Le descenseur social : Enquête sur les milieux populaire
M le Journal - Mars 2014
1. le journal
M
Mars 2014
Numéro 5
Les municipales
en 5 questions
Un maire pour
27 habitants
Copé Collé
à Meaux
« Le seul espoir,
c’est le FN »
L’abstentionnisme,
favori des élections
ADOPTE
UN MAIRE
2. Sommaire
• 3 Les municipales en 5 ques ons
• 4 Suismoi sur Twi er,
je ferai de toi un électeur
• 6 Le maire est dans le pré
• 7 Absten on : « le choix du
mécontentement »
• 8 Sevran : place aux citoyens
• 10 Les élec ons en chiffres
• 12 Marke ng banlieusard
• 14 Copé collé à Meaux
• 16 Tel maire, tel fils
• 18 Les maires
font de la résistance
• 19 « L’avenir, c’est le FN »
Rédacteur en chef :
Nordine Nabili
Rédacteur en chef adjoint :
Vincent Manilève
Secrétaire de rédac on :
Sala Sall
2 - M Le journal - mars 2014
L’édito
par Vincent Manilève
POURQUOI VOTER ? Pour montrer son mécon
tentement au gouvernement ? Pour désenclaver
un maire encastré dans son fauteuil ? Les raisons
de ne pas voter sont, en apparence, plus faciles à
trouver. Perte de confiance dans la classe poli que,
colère contre le gouvernement (encore), désintérêt
pour la vie de sa commune, paresse du dimanche…
En 2008, l’absten on avait a eint 35% et 31% à
chaque tour des municipales, et même plus de 50%
dans certaines villes de région parisienne. Le gou
vernement tremble et évidemment deux par s at
tendent au tournant : une UMP fracturée et un FN
aux aguets.
Mais les par s oublient une chose : les municipales
sont très éloignées des querelles na onales qui
font les choux gras des médias. Un député, invité
du Master de journalisme le mois dernier, l’a très
bien résumé : « la vieille dame, elle s’en fiche de sa
voir si la cro e de chien est de droite ou de gauche,
ce qu’elle veut, c’est que la cro e soit ramassée. »
Et ces élec ons sont le premier grand rendezvous
na onal depuis les élec ons présiden elle et légis
la ves de 2012.
Journalistes :
Anaëlle Domi en
Assia Labbas
Bap ste PirojaPa arone
Florian Michel
Éline Ulysse
Vincent Souchon
(École de journalisme de Gennevilliers)
3. Les Municipales
en 5 questions
À un mois du scru n, l’impopularité record de François Hollande, la poli que du gou
vernement sous les feux des cri ques, les divisions à droite ou la montée du Front Na
onal pèseront certainement dans la balance. Tour d’horizon en 5 ques ons des enjeux
des municipales.
1
Un scrutin à enjeux
locaux ou nationaux ?
« Le contexte na onal ne peut pas ne pas se jouer »,
explique Fréderic Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP, à
l’AFP. Les mauvais chiffres du chômage ou de la reprise de la
croissance en France ne seront pas neutres dans le choix du bul
le n de vote. Des analyses à nuancer pourtant avec un récent
sondage réalisé par l’Ifop pour le JDD au début de l’année : 64%
des Français voteront en fonc on de considéra ons locales.
3
La droite v
a-t-elle en profiter ?
Pas vraiment, si l’on en croit les ténors de l’UMP. La
vague bleue annoncée par JeanFrançois Copé il y a
quelques mois s’est essouflée. Dans les rangs du par d’oppo
si on, l’état d’esprit est davantage à la prudence. Plus encore,
certaines grandes villes comme AixenProvence, Avignon,
Bayonne et même Marseille pourraient basculer à gauche,
comme le rapporte France TV Info.
2
Doit-on s’attendre à un
vote-sanction ?
Les résultats des précédentes élec
ons locales semblent aller à l’encontre du
par au pouvoir de l’époque. Prenons deux
exemples. Il y a six ans, Nicolas Sarkozy avait
essuyé un revers avec une ne e victoire de la
gauche qui avait empoché 58% des 269 villes
de plus de 30 000 habitants. Aussi, deux ans
après l’élec on de François Mi errand, la
gauche avait perdu des dizaines de villes en
1983.
4
Qu’a
ttendre du
Front Na
tional ?
C’est un chiffre record qui a fait beaucoup
parler de lui au mois de février. Plus d’un ers des
Français (34%) affirment adhérer aux idées du
Front, révèle la TNS Sofres. Une adhésion que
Marine Le Pen entend bien conver r dans les
urnes pour les municipales. Son par sera présent,
en principe, dans plus de 750 villes de plus de
1000 habitants, rapporte l’AFP. On vise ainsi, au
sein du Front Na onal une « dizaine de villes »,
comme la très média que HéninBeaumont ou
encore Miramas, Istres et Carpentras.
5
L’abstention sera-t-elle la
grande gagnante ?
Un électeur sur deux environ (52%) s’en
gage à aller voter au 1er tour le 23 mars selon un
sondage CSA. Si ces es ma ons se confirment
dans les urnes, la par cipa on serait ne ement
inférieure à celle de 2008 (66,5%) comme le si
gnale l’AFP. Dans le sillage de la défiance à l’égard
des poli ques, les Français pourraient bien s’il
lustrer par une absten on massive. YvesMarie
Cann du CSA souligne par ailleurs que l’électorat
de gauche serait le moins concerné par ce vote,
seuls 57% se préparant à accomplir leur devoir
électoral, contre 64% à droite.
@Bap stePiroja
3 - M Le journal - mars 2014
4. Suis-moi sur Twitter,
je ferai de toi un électeur
À un mois des élections municipales, les candidats au siège du premier élu de la ville,
à travers le porte-à-porte, les tracts sur les marchés et les traditionnels meetings mènent
campagne. Mais pour la première fois, à l’occasion d’une élection locale, les prétendants
investissent la toile.
En 2008, date des derniers scrutins municipaux, les
réseaux sociaux Facebook et Twitter étaient au
stade embryonnaire. Depuis, ces outils de commu
nication 2.0 se sont démocratisés. Pour donner plus
de visibilité à leur liste et à leur programme électo
ral, de plus en plus de candidats tentent l’expé
rience du web.
En 6 ans, Internet passe de simple vitrine moderne
à un véritable outil de campagne. Aujourd’hui,
76,7% des maires ont une présence sur les médias
sociaux et 57% d’entre eux privilégient le canal Fa
cebook pour diffuser leurs informations, selon le
baromètre Augure 2013.
Il est certain que cette élection sera marquée par
une bataille numérique, comme le souligne, Char
lotte Bousser sur lopinion.fr, chargée des réseaux
sociaux pour la candidate UMP Nathalie Kosciusko
Morizet : « la campagne se jouera autant sur le ter
rain et dans les médias que sur le web. »
de ceux qui sont susceptibles de l’être. Dans le jar
gon, on appelle cela « l’hameçonnage ». Puis vient
la technique dite de « l’embrasement ». Les
contacts obtenus sont ensuite classés par affinités
afin de bombarder les électeurs de mails, d’infor
mations militantes, de tracts, de petites vidéos… à
la gloire du candidat, évidemment. À partir de lo
giciels simples, les équipes de campagne peuvent
savoir si le mail a été lu ou non et connaître la fré
quence de consultation de leurs liens.
D’autres candidats utilisent des moyens moins so
phistiqués mais tout aussi efficaces. C’est le cas
d’Olivier AudibertTroin, candidat à la mairie de
Draguignan, qui a opté pour l’humour. Grâce à Bits
trips, l’une des applications les plus populaires sur
Facebook. Métamorphosé en personnage de BD, il
est devenu présentateur de son propre JT de cam
pagne, attaquant au passage ses principaux rivaux.
Ses vidéos ont obtenu plus de 3 000 vues.
Opération séduction
Viser les indécis
Mailing, programme participatif en ligne… tous les
moyens sont bons pour séduire les électeurs. Le
marketing numérique offre aux prétendants une
arme de militantisme massive. Un bon militant sait
récolter aujourd’hui le mail des sympathisants ou
L’application imagée a été également utilisée par le
Ministère de l’Intérieur sur Facebook pour inciter
les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. Sen
sibiliser les électeurs, c’est aussi l’apanage de
l’équipe de communication de JeanMarc Ayrault.
4 - M Le journal - mars 2014
5. « Voter, c’est tweeter en vrai » ou « Vous aimez liker ?
Voter » : voici les deux slogans de la campagne, lan
cée le 17 février par le gouvernement. Objectif :
mobiliser sur les réseaux sociaux les électeurs afin
de lutter contre l’abstention.
Beaucoup pensent qu’il serait dommage de se pri
ver de ces moyens de communication. Et les poli
tiques ne dérogent pas à la règle. À l’approche d’un
enjeu électoral, les candidats deviennent particu
lièrement actifs sur le net. Fin septembre, Augure,
un éditeur de logiciel de gestion des relations pu
bliques, a publié le premier baromètre de l’in
fluence digitale des maires des 30 villes les plus
importantes de France. Et c’est le maire UMP de
Nice qui a le pouce le plus agile. Avec plus de 34
300 abonnés sur Twitter, plus de 19 000 amis sur
Facebook et une étonnante réactivité numérique,
Christian Estrosi est l’élu de France le plus influent
sur les réseaux sociaux.
À travers sa société Idéose, Pierre Guillou initie les
élus et les collectivités locales au web. Depuis l’an
née dernière, il a mis en place une formation sur
les stratégies de webcampagne à destination des
candidats aux municipales.
Même si le spécialiste reconnaît que la plupart des
maires ont une présence sur Internet, certains élus
rechignent à entrer dans la mouvance des réseaux
sociaux.
Pour Pierre Guillou, certains politiques ont une
image erronée de ce que peut apporter Facebook
ou Twitter qui ne sont pour eux qu’un moyen de
faire du « buzz ». Un jugement que confirme Phil
lipe Vittel, candidat à la mairie de La Seyne (Var),
« Je préfère largement Facebook à Twitter, explique
le candidat UMP sur le site du métroplevar.fr. Il faut
faire extrêmement attention. C’est en tout cas ce
que j’ai appris du désastre du tweet de JeanSébas
tien Viallate. » Le 13 mai dernier, le députémaire
UMP, dans un tweet avait fait le parallèle entre les
descendants d’esclaves et les casseurs, suite à des
Réticences
violences commises sur la place du Trocadéro, à
Selon Pierre Guillou, le fondateur du site Elus 2.0, l’occassion du sacre du PSG.
les réseaux sociaux n’ont pas uniquement une vo Les réseaux sociaux se révèlent être un outil de
cation de diffusion unilatérale d’informations stratégie de campagne pertinent. Mais mal contrô
comme les autres outils de campagne traditionnels lés, ils deviennent un espace de dérapage. Mais
(radio, télévision , tracts). Ces nouveaux moyens de quelle que soit leur influence, ils n’ont pas encore
communication favorisent un dialogue horizontal remplacé les rencontres en chair et en os.
entre les citoyens, les élus et les militants. Ils ap
portent un changement profond dans l’exercice po
@ElineUlysse
litique, tant au niveau national que local.
5 - M Le journal - mars 2014
6. Le maire est
dans le pré
À 50km de Paris, Charmont (Val d’Oise) est la plus pe te commune d’ÎledeFrance avec
27 habitants. Après l’élec on du 23 mars prochain, 25% des villageois seront conseillers
municipaux.
On arrive à Charmont par la route de Mantes. Coincé
entre les champs, le village respire la campagne. Gadoue,
tracteurs, et fermes à perte de vue pour un hameau qui
fait office de commune. 27 habitants peuplent les
quelques maisonne es accoudées à la départementale.
« Vous l’aurez compris, Charmont est pe t et tourne beau
coup autour de ce e route », explique Rodolphe Thomas
sin, maire depuis 3 ans.
Sous son grand man
teau noir, l’homme de
44 ans a posé ses
chaussures pleines de
boue pour nous répon
dre. « Je suis agricul
teur et donc à mon
compte. Ça me laisse
un peu de temps pour
m’occuper des affaires
du village. » Présent à
la mairie une à deux
fois par semaine, le
charmontois passe au
minimum
quatre
heures par semaine
sans compter les événements excep onnels et autres
commissions. Le tout pour une indemnité de 150 euros
par mois. Il reste l’un des rares agriculteurs de la région à
avoir la fonc on de maire. « On est dans une région très
agricole et pourtant, nous ne sommes pas très nombreux
à être dans les mairies », se désoletil.
Changement en perspec ve
Si tout semble calme, le changement est pourtant en
marche. Depuis le 17 mai 2013, la loi a évolué et le conseil
municipal va passer de 9 à 7 membres pour les communes
de moins de 100 habitants. « Ça ne change pas grand
chose pour nous, on doit aller chercher des gens dans le
village qui sont compétents et surtout qui ne par ront pas
au bout de 2 ou 3 ans », constate Rodolphe Thomassin.
Parmi les autres modifica ons, il est maintenant interdit
de voter pour quelqu’un qui ne s’est pas présenté.
Dans le hameau, les voca ons sont difficiles à trouver.
« Quand on a des choses à dire, on le dit au maire. Tout le
monde se connaît alors ça va vite », détaille une habitante
qui ne voit pas d’intérêt à se présenter pour une place au
conseil. La proximité avec les habitants permet de simpli
fier la ges on de la commune et les problèmes sont for
cément à pe te échelle. Pas de piscine, pas d’école, pas
d’employés municipaux,
le budget est minuscule
mais il doit être géré.
« On fait a en on, on a
par exemple installé un
radar pédagogique pour
la sécurité du village.
Nos dépenses concer
nent surtout la rénova
on des équipements
extérieurs », argumente
le maire.
Un seul absten onniste
Pour les élec ons de
mars, rien ne semble
presser. Celui qu’on est venu chercher pour remplacer au
pied levé l’ancien édile, contraint de renoncer à la fonc on
suite à un déménagement, devrait rempiler pour un nou
veau mandat. « Tant que je suis dans la discussion avec le
conseil et les habitants, tout va bien et on devrait con nuer
avec la même liste ». On est bien loin de la commune voi
sine qui compte 300 habitants pour 4 listes et 2 ou 3 can
didats seuls. Pourtant, les charmontois montrent un réel
intérêt pour les élec ons. Les taux de par cipa on dépas
sent 90% à chaque élec on.
Malgré tout, Rodolphe Thomassin a un regret. « Le préfet
nous a obligé à rentrer dans l’intercommunalité et ça a
fait monter les impôts locaux. C’est le premier pas vers un
ra achement de notre village à une autre commune. » Si
pour l’instant la dispari on de Charmont n’est pas à l’ordre
du jour, à terme, le village pourrait se perdre comme une
aiguille dans une bo e de foin administra ve.
@FlorianMchl
6 - M Le journal - mars 2014
7. L’abstention : « le choix
du mécontentement »
Anne Muxel, docteure en sociologie et directrice de recherche en science poli que, étu
die l’absten on depuis plus de 15 ans pour le CNRS. Elle tente de mieux comprendre
d’où vient l’absten onnisme et pourquoi il con nue de gagner du terrain, au point d’être
surnommé “premier par de France”.
les autres élec ons enregistrent des records d’absten
on. Dans le cas des municipales, on a affaire à un vrai
paradoxe : les études montrent que les gens aiment
leur maire et lui accordent une grande confiance et
pourtant ils sont peu à se déplacer pour voter.
Quelles solu ons préconisezvous pour lu er contre
l’absten on ?
Il faut commencer par faciliter au maximum toutes les
formalités administra ves nécessaires pour voter : les
inscrip ons, la procura on... etc. Ça ne suffit pas ce
pendant. Sur le fond, et c’est la par e la plus difficile, il
est urgent de rétablir un lien de confiance entre les
Français et la poli que. Les derniers sondages Cevipof
indiquent que 89 % des Français considèrent que les
hommes et femmes poli ques ne se préoccupent pas
d’eux. Ces chiffres sont alarmants.
Comment expliquezvous le phénomène de l’absten
on ?
C’est un comportement qui touche toutes les sociétés
démocra ques depuis 30 ans. Il est révélateur de
deux tendances sociologiques. D’une part on assiste
à une crise de la représenta on poli que : la société
vit dans la défiance de ses dirigeants. D’autre part il y
a une profonde recomposi on du rapport au vote,
avec des citoyens de plus en plus cri ques qui n’agis
sent plus par idéologie. L’absten on est le choix du
mécontentement, vote sanc on contre un pouvoir
poli que insa sfaisant.
La mise en place du vote obligatoire seraitelle une
solu on?
Le vote obligatoire existe en Belgique parce qu’il est
enraciné dans une culture poli que par culière. Je
doute que ce système coerci f fonc onne vraiment
en France, où le vote est plus considéré comme un
droit que comme un devoir.
Par ailleurs, il faut faire a en on à ce que l’on sou
haite. L’obliga on de voter a tendance à renforcer l’ex
pression des votes protestataires pour des par s
an système ou extrémistes.
Pensezvous que la reconnaissance du vote blanc
pourrait changer les choses ?
Ce e reconnaissance est une bonne chose mais at
ten on, le vote blanc n’est toujours pas comptabilisé.
On va simplement le dis nguer du vote nul. C’est une
meilleure prise en compte des opinions des votants
Dans quelle mesure les élec ons municipales sont
mais il est trop tôt pour dire si cela va inciter les abs
elles touchées par ce phénomène ?
ten onnistes à retourner dans les bureaux de vote.
Les seules élec ons qui con nuent de passionner les
foules ce sont les présiden elles, on les surnomme
@_Souche_
d’ailleurs “les reines de la Vème République“. Toutes
7 - M Le journal - mars 2014
8. Sevran :
Place aux citoyens
À l’approche des municipales, de plus en plus de mouvements citoyens voient le jour. Plusieurs d’entre eux sont en campagne pour briguer des mairies en banlieue. C’est le cas à
Sevran.
L’une des villes les plus pauvres du pays est aussi
celle où on vote le moins. Sevran en SeineSaint
Denis compte plus de 50% d’abstention aux der
nières municipales.
Pour inciter plus d’habitants à voter, plusieurs can
didats se bousculent.
La commune dirigée par Stéphane Gatignon (EELV),
qui n’avait pas hésité, en 2012, à se mettre en grève
de la faim pour récolter des aides de l’État, voudrait
plus de changement.
Parmi les candidats, Clémentine Autain, représente
le Front de Gauche. Ses tracts insolites avec des
images de clémentines flanquées du slogan : « Des
vitamines pour les Sevranais », ont amusé le web.
Mais audelà des plaisanteries, les regards sont sur
tout tournés vers un mouvement qui souhaite in
carner le futur de la ville. Il s’agit du MCS
(Mouvement Citoyen de Sevran). Il propose de re
donner un plus grand pouvoir de décision aux habi
tants. Son projet est de rédiger des promesses
électorales à partir de leurs attentes et besoins.
L’idée n’est pas nouvelle. Il s’agit de community or
ganizing, un concept importé des ÉtatsUnis et
fondé sur l’implication de résidents des quartiers
populaires dans les événements et projets de leur
8 - M Le journal - mars 2014
ville.
Pour le voir à l’œuvre à Sevran, il faut pousser les
portes des brasseries de la ville.
Une image de petit débutant
Début février, dans un café au cœur des quartiers
aisés de la ville, un homme agite les bras face à une
poignée d’habitants.
Il s’agit de Mohammed Chirani, 36 ans, lui aussi can
didat aux prochaines municipales.
Droit comme un i, dans un costume bleu roi au pli
impeccable, il s’adresse à son maigre comité de sou
tien qui acquiesce à chacune de ses déclarations.
Sous ses airs de gendre idéal, il n’hésite pas à dis
tribuer quelques bises à son auditoire composé, ce
jourlà, pour la plupart de femmes. Tutoiement, dis
cussions à voix basse autour d’un thé ou d’un café,
dans un coin de la salle à la lumière tamisée, l’am
biance est amicale voire familiale.
Une stratégie de séduction pour un candidat qui
cherche à tout prix à montrer qu’il est proche des
habitants même s’il n’a jamais résidé dans la ville.
Né dans l’Ain, il a grandi en Algérie jusqu’à l’âge de
19 ans, avant de revenir en France finir ses études
9. et décrocher un emploi dans la capitale.
Diplômé de Science Po et ancien délégué du Préfet
de SeineSaintDenis pour Sevran, Chirani se définit
comme un compétiteur « plus authentique » que
ses adversaires. En 2007 il possédait encore sa carte
à l’UMP avant de quitter le parti pour cause de dés
accord politique avec Nicolas Sarkozy. Depuis, il se
dit apolitique et grand militant pour la banlieue.
Des habitants qui espèrent
Parmi ceux qui ont fait le déplacement, un groupe
de femmes dont Wassila, 54 ans, éducatrice, Soraya,
49 ans, entrepreneur, Selma, 54 ans, distributrice
de journaux et Leila, 38 ans, mère au foyer. Elles
viennent de couches sociales différentes mais ont
toutes les mêmes attentes électorales. « Nous
sommes de ferventes militantes du mouvement ci
toyen mais avant tout, nous sommes des mamans
soucieuses de l’avenir de nos enfants et qui avons
envie que l’image de Sevran s’améliore », lâche So
raya, d’un ton déterminé.
Certaines d’entre elles vivent dans la ville depuis de
longues années comme Leila qui y réside depuis
1980. Et pour elle, Sevran n’a pas changé. La quin
quagénaire dit avoir toujours noté un « favori sme »
de la part de la municipalité envers les quartiers
Sud, composés de zones pavillonnaires et qui, selon
elle, bénéficient d’écoles mieux tenues et d’une
meilleure écoute de la part du maire. Et cela au dé
triment des quartiers Nord, dont Les Beaudottes,
qui concentrent la plupart des logements sociaux
de la ville.
Toutes habitantes de ce secteur, elles justifient leur
adhésion au mouvement citoyen par le fait qu’elles
ne se sentent plus proches d’aucun parti politique
mais militent pour un combat plus collectif : « Nous
ne sommes plus ni pour la droite ni pour la gauche.
S’il y a de bonnes idées à droite, nous prenons, s’il y
en a à gauche, nous prenons aussi, l’important étant
de trouver des solutions concrètes pour la ville », ar
gumente Wassila.
Mais avant de trouver des idées « concrètes » pour
la ville, le mouvement citoyen doit se construire une
image crédible pour pouvoir briguer le poste de
maire. Pour cela, ses premières mesures ne
convainquent pas encore.
L’un des sujets auxquels Mohammed Chirani veut
s’attaquer est le taux de plus en plus alarmant du
chômage chez les jeunes. La ville compte 35% de
chômeurs chez les moins de 25 ans.
Pour y remédier Chirani souhaite transformer les
halls d’immeubles des quartiers difficiles en pépi
nière d’entreprises. Autrement dit, pour lui, si la
jeunesse ne trouve pas de travail, c’est les entre
prises qui viendront à elle. Une mesure qui paraît
naïve lorsqu’on sait que la problématique est bien
plus complexe que ça : les jeunes les plus en diffi
cultés sont souvent ceux qui n’ont ni formation, ni
diplôme. Dans les prochaines semaines, Chirani de
vrait dévoiler le reste de son programme et essayer
de prouver qu’il n’est pas un amateur au milieu de
la bataille GatignonAutain.
@SashaSall
9 - M Le journal - mars 2014
10. les élections
Inégalités, manque de parité hommes-femmes, cumul des mandats dans l’espace et dans
le temps... Les élections municipales, bien que locales, posent des question d’ordre
national. Et puisque le data-journalisme est à la mode, décryptage en chiffre et en cartes.
La p
arité en mairie ce n’est p pour tout
as
de suite : actuellement les femmes ne
représentent que 17% des maires de la
petite couronne Parisienne. Elles ne
sont que 23 contre 114 hommes.
Les maires UMP sont les plus
nombreux en petite couronne
mais ceux du PS et du p
arti
communiste, additionnés, les
dép
assent. Les autres p
artis
n’additionnent que 29 maires
en tout.
10 - M Le journal - mars 2014
11. en chiffres
En France il n’existe aucune limite
au nombre de mandats municip
aux, du
coup certains maires sont à la
tête de leur ville depuis plusieurs
décennies. Qui sont ces maires
accrochés à leur f
auteuil dans la
petite couronne ?
Ils sont 17 à a
voir enchainé au moins
4 mandats depuis le début de leur prise
de pouvoir. Les plus anciens sont les
maires de Sceaux, Créteil et Neuill
ysur-Marne, à la tête de leurs mairies
respectives depuis 36 ans cette année.
Il est enfin intéressant de
remarquer que l’intégralité
de ces 17 vieux habitués de la
politique locale sont des
hommes.
11 - M Le journal - mars 2014
12. le marketing
banlieusard
Corinne Matusiak
Parfois mise de côté, parfois revendiquée, la banlieue a su trouver sa place au sein de la
politique française et questionne notamment la représentativité des élus dans les collectivités locales.
Que vaut le terme banlieue dans une élection
municipale ? Hormis jouer la caution adjoint au
sport, à la jeunesse ou la petite en enfance ?
Non pas que ces responsabilités soient moins
importantes mais pourquoi voiton moins de fils
d’ouvriers ou filles d’immigrés aux finances ou
au poste de premier adjoint ? Parfois la repré
sentation sociale d’une ville, de sa population
nourrie des quartiers populaires et des zones
pavillonnaires ne fonctionnent pas. Karim
Bouamrane, candidat PS à la mairie de Saint
Ouen a grandi et fait évoluer sa carrière poli
tique en banlieue. Après être lui aussi passé par
la case d’élu bénévole aux sports et à la jeu
nesse, il continue de grimper sur l’échelle poli
tique. Cette année, à 41 ans, il mène la liste
socialiste “SaintOuen pour une ambition nou
12 - M Le journal - mars 2014
velle”. Pour cette élection, le candidat a décidé
de muscler sa candidature, car lorsqu’on vient
du Vieux SaintOuen et de la cité Emile Cordon
on a plus de mal a remporté une élection de ses
seuls bras. À ses côtés des personnalités poli
tiques importantes se rassemblent. C ’est
comme cela qu’on a retrouvé, un lundi soir, salle
Barbara à SaintOuen. Christine Taubira et
Bruno Leroux pour son grand meeting.
Typique en SeineSaintDenis
Le trombinoscope des maires de la SeineSaint
Denis est plutôt homogène. Un profil redondant
: homme, blanc, la cinquantaine, diplômé
d’études supérieures. Ce constat suscite
quelques interrogations. Car le département est
13. jeune, héritier d’une culture ouvrière et de l’im lancer fin 2013 le parti de la banlieue. Il dé
migration des années 1960. La représentation nonce ce marketing de banlieue utilisé par les
sociale dans les mandats locaux ne fonctionne politiques, plus précisément un «marketing de
faciès.» «On
pas ici.
inscrit sur ses
Olivier Masclet
listes des noirs,
a enquêté sur
des maghré
la municipalité
bins, ou des
communiste de
représentants
Gennevilliers.
de tels ou tels
Dans son ou
cultes pour la
vrage intitulé
diversité [...]
La Gauche et
ce sont des
les cités. En
gens issus d’un
quête sur un
choix marke
rendezvous
ting au lieu
manqué, le
d’un vrai tra
professeur de
vail de ter
sociologie ana
Le 10 février, le meeting de K.Bouamrane fait salle comble
rain». Et pour
lyse la repré
contrer cela,
sentation de la
population au sein de la liste communale : le parti de la banlieue a décidé de promouvoir
« Tout se passe en effet comme si le PCF et ses la diversité de faciès mais aussi celle des idées.
représentants locaux avaient méconnu ce “nou Car «les villes sont dominées par des parties»
veau prolétariat de banlieues ”, dont une large rajoute le président fondateur. C ’est la notion
partie est constituée des fils et des filles issus de de multiculturalisme que le nouveau parti dé
fend «pour que l’expression des Banlieues ne se
l’immigration algérienne et marocaine.»
fasse pas qu’à travers des émeutes.» À ce jour,
douze sections se sont implantées sur l’hexa
gone à Romainville, au Blanc Mesnil et à Auber
villiers. Mais aussi à Lyon, à Marseille et à
Grenoble.
Réveiller la démocratie en banlieue, une néces
sité qui amènerait un réel pouvoir d’action aux
habitants, ceux qui vivent en banlieue ceux qui
la font. Des idées émergent, des propositions ou
plans banlieues sont discutés. Mais si la solu
tion était de tout arrêter. D’arrêter d’être aveu
glé par le prisme banlieue pour l’emploi,
l’intégration, la culture. Car l’envie de réussir
dans la vie, de trouver un travail, de profiter des
salles de cinéma ou des librairies de quartiers
concerne un bon nombre des citoyens, au delà
des étiquettes qu’on essaye de justifier à tord
et à travers pour mieux régner.
Une tour, une casquette le nouveau parti se joue des clichés
Banlieue pour tous
Le souvenir des émeutes de 2005 colle encore
aujourd’hui à la banlieue. Lassé d’être stigma
tisé par les politiques, d’être « traité qu’à des
fins électoralistes et polémiques», un collectif
mené par AbdelMalik Djermoune a décidé de
@anaelledom
13 - M Le journal - mars 2014
14. JF Copé en 1995 lors de sa campagne à Meaux (Source : INA.fr)
Bas en Marguerite, en 2014, âgé d’à peine 22 ans.
copé collé À meaux
Alors que l’UMP est toujours en crise, Jean-François Copé va devoir s’occuper d’un autre
champ de bataille : la ville de Meaux dont il est le maire depuis plus de 15 ans. Bastien Marguerite, un jeune socialiste de 22 ans, est bien décidé à s’enraciner dans la ville comme
l’avait fait Copé il y a 20 ans. Sans fleur au fusil.
1995, un jeune trentenaire fait tomber la maison socialo
communiste de Meaux, en place depuis 1977. Après un
échec à VilleneuveSaintGeorges, c’est dans la Seineet
Marne qu’il avait jeté son dévolu. Ce nouveau maire s’ap
pelle JeanFrançois Copé et il vient de loin. Né dans les
HautsdeSeine, il avait débarqué quelques années plus
tôt à Meaux pour succéder à Guy Drut comme chef de
file de l’opposi on. Une image de parachuté qui lui col
lera à la peau pendant plus de deux ans. Invité du Bondy
Blog Café au mois de février, JeanFrançois Copé est re
venu sur ces débuts difficiles. « Avant de devenir maire,
j’ai fait du porte à porte pendant trois ans. » Le président
UMP aime raconter ce qu’il appelle son « épopée » aux
côtés de « pe ts jeunes en qui personne ne croyait. » Élu
maire en 1995, il remplacera son ami Guy Drut à l’Assem
blée na onale la même année, faisant de lui le plus jeune
député de l’hémicycle.
2014, l’histoire semble se répéter mais à gauche ce e
fois. Comme tous les samedis depuis quelques mois, sur
le marché de Meaux, un jeune homme a décidé d’écour
ter sa grasse ma née. Entre l’étal d’un producteur de
PassyenValois et le volailler local, il déambule en cos
tume, distribue des tracts, serre des mains, sourit
avec une étonnante assurance et la cascade d’élé
ments de langage d’usage. Peu le reconnaissent en
core, mais ce « gamin » de 22 ans espère lui aussi
réussir l’exploit de ravir le siège du maire en place,
JeanFrançois Copé. « Être jeune est un atout, il faut dé
14 - M Le journal - mars 2014
poussiérer ce e classe poli que clientéliste et dépas
sée », explique Bas en Marguerite, encore étudiant à
Science Po. Et sa détermina on est incontestable : il
vient d’entamer son cinquième mois de campagne. En
octobre dernier, il emménageait dans la ville et com
mençait à ba re le pavé avant même d’avoir été officiel
lement nommé par le par socialiste.
Un a errissage un peu mouvementé au sein d’une sec
on locale agacée, ce qui n’a pas découragé le jeune so
cialiste. Le secrétaire Pierre Dupuis a même
démissionné en janvier pour rejoindre la liste du Front
de Gauche. « C’est une affaire interne au PS », explique
JeanFrançois Dirringer, cotête de liste PCFFDG, mais si
l’on en croit certains socialistes, Bas en Marguerite a été
bombardé ici pour restructurer la sec on PS sur le long
terme. Sur la page Facebook de la sec on locale, Pierre
Dupuis, qui lui aussi ambi onnait la mairie, dénonça un
« déni pitoyable et désastreux de démocra e ». Il y a 20
ans, le « bébé Chirac » Copé connaissait les mêmes péri
pé es. À tel point qu’il avait dû lui aussi faire face à l’op
posi on locale de son propre par , le RPR, et à une
primaire avec le député Pierre Quillet, qui décidera malgré
tout de se présenter aux élec ons. JeanFrançois Copé ne
ménagera pas son rival que beaucoup voyaient prendre
la tête de la ville. À l’époque, les lu es intes nes faisaient
rage au sein même du RPR : Chiraquiens et Balladuriens
s’étaient lancés dans une guerre fratricide, et JeanFran
çois Copé gardera une rancune tenace à l’égard du camp
15. BalladurSarkozy.
« Le visiteur du vendredi soir »
Un climat toujours tendu aujourd’hui, mais côté socia
liste ce e fois. Une crise gouvernementale qui ne per
turbe pas Bas en Marguerite, luimême employé au
ministère des Transports. « La campagne se déroule sur
le terrain, je ne prête pas a en on à ce qui se dit ou se
passe à ce niveaulà, je m’occupe des Meldois et en prio
rité de l’emploi », répond Marguerite avant d’ajouter :
« JeanFrançois Copé ne s’occupe plus de sa ville. Certains
l’appellent même le “visiteur du vendredi soir”. Vous avez
vu ce qu’il fait de sa réserve parlementaire ? Il a donné
35 000 euros à Meaux et 60 000 à l’Union na onale
interuniversitaire (associa on classée à droite). Il s’en
sert pour faire sa propre campagne dans le pays. » Car
le députémaire, mais aussi président de l’UMP et de la
communauté d'aggloméra on, n’a jamais caché qu’il
pensait à l’Elysée, et pas qu’en se rasant. Bas en Mar
guerite se refuse à toute esquisse d’ambi on. « Je ne me
proje e pas du tout, ce qui m’intéresse, c’est Meaux »,
évacuetil. Il ne compte pas cumuler les mandats
comme son adversaire et il est bien trop tôt pour voir
plus loin.
« Vous êtes qui ? »
Mais pour l’instant, les habitants semblent acquis au
camp Copéiste. « On est à 99% derrière lui, personne ne
connaît son opposant », martèle une femme au café
Jeanne d’Arc. Bas en Marguerite essuiera d’ailleurs plu
sieurs « Vous êtes qui ? » ce ma nlà. « C’est normal,
mais on fait beaucoup de porte à porte ! » Sur son site
de campagne, un compteur annonce, fin février : 3 700
portes frappées, 2 200 portes ouvertes. De son côté, sur
www.copemeauxpourtous (slogan évocateur), le maire
joue aussi avec sa calcule e et se targue de 4 850 Mel
dois rencontrés par ses « binômes ». L’Ins tut na onal
de l’audiovisuel conserve précieusement les images du
chiraquien qui, en 1995, arpentait luimême les rues val
lonnées de Meaux.
Désormais, c’est au tour de Bas en Marguerite de
déambuler autour de la place du marché. Au détour
d’une de ses nombreuses discussions avec les habitants,
Bas en Marguerite croisera même Ange Anziani, ancien
brasdroit de JeanFrançois Copé. C’est grâce à cet an
cien entraîneur de l’équipe de football de la ville que le
président de l’UMP a pu s’implanter à son arrivée et
faire oublier son image de parachuté. Mais lorsque l’an
cien footeux a voulu apporter son sou en à Nicolas Sar
kozy en 2007, le maire chiraquien ne l’a pas supporté,
gardant en mémoire de vieilles querelles. Ange Anziani
est évincé du conseil municipal et vit désormais re ré
des tourments du monde poli que. Face à Bas en Mar
guerite, l’ancien maire garde en mémoire ses déboires
avec JeanFrançois Copé dont l’ambi on juvénile n’a pas
disparu. Après avoir souhaité « bon courage » au jeune
socialiste, il repart, bague e au bras. Meaux est déci
dément le tremplin des jeunes lions de la poli que fran
çaise.
@VincentMnv
15 - M Le journal - mars 2014
16. Tel maire,
tel fils
Dans certaines villes, la liste des maires s’apparente parfois à un livret de famille. Un
phénomène qui touche aussi bien la capitale que sa banlieue. De Mennecy (91) à l’IsleAdam (95) en passant par le XIIe arrondissement de Paris, les fils (en majorité) et les filles
suivent les pas de leur géniteur.
« Plus tard, je voudrai faire comme mon père. »
Une phrase anodine quand on parle de son en
fance. Mais lorsque celleci se réalise, et surtout
en politique, cela suscite beaucoup de questions.
Parachutage, népotisme, fils ou fille de, plusieurs
expressions peuvent sortir de la bouche d’un ci
toyen lorsque le maire laisse sa place à sa des
cendance. Et pour coller à l’inégalité hommes
femmes des mandats locaux, ce sont le plus sou
vent les fils qui prennent la relève sans toutefois
que le processus démocratique soit rompu. Les
bébésmaires sont toujours élus par le conseil
municipal.
C’est le cas d’Axel Poniatowski, maire de l’Isle
Adam (95). Entré d’abord à la mairie en tant que
conseiller municipal, il a succédé à son père Mi
chel Poniatowksi à la mairie depuis 1971. Dans
cette petite ville du Vald’Oise, on placarde les
affiches de campagne des Poniatowski depuis 43
ans et peutêtre pour encore quelques années
puisque le patron de l’UMP du département
brigue un troisième mandat. Au sein de cette fa
mille, parente du dernier roi de Pologne, la poli
16 - M Le journal - mars 2014
tique colle à la peau. C’est donc sans surprise
qu’on retrouve l’autre fils Poniatowski, Ladislas,
maire d’une petite ville de l’Eure depuis 1977.
Des fils qui endossent le costume du père, il y en
a eu aussi à Mennecy (Xavier et JeanPhillipe Du
goinClément), à Gagny (Jean et Raymond Vale
net) ou encore dans le XII e arrondissement de
Paris (Paul et JeanFrançois Pernin).
Tuer le père
Aux pieds du quartier de la Défense, à Puteaux,
on se transmet aussi l’écharpe du maire entre gé
nérations. Mais cette foisci, depuis que Joëlle a
succédé à son père Charles CeccaldiRaynaud,
les repas de famille sont plus tendus. En 2004,
père et fille jouent aux chaises musicales russes.
Pendant que Charles CeccaldiRaynaud est
contraint de laisser le siège de maire pour hospi
talisation, c’est Joëlle qui reprend les clés de la
commune. L’adjointe devient maire et le maire
devient adjoint. Seulement, une fois remis en
forme, l’ancien décide de revenir, la nouvelle ne
17. jourd’hui soudé et en fonction à la mairie de Le
valloisPerret dans les HautsdeSeine. Mais
comme dans toutes les relations, il y a des bas.
Lorsque Patrick Balkany perd la mairie de Leval
loisPerret en 1995 (et de surcroît, Isabelle son
poste de responsable de la communication), le
couple n’y résiste pas et se sépare pendant
quelques mois. Mais heureusement, il y aussi des
hauts. En 2001, Patrick gagne les élections muni
cipales, Isabelle est présente à ses côtés lors de
la campagne, retrouve son poste à la communi
cation, acquiert également celui des affaires so
ciales et monte en grade : elle devient première
adjointe.
184 ans après la mort du dernier roi de France,
que ce soit en campagne ou en ville, on ne vote
Les confessions sur l’oreiller
plus pour une idéologie mais pour un nom. Et
L’union fait la force. C’est peutêtre sur ce dicton pour ceux qui souhaitent plus de renouvelle
bien connu que le couple Isabelle et Patrick Bal ment, de pluralité dans la politique locale, il fau
kany ont mené leurs carrières politiques. Malgré dra attendre quelques années encore.
les condamnations pour prise illégale d’intérêts,
les accusations de mauvaise gestion, les sièges
@anaelledom
perdus de députés, le couple est encore au
veut plus lui céder sa place fraîchement gagnée.
L’univers impitoyable de la saga CeccaldiRay
naud peut commencer. On s’accuse de mentir
aux citoyens sur les pages de blogs, on s’adonne
aux joutes verbales pendant les conseils munici
paux. Tous les coups sont permis. Cette année,
Joëlle CeccaldiRaynaud présente de nouveau sa
liste pour un autre mandat, pendant que Charles
répand dans les médias quelques phrases encore
assassines : «Ma fille ? J’ai fait sa carrière et
maintenant elle m’ignore.» La mairie devient la
scène des histoires de famille mais aussi des his
toires de coeur. Un jeu des sept familles où les
compagnes sont aussi de la partie.
17 - M Le journal - mars 2014
18. les maires
font de lA résistance
Ils sont maires depuis les années 1970 ou 1980 et briguent pour les municipales un énième mandat.
Une longévité (presque) record pour des maires “accros” à leur ville et surtout au pouvoir.
Ils s’appellent Michel Vallade ou André Toulouse, respec
vement maires de Pierrelaye et RoissyenFrance. Ils sont
à la tête de leur commune depuis 1977, année où Elvis
nous a qui é et où la Russie s’appelait encore l’URSS. Il
faut aussi parler de Patrick Balkany, arrivé à la mairie de
LevalloisPerret en 1983, il y a 31 ans.
Depuis plus de trois décennies, ils s’accrochent à leur ville
mais pour beaucoup, ce phénomène n’étonne pas car ces
maires sont démocra quement élus. Frédéric Dabi, direc
teur général adjoint de l'Ifop, l’explique dans le JDD : « Un
maire réélu, c'est plus la norme que l'excep on. Dans
toutes les villes de France, les maires font plusieurs man
dats et, sauf accident, sont souvent réélus. »
Pour JeanPierre Friedman, psychologue et auteur des es
sais Du pouvoir et des hommes et Du pouvoir et des
femmes, la longévité des maires s’explique par plusieurs
critères : « Pour beaucoup, la fonc on municipale est vue
comme un marchepied vers d’autres fonc ons, comme un
rôle dans l’intercommunalité. » L’arrivée à la mairie est un
début dans l’ascension poli que. C’est ce que vit Francis
Dela re, maire de Franconville (Val d’Oise) depuis 1983.
Parmi ses mul ples fonc ons, on compte celle de séna
teur, de premier viceprésident de l’Union des Maires du
Vald’Oise, de président du syndicat intercommunal des
Bu es du Parisis ou de membre à la commission des fi
nances. L’ambi on est aussi sociale. Pour des paysans, des
personnes issues de la classe ouvrière ou moyenne, de
venir maire est une réelle ascension. « Les avantages per
sonnels et financiers comme les indemnités, prononcer un
discours devant une foule, ça frappe le narcissisme et ce
n’est pas négligeable », souligne Friedman.
Pour d’autres, l’ambi on est d’implanter sa dynas e au
sein de la ville comme la famille CeccaldiRaynaud à Pu
teaux qui habite la mairie depuis 1969. La fille Joëlle a suc
cédé à son père Charles en 2004. Conséquence directe :
des conflits au sein de la dynas e et des habitants souf
frant des querelles internes de la famille (en lire plus page
16). Mais tous les maires ne se considèrent pas comme
les propriétaires de leur ville. D’autres se voient en « père
de la commune », explique JeanPierre Friedman.
Michel Vallade se représente à Pierrelaye (8 200 habitants)
pour un 7e mandat et s’il retourne en campagne, c’est sur
tout par passion : « Le mandat de maire est le plus inté
ressant car je suis sur le terrain, je touche à tout, je suis à
la disposi on des gens ». Retraité, il admet aussi qu’il ne
se voit pas ne plus rien faire dans la vie.
18 - M Le journal - mars 2014
L’image du maire amoureux de sa ville sans but lucra f
n’est pas la seule. « Dans les plus grandes aggloméra ons,
on ne parle plus de proximité. Le maire va être élu grâce à
ses rela ons, qui pourront lui décrocher des subven ons
pour ses électeurs ». Pour JeanPierre Friedman, les
moyens de pression et les chantages ont un vrai rôle dans
les réélec ons. L’IledeFrance compte plusieurs maires
trempés dans des affaires judiciaires. « L’ambi on est
pure, il y a ce désir de posséder le pouvoir », explique le
psychologue.
Si leurs inten ons sont différentes, ils ont tous le point
commun d’être des hommes. Il y a plus de 30 ans, les
femmes maires étaient rares. « C’était une période pa
triarcale », rappelle le psychologue. Aujourd’hui, elles sont
de plus en plus présentes et dans trois décennies, cer
taines seront peutêtre toujours au pouvoir.
Il manque à présent la catégorie des jeunes dans les mai
ries. Si Le Monde faisait le constat d’un “papyboom des
maires” en 2008, on peut espérer pour les élec ons de
2020 l’arrivée d’une nouvelle généra on qui apportera
peutêtre une vision moins archaïque de la poli que. Pour
éviter que des villes ne connaissent que deux maires en
80 ans.
@AssiaLabb
19. « Le seul espoir,
c’est le Front national »
La liste montée par Alexandre Simmonot à Taverny cherche à confirmer l’implanta on locale
désirée par Marine le Pen. La montée du FN se concré seratelle dans les communes ?
Reportage lors d’une scéance de tractage.
Ce dimanche ma n sous un ciel dégagé, on compte
presque plus de militants que de Tabernaciens sur la place
principale. Autour du marché couvert, les têtes de liste at
tendent de longues minutes à la recherche du moindre pas
sant. Interdic on pour eux de faire de la poli que à
l’intérieur du marché. Alors Alexandre Simmonot, le candi
dat du Front Na onal patrouille au centre ville pour faire
entendre ses idées.
Rompu à cet exercice, il
constate que depuis plu
sieurs années le contact
avec les citadins s’amé
liore ne ement. « L’ac
cueil y est largement plus
agréable qu’avant »,
confietil. C’est en effet la
deuxième fois que le se
crétaire départemental
du Val d’Oise se présente
auprès des électeurs pour
les municipales. Il y a 6
ans, sa liste avait récolté
6,74% des suffrages tandis que le maire Maurice Boscavert
recevait le feu vert pour entamer son quatrième mandat
successif.
Dans ce e nouvelle campagne, les habitants font avant tout
part de leurs craintes pour l’avenir de leur pays, expliquet
il. « Même si c’est une élec on locale, les Français donnent
le diapason de leur état d’esprit, le rejet de la gauche, de la
fausse droite. Le seul espoir qu’ils ont à l’heure actuelle, c’est
le Front Na onal.»
leur campagne respec ve.
Lorsqu’on interroge le candidat d’à côté, c’est avant tout l’in
digna on envers la poli que des derniers gouvernements
qui ressort de la conversa on. « On était une puissance
mondiale. On va se retrouver des arrièrés du monde »,
s’alarme Chris an Malacain qui est au Front Na onal depuis
30 ans. De passage ce ma n à Taverny, il avoue ne pas très
bien connaître le paysage
poli que de la ville même
s’il s’alarme de la pré
sence de « commu
nistes alors qu’il n y a plus
qu’en Chine que ce bord
poli que existe.»
Gale e des rois
Ces communistes juste
ment, distribuent des
tracts quelques mètres
plus loin. La liste Front de
gauche fait même cam
pagne côte à côte avec celle du maire sortant de gauche.
« Le FN à Taverny, c’est un non événement. Alexandre Sim
monot ne représente que luimême. C’est une campagne
de s gma sa on, de peur. Les militants ne nous en parlent
pas », avance Serge Zetlaoui, sur la liste Front de Gauche.
Bruno Devoize, candidat Front de Gauche, reconnaît entre
tenir des rela ons cordiales avec le par de Marine Le Pen.
« Je lui adresse la parole quand je dois le faire. Mais on
condamne le Front Na onal. Et on peut craindre une pous
sée de ce par aux municipales.»
Le voisin en guise de sou en
Les colis ers FN, eux, tablent sur la venue récente de Ma
rine Le Pen à l’occasion de la gale e des Rois à Taverny pour
Diffusion de tracts, boitages en semaine. La liste Front Na confirmer leur progression et encourager leur mouvement.
onal emploie des stratégies iden ques aux autres par s. Mais ce n’est pas tout. « À Taverny, il y a beaucoup de gens
Mais aujourd’hui, c’est avec le sou en de Chris an Mala qui ne voulaient pas adhérer mais qui finalement s’enga
cain, le candidat FN de la ville voisine SaintLeu, qui borde gent. », souligne Philippe Houline, le troisième de liste. Pour
également la forêt de Montmorency, qu’Alexandre Sim lui, l’impact de la "dédiabolisa on" se concré se désormais
monot va à la rencontre des citoyens. Pour les deux sur le terrain. Verdict a endu dans les urnes.
hommes qui font par e du bureau poli que du Val d’Oise,
@Bap stePiroja
rien d’anormal à s’aider mutuellement dans le cadre de
19 - M Le journal - mars 2014
20. Les promos de
l’école de Journalisme
Le site sur les municipales est lancé !
Retrouvez tous nos ar cles, sur
bloodymairie.fr
Les étudiants en journalisme lors de la
journée porte ouverte à Cergy
et à Gennevilliers
Le blog de la promo est officiellement en ligne.
Tous les ar cles et toutes les informatons sur
les étudiants en M1 et M2 sur :
numeroszero.com
Numeros
Zero
Prochain M le Journal
avril 2014
Les municipales 2014 :
L’entre-deux-tours
M Le journal - mars 2014