de 1  %,
assortie d’une enveloppe équivalente
d’augmentations individuelles, détaille
Stéphane Willmotte, son DRH. Pour
les cadres, il a été prévu une enveloppe
de 2 %, mais uniquement en augmen-
tations individuelles. » Ce choix a tout
d’abord suscité un blocage du côté des
délégués syndicaux. « Nous sommes a
priori contre l’individualisation, qui est
une porte ouverte aux discriminations
et soumets les salariés à l’arbitraire des
managers », explique Patrick Hernout
(FO). Les garanties de transparence
proposées par l’entreprise ont toutefois
levé les réticences. Côté encadrement,
un process collégial entre la direction, les
ressources humaines et les 52 maga-
sins a été mis en place pour contrôler la
bonne attribution de ces augmentations.
Le DRH s’est par ailleurs engagé à faire
un premier bilan quantitatif et qualitatif
en juin avec les délégués syndicaux sur
la base de critères précis établis
Les DRH doivent intégrer la hausse du coût
du travail, scruter la fiscalité et parier sur les
perspectives d’activité, toujours incertaines.
20
négociations salariales
pendant la NAO pour évaluer les aug-
mentations individuelles et les promo-
tions, par établissement, par magasin,
par manager. Un second rendez-vous en
octobre permettra de discuter, en fonc-
tion des résultats de l’entreprise, de la
prime annuelle et des réductions accor-
dées aux salariés sur l’achat de produits
Electro Dépôt. « Cette démarche a pour
objectif de montrer la volonté de l’en-
treprise de travailler dans un esprit de
co-responsabilité avec les partenaires
sociaux », précise Stéphane Willmotte,
qui a intégré quelques concessions au
package 2013 : instauration d’un jour de
repos supplémentaire par an, baisse de
5 % de la cotisation salariés sur la mu-
tuelle d’entreprise, recrutement de CDI
au lieu de CDD en cas d’ouvertures de
magasin, financement d’une formation
à la gestion d’un compte personnel...
L’accord a donc été trouvé sur la base
d’une confiance mutuelle, liée à l’histoire
de l’entreprise et à la proximité entre les
IRP et la direction. Il est vrai qu’Electro
Dépôt ne comptait encore que 50 sala-
riés il y a à peine dix ans.
La face cachée des NAO
La situation est toute autre dans des
entreprises, où le centre de décision est
plus éloigné des salariés, comme chez
Enersys, à Arras (750 salariés), l’une
des 5 filiales européennes du groupe
américain du même nom. En dépit de
l’engagement personnel du directeur
général délégué dans les NAO, au côté
du DRH, les possibilités demeurent très
restreintes, selon Christian Lemoine,
délégué syndical CFDT. « Chaque an-
née, nous savons qu’une enveloppe a
été déterminée à l’avance par le siège
et qu’il faudra faire avec, explique-t-il.
C’est aussi le groupe qui fixe notre ni-
veau de participation qui est, de fait, non
négociable. » Pour 2013, les IRP ont ob-
tenu de ne discuter que sur le seul terrain
des augmentations collectives, l’indivi-
dualisation et les primes ne concernant
plus que les cadres, très minoritaires.
Résultat de la négociation : 1,7 % d’aug-
mentation générale avec un plancher
minimum de 40 euros. Une mesure dont
se satisfait Christian Lemoine puisqu’elle
bénéficiera à plus de 80 % du person-
nel, dont les salaires sont globalement
bas. «  Mais le jeu n’en reste pas moins
faussé, poursuit le délégué syndical. En
l’absence de comité de groupe euro-
péen, nous échangeons très peu avec les
autres filiales, que ce soit sur les salaires
ou d’autres sujets. Comment raisonner
et construire une négociation crédible
avec des données qui nous viennent de
Pologne ou de Bulgarie, établies sur des
critères totalement différents des normes
sociales françaises ? »
La rémunération doit pouvoir être envisagée
et discutée dans sa globalité sur la base de
règles et de critères équitables clairement
posés.
21
Des règles du jeu dépassées ?
Les NAO, véritable outil de dialogue
social ou une simple chambre d’enre-
gistrement ? Sans doute y-a-t-il autant
d’approches que d’entreprises, mais
le fait est que chaque année, la marge
de négociation se fait de plus en plus
étroite, au point que certains s’interro-
gent sur le bien fondé de règles posées
il y a trente ans. A l’instar de Jean-
Christophe Sciberras, de l’ANDRH, pour
qui la meilleure temporalité n’est peut-
être pas annuelle et qui s’interroge sur
la définition même de « salaire effectif »
(voir interview p. 9). Pour Dominique
Fruleux, chez Syndex, la négociation
ne peut avoir de sens que si elle est
abordée autrement que par le prisme
du salaire de base, du pouvoir d’achat
et de la masse salariale. « La rému-
nération doit pouvoir être envisagée et
discutée dans sa globalité sur la base
de règles et de critères équitables clai-
rement posés. Ce qui est en jeu, c’est
la valeur accordée au travail. » (voir in-
terview ci-dessous) 
3 questions à...
Dominique Fruleux,
du cabinet Syndex
Dans un contexte où les
marges de manœuvre
salariales sont, de fait, très
limitées, que peuvent offrir
les DRH dans le cadre des
NAO ?
Dominique Fruleux : Tout d’abord, les marges
de manœuvre ne sont pas toujours réduites, mais
certaines entreprises ne jouent pas forcément le
jeu de la redistribution. Cela étant, les enveloppes
de rémunération sont globalement restreintes et les
DRH peinent à répondre aux attentes des salariés en
matière d’augmentation. Encore faut-il s’entendre sur
la notion de rémunération. Si l’on s’en tient au salaire
de base, la discussion ne va pas loin. Car aujourd’hui,
la part la plus importante de la rémunération est
ailleurs : dans les augmentations individuelles,
les primes, les bonus et autres avantages. Or ces
éléments sont très peu discutés en NAO.
Le salaire de base n’est donc plus le point central
de la négociation ?
D. F. : Il demeure primordial dans la mesure où il
conditionne d’autres éléments de salaire et au final,
les droits sociaux. Il impacte aussi directement le
pouvoir d’achat des bas salaires. Malheureusement,
il pèse de moins en moins lourd dans l’enveloppe
globale des rémunérations. Il est aussi fondamental
de savoir quels sont les autres éléments, comment
ils sont répartis, selon quels critères. La NAO est trop
souvent réduite à une simple gestion de la masse
salariale et aux préoccupations liées au pouvoir
d’achat, alors qu’elle devrait porter sur la rétribution
du travail dans toutes ses composantes.
Quels devraient être, selon vous,
les points de discussion ?
D. F. : Se focaliser sur un taux d’inflation proche de
zéro a peu d’intérêt. Ce qui est en jeu, c’est la valeur
du travail. Les partenaires syndicaux doivent pouvoir
exercer pleinement leur rôle en remettant à plat
avec la direction l’ensemble des mesures salariales.
Avancer des moyennes n’a aucun sens si l’enveloppe
allouée ne bénéficie qu’à 10 au 20 % des salariés.
L’entreprise doit fournir des données rationnelles,
avancer des indicateurs précis, justifier les écarts. Ce
qui importe, c’est la lisibilité, la cohérence des grilles
de rémunération et l’équité. Les entreprises ont tout
à y gagner car la compétitivité repose aussi sur la
reconnaissance et la confiance.
22
temps de travail
D
ès l’instauration des NAO, en
1982, le législateur a donné la
possibilité aux partenaires so-
ciaux et aux entreprises de négocier
sur la durée effective et l’organisation
du temps de travail. Mais le sujet, qui
cristallise tant de débats publics, reste
abordé de façon très superficielle dans
le cadre des NAO. « Les accords autour
des 35 heures ont été tellement difficiles
à négocier que, de part et d’autre de la
table, on préfère s’en tenir au consen-
sus plutôt que de rouvrir un dossier à la
fois épineux et très technique », explique
Fabrice Elustondo, consultant au cabi-
net Sextant Expertise. Même les me-
sures d’assouplissement inscrites dans
la loi Fillon de 2003 ont été très peu mo-
bilisées par les entreprises. « Le droit re-
latif au temps de travail a subi tellement
de modifications et de dispositions dé-
rogatoires qu’il est devenu un véritable
puzzle, analyse Michel Miné*, juriste et
professeur en droit du travail au Cnam
Prudence et
jurisprudence...
En matière d’organisation du temps de travail, tout ou presque est
devenu négociable. Mais l’enchevêtrement juridique est tel que la
liberté accordée par le législateur impose un surcroît de prudence
lors de la conclusion d’accords.
(voir interview). En dépit des postures
idéologiques au sujet des 35 heures,
tout le monde préfère s’en tenir à l’une
des rares normes communes qui sub-
siste encore, à savoir la durée légale. »
Insécurité juridique
De fait, au nom de la flexibilité, le droit
est devenu de plus en plus négociable.
Les accords d’entreprise ou de branche
ont d’abord pris le pas sur la loi, puis
sont devenus dérogatoires entre eux,
affaiblissant le rôle des conventions col-
lectives. En 2012, enfin, la loi Warsmann
a consacré la primauté de l’accord d’en-
treprise sur le contrat de travail. « C’est
finalement une responsabilité très lourde
qui est ainsi transférée aux acteurs de la
négociation, poursuit Michel Miné. Toute
la question est de savoir s’ils ont la ca-
pacité technique de négocier un accord
pleinement conforme à la légalité. »
Car, en la matière, la liberté de négocier
n’est pas forcément synonyme de sim-
plicité et les incohérences entre le droit
français et le droit européen sont telles
que le Code du travail ne constitue plus
l’unique référence. Le danger : signer
des accords dont la validité peut être
Les non conformités entre le droit français
et le droit européen sont telles que le Code
du travail ne constitue plus l’unique référence
en matière de temps de travail.
Voir p. 34
3 questions à...
Michel Miné,
juriste, professeur de
droit du travail au Cnam
Pourquoi la question du temps
de travail est-elle si complexe ?
Michel Miné : D’abord parce que
c’est un sujet éminemment transversal qui renvoie tout à la
fois à des questions de rémunération, de santé au travail et
peut engendrer des situations discriminatoires, par exemple
en matière d’égalité hommes/femmes. Lorqu’une entreprise
signe un accord, elle doit envisager toutes ces questions.
Une autre difficulté forte réside dans la non conformité
du droit français à l’égard du droit européen sur plusieurs
points importants. Si l’entreprise s’en tient aux seules
dispositions du Code du travail, elle risque un contentieux
pouvant notamment aboutir à priver d’effet des dispositions
conventionnelles et à annuler des dispositions contractuelles,
comme cela est arrivé récemment à une entreprise relevant
du Syntec (voir article ci-contre).
Comment expliquer cet état de fait ?
M. M. : D’un côté, le législateur a démultiplié les possibilités
de dérogation à la loi via des accords collectifs. De l’autre,
les pouvoirs publics ne se montrent pas très respectueux
des engagements internationaux sur la question du temps
de travail. Un seul exemple : le Comité européen des droits
sociaux a conclu à plusieurs reprises (2004, 2010) à la
violation par la France de la Charte sociale européenne
concernant les forfaits en jours et les astreintes, mais la loi
n’a pas été mise en conformité depuis…
Comment sortir de cette insécurité juridique ?
M. M. : Il faut prendre conscience que la liberté et la
souplesse octroyées en matière de négociation du temps de
travail implique un surcroît de responsabilités. Dès l’instant
où l’accord supplée à la loi, il se doit d’être complet, de
répondre à toutes les questions et d’être conforme tout
à la fois au Code du travail, au droit européen et au droit
international. À défaut, il peut être attaqué par un salarié
s’estimant lésé et entraîner des coûts importants. Les
entreprises et les partenaires sociaux n’en ont pas toujours
conscience, notamment dans les PME. Seule la formation
permet d’éviter ces écueils.
23
remise en cause à tout instant au risque
de voir l’employeur, même s’il est de
bonne foi, condamné à un lourd rappel
d’heures supplémentaires, voire au paie-
ment de dommages et intérêts... Selon
Michel Miné, si le nombre de contentieux
prud’homaux est en baisse, les affaires
portées devant les tribunaux de grande
instance pour accords non licites sont
de plus en plus nombreuses.
Des accords invalidés
Une entreprise relevant de la convention
collective nationale (CCN) signée par le
Syntec vient d’en faire la douloureuse
expérience. Elle s’est vue condamnée
pour avoir signé avec une salarié une
convention individuelle de forfait jour
certes conforme à la CCN Syntec et au
droit français, mais contraire à la Charte
sociale européenne… Un arrêt de la
Cour de cassation prononcé en avril der-
nier a conclu que la CCN Syntec n’ap-
portait pas de garantie pour assurer la
protection de la sécurité et de la santé de
la salariée. Considérant que l’employeur
aurait dû prévoir des dispositions spéci-
fiques (amplitude, charge et répartition
du travail dans le temps) dans son ac-
cord d’entreprise pour la mise en place
du forfait jour, la convention individuelle
a été invalidée et l’entreprise condam-
née à payer les heures supplémentaires
effectuées au-delà de la durée légale
hebdomadaire. Encore ne s’agit-il pas
là d’un cas isolé. D’autres entreprises
dans d’autres branches d’activités,
comme les industries de la chimie ou
les commerces de gros, se sont vues
ainsi épinglées pour les mêmes raisons.
La liberté de négocier s’avère donc au
final un véritable cadeau empoisonné
et complexifie davantage la tâche des
DRH et des partenaires sociaux désireux
d’inscrire le sujet à l’ordre du jour.
24
temps de travail
I
ndividualisation et flexibilité. Tels
sont les mots-clés qui prévalent
aujourd’hui dans toute négocia-
tion relative à l’organisation du temps
de travail. Comme pour les salaires, la
norme collective fait de moins en moins
autorité. De dérogation en dérogation,
la législation uniforme sur les temps de
travail s’est progressivement émiettée
(voir article p. 22) au point que la notion
même d’« heures de bureau » devient
incertaine. La tâche des DRH et des
instances représentatives du personnel
n’en est que plus ardue lorsqu’il s’agit
de négocier. Côté entreprise, l’objectif
est d’optimiser la productivité, d’amor-
tir les équipements, de mieux gérer les
Quand l’individuel
prime sur le collectif
À côté des traditionnels débats sur le temps partiel et les heures
supplémentaires, l’organisation du travail doit, de plus en plus, intégrer
de nouveaux enjeux sociétaux, qui dépassent le cadre des NAO.
variations d’activité, de répondre aux
attentes de plus en plus exigeantes
des clients (par exemple sur le travail
dominical dans le commerce)... Côté
syndicats, le débat se cristallise autour
des heures supplémentaires, des condi-
tions de travail et du phénomène global
d’intensification, générateur de risques
psychosociaux.
Travail décloisonné
À cette équation déjà complexe s’ajoutent
de nouveaux facteurs : le renforcement
desobligationslégalesenmatièred’égalité
professionnelle, l’émergence du droit à la
parentalité pour les hommes comme pour
les femmes, et plus, globalement, l’aspi-
ration des salariés à un meilleur équilibre
entre la vie privée et la vie professionnelle.
Enfin, le phénomène de la portabilité, in-
duit par le développement des nouvelles
technologies, a totalement décloisonné la
sphère professionnelle et la sphère privée,
créant une véritable zone grise entre l’en-
treprise et le domicile. Cette tendance,
portée par la fameuse « génération Y »,
née dans les années 1980 – bientôt suivie
de la « génération Z », jugée plus volatile
encore – ne fera que s’accentuer dans les
années à venir.
25
Dans ce contexte, le cadre de négocia-
tion annuelle posé dans les années 1980
semble bien étroit. La problématique
du temps de travail dépasse de loin la
seule question des heures supplémen-
taires et des congés. L’innovation RH
a donc de beaux jours devant elle...
Depuis quelques années, quelques
grands groupes comme Alstom, France
Télécom ou Areva ont ainsi ouvert la voie
vers la signature d’accords spécifiques
dédiés à l’équilibre vie privée/vie profes-
sionnelle, intégrant des aménagements
d’horaires, l’organisation des temps de
réunion et des déplacements, le temps
partiel « choisi »... Encore ces mesures
restent-elles très liées aux thématiques
de l’égalité hommes/femmes et de la
parentalité. C’est donc davantage la vie
familiale que la vie privée des salariés qui
est envisagée.
Le télétravail en hausse
Par ailleurs, le télétravail, déjà inscrit
dans l’Accord national interprofession-
nel de 2005 et désormais encadré par
la loi du 22 mars 2012, se développe
de plus en plus, en dépit de résistances
patronales et managériales et de cer-
taines méfiances syndicales. Selon
LBMG Worklabs, il concernerait au-
jourd’hui 14,2 % des salariés français
(voir encadré). Chez Groupama Rhône-
Alpes-Auvergne, le dossier a été abordé
« avec prudence et pragmatisme », selon
les termes de Blaise Barbance, directeur
du développement RH. Deux années
d’expérimentation et de mise en place
ont conduit à la signature, en 2011,
d’un accord triennal dont bénéficient
aujourd’hui une cinquantaine de sala-
riés, soit 2,5 % du personnel. « Depuis
plusieurs années, il y avait une réelle at-
tente, notamment en raison de temps de
transports quotidiens disproportionnés.
Le télétravail n’a pas révolutionné l’en-
treprise, il s’inscrit totalement dans notre
pacte social. Mais il repose aussi sur un
intérêt partagé. La formule permet une
grande souplesse dans la planification.
Par exemple, certains de nos gestion-
naires d’assurance en télétravail font le
choix d’horaires décalés, en fin d’après-
midi ou le samedi matin, ce qui corres-
pond à la demande des clients. » Pour
Blaise Barbance, le télétravail constitue
non seulement un « germe d’évolution »
vers un management plus individualisé,
reposant sur des objectifs négociés,
mais aussi un formidable levier de moti-
vation et de remobilisation des collabo-
rateurs concernés.
Plus d’un salarié sur 10
serait télétravailleur
Le retard de la France en matière de télétravail serait
un mythe. C’est du moins ce qu’affirme le cabinet LBMG
Worklabs, qui accompagne les entreprises dans la mise en
œuvre de cette nouvelle forme d’organisation. À partir d’une
analyse des études publiées sur la décennie 2000-2010,
LBMG Worklab conclut que 14,2 % des salariés français sont
télétravailleurs au sens légal du terme. Le chiffre atteint 17 %
si l’on inclut les indépendants et les « faux télétravailleurs ».
Et l’émergence d’un nouveau type de salariés, les
« intrapreneurs » (plus autonomes, plus responsables,
plus innovants) ne fait que commencer si l’on en croit les
promoteurs du Livre Blanc sur le télétravail et les nouveaux
espaces de travail, publié au printemps dernier à l’issue du
Tour de France 2012 du Télétravail. Il est consultable sur le
site www.tourdefranceduteletravail.fr
Le développement des nouvelles
technologies a totalement décloisonné la
sphère professionnelle et la sphère privée,
créant une véritable zone grise entre
l’entreprise et le domicile.
26
Égalité professionnelle
«À travail égal… salaire égal ».
La formule ne date pas d’hier,
puisqu’elle a été inscrite dans la loi dès
1972. Depuis lors, le long chemin devant
mener à l’instauration d’une égalité pro-
fessionnelle effective entre les hommes
et les femmes dans l’entreprise est ja-
lonné de mesures législatives plus ou
moins coercitives : 1983, instauration du
rapport de situation comparée ; 2001,
obligation de négocier au niveau de l’en-
treprise et des branches ; 2006, objectif
de suppression des écarts de rémunéra-
tions à échéance du 31 décembre 2010.
Mais à la date annoncée, le compte n’y
est toujours pas : une nouvelle loi im-
pose à toutes les entreprises de plus de
50 salariés d’établir, avant janvier 2012,
un accord collectif ou à défaut, un plan
Égalité
professionnelle :
les écarts persistent
En dépit des obligations
légales, l’égalité
professionnelle reste
traitée de façon marginale
dans le cadre des NAO.
Quarante ans après
l’instauration du principe
d’égalité entre les
hommes et les femmes
face au travail, la question
est loin d’être résolue.
d’actions. Pour la première fois, le légis-
lateur assortit l’obligation de sanctions
financières pouvant atteindre 1 % de la
masse salariale. La menace demeure
inopérante : début 2013, les services
de la Dirrecte sont chargés de réaliser
un contrôle systématique, sur pièces :
plus de 300 entreprises sont rappelées à
l’ordre. Deux PME sont même condam-
nées à payer. Selon le ministère des
Droits des femmes, cette politique de
fermeté commencerait à porter ses fruits
puisque 1 600 accords ou plans d’ac-
tions auraient été déposés au 15 mai
2013. L’écart des salaires hommes/
femmes n’en persiste pas moins, qua-
rante ans après la première loi instaurant
le principe d’égalité. Il se situe toujours,
en France, autour de 20 %, comme le
27
Un salaire égal pour
un travail de valeur égale
Qui, de la caissière de supermarché et du magasinier
déploie le plus d’efforts physiques dans une journée ?
Qui de l’assistante de direction et du technicien de
maintenance mobilise le plus de compétences ? Si
l’on s’en tient à la stéréotypie sexuée qui prévaut encore
aujourd’hui, les emplois traditionnellement féminins
sont systématiquement sous-évalués. Les femmes ne
mobiliseraient que des « qualités naturelles », là où les
hommes déploieraient technicité et compétences. À l’appui
de réflexions menées dans différents pays, le Défenseur
des Droits bat en brèche cette approche fondamentalement
discriminatoire. Publié en mars dernier, le Guide pour une
évaluation non discriminante des emplois à prédominance
féminine* pointe les limites des méthodes de classification
en vigueur et ouvre des pistes de réflexion pour une
évaluation plus équitable de la valeur réelle du travail
féminin.
* Le guide est disponible en PDF sur le site www.defenseurdesdroits.fr
constatait encore début 2012 le Bilan de
l’application des dispositifs promouvant
l’égalité professionnelle entre femmes
et hommes publié par le Conseil écono-
mique social et environnemental (Cese)*.
Des emplois sous-qualifiés
« Depuis les années 1990, constate
Maryse Dumas, syndicaliste CGT et
co-rédactrice de ce bilan, les écarts ont
cessé de se réduire à mesure que se
sont développés les emplois précaires et
plus particulièrement le temps partiel. »
De fait, les femmes restent majoritaire-
ment moins qualifiées et plus vulnérables
face à l’emploi. Les chiffres présentés
lors de la Grande Conférence sociale de
2012 sont patents : les femmes repré-
sentent 80 % des salariés à temps partiel
et 62 % de la main d’œuvre non qualifiée.
L’introduction de la question de l’égalité
dans les NAO a certes suscité une prise
de conscience, mais les effets se font
attendre car l’inertie persiste, aussi bien
du côté des directions que du côté des
organisations syndicales. Il est vrai que le
phénomène dépasse largement le cadre
de l’entreprise. « Ce qui est en cause,
poursuit Maryse Dumas, c’est la ségré-
gation dans l’emploi. Il y a un ancrage
culturel profond : les femmes restent
traditionnellement confinée dans des
métiers ou des filières peu valorisées. »
Dans le même ordre d’idée, François
Fatoux, délégué général de l’Observa-
toire de la Responsabilité Sociétale des
Entreprises (ORSE), très engagé sur la
question de l’égalité professionnelle*,
pointe l’écrasante prééminence des
modèles managériaux masculins (voir
interview p. 29).
Dans ces conditions, le focus annuel
porté sur le sujet à travers l’analyse du
rapport de situation comparée (RSC) –
du reste négligé par plus de la moitié des
entreprises – demeure très restrictif. S’il
constitue un outil indispensable pour
mesurer la situation des femmes dans
l’entreprise, le RSC ne se suffit pas à lui-
même. « C’est une photographie à l’ins-
tant T. Ce qui importe davantage, c’est
de “refaire le film”, d’analyser les raisons
de l’inégalité pour engager des actions
correctives », explique Maryse Dumas.
Dans cette optique, l’attribution d’une
simple enveloppe de rattrapage salarial
pour compenser les écarts n’est qu’une
mesure parmi d’autres. Elle peut même,
parfois, s’avérer contre-productive si elle
intervient au détriment de l’ensemble
des salariés.
Il y a un ancrage culturel profond : les femmes
restent traditionnellement confinée dans des
métiers ou des filières peu valorisées.
Voir p. 34
28
Accords et labellisation
Depuis 2005, Sagemcom, groupe fran-
çais de haute technologie (1 300 sala-
riés en France), procède chaque année
à ce type de rééquilibrage dans le cadre
de la NAO. Mais cette disposition s’ac-
compagne d’un effort de promotion
professionnelle, indispensable dans ses
métiers à forte dominante masculine.
S’appuyant sur ses premières expé-
riences, l’entreprise a renforcé sa dé-
marche, fin 2012, par la signature d’un
accord égalité professionnelle sur trois
ans. La feuille de route comprend des
mesures en matière d’embauche à sa-
laire égal, de sensibilisation des RH et
du management, d’évolution profession-
nelle via la formation et le repositionne-
ment des collaboratrices sur l’ensemble
des classifications. Elle prend également
en compte l’équilibre vie privée/vie pro-
fessionnelle. « Il ne s’agit plus seulement
de corriger des écarts existants, mais
bien de s’engager durablement dans une
dynamique d’équilibre, explique Michel
Brunet, le DRH. Cela suppose d’œu-
vrer à tous les niveaux pour favoriser la
mixité, analyser et corriger les inégalités
salariales, surveiller les augmentations
annuelles et accompagner les collabo-
ratrices vers des postes d’encadrement
en levant le verrou de l’autocensure. » Si
un dispositif de suivi a été mis en place
autour de l’accord, le sujet n’en reste
pas moins inscrit à l’ordre du jour des
NAO. « Nous continuons à prendre des
mesures de rééquilibrage salarial. Nous
avons même constaté, en 2013, que,
dans certains cas, elles concernaient
aussi des hommes ! Ce qui démontre
que l’égalité de traitement ne s’exerce
pas à sens unique », souligne le DRH.
Autre problématique, autre approche
pour SFD (2 500 salariés), distributeur
de solutions mobiles pour SFR. En
2009, l’entreprise a abordé la ques-
tion de l’égalité hommes/femmes sous
l’angle plus large de la diversité. Elle a
tout d’abord signé un accord sur l’égalité
des chances, puis s’est engagée dans
une démarche de labellisation sur l’éga-
lité professionnelle avec l’AFNOR, qui lui
a permis de mieux structurer ses actions
en direction des femmes. « Chez SFD,
la parité existe au niveau des effectifs,
résume Fabienne Glatt-Quintana, direc-
trice des ressources humaines. Tout l’en-
jeu pour nous est d’ancrer l’égalité dans
la culture de l’entreprise et de garantir
l’équité dans la gestion RH et le manage-
ment. » Sur la base du RSC, enrichi par
le cahier des charges du label « Égalité »,
l’entreprise œuvre en faveur de l’équilibre
des salaires et des recrutements, notam-
ment sur les métiers les moins féminisés.
Mais l’essentiel de son action porte sur
une meilleure prise en compte de la pa-
rentalité et le souci de concilier vie pro-
fessionnelle et vie privée. « Nous sommes
parvenus à faire de la maternité un non-
événement, d’une part en sensibilisant et
Il ne s’agit plus seulement de corriger des
écarts existants, mais bien de s’engager
durablement dans une dynamique d’équilibre.
Égalité professionnelle
29
en accompagnant le management sur le
sujet, d’autre part en déployant tout un
dispositif autour des départs et retours
de congé maternité : aménagements du
temps de travail sans perte de salaire,
entretien, accompagnement et formation
au retour pour faciliter la réintégration... »
Chaque année, la NAO est l’occasion de
faire le point sur les avancées avec les
partenaires sociaux sur la base d’indica-
teurs précis et de prendre des mesures
ponctuelles complémentaires, via, par
exemple, la mobilisation du CESU pour
les gardes d’enfants.
La longue marche vers l’égalité n’en est
pas pour autant terminée, comme en
témoignent les longs débats autour du
nouvel accord national interprofessionnel
sur la qualité de vie au travail et l’égalité
professionnelle. Arrêté mi-juin 2013, le
projet d’accord pourrait s’accompagner
de nouvelles dispositions législatives. 
Références : voir p. 34
3 questions à...
François Fatoux,
délégué général de l’ORSE
L’ORSE est un observateur
attentif des évolutions
relatives à l’égalité
professionnelle. Quel
constat dressez-vous
aujourd’hui sur le sujet ?
François Fatoux : La mobilisation des acteurs
publics et des très grandes entreprises est indéniable.
Nul n’ignore plus le sujet. Mais les résultats sont
largement insuffisants. Les écarts demeurent et
de nombreuses résistances subsistent dans les
entreprises comme au sein des organisations
syndicales, car la question de l’égalité professionnelle
est encore trop souvent considérée comme une
affaire de femmes. L’idée persiste aussi que l’égalité
ne pourrait s’opérer qu’au détriment de la population
masculine. Le cheval de bataille de l’ORSE est de
démontrer qu’elle intéresse au contraire tous les
salariés et doit mobiliser les hommes.
En quoi les hommes sont-ils directement
concernés ?
F. F. : Il est désormais reconnu que tous les dispositifs
concernant l’équilibre vie privée/vie professionnelle
ou la parentalité concernent aussi bien les femmes
que les hommes. Mais ces derniers peinent encore
à mobiliser les mesures qui leur sont proposées.
Par exemple, près de 97 % des congés parentaux
sont demandés par des femmes contre seulement
2 ou 3 % par des hommes. Cela s’explique par
la prééminence des normes masculines dans
l’entreprise. Un homme qui demande à quitter plus
tôt pour aller chercher ses enfants à l’école est tôt ou
tard soupçonné d’être démotivé ou de préparer son
départ de l’entreprise.
Comment faire évoluer les mentalités ?
F. F. : Il faut réinterroger les systèmes de
management, analyser et dépasser ces fameuses
normes masculines, qui reposent sur l’infaillibilité,
la compétition, la maîtrise des émotions. Les deux
dernières publications de l’ORSE* portent sur cette
question. À l’appui de travaux scientifiques, nous
démontrons que l’injonction à la virilité est source
de coûts énormes pour l’entreprise (présentéisme,
risques psycho-sociaux, comportements addictifs,
accidents) et que l’engagement en faveur de l’égalité
hommes/femmes est l’opportunité de réfléchir à
des organisations plus respectueuses de l’individu.
La reconnaissance d’un droit à la fragilité - pour
une femme enceinte, un père divorcé, un salarié
surendetté, un aidant familial - est aussi un facteur de
performance.
Voir p. 34
30
Emploi et handicap
L’obligation d’emploi des tra-
vailleurs handicapés (OETH) a
plus de 25 ans, mais elle n’est réelle-
ment devenue un sujet d’échange entre
les entreprises et les instances représen-
tatives du personnel (IRP) qu’à partir de
2005, année où elle s’est invitée à la table
des négociations annuelles obligatoires.
« Jusqu’alors, beaucoup d’entreprises
focalisaient leur attention sur le montant
de leur contribution annuelle à l’Agefiph.
L’emploi des personnes handicapées
n’était pas un sujet abordé en tant que
tel. », explique Valérie Tran (voir interview
p. 32)*. Pour la directrice générale du
cabinet Ariane Conseil, l’obligation de
négocier a fait entrer les directions et
les partenaires sociaux dans un cercle
vertueux en les amenant à s’interroger
chaque année sur leur situation concrète
en matière d’accès à l’emploi, de for-
mation, de promotion professionnelle,
Le handicap, au-delà
de la question des quotas
Depuis son inscription à
l’ordre du jour des NAO,
en 2005, le handicap est
devenu pour l’entreprise
et les partenaires
sociaux un vrai sujet de
réflexion, ouvrant sur de
nombreuses possibilités
d’actions.
de conditions de travail et de maintien
dans l’emploi des personnes handica-
pées. « Cela a induit une approche plus
qualitative du sujet et incité les entre-
prises à la réalisation de diagnostics, ce
qui constitue déjà un début d’action. »
Des modalités d’engagement
progressives
La marge de manœuvre laissée aux
entreprises en matière de handicap est
assez large. Elles peuvent s’orienter vers
des actions ponctuelles, tout en conti-
nuant à s’acquitter de leur contribution
annuelle. C’est ainsi que de nombreuses
entreprises s’efforcent par exemple
de développer des marchés de sous-
traitance avec les secteurs protégés
et adaptés pour atténuer le poids de la
contribution. La loi de 2005 a par ailleursVoir p. 34
31
Une obligation d’emploi renforcée depuis 2005
de 20 à 199
salariés :
400 fois
le SMIC horaire
soit 3 772 €
de 200 à 749
salariés :
500 fois
le SMIC horaire
soit 4 715 €
plus de 750
salariés :
600 fois
le SMIC horaire
soit 5 658 €
Le calcul de la contribution à l’Agefiph, par unité manquante
et par an en fonction du nombre de salariés
(sur le base du SMIC horaire au 1er
janvier 2013 : 9,43 €)
L’engagement de l’entreprise en
matière d’emploi des personnes
handicapées est « sanctionné » par le
montant de la contribution annuelle
versée à l’Agefiph, proportionnel au
nombre d’unités manquantes pour
atteindre le taux d’emploi légal de 6 %.
Calculé sur la base du SMIC horaire, il
est multiplié par un coefficient variable
selon la taille de l’entreprise.
Une entreprise n’ayant réalisé aucune
action pendant plus de trois ans voit ce
coefficient porté à 1 500 fois le SMIC
horaire, soit 14 145 euros par unité
manquante.
introduit un système de déductions liées
aux dépenses engagées sur certaines
actions (sensibilisation, communication,
travaux d’accessibilité, études et aména-
gements de poste etc.), dans la limite de
10 % de la contribution.
Mais ces initiatives n’engagent pas for-
mellement l’entreprise sur une politique
d’emploi des personnes handicapées et
ne permettent pas de mobiliser efficace-
ment les différents acteurs sur le sujet.
L’étape suivante passe par une véritable
contractualisation et la définition d’un
plan d’actions annuel ou pluriannuel. Là
encore, plusieurs choix sont possibles.
L’entreprise peut s’orienter vers la signa-
ture d’une convention avec l’Agefiph. À
l’issue d’une démarche de diagnostic,
financée par l’Agefiph, est négocié un
programme d’actions sur deux ans
s’appuyant sur des objectifs chiffrés et
prévoyant le déploiement des moyens
humains et financiers nécessaires à sa
réalisation. L’entreprise bénéficie ainsi
d’un accompagnement, d’aides finan-
cières, mais elle continue à s’acquitter
de sa contribution annuelle. En principe,
les partenaires sociaux n’interviennent
pas directement dans le processus de
négociation de la convention, mais ils
sont généralement associés, notam-
ment pendant la phase de diagnostic et
lors de la restitution de ce dernier.
L’autre option consiste en la signature
d’un accord qui engage l’entreprise sur
un plan d’actions complet de trois ans,
agréé par la Direccte. Il inclut tous les
axes structurant une politique d’emploi
des personnes handicapées (recrute-
ment, formation, maintien dans l’emploi,
sous-traitance, communication-sensibi-
lisation) et fixe, pour chacun d’eux, des
objectifs précis, un accent particulier
étant porté sur le recrutement. Cet ac-
cord dit libératoire exonère l’entreprise
de la contribution annuelle à l’Agefiph,
mais l’oblige à réserver un budget équi-
valent pour financer sa politique
Bien souvent, la signature d’une convention
avec l’Agefiph constitue un premier pas avant
la signature d’un accord.
32
Emploi et handicap
handicap. Dans le même temps, elle
renonce aux aides de l’Agefiph.
Acquérir une maturité
sur le thème du handicap
Bien souvent, la signature d’une conven-
tion Agefiph constitue un premier pas
avant la signature d’un accord. C’est
précisément ce choix qu’a fait l’entre-
prise Assystem. « Lorsque nous avons
signé notre première convention1
, en
2007, nous souhaitions nous faire ac-
compagner pour acquérir un premier ni-
veau d’expérience sur le sujet, explique
Emmanuelle Capiez, sa DRH. Avant
d’envisager un accord négocié avec les
partenaires sociaux, il nous fallait ac-
quérir une culture commune, nous ap-
puyer sur des réalisations concrètes. »
Différentes réorganisations de l’entre-
prise ont retardé le passage à un accord,
qui n’est intervenu que fin 2012. « La
période de convention nous a permis
de constater qu’il était possible d’inté-
grer le handicap dans la vie courante de
l’entreprise, y compris dans le contexte
très spécifique d’Assystem, qui recrute
à des niveaux élevés et détache 70 %
de ses collaborateurs chez des clients.
Forts de ces réussites, nous avions toute
3 questions à...
Valérie Tran,
directrice générale du cabinet Ariane Conseil
Quel est, selon vous, le
principal mérite de l’entrée
du handicap dans les NAO ?
Valérie Tran : L’obligation
de négocier a permis à
l’entreprise d’aborder le
sujet autrement que sous l’angle de l’obligation
d’emploi. Elle invite d’abord la direction et les IRP à
redéfinir ce qu’est le handicap et à dépasser les idées
reçues. Elle les conduit ensuite à partager leur vision
de la situation et les amène souvent à engager une
démarche de diagnostic ainsi que le préconisent les
textes.Ainsi, l’emploi des personnes handicapées n’est
plus seulement une question de quotas. Il devient un
vrai sujet RH et constitue l’un des fondements de la
politique RSE de l’entreprise. Etablir un état des lieux ne
peut qu’inciter les directions et les partenaires sociaux
à agir autrement que d’un point de vue strictement
comptable.
La loi prévoit différentes modalités d’action,
comment choisir ?
V. T. : C’est un choix stratégique à opérer en fonction de
nombreux critères tels que le contexte de l’entreprise,
son degré de maturité par rapport au sujet, la qualité
de son dialogue social. D’où l’importance du diagnostic
qui permet de mesurer les tenants et les aboutissants,
d’identifier les freins et les leviers et d’opter entre des
actions ponctuelles ciblées ou un engagement plus
formel, via une convention Agefiph ou un accord. La
démarche doit être progressive, l’accord négocié agréé
par la Direccte constituant la phase ultime. Il requiert
une vraie maturité sur le sujet et une forte implication
de l’ensemble de la ligne hiérarchique.
En période de crise, le handicap ne risque-t-il pas
d’être relégué au rang de sujet secondaire ?
V. T. : Bien sûr, des sujets comme la préservation de
l’emploi et la compétitivité peuvent être considérés
comme plus importants. Cela étant, les grands groupes
mesurent aujourd’hui son importance en termes
d’image et ses enjeux. Mais c’est aussi un sujet
transversal qui en interroge d’autres, comme celui de la
santé au travail. Les réflexions sur les aménagements
de poste ou le maintien dans l’emploi inhérentes
à toute politique handicap touchent l’ensemble du
collectif de travail. Outre la santé au travail, le handicap
s’inscrit aussi dans une démarche d’ouverture à la
diversité et de RSE, dont les entreprises ne peuvent
plus faire l’économie.
33
la maturité pour négocier et définir des
objectifs réalistes car nous savions pré-
cisément comment agir et avec quels
moyens », commente la DRH, tout en
précisant que les représentants du per-
sonnel ont bénéficié d’une formation
spécifique sur le handicap.
Les IRP acteurs de la politique
handicap
L’enjeu de la sensibilisation est en effet
primordial, tant pour le personnel et le
management que pour leurs représen-
tants, amenés à jouer un rôle actif dans
le déploiement et le suivi d’un accord.
Si la plupart des grandes organisations
syndicales sont aujourd’hui position-
nées sur la thématique du handicap,
l’appropriation du sujet par les délégués
syndicaux, les élus du CHSCT et du CE
demeure incontournable. Pour Guesmia
Domèche, délégué syndical chez
Orange RSI France, le meilleur levier
reste l’engagement des collaborateurs
handicapés eux-mêmes. « C’est une
question de légitimité, explique ce mili-
tant SUD, lui-même paraplégique. À titre
personnel, j’ai connu toutes les galères,
le chômage, les stages, les refus d’em-
bauche. Mon expérience peut être utile
à l’entreprise et à mes collègues. C’est
ce qui a déterminé mon engagement. »
Également membre du CE RSI, Guesmia
Domèche y a participé à la création d’une
commission spécialement dédiée au han-
dicap, devenue au fil du temps un acteur
à part entière de la politique du groupe,
qui prépare cette année la signature d’un
cinquième accord. «  Au début, notre
intervention consistait principalement à
veiller à l’accès des collaborateurs handi-
capés aux actions sociales et culturelles,
mais elle s’est structurée au fur et à me-
sure de l’arrivée d’autres membres en si-
tuation de handicap. » Toutes obédiences
confondues, la Commission Handicap du
CE RSI compte aujourd’hui une douzaine
de membres, dont près de la moitié ont
le statut de travailleurs handicapés. Elle
analyse chaque année le bilan handicap
de l’entreprise, formule régulièrement
des propositions à la direction, intervient
auprès des différentes directions des
ressources humaines lorsque lui sont
signalées des situations difficiles de sa-
lariés handicapés, et œuvre activement
à la sensibilisation de l’ensemble des
acteurs internes. « En 2008, la commis-
sion a réalisé un DVD pour expliquer leurs
droits au salariés handicapés, explique
Jean-Luc Fischer (CFDT), son actuel
président. Cette année, nous travaillons
à la réalisation d’une série de films courts
humoristiques, intitulée TH ou quoi ? et
destinée aussi bien à l’interne qu’à l’ex-
terne. Notre expérience montre que les
idées reçues sont tenaces et qu’il faut
sans cesse agir pour faire évoluer les re-
gards. Le handicap est devenu un vrai
sujet pour les syndicats, mais les élus
ne mesurent pas toujours la réalité des
situations vécues par les collaborateurs
handicapés. Personnellement, c’est par
le biais d’un mandat au CHSCT que j’ai
pris conscience de l’étendue du sujet. » 
1. Depuis 2011, les conventions signées avec
l’Agefiph ne sont plus renouvelables, sauf situation
exceptionnelle. Pour en savoir plus : www.agefiph.fr
Références : voir p. 34
12 100entreprises ont
signé un accord agréé sur l’emploi des
personnes handicapées, ce qui représente
9,4 % des entreprises assujetties à l’OETH.
(Chiffre Dares, 2012)
34
RAPPORTS ET ÉTUDES
Les obligations et incitations portant sur la négociation collective,
Centre d’analyse stratégique, la Note d’analyse n° 240, septembre
2011. www.strategie.gouv.fr
Hommes, sujets et acteurs de l’égalité, 2013.
Le poids des normes dites masculines sur la vie professionnelle
et personnelle d’hommes du monde de l’entreprise, 2012.
Etat des lieux des pratiques de négociation sur le télétravail dans
les entreprises en France, 2011. www.orse.fr
Pratiques d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes
dans les entreprises. Un portail internet complet réalisé par l’ORSE.
www.egaliteprofessionnelle.org
Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à
prédominance féminine, 2013. www.defenseurdesdroits.fr
Attitudes et comportements des entreprises en matière d’égalité
professionnelle - L’égalité professionnelle entre les hommes et les
femmes, état des lieux 2012 - Etude APEC - Mai 2012. www.apec.fr
Bilan de l’application des dispositifs promouvant l’égalité
professionnelle entre femmes et hommes, par Sylvie Brunet et
Maryse Dumas, 2012. www.lecese.fr
Dossier documentaire de la Grande Conférence sociale - juillet 2012.
http://travail-emploi.gouv.fr
Livre Blanc sur le télétravail et les nouveaux espaces de travail,
2012. www.tourdefranceduteletravail.fr
pour en savoir plus
ACTEURS ET ORGANISMES
Les sites Internet des organismes
mentionnés ci-dessous
proprosent en consultation
ou en téléchargement libre
d’importantes ressources sur les
différentes thématiques abordées
dans ce livret : études chiffrées,
enquêtes, guides pratiques,
recueils d’expériences...
ANDRH (Association nationale des
directeurs des ressources humaines)
www.andrh.fr
AGEFIPH (Association pour la
gestion du fonds pour l’insertion
professionnelle des personnes
handicapées)
www.agefiph.fr
Obergo (Observatoire du télétravail,
des conditions de travail et de
l’ergostressie)
www.ergostressie.com
Observatoire de la parentalité
www.observatoire-parentalite.com
Orse (Observatoire de la
responsabilité sociétale des
entreprises)
www.orse.org
OUVRAGES
Gilles Bélier et Henri-José Legrand - La Négociation collective en
entreprise - Nouveaux acteurs, nouveaux accords, 4 ans après la loi
d’août 2008 - Editions Liaisons, 2012.
Sylvie Liberti et Valérie Tran - La Politique handicap de l’entreprise
- Enjeux, mode d’emploi, bonnes pratiques - Eyrolles, 2012.
Michel Miné et Daniel Marchand – Le Droit du travail en pratique
(25e
édition) – Eyrolles, 2013.
Forte de 80 groupes locaux et 5000 membres,
l’ANDRH constitue un lieu de rencontre et de réflexion
privilégié entre professionnels RH d’un même secteur
géographique.
Être adhérent à l’ANDRH c’est d’abord appartenir à un groupe local.
C’est cette proximité qui permet de confronter les expériences,
faciliter les échanges de bonnes pratiques et développer un esprit
de solidarité et d’entraide.
échanger
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Pour s’inscrire : www.andrh.fr
L’ANDRH,ASSOCIATION DES PROFESSIONNELS DES
RESSOURCES HUMAINES AU SERVICE DE L’INNOVATION
SOCIALE ET DE LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE
acteur de référence
dans le débat RH
plus loin
Voir
www.groupechequedejeuner.fr
Coopératif par choix, solidaire par vocation, nous exportons
et adaptons notre savoir-faire aux cultures de chaque pays.
Aujourd’hui et plus que jamais, l’esprit coopératif nous anime
depuis 1964.
Acteur majeur de l’économie sociale, le Groupe Chèque Déjeuner met toutes
ses expertises au service des entreprises, des comités d’entreprise, des
collectivités et des particuliers. À travers ses produits – titres de services
prépayés - et ses solutions de gestion de l’action sociale, il apporte des
réponses humaines et réalistes aux besoins de ses clients et bénéficiaires. En
2012*, le Groupe Chèque Déjeuner représente 45 sociétés et 1990 collabo-
rateurs dans 13 pays. Chaque jour, près de 168000 clients et 21 millions
d’utilisateurs apprécient les produits et services du Groupe Chèque Déjeuner.
Créditphoto:©JosephFord
*Chiffres consolidés 2012

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Les negociations annuelles obligatoires, une question d'enjeux

  • 1. Ressources Humaines Ce livret a été réalisé à l’initiative du Groupe Chèque Déjeuner Septembre 2013 annuelles obligatoires Négociations Les Handicap Au-delà des quotas Temps de travail Prudence et jurisprudence... Égalité hommes/ femmes Les écarts persistent Salaires Une recherche de cohérence et d’équité > 18 > 22 > 26 > 30 une question d’enjeux
  • 2. Pour plus d’informations, connectez-vous sur: LAFONCTIONRH CHANGE... ABORDEZ CESÉVOLUTIONS AVECSÉRÉNITÉ Un outil de diagnostic en ligne du Groupe Chèque Déjeuner. Votre fonction RH change et devient de plus en plus stratégique. Accompagner la politique managériale de l’entreprise, participer à l’efficacité du management, assurer un bon climat social, améliorer les processus degestion…Autantdeproblématiquesqu’ilestnécessaire d’aborder différemment. C’est pour cette raison que le Groupe Chèque Déjeuner, partenaire des DRH depuis près de 50 ans, vous propose une gamme de solutions qui s’adaptent avec efficacité à vos besoins et à ceux de vos collaborateurs. Chèque Déjeuner® , l’avantage social plébiscité par les salariés, qui vous aide à recruter et à fidéliser. Chèque Domicile, pour vous soutenir dans votre politique RH: égalité professionnelle hommes/ femmes, handicap, … IdeaStim, pour vous accompagner efficacement dans la conduite du changement. Le Groupe Chèque Déjeuner est partenaire de l’
  • 3. 3 e dialogue social est un facteur de performance incontournable, tout particulièrement en période de crise Alors que les salariés sont confrontés à toutes sortes d’inquiétudes liées à la conjoncture, les employeurs ont tout intérêt à veiller à ce qu’ils se sentent bien dans l’entreprise et à donner du sens à leur engage- ment professionnel. Au plan des ressources humaines, cela passe par une réelle écoute, un échange permanent avec les instances re- présentatives du personnel et une démarche de co-construction des normes de l’entreprise. Depuis sa création, Chèque Déjeuner a toujours entretenu des rela- tions étroites avec les partenaires sociaux, auxquels on reconnaît un rôle prépondérant dans la gouvernance et la performance de l’en- treprise. Ce mode de fonctionnement très participatif a largement contribué à notre développement économique puisque nous sommes aujourd’hui n° 3 mondial sur le marché des titres de paiement et des cartes de service. Dans ce contexte, les négociations annuelles obligatoires (NAO) ne constituent pas un moment solennel, où pourraient se cristalliser toutes les tensions. Elles s’inscrivent simplement dans une continuité de dialogue, dans le cadre des échanges entretenus tout au long de l’année. Ce dialogue n’exclut évidemment pas les revendications et les diver- gences de vues, notamment sur les rémunérations. Si la marge de manœuvre est des plus restreintes, des alternatives existent à tra- vers des mesures ponctuelles comme l’épargne salariale, le compte épargne temps ou les titres de paiement. Plus largement, la négocia- tion est l’occasion d’expliquer les résultats de l’entreprise, de détailler son bilan social, mais aussi d’ouvrir la discussion sur des sujets plus larges – et tout aussi essentiels – relevant de la responsabilité sociale de l’entreprise. En nous associant au magazine Liaisons Sociales pour la publication de ce livret, nous souhaitons proposer aux DRH et aux délégués syndicaux à la fois un guide pratique et un outil de réflexion pour transformer les obligations légales de négocier en une opportunité d’ouvrir un dialogue constructif permettant aux salariés de se sentir pleinement impliqués dans les orientations prises par leur entreprise. Au-delà de l’obligation légale, les NAO offrent l’opportunité de co-construire les normes de l’entreprise et de permettre aux salariés de se sentir pleinement impliqués dans les orientations prises par leur entreprise. Florence QUENTIER Directrice des Ressources Humaines du Groupe Chèque Déjeuner edito L
  • 4. 4 Enquête et rédaction Etienne Guillermond : 06 86 89 95 69publi-informatioN sommaire Les NAO en quête de sens Instaurées il y a 30 ans, les négociations annuelles obligatoires (NAO) ont indéniablement créé un espace de dialogue entre les partenaires sociaux et les entreprises. Mais ouvrir la négociation n’oblige pas à trouver un accord ni à aller au fond des sujets abordés... Les NAO : une question d’enjeux > 06 > 17 NÉGOCIATIONS SALARIALES Une recherche de cohérence et d’équité Au fil des années, la négociation salariale est devenue une affaire d’experts, où la question du salaire de base n’est plus qu’une donnée parmi d’autres et où les règles du jeu ne sont pas toujours connues. > 18 10 questions pour comprendre les NAO GUIDE PRATIQUE > 11 À l’ordre du jour des NAO... > 10 Les enjeux
  • 5. 5 Prudence et jurisprudence... En matière d’organisation du temps de travail, tout ou presque est devenu négociable. Mais l’enchevêtrement juridique est tel que la liberté accordée par le législateur impose un surcroît de prudence lors de la conclusion d’accords. temps de travail > 22 Conception graphique et réalisation Agence GAYA : 01 42 43 80 25 Illustrations Marc Chalvin : 06 22 58 12 75 Le handicap, au-delà de la question des quotas Depuis son inscription à l’ordre du jour des NAO, en 2005, le handicap est devenu pour l’entreprise et les partenaires sociaux un vrai sujet de réflexion, ouvrant sur de nombreuses possibilités d’actions. emploi et handicap > 30 pour en savoir plus > 34 égalité professionnelle Égalité professionnelle : les écarts persistent En dépit des obligations légales, l’égalité professionnelle reste traitée de façon marginale dans le cadre des NAO. Quarante ans après l’instauration du principe d’égalité entre les hommes et les femmes face au travail, la question est loin d’être résolue. > 26 À côté des traditionnels débats sur le temps partiel et les heures supplémentaires, l’organisation du travail doit, de plus en plus, intégrer de nouveaux enjeux sociétaux, qui dépassent le cadre des NAO. Quand l’individuel prime sur le collectif > 24
  • 6. 6 Les NAO en quête de sens Instaurées il y a 30 ans, les négociations annuelles obligatoires (NAO) ont indéniablement créé un espace de dialogue entre les partenaires sociaux et les entreprises. Mais ouvrir la négociation n’oblige pas à trouver un accord ni à aller au fond des sujets abordés... Les NAO : une question d’enjeux L’ère des grandes confrontations idéologiques entre les organisa- tions syndicales et les entreprises serait- elle en passe d’être révolue ? À force d’étoffer, d’année en année, la liste des négociations obligatoires en entreprise, le législateur n’est-il pas progressive- ment parvenu à ses fins en contraignant les directions et les syndicats à s’asseoir autour de la table pour ouvrir un dialogue plus pragmatique et plus responsable, au-delà des postures traditionnelles ? Si l’on en juge par le nombre d’accords et de textes signés chaque année sur tous les sujets (près de 39 000 en 2012, selon le ministère du Travail), le dialogue social prend effectivement de plus en plus d’importance et de nombreux ob- servateurs se félicitent de l’émergence d’une véritable co-responsabilité. Dans le vaste mille-feuille des négociations obligatoires imposées par le législateur, le socle commun des NAO a sans doute largement contribué à cette évolution. Comment, en une seule négociation, mettre tous les sujets sur la table ? Il est logique que, dans ces conditions, les débats soient phagocytés par la question des salaires.
  • 7. stratégique publiée fin 20111 . Car, dans les faits, l’obligation de négocier annuel- lement sur tel ou tel sujet n’implique pas nécessairement une obligation de résul- tat. Un accord NAO, pour peu qu’il soit signé, peut tout aussi bien s’appuyer sur un diagnostic superficiel et se limiter à une simple déclaration d’intention. L’em- pilement législatif sur le thème de l’éga- lité professionnelle hommes-femmes en témoigne. Alors que le sujet a été intégré aux NAO dès 2001, il a fallu que le législateur menace les entreprises de sanctions financières en 2010 et que le ministère ordonne des contrôles 7 Depuis la loi Auroux de 1982 instaurant l’obligation de négocier chaque année sur « les salaires effectifs, la durée ef- fective et l’organisation du temps de travail », l’État n’a cessé d’élargir l’ordre du jour des NAO, en y intégrant de nou- veaux sujets : la prévoyance maladie (2000), l’épargne salariale (2001), l’éga- lité professionnelle (2001 et 2006), l’em- ploi des travailleurs handicapés (2005)... Si l’effet quantitatif est manifeste en termes d’accords conclus ou de né- gociations engagées, l’impact qualitatif est beaucoup plus incertain, comme le souligne une étude du Centre d’analyse 3 questions à... Christophe Doyon, directeur associé du groupe Alpha Les NAO sont souvent présentées comme un jeu de dupes. Qu’en est-il en réalité ? Christophe Doyon : Cela dépend des entreprises et de la loyauté des négociations. Quoiqu’il en soit, on ne peut jamais préjuger de l’issue d’une négociation. Les délégués syndicaux peuvent souvent obtenir quelque chose, à condition d’être bien préparés à cette négociation : quelle est la situation financière et quelles contraintes réelles pèsent sur l’entreprise, quelle est la structure des rémunérations, comment aborder tactiquement les discussions, quels points mettre en avant ? Les sujets abordés sont de plus en plus complexes. Si les négociateurs n’acquièrent pas un minimum d’expertise et n’anticipent pas, ils en seront d’autant plus désavantagés vis-à-vis de leur direction. Dans le contexte actuel, les DRH ont-ils réellement des choses à proposer ? C. D. : Les marges de manœuvre sont certes réduites, mais elles ne sont pas toujours si étroites qu’on veut bien le dire.Toutes les entreprises ne sont pas touchées de la même manière par la crise. Forts des valeurs qu’ils défendent, les syndicats s’inscrivent dans une démarche revendicative et sont attachés aux salaires de base qui déterminent la protection sociale et ne sont pas soumis à la réversibilité. Mais d’autres éléments peuvent être mis en concurrence : les rémunérations périphériques, l’épargne salariale qui prend de plus en plus d’importance... Les délégués syndicaux ne sont pas toujours à l’aise sur ces sujets, notamment lorsqu’il s’agit de les expliquer aux salariés, dont les attentes sont fortes. Quid des autres sujets relevant de la négociation obligatoire ? C. D. : Ils sont souvent laissés de côté faute d’être suffisamment maîtrisés. Comment mettre en œuvre l’égalité professionnelle ? Comment aborder la question de l’emploi des personnes handicapées ? Sur quels critères, quels indicateurs faut-il s’appuyer ? Quels objectifs faut-il fixer ? En dehors des grandes entreprises, au sein desquelles ces sujets font l’objet de négociations et d’accords spécifiques, les partenaires sociaux ne savent pas toujours se saisir de ces thématiques. Elles peuvent paraître consensuelles. Mais elles ne relèvent pas d’un simple enjeu d’image. Un minimum de méthodologie est indispensable pour les traiter convenablement. Ce qui explique qu’elles passent malheureusement trop souvent à la trappe.
  • 8. 8 Sciberras, président de l’ANDRH. Surtout dans les groupes internationaux où les décisions sont arrêtées par des instances de direction très éloignées du terrain. Quant aux autres sujets à l’ordre du jour, ils sont, le plus souvent, purement et simplement laissés de côté ou à peine abordés. Dans la pratique, nul n’a envie de rouvrir l’épineux dossier de la réduc- tion du temps de travail, tant les négo- ciations autour des 35 heures ont laissé de souvenirs douloureux. Sur les autres thèmes, faute de sensibilisation et d’ex- pertise, les négociateurs se contentent au mieux de mesures symboliques. Seules les grandes entreprises, disposant d’une infrastructure RH solide et d’instances représentatives du personnel suffisam- ment « armées », se donnent le temps d’approfondir les dossiers. « Tous ces sujets exigent des connaissances as- sez pointues, aussi bien dans la négo- ciation que dans le suivi des accords, explique Christophe Visse, délégué syn- dical central CFDT chez Orange. Chez nous, chaque thématique fait l’objet d’un accord séparé. Mais nous sommes systématiques fin 2012, pour que la question commence à être envisagée sérieusement (voir p. 26). Une priorité : les salaires « La réalité, explique Christophe Doyon, directeur associé du groupe Alpha, c’est que les NAO se limitent généralement à la seule question des rémunérations parce que c’est sur ce terrain que les attentes des salariés sont les plus fortes. Les organisations syndicales, soucieuses de défendre leurs valeurs, s’inscrivent dans une posture revendi- cative, tout en sachant que les marges de manœuvre sont restreintes. » (voir interview). Pour Dominique Fruleux, du cabinet Syndex, la focalisation sur les salaires s’explique aussi par une relative segmentation des sujets entre représen- tants du personnel. « La question des rémunérations est presque uniquement du ressort des délégués syndicaux, alors que l’emploi est principalement discuté avec l’ensemble du CE et les conditions de travail avec le CHSCT », explique-t- elle. La prééminence de la négociation salariale est d’autant plus forte qu’elle s’est singulièrement complexifiée au fil des années, à mesure que diminuaient les enveloppes allouées. Ayant de moins en moins à offrir, les DRH sont contraints d’élaborer des stratégies de négociation pour parvenir à un accord : principe des vases communicants entre augmenta- tions collectives et individuelles, étale- ment des augmentations sur plusieurs échéances, proposition de packages intégrant d’autres avantages... « Entre les organisations syndicales d’un côté et les directions générales et financières de l’autre, la NAO est une double né- gociation pour les DRH. Et la plus diffi- cile n’est pas nécessairement celle que l’on croit ! », rappelle Jean-Christophe Les NAO : une question d’enjeux Entre les syndicats et les directions, la NAO est une double négociation pour les DRH. Et la plus difficile n’est pas toujours celle que l’on pense...
  • 9. 3 questions à... Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH De votre point de vue, les NAO relèvent-elle d’une simple obligation formelle ou constituent-elles un véritable outil de dialogue social ? Jean-Christophe Sciberras : Il est évident qu’à l’origine, l’instauration des NAO visait à faire avancer le dialogue social, en particulier sur la question salariale. La démarche était légitime et salutaire à une époque où l’inflation plafonnait à 14-15 % et où les entreprises avaient matière à redistribuer les fruits de la croissance. Depuis, le contexte économique a changé : l’inflation est au plus bas et les DRH n’ont plus grand chose à donner. On peut donc s’interroger sur la pertinence de règles fixées il y a plus de 30 ans. Quelles évolutions faudrait-il envisager, selon vous ? J.-C. S. : Il n’est pas question de remettre en cause le principe de la négociation salariale. Mais le “A” de NAO n’est-il pas de trop, aujourd’hui ? En d’autres termes, le rythme annuel a-t-il encore un sens ? Remettre la question salariale sur la table tous les ans revient à créer des attentes que les DRH ne sont pas forcément en mesure de satisfaire. Cela ne fait qu’accroître les tensions et les crispations au sein de l’entreprise, ce qui n’est pas satisfaisant. D’autre part, la notion de salaire effectif pose question alors qu’une grande partie de la rémunération sort du cadre de la négociation. Qu’en est-il des autres sujets intégrés aux NAO ? J.-C. S. : Il suffit de regarder les accords pour constater que la question des salaires accapare totalement les NAO.Au fil des années, on a ajouté de nouveaux sujets à la négociation, au risque d’en faire un mille-feuille. Ces nouveaux sujets sont-ils convenablement traités ? La réponse est non. Ils sont peu, voire pas abordés du tout. On en est arrivé à l’opposé de ce que recherchaient leurs promoteurs. L’enjeu, aujourd’hui, n’est pas de venir alourdir les NAO avec de nouvelles thématiques, mais de réfléchir à des sujets salariaux connexes qui viendraient enrichir les débats et donner de la substance aux négociations. 9 largement privilégiés par rapport aux pe- tites entreprises. Comment, en une seule négociation, mettre sur la table à la fois les rémunérations, l’aménagement du temps de travail, l’égalité professionnelle, le handicap… ? » Une ouverture vers des sujets RSE ? Si les NAO n’apportent pas réellement de réponses à des problématiques qui ne figurent pas a priori dans les préoccu- pations immédiates des entreprises, des syndicats et des salariés, tout au moins permettent-elle de les rendre visibles et de leur réserver un espace de dialogue social. Pour François Fatoux, délégué gé- néral de l’Observatoire de la Responsabi- lité sociétale des entreprises (ORSE), les négociations annuelles constituent même une opportunité d’intégrer dans les dis- cussions des thématiques nouvelles, re- levant de la RSE. « Tous les sujets d’en- treprise peuvent être abordés sous le prisme de la RSE, explique-t-il. On peut, par exemple, très bien imaginer d’intéres- ser les salariés à la démarche environne- mentale de l’entreprise ou à la réduction du nombre d’accidents du travail. Face à la montée de la précarité, certaines entre- prises mettent en place des enveloppes de solidarité, gérées de façon paritaire. D’autres utilisent le CESU ou mettent en place des plans de déplacement pour alléger le budget des familles. Au-delà de la stricte négociation sur les salaires, il existe toutes sortes de sujets extrapro- fessionnels impactant la vie des salariés. Lorsque les marges de manœuvre sont réduites, ils peuvent contribuer à redon- ner du sens à la négociation. » 1. Les obligations et incitations portant sur la négociation collective, Centre d’analyse stratégique, la note d’analyse n° 240, septembre 2011 – www.strategie.gouv.fr
  • 10. 10 Les salaires effectifs • La négociation doit concerner l’ensemble des salariés. • Elle s’applique aux salaires bruts catégoriels, y compris les primes et les avantages en nature. • Si les cas individuels ne sont pas abordés, des critères et des outils de suivi peuvent être mis en place afin de garantir l’équité et la cohérence des augmentations individuelles. • Depuis 2006, la négociation salariale doit également intégrer des mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. La durée effective et l’organisation du temps de travail • Au-delà du temps de travail proprement dit, la négociation peut englober les congés payés, les jours fériés, les ponts… • L’organisation du temps de travail concerne les modes de répartition de l’horaire collectif de travail (durées journalières, hebdomadaires, mensuelles…) et les formes particulières du temps de travail (travail de nuit, travail en continu…). • La NAO intègre également la question de la mise en place du travail à temps partiel à la demande des salariés. Lorsque les salariés ne sont pas couverts par un accord d’entreprise ou un accord de branche Dispositif d’épargne salariale L’employeur est tenu d’engager, chaque année, une négociation sur un ou plusieurs de ces dispositifs : intéressement, participation ou plan d’épargne. Prévoyance maladie L’employeur est tenu d’engager chaque année une négociation sur ce thème. Elle doit également figurer à l’ordre du jour des NAO. L’égalité professionnelle hommes/femmes • Même si elle fait l’objet d’un accord triennal, l’égalité professionnelle doit être prise en compte dans la NAO. • Au-delà de la réduction des écarts de salaire, l’employeur doit engager chaque année une négociation sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, les conditions de travail et d’emploi (notamment le temps partiel), l’articulation vie privée/vie professionnelle. • La négociation se déroule à partir des éléments figurant dans le rapport de situation comparée. L’emploi des travailleurs handicapés • La loi du 11 février 2005 impose à l’employeur d’engager chaque année une négociation sur les mesures relatives à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés. • Sur la base d’un rapport établi par l’employeur, la négociation porte sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, les conditions de travail et d’emploi, les actions de sensibilisation au handicap. • Lorsqu’un accord collectif comportant de telles mesures est signé dans l’entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans. Les NAO : une question d’enjeux À l’ordre du jour des NAO...
  • 12. 12 1 Quelles sont les entreprises soumises aux négociations annuelles obligatoires ? Les NAO concernent toutes les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organi- sations représentatives. Elles ne s’impo- sent qu’à partir du moment où il existe au moins un délégué syndical, dont la pré- sence est indispensable pour négocier. La loi prévoit la présence de délégués syndicaux dans les entreprises de 50 sa- lariés et plus. Dans les plus petites struc- tures, le délégué du personnel peut être désigné comme délégué syndical pour la durée de son mandat. 2 Quand la négociation doit- elle avoir lieu ? La négociation doit se dérouler chaque année, dans un délai de 12 mois à compter de la date du début de la précédente négociation annuelle obligatoire. Si l’entreprise n’en a jamais tenu, la négociation doit se dérouler dans l’année civile (c’est-à-dire avant le 31 dé- cembre) pendant laquelle une section syndicale s’est implantée dans l’entre- prise et un délégué syndical a été désigné. C’est à l’employeur que revient l’initiative de l’organiser et d’y convoquer les par- ties prenantes dans les délais impartis. À défaut, elle doit s’ouvrir à la demande d’une organisation syndicale représenta- tive. Dès lors, l’employeur dispose d’un délai de 8 jours pour informer les autres organisations syndicales et de 15 jours pour les convoquer à la négociation an- nuelle. En l’absence de réponse de l’employeur à la demande d’ouverture de la négocia- tion annuelle, la loi prévoit des sanctions (voir question 10). À noter : la tenue de négociations en cours d’année sur un thème spécifique ou la conclusion d’un accord pluriannuel n’exonère pas l’entreprise de la négocia- tion annuelle obligatoire. 3 À quel niveau de l’entreprise la négociation doit-elle se dérouler ? En principe, la négociation a lieu au niveau de l’entreprise. Lorsque celle-ci possède plusieurs établisse- ments disposant chacun d’au moins une section syndicale et d’un délégué syndical, elle peut se dérouler au niveau de chaque établissement, à condition que les accords conclus n’introduisent 10 questions pour comprendre les NAO guide pratique Le cadre légal des NAO établit des règles précises pour conduire les parties à ouvrir une discussion sérieuse et loyale sur les différents sujets abordés, dans le respect des droits et des obligations de chacun.
  • 13. 13 pas de différences de traitement d’un établissement à l’autre, sauf pour des raisons objectives. Le choix du niveau de négociation (entreprise ou établisse- ment) peut dans tous les cas être remis en cause dès l’instant où un syndicat représentatif de l’établissement ou de l’entreprise s’y oppose. D’une manière générale, les organi- sations syndicales considèrent que la négociation par établissement est un moyen pour l’employeur de diviser les salariés et d’affaiblir leur position. Elles privilégient donc les négociations cen- trales qui garantissent par ailleurs l’éga- lité de traitement. Dans certains cas – et bien que cette disposition ne figure pas dans la loi -, la négociation peut aussi être menée au ni- veau d’une Unité économique et sociale (UES) – groupement d’entreprises - dès l’instant où les conditions de la NAO y sont réunies. 4 Quelles sont les modalités de préparation de la NAO ? L’organisation de la négocia- tion suppose la convocation de l’en- semble des organisations syndicales représentatives présentes dans l’entre- prise. L’exclusion ou la non-convocation d’un syndicat constitue un acte discrimi- natoire susceptible d’entraîner la nullité de tout accord en cas de recours de l’organisation exclue. D’une manière générale, l’employeur est soumis à une obligation de loyauté : il doit donc proposer un calendrier précis avec des délais raisonnables, commu- niquer les informations nécessaires à la négociation et répondre de façon moti- vée aux propositions des organisations syndicales.
  • 14. 14 5 Suivant quel calendrier la négociation se déroule- t-elle ? La loi impose un nombre mini- mal de deux réunions, mais dans la pra- tique, la négociation s’appuie sur 3 ou 4 réunions organisées sur une période n’excédant pas trois mois. La première réunion vise à l’organisa- tion de la négociation. Les participants établissent un plan de travail, détermi- nent la nature des documents et infor- mations à fournir par l’entreprise afin que les parties puissent échanger dans de bonnes conditions. Les délais de re- mise de ces documents sont clairement fixés. Le calendrier des réunions à ve- nir est également élaboré en commun en espaçant raisonnablement chaque rendez-vous. En général, le délai inter- venant entre la première réunion et la suivante est de 8 à 15 jours. Enfin,lecalendrierdétermineletermedela négociation, c’est-à-dire le moment à par- tir duquel l’employeur pourra constater, le caséchéant,l’absenced’accordetmettre en œuvre des dispositions unilatérales. Pendant la durée de la négociation, l’employeur ne peut prendre aucune décision unilatérale à caractère collectif sur les sujets de la NAO. 6 Qui participe à la négociation ? Côté patronal  : l’employeur peut se faire assister de diffé- rents collaborateurs en veillant toutefois à en limiter le nombre de manière à pré- server l’équilibre des parties. Coté syndical  : chaque délégation syndicale comprend au minimum un délégué. Il peut être accompagné de plusieurs salariés de l’entreprise, dont le nombre est déterminé d’un commun ac- cord par l’ensemble des parties. À défaut d’accord, ce nombre est fixé à deux. Si les différents syndicats présents dans l’entreprise possèdent chacun plusieurs délégués, leur délégation n’en compor- tera que deux au maximum qui pourront être assistés de salariés dans les mêmes conditions que ci-dessus. Faute d’ac- cord, le nombre de salariés sera équiva- lent à celui de délégués syndicaux. guide pratique La communication des informations, un élément-clé Afin de pouvoir négocier en pleine connaissance de cause, les délégations syndicales doivent pouvoir s’appuyer sur des informations fournies par l’employeur. En dépit de l’exigence légale de loyauté, c’est souvent là où le bât blesse… Il est impossible de dresser la liste exhaustive des informations requises car elles sont très variées selon les entreprises et les sujets abordés. Le bilan social de l’entreprise peut constituer une base pour formuler une demande d’information. Par ailleurs, les délégués du personnel et les élus du comité d’établissement et du CHSCT disposent déjà des informations relatives à la situation économique de l’entreprise, à l’emploi et aux prévisions. Les délégués syndicaux peuvent également demander tout accord ou convention existant. Concernant les salaires, les discussions s’appuient sur les indices du coût de la vie, du coût de la construction et de la valeur du plafond de sécurité sociale.
  • 15. 15 7 Le temps consacré à la NAO est-il rémunéré ? La loi distingue le temps de pré- paration au sein des organisa- tions syndicales et le temps de négocia- tion proprement dit. Pour la préparation de la négocia- tion, chaque délégation syndicale dispose d’un crédit d’heures global supplémentaire pouvant être librement réparti entre tous ses membres, qu’ils soient délégués ou non. Ce crédit s’élève à 10 heures dans les entreprises d’au moins 500 salariés. Il est porté à 15 heures au-delà de 1 000 salariés. Le temps de négociation est en re- vanche payé comme temps de tra- vail à l’échéance habituelle. Il ne peut en aucun cas être imputé sur le crédit d’heures des délégués syndicaux, pas plus que sur tout autre crédit dont dis- poseraient les membres de la délégation au titre d’autres fonctions syndicales (délégué du personnel, membre du co- mité d’entreprise, du CHSCT, etc.). En cas de dépassement de la durée lé- gale du travail, les heures concernées sont rémunérées comme des heures supplémentaires. En cas de déplacement liés à la négo- ciation, les frais sont pris en charge par l’employeur. Qu’est-ce qu’une organisation représentative ? Définie par la loi du 20 août 2008, la représentativité d’un syndicat résulte de sept critères cumulatifs : • Le respect des valeurs républicaines ; • L’indépendance vis-à-vis de tout mouvement politique et religieux. • La transparence financière • Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. • L’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience. • Les effectifs d’adhérents (en fonction de l’effectif de l’entreprise et du taux de syndicalisation dans la profession) et les cotisations. • L’audience recueillie aux élections professionnelles (élections du comité d’entreprise ou à défaut de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel). Le syndicat doit avoir recueilli au moins 10 % des suffrages au premier tour, quel qu’ait été le nombre de votants.
  • 16. 16 guide pratique Références légales Le cadre légal des NAO est inscrit dans le Code du travail. Les principales dispositions figurent dans la deuxième partie, relative aux relations collectives de travail : Titre IV, chapitres 2 et 3 (Art L2241-1 à L2243-2) 8 Quelles sont les conditions de validité d’un accord ? En cas d’accord sur l’un des sujets abordés, un acte écrit est produit. Il est signé par toutes les parties prenantes. L’accord n’est valide qu’à par- tir du moment où il est signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 30 % au premier tour des dernières élections professionnelles et où il n’est pas contesté par des organi- sations ayant recueilli la majorité des suf- frages au cours de ces mêmes élections. Tout accord doit également être soumis pour avis au comité d’entreprise avant la signature. Dans le cas contraire, l’en- treprise peut être sanctionnée pour délit d’entrave. Mais ce fait n’entraîne pas pour autant la nullité de l’accord. 9 Qu’arrive-t-il lorsque les parties ne parviennent pas à un accord ? La loi ne prévoit pas d’obligation d’accord à l’issue de la négociation. En cas de désaccord, l’entreprise doit tou- tefois prouver que les négociations ont été menées loyalement et sérieusement et conduites à leur terme. Un procès- verbal de désaccord est donc rédigé. Il présente les différentes propositions des parties et les mesures que l’entre- prise entend appliquer de façon unilaté- rale. Les délégués syndicaux n’ont pas d’obligation de signer ce procès-verbal. Les procès-verbaux de désaccord (tout comme les accords) sont déposés à la Dirrecte1 et au greffe du conseil des prud’hommes. 10 Quelles sont les sanctions en cas de manquement de l’employeur ? Trois types de sanctions peuvent être prononcées à l’encontre des employeurs ne respectant pas le cadre légal. Sanctions civiles  : en cas de refus d’ouvrir la négociation ou de fournir les informations nécessaires, les organisa- tions syndicales peuvent saisir le juge des référés. Ce dernier peut prononcer une astreinte pour contraindre l’entre- prise à se conformer à la loi. Des dom- mages et intérêts peuvent également être réclamés. Sanctions pénales : le fait d’occulter l’un des thèmes obligatoires ou de ne pas répondre dans les délais impartis à une demande d’une organisation syn- dicale peut exposer l’employeur à une peine d’un an d’emprisonnement et à une amende de 3 750 euros. Sanctions financières : en cas d’ab- sence de négociation sur les salaires, les allègements de charges sociales peuvent être réduits ou supprimés. En matière d’égalité professionnelle, l’ab- sence d’accord ou de plan d’actions peut donner lieu à une pénalité pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale. 1. Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
  • 17. 17 Lesenjeux ? Salaires et autres avantages Temps de travail égalité professionnelle Emploi et handicap
  • 18. 18 négociations salariales Prudence, modération, restric- tions... C’est sous le signe de la crise que se sont déroulées les NAO 2013. Sans surprise, au vu de la conjoncture, les budgets d’augmenta- tion ont accusé une baisse sensible et sont passés au-dessous de la barre des 3 %, qui prévalait encore ces dernières années. Mais, d’une manière générale, la négociation aura été marquée par une faible conflictualité. « La situation de l’emploi ne nous incite pas à jouer Une recherche de cohérence et d’équité Au fil des années, la négociation salariale est devenue une affaire d’experts, où la question du salaire de base n’est plus qu’une donnée parmi d’autres et où les règles du jeu ne sont pas toujours connues. l’épreuve de force. Nous avons peu de moyens de pression et les directions le savent bien », reconnaît un syndicaliste. DRH et partenaires sociaux se sont donc retrouvés autour de la table pour résoudre la difficile équation des rému- nérations, avec d’un côté, le souci de limiter la masse salariale et, de l’autre, celui de ménager le pouvoir d’achat des salariés, notamment des plus bas salaires. Un exercice d’autant plus difficile qu’il n’a cessé, ces dernières années, de s’enrichir de nouvelles inconnues. Les DRH doivent intégrer la hausse du coût du travail (notamment l’augmentation du forfait social, passé de 8 à 20 % en 2012), scruter la fiscalité et parier sur les perspectives d’activité, toujours incer- taines. Côté syndicat, on s’efforce de démêler l’inextricable mille-feuille des rémunérations, toujours plus complexe. « Lorsque les NAO ont été instaurées, dans les années 1980, les termes du débat étaient relativement clairs, analyse Dominique Fruleux, du cabinet Syndex. L’emploi était stable et l’inflation se situait autour de 15 %. La négociation portait essentiellement sur les augmentations générales. Trente ans plus tard, le centre de gravité des NAO s’est déplacé. Avec une inflation plus de dix fois moins
  • 19. 19 Les cadres réclament davantage de transparence En matière de rémunération, la question de la transparence touche en premier lieu les cadres, dont la rémunération intègre une part de plus en plus importante d’éléments individuels et variables. En 2011, l’Apec* les a interrogés sur leur communication en matière de rémunération. 56 % estiment qu’elle est mauvaise voire très mauvaise. Parmi les principaux points à améliorer figurent, sans surprise, les modalités d’obtention des augmentations individuelles (42 %), les niveaux de salaires pratiqués dans l’entreprise (32 %), la comparaison par rapport au marché externe (24 %), la visibilité sur les grilles (21 %) et les écarts de salaires par catégorie, par sexe etc. (20 %). * Source :Apec, évolution de la rémunération des cadres, édition 2011. élevée, la part des augmentations col- lectives s’est considérablement réduite. Les entreprises misent sur l’individuali- sation, les primes et les périphériques qui ne les engagent pas sur l’avenir. Ce qui complique singulièrement la donne. » Transparence et co-responsabilité En dépit de cette segmentation des rémunérations, certaines entreprises demeurent attachées à l’approche col- lective, à l’instar du Groupe Chèque Déjeuner, pour qui la négociation sala- riale annuelle ne constitue pas, du reste, un point de fixation, mais une simple étape dans un dialogue permanent avec les différentes IRP. « La rémunéra- tion est un élément de discussion parmi d’autres, intégré dans une politique so- ciale globale, co-construite tout au long de l’année avec le CE, les délégués syn- dicaux, le CHSCT et portant tout aussi bien sur le temps de travail, les rémuné- rations périphériques, la démarche RSE, explique Aurélien Pérol, DRH France. En tout état de cause, nous considérons que la performance collective passe par l’approche collective. » Mais dans la plupart des entreprises, l’enjeu porte bel et bien sur la question de l’invidualisation, chez les cadres, mais pas seulement. De ce point de vue, la négociation 2013 menée chez Electro Dépôt (1 200 salariés), filiale de Boulanger spécialisée dans la vente dis- count de produits électroménagers, est assez représentative des choix opérés cette année. « Nous avons procédé à des hausses plus faibles que les années précédentes, en allouant aux employés une augmentation générale de 1  %, assortie d’une enveloppe équivalente d’augmentations individuelles, détaille Stéphane Willmotte, son DRH. Pour les cadres, il a été prévu une enveloppe de 2 %, mais uniquement en augmen- tations individuelles. » Ce choix a tout d’abord suscité un blocage du côté des délégués syndicaux. « Nous sommes a priori contre l’individualisation, qui est une porte ouverte aux discriminations et soumets les salariés à l’arbitraire des managers », explique Patrick Hernout (FO). Les garanties de transparence proposées par l’entreprise ont toutefois levé les réticences. Côté encadrement, un process collégial entre la direction, les ressources humaines et les 52 maga- sins a été mis en place pour contrôler la bonne attribution de ces augmentations. Le DRH s’est par ailleurs engagé à faire un premier bilan quantitatif et qualitatif en juin avec les délégués syndicaux sur la base de critères précis établis Les DRH doivent intégrer la hausse du coût du travail, scruter la fiscalité et parier sur les perspectives d’activité, toujours incertaines.
  • 20. 20 négociations salariales pendant la NAO pour évaluer les aug- mentations individuelles et les promo- tions, par établissement, par magasin, par manager. Un second rendez-vous en octobre permettra de discuter, en fonc- tion des résultats de l’entreprise, de la prime annuelle et des réductions accor- dées aux salariés sur l’achat de produits Electro Dépôt. « Cette démarche a pour objectif de montrer la volonté de l’en- treprise de travailler dans un esprit de co-responsabilité avec les partenaires sociaux », précise Stéphane Willmotte, qui a intégré quelques concessions au package 2013 : instauration d’un jour de repos supplémentaire par an, baisse de 5 % de la cotisation salariés sur la mu- tuelle d’entreprise, recrutement de CDI au lieu de CDD en cas d’ouvertures de magasin, financement d’une formation à la gestion d’un compte personnel... L’accord a donc été trouvé sur la base d’une confiance mutuelle, liée à l’histoire de l’entreprise et à la proximité entre les IRP et la direction. Il est vrai qu’Electro Dépôt ne comptait encore que 50 sala- riés il y a à peine dix ans. La face cachée des NAO La situation est toute autre dans des entreprises, où le centre de décision est plus éloigné des salariés, comme chez Enersys, à Arras (750 salariés), l’une des 5 filiales européennes du groupe américain du même nom. En dépit de l’engagement personnel du directeur général délégué dans les NAO, au côté du DRH, les possibilités demeurent très restreintes, selon Christian Lemoine, délégué syndical CFDT. « Chaque an- née, nous savons qu’une enveloppe a été déterminée à l’avance par le siège et qu’il faudra faire avec, explique-t-il. C’est aussi le groupe qui fixe notre ni- veau de participation qui est, de fait, non négociable. » Pour 2013, les IRP ont ob- tenu de ne discuter que sur le seul terrain des augmentations collectives, l’indivi- dualisation et les primes ne concernant plus que les cadres, très minoritaires. Résultat de la négociation : 1,7 % d’aug- mentation générale avec un plancher minimum de 40 euros. Une mesure dont se satisfait Christian Lemoine puisqu’elle bénéficiera à plus de 80 % du person- nel, dont les salaires sont globalement bas. «  Mais le jeu n’en reste pas moins faussé, poursuit le délégué syndical. En l’absence de comité de groupe euro- péen, nous échangeons très peu avec les autres filiales, que ce soit sur les salaires ou d’autres sujets. Comment raisonner et construire une négociation crédible avec des données qui nous viennent de Pologne ou de Bulgarie, établies sur des critères totalement différents des normes sociales françaises ? » La rémunération doit pouvoir être envisagée et discutée dans sa globalité sur la base de règles et de critères équitables clairement posés.
  • 21. 21 Des règles du jeu dépassées ? Les NAO, véritable outil de dialogue social ou une simple chambre d’enre- gistrement ? Sans doute y-a-t-il autant d’approches que d’entreprises, mais le fait est que chaque année, la marge de négociation se fait de plus en plus étroite, au point que certains s’interro- gent sur le bien fondé de règles posées il y a trente ans. A l’instar de Jean- Christophe Sciberras, de l’ANDRH, pour qui la meilleure temporalité n’est peut- être pas annuelle et qui s’interroge sur la définition même de « salaire effectif » (voir interview p. 9). Pour Dominique Fruleux, chez Syndex, la négociation ne peut avoir de sens que si elle est abordée autrement que par le prisme du salaire de base, du pouvoir d’achat et de la masse salariale. « La rému- nération doit pouvoir être envisagée et discutée dans sa globalité sur la base de règles et de critères équitables clai- rement posés. Ce qui est en jeu, c’est la valeur accordée au travail. » (voir in- terview ci-dessous)  3 questions à... Dominique Fruleux, du cabinet Syndex Dans un contexte où les marges de manœuvre salariales sont, de fait, très limitées, que peuvent offrir les DRH dans le cadre des NAO ? Dominique Fruleux : Tout d’abord, les marges de manœuvre ne sont pas toujours réduites, mais certaines entreprises ne jouent pas forcément le jeu de la redistribution. Cela étant, les enveloppes de rémunération sont globalement restreintes et les DRH peinent à répondre aux attentes des salariés en matière d’augmentation. Encore faut-il s’entendre sur la notion de rémunération. Si l’on s’en tient au salaire de base, la discussion ne va pas loin. Car aujourd’hui, la part la plus importante de la rémunération est ailleurs : dans les augmentations individuelles, les primes, les bonus et autres avantages. Or ces éléments sont très peu discutés en NAO. Le salaire de base n’est donc plus le point central de la négociation ? D. F. : Il demeure primordial dans la mesure où il conditionne d’autres éléments de salaire et au final, les droits sociaux. Il impacte aussi directement le pouvoir d’achat des bas salaires. Malheureusement, il pèse de moins en moins lourd dans l’enveloppe globale des rémunérations. Il est aussi fondamental de savoir quels sont les autres éléments, comment ils sont répartis, selon quels critères. La NAO est trop souvent réduite à une simple gestion de la masse salariale et aux préoccupations liées au pouvoir d’achat, alors qu’elle devrait porter sur la rétribution du travail dans toutes ses composantes. Quels devraient être, selon vous, les points de discussion ? D. F. : Se focaliser sur un taux d’inflation proche de zéro a peu d’intérêt. Ce qui est en jeu, c’est la valeur du travail. Les partenaires syndicaux doivent pouvoir exercer pleinement leur rôle en remettant à plat avec la direction l’ensemble des mesures salariales. Avancer des moyennes n’a aucun sens si l’enveloppe allouée ne bénéficie qu’à 10 au 20 % des salariés. L’entreprise doit fournir des données rationnelles, avancer des indicateurs précis, justifier les écarts. Ce qui importe, c’est la lisibilité, la cohérence des grilles de rémunération et l’équité. Les entreprises ont tout à y gagner car la compétitivité repose aussi sur la reconnaissance et la confiance.
  • 22. 22 temps de travail D ès l’instauration des NAO, en 1982, le législateur a donné la possibilité aux partenaires so- ciaux et aux entreprises de négocier sur la durée effective et l’organisation du temps de travail. Mais le sujet, qui cristallise tant de débats publics, reste abordé de façon très superficielle dans le cadre des NAO. « Les accords autour des 35 heures ont été tellement difficiles à négocier que, de part et d’autre de la table, on préfère s’en tenir au consen- sus plutôt que de rouvrir un dossier à la fois épineux et très technique », explique Fabrice Elustondo, consultant au cabi- net Sextant Expertise. Même les me- sures d’assouplissement inscrites dans la loi Fillon de 2003 ont été très peu mo- bilisées par les entreprises. « Le droit re- latif au temps de travail a subi tellement de modifications et de dispositions dé- rogatoires qu’il est devenu un véritable puzzle, analyse Michel Miné*, juriste et professeur en droit du travail au Cnam Prudence et jurisprudence... En matière d’organisation du temps de travail, tout ou presque est devenu négociable. Mais l’enchevêtrement juridique est tel que la liberté accordée par le législateur impose un surcroît de prudence lors de la conclusion d’accords. (voir interview). En dépit des postures idéologiques au sujet des 35 heures, tout le monde préfère s’en tenir à l’une des rares normes communes qui sub- siste encore, à savoir la durée légale. » Insécurité juridique De fait, au nom de la flexibilité, le droit est devenu de plus en plus négociable. Les accords d’entreprise ou de branche ont d’abord pris le pas sur la loi, puis sont devenus dérogatoires entre eux, affaiblissant le rôle des conventions col- lectives. En 2012, enfin, la loi Warsmann a consacré la primauté de l’accord d’en- treprise sur le contrat de travail. « C’est finalement une responsabilité très lourde qui est ainsi transférée aux acteurs de la négociation, poursuit Michel Miné. Toute la question est de savoir s’ils ont la ca- pacité technique de négocier un accord pleinement conforme à la légalité. » Car, en la matière, la liberté de négocier n’est pas forcément synonyme de sim- plicité et les incohérences entre le droit français et le droit européen sont telles que le Code du travail ne constitue plus l’unique référence. Le danger : signer des accords dont la validité peut être Les non conformités entre le droit français et le droit européen sont telles que le Code du travail ne constitue plus l’unique référence en matière de temps de travail. Voir p. 34
  • 23. 3 questions à... Michel Miné, juriste, professeur de droit du travail au Cnam Pourquoi la question du temps de travail est-elle si complexe ? Michel Miné : D’abord parce que c’est un sujet éminemment transversal qui renvoie tout à la fois à des questions de rémunération, de santé au travail et peut engendrer des situations discriminatoires, par exemple en matière d’égalité hommes/femmes. Lorqu’une entreprise signe un accord, elle doit envisager toutes ces questions. Une autre difficulté forte réside dans la non conformité du droit français à l’égard du droit européen sur plusieurs points importants. Si l’entreprise s’en tient aux seules dispositions du Code du travail, elle risque un contentieux pouvant notamment aboutir à priver d’effet des dispositions conventionnelles et à annuler des dispositions contractuelles, comme cela est arrivé récemment à une entreprise relevant du Syntec (voir article ci-contre). Comment expliquer cet état de fait ? M. M. : D’un côté, le législateur a démultiplié les possibilités de dérogation à la loi via des accords collectifs. De l’autre, les pouvoirs publics ne se montrent pas très respectueux des engagements internationaux sur la question du temps de travail. Un seul exemple : le Comité européen des droits sociaux a conclu à plusieurs reprises (2004, 2010) à la violation par la France de la Charte sociale européenne concernant les forfaits en jours et les astreintes, mais la loi n’a pas été mise en conformité depuis… Comment sortir de cette insécurité juridique ? M. M. : Il faut prendre conscience que la liberté et la souplesse octroyées en matière de négociation du temps de travail implique un surcroît de responsabilités. Dès l’instant où l’accord supplée à la loi, il se doit d’être complet, de répondre à toutes les questions et d’être conforme tout à la fois au Code du travail, au droit européen et au droit international. À défaut, il peut être attaqué par un salarié s’estimant lésé et entraîner des coûts importants. Les entreprises et les partenaires sociaux n’en ont pas toujours conscience, notamment dans les PME. Seule la formation permet d’éviter ces écueils. 23 remise en cause à tout instant au risque de voir l’employeur, même s’il est de bonne foi, condamné à un lourd rappel d’heures supplémentaires, voire au paie- ment de dommages et intérêts... Selon Michel Miné, si le nombre de contentieux prud’homaux est en baisse, les affaires portées devant les tribunaux de grande instance pour accords non licites sont de plus en plus nombreuses. Des accords invalidés Une entreprise relevant de la convention collective nationale (CCN) signée par le Syntec vient d’en faire la douloureuse expérience. Elle s’est vue condamnée pour avoir signé avec une salarié une convention individuelle de forfait jour certes conforme à la CCN Syntec et au droit français, mais contraire à la Charte sociale européenne… Un arrêt de la Cour de cassation prononcé en avril der- nier a conclu que la CCN Syntec n’ap- portait pas de garantie pour assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée. Considérant que l’employeur aurait dû prévoir des dispositions spéci- fiques (amplitude, charge et répartition du travail dans le temps) dans son ac- cord d’entreprise pour la mise en place du forfait jour, la convention individuelle a été invalidée et l’entreprise condam- née à payer les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire. Encore ne s’agit-il pas là d’un cas isolé. D’autres entreprises dans d’autres branches d’activités, comme les industries de la chimie ou les commerces de gros, se sont vues ainsi épinglées pour les mêmes raisons. La liberté de négocier s’avère donc au final un véritable cadeau empoisonné et complexifie davantage la tâche des DRH et des partenaires sociaux désireux d’inscrire le sujet à l’ordre du jour.
  • 24. 24 temps de travail I ndividualisation et flexibilité. Tels sont les mots-clés qui prévalent aujourd’hui dans toute négocia- tion relative à l’organisation du temps de travail. Comme pour les salaires, la norme collective fait de moins en moins autorité. De dérogation en dérogation, la législation uniforme sur les temps de travail s’est progressivement émiettée (voir article p. 22) au point que la notion même d’« heures de bureau » devient incertaine. La tâche des DRH et des instances représentatives du personnel n’en est que plus ardue lorsqu’il s’agit de négocier. Côté entreprise, l’objectif est d’optimiser la productivité, d’amor- tir les équipements, de mieux gérer les Quand l’individuel prime sur le collectif À côté des traditionnels débats sur le temps partiel et les heures supplémentaires, l’organisation du travail doit, de plus en plus, intégrer de nouveaux enjeux sociétaux, qui dépassent le cadre des NAO. variations d’activité, de répondre aux attentes de plus en plus exigeantes des clients (par exemple sur le travail dominical dans le commerce)... Côté syndicats, le débat se cristallise autour des heures supplémentaires, des condi- tions de travail et du phénomène global d’intensification, générateur de risques psychosociaux. Travail décloisonné À cette équation déjà complexe s’ajoutent de nouveaux facteurs : le renforcement desobligationslégalesenmatièred’égalité professionnelle, l’émergence du droit à la parentalité pour les hommes comme pour les femmes, et plus, globalement, l’aspi- ration des salariés à un meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. Enfin, le phénomène de la portabilité, in- duit par le développement des nouvelles technologies, a totalement décloisonné la sphère professionnelle et la sphère privée, créant une véritable zone grise entre l’en- treprise et le domicile. Cette tendance, portée par la fameuse « génération Y », née dans les années 1980 – bientôt suivie de la « génération Z », jugée plus volatile encore – ne fera que s’accentuer dans les années à venir.
  • 25. 25 Dans ce contexte, le cadre de négocia- tion annuelle posé dans les années 1980 semble bien étroit. La problématique du temps de travail dépasse de loin la seule question des heures supplémen- taires et des congés. L’innovation RH a donc de beaux jours devant elle... Depuis quelques années, quelques grands groupes comme Alstom, France Télécom ou Areva ont ainsi ouvert la voie vers la signature d’accords spécifiques dédiés à l’équilibre vie privée/vie profes- sionnelle, intégrant des aménagements d’horaires, l’organisation des temps de réunion et des déplacements, le temps partiel « choisi »... Encore ces mesures restent-elles très liées aux thématiques de l’égalité hommes/femmes et de la parentalité. C’est donc davantage la vie familiale que la vie privée des salariés qui est envisagée. Le télétravail en hausse Par ailleurs, le télétravail, déjà inscrit dans l’Accord national interprofession- nel de 2005 et désormais encadré par la loi du 22 mars 2012, se développe de plus en plus, en dépit de résistances patronales et managériales et de cer- taines méfiances syndicales. Selon LBMG Worklabs, il concernerait au- jourd’hui 14,2 % des salariés français (voir encadré). Chez Groupama Rhône- Alpes-Auvergne, le dossier a été abordé « avec prudence et pragmatisme », selon les termes de Blaise Barbance, directeur du développement RH. Deux années d’expérimentation et de mise en place ont conduit à la signature, en 2011, d’un accord triennal dont bénéficient aujourd’hui une cinquantaine de sala- riés, soit 2,5 % du personnel. « Depuis plusieurs années, il y avait une réelle at- tente, notamment en raison de temps de transports quotidiens disproportionnés. Le télétravail n’a pas révolutionné l’en- treprise, il s’inscrit totalement dans notre pacte social. Mais il repose aussi sur un intérêt partagé. La formule permet une grande souplesse dans la planification. Par exemple, certains de nos gestion- naires d’assurance en télétravail font le choix d’horaires décalés, en fin d’après- midi ou le samedi matin, ce qui corres- pond à la demande des clients. » Pour Blaise Barbance, le télétravail constitue non seulement un « germe d’évolution » vers un management plus individualisé, reposant sur des objectifs négociés, mais aussi un formidable levier de moti- vation et de remobilisation des collabo- rateurs concernés. Plus d’un salarié sur 10 serait télétravailleur Le retard de la France en matière de télétravail serait un mythe. C’est du moins ce qu’affirme le cabinet LBMG Worklabs, qui accompagne les entreprises dans la mise en œuvre de cette nouvelle forme d’organisation. À partir d’une analyse des études publiées sur la décennie 2000-2010, LBMG Worklab conclut que 14,2 % des salariés français sont télétravailleurs au sens légal du terme. Le chiffre atteint 17 % si l’on inclut les indépendants et les « faux télétravailleurs ». Et l’émergence d’un nouveau type de salariés, les « intrapreneurs » (plus autonomes, plus responsables, plus innovants) ne fait que commencer si l’on en croit les promoteurs du Livre Blanc sur le télétravail et les nouveaux espaces de travail, publié au printemps dernier à l’issue du Tour de France 2012 du Télétravail. Il est consultable sur le site www.tourdefranceduteletravail.fr Le développement des nouvelles technologies a totalement décloisonné la sphère professionnelle et la sphère privée, créant une véritable zone grise entre l’entreprise et le domicile.
  • 26. 26 Égalité professionnelle «À travail égal… salaire égal ». La formule ne date pas d’hier, puisqu’elle a été inscrite dans la loi dès 1972. Depuis lors, le long chemin devant mener à l’instauration d’une égalité pro- fessionnelle effective entre les hommes et les femmes dans l’entreprise est ja- lonné de mesures législatives plus ou moins coercitives : 1983, instauration du rapport de situation comparée ; 2001, obligation de négocier au niveau de l’en- treprise et des branches ; 2006, objectif de suppression des écarts de rémunéra- tions à échéance du 31 décembre 2010. Mais à la date annoncée, le compte n’y est toujours pas : une nouvelle loi im- pose à toutes les entreprises de plus de 50 salariés d’établir, avant janvier 2012, un accord collectif ou à défaut, un plan Égalité professionnelle : les écarts persistent En dépit des obligations légales, l’égalité professionnelle reste traitée de façon marginale dans le cadre des NAO. Quarante ans après l’instauration du principe d’égalité entre les hommes et les femmes face au travail, la question est loin d’être résolue. d’actions. Pour la première fois, le légis- lateur assortit l’obligation de sanctions financières pouvant atteindre 1 % de la masse salariale. La menace demeure inopérante : début 2013, les services de la Dirrecte sont chargés de réaliser un contrôle systématique, sur pièces : plus de 300 entreprises sont rappelées à l’ordre. Deux PME sont même condam- nées à payer. Selon le ministère des Droits des femmes, cette politique de fermeté commencerait à porter ses fruits puisque 1 600 accords ou plans d’ac- tions auraient été déposés au 15 mai 2013. L’écart des salaires hommes/ femmes n’en persiste pas moins, qua- rante ans après la première loi instaurant le principe d’égalité. Il se situe toujours, en France, autour de 20 %, comme le
  • 27. 27 Un salaire égal pour un travail de valeur égale Qui, de la caissière de supermarché et du magasinier déploie le plus d’efforts physiques dans une journée ? Qui de l’assistante de direction et du technicien de maintenance mobilise le plus de compétences ? Si l’on s’en tient à la stéréotypie sexuée qui prévaut encore aujourd’hui, les emplois traditionnellement féminins sont systématiquement sous-évalués. Les femmes ne mobiliseraient que des « qualités naturelles », là où les hommes déploieraient technicité et compétences. À l’appui de réflexions menées dans différents pays, le Défenseur des Droits bat en brèche cette approche fondamentalement discriminatoire. Publié en mars dernier, le Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine* pointe les limites des méthodes de classification en vigueur et ouvre des pistes de réflexion pour une évaluation plus équitable de la valeur réelle du travail féminin. * Le guide est disponible en PDF sur le site www.defenseurdesdroits.fr constatait encore début 2012 le Bilan de l’application des dispositifs promouvant l’égalité professionnelle entre femmes et hommes publié par le Conseil écono- mique social et environnemental (Cese)*. Des emplois sous-qualifiés « Depuis les années 1990, constate Maryse Dumas, syndicaliste CGT et co-rédactrice de ce bilan, les écarts ont cessé de se réduire à mesure que se sont développés les emplois précaires et plus particulièrement le temps partiel. » De fait, les femmes restent majoritaire- ment moins qualifiées et plus vulnérables face à l’emploi. Les chiffres présentés lors de la Grande Conférence sociale de 2012 sont patents : les femmes repré- sentent 80 % des salariés à temps partiel et 62 % de la main d’œuvre non qualifiée. L’introduction de la question de l’égalité dans les NAO a certes suscité une prise de conscience, mais les effets se font attendre car l’inertie persiste, aussi bien du côté des directions que du côté des organisations syndicales. Il est vrai que le phénomène dépasse largement le cadre de l’entreprise. « Ce qui est en cause, poursuit Maryse Dumas, c’est la ségré- gation dans l’emploi. Il y a un ancrage culturel profond : les femmes restent traditionnellement confinée dans des métiers ou des filières peu valorisées. » Dans le même ordre d’idée, François Fatoux, délégué général de l’Observa- toire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE), très engagé sur la question de l’égalité professionnelle*, pointe l’écrasante prééminence des modèles managériaux masculins (voir interview p. 29). Dans ces conditions, le focus annuel porté sur le sujet à travers l’analyse du rapport de situation comparée (RSC) – du reste négligé par plus de la moitié des entreprises – demeure très restrictif. S’il constitue un outil indispensable pour mesurer la situation des femmes dans l’entreprise, le RSC ne se suffit pas à lui- même. « C’est une photographie à l’ins- tant T. Ce qui importe davantage, c’est de “refaire le film”, d’analyser les raisons de l’inégalité pour engager des actions correctives », explique Maryse Dumas. Dans cette optique, l’attribution d’une simple enveloppe de rattrapage salarial pour compenser les écarts n’est qu’une mesure parmi d’autres. Elle peut même, parfois, s’avérer contre-productive si elle intervient au détriment de l’ensemble des salariés. Il y a un ancrage culturel profond : les femmes restent traditionnellement confinée dans des métiers ou des filières peu valorisées. Voir p. 34
  • 28. 28 Accords et labellisation Depuis 2005, Sagemcom, groupe fran- çais de haute technologie (1 300 sala- riés en France), procède chaque année à ce type de rééquilibrage dans le cadre de la NAO. Mais cette disposition s’ac- compagne d’un effort de promotion professionnelle, indispensable dans ses métiers à forte dominante masculine. S’appuyant sur ses premières expé- riences, l’entreprise a renforcé sa dé- marche, fin 2012, par la signature d’un accord égalité professionnelle sur trois ans. La feuille de route comprend des mesures en matière d’embauche à sa- laire égal, de sensibilisation des RH et du management, d’évolution profession- nelle via la formation et le repositionne- ment des collaboratrices sur l’ensemble des classifications. Elle prend également en compte l’équilibre vie privée/vie pro- fessionnelle. « Il ne s’agit plus seulement de corriger des écarts existants, mais bien de s’engager durablement dans une dynamique d’équilibre, explique Michel Brunet, le DRH. Cela suppose d’œu- vrer à tous les niveaux pour favoriser la mixité, analyser et corriger les inégalités salariales, surveiller les augmentations annuelles et accompagner les collabo- ratrices vers des postes d’encadrement en levant le verrou de l’autocensure. » Si un dispositif de suivi a été mis en place autour de l’accord, le sujet n’en reste pas moins inscrit à l’ordre du jour des NAO. « Nous continuons à prendre des mesures de rééquilibrage salarial. Nous avons même constaté, en 2013, que, dans certains cas, elles concernaient aussi des hommes ! Ce qui démontre que l’égalité de traitement ne s’exerce pas à sens unique », souligne le DRH. Autre problématique, autre approche pour SFD (2 500 salariés), distributeur de solutions mobiles pour SFR. En 2009, l’entreprise a abordé la ques- tion de l’égalité hommes/femmes sous l’angle plus large de la diversité. Elle a tout d’abord signé un accord sur l’égalité des chances, puis s’est engagée dans une démarche de labellisation sur l’éga- lité professionnelle avec l’AFNOR, qui lui a permis de mieux structurer ses actions en direction des femmes. « Chez SFD, la parité existe au niveau des effectifs, résume Fabienne Glatt-Quintana, direc- trice des ressources humaines. Tout l’en- jeu pour nous est d’ancrer l’égalité dans la culture de l’entreprise et de garantir l’équité dans la gestion RH et le manage- ment. » Sur la base du RSC, enrichi par le cahier des charges du label « Égalité », l’entreprise œuvre en faveur de l’équilibre des salaires et des recrutements, notam- ment sur les métiers les moins féminisés. Mais l’essentiel de son action porte sur une meilleure prise en compte de la pa- rentalité et le souci de concilier vie pro- fessionnelle et vie privée. « Nous sommes parvenus à faire de la maternité un non- événement, d’une part en sensibilisant et Il ne s’agit plus seulement de corriger des écarts existants, mais bien de s’engager durablement dans une dynamique d’équilibre. Égalité professionnelle
  • 29. 29 en accompagnant le management sur le sujet, d’autre part en déployant tout un dispositif autour des départs et retours de congé maternité : aménagements du temps de travail sans perte de salaire, entretien, accompagnement et formation au retour pour faciliter la réintégration... » Chaque année, la NAO est l’occasion de faire le point sur les avancées avec les partenaires sociaux sur la base d’indica- teurs précis et de prendre des mesures ponctuelles complémentaires, via, par exemple, la mobilisation du CESU pour les gardes d’enfants. La longue marche vers l’égalité n’en est pas pour autant terminée, comme en témoignent les longs débats autour du nouvel accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle. Arrêté mi-juin 2013, le projet d’accord pourrait s’accompagner de nouvelles dispositions législatives.  Références : voir p. 34 3 questions à... François Fatoux, délégué général de l’ORSE L’ORSE est un observateur attentif des évolutions relatives à l’égalité professionnelle. Quel constat dressez-vous aujourd’hui sur le sujet ? François Fatoux : La mobilisation des acteurs publics et des très grandes entreprises est indéniable. Nul n’ignore plus le sujet. Mais les résultats sont largement insuffisants. Les écarts demeurent et de nombreuses résistances subsistent dans les entreprises comme au sein des organisations syndicales, car la question de l’égalité professionnelle est encore trop souvent considérée comme une affaire de femmes. L’idée persiste aussi que l’égalité ne pourrait s’opérer qu’au détriment de la population masculine. Le cheval de bataille de l’ORSE est de démontrer qu’elle intéresse au contraire tous les salariés et doit mobiliser les hommes. En quoi les hommes sont-ils directement concernés ? F. F. : Il est désormais reconnu que tous les dispositifs concernant l’équilibre vie privée/vie professionnelle ou la parentalité concernent aussi bien les femmes que les hommes. Mais ces derniers peinent encore à mobiliser les mesures qui leur sont proposées. Par exemple, près de 97 % des congés parentaux sont demandés par des femmes contre seulement 2 ou 3 % par des hommes. Cela s’explique par la prééminence des normes masculines dans l’entreprise. Un homme qui demande à quitter plus tôt pour aller chercher ses enfants à l’école est tôt ou tard soupçonné d’être démotivé ou de préparer son départ de l’entreprise. Comment faire évoluer les mentalités ? F. F. : Il faut réinterroger les systèmes de management, analyser et dépasser ces fameuses normes masculines, qui reposent sur l’infaillibilité, la compétition, la maîtrise des émotions. Les deux dernières publications de l’ORSE* portent sur cette question. À l’appui de travaux scientifiques, nous démontrons que l’injonction à la virilité est source de coûts énormes pour l’entreprise (présentéisme, risques psycho-sociaux, comportements addictifs, accidents) et que l’engagement en faveur de l’égalité hommes/femmes est l’opportunité de réfléchir à des organisations plus respectueuses de l’individu. La reconnaissance d’un droit à la fragilité - pour une femme enceinte, un père divorcé, un salarié surendetté, un aidant familial - est aussi un facteur de performance. Voir p. 34
  • 30. 30 Emploi et handicap L’obligation d’emploi des tra- vailleurs handicapés (OETH) a plus de 25 ans, mais elle n’est réelle- ment devenue un sujet d’échange entre les entreprises et les instances représen- tatives du personnel (IRP) qu’à partir de 2005, année où elle s’est invitée à la table des négociations annuelles obligatoires. « Jusqu’alors, beaucoup d’entreprises focalisaient leur attention sur le montant de leur contribution annuelle à l’Agefiph. L’emploi des personnes handicapées n’était pas un sujet abordé en tant que tel. », explique Valérie Tran (voir interview p. 32)*. Pour la directrice générale du cabinet Ariane Conseil, l’obligation de négocier a fait entrer les directions et les partenaires sociaux dans un cercle vertueux en les amenant à s’interroger chaque année sur leur situation concrète en matière d’accès à l’emploi, de for- mation, de promotion professionnelle, Le handicap, au-delà de la question des quotas Depuis son inscription à l’ordre du jour des NAO, en 2005, le handicap est devenu pour l’entreprise et les partenaires sociaux un vrai sujet de réflexion, ouvrant sur de nombreuses possibilités d’actions. de conditions de travail et de maintien dans l’emploi des personnes handica- pées. « Cela a induit une approche plus qualitative du sujet et incité les entre- prises à la réalisation de diagnostics, ce qui constitue déjà un début d’action. » Des modalités d’engagement progressives La marge de manœuvre laissée aux entreprises en matière de handicap est assez large. Elles peuvent s’orienter vers des actions ponctuelles, tout en conti- nuant à s’acquitter de leur contribution annuelle. C’est ainsi que de nombreuses entreprises s’efforcent par exemple de développer des marchés de sous- traitance avec les secteurs protégés et adaptés pour atténuer le poids de la contribution. La loi de 2005 a par ailleursVoir p. 34
  • 31. 31 Une obligation d’emploi renforcée depuis 2005 de 20 à 199 salariés : 400 fois le SMIC horaire soit 3 772 € de 200 à 749 salariés : 500 fois le SMIC horaire soit 4 715 € plus de 750 salariés : 600 fois le SMIC horaire soit 5 658 € Le calcul de la contribution à l’Agefiph, par unité manquante et par an en fonction du nombre de salariés (sur le base du SMIC horaire au 1er janvier 2013 : 9,43 €) L’engagement de l’entreprise en matière d’emploi des personnes handicapées est « sanctionné » par le montant de la contribution annuelle versée à l’Agefiph, proportionnel au nombre d’unités manquantes pour atteindre le taux d’emploi légal de 6 %. Calculé sur la base du SMIC horaire, il est multiplié par un coefficient variable selon la taille de l’entreprise. Une entreprise n’ayant réalisé aucune action pendant plus de trois ans voit ce coefficient porté à 1 500 fois le SMIC horaire, soit 14 145 euros par unité manquante. introduit un système de déductions liées aux dépenses engagées sur certaines actions (sensibilisation, communication, travaux d’accessibilité, études et aména- gements de poste etc.), dans la limite de 10 % de la contribution. Mais ces initiatives n’engagent pas for- mellement l’entreprise sur une politique d’emploi des personnes handicapées et ne permettent pas de mobiliser efficace- ment les différents acteurs sur le sujet. L’étape suivante passe par une véritable contractualisation et la définition d’un plan d’actions annuel ou pluriannuel. Là encore, plusieurs choix sont possibles. L’entreprise peut s’orienter vers la signa- ture d’une convention avec l’Agefiph. À l’issue d’une démarche de diagnostic, financée par l’Agefiph, est négocié un programme d’actions sur deux ans s’appuyant sur des objectifs chiffrés et prévoyant le déploiement des moyens humains et financiers nécessaires à sa réalisation. L’entreprise bénéficie ainsi d’un accompagnement, d’aides finan- cières, mais elle continue à s’acquitter de sa contribution annuelle. En principe, les partenaires sociaux n’interviennent pas directement dans le processus de négociation de la convention, mais ils sont généralement associés, notam- ment pendant la phase de diagnostic et lors de la restitution de ce dernier. L’autre option consiste en la signature d’un accord qui engage l’entreprise sur un plan d’actions complet de trois ans, agréé par la Direccte. Il inclut tous les axes structurant une politique d’emploi des personnes handicapées (recrute- ment, formation, maintien dans l’emploi, sous-traitance, communication-sensibi- lisation) et fixe, pour chacun d’eux, des objectifs précis, un accent particulier étant porté sur le recrutement. Cet ac- cord dit libératoire exonère l’entreprise de la contribution annuelle à l’Agefiph, mais l’oblige à réserver un budget équi- valent pour financer sa politique Bien souvent, la signature d’une convention avec l’Agefiph constitue un premier pas avant la signature d’un accord.
  • 32. 32 Emploi et handicap handicap. Dans le même temps, elle renonce aux aides de l’Agefiph. Acquérir une maturité sur le thème du handicap Bien souvent, la signature d’une conven- tion Agefiph constitue un premier pas avant la signature d’un accord. C’est précisément ce choix qu’a fait l’entre- prise Assystem. « Lorsque nous avons signé notre première convention1 , en 2007, nous souhaitions nous faire ac- compagner pour acquérir un premier ni- veau d’expérience sur le sujet, explique Emmanuelle Capiez, sa DRH. Avant d’envisager un accord négocié avec les partenaires sociaux, il nous fallait ac- quérir une culture commune, nous ap- puyer sur des réalisations concrètes. » Différentes réorganisations de l’entre- prise ont retardé le passage à un accord, qui n’est intervenu que fin 2012. « La période de convention nous a permis de constater qu’il était possible d’inté- grer le handicap dans la vie courante de l’entreprise, y compris dans le contexte très spécifique d’Assystem, qui recrute à des niveaux élevés et détache 70 % de ses collaborateurs chez des clients. Forts de ces réussites, nous avions toute 3 questions à... Valérie Tran, directrice générale du cabinet Ariane Conseil Quel est, selon vous, le principal mérite de l’entrée du handicap dans les NAO ? Valérie Tran : L’obligation de négocier a permis à l’entreprise d’aborder le sujet autrement que sous l’angle de l’obligation d’emploi. Elle invite d’abord la direction et les IRP à redéfinir ce qu’est le handicap et à dépasser les idées reçues. Elle les conduit ensuite à partager leur vision de la situation et les amène souvent à engager une démarche de diagnostic ainsi que le préconisent les textes.Ainsi, l’emploi des personnes handicapées n’est plus seulement une question de quotas. Il devient un vrai sujet RH et constitue l’un des fondements de la politique RSE de l’entreprise. Etablir un état des lieux ne peut qu’inciter les directions et les partenaires sociaux à agir autrement que d’un point de vue strictement comptable. La loi prévoit différentes modalités d’action, comment choisir ? V. T. : C’est un choix stratégique à opérer en fonction de nombreux critères tels que le contexte de l’entreprise, son degré de maturité par rapport au sujet, la qualité de son dialogue social. D’où l’importance du diagnostic qui permet de mesurer les tenants et les aboutissants, d’identifier les freins et les leviers et d’opter entre des actions ponctuelles ciblées ou un engagement plus formel, via une convention Agefiph ou un accord. La démarche doit être progressive, l’accord négocié agréé par la Direccte constituant la phase ultime. Il requiert une vraie maturité sur le sujet et une forte implication de l’ensemble de la ligne hiérarchique. En période de crise, le handicap ne risque-t-il pas d’être relégué au rang de sujet secondaire ? V. T. : Bien sûr, des sujets comme la préservation de l’emploi et la compétitivité peuvent être considérés comme plus importants. Cela étant, les grands groupes mesurent aujourd’hui son importance en termes d’image et ses enjeux. Mais c’est aussi un sujet transversal qui en interroge d’autres, comme celui de la santé au travail. Les réflexions sur les aménagements de poste ou le maintien dans l’emploi inhérentes à toute politique handicap touchent l’ensemble du collectif de travail. Outre la santé au travail, le handicap s’inscrit aussi dans une démarche d’ouverture à la diversité et de RSE, dont les entreprises ne peuvent plus faire l’économie.
  • 33. 33 la maturité pour négocier et définir des objectifs réalistes car nous savions pré- cisément comment agir et avec quels moyens », commente la DRH, tout en précisant que les représentants du per- sonnel ont bénéficié d’une formation spécifique sur le handicap. Les IRP acteurs de la politique handicap L’enjeu de la sensibilisation est en effet primordial, tant pour le personnel et le management que pour leurs représen- tants, amenés à jouer un rôle actif dans le déploiement et le suivi d’un accord. Si la plupart des grandes organisations syndicales sont aujourd’hui position- nées sur la thématique du handicap, l’appropriation du sujet par les délégués syndicaux, les élus du CHSCT et du CE demeure incontournable. Pour Guesmia Domèche, délégué syndical chez Orange RSI France, le meilleur levier reste l’engagement des collaborateurs handicapés eux-mêmes. « C’est une question de légitimité, explique ce mili- tant SUD, lui-même paraplégique. À titre personnel, j’ai connu toutes les galères, le chômage, les stages, les refus d’em- bauche. Mon expérience peut être utile à l’entreprise et à mes collègues. C’est ce qui a déterminé mon engagement. » Également membre du CE RSI, Guesmia Domèche y a participé à la création d’une commission spécialement dédiée au han- dicap, devenue au fil du temps un acteur à part entière de la politique du groupe, qui prépare cette année la signature d’un cinquième accord. «  Au début, notre intervention consistait principalement à veiller à l’accès des collaborateurs handi- capés aux actions sociales et culturelles, mais elle s’est structurée au fur et à me- sure de l’arrivée d’autres membres en si- tuation de handicap. » Toutes obédiences confondues, la Commission Handicap du CE RSI compte aujourd’hui une douzaine de membres, dont près de la moitié ont le statut de travailleurs handicapés. Elle analyse chaque année le bilan handicap de l’entreprise, formule régulièrement des propositions à la direction, intervient auprès des différentes directions des ressources humaines lorsque lui sont signalées des situations difficiles de sa- lariés handicapés, et œuvre activement à la sensibilisation de l’ensemble des acteurs internes. « En 2008, la commis- sion a réalisé un DVD pour expliquer leurs droits au salariés handicapés, explique Jean-Luc Fischer (CFDT), son actuel président. Cette année, nous travaillons à la réalisation d’une série de films courts humoristiques, intitulée TH ou quoi ? et destinée aussi bien à l’interne qu’à l’ex- terne. Notre expérience montre que les idées reçues sont tenaces et qu’il faut sans cesse agir pour faire évoluer les re- gards. Le handicap est devenu un vrai sujet pour les syndicats, mais les élus ne mesurent pas toujours la réalité des situations vécues par les collaborateurs handicapés. Personnellement, c’est par le biais d’un mandat au CHSCT que j’ai pris conscience de l’étendue du sujet. »  1. Depuis 2011, les conventions signées avec l’Agefiph ne sont plus renouvelables, sauf situation exceptionnelle. Pour en savoir plus : www.agefiph.fr Références : voir p. 34 12 100entreprises ont signé un accord agréé sur l’emploi des personnes handicapées, ce qui représente 9,4 % des entreprises assujetties à l’OETH. (Chiffre Dares, 2012)
  • 34. 34 RAPPORTS ET ÉTUDES Les obligations et incitations portant sur la négociation collective, Centre d’analyse stratégique, la Note d’analyse n° 240, septembre 2011. www.strategie.gouv.fr Hommes, sujets et acteurs de l’égalité, 2013. Le poids des normes dites masculines sur la vie professionnelle et personnelle d’hommes du monde de l’entreprise, 2012. Etat des lieux des pratiques de négociation sur le télétravail dans les entreprises en France, 2011. www.orse.fr Pratiques d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans les entreprises. Un portail internet complet réalisé par l’ORSE. www.egaliteprofessionnelle.org Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine, 2013. www.defenseurdesdroits.fr Attitudes et comportements des entreprises en matière d’égalité professionnelle - L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, état des lieux 2012 - Etude APEC - Mai 2012. www.apec.fr Bilan de l’application des dispositifs promouvant l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, par Sylvie Brunet et Maryse Dumas, 2012. www.lecese.fr Dossier documentaire de la Grande Conférence sociale - juillet 2012. http://travail-emploi.gouv.fr Livre Blanc sur le télétravail et les nouveaux espaces de travail, 2012. www.tourdefranceduteletravail.fr pour en savoir plus ACTEURS ET ORGANISMES Les sites Internet des organismes mentionnés ci-dessous proprosent en consultation ou en téléchargement libre d’importantes ressources sur les différentes thématiques abordées dans ce livret : études chiffrées, enquêtes, guides pratiques, recueils d’expériences... ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines) www.andrh.fr AGEFIPH (Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) www.agefiph.fr Obergo (Observatoire du télétravail, des conditions de travail et de l’ergostressie) www.ergostressie.com Observatoire de la parentalité www.observatoire-parentalite.com Orse (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises) www.orse.org OUVRAGES Gilles Bélier et Henri-José Legrand - La Négociation collective en entreprise - Nouveaux acteurs, nouveaux accords, 4 ans après la loi d’août 2008 - Editions Liaisons, 2012. Sylvie Liberti et Valérie Tran - La Politique handicap de l’entreprise - Enjeux, mode d’emploi, bonnes pratiques - Eyrolles, 2012. Michel Miné et Daniel Marchand – Le Droit du travail en pratique (25e édition) – Eyrolles, 2013.
  • 35. Forte de 80 groupes locaux et 5000 membres, l’ANDRH constitue un lieu de rencontre et de réflexion privilégié entre professionnels RH d’un même secteur géographique. Être adhérent à l’ANDRH c’est d’abord appartenir à un groupe local. C’est cette proximité qui permet de confronter les expériences, faciliter les échanges de bonnes pratiques et développer un esprit de solidarité et d’entraide. échanger partager proposer former accompagner Pour s’inscrire : www.andrh.fr L’ANDRH,ASSOCIATION DES PROFESSIONNELS DES RESSOURCES HUMAINES AU SERVICE DE L’INNOVATION SOCIALE ET DE LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE acteur de référence dans le débat RH
  • 36. plus loin Voir www.groupechequedejeuner.fr Coopératif par choix, solidaire par vocation, nous exportons et adaptons notre savoir-faire aux cultures de chaque pays. Aujourd’hui et plus que jamais, l’esprit coopératif nous anime depuis 1964. Acteur majeur de l’économie sociale, le Groupe Chèque Déjeuner met toutes ses expertises au service des entreprises, des comités d’entreprise, des collectivités et des particuliers. À travers ses produits – titres de services prépayés - et ses solutions de gestion de l’action sociale, il apporte des réponses humaines et réalistes aux besoins de ses clients et bénéficiaires. En 2012*, le Groupe Chèque Déjeuner représente 45 sociétés et 1990 collabo- rateurs dans 13 pays. Chaque jour, près de 168000 clients et 21 millions d’utilisateurs apprécient les produits et services du Groupe Chèque Déjeuner. Créditphoto:©JosephFord *Chiffres consolidés 2012