Interview Les Echos le 4 janv 2014 sur la charte familiale
Innovations juridiques récentes suceptibles d'intéresser le marché du private equity
1.
2. a été pour la première fois autorisé par la Commission
des opérations de Bourse en juin 2003, dans les condi-
tions qu’il est intéressant de rappeler aujourd’hui, car
elles éclairent la genèse et la philosophie du mécanisme
aujourd’huienvigueur:«Leprojetproposéprévoyaitque
les bénéficiaires achètent, à leurs frais et sur le marché,
un nombre déterminé d’actions de la société, représen-
tant entre six mois et un an de leur rémunération annuel-
le brute. A l’issue d’une période de conservation de trois
ou quatre ans, il était prévu de leur attribuer des actions
gratuites en fonction de critères de performance prédé-
terminés de la société(9)
.»
Onvoitbienquel’objectifestdefidéliserlessalariés,tout
en les intéressant aux résultats de la société via la déten-
tion d’actions qui leur permettront de bénéficier d’une
quote-part de la plus-value accumulée.
Mais l’opération perdait une partie de son attrait car, en
l’absence de régime fiscal spécifique, les bénéfices asso-
ciés à cette attribution gratuite étaient assimilés à des
salaires et, donc, non seulement taxables au taux pro-
gressif de l’impôt sur le revenu, mais également assujet-
tis à charges sociales. C’est pourquoi Edouard Balladur a
jugé opportun de déposer une proposition de loi pour
préciser le régime juridique et fiscal de ces attributions
gratuites d’actions, afin de les rendre plus attractives.
Cette proposition de loi a donné lieu à un amendement,
dit «amendement Balladur», qui a finalement été adopté
dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, et
incorporé à l’article L 225-97-1 du Code de commerce.
2.2.Procédureàsuivrepourl’attributiongratuite
d’actions
Le pouvoir de décider de l’attribution gratuite d’actions a
été confié à l’assemblée générale extraordinaire, qui sta-
tue au vu d’un rapport du conseil d’administration et
d’un rapport spécial du commissaire aux comptes. Cette
décision a une durée de validité maximale de 38 mois,
délai à l’intérieur duquel le conseil d’administration doit
se réunir pour désigner les bénéficiaires, et fixer «les
conditions, et, le cas échéant, les critères d’attribution
des actions(10)
».
La loi a prévu que les actions ne seraient définitivement
acquises aux bénéficiaires qu’à l’issue d’une période
qualifiéede«périoded’acquisition»,auminimumégaleà
deux ans.
Bien que le texte ne le précise pas, on peut penser que la
condition «a minima» est une condition de présence
continuedusalariédansl’entreprisependantcettepério-
de d’acquisition, puisque l’esprit du dispositif est de fidé-
liser les salariés.
Lorsque les actions sont définitivement acquises, un
deuxième délai commence à courir, également au mini-
mum égal à deux ans, durant lequel incombe au bénéfi-
ciaire une «obligation de conservation» qui conditionne
l’application du régime fiscal et social (11)
favorable prévu
par la loi de finances.
Le schéma ci-dessus illustre l’articulation de ces deux
délais. Il montre également que le mécanisme se prête
particulièrement bien à l’attribution par «tranches condi-
tionnelles», fréquemment prévues dans les plans de
stock-options, notamment anglo-saxons.
La décision du conseil d’administration pourrait prévoir
en particulier une attribution en deux tranches, la pre-
mière étant attribuée sous condition d’atteinte d’objec-
tifs de rentabilité prévus pour une première période, et la
deuxième sous condition d’atteinte des objectifs de ren-
tabilité prévus pour la deuxième période.
2.3.L’attributiongratuited’actionsreprésente-t-
elleuneopportunitépourleprivateequity?
Pour apporter une réponse à cette question, il faut avoir
en mémoire que le mécanisme mis en place par la loi de
finances a avant tout été conçu comme un outil de rému-
nération des salariés.
Il est donc assez naturel que, vu sous l’angle particulier
des besoins des acteurs du marché du private equity, il
présente certains inconvénients qui peuvent faire douter
de son attrait pour les opérations de capital-investisse-
ment.
D’une part, le régime fiscal, calé sur celui des stock-
options (12)
, demeure cependant moins attractif que le
régime fiscal d’imposition des plus-values.
D’autre part, les contraintes de délai, additionnées,
conduisentàunepériodetotaledeblocagedequatreans
qui peut sembler trop longue par rapport aux horizons
raccourcis sur lesquels les investisseurs ont tendance à
raisonner aujourd’hui : «sortie» à trois ans, et non plus à
cinq ans comme il y a quelques années.
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conditions définies par l’assemblée générale. Elles per-
mettent le remboursement progressif du capital investi.
Cemécanismepeutdésormaisêtremisenœuvreendroit
français grâce aux actions de préférence. Le droit particu-
lier sera alors le droit pour les porteurs d’actions amor-
tissables qu’elles soient rachetées à des conditions
fixées par les statuts. Les actions sont ensuite annulées,
et le capital social diminué. Il faut toutefois signaler que
le mécanisme est fiscalement assez pénalisant lorsque le
rachat par l’émetteur bénéficie à des personnes phy-
siques (6)
.
Les statuts pourront stipuler que le prix sera fixé à dire de
tiers(7)
,ouselonuneformuledevalorisation,parexemple
une formule multicritère.
Autre innovation intéressante, pour ne pas dire révolu-
tionnaire, apportée par l’ordonnance : le rachat pourra
être effectué par la société émettrice mais aussi par sa
mère ou par une filiale.
1.2.2.Des«convertibleshares»àlafrançaise?
Les opérations de capital-investissement font fréquem-
mentappelàdesmécanismesquipermettentd’ajusterla
quote-part de participation des différentes catégories
d’investisseurs, et notamment celle des fonds d’investis-
sement et celle du management, en fonction de la valeur
de la société à l’instant où ces participations doivent faire
l’objet d’une évaluation, par exemple lors de l’entrée
d’un nouvel actionnaire ou à l’occasion d’une augmenta-
tion de capital.
Ces mécanismes, dits dilutifs ou relutifs, suivant le côté
duquel on les apprécie, étaient traditionnellement mis en
œuvre au moyen de bons de souscription d’actions ou de
valeurs mobilières complexes comprenant de tels bons.
Ils peuvent, notamment, permettre aux managers d’ac-
croître leur participation au capital lorsque la société a
atteint certains objectifs de rentabilité, de sorte qu’ils
bénéficient d’une partie plus substantielle de la plus-
value lorsque la société a été gérée conformément aux
attentes des investisseurs. Ces mécanismes peuvent
aussi être utilisés pour rémunérer la prise de risque ini-
tiale prise par les premiers investisseurs, à l’occasion
d’un tour de table où rentrent de nouveaux partenaires.
Ils pourront désormais être prévus directement par les
statuts, qui pourraient, par exemple, créer une catégorie
d’actions de préférence dans laquelle le droit particulier
accordé à l’actionnaire est celui de convertir ces actions,
à un ou à des moments déterminés par les statuts, en
actions de préférence elles-mêmes convertibles. La pari-
té de conversion pourra varier en fonction de la valeur de
la société au moment où la possibilité de conversion est
ouverte par les statuts, permettant ainsi d’obtenir la dilu-
tion ou la relution souhaitée. Toutefois, les aspects fis-
caux doivent être soigneusement examinés, car l’opéra-
tion n’est pas sans risque (8)
.
Onlevoit,lesactionsdepréférenceainsiintroduitesendroit
françaisoffrentunegrandesouplesse,quidevraittoutparti-
culièrement intéresser les acteurs du private equity.
U
n autre mécanisme semble aussi, du moins
en apparence, particulièrement adapté à ces
opérations dans lesquelles l’implication et la
motivation du management constituent une composante
clé du succès. Il s’agit de l’attribution gratuite d’actions.
2.1.Unmécanismeautorisépourlapremièrefois
parlaCOBenjuin2003
En préambule, il faut souligner le fait que ce mécanisme
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2Actions
gratuites : du
pour et du contre
Actionnaires
Mère
Société
Fille
Idée : «redeemable shares»
➡
➡
➡
Actions rachetables
Droit particulier =
droit d’être racheté à
des conditions fixées
par les statuts (à dire
de tiers ou selon
formule), par
la société, la mère
ou la fille.
Conditions 1 Conditions 2
Idée : «convertible shares»
Actions gratuites - Période d’acquisition
et obligation de conservation
Mécanisme
dilutif/relutif
Droit particulier =
droit de convertir
ses actions de
préférence
convertibles en
actions de
préférence elles-
même convertibles,
selon parité qui
varie en fonction de
la valeur de la
société à l’instant T
(par exemple à
chaque tour de
table).Constitution 1er
tour
de table
2ème
tour
de table
Désignation
des bénéficiaires
Attribution
devient définitive
Obligationdeconservation≥ 2ansPérioded’acquisition≥ 2ans
x actions 2 x actions
Action de
préférence
convertible
Action de
préférence
convertible
Action de
préférence
convertible
Action de
préférence
convertible
Action de
préférence
convertible
Action de
préférence
convertible
Action de
préférence
convertible