Afdit Colloque 29 Juin 2012 RéFerencements Internet A Meillassoux
1. André MEILLASSOUX – ATM AVOCATS
Coexistence des nouveaux acteurs de diffusion du Net et des
titulaires des droits de propriété intellectuelle
Référencement sur Internet et propriété
intellectuelle: l’état de la jurisprudence
André MEILLASSOUX, ATM Avocat, Président de l’AFDIT
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2. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
Buts poursuivis par le référencement
▌ Eu égard au caractère omnipotent d’Internet, celui-ci est devenu la plus grande vitrine
commerciale au monde. Mais pour être visible des internautes, il est nécessaire d’être
référencé en bonne position, et notamment sur la première page de résultats et dans les tous
premiers résultats.
▌ En effet, il ressort des études que la très grande majorité des internautes ne poussent pas
leurs recherches au-delà de la première page de résultats.
▌ Dans ces conditions, se référencer est devenu un enjeu stratégique des sociétés dans leur
politique commerciale et de communication.
▌ Il existe deux méthodes : le référencement payant et le référencement naturel.
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3. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ LE REFERENCEMENT NATUREL (OU « ORGANIQUE ») :
Il s’agit d’un ensemble de savoir-faire et de techniques qui permet d’optimiser son
positionnement d’une page Web dans les résultats naturels, c’est-à-dire non sponsorisés. Cela
se fait notamment par la rédaction d’un contenu pertinent et de mots clés judicieux, tant
dans le titre, que dans l’URL des pages Web. Il s’agit également d’enrichir et de mettre à jour
régulièrement ces pages ou encore de se faire référencer au sein d’annuaires…etc.
C’est un référencement à long terme et 34 % des internautes cliquent sur le premier lien
naturel d'une page de résultats. (Source : Le Nouvel Economiste, n 1550, cahier n 2, du 20 au 26 janvier 2011,
Interview Alain LAIDET, organisateur du salon E-marketing 2011 et président d'E-business, page 40).
▌ LE REFERENCEMENT PAYANT (OU « LIENS SPONSORISES »):
Le référencement payant consiste à acheter un ou plusieurs mots clés, pertinents au regard
de son activité, pour faire apparaître un lien sponsorisé en haut ou à droite de la page, pour
s’assurer ainsi d’une grande visibilité. C’est un système coûteux car les mots clés font l’objet
d’enchères et sur certains mots, il existe une très grande concurrence.
C’est donc plutôt un référencement à court terme qui accroît la visibilité immédiate de
l’annonceur mais moins efficace que le référencement naturel.
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4. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
Référencement
payant
Référencement
payant
Référencement
naturel
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5. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ Le moteur de recherches le plus connu en France est Google. Il offre un service de
référencement en ligne payant avec son service AdWords. Il existe néanmoins de nombreux
concurrents, notamment Bing et Yahoo en Europe et aux Etats-Unis, ou Яндекс en Russie qui
offre des services similaires.
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6. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ Très rapidement, les annonceurs ont vu l’intérêt de ce système et ont choisi des mots clés
pertinents au regard de leurs activités.
▌ Pour accroître leur visibilité, certains n’ont pas hésité à utiliser comme mots-clés les marques
de leurs concurrents ou de tiers bénéficiant d’une forte notoriété.
▌ Ce qui a engendré un fort contentieux et des solutions jurisprudentielles, non harmonisées
jusqu’aux arrêts de 2010 et 2011 de la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui a apprécié
dans quelles circonstances la responsabilité de l’annonceur et celle du prestataire d’un
service de référencement payant pouvaient être engagées .
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7. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
RESPONSABILITE DU PRESTATAIRE AVANT LES ARRÊTS DE LA CJUE
▌ Dans un premier temps, le TGI de Nanterre a retenu la responsabilité de GOOGLE au titre de
la contrefaçon (TGI Nanterre, 13 octobre 2003, Société VIATICUM, Société LUTECIEL / Société
GOOGLE France).
▌ De même, le TGI de Paris a jugé qu’en permettant à des tiers non autorisés de faire
apparaître une annonce publicitaire sur la base d’un mot clé constitué par une marque, le
prestataire « a favorisé une activité contrefaisante pour les besoins de son activité publicitaire
et a ainsi commis une faute à l'encontre » des titulaires des marques (TGI PARIS, 9 mars
2006, PROMOVACANCES et KARAVEL c. GOOGLE France). Condamnation pour contrefaçon.
▌ Dans une autre décision, le TGI de PARIS a retenu le même fondement pour condamner le
prestataire et a clairement distingué l’activité de « moteur de recherche » d’une part, de celle
de « prestataire de service publicitaire » d’autre part . Et à ce titre, le TGI a dénié audit
prestataire, « le bénéfice du régime légal dérogatoire de responsabilité des prestataires
techniques, tel que mis en place par la LCEN », (TGI PARIS, 26 avril 2006, AUTO IES c.
GOOGLE France), dont il réclamait l’application.
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8. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
RESPONSABILITE DU PRESTATAIRE AVANT LES ARRÊTS DE LA CJUE
▌ Dans un autre jugement du 12 novembre 2007, la 3e chambre du TGI de Paris a condamné le
prestataire de référencement pour « atteinte à la renommée de la marque », « publicité
mensongère » et « parasitisme » pour « usurpation du nom de domaine », (TGI PARIS, 12
novembre 2007, BELLE LITERIE c. GOOGLE France).
▌ TC PARIS, 23 octobre 2008 : condamnation au titre de la concurrence déloyale et de la
publicité mensongère, confirmée par la CA de PARIS, 11 mai 2011, (Arrêt COBRASON).
▌ Les juridictions semblaient donc quasi unanimes sur la condamnation du prestataire d’un
service de référencement en ligne, estimant que ce dernier n’était pas un simple
intermédiaire technique puisqu’au travers de son système, et alors qu’il disposait de moyens
de filtrage, il proposait à la vente des mots clés constitués par des marques.
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9. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ Les Cours d’appel ont majoritairement confirmé les décisions de première instance :
CA VERSAILLES, 23 mars 2006 : a considéré que « la Société GOOGLE FRANCE a pris la part la
plus importante dans le dommage subi par la société intimée consécutivement aux
agissements de contrefaçon dont celle-ci a été victime », « en suggérant le mot-clé
"eurochallenges" à la Société TIGER et à Monsieur Y..., voire à d'autres "liens commerciaux",
[…] au mépris des droits du titulaire de la marque "Eurochallenges "», (CA Versailles, 23 mars
2006, arrêt EUROCHALLENGES).
CA Paris, 28 juin 2006 : a également considéré que « la conception et le contenu de l'outil de
suggestion de mots-clés étaient fortement incitatifs pour la réalisation d'actes de
contrefaçon » et a condamné le prestataire tant au titre de la contrefaçon, que de la
concurrence déloyale pour « usurpation de la dénomination sociale » mais également sur le
fondement de la « publicité mensongère », (CA Paris, 28 juin 2006, Louis Vuitton c. Google).
▌ La responsabilité du prestataire semblait donc une question tranchée. Néanmoins, GOOGLE
continuant, sans désarmer, à revendiquer le bénéfice du régime dérogatoire des prestataires
techniques intermédiaires, la Cour de Cassation a fait le choix de saisir la CJUE de questions
préjudicielles.
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10. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
RESPONSABILITE DE L’ANNONCEUR AVANT LES ARRÊTS DE LA CJUE
▌ Les juridictions tant de première instance que d’appel, ont condamné l’annonceur qui avait
choisi, intentionnellement ou non, la marque d’un tiers comme mot-clé, sans son
autorisation, tant sur le fondement de la contrefaçon (la bonne foi étant inopérante), que sur
ceux de la concurrence déloyale, du parasitisme ou de la publicité mensongère selon les
circonstances.
▌ Cette solution semblait aller de soi, notamment sur le terrain de la contrefaçon.
▌ Aux termes des articles L.713-2 et L,713-3 du Code de Propriété Intellectuelle, toute
reproduction, sans autorisation, de la marque d’un tiers, constitue une contrefaçon, dès lors
qu’il s’agit :
D’une reproduction à l’identique,
D’une reproduction par imitation (avec la preuve d’un risque de confusion).
▌ Les solutions dégagées par les juridictions nationales ont été remises en cause par les arrêts
de la CJUE, rendus en 2010 et 2011.
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11. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
LES ARRÊTS DE LA CJUE
▌ Plusieurs arrêts :
Arrêt GOOGLE France et GOOGLE du 23 mars 2010 (affaires jointes C-236/08 à C-238/08)
Arrêt PORTAKABIN du 8 juillet 2010
Arrêt INTERFLORA du 22 septembre 2011
▌ Au travers de ces arrêts, la CJUE est venue mettre à mal la conception française, très
protectrice des droits de propriété intellectuelle.
▌ Dans la balance entre les principes du droit de la concurrence, qui tend à supprimer les
entraves au libre jeu de la concurrence au sein de l’Union Européenne, et les principes du
droit de la propriété intellectuelle, tendant à protéger le « monopole » des créateurs et des
propriétaires des marques, la CJUE a poussé très loin l’avantage, au profit des premiers.
▌ Ces arrêts ont, par ailleurs, conféré au fournisseur de services de référencement payant en
ligne, le statut particulier de « prestataire technique intermédiaire », et lui ont donc accordé
le bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité qui en découle.
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12. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
L’ARRÊT GOOGLE France et GOOGLE (23 mars 2010)
1. Concernant l’annonceur:
▌ La CJUE a considéré que l’utilisation, par un annonceur, d’une marque en tant que mot clé
dans le cadre d’un service de référencement sur internet, pour déclencher l’affichage de son
annonce, est un « usage … dans la vie des affaires » (pts 51 à 52) (!)
▌ Toutefois, elle est venu préciser que, le titulaire de la marque ne saurait s’opposer audit
usage du signe identique à sa marque que si cet usage était susceptible de porter atteinte à
une des fonctions de la marque (pt 76 – et pt 60 de l’arrêt C487/07 du 18 juin 2009 – L’Oréal).
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13. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ Parmi ces fonctions :
la « fonction d’indication d’origine »
la fonction de publicité :
la fonction d’indication d’origine est la fonction essentielle de la marque qui consiste à
garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service :
la fonction de publicité a été exclue, en l’espèce, au motif que même si cela nécessite
un investissement plus élevé et sans résultat garanti pour le titulaire de la marque de
faire apparaître un lien promotionnel à son bénéfice avec sa marque comme mot-clé, le
site du titulaire de ladite marque va apparaître dans la liste des résultats naturels et cela,
normalement, sur l’un des premiers rangs de cette liste. Selon la CJUE, ce résultat serait
garanti. Il bénéficierait donc d’une excellente visibilité, (pts 91 à 98).
▌ En conséquence, le titulaire d’une marque ne peut interdire l’utilisation de sa marque
comme mot clé dans un service de référencement payant que si cette utilisation par un tiers
porte atteinte à la fonction d’indication d’origine, ce qu’il appartiendra aux juridictions
nationales d’apprécier, au cas par cas.
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14. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ Toutefois, la CJUE a donné une grille de lecture aux juridictions:
« le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé
identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné
dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des
services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne
permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou
les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise
économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers. »
▌ C’est donc le contenu de l’annonce qui permettra de caractériser ou non l’existence d’une
telle atteinte :
Ce sera le cas si la marque est reproduite sans l’autorisation de son titulaire, et hors
exceptions légales, directement dans l’annonce;
Ce sera également le cas si l’annonce est trop vague et ne permet pas de distinguer
l’annonceur du titulaire de la marque, créant ainsi une confusion dans l’esprit de
l’internaute moyen.
▌ Cette décision a été confirmée par la CJUE dans un arrêt du 25 mars 2010, dit
« BergSpechte »
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15. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
2. Concernant le prestataire d’un service de référencement en ligne
▌ La CJUE a considéré que le régime dérogatoire de responsabilité dont bénéficient les
prestataires techniques intermédiaires pouvait lui bénéficier.
▌ En effet, elle définit le prestataire d’un service de référencement comme quelqu’un qui
transmet des informations du destinataire dudit service, à savoir l’annonceur, sur un réseau
de communication ouvert aux internautes et stocke certaines données, telles que les mots
clés sélectionnés par l’annonceur, le lien promotionnel et le message commercial
accompagnant celui-ci, ainsi que l’adresse du site de l’annonceur, (pt 111).
▌ Il n’aurait donc qu’un rôle «purement technique, automatique et passif»
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16. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ Toutefois ce régime exorbitant n’est pas une immunité absolue et le prestataire peut voir sa
responsabilité engagée dans deux cas:
lorsque le prestataire a été informé du caractère illicite de ces données ou d’activités de
l’annonceur, et n’a pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données;
Lorsque le prestataire aura activement participé à la rédaction de l’annonce litigieuse
et/ou au choix des mots-clés contrefaisants.
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17. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
L’ARRÊT PORTAKABIN (8 juillet 2010)
▌ Dans cet arrêt un peu particulier, la CJUE va confirmer le principe qu’on peut utiliser une
marque comme mot-clé, à certaines conditions, pour la revente de produits d’occasion.
▌ En se référant au principe de l’épuisement du droit de distribution, la CJUE va considérer que,
sous respect d’une communication transparente, l’usage d’une marque comme mot-clé est
possible, à moins qu’il n’existe un motif légitime, à savoir que cet usage porte :
Une atteinte à la fonction d’indication d’origine en laisse penser qu’il existe un lien
économique entre le revendeur et le titulaire de la marque, (en l’espèce, suppression
de la marque d’origine pour mettre celle du revendeur)
Une atteinte sérieuse à la renommée de la marque (volume, présentation, mauvaise
qualité…)
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18. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
L’ARRÊT INTERFLORA (22 septembre 2011)
▌ Ce dernier arrêt vient préciser les conditions dans lesquelles on peut utiliser comme mot-clé
une marque notoire dans le cadre d’un service de référencement en ligne.
▌ La CJUE confirme sa jurisprudence et précise les fonctions de la marque notoire qui sont
protégeables en la matière. Ce sont:
La fonction essentielle d’indication d’origine (Arrêt Google France et Google du 23
mars 2010)
La fonction d’investissement pour une marque notoire reproduite à l’identique pour
des produits ou services identiques (condition de double identité)
La fonction de publicité, qui est ici également exclue.
▌ La CJUE, enfin, précise que le titulaire d’une marque est habilité à interdire l’usage par les
tiers, de signes identiques ou similaires à leur marque notoire, pour des produits ou des
services identiques ou similaires, dès lors que cet usage tire indûment profit :
▌ . du caractère distinctif de ces marques, ou de leur renommée (parasitisme)
▌ . ou s’il porte préjudice à leur caractère distinctif (dilution) ou à leur renommée
(ternissement).
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19. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
PORTEE DE L’ARRÊT INTERFLORA (22 septembre 2011)
1. Concernant la fonction d’indication d’investissement
▌ Aux termes du point 63 de l’arrêt, la CJUE entend une atteinte à la fonction d’investissement,
tout usage qui gênerait « de manière substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque
pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des
consommateurs », à savoir que l’usage fait par le tiers affecte la réputation de la marque et
met en péril son maintien (pt 63).
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20. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
PORTEE DE L’ARRÊT INTERFLORA (22 septembre 2011)
▌ Toutefois, elle précise que si cet usage est réalisé dans des conditions de concurrence loyale
et respectueuse de la fonction d’indication d’origine de la marque et que cet usage a pour
seule conséquence d’obliger le titulaire de cette marque à adapter ses efforts pour acquérir
ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser les consommateurs, il ne
saurait y avoir un péril autorisant le titulaire à interdire le tiers à utiliser sa marque comme
mot-clé dans un service de référencement en ligne, (pt 64).
▌ Elle a également considéré que « la circonstance que ledit usage conduise certains
consommateurs à se détourner des produits ou des services revêtus de ladite marque ne
saurait être utilement invoquée par le titulaire de cette dernière ». (pt 64)
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21. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
PORTEE DE L’ARRÊT INTERFLORA (22 septembre 2011)
2. Parasitisme
▌ Est défini comme parasitisme tout profit ou avantage indûment tiré par le tiers du caractère
distinctif ou de la renommée de la marque lors de l’emploi d’un signe distinctif ou similaire à
cette marque.
▌ La notion de parasitisme englobe notamment les cas où, grâce à un transfert de l’image de la
marque ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par le signe
identique ou similaire, il existe une exploitation manifeste dans le sillage de la marque
renommée (pt 74 dudit arrêt et pt 41 de l’arrêt L’Oréal précité).
▌ Sera considéré comme parasitisme le fait que « l’annonceur se place dans le sillage d’une
marque renommée afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son
prestige, ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer
des efforts propres à cet égard, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour
créer et entretenir l’image de cette marque. S’il en va ainsi, le profit ainsi réalisé par le tiers
doit être considéré comme étant indu » (arrêt L’Oréal, précité, point 49).
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22. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
PORTEE DE L’ARRÊT INTERFLORA (22 septembre 2011)
▌ La CJUE précise qu’une telle conclusion peut s’imposer dans des cas où des annonceurs sur
Internet offrent à la vente des produits qui sont des imitations des produits du titulaire
desdites marques (Produits LOUIS VUITTON notamment, dans l’arrêt Google France et
Google, précité, points 102 et 103).
▌ Toutefois, elle exclut le parasitisme dans les cas où « la publicité affichée sur Internet à partir
d’un mot clé correspondant à une marque renommée propose […], une alternative par
rapport aux produits ou aux services du titulaire de la marque renommée », ou que cet usage
ne cause pas « de dilution » ou « de ternissement », ni « ne porte atteinte aux fonctions de
ladite marque ».
▌ La CJUE conclut qu’un tel usage relève, en principe, d’une concurrence saine et loyale dans le
secteur des produits ou des services en cause et qu’il a donc lieu pour un «juste motif»,
autorisant un tiers à utiliser la marque du titulaire comme mot-clé dans un service de
référencement payant.
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23. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
PORTEE DE L’ARRÊT INTERFLORA (22 septembre 2011)
3. Dilution et ternissement de la marque
▌ Est défini comme dilution tout préjudice porté au caractère distinctif de la marque
renommée. Il « est constitué lorsque se trouve affaiblie l’aptitude de cette marque à identifier
les produits ou les services, pour lesquels elle est enregistrée ».
▌ Il s’agit du cas où l’usage de la marque par des tiers conduit à la rendre « générique » : ex:
Com, 27 janvier 2009, BOTOX mais également FRIGIDAIRE, PINACOLADA, ESCALATOR…
▌ Est défini comme ternissement tout préjudice porté à la renommée de la marque. Il est
constitué « lorsque les produits ou les services pour lesquels le signe identique ou similaire est
utilisé par le tiers peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force
d’attraction de la marque en est diminuée ».
▌ Compte tenu des questions préjudicielles posées, la CJUE a retenu le ternissement comme
pouvant porter atteinte à la marque mais n’a pas précisé, plus avant, la notion comme elle a
pu le faire pour la notion de dilution.
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24. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
APPLICATION DE LA JURISPRUDENCE DE LA CJUE AU NIVEAU NATIONAL
▌ 4 arrêts de la Cour de Cassation du 13 juillet 2010:
LOUIS VUITTON
GIFAM
VIATICUM et LUTECIEL
EUROCHALLENGES
Dans ses quatre arrêts, la Cour de Cassation s’appuie sur l’arrêt de la CJUE GOOGLE France et
GOOGLE pour décider qu’elle considère que GOOGLE bénéficie, en sa qualité de prestataire
technique intermédiaire, du régime dérogatoire de responsabilité, prévu par l’article 6 de la LCEN
(21 juin 2004), qui transpose la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000.
Concernant la responsabilité de l’annonceur, seul l’arrêt EUROCHALLENGES a traité la question, la
société TIGER s’étant pourvue en cassation.
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25. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
APPLICATION DE LA JURISPRUDENCE DE LA CJUE AU NIVEAU NATIONAL
▌ La Cour de Cassation, en se référant à l’arrêt de la CJUE, a clairement condamné les
agissements de la société TIGER tant au titre de la contrefaçon, que de la concurrence
déloyale et du parasitisme:
▌ qu'en l'espèce, « la cour d'appel, qui a fait ainsi ressortir que l'annonce incriminée, tout en ne
suggérant pas l'existence d'un lien économique, restait à tel point vague sur l'origine des
produits ou des services en cause qu'un internaute normalement informé et raisonnablement
attentif n'était pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message
commercial qui y était joint, si l'annonceur était un tiers par rapport au titulaire de la marque
ou, bien au contraire, économiquement lié à celui-ci, […] a pu retenir l'existence d'une
contrefaçon » ;
▌ La Cour a reconnu cette société : « coupable de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard
de la société CNRRH pour avoir usurpé l’identité du nom commercial et du nom de domaine
du site internet de la société CNRRH du fait du lien commercial par le mot-clé
"eurochallenges" et ainsi provoquer une confusion dans l’esprit de l’internaute ».
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26. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ Cour de Cassation Chambre Commerciale, 29 novembre 2011
En l’espèce, la Cour de Cassation confirme la condamnation de la société SUZA sur le fondement
de la concurrence déloyale au motif que « l'insertion dans le moteur de recherche de Google du
mot-clé "PCA" déclenche l'apparition immédiate et simultanée tant des résultats de recherche
traditionnels que de liens commerciaux comportant des annonces publicitaires pour des produits
"advance" et renvoyant à des adresses de sites Internet qui ne permettent pas d'identifier
l'annonceur, alors que dans le même temps le signe "PCA" reste affiché dans la fenêtre affectée à
la recherche ».
▌ L’existence d'un risque de confusion sur l'origine des produits commercialisés par les deux
entreprises était donc bien constituée.
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27. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ CA PARIS, Pôle 5 chambre 4, 11 mai 2011 (Affaire COBRASON) confirmant le TC PARIS du 23
octobre 2008
La société COBRASON a poursuivi son concurrent et GOOGLE sur le fondement de la concurrence
déloyale et de la publicité de nature à induire en erreur et a obtenu gain de cause et la
condamnation de l’annonceur et de GOOGLE, sur les deux fondements.
Concernant le fondement de la publicité de nature en induire, c’est la formule « pourquoi payer
plus cher ? » contenue dans l’annonce qui a fondé la décision des magistrats.
GOOGLE et l’annonceur poursuivi ont été solidairement condamnés à verser à la société
COBRASON 50.000 Euros de dommages et intérêts, au titre de chaque fondement.
Vraisemblablement, cet arrêt devrait être censuré par la Cour de Cassation au moins en ce qui
concerne la responsabilité de GOOGLE qui devrait bénéficier du régime exonératoire visé par
l’article 6 de la LCEN.
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28. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ CA PARIS, Pôle 5, chambre 1, 2 février 2011 (Affaire AUTO IES) infirmant le TGI PARIS, 3e
chambre, 27 avril 2007
Dans cette affaire, la CA de Paris, en se fondant sur l’arrêt de la CJUE a infirmé la décision du
tribunal, considérant qu’en l’espèce :
« rien ne suggère à l‘internaute normalement informé et raisonnablement attentif
effectuant une recherche au sujet des marques invoquées, l’existence d’un lien économique
entre l’annonceur et le titulaire de ces marques ».
qu’aucune atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque n’était donc
constituée
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29. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ CONCLUSION
▌ . Clairement, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, a modifié les
pratiques judiciaires françaises antérieures. Il y a un « avant » et un « après ».
▌ . Ceci principalement pour les prestataires de service de référencement payant, qui,
désormais, bénéficient du régime dérogatoire de responsabilité des « prestataires
techniques intermédiaires » au sens de la Directive, transposée à l’article 6 de la LCEN
(21 juin 2004)
▌ . C’est aussi un tournant, pour les annonceurs.
▌ . Ceux-ci, auparavant, se voyaient interdire tout usage d’une marque, comme mot clé, ce
qui semblait une application toute classique du droit des marques
▌ . Désormais, le principe est renversé. L’usage d’une marque comme mot-clé de
référencement est admis par principe, sous réserve seulement du respect de critères
progressivement dégagés par la CJUE.
▌ . On est passé d’un régime d’interdiction a priori, à un régime de contrôle a posteriori
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30. Référencement sur Internet et propriété intellectuelle:
l’état de la jurisprudence
▌ CONCLUSION (2)
▌ . Tout ceci est donc nouveau.
▌ . La Cour de Cassation française se réfère intégralement aux critères et aux règles posées
par la CJUE.
▌ . Les juristes spécialisés récusent fortement cette tendance qu’ils jugent excessive et
contraire à la théorie classique du droit des marques
▌ . De fait, on a retenu un subtil distingo entre l’atteinte à une marque en elle-même, dans
son intégralité, thèse classique et les atteintes à des « fonctions essentielles » de la
marque, ouvrant une brèche dans le monopole légal conféré aux déposants.
▌ . On a surpris ces derniers qui pensaient que leur investissement sur leur marque leur
conférait une réelle protection
▌ . Tout cela est donc très récent. Les décisions rendues par la Cour Suprême depuis celle
de la CJUE du 23 mars 2010 ont conduit, à l’appui des critères posés, à plusieurs
condamnations d’annonceurs, dont on a jugé que l’annonce créait un risque de
confusion.
▌ . On attend donc avec impatience, les prochaines décisions, notamment le résultat du
pourvoi, dans l’affaire COBRASON (CA Paris 11 mai 2011) qui a condamné tant GOOGLE
que l’annonceur.
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