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L’Europe médiévale en 50 dates
(les Couronnes, la Tiare et le Turban) :
Cinquante événements – clés
qui ont infléchi le cours de l’histoire de l’Europe
au Moyen – âge.
L’histoire de l’Europe médiévale
( 1 de 2 )
L’Europe, c’est dix millions de kilomètres carrés (10 392 855 km2).
Le Moyen-âge, c’est mille ans (1016 ans, de 476 à 1492).
Se mouvoir dans ce gigantesque espace-temps qu’est « l’Europe médiévale » relève de
l’exploration hasardeuse. Quelques repères, situés à la fois dans l’espace et dans le temps, peuvent aider à
en rendre l’excursion moins aventureuse.
L’ouvrage :
L’Europe médiévale en 50 dates
Les Couronnes, la Tiare et le Turban
propose, en cinquante chapitres, une promenade historique qui débute en Italie en 476 et se
termine en Espagne en 1492, après avoir sillonné en tous sens le continent européen, de
l’Atlantique à l’Oural et de la Mer Blanche à la Mer Noire.
Deux étapes y sont distinguées : Le Haut Moyen-âge, de l’an 476 à l’an mil, et Le Bas Moyen-
âge, de l’an mil à l’an 1492.
Le fichier ci-après résume, en 28 écrans, la première partie (Haut Moyen-âge) de ce livre de 500 pages,
publié en septembre 2012, chaque écran donnant un court résumé du chapitre correspondant de l’ouvrage.
Le nombre placé à gauche des titres fait référence au numéro de chapitre de l’ouvrage.
Le nombre placé à droite des titres précise le nombre de pages que l’ouvrage consacre à l’événement.
Du même auteur :
L’Europe avant l’an mil (2 tomes, de la Préhistoire à Charlemagne - L’Harmattan),
et
Sentinelles de la Seine en Normandie médiévale (4 chateaux forts et 4 abbayes en vallée de Seine -
Editions Corlet)
sont présentés sur le site de l’auteur :
http://www.jacquesbloeme.fr
Première partie
Le haut Moyen-âge,
de l’année 476 à l’an mil
623
825
481
639
732
911
987
711
755
929
527
610
674
730
476
493
568
590
756
570
Que s'est-il passé là en … ?
882
913
992
800
843
955
(01) Avant de commencer (11 p.)
Les données géopolitiques initiales
1
3
4
5
?

GAULE
ELLAS
HISPANIE
ITALIE
Rhin
Danube
B A R B A R E S
Empire romain
d'Occident
Empire romain
d'Orient


Depuis le règne de l’empereur Tibère (de l’an 14 à l’an 31 de notre ère), une sorte de ligne de démarcation,
grossièrement orientée ouest-nord-ouest / est-sud-est, et constituée par le Rhin et le Danube, coupe en deux le
continent européen.
– Au nord : des peuplades dites « barbares » (grec barbaros [βάρϐαρος], latin barbarus). Celles-ci ne portent
pas ce qualificatif parce qu’elles sont cruelles, mais parce qu’elles sont étrangères à la civilisation gréco-latine,
leur voisine méridionale, et utilisent des langages incompréhensibles (le mot barbaros avait été forgé par les
Grecs à partir de l’onomatopée bahra-bahra, elle-même issue du sanscrit bahr = parler fort, crier).
Les principales peuplades « barbares » sont : les Alamans, les Burgondes, les Francs, les Gots, les Hérules, les
Vandales …
– Au sud, un vaste territoire à la civilisation très avancée et à l’organisation exemplaire : l’Empire Romain, qui
englobe aussi la rive sud de la Méditerranée. Cinq grandes entités y sont dénombrées sur le continent européen :
l’Italie
l’Hispanie
la Gaule
la Brittania
la Grèce
Cet empire est si vaste, et donc si difficile à être administré par un seul homme, qu’il a, en 395, été coupé en
deux fractions : l’empire romain d’Occident et l’empire romain d’Orient.
(02) 476, en Italie (6 p.)
Odoacre : la fin de l’empire romain d’Occident
Les Hérules, une peuplade germanique venue de Scandinavie méridionale et d’abord exilée dans la
région du Dniepr, avaient ensuite, peu à peu, fait mouvement vers le sud-ouest, avaient franchi le
Danube et s’étaient fixés en Thrace. Zénon, empereur romain d’Orient, leur fait comprendre que leur
présence est indésirable.
Dniepr
Dniestr
Danube
Rhin
Hérules
Thrace
Francs
Odoacre, le chef hérule, demande alors à Romulus Augustule, tout jeune empereur d’Occident,
encore placé sous la tutelle de son père Oreste, l’autorisation, pour son peuple, de s’établir en Italie
avec le statut envié de « peuple fédéré », ce qui leur procurerait une situation désormais stable. Un
refus lui étant opposé, Odoacre décide de s’emparer par la force de ce qu’il n’a pu obtenir par la
diplomatie. La bataille se déroule à Pavie.
Danube
ThracePavie
Ravenne
Rome
Constantinople
Illyrie
Oreste est tué. Odoacre enferme le jeune Romulus dans une forteresse à Milan, et s’installe en maître à
Ravenne. Mais souhaitant ne pas passer pour un usurpateur, il renvoie les « insignes impériaux » à
Zénon, l’empereur d’Orient, et se met officiellement sous sa coupe.
Il n’y a plus d’« empire romain d’Occident ». L’empire romain, qui avait été divisé en deux en 395, est
reconstitué, tout au moins juridiquement, à défaut de l’être géographiquement, car bien des territoires
de l’Empire romain primitif (Gaule, Hispanie …) sont désormais hors de la férule romaine. Cette
situation est transitoire : dans quelques décennies, « l’empire romain » changera de nom pour devenir
« l’empire grec ».
(03) 481, en Gaule (6 p.)
Clovis : la prééminence des Francs
Childéric, à la tête du petit royaume des Francs saliens de Tournai (en actuelle Belgique), avait été, par ailleurs,
ancien haut fonctionnaire romain : il avait largement participé à l’administration du territoire sous tutelle
romaine situé entre la Meuse et la Loire, et improprement appelé « Royaume romain de Soissons ». Childéric
meurt en 481.
Son fils Clovis, qui lui succède, décide de sortir
d’une position subalterne qu’il juge sienne et
d’accroître sa puissance. Cinq ans après son
accession au pouvoir, il s’attaque au Royaume
romain, dernier vestige subsistant en Gaule de
l’ancienne puissance dominante. C’est la victoire de
Soissons de 486 qui marque la première étape de
l’ascension politique fulgurante du jeune roi (né en
465, il a alors 21 ans).
Dix ans plus tard, il s’en prend à la tribu germanique
des Alamans, positionnée sur le cours supérieur du
Rhin. La victoire de Tolbiac, en 496, conforte la
position prééminente de Clovis, qui a déjà multiplié
par cinq les dimensions géographiques de son
royaume initial.
Ce n’est pas encore suffisant, et Clovis a des ambitions plus grandes. Il tourne son regard vers le puissant
royaume wisigot établi dans tout le sud-ouest de la Gaule, entre la Loire et les Pyrénées. Mais si les dirigeants
actuels du royaume sont wisigots, donc ariens (une déviance du christianisme), les populations autochtones,
romanisées depuis longtemps, sont chrétiennes. Le clergé qui les encadre est très influent.
Clovis se lance donc dans un acte politique fort : il se convertit au christianisme, religion à laquelle l’a déjà initié
son épouse Clotilde, la fille de Gondebaud, le roi des Burgondes. Cette conversion apporte au roi ci-devant
païen le soutien du clergé de Gaule.
Il peut donc maintenant poursuivre son programme d’expansion territoriale. C’est chose faite en 507, après la
victoire de Vouillé. Clovis règne désormais sur un territoire allant du Rhin aux Pyrénées. A l’exception du
royaume burgonde de son beau-père, et du petit royaume des Francs rhénans, Clovis est le maître de toute
l’ancienne Gaule romaine. Le Royaume des Francs (regnum Francorum) est désormais créé.
L’empereur « romain » de Constantinople, Anastase, prend acte cette nouvelle situation en donnant à Clovis le
titre prestigieux de consul romain. Mais le roi franc ne jouit pas longtemps de ce privilège : il s’éteint en 511,
non sans avoir promulgué, en 509, un document juridique tout particulièrement important : la loi salique.
Le « Royaume des Francs » gardera cette dénomination jusqu’au début du XIIIe siècle. Après la victoire de
Philippe Auguste à Bouvines, en 1214, la chancellerie royale émettra des documents portant le sceau du
« royaume de France ». Quant à la loi salique de Clovis, elle sera invoquée, huit siècles après sa promulgation,
pour dénouer une succession difficile entre les enfants de Philippe IV le Bel, décédé en 1314.
HérulesWisigots
Burgondes
AlamansRoyaume romain
Francs
rhénans
Francs
saliens
Tournai
(04) 493 en Italie (4 p.)
Avec Théodoric : les Ostrogots en Italie
Rome
Ravenne
Wisigots
Pollentia
Danube
Rhin
395
410
vers Bordeaux
Illyrie Dacie
Thrace
lesWisigots
Danube
ThracePavie
Ravenne
Rome
Constantinople
Illyrie
Hérules
Il est rappelé que, avant le début de la période médiévale, les Wisigots, après un bref séjour dans la
partie orientale de l’Empire (en 395), avaient parcouru l’Italie en tous sens (en 410), avant de se
diriger vers le sud de la Gaule, où ils s’étaient définitivement fixés en 429 (carte ci-dessus à gauche).
Puis l’Italie avait connu, en 476, l’installation des Hérules d’Odoacre (carte ci-dessus à droite).
L’Histoire bégaie une nouvelle fois avec une autre peuplade germanique : les Ostrogots, installés en
Macédoine, en 455, avec l’autorisation de l’empereur Marcien, en qualité de peuple fédéré. Mais ils y
sont vite considérés, eux aussi, comme des intrus.
D’autre part, Zénon, successeur de Marcien, regarde d’un œil inquiet les velléités de puissance que le
chef hérule Odoacre commence à manifester en Italie. Zénon a des craintes pour la pérennité de la
paix dans l’empire. Il suggère à Théodoric, le roi des Ostrogots, d’aller mettre de l’ordre dans la
péninsule. Cela aura un double avantage : l’Italie sera remise dans le droit chemin, et l’empereur va se
débarrasser des encombrants Ostrogots.
En 485 (ou 486), Théodoric se met donc en route,
pénètre en Italie où il remporte trois victoires
successives : en 488 sur la Piave, en 489 sur
l’Adige et en 490 sur l’Adda, trois affluents du
Pô. Puis il vainc définitivement Odoacre en 493.
Les Hérules disparaissent de l’Histoire.
Mais Théodoric ne tarde pas à sortir du cadre de la
mission que lui avait confiée Zénon : il se
proclame roi d’Italie, et tente d’installer à Ravenne
une dynastie germanique ! Il règne, jusqu’en 526,
en monarque éclairé. Mais la dynastie fera long
feu, faute d’une lignée capable de maintenir le
flambeau. De sordides intrigues de palais, et des
troubles civils, vont provoquer la fureur de
Justinien, le nouvel empereur de Constantinople :
celui-ci enverra des troupes, sous le
commandement d’un brillant général, Narsès, et,
en 555, l’Italie sera de nouveau replacée sous
l’autorité de l’empereur.
Danube
Rhin
Pô
Piave
Adige
Adda
Tessin
Ravenne
Rome
Macédoine
vers 485
488
489
490
493 Dalmatie
les Ostrogots
(05) 527 à Constantinople (6 p.)
Justinien : la reconquête
Justinien accède au trône en 527. Il déplore de voir l’empire de ses prédécesseurs qui a fondu au cours
des siècles. Les Iles Brittoniques ne font plus partie de l’empire depuis que les légions romaines ont
quitté l’archipel en 409. La Gaule et la péninsule ibérique sont aux mains de rois germaniques : les
Francs, les Alamans, les Burgondes, les Wisigots. L’Italie elle-même, clé de voûte initiale de l’empire
romain, occupée temporairement par les Wisigots, puis par les Hérules, est désormais régie par les
Ostrogots. Quant aux territoires de l’Afrique septentrionale (Ifriqiya, actuel Maghreb), ils sont
dominés par les Vandales qui, venus du Jutland, avaient traversé toute l’Europe, entre 410 et 430, en y
semant la terreur et la désolation. L’ancien « Empire romain d’Occident » n’est plus qu’un souvenir.
Justinien, qui a une âme de conquérant, rêve de le reconstituer. Iles Brittoniques et Gaule semblent être
des objectifs inatteignables, mais l’Ifriqiya, l’Ibérie et la péninsule italienne ne lui paraissent pas hors
de portée.
empire de Justinien
projets de reconquête
Pour parvenir à ses fins, Justinien a, entre autres, deux généraux de grande valeur, Bélisaire et Narsès. En 534,
Bélisaire d’empare de Carthage, la capitale du royaume vandale, puis il poursuit son avance jusqu’aux Colonnes
d’Hercule, mettant ainsi fin au royaume vandale. Le premier projet de Justinien est mené à terme : L’Ifriqiya est
redevenue romaine.
De son côte, Narsès part à la reconquête de l’Italie, dont le sud est aux mains des Ostrogots, tandis le nord
connaît, depuis peu, la présence d’armées franques, qui ont franchi les Alpes et représentent un danger potentiel
considérable. En 552, Narsès, qui a débarqué en Calabre, écrase les deux rois ostrogots, Totila en 552, puis Teïa
en 555. Le royaume ostrogot est anéanti. Narsès poursuit sa campagne victorieuse en parvenant à reconduire les
Francs au nord des Alpes. L’Italie est, à nouveau, sous contrôle impérial.
Entre temps, en 554, les légions romaines,
sous la conduite du légat Liberius, ont franchi
les Colonnes d’Hercule et remis la main sur
Cadix et Carthagène. Elles sont remontées
jusqu’au Guadalquivir, mais n’ont pu
poursuivre plus loin. Le tiers méridional de la
péninsule ibérique est, lui aussi, redevenu
romain.
Justinien meurt en 565, en ayant partiellement
mené à bien la mission qu’il s’était assignée.
Son neveu Justin II lui succédera … et tout va
rapidement se détériorer à nouveau.
Carthagène
Carthage
état de la reconquête en 555
Byzance
Ceuta
Cadix
Wisigots
Suèves
Danube
Pô
Vandales
Guadalquivir
(06) 568, en Italie (6 p.)
Avec Alboïn : les Longobards en Italie
Les Longobards (les hommes à la longue barbe ?) sont, eux aussi, une peuplade germanique venue
des confins septentrionaux de l’Europe. Après de longues pérégrinations, Justinien leur a accordé, en
540, l’autorisation de s’installer en Pannonie (située entre le cours moyen du Danube et la côte de
l’Adriatique). En 552, Narsès les a utilisés comme supplétifs dans sa lutte contre les Ostrogots. A cette
occasion, les Longobards ont découvert les attraits de l’Italie. L’irruption des Avars sur l’autre rive du
Danube leur donne des craintes pour leur avenir. Ils décident de s’éloigner de ces dangereux voisins, et
de s’installer dans la plaine du Pô.
Or, Justin II, qui a succédé à Justinien, veut relever
Narsès de son commandement, et lui intime l’ordre de
rentrer à Constantinople. A cette occasion, l’impératrice
Sophie insulte gravement le vieux général octogénaire
(qui est eunuque) en lui proposant de venir filer la laine
au milieu des femmes du gynécée !
Furieux, Narsès décide de se venger. Il en a l’occasion
lorsque les Longobards commencent à pénétrer en
territoire impérial. Narsès ne s’oppose pas à l’avancée
des troupes longobardes, qui entrent dans Milan, puis
dans Pavie, où Alboïn, le chef longobard, établit la
capitale d’un nouveau royaume. Mais deux de ses
lieutenants poursuivent la descente dans la péninsule.
Évitant Ravenne et Rome, deux positions difficilement
prenables, ils s’installent dans la partie médiane de
l’Italie, et créent deux principautés indépendantes du
pouvoir central de Pavie (elles sont à l’origine des futurs
duchés de Spolète et de Bénévent).
La vengeance de Narsès est totale : l’empereur a voulu
l’humilier, et c’est lui qui humilie l’empereur. A la fin
du VIe siècle, les possessions byzantines en Italie se
réduisent à la région de Ravenne, la Pouille, la Calabre
et la Sicile.
Le nouveau royaume longobard perdurera difficilement durant deux siècles, jusqu’au moment où le
futur empereur des Francs, Charlemagne, viendra ceindre, en 774, la fameuse « couronne de fer » des
rois longobards, devenus, entretemps, les Lombards. La partie septentrionale de l’Italie deviendra alors
franque.
Benevent
Spolete
Ravenne
Pavie
Rome
Venise
Milan
Pô
Tibre
Pouille
Calabre
Sicile
Pavie
Frioul
Longobards Avars
Pannonie
Milan
Pô
Tibre
Danube
Rhin
Ravenne
Rome
(07) 570, en Arabie (7 p.)
Mahomet et la naissance de l’Islam
L’Arabie n’est pas en Europe. Mais l’influence considérable de l’Islam sur l’histoire de l’Europe interdit de passer sous
silence cet événement majeur qu’est la naissance et l’expansion de la nouvelle religion monothéiste.
Muhammad (Mahomet) voit le jour, en 570, à La Mecque, ville sacrée où se trouvent la Kaaba et la fameuse Pierre
noire sur laquelle s’était assis autrefois le prophète Ibrahim (Abraham). Devenu adulte, il devient caravanier au
service d’une riche veuve, Khadîdja, qu’il épouse en 590. Trois garçons, morts en bas âge, et quatre filles naîtront de
cette union.
Lorsqu’il n’est pas sur les routes du désert, Muhammad aime à se retirer dans une grotte où il reçoit la visite de
l’archange Jibril (Gabriel), qui lui enjoint de faire connaître l’existence d’Allah. En 613 (il a 43 ans), il commence à
prêcher à La Mecque, où il est pris pour un perturbateur.
Khadîdja meurt en 619. Accablé par le chagrin que lui cause ce veuvage, et déçu de la faible audience que ses
prêches continuent à trouver à La Mecque, il part, en 622, pour Médine, où on l’écoute avec davantage de ferveur :
c’est l’Hijra (la fuite, en français l’Hégire), an I de la nouvelle religion. C’est dans cette ville qu’il se remarie avec la
toute jeune Aïcha, fille d’Abu Bak’r. L’islam commençant à s’imposer dans la péninsule arabique, Muhammad
rentre à La Mecque en 630 et entame la rédaction du Coran, mais il meurt en 632.
Il lui faut un successeur (« khalife »). C’est Abu Bak’r,
son beau-père, qui termine la rédaction du Coran, mais
meurt prématurément en 634. La succession est à
nouveau ouverte. Les trois gendres de Muhammad,
Omar, Othman et Ali, qui ont épousé les filles issues de
l’union du Prophète et de Khadîdja, deviennent tour à
tour second, troisième et quatrième khalifes. Omar et
Othman meurent assassinés, en 644 et en 656. Ali doit
se démettre en 660 (voir l’encadré ci-dessous). En dépit
de ce départ difficile, l’islam, se répand rapidement
dans toutes les directions. C’est ainsi qu’un demi-siècle
plus tard, il a atteint les Colonnes d’Hercule (actuelle
Gibraltar), prêt à pénétrer en Europe. Ce sera chose
faite en 711.
L’Islam est basé sur deux Livres :
– le Coran, dont la rédaction fut entamée par le Prophète lui-même et terminée par son beau-père, le premier khalife, est
considéré comme la retranscription de « la parole de Dieu » ;
– la Sunna, relation des actes du Prophète, rédigée plus tard, présente, aux yeux de certains croyants, une moindre valeur
théologique.
En 656, après l’assassinat d’Othman, deux compétiteurs s’étaient fait connaître : Ali et Muawiya. Ali était très proche du
Prophète : il avait été son cousin germain, son ami d’enfance et son confident avant de devenir son gendre. Reconnu comme
le détenteur de la pensée de Muhammad, il fut donc choisi. Mais, à l’issue de quatre ans de combats fratricides (la
« bataille du chameau » en 656, et la « bataille de Siffin » en 660), il dut céder sa place à Muawiya. Celui-ci, devenu
cinquième khalife, établit alors à Damas le siège du khalifat (jusqu’ici à La Mecque), et impose une stricte observance des
préceptes de la Sunna. Les fidèles attachés à la ligne du nouveau prophète devinrent les Sunnites. Les partisans d’Ali firent
sécession et prirent « un autre chemin » pour revenir à la pratique de l’Islam davantage basée sur le Coran que sur la
Sunna : ce furent les Chi’ites, mot issu de l’arabe chi’ah = faction, groupe d’hommes qui se séparent des autres (le mot
français schisme a exactement la même acception).
Trente ans après sa naissance, la nouvelle religion du Livre était déjà divisée en deux factions irréductibles. Cette division
subsistera, plus vive que jamais, treize siècles et demi plus tard …
La Mecque
Médine
Carthage
Constantinople
Alexandrie
Damas
Kairouan
Indus
vers
Turkestan
Perse
Egypte
Lybie
(08) 590, au Saint Siège (7 p)
Grégoire tente d’asseoir la Papauté
Au IIIe siècle, l’Église avait terminé la mise en place de son organisation, avec un clergé « surveillé »
par des évêques (latin : episcopus, lui-même issu du grec epi = « par dessus » et scopein =
« surveiller »). Des conflits sans nombre éclatant entre deux évêques, ou entre un évêque et le clergé
sous sa coupe, le concile de Nicée de 325 créa un échelon supérieur d’autorité, capable de trancher les
cas litigieux : l’évêque de Rome, « le pape » (grec : pappas = père), disposant d’une primauté
perpétuelle, tant sur le plan doctrinal que sur le plan juridictionnel.
Mais en 330, l’empereur Constantin établit à Byzance la capitale impériale. Un « pappas » byzantin
vit alors le jour : le patriarche (grec : patriarkhès = Père, chef de famille).
Lequel des deux personnages a la prééminence ?
Après plusieurs papes plus ou moins falots, Grégoire, parvenu au Pontificat en 590, affirme son
autorité tant sur le plan temporel (il intervient dans la situation difficile que connaît la ville de Rome à
ce moment), que sur le plan spirituel (il lance la fameuse réforme grégorienne réglementant la vie des
moines, il impose le chant grégorien …).
Mais Grégoire, issu d’une riche famille patricienne de Rome, est de stricte culture latine, et il ne parle
pas le grec. Il peine donc à s’imposer dans la partie grecque de l’empire. La question se repose alors
avec la nomination du patriarche de Constantinople Jean le Jeûneur, qui, avec l’assentiment de
l’empereur Maurice, s’autoproclame évêque œcuménique, c'est-à-dire le premier de tous les évêques
du monde. La rupture entre le pape et le patriarche est inévitable.
Qui plus est, les successeurs de Grégoire seront loin d’avoir son entregent. Aussi la fonction papale
va-t-elle à nouveau perdre de son éclat : un décret impérial précisera que l’élection du pape ne sera
valable que si elle reçoit la confirmation impériale, ce qui placera hiérarchiquement le souverain
Pontife sous l’autorité du Basileus.
La jalousie va s’exacerber entre les deux personnages et la rupture entre les deux Églises va durer des siècles.
(09) 610, à Constantinople (4 p.)
L’empire romain d’Orient devient l’empire grec
Heraclius, cinquième successeur du grand Justinien, connaît, durant ses trente-et-un ans de règne (610
– 641) une série de déboires. Après des exactions causées par les Perses, les Avars font payer à prix
d’or le maintien d’une paix boiteuse, les Arabes font main basse sur la Syrie et l’Égypte, deux
provinces étant désormais perdues pour l’empire, et les Bulgares enlèvent la Pannonie et la Dalmatie.
613
614
Perses
619
620
Avars
Bulgares
Constantinople
642
Arabes
642
642
Mais c’est moins pour ces pertes territoriales que pour une raison culturelle qu’Héraclius laisse un
nom dans l’histoire : l’empereur (dont le vrai nom, à consonance plus hellène que latine, est
Heracleos) se sent totalement grec par son origine, par l’éducation qu’il a reçue, et par la tradition à
laquelle il se réfère. Il décide d’arborer clairement la couleur ethnique : l’empire romain d’Orient
devient l’empire grec (ou l’empire byzantin : « Buzantinè autokratoria »), dont il n’est plus
l’imperator, titre romain, mais le basileus, titre grec. Poussant à fond cette logique, il décrète que le
latin, jusqu’ici langue officielle dans l’empire, cesse de l’être et doit laisser la place à la langue
grecque.
Non seulement la scission avec l’Occident politique est totale sur le plan culturel, mais elle s’aggrave
sur le plan religieux avec un nouveau problème de doctrine posé par le Patriarche byzantin : le
monothélisme, jugé schismatique par la Pape.
X.rchat Ravenne
X.rchat Carthage
Constantinople
Constant II, le « presque » successeur d’Heracleos (il y aura deux courts règnes de quelques mois entre
les deux pontifes), arrivant au pouvoir en 642, ne règnera plus que sur un territoire restreint englobant
uniquement la péninsule hellénique et la partie occidentale de l’Asie Mineure, ainsi que deux
territoires éloignés, accessibles seulement par voie maritime : l’exarchat de Ravenne, au nord de la
péninsule italique, et l’exarchat de Carthage (en actuelle Tunisie). Et les choses ne s’amélioreront
pas non plus sur le plan religieux, entre la Papauté et le Patriarcat : la fameuse « Querelle des
Images » durera un siècle, et, pis encore, dès 1054, le « grand schisme d’Orient » séparera
définitivement les deux Églises chrétiennes, celle de Rome et celle de Byzance, entre lesquelles les
divergences continuent à se multiplier.
(10) 623, en Brittania (4 p.)
Edwin initie l’union des sept royaumes
Au milieu du Ve siècle, des navigateurs jutes, venant de Scandinavie, étaient arrivés dans l’ancienne
colonie romaine de Brittania alors que le chef celte Vortigern cherchait à mettre fin aux exactions des
Pictes (les « hommes peints »), ses turbulents voisins de Calédonie (actuelle Écosse). Le chef jute,
Henquist, aida le chef breton dans cette entreprise. En remerciement, il obtint le droit de s’installer
dans le Cantium (le Kent) dont il devint le roi en 455. Depuis, dans un afflux continu de navigateurs
nordiques, se créèrent sept royaumes « barbares » : la Northumbrie, la Mercie et l’East Anglie avec les
Angles, l’Essex, le Wessex et le Sussex avec les Saxons, et le Kent avec les Jutes).
Northumbrie
Estanglie
Mercie
Kent
Essex
Sussex
Wessex
Galles
Cornouaille
Armorique
Pictes
Scots
Jutes
Saxons
Angles
migration
bretonne
Les autochtones celtes, d’abord repoussés par les envahisseurs dans les parties occidentales (Galles et
Cornouailles) y subirent de tels sévices que certains d’entre eux décidèrent de s’implanter ailleurs : ces
Brittons quittèrent la Brittania, franchirent la mer et s’installèrent en Armorique, qu’ils débaptisèrent
pour lui donner le nom de leur pays d’origine, la (petite) Bretagne. La Brittania, par comparaison,
devint la « grande » Bretagne.
Ces sept royaumes formaient une mosaïque disparate. Un jour de l’année 623, Edwin, le roi angle de
Northumbrie, épouse Ethelburge, fille du roi jute de Kent, Ethelbert. Cette union matrimoniale est le
premier acte un mouvement unitaire qui, certes, sera long à se développer. Mais deux siècles plus tard,
un roi saxon, Egbert, réunira sous un sceptre unique les sept royaumes de « l’Heptarchie ».
(11) 639, au royaume franc (6 p.)
La succession de Dagobert : les rois fainéants
Le roi franc a, pour son royaume, une vision totalement opposée à la grande vision romaine de la
« chose publique » (res publica) dont le consul (sous la République) ou l’empereur (sous l’empire) ne
serait que le gestionnaire. Le royaume du roi franc est son bien privé, qu’il administre à sa guise, et,
surtout, qu’il partage entre ses enfants (mâles, loi salique oblige) avant de décéder. Et si l’un des
héritiers décède à son tour, son royaume se partage à nouveau entre ses descendants mâles, ou, à
défaut, entre les frères ou neveux survivants.
C’est ainsi que le Regnum Francorum connut, à quatre reprises, le cycle division – réunification.
1.- Au décès de Clovis, en 511, il est partagé entre ses
quatre fils. Mais en 558, Clotaire, seul survivant à ses
frères et tous leurs descendants, reconstitue le royaume
paternel.
2.- Trois ans plus tard, (561), Clotaire décédant, le
Regnum est divisé entre ses quatre fils. Mais en 613,
Clotaire II, petit-fils de Clotaire, reconstitue à nouveau le
Regnum (tableau ci-contre).
3.- En 629, le royaume de Clotaire II est réparti entre ses
deux fils Charibert et Dagobert. En 632, Charibert
décédé, Dagobert règne seul.
4.- En 639, un nouveau séisme se produit : Dagobert meurt prématurément, à l’âge de 36 ans. Et le
royaume tombe aux mains de ses deux fils : Sigebert devient, à dix ans, roi d’Austrasie, tandis que
Clovis II devient, à cinq ans, roi de Neustrie !
Des souverains aussi jeunes ne peuvent exercer le pouvoir. Dans chaque royaume, ce pouvoir tombe
entre les mains du maire du Palais, sorte de premier ministre omnipotent. Et puisque le maire du
Palais fait tout, le roi ne fait rien, le roi « fait néant ». D’où son appellation !
Tombés tout jeunes en tutelle, les « rois fainéants » ne parviendront jamais à sortir de cette sujétion, et
les Maires du Palais établiront, à leur profit, une sorte de dynastie parallèle, qui finira par s’imposer,
aux dépens des « vrais » rois. C’est ainsi qu’en Austrasie le pouvoir du maire du palais Pépin l’Ancien
échoit à son fils, puis à son petit-fils Pépin de Herstal, puis au fils de celui-ci, Charles Martel, dont la
victoire de 732 sur les Maures assurera une prééminence définitive. Le fils de Charles Martel, Pépin le
Bref, obtiendra officiellement, du pape Etienne II, en 754, le titre de roi des Francs, en réponse à la
question qu’il lui posera : « qui est le vrai roi, celui qui fait tout, ou celui qui ne fait rien ? ». La
destinée du fils de Pépin le Bref sera plus brillante encore : après avoir été roi des Francs,
Charlemagne sera, en l’an 800, empereur d’Occident.
Chilpéric
Clotaire II
Charibert Sigebert
Gontran
Childebert II
Théodebert IIThierry II
550
600
575
625
Clotaire
Clotaire II
Un exemple de partage - réunification du Regnum Francorum
(12) 674, à Constantinople (4 p.)
L’échec de l’Islam devant Constantinople
Muawiya, le vainqueur d’Ali, devenu en 660 le cinquième khalife, a fondé la dynastie des
Omeyyades. Il souhaite voir disparaître ce qu’il reste de l’empire grec, très affaibli, et dans lequel,
après le décès d’Heracleos, des luttes intestines pour le pouvoir ont rendu le trône chancelant.
En effet, de sordides intrigues de palais, accompagnées d’assassinats, ont ensanglanté le palais, et
beaucoup affaibli la dynastie régnante, jusqu’à ce qu’un nouveau et tout jeune souverain de vingt
ans, Constantin IV Pogonat (« le Barbu »), tente de reprendre la situation en mains en 668.
Six ans plus tard, en 674, Muawiya, soldat confirmé, pense pouvoir venir facilement à bout du
jeune empereur et décide de lancer une offensive. Mais Constantinople en a vu d’autres. Par deux
fois déjà, ses redoutables murailles ont réussi à résister aux assauts : celui des Avars, en 559, et à
celui des Perses, en 626. Ce sont elles, cette fois encore, qui contribuent au succès de la résistance
des Grecs. Mais les défenseurs ont aussi une arme redoutable : le feu grégeois, un étonnant
mélange de naphte, de salpêtre, de souffre et de bitume, auquel les assiégés mettent le feu avant de
le lancer sur les assiégeants qui meurent carbonisés. Ce produit (de nos jours, un produit similaire
porte le nom de napalm) terrorise les musulmans qui perdent une partie de leurs troupes, et la
quasi-totalité de l’immense flotte qu’ils ont mise en œuvre pour cette expédition. Découragés, les
musulmans lèvent le siège en 678, après quatre ans d’efforts inutiles.
Les Grecs utilisent le feu grégeois pour sauver Constantinople de l’attaque musulmane
(illustration du XII°siècle - Bibliothèque Nationale de Madrid)
L’Europe s’est fermée, pour cette fois, à l’expansion de l’Islam. Mais une autre tentative sera
lancée à l’autre extrémité de la Méditerranée, et y sera couronnée de succès : Les « Sarrasins »
franchiront le détroit, pénétreront en Espagne, et s’y installeront durablement.
(13) 711, en Péninsule ibérique (6 p.)
Avec Tariq, les Musulmans s’installent durablement
Chassés de Gaule par Clovis, en 511, après sa victoire de Vouillé, les Wisigots s’étaient repliés en
péninsule ibérique, qu’ils occupèrent presque totalement (à l’exception du petit territoire des Vascons).
Mais de grandes difficultés dynastiques sont venues perturber la gouvernance wisigote. En 672, une
branche concurrente a écarté du trône la branche « légitime », et le pouvoir politique central a été très
fortement affaibli par ces luttes de palais. En 710, un descendant de la branche légitime, Rodrigue,
réussit néanmoins à reprendre le pouvoir. Le rejeton de la branche usurpatrice, Agila, refuse de
reconnaître le nouveau roi, s’exile au Maghreb, et complote avec les autorités musulmanes.
Les Musulmans voient là, après l’échec subi devant Constantinople, l’occasion de tenter à l’ouest ce
qui n’a pas été réussi à l’est. Un chef berbère, Tariq, à la tête d’une troupe de 7 000 mercenaires,
franchit les Colonnes d’Hercule et débarque au pied du Mont Calpé, qu’il baptise de son nom, et qui
devient le Djebel Tariq (Gibraltar).
L’avance de Tariq est foudroyante. Cadix, Séville, Cordoue, Tolède, Ségovie (où Rodrigue meurt au
combat), Saragosse tombent successivement aux mains des envahisseurs.
avance
musulmane
retraite de
Rodrigue
Guadalquivir
Tage
Douro
Ebre
Ceuta
Cadix Algesiras
Jerez
Cordoue
Tolède
Segovie
Saragosse
Salamanca
Merida
Seville
Galice VasconsMonts Cantabriques
Le chef musulman proclame la souveraineté du Khalife de Damas sur la partie conquise de la
péninsule, qui prend le nom d’Al Andalus (du nom des Vandales, qui s’étaient installés en cette
région, la Vandalousia, avant de s’établir au Maghreb).
Seule la partie septentrionale de la péninsule, la Galice (qui deviendra le « royaume des Asturies »),
restera sous le contrôle des autorités chrétiennes. C’est de ce coin de terre que partira, plus tard, la
Reconquista, laquelle prendra fin en 1492.
(14) 730, à Constantinople (6 p.)
L’empereur Léon III et la Querelle des Images
Un demi-siècle s’est écoulé depuis l’échec du siège de Constantinople, en 674. Mais si les musulmans
ont échoué dans leur conquête de la ville impériale, ils sont restés en Asie Mineure, conquise sur les
Grecs en 642.
Or, depuis quelques années, les khalifes ont semblé attacher plus d’importance aux problèmes
d’administration qu’à la stricte observance religieuse, selon laquelle il est, notamment, interdit de
représenter Dieu, en peinture ou en sculpture, sous une forme humaine. En 721, le khalife Yazid II
décide de reprendre les choses en mains en ce domaine : il promulgue un décret imposant la
destruction de toutes les images à caractère religieux. Cette décision provoque des émeutes, souvent
sanglantes, dans les anciens territoires impériaux, où l’art iconographique est en pleine expansion.
Après neuf années d’une extrême tension entre les communautés chrétiennes et arabes, l’empereur de
Constantinople, Léon III, décide de faire un geste d’apaisement à l’égard du khalife : il promulgue, en
730, le « décret d’iconoclasie » reprenant les prescriptions du décret khalifal et interdisant donc, dans
tout l’empire, le culte des images. Ce faisant, il se brouille avec le pape de Rome, Grégoire II, qui
répond par une décision conciliaire précisant que « quiconque anéantira les images du Christ, de la
Vierge ou des Apôtres sera exclus de l’Église ». Son successeur, Grégoire III en rajoute en affirmant
qu’ « il n’appartient pas aux empereurs de légiférer dans l’Église ».
La « Querelle des Images » opposera, durant un siècle, les iconoclastes (les adversaires des images –
du grec eikona = image pieuse et klasis = action de briser) et les iconodoules (les adorateurs des images,
assimilés à des idolâtres). Elle prendra fin en 843, date à laquelle un nouveau décret impérial abolira le
décret d’iconoclasie de 730. Mais la brouille entre le pape, d’une part, l’empereur et le patriarche de
Constantinople, d’autre part, continuera durant des siècles.
(15) 732, au royaume des Francs (6 p.)
Charles Martel stoppe les Arabes à Poitiers
Sous la houlette de leurs maires du palais respectifs, la coexistence des deux royaumes de Neustrie et
d’Austrasie n’avait rien de pacifique. Des jalousies personnelles, des luttes territoriales et des révolutions
de palais rendaient la situation difficilement gérable, jusqu’à ce que Pépin de Herstal (dit aussi Pépin le
Jeune), « duc des Francs d’Austrasie », à l’issue d’une bataille gagnée à Trestry en 687, prenne l’avantage
sur son concurrent Ebroïn, maire du palais de Neustrie. Ayant réussi à rassembler les deux royaumes dans
sa main, Pépin élargit alors la portée de son titre pour devenir « Duc des Francs ». A la mort de Pépin, son
fils naturel, Karl, revendiqua le titre pour lui-même, au détriment des fils légitimes de Pépin.
Pendant ce temps, l’Aquitaine, l’une des provinces composant le Regnum Francorum, tente de se séparer
du pouvoir central et d’accéder à l’indépendance. Mais un événement extérieur vient rebattre les cartes :
les « Sarrasins », ayant franchi les Pyrénées, s’élancent vers l’Aquitaine, d’une part, et vers la Provence,
d’autre part, s’emparant des villes de Carcassonne, de Narbonne et de Nîmes. Eudes, duc d’Aquitaine,
effrayé, oublie ses velléités d’indépendance et lance un appel au secours au duc des Francs, Karl, devenu,
entre-temps, Charles Martel (Charles étant la francisation de son prénom germanique, et Martel étant le
qualificatif que lui vaut sa pugnacité).
Poitiers
Orléans
Autun
Nîmes
Narbonne
Bordeaux
?
Ebre Carcassonne
Karl
Abd erRahman
Charles Martel se met en route pour fournir l’aide qui lui est demandée. La rencontre entre l’armée
franque et l’armée sarrasine, commandée par Abd er Rahman, se déroule à Cénon, une bourgade des
environs de Poitiers, en 732. Les cavaliers francs ont une très grande supériorité sur leurs adversaires, qui,
après avoir perdu leur chef au cours du combat, se débandent.
Si la percée de Sarrasins est stoppée à l’ouest, la menace persiste à l’est, où les Musulmans approchent
d’Autun. Charles Martel, sentant qu’il n’a pas, à lui seul, les moyens nécessaires pour s’opposer au
danger, envoie à Ravenne son fils, Pépin dit « le Bref » négocier un soutien militaire auprès du roi
longobard, Liutprand. Ce soutien est accordé. Les Sarrasins, en position d’infériorité, rebroussent chemin.
Après 732, la puissance de Charles Martel est immense. Son fils, Pépin le Bref, en tirera les bénéfices :
en 751, il deviendra officiellement le roi des Francs.
(16) 756, en Andalus (5 p.)
Abd er Rahman crée un émirat indépendant
Après quelques nouvelles difficultés, le Khalifat de Damas change de main une fois de plus, le khalife
omeyade Marwan devant s’effacer devant le chiite Abu Abbas, premier représentant de la dynastie
des « Abbassides ». Quatre ans plus tard, son frère, Abou Jafar lui succède. Après une première
décision d’ordre purement géographique (il transfère de Damas à Bagdad la capitale de l’empire
musulman), il entame le procès de la gouvernance omeyyade et décide de mettre à mort la totalité des
membres de la famille de Marwan. Abd er Rahman (à ne pas confondre avec le vaincu de Poitiers de 732), seul,
survit au massacre.
En Andalus, la situation administrative n’est guère brillante : le pouvoir central, théoriquement
implanté à Cordoue, s’est délité entre les mains de multiples petits gouverneurs locaux, les walis,
théoriquement nommés par Damas (puis par Bagdad). Ces walis se jalousent mutuellement, et
l’entente entre eux est très loin d’être parfaite.
A l’issue d’un long et périlleux périple de
cinq ans, Abd er Rahman arrive en
Andalus, dont la population est restée
fidèle à la dynastie omeyyade, au motif
qu’elle a conquis la péninsule et y a établi
un régime musulman. Après quelques
affrontements avec les autorités
administratives en place, il se fait nommer
« émir de Cordoue », y centralisant à
nouveau la gouvernance d’al Andalus qui
s’étend sur les trois quarts de la péninsule.
Seuls échappent à l’autorité de l’émir le
royaume des Asturies (d’où partira la
Reconquista), et le domaine des Vascons,
ceux-là mêmes qui infligeront à
Charlemagne, en 778, le désastre de
Roncevaux.
Le nouvel émir se déclare administrativement indépendant du khalife de Bagdad, tout en continuant à
reconnaître sa primauté religieuse.
Il règnera 32 ans (de 756 à 788), inaugurant la dynastie des « Omeyyades de Cordoue ». Durant une
longue période, et en dépit d’un certain nombre de difficultés internes (une révolte des walis par-ci, la
révolte du gouverneur de Saragosse par-là, ou encore les intrusions du roi des Francs …), Cordoue, la
capitale administrative d’Al Andalus, sera l’un des foyers les plus brillants de la civilisation arabe,
foyer vers lequel convergeront des artistes et des intellectuels de toutes spécialités : philosophes,
poètes, mathématiciens, architectes …
Cordoue
Emirat de Cordoue
Royaume
des Asturies Vascons
Saragosse
Roncevaux
(17) 756, au Saint Siège (6 p.)
Pépin au secours du pape Etienne II
Au milieu du VIIIe siècle, cinq « autorités » se partagent la péninsule italienne, où l’on distingue :
– le royaume longobard dont la capitale est
Pavie ;
– le « couloir byzantin », possession de
l’empereur de Constantinople, qui règne
également sur le sud de la péninsule ;
– la Papauté, établie à Rome ;
– les deux duchés « sécessionnistes » de
Spolete et de Bénévent, toujours
indépendants de Pavie, et qui entendent le
rester.
Le pape Etienne II vit inconfortablement dans
son évêché de Rome, cerné par Astolf, le roi des
Longobards, qui est un ennemi potentiel, par
l’empereur Léon III, qui est un ennemi déclaré
depuis le déclenchement de la Querelle des
Images, et par le duc de Spolète, dont les
intentions sont peu connues.
En cas de nécessité, Etienne ne pourrait avoir, pour allié éventuel, que Pépin le Bref, qui n’a aucune
visée sur Rome, et qui reste auréolé de la gloire de son père Charles Martel, le vainqueur des
Sarrasins. Pépin a, en outre, contracté une dette à l’égard de la Papauté en ce jour de 751 où Zacharie,
prédécesseur d’Etienne, a déclaré Pépin « roi des Francs » en remplacement du « roi fainéant »
Childéric III, relégué dans l’abbaye saint-Bertin de Saint-Omer.
En 752, le roi longobard Astolf, soucieux de mettre enfin les deux duchés récalcitrants sous son
autorité, traverse le Couloir Byzantin qui lui barre la route du sud, et, au passage, entame le siège de
Rome, qu’il souhaite aussi mettre sous sa coupe.
Etienne en appelle donc à l’aide de Pépin. Celui-ci commence par hésiter, parce qu’il a également une
dette envers le roi longob
ard qui l’a aidé à vaincre les musulmans. En 756, Pépin se décide enfin à intervenir. Il oblige Astolf à
lever le siège de Rome, puis s’empare de Ravenne et de la Pentapole, qu’il offre officiellement au
pape, au grand dam de l’empereur de Constantinople qui crie à la spoliation d’une partie de ses
territoires italiens !
Le pape n’est plus seulement le souverain spirituel de la Chrétienté : il est aussi le souverain temporel
d’un grand domaine, comprenant également la Romagne et la Marche d’Ancône, et qui porte,
désormais, le nom de Patrimoine de Saint Pierre. Ce patrimoine perdurera durant plusieurs siècles.
Rome
Pavie
Pentapole
royaume
longobard
papauté
Byzance
Byzance
Byzance
Benevent
Spolete
Ravenne
(18) 771-800, au royaume des Francs (12 p.)
Charlemagne roi, puis empereur
En 771, Charles, après avoir dû partager, durant trois ans, le Regnum Francorum avec son frère
Karloman, devient le roi de tous les Francs. De nombreux problèmes se posent à lui, et
Charles doit intervenir partout sur le continent :
– En 772, en Italie, Didier, le roi de Pavie, profite du décès du pape Etienne III pour tenter de
s’emparer du patrimoine de saint Pierre. Adrien, successeur d’Etienne, fait appel à Charles.
L’intervention de celui-ci est décisive. Didier est vaincu et emprisonné. Le royaume de Pavie
n’a plus de roi. Charles prend sa place : Adrien, en remerciement, le ceint de la « couronne de
fer », emblème des rois longobards.
– En 778, Al Andalus connaît des problèmes internes sérieux. Le gouverneur de Saragosse
demande l’aide du roi des Francs. Charles franchit les Pyrénées, mais l’émir de Cordoue Abd
er Rahman sort vainqueur de la confrontation (c’est au retour de cette intervention que Roland
est défait à Roncevaux).
– Les tribus germaniques profitent de l’éloignement de Charles au-delà des Pyrénées pour
tenter de se libérer du joug franc. Charles doit alors remonter d’urgence pour aller guerroyer
en Saxe et en Bavière.
En 797, le trône de Constantinople est occupé non par un homme, mais par une femme, Irène, qui
prend néanmoins le titre d’empereur (basileus) et non celui d’impératrice (basilissa).. Si les Grecs
s’accommodent de cette situation originale, ce n’est pas le cas en Occident, où le pape Léon III
déclare vacant le trône byzantin. Il profite de cette opportunité pour poser sur la tête du roi des
Francs, le jour de Noël 800, la couronne impériale : le monde, qui ne saurait vivre sans empereur,
en a retrouvé un !
Pour rétablir un lien entre Occident et Orient, un mariage entre Charles, devenu Charlemagne, et
Irène, « l’empereur » grec, est envisagé. Les Grecs font échouer le projet : Irène est destituée,
Nicéphore la remplace : il y a maintenant deux empereurs, dont l’un, lettré, supporte mal de voir
une autre dignité impériale confiée à un barbare tudesque illettré !
Nonobstant cette situation, Charlemagne crée, à Aix la Chapelle, une cour impériale où le
développement de la culture intellectuelle sera l’un des objectifs majeurs : ce sera la « Renaissance
carolingienne ».
En 814, la mort de Charlemagne ouvrira une période de déclin de l’empire franc : dans trente ans,
il n’existera plus.
(19) 825, en Bretagne (6 p.)
La prééminence des Saxons
Lorsque les Romains occupaient l’archipel brittonique, ils y avaient distingué trois territoires : la
Brittania (actuelle Angleterre), sous domination romaine, la Caledonia (actuelle Ecosse), habitée par
les Pictes, et l’Hibernia (actuelle Irlande), habitée par les Scots. Après leur départ, en 409, la situation
avait profondément évolué.
– Une partie des Scots avaient quitté l’Hibernie, au début du VIe siècle, pour s’établir en
Calédonie, devenue la Scotland (la Terre des Scots). Les Pictes avaient alors disparu de
l’Histoire ;
– l’Hibernia avait changé de nom, pour devenir l’Erinland, la terre des Erins, du nom (croit-on)
de l’une des peuplades celtiques implantées depuis plusieurs siècles ;
– chez les Brittons, désormais gouvernés par les navigateurs scandinaves, la situation
géopolitique était en perpétuelle évolution. Durant plus de deux siècles, en effet, les différents
rois de l’Heptarchie se disputaient la suprématie, jusqu’en 796, où Offa, le roi de Mercie,
sembla avoir gagné la partie en dominant les rois de Wessex, de Kent et de Northumbrie (carte ci-
dessous à gauche).
.
C’était sans compter sur le Saxon Egbert. Exilé sur le continent durant sa jeunesse, il avait été élevé à
la Cour de Charlemagne, près duquel il avait « pris des leçons de bonne gouvernance ». Monté sur le
trône du Wessex en 802, il commence par réorganiser son petit royaume, puis, peu à peu, tente
d’étendre son influence sur les royaumes voisins.
C’est ainsi qu’il phagocyte le territoire celtique de Cornouailles, en 815, puis s’impose à la Mercie à
l’issue de la grande bataille d’Ellendun de 825 (cette bataille passe pour l’un des « tournants » de
l’histoire de l’Angleterre). Enfin, il étend sa royauté au Kent et à la Northumbrie (carte ci-dessus à droite).
Proclamé « Bretwalda » (roi des Bretons) en 837, Egbert décède l’année suivante, après avoir ouvert
la lignée des rois saxons, qui vont gouverner « l’Angleterre » durant deux siècles. Puis ceux-ci devront
s’effacer, en 1066, devant les rois normands.
Celtes
Northumbrie
Mercie
Essex
Sussex
Kent
Celtes
east
anglie
Cornw.
796 : La Mercie
domine l’Heptarchie
Wessex
Celtes
Northumbrie
Essex
Wessex Sussex
Kent
Celtes
East
anglie
Cornw.
829 : Le Wessex
domine l’Heptarchie
Mercie
(20) 843, dans l’empire franc (10 p.)
Le traité de Verdun met fin à l’empire
Trois ans après avoir succédé à son père Charlemagne, l’empereur Louis le Pieux, très prévoyant,
avait rédigé l’Ordinatio imperii (la « mise en ordre » de l’empire) prévoyant sa division entre ses
trois fils, Lothaire Pépin et Louis. Divers événements familiaux (mort de Pépin, mort de Charles,
remariage de Louis le Pieux et naissance d’un nouveau Charles en 823) entrainèrent de nombreux
changements de situation (donation de Worms en 829, entrevue de Compiègne en 830, rencontre
de Colmar et destitution de l’empereur par ses fils en 833, Diète de Nimègue et réhabilitation de
l’empereur en 835, mort de l’empereur en 840…) La discorde s’installa entre les héritiers,
discorde allant jusqu’à la confrontation armée : la bataille de Fontanet, entre Lothaire, d’un côté,
Louis et Charles de l’autre, se termina par la défaite de Lothaire.
A l’issue d’une nouvelle rencontre (les
Serments de Strasbourg en 842), les
trois héritiers signent en 843 le traité de
Verdun qui règle définitivement la
division de l’empire en trois parts : un
royaume « éminent », la Francia
orientalis, donné à Louis le
Germanique avec le titre d’empereur,
et deux royaumes « subalternes », la
Francia occidentalis pour Charles (le
Chauve), et la Francia media pour
Lothaire, Charles et Lothaire n’étant
que des simples rois sous la coupe
théorique de leur frère Louis.
La Francie médiane, étroite bande de terre qui s’étire de la Mer du Nord à la Méditerranée, aura
une existence limitée dans le temps. Lothaire mort à son tour, ses deux fils auront l’un (Lothaire
II) la moitié septentrionale, qui portera le nom de Lotharingie, origine de l’actuelle Lorraine, et
l’autre (Charles) la moitié méridionale (Bourgogne-Provence).
La Lotharingie fera l’objet permanent des convoitises de Louis et de Charles avant de disparaître
complètement, après avoir fait l’objet d’un partage entre les deux souverains.
Le traité de Verdun est, en quelque sorte, l’acte de naissance des
deux nations qui se nommeront, plus tard, l’Allemagne et la France.
Bremerhaven
Munster
Cologne
Bale
Rome
Zeebrugge
Cambrai
Meuse
Saone
Rhone
Lothaire
LouisCharles
Danube
Elbe
Patrimoine
Spolete
(21) 880, en Europe centrale (6 p.)
Naissance de la Russie
Au début du VIIe siècle, diverses ethnies d’origine indo-
européenne firent leur apparition en Europe centrale sous le nom
de « Slaves ». Sédentarisés, vers l’an 600, mais inorganisés, les
Slaves s’adonnèrent, durant plus de deux siècles, à des luttes
intestines, jusqu’à ce que certains d’entre eux prennent
conscience de leur état anarchique en côtoyant les « Varègues »,
dotés, eux, d’un haut degré d’organisation en de nombreux
domaines.
Ces Varègues provenaient de l’actuelle Suède, état dépourvu de
grands accès à la mer. Contrairement aux Vikings, explorateurs
marins, ils étaient donc partis en expéditions commerciales dans
les plaines d’Europe centrale.
Au milieu du IXe siècle, quelques Slaves de la région de Novgorod se battent selon une vieille
habitude. Prenant enfin en compte la stérilité de ces rivalités, ils demandent aux commerçants
varègues de les aider à se départager et à mettre un peu d’ordre. Un chef varègue, Riourik,
appartenant au groupe ethnique connu sous le nom de « Rus », (ou Rous) est pris comme arbitre. Il
obtient une telle réussite dans sa mission de pacification et d’administration qu’il est désigné, en
860, comme chef de la région de Novgorod, qui devient ainsi une sorte de principauté.
En 879, Oleg (que l’on nommera Oleg le Sage) lui succède et
étend son influence jusqu’à Kiev, ville dont il fait la capitale de
« l’État des Rous », la Roussia. Parvenu sur le rivage septentrional
de la Mer Noire, il établit avec son voisin méridional, l’Empire
grec, des liens culturels, commerciaux et même militaires (la
« Garde Varègue » devient vite le corps d’élite de l’armée
impériale).
Après Oleg se succèdent, à la tête de la Roussia, Igor, Sviatoslav,
dont l’épouse d’Hélène (sainte Hélène), adoptera la religion
chrétienne orthodoxe et l’imposera à ses sujets, Vladimir le Grand
et Iaroslav le Sage.
C’est sous le règne de ce dernier (de 1015 à 1054), c’est à dire durant toute la première moitié du
XIe siècle que le royaume de Kiev, la « Russie », parviendra au sommet de sa puissance. La
Russie aura acquis un tel poids sur le plan géopolitique que la belle princesse Anne de Kiev, fille
de Iaroslav Vladimirovitch, deviendra reine des Francs en épousant Henri Ier, en 1051
A la mort d’Iaroslav, ses onze fils se déchireront pour se partager le royaume. Ce sera, pour la
Russie, le début d’un long déclin.
Oural
Carpates
Mer Noire
Mer Blanche
Slaves
Ladoga
Niemen
Vistule
Dniestr
Dvina
Onega
Danube
Duna
Dniepr
Volga
Vistule
Niemen
Dniestr
Duna
Volga
Kiev
(Moscou)
Mer Noire
Ladoga
Roussia
Novgorod
Dniepr
Bolgar
Carpates
Moscou située pour mémoire :
la ville n'existe pas encore
Finlande
(22) 911, en Frankie Occidentale (6 p.)
La Normandie entre dans l’Histoire
Les Varègues, venus de l’actuelle Suède, s’étaient déployés
du côté des terres. Les « Vikings », ces autres Hommes du
Nord, venus de Norvège ou de Danemark, pays aux
immenses façades maritimes, avaient naturellement préféré
explorer les océans. Après avoir, en 793, débarqué en
Hibernia (actuelle Irlande), et en Angleterre, ils entrèrent en
territoire franc en 799, puis, un demi-siècle plus tard, en
Italie, où ils pillent Rome en 846.
Dans le dernier quart du IXe siècle, l’un de ces navigateurs
aventureux, Rollon, répand la désolation dans le royaume
des Francs. Vers 875, remontant la Seine avec 300 bateaux,
il incendie abbayes, églises et exploitations agricoles après
les avoir pillées. En 886, les pirates sont à Paris.
Le roi des Francs Charles III le Simple n’a pas suffisamment d’autorité sur les barons du
royaume pour réunir l’ost lui permettant de faire cesser les exactions. Il lui reste la négociation.
En 911, il signe avec l’envahisseur le traité de Saint-Clair-sur-Epte, aux termes duquel Rollon,
fatigué et vieillissant (il a 60 ans) s’engage à :
- embrasser la foi chrétienne ;
- cesser les pillages, et, au besoin, s’opposer par la force aux tentatives de pillage des autres
Vikings ;
- servir loyalement du roi des Francs.
En contre partie, il épouse la fille du roi des Francs, la très jeune Gisèle, âgée de 14 ans, et se voit
reconnaître le droit d’étendre son autorité sur les trois évêchés de Rouen, Évreux et Lisieux.
Rollon devient ainsi « Comte de Rouen ».
Après Guillaume Longue-Épée, fils de Rollon, Richard, petit-fils de Rollon, obtiendra du roi des
Francs d’étendre son autorité sur les deux évêchés supplémentaires de Coutances et d’Avranches.
Le territoire deviendra trop grand pour rester le « Comté de Rouen ». Prenant, alors, le nom de ses
nouveaux maîtres, les Normands (les nord-men, les « Hommes du Nord »), il s’élèvera au rang de
« Duché de Normandie ».
Le descendant direct de Rollon à la cinquième génération, Guillaume le Bâtard, ajoutera à son titre
de duc de Normandie celui, plus prestigieux encore, de roi d’Angleterre.
Mais ceci est une tout autre histoire …
Islande
Feroe
Shetland
Orcades
Hébrides
Groenlandvers
(23) 913, en Europe Centrale (6 p.)
L’essor de la Bulgarie
Vers l’an 630, l’empereur grec Heracleos (Heraclius) avait assisté à l’établissement, sur la rive
septentrionale de la Mer Noire, d’un peuple turco-iranien venu d’Asie centrale : la « Vieille Grande
Bulgarie » (en grec : palaïa megalè Boulgaria) venait de naître. Un peu plus tard, en 651, une
partie des Bulgares se fixèrent en Dacie, dans la boucle du Danube. Ils se mélangèrent aux Slaves déjà
présents dans cette zone, s’imposèrent à eux et en devinrent la classe dirigeante, tout en abandonnant
leur langue originelle pour adopter le « slavon » des autochtones. Et en 681, la « Nouvelle
Bulgarie » entrait dans l’Histoire.
Des relations politiques mitigées s’établirent entre
le nouvel et l’empire, les deux nations se trouvant
parfois partenaires, et le plus souvent adversaires.
En 893, un khan bulgare Siméon, de culture
grecque (destiné à la vie sacerdotale, il a été élevé
à Constantinople), tente de nouer des relations
cordiales et stables avec l’Empire. Son essai est
vain : les hostilités reprennent, les Bulgares
s’emparent d’une portion du domaine impérial et
leur sphère administrative va maintenant de la rive
orientale de la Mer Adriatique à la rive
occidentale de la Mer Noire.
En 913, les Bulgares encerclent Constantinople. Pour sauver la ville, un accord de paix est
conclu. Les Grecs doivent payer un tribut à Siméon, et se voient obligés de reconnaître
désormais Siméon comme « Tsar des Bulgares », et non plus comme simple « khan » : la
Bulgarie entend, par là, se hisser à un niveau politique égal à celui de l’Empire. Siméon
envisage même de cumuler le titre de basileus grec avec celui de tsar bulgare. Mais il échoue
également dans cette dernière tentative. Siméon se voit accorder, néanmoins, le titre de
« Siméon le Grand », et son règne (893 – 927) est appelé « le Siècle d’Or Bulgare ».
La situation va ensuite se dégrader : les Russes attaqueront la Bulgarie, et, sous prétexte de lui
apporter une aide militaire, les Grecs vont annexer la moitié de son territoire. En 1018,
l’empereur grec Basile le « Bulgaroctone » (le tueur de Bulgares) annexera l’autre moitié !
Une troisième fois, en 1186, la Bulgarie connaîtra un renouveau qui durera deux siècles, avant
de tomber, pour une très longue période, sous la domination ottomane.
Danube
Dniestr
Dniepr
Mer Noire
Mer Egée
Adriatique
Constantinople
Preslav
Magyars
Bulgarie
Grecs
Croates
(24) 929, en Andalus (6 p.)
Un nouveau khalifat est créé
A Bagdad, qui avait remplacé Damas pour devenir le siège du khalifat, la dynastie abbasside
(successeur de la dynastie omeyyade) avait, durant un siècle, fait briller la culture arabe dans la
péninsule arabique. Puis les khalifes sombrèrent dans le luxe et l’oisiveté. Ils perdirent leurs
pouvoirs, politique et religieux, dont s’emparèrent les vizirs (sorte de premiers ministres).
Le brillant empire musulman, jusqu’ici monolithique, commença à se lézarder. Le Maroc, aux
mains d’un émir Idrisside, et l’Ifriqiya (Tunisie), aux mains d’un émir fatimide, commencèrent à
prendre leur autonomie politique. Puis, allant plus loin dans la rébellion, l’émir de Bizerte
s’autoproclama khalife. Le monde musulman comptait désormais deux successeurs du Prophète en
même temps.
Al Andalus n’échappe pas à la fièvre contestataire. Suite à un émiettement politique très
important, les petits chefs locaux tentent de s’affranchir de la tutelle d’Abd er Rahman III, devenu,
en 912, émir de Cordoue.
Après quinze années de luttes incessantes, l’émir parvient à rétablir son autorité sur l’ensemble
d’Al Andalus, et son prestige est considérable. En 929, fort de son pouvoir politique retrouvé et de
son aura personnelle, Abd er Rahman se proclame, à son tour, khalife. Il rompt tous les liens avec
Bagdad, et le monde musulman compte maintenant trois khalifes !
Devenu, lui aussi, lieutenant de Dieu sur la terre, il réussit à accroître encore son prestige en
remportant trois victoires sur les troupes chrétiennes qui, parties de la province septentrionale des
Asturies, ont voulu entamer la Reconquista.
Hicham, fils et successeur d’Abd er Rahman III, poursuivra sur la lancée paternelle, et Cordoue
continuera de briller de mille feux. Mais en 974, le tout jeune Hakam II, fils et successeur
inconsistant d’Hicham, verra, lui aussi, son pouvoir se déliter lentement. En 1009, Hakam sera
démis de ses fonctions par un individu brutal et sans scrupules, Djabbar-Mahdi, et la guerre civile
éclatera sur tout le territoire d’Andalus. Pour trouver une solution à la crise, et en l’absence
d’héritiers omeyyades, le khalifat héréditaire deviendra un khalifat électif.
La fin du khalifat ibérique est, dès lors, programmée, et le déclin durera quatre siècles. En 1492, il
n’y aura plus, en Espagne, la moindre trace de pouvoir musulman.
(25) 955, en Germanie (8 p.)
Les Magyars vaincus, la Hongrie se met à l’unisson
Vers le milieu du Xe siècle, la Francia Orientalis,
désormais appelée la Germania, est divisée en quatre
duchés indépendants : la Saxe, la Franconie, l’Alémanie, la
Bavière (carte ci-contre). Il est à noter que la dignité
impériale, qui a cessé d’être héréditaire après l’extinction
de la dynastie carolingienne, est mise en sommeil depuis
l’année 924. Elle sera réveillée en 962, mais son
attribution passera du mode héréditaire au mode électif.
Outre la gestion des problèmes intérieurs, les
souverains ont à lutter contre les Magyars. Ce peuple
nomade, d’origine finno-ougrienne (finno = finlandais –
ougrien = de la région des Monts Oural), a quitté les
rivages de la Mer Blanche pour descendre vers la Volga,
puis dans les Carpates (carte ci-dessous), où il vit un peu
d’élevage transhumant, et beaucoup de rapines. Leurs
exactions permanentes exaspèrent les voisins.
Au cours de leurs migrations, les Magyars ont croisé, entre autres peuplades,
une ethnie d’origine turque, les Ono gours, ou On gours, ou encore hungres,
dont ils ont assimilé certains éléments de culture. Cette circonstance valut
aux Magyars, dès le Moyen-âge, dans le monde occidental, l’appellation de
Hungari, et, par voie de conséquence, le nom de Hungaria au pays où ils
s’établirent, Mais le nom officiel de la Hongrie est, encore aujourd’hui,
Magyarorszàg, le Pays des Magyars.
En 955, le roi de Germanie Otton Ier a, une fois de plus, maille à partir avec les Magyars. Il réunit
une puissante armée, et leur inflige, lors de la bataille du Lechfeld, en Bavière, une écrasante
défaite. Les Magyars comprennent alors que, s’ils veulent rester là où ils sont, il leur sera
désormais impossible de garder le style de vie vagabonde et pillarde qui est le leur, qu’ils doivent
se sédentariser et passer du statut d’éleveurs à celui d’agriculteurs afin d’assurer des moyens
« normaux » d’existence. Ils prennent en outre conscience que leur nouvelle nation se trouve dans
un environnement chrétien, et qu’ils ne seront jamais admis dans la communauté des peuples s’ils
n’adoptent pas, eux aussi, la religion de leurs voisins.
En 972, ils se feront donc chrétiens, à la suite de Geysa, duc de Hongrie. Le fils de Geysa, Wajk,
qui, le jour de son baptême, prendra le prénom chrétien Istvan (Etienne), épousera Gisèle, la fille
du duc de Bavière. Mais le beau-père lorgnera sur le duché de son gendre avec avidité. Pour éviter
une éventuelle annexion, Etsvan se mettra, en 999, sous la protection du Saint-Siège. Et l’année
suivante, en l’an mil, le pape Sylvestre II posera sur la tête de Wajk-Istvan « la couronne sainte de
Hongrie », acte qui marquera l’élévation du duché au rang de royaume.
Bavière
Alémanie
Saxe
Lorraine
Carinthie
Bohême - Moravie
Danube
Rhin
Pô
Elbe
Franconie
Marches du Nord
Finlande
Suède
Volga
Monts
Oural
Magyars
Famille finno-ougrienne
(26) 987, en Francie (6 p.)
Hugues Capet est élu roi
Des trois « Franciae » issues du partage de Verdun de 843, la Francia media a disparu rapidement
du paysage politique et, au début du Xe siècle, la Francia Orientalis commence à devenir la
Germania. Aussi n’est-il plus nécessaire de garder l’adjectif « occidentalis » pour la troisième
partie de l’ancien empire carolingien, qui devient alors la Francia. Mais il faudra encore attendre
deux siècles, et le règne de Philippe Auguste, pour que « la Francie » devienne « la France ».
En Francie, donc, la dévolution de la couronne royale pose quelques problèmes
dynastiques. Au décès de Charles III le Simple, et faute de descendant carolingien en âge
de régner, la couronne changea de famille, allant du « Robertien » Robert Ier (fils de
Robert le Fort, ancien duc des Francs) au duc de Bourgogne (Raoul Ier) avant de revenir
dans la famille carolingienne (Louis IV, Lothaire, puis Louis V). Ces changements de
lignes dynastiques desservaient profondément la fonction royale.
Et voici que Louis V, monté sur le trône en 986, décède à son tour en 987. La Francie
doit se chercher un nouveau roi …
L’héritier « normal » est le duc Charles de Lorraine, frère cadet de Lothaire et oncle de
Louis V. Mais Charles doit son titre ducal à l’empereur de Germanie, Otton II, la
Lorraine étant, depuis quelques années, devenue terre d’empire. Les grands barons de
Francie ne souhaitent pas élire un roi qui serait potentiellement inféodé à l’empereur.
Alors un autre candidat se fait alors connaître : le duc des Francs Hugues dit Capet (en
vertu du large vêtement – la cape – qu’il affectionne de porter). C’est un homme de petite
envergure, et les barons voient en lui le candidat idéal, qu’il sera facile de circonvenir.
Après avoir acheté un certain nombre de barons électeurs, Hugues est préféré au duc de
Lorraine.
Mais Hugues a associé son fils Robert à son nom, ce qui fait que les grands n’ont pas
voté pour un roi, mais pour deux : celui-ci, et son successeur ! Une nouvelle dynastie est
née, celle des Capétiens. Elle règnera huit cents ans sur la Francie, puis sur la France.
(27) 992, en Europe centrale (4 p.)
Boleslas met la Pologne sur la voie de l’indépendance
Parmi tous les Slaves d’Europe centrale, trois tribus
s’étaient implantées dans la région Vistule – Oder -
Carpates : les Vislanes, sur les rives de la Vistule, les
Slezanes, en Silésie, et les Polanes, dans la grande plaine
(poliè) centrale entre Vistule et Oder. Les tribus
décidèrent un jour de se confédérer et se choisirent un
chef : Piast, chef des Polanes, fut élu. Il donna le nom de
sa tribu d’origine au nouveau duché ainsi créé : la
Polzka, le pays des Polanes. La Pologne venait de naître.
Miezka, l’un des descendants de Piast, devenu duc de Pologne, eut un voisin encombrant en la
personne d’Otton Ier, l’empereur germanique vainqueur des Magyars au Lechfeld en 955. Otton
avait des vues sur le duché de Pologne. Ne pouvant lutter à armes égales, le duc fit acte
d’allégeance à l’empereur, en 966, et des relations apaisées s’établirent.
En 992, Boleslas, fils de Miezka, devient duc de Pologne. Il a des rêves d’extension territoriale
et des rêves d’émancipation. Il commence par absorber quelques territoires contigus, dont la
Poméranie (au nord). Puis il profite de la venue, sur ses terres, de l’empereur Otton III, en
déplacement privé, pour entamer la seconde partie de son programme. Boleslas déploie, pour
recevoir l’empereur, un faste royal et acquiert ainsi les faveurs d’Otton III, qui parle de lui en ces
termes : frater et cooperator imperii (frère et coopérateur de l’empire). Otton considérant Boleslas
comme un égal : c’est un premier pas prometteur … Mais Otton mourra en 1002.
En l’an mil, la Pologne ne sera donc encore qu’un duché. Puis, après quinze années de relations
tantôt apaisées, tantôt conflictuelles, avec le nouvel empereur Henri II, la paix de Bautzen sera
signée en 1018. La Pologne connaîtra alors une période de calme. En 1025, Boleslas, duc de
Pologne, deviendra roi de Pologne après la cérémonie de sacre célébrée par Hippolyte, l’évêque
de Gniezno. Boleslas s’éteindra quelques semaines plus tard après avoir réalisé son second rêve : il
aura été roi de Pologne durant deux mois …
L’indépendance de la Pologne fera long feu : succédant à Henri II, Conrad II imposera à nouveau
sa suzeraineté au successeur de Boleslas.
E
lbe O
der
Vistule
Danube
Niemen
Carpates
Pologne
Poméranie Prusse
Lusace
Misnie
Bohême
Moravie
MerBaltique
(28) L’AN MIL (9 p.)
L’Europe au milieu de Moyen-âge
Le mythique An Mil, au cours duquel, selon les croyances occidentales, le monde devait
disparaître, fut, en fait, l’année d’un non-événement. Si l’on excepte la toute récente naissance de
la Hongrie, rien de marquant n’intervint sur le sol européen, en dehors des extravagances de deux
illuminés, Vilgard de Ravenne en Italie, et Leutard de Vertus, en Francie, qui moururent tous
deux, victimes de leur folie : le premier fut condamné à mort, le second se suicida.
Faute d’un événement majeur à prendre en compte en cette année mil, il n’est possible que de
procéder à une rapide comparaison de l’Europe de l’an 500 et de l’Europe de l’an Mil.
Voici un demi-millénaire, il y avait, dans l’Europe « connue », six entités politiques plus ou moins
nettement définies : la Papauté, le monde romain occidental (en voie de disparition), le monde
grec, l’ancienne Gaule, devenue le Regnum Francorum, la péninsule ibérique, et les Iles
Brittoniques. Au-delà du Rhin et du Danube se trouvait un vaste espace peuplé de « Barbares »
dont la culture était quasi inconnue.
Cinq cents ans plus tard, cette énumération s’est complétée de la Russie, de la Pologne, de la
Hongrie, de la Bulgarie … et de l’Islam, venant contrebalancer l’influence de la Papauté romaine
et du Patriarcat byzantin.
Mais l’Europe n’a pas encore terminé sa mutation.
D’autres états émergeront durant le Bas Moyen-âge : le Portugal, qui devra sa naissance à la
bravoure d’un duc de Bourgogne, les états scandinaves (Norvège, Suède, Danemark), l’empire
ottoman (avec son corollaire : la disparition de la Russie) … et quelques royaumes chrétiens,
fondés en terres d’Islam, mais qui n’auront qu’une existence éphémère.
Cette courte énumération signifie que le bas Moyen-âge sera, pour l’Europe, aussi riche en
mutations diverses que le haut Moyen-âge qui vient de prendre fin.

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L'europe medievale de 476 à l'an mil (haut moyen age)

  • 1. L’Europe médiévale en 50 dates (les Couronnes, la Tiare et le Turban) : Cinquante événements – clés qui ont infléchi le cours de l’histoire de l’Europe au Moyen – âge.
  • 2. L’histoire de l’Europe médiévale ( 1 de 2 ) L’Europe, c’est dix millions de kilomètres carrés (10 392 855 km2). Le Moyen-âge, c’est mille ans (1016 ans, de 476 à 1492). Se mouvoir dans ce gigantesque espace-temps qu’est « l’Europe médiévale » relève de l’exploration hasardeuse. Quelques repères, situés à la fois dans l’espace et dans le temps, peuvent aider à en rendre l’excursion moins aventureuse. L’ouvrage : L’Europe médiévale en 50 dates Les Couronnes, la Tiare et le Turban propose, en cinquante chapitres, une promenade historique qui débute en Italie en 476 et se termine en Espagne en 1492, après avoir sillonné en tous sens le continent européen, de l’Atlantique à l’Oural et de la Mer Blanche à la Mer Noire. Deux étapes y sont distinguées : Le Haut Moyen-âge, de l’an 476 à l’an mil, et Le Bas Moyen- âge, de l’an mil à l’an 1492. Le fichier ci-après résume, en 28 écrans, la première partie (Haut Moyen-âge) de ce livre de 500 pages, publié en septembre 2012, chaque écran donnant un court résumé du chapitre correspondant de l’ouvrage. Le nombre placé à gauche des titres fait référence au numéro de chapitre de l’ouvrage. Le nombre placé à droite des titres précise le nombre de pages que l’ouvrage consacre à l’événement. Du même auteur : L’Europe avant l’an mil (2 tomes, de la Préhistoire à Charlemagne - L’Harmattan), et Sentinelles de la Seine en Normandie médiévale (4 chateaux forts et 4 abbayes en vallée de Seine - Editions Corlet) sont présentés sur le site de l’auteur : http://www.jacquesbloeme.fr
  • 3. Première partie Le haut Moyen-âge, de l’année 476 à l’an mil 623 825 481 639 732 911 987 711 755 929 527 610 674 730 476 493 568 590 756 570 Que s'est-il passé là en … ? 882 913 992 800 843 955
  • 4. (01) Avant de commencer (11 p.) Les données géopolitiques initiales 1 3 4 5 ? GAULE ELLAS HISPANIE ITALIE Rhin Danube B A R B A R E S Empire romain d'Occident Empire romain d'Orient Depuis le règne de l’empereur Tibère (de l’an 14 à l’an 31 de notre ère), une sorte de ligne de démarcation, grossièrement orientée ouest-nord-ouest / est-sud-est, et constituée par le Rhin et le Danube, coupe en deux le continent européen. – Au nord : des peuplades dites « barbares » (grec barbaros [βάρϐαρος], latin barbarus). Celles-ci ne portent pas ce qualificatif parce qu’elles sont cruelles, mais parce qu’elles sont étrangères à la civilisation gréco-latine, leur voisine méridionale, et utilisent des langages incompréhensibles (le mot barbaros avait été forgé par les Grecs à partir de l’onomatopée bahra-bahra, elle-même issue du sanscrit bahr = parler fort, crier). Les principales peuplades « barbares » sont : les Alamans, les Burgondes, les Francs, les Gots, les Hérules, les Vandales … – Au sud, un vaste territoire à la civilisation très avancée et à l’organisation exemplaire : l’Empire Romain, qui englobe aussi la rive sud de la Méditerranée. Cinq grandes entités y sont dénombrées sur le continent européen : l’Italie l’Hispanie la Gaule la Brittania la Grèce Cet empire est si vaste, et donc si difficile à être administré par un seul homme, qu’il a, en 395, été coupé en deux fractions : l’empire romain d’Occident et l’empire romain d’Orient.
  • 5. (02) 476, en Italie (6 p.) Odoacre : la fin de l’empire romain d’Occident Les Hérules, une peuplade germanique venue de Scandinavie méridionale et d’abord exilée dans la région du Dniepr, avaient ensuite, peu à peu, fait mouvement vers le sud-ouest, avaient franchi le Danube et s’étaient fixés en Thrace. Zénon, empereur romain d’Orient, leur fait comprendre que leur présence est indésirable. Dniepr Dniestr Danube Rhin Hérules Thrace Francs Odoacre, le chef hérule, demande alors à Romulus Augustule, tout jeune empereur d’Occident, encore placé sous la tutelle de son père Oreste, l’autorisation, pour son peuple, de s’établir en Italie avec le statut envié de « peuple fédéré », ce qui leur procurerait une situation désormais stable. Un refus lui étant opposé, Odoacre décide de s’emparer par la force de ce qu’il n’a pu obtenir par la diplomatie. La bataille se déroule à Pavie. Danube ThracePavie Ravenne Rome Constantinople Illyrie Oreste est tué. Odoacre enferme le jeune Romulus dans une forteresse à Milan, et s’installe en maître à Ravenne. Mais souhaitant ne pas passer pour un usurpateur, il renvoie les « insignes impériaux » à Zénon, l’empereur d’Orient, et se met officiellement sous sa coupe. Il n’y a plus d’« empire romain d’Occident ». L’empire romain, qui avait été divisé en deux en 395, est reconstitué, tout au moins juridiquement, à défaut de l’être géographiquement, car bien des territoires de l’Empire romain primitif (Gaule, Hispanie …) sont désormais hors de la férule romaine. Cette situation est transitoire : dans quelques décennies, « l’empire romain » changera de nom pour devenir « l’empire grec ».
  • 6. (03) 481, en Gaule (6 p.) Clovis : la prééminence des Francs Childéric, à la tête du petit royaume des Francs saliens de Tournai (en actuelle Belgique), avait été, par ailleurs, ancien haut fonctionnaire romain : il avait largement participé à l’administration du territoire sous tutelle romaine situé entre la Meuse et la Loire, et improprement appelé « Royaume romain de Soissons ». Childéric meurt en 481. Son fils Clovis, qui lui succède, décide de sortir d’une position subalterne qu’il juge sienne et d’accroître sa puissance. Cinq ans après son accession au pouvoir, il s’attaque au Royaume romain, dernier vestige subsistant en Gaule de l’ancienne puissance dominante. C’est la victoire de Soissons de 486 qui marque la première étape de l’ascension politique fulgurante du jeune roi (né en 465, il a alors 21 ans). Dix ans plus tard, il s’en prend à la tribu germanique des Alamans, positionnée sur le cours supérieur du Rhin. La victoire de Tolbiac, en 496, conforte la position prééminente de Clovis, qui a déjà multiplié par cinq les dimensions géographiques de son royaume initial. Ce n’est pas encore suffisant, et Clovis a des ambitions plus grandes. Il tourne son regard vers le puissant royaume wisigot établi dans tout le sud-ouest de la Gaule, entre la Loire et les Pyrénées. Mais si les dirigeants actuels du royaume sont wisigots, donc ariens (une déviance du christianisme), les populations autochtones, romanisées depuis longtemps, sont chrétiennes. Le clergé qui les encadre est très influent. Clovis se lance donc dans un acte politique fort : il se convertit au christianisme, religion à laquelle l’a déjà initié son épouse Clotilde, la fille de Gondebaud, le roi des Burgondes. Cette conversion apporte au roi ci-devant païen le soutien du clergé de Gaule. Il peut donc maintenant poursuivre son programme d’expansion territoriale. C’est chose faite en 507, après la victoire de Vouillé. Clovis règne désormais sur un territoire allant du Rhin aux Pyrénées. A l’exception du royaume burgonde de son beau-père, et du petit royaume des Francs rhénans, Clovis est le maître de toute l’ancienne Gaule romaine. Le Royaume des Francs (regnum Francorum) est désormais créé. L’empereur « romain » de Constantinople, Anastase, prend acte cette nouvelle situation en donnant à Clovis le titre prestigieux de consul romain. Mais le roi franc ne jouit pas longtemps de ce privilège : il s’éteint en 511, non sans avoir promulgué, en 509, un document juridique tout particulièrement important : la loi salique. Le « Royaume des Francs » gardera cette dénomination jusqu’au début du XIIIe siècle. Après la victoire de Philippe Auguste à Bouvines, en 1214, la chancellerie royale émettra des documents portant le sceau du « royaume de France ». Quant à la loi salique de Clovis, elle sera invoquée, huit siècles après sa promulgation, pour dénouer une succession difficile entre les enfants de Philippe IV le Bel, décédé en 1314. HérulesWisigots Burgondes AlamansRoyaume romain Francs rhénans Francs saliens Tournai
  • 7. (04) 493 en Italie (4 p.) Avec Théodoric : les Ostrogots en Italie Rome Ravenne Wisigots Pollentia Danube Rhin 395 410 vers Bordeaux Illyrie Dacie Thrace lesWisigots Danube ThracePavie Ravenne Rome Constantinople Illyrie Hérules Il est rappelé que, avant le début de la période médiévale, les Wisigots, après un bref séjour dans la partie orientale de l’Empire (en 395), avaient parcouru l’Italie en tous sens (en 410), avant de se diriger vers le sud de la Gaule, où ils s’étaient définitivement fixés en 429 (carte ci-dessus à gauche). Puis l’Italie avait connu, en 476, l’installation des Hérules d’Odoacre (carte ci-dessus à droite). L’Histoire bégaie une nouvelle fois avec une autre peuplade germanique : les Ostrogots, installés en Macédoine, en 455, avec l’autorisation de l’empereur Marcien, en qualité de peuple fédéré. Mais ils y sont vite considérés, eux aussi, comme des intrus. D’autre part, Zénon, successeur de Marcien, regarde d’un œil inquiet les velléités de puissance que le chef hérule Odoacre commence à manifester en Italie. Zénon a des craintes pour la pérennité de la paix dans l’empire. Il suggère à Théodoric, le roi des Ostrogots, d’aller mettre de l’ordre dans la péninsule. Cela aura un double avantage : l’Italie sera remise dans le droit chemin, et l’empereur va se débarrasser des encombrants Ostrogots. En 485 (ou 486), Théodoric se met donc en route, pénètre en Italie où il remporte trois victoires successives : en 488 sur la Piave, en 489 sur l’Adige et en 490 sur l’Adda, trois affluents du Pô. Puis il vainc définitivement Odoacre en 493. Les Hérules disparaissent de l’Histoire. Mais Théodoric ne tarde pas à sortir du cadre de la mission que lui avait confiée Zénon : il se proclame roi d’Italie, et tente d’installer à Ravenne une dynastie germanique ! Il règne, jusqu’en 526, en monarque éclairé. Mais la dynastie fera long feu, faute d’une lignée capable de maintenir le flambeau. De sordides intrigues de palais, et des troubles civils, vont provoquer la fureur de Justinien, le nouvel empereur de Constantinople : celui-ci enverra des troupes, sous le commandement d’un brillant général, Narsès, et, en 555, l’Italie sera de nouveau replacée sous l’autorité de l’empereur. Danube Rhin Pô Piave Adige Adda Tessin Ravenne Rome Macédoine vers 485 488 489 490 493 Dalmatie les Ostrogots
  • 8. (05) 527 à Constantinople (6 p.) Justinien : la reconquête Justinien accède au trône en 527. Il déplore de voir l’empire de ses prédécesseurs qui a fondu au cours des siècles. Les Iles Brittoniques ne font plus partie de l’empire depuis que les légions romaines ont quitté l’archipel en 409. La Gaule et la péninsule ibérique sont aux mains de rois germaniques : les Francs, les Alamans, les Burgondes, les Wisigots. L’Italie elle-même, clé de voûte initiale de l’empire romain, occupée temporairement par les Wisigots, puis par les Hérules, est désormais régie par les Ostrogots. Quant aux territoires de l’Afrique septentrionale (Ifriqiya, actuel Maghreb), ils sont dominés par les Vandales qui, venus du Jutland, avaient traversé toute l’Europe, entre 410 et 430, en y semant la terreur et la désolation. L’ancien « Empire romain d’Occident » n’est plus qu’un souvenir. Justinien, qui a une âme de conquérant, rêve de le reconstituer. Iles Brittoniques et Gaule semblent être des objectifs inatteignables, mais l’Ifriqiya, l’Ibérie et la péninsule italienne ne lui paraissent pas hors de portée. empire de Justinien projets de reconquête Pour parvenir à ses fins, Justinien a, entre autres, deux généraux de grande valeur, Bélisaire et Narsès. En 534, Bélisaire d’empare de Carthage, la capitale du royaume vandale, puis il poursuit son avance jusqu’aux Colonnes d’Hercule, mettant ainsi fin au royaume vandale. Le premier projet de Justinien est mené à terme : L’Ifriqiya est redevenue romaine. De son côte, Narsès part à la reconquête de l’Italie, dont le sud est aux mains des Ostrogots, tandis le nord connaît, depuis peu, la présence d’armées franques, qui ont franchi les Alpes et représentent un danger potentiel considérable. En 552, Narsès, qui a débarqué en Calabre, écrase les deux rois ostrogots, Totila en 552, puis Teïa en 555. Le royaume ostrogot est anéanti. Narsès poursuit sa campagne victorieuse en parvenant à reconduire les Francs au nord des Alpes. L’Italie est, à nouveau, sous contrôle impérial. Entre temps, en 554, les légions romaines, sous la conduite du légat Liberius, ont franchi les Colonnes d’Hercule et remis la main sur Cadix et Carthagène. Elles sont remontées jusqu’au Guadalquivir, mais n’ont pu poursuivre plus loin. Le tiers méridional de la péninsule ibérique est, lui aussi, redevenu romain. Justinien meurt en 565, en ayant partiellement mené à bien la mission qu’il s’était assignée. Son neveu Justin II lui succédera … et tout va rapidement se détériorer à nouveau. Carthagène Carthage état de la reconquête en 555 Byzance Ceuta Cadix Wisigots Suèves Danube Pô Vandales Guadalquivir
  • 9. (06) 568, en Italie (6 p.) Avec Alboïn : les Longobards en Italie Les Longobards (les hommes à la longue barbe ?) sont, eux aussi, une peuplade germanique venue des confins septentrionaux de l’Europe. Après de longues pérégrinations, Justinien leur a accordé, en 540, l’autorisation de s’installer en Pannonie (située entre le cours moyen du Danube et la côte de l’Adriatique). En 552, Narsès les a utilisés comme supplétifs dans sa lutte contre les Ostrogots. A cette occasion, les Longobards ont découvert les attraits de l’Italie. L’irruption des Avars sur l’autre rive du Danube leur donne des craintes pour leur avenir. Ils décident de s’éloigner de ces dangereux voisins, et de s’installer dans la plaine du Pô. Or, Justin II, qui a succédé à Justinien, veut relever Narsès de son commandement, et lui intime l’ordre de rentrer à Constantinople. A cette occasion, l’impératrice Sophie insulte gravement le vieux général octogénaire (qui est eunuque) en lui proposant de venir filer la laine au milieu des femmes du gynécée ! Furieux, Narsès décide de se venger. Il en a l’occasion lorsque les Longobards commencent à pénétrer en territoire impérial. Narsès ne s’oppose pas à l’avancée des troupes longobardes, qui entrent dans Milan, puis dans Pavie, où Alboïn, le chef longobard, établit la capitale d’un nouveau royaume. Mais deux de ses lieutenants poursuivent la descente dans la péninsule. Évitant Ravenne et Rome, deux positions difficilement prenables, ils s’installent dans la partie médiane de l’Italie, et créent deux principautés indépendantes du pouvoir central de Pavie (elles sont à l’origine des futurs duchés de Spolète et de Bénévent). La vengeance de Narsès est totale : l’empereur a voulu l’humilier, et c’est lui qui humilie l’empereur. A la fin du VIe siècle, les possessions byzantines en Italie se réduisent à la région de Ravenne, la Pouille, la Calabre et la Sicile. Le nouveau royaume longobard perdurera difficilement durant deux siècles, jusqu’au moment où le futur empereur des Francs, Charlemagne, viendra ceindre, en 774, la fameuse « couronne de fer » des rois longobards, devenus, entretemps, les Lombards. La partie septentrionale de l’Italie deviendra alors franque. Benevent Spolete Ravenne Pavie Rome Venise Milan Pô Tibre Pouille Calabre Sicile Pavie Frioul Longobards Avars Pannonie Milan Pô Tibre Danube Rhin Ravenne Rome
  • 10. (07) 570, en Arabie (7 p.) Mahomet et la naissance de l’Islam L’Arabie n’est pas en Europe. Mais l’influence considérable de l’Islam sur l’histoire de l’Europe interdit de passer sous silence cet événement majeur qu’est la naissance et l’expansion de la nouvelle religion monothéiste. Muhammad (Mahomet) voit le jour, en 570, à La Mecque, ville sacrée où se trouvent la Kaaba et la fameuse Pierre noire sur laquelle s’était assis autrefois le prophète Ibrahim (Abraham). Devenu adulte, il devient caravanier au service d’une riche veuve, Khadîdja, qu’il épouse en 590. Trois garçons, morts en bas âge, et quatre filles naîtront de cette union. Lorsqu’il n’est pas sur les routes du désert, Muhammad aime à se retirer dans une grotte où il reçoit la visite de l’archange Jibril (Gabriel), qui lui enjoint de faire connaître l’existence d’Allah. En 613 (il a 43 ans), il commence à prêcher à La Mecque, où il est pris pour un perturbateur. Khadîdja meurt en 619. Accablé par le chagrin que lui cause ce veuvage, et déçu de la faible audience que ses prêches continuent à trouver à La Mecque, il part, en 622, pour Médine, où on l’écoute avec davantage de ferveur : c’est l’Hijra (la fuite, en français l’Hégire), an I de la nouvelle religion. C’est dans cette ville qu’il se remarie avec la toute jeune Aïcha, fille d’Abu Bak’r. L’islam commençant à s’imposer dans la péninsule arabique, Muhammad rentre à La Mecque en 630 et entame la rédaction du Coran, mais il meurt en 632. Il lui faut un successeur (« khalife »). C’est Abu Bak’r, son beau-père, qui termine la rédaction du Coran, mais meurt prématurément en 634. La succession est à nouveau ouverte. Les trois gendres de Muhammad, Omar, Othman et Ali, qui ont épousé les filles issues de l’union du Prophète et de Khadîdja, deviennent tour à tour second, troisième et quatrième khalifes. Omar et Othman meurent assassinés, en 644 et en 656. Ali doit se démettre en 660 (voir l’encadré ci-dessous). En dépit de ce départ difficile, l’islam, se répand rapidement dans toutes les directions. C’est ainsi qu’un demi-siècle plus tard, il a atteint les Colonnes d’Hercule (actuelle Gibraltar), prêt à pénétrer en Europe. Ce sera chose faite en 711. L’Islam est basé sur deux Livres : – le Coran, dont la rédaction fut entamée par le Prophète lui-même et terminée par son beau-père, le premier khalife, est considéré comme la retranscription de « la parole de Dieu » ; – la Sunna, relation des actes du Prophète, rédigée plus tard, présente, aux yeux de certains croyants, une moindre valeur théologique. En 656, après l’assassinat d’Othman, deux compétiteurs s’étaient fait connaître : Ali et Muawiya. Ali était très proche du Prophète : il avait été son cousin germain, son ami d’enfance et son confident avant de devenir son gendre. Reconnu comme le détenteur de la pensée de Muhammad, il fut donc choisi. Mais, à l’issue de quatre ans de combats fratricides (la « bataille du chameau » en 656, et la « bataille de Siffin » en 660), il dut céder sa place à Muawiya. Celui-ci, devenu cinquième khalife, établit alors à Damas le siège du khalifat (jusqu’ici à La Mecque), et impose une stricte observance des préceptes de la Sunna. Les fidèles attachés à la ligne du nouveau prophète devinrent les Sunnites. Les partisans d’Ali firent sécession et prirent « un autre chemin » pour revenir à la pratique de l’Islam davantage basée sur le Coran que sur la Sunna : ce furent les Chi’ites, mot issu de l’arabe chi’ah = faction, groupe d’hommes qui se séparent des autres (le mot français schisme a exactement la même acception). Trente ans après sa naissance, la nouvelle religion du Livre était déjà divisée en deux factions irréductibles. Cette division subsistera, plus vive que jamais, treize siècles et demi plus tard … La Mecque Médine Carthage Constantinople Alexandrie Damas Kairouan Indus vers Turkestan Perse Egypte Lybie
  • 11. (08) 590, au Saint Siège (7 p) Grégoire tente d’asseoir la Papauté Au IIIe siècle, l’Église avait terminé la mise en place de son organisation, avec un clergé « surveillé » par des évêques (latin : episcopus, lui-même issu du grec epi = « par dessus » et scopein = « surveiller »). Des conflits sans nombre éclatant entre deux évêques, ou entre un évêque et le clergé sous sa coupe, le concile de Nicée de 325 créa un échelon supérieur d’autorité, capable de trancher les cas litigieux : l’évêque de Rome, « le pape » (grec : pappas = père), disposant d’une primauté perpétuelle, tant sur le plan doctrinal que sur le plan juridictionnel. Mais en 330, l’empereur Constantin établit à Byzance la capitale impériale. Un « pappas » byzantin vit alors le jour : le patriarche (grec : patriarkhès = Père, chef de famille). Lequel des deux personnages a la prééminence ? Après plusieurs papes plus ou moins falots, Grégoire, parvenu au Pontificat en 590, affirme son autorité tant sur le plan temporel (il intervient dans la situation difficile que connaît la ville de Rome à ce moment), que sur le plan spirituel (il lance la fameuse réforme grégorienne réglementant la vie des moines, il impose le chant grégorien …). Mais Grégoire, issu d’une riche famille patricienne de Rome, est de stricte culture latine, et il ne parle pas le grec. Il peine donc à s’imposer dans la partie grecque de l’empire. La question se repose alors avec la nomination du patriarche de Constantinople Jean le Jeûneur, qui, avec l’assentiment de l’empereur Maurice, s’autoproclame évêque œcuménique, c'est-à-dire le premier de tous les évêques du monde. La rupture entre le pape et le patriarche est inévitable. Qui plus est, les successeurs de Grégoire seront loin d’avoir son entregent. Aussi la fonction papale va-t-elle à nouveau perdre de son éclat : un décret impérial précisera que l’élection du pape ne sera valable que si elle reçoit la confirmation impériale, ce qui placera hiérarchiquement le souverain Pontife sous l’autorité du Basileus. La jalousie va s’exacerber entre les deux personnages et la rupture entre les deux Églises va durer des siècles.
  • 12. (09) 610, à Constantinople (4 p.) L’empire romain d’Orient devient l’empire grec Heraclius, cinquième successeur du grand Justinien, connaît, durant ses trente-et-un ans de règne (610 – 641) une série de déboires. Après des exactions causées par les Perses, les Avars font payer à prix d’or le maintien d’une paix boiteuse, les Arabes font main basse sur la Syrie et l’Égypte, deux provinces étant désormais perdues pour l’empire, et les Bulgares enlèvent la Pannonie et la Dalmatie. 613 614 Perses 619 620 Avars Bulgares Constantinople 642 Arabes 642 642 Mais c’est moins pour ces pertes territoriales que pour une raison culturelle qu’Héraclius laisse un nom dans l’histoire : l’empereur (dont le vrai nom, à consonance plus hellène que latine, est Heracleos) se sent totalement grec par son origine, par l’éducation qu’il a reçue, et par la tradition à laquelle il se réfère. Il décide d’arborer clairement la couleur ethnique : l’empire romain d’Orient devient l’empire grec (ou l’empire byzantin : « Buzantinè autokratoria »), dont il n’est plus l’imperator, titre romain, mais le basileus, titre grec. Poussant à fond cette logique, il décrète que le latin, jusqu’ici langue officielle dans l’empire, cesse de l’être et doit laisser la place à la langue grecque. Non seulement la scission avec l’Occident politique est totale sur le plan culturel, mais elle s’aggrave sur le plan religieux avec un nouveau problème de doctrine posé par le Patriarche byzantin : le monothélisme, jugé schismatique par la Pape. X.rchat Ravenne X.rchat Carthage Constantinople Constant II, le « presque » successeur d’Heracleos (il y aura deux courts règnes de quelques mois entre les deux pontifes), arrivant au pouvoir en 642, ne règnera plus que sur un territoire restreint englobant uniquement la péninsule hellénique et la partie occidentale de l’Asie Mineure, ainsi que deux territoires éloignés, accessibles seulement par voie maritime : l’exarchat de Ravenne, au nord de la péninsule italique, et l’exarchat de Carthage (en actuelle Tunisie). Et les choses ne s’amélioreront pas non plus sur le plan religieux, entre la Papauté et le Patriarcat : la fameuse « Querelle des Images » durera un siècle, et, pis encore, dès 1054, le « grand schisme d’Orient » séparera définitivement les deux Églises chrétiennes, celle de Rome et celle de Byzance, entre lesquelles les divergences continuent à se multiplier.
  • 13. (10) 623, en Brittania (4 p.) Edwin initie l’union des sept royaumes Au milieu du Ve siècle, des navigateurs jutes, venant de Scandinavie, étaient arrivés dans l’ancienne colonie romaine de Brittania alors que le chef celte Vortigern cherchait à mettre fin aux exactions des Pictes (les « hommes peints »), ses turbulents voisins de Calédonie (actuelle Écosse). Le chef jute, Henquist, aida le chef breton dans cette entreprise. En remerciement, il obtint le droit de s’installer dans le Cantium (le Kent) dont il devint le roi en 455. Depuis, dans un afflux continu de navigateurs nordiques, se créèrent sept royaumes « barbares » : la Northumbrie, la Mercie et l’East Anglie avec les Angles, l’Essex, le Wessex et le Sussex avec les Saxons, et le Kent avec les Jutes). Northumbrie Estanglie Mercie Kent Essex Sussex Wessex Galles Cornouaille Armorique Pictes Scots Jutes Saxons Angles migration bretonne Les autochtones celtes, d’abord repoussés par les envahisseurs dans les parties occidentales (Galles et Cornouailles) y subirent de tels sévices que certains d’entre eux décidèrent de s’implanter ailleurs : ces Brittons quittèrent la Brittania, franchirent la mer et s’installèrent en Armorique, qu’ils débaptisèrent pour lui donner le nom de leur pays d’origine, la (petite) Bretagne. La Brittania, par comparaison, devint la « grande » Bretagne. Ces sept royaumes formaient une mosaïque disparate. Un jour de l’année 623, Edwin, le roi angle de Northumbrie, épouse Ethelburge, fille du roi jute de Kent, Ethelbert. Cette union matrimoniale est le premier acte un mouvement unitaire qui, certes, sera long à se développer. Mais deux siècles plus tard, un roi saxon, Egbert, réunira sous un sceptre unique les sept royaumes de « l’Heptarchie ».
  • 14. (11) 639, au royaume franc (6 p.) La succession de Dagobert : les rois fainéants Le roi franc a, pour son royaume, une vision totalement opposée à la grande vision romaine de la « chose publique » (res publica) dont le consul (sous la République) ou l’empereur (sous l’empire) ne serait que le gestionnaire. Le royaume du roi franc est son bien privé, qu’il administre à sa guise, et, surtout, qu’il partage entre ses enfants (mâles, loi salique oblige) avant de décéder. Et si l’un des héritiers décède à son tour, son royaume se partage à nouveau entre ses descendants mâles, ou, à défaut, entre les frères ou neveux survivants. C’est ainsi que le Regnum Francorum connut, à quatre reprises, le cycle division – réunification. 1.- Au décès de Clovis, en 511, il est partagé entre ses quatre fils. Mais en 558, Clotaire, seul survivant à ses frères et tous leurs descendants, reconstitue le royaume paternel. 2.- Trois ans plus tard, (561), Clotaire décédant, le Regnum est divisé entre ses quatre fils. Mais en 613, Clotaire II, petit-fils de Clotaire, reconstitue à nouveau le Regnum (tableau ci-contre). 3.- En 629, le royaume de Clotaire II est réparti entre ses deux fils Charibert et Dagobert. En 632, Charibert décédé, Dagobert règne seul. 4.- En 639, un nouveau séisme se produit : Dagobert meurt prématurément, à l’âge de 36 ans. Et le royaume tombe aux mains de ses deux fils : Sigebert devient, à dix ans, roi d’Austrasie, tandis que Clovis II devient, à cinq ans, roi de Neustrie ! Des souverains aussi jeunes ne peuvent exercer le pouvoir. Dans chaque royaume, ce pouvoir tombe entre les mains du maire du Palais, sorte de premier ministre omnipotent. Et puisque le maire du Palais fait tout, le roi ne fait rien, le roi « fait néant ». D’où son appellation ! Tombés tout jeunes en tutelle, les « rois fainéants » ne parviendront jamais à sortir de cette sujétion, et les Maires du Palais établiront, à leur profit, une sorte de dynastie parallèle, qui finira par s’imposer, aux dépens des « vrais » rois. C’est ainsi qu’en Austrasie le pouvoir du maire du palais Pépin l’Ancien échoit à son fils, puis à son petit-fils Pépin de Herstal, puis au fils de celui-ci, Charles Martel, dont la victoire de 732 sur les Maures assurera une prééminence définitive. Le fils de Charles Martel, Pépin le Bref, obtiendra officiellement, du pape Etienne II, en 754, le titre de roi des Francs, en réponse à la question qu’il lui posera : « qui est le vrai roi, celui qui fait tout, ou celui qui ne fait rien ? ». La destinée du fils de Pépin le Bref sera plus brillante encore : après avoir été roi des Francs, Charlemagne sera, en l’an 800, empereur d’Occident. Chilpéric Clotaire II Charibert Sigebert Gontran Childebert II Théodebert IIThierry II 550 600 575 625 Clotaire Clotaire II Un exemple de partage - réunification du Regnum Francorum
  • 15. (12) 674, à Constantinople (4 p.) L’échec de l’Islam devant Constantinople Muawiya, le vainqueur d’Ali, devenu en 660 le cinquième khalife, a fondé la dynastie des Omeyyades. Il souhaite voir disparaître ce qu’il reste de l’empire grec, très affaibli, et dans lequel, après le décès d’Heracleos, des luttes intestines pour le pouvoir ont rendu le trône chancelant. En effet, de sordides intrigues de palais, accompagnées d’assassinats, ont ensanglanté le palais, et beaucoup affaibli la dynastie régnante, jusqu’à ce qu’un nouveau et tout jeune souverain de vingt ans, Constantin IV Pogonat (« le Barbu »), tente de reprendre la situation en mains en 668. Six ans plus tard, en 674, Muawiya, soldat confirmé, pense pouvoir venir facilement à bout du jeune empereur et décide de lancer une offensive. Mais Constantinople en a vu d’autres. Par deux fois déjà, ses redoutables murailles ont réussi à résister aux assauts : celui des Avars, en 559, et à celui des Perses, en 626. Ce sont elles, cette fois encore, qui contribuent au succès de la résistance des Grecs. Mais les défenseurs ont aussi une arme redoutable : le feu grégeois, un étonnant mélange de naphte, de salpêtre, de souffre et de bitume, auquel les assiégés mettent le feu avant de le lancer sur les assiégeants qui meurent carbonisés. Ce produit (de nos jours, un produit similaire porte le nom de napalm) terrorise les musulmans qui perdent une partie de leurs troupes, et la quasi-totalité de l’immense flotte qu’ils ont mise en œuvre pour cette expédition. Découragés, les musulmans lèvent le siège en 678, après quatre ans d’efforts inutiles. Les Grecs utilisent le feu grégeois pour sauver Constantinople de l’attaque musulmane (illustration du XII°siècle - Bibliothèque Nationale de Madrid) L’Europe s’est fermée, pour cette fois, à l’expansion de l’Islam. Mais une autre tentative sera lancée à l’autre extrémité de la Méditerranée, et y sera couronnée de succès : Les « Sarrasins » franchiront le détroit, pénétreront en Espagne, et s’y installeront durablement.
  • 16. (13) 711, en Péninsule ibérique (6 p.) Avec Tariq, les Musulmans s’installent durablement Chassés de Gaule par Clovis, en 511, après sa victoire de Vouillé, les Wisigots s’étaient repliés en péninsule ibérique, qu’ils occupèrent presque totalement (à l’exception du petit territoire des Vascons). Mais de grandes difficultés dynastiques sont venues perturber la gouvernance wisigote. En 672, une branche concurrente a écarté du trône la branche « légitime », et le pouvoir politique central a été très fortement affaibli par ces luttes de palais. En 710, un descendant de la branche légitime, Rodrigue, réussit néanmoins à reprendre le pouvoir. Le rejeton de la branche usurpatrice, Agila, refuse de reconnaître le nouveau roi, s’exile au Maghreb, et complote avec les autorités musulmanes. Les Musulmans voient là, après l’échec subi devant Constantinople, l’occasion de tenter à l’ouest ce qui n’a pas été réussi à l’est. Un chef berbère, Tariq, à la tête d’une troupe de 7 000 mercenaires, franchit les Colonnes d’Hercule et débarque au pied du Mont Calpé, qu’il baptise de son nom, et qui devient le Djebel Tariq (Gibraltar). L’avance de Tariq est foudroyante. Cadix, Séville, Cordoue, Tolède, Ségovie (où Rodrigue meurt au combat), Saragosse tombent successivement aux mains des envahisseurs. avance musulmane retraite de Rodrigue Guadalquivir Tage Douro Ebre Ceuta Cadix Algesiras Jerez Cordoue Tolède Segovie Saragosse Salamanca Merida Seville Galice VasconsMonts Cantabriques Le chef musulman proclame la souveraineté du Khalife de Damas sur la partie conquise de la péninsule, qui prend le nom d’Al Andalus (du nom des Vandales, qui s’étaient installés en cette région, la Vandalousia, avant de s’établir au Maghreb). Seule la partie septentrionale de la péninsule, la Galice (qui deviendra le « royaume des Asturies »), restera sous le contrôle des autorités chrétiennes. C’est de ce coin de terre que partira, plus tard, la Reconquista, laquelle prendra fin en 1492.
  • 17. (14) 730, à Constantinople (6 p.) L’empereur Léon III et la Querelle des Images Un demi-siècle s’est écoulé depuis l’échec du siège de Constantinople, en 674. Mais si les musulmans ont échoué dans leur conquête de la ville impériale, ils sont restés en Asie Mineure, conquise sur les Grecs en 642. Or, depuis quelques années, les khalifes ont semblé attacher plus d’importance aux problèmes d’administration qu’à la stricte observance religieuse, selon laquelle il est, notamment, interdit de représenter Dieu, en peinture ou en sculpture, sous une forme humaine. En 721, le khalife Yazid II décide de reprendre les choses en mains en ce domaine : il promulgue un décret imposant la destruction de toutes les images à caractère religieux. Cette décision provoque des émeutes, souvent sanglantes, dans les anciens territoires impériaux, où l’art iconographique est en pleine expansion. Après neuf années d’une extrême tension entre les communautés chrétiennes et arabes, l’empereur de Constantinople, Léon III, décide de faire un geste d’apaisement à l’égard du khalife : il promulgue, en 730, le « décret d’iconoclasie » reprenant les prescriptions du décret khalifal et interdisant donc, dans tout l’empire, le culte des images. Ce faisant, il se brouille avec le pape de Rome, Grégoire II, qui répond par une décision conciliaire précisant que « quiconque anéantira les images du Christ, de la Vierge ou des Apôtres sera exclus de l’Église ». Son successeur, Grégoire III en rajoute en affirmant qu’ « il n’appartient pas aux empereurs de légiférer dans l’Église ». La « Querelle des Images » opposera, durant un siècle, les iconoclastes (les adversaires des images – du grec eikona = image pieuse et klasis = action de briser) et les iconodoules (les adorateurs des images, assimilés à des idolâtres). Elle prendra fin en 843, date à laquelle un nouveau décret impérial abolira le décret d’iconoclasie de 730. Mais la brouille entre le pape, d’une part, l’empereur et le patriarche de Constantinople, d’autre part, continuera durant des siècles.
  • 18. (15) 732, au royaume des Francs (6 p.) Charles Martel stoppe les Arabes à Poitiers Sous la houlette de leurs maires du palais respectifs, la coexistence des deux royaumes de Neustrie et d’Austrasie n’avait rien de pacifique. Des jalousies personnelles, des luttes territoriales et des révolutions de palais rendaient la situation difficilement gérable, jusqu’à ce que Pépin de Herstal (dit aussi Pépin le Jeune), « duc des Francs d’Austrasie », à l’issue d’une bataille gagnée à Trestry en 687, prenne l’avantage sur son concurrent Ebroïn, maire du palais de Neustrie. Ayant réussi à rassembler les deux royaumes dans sa main, Pépin élargit alors la portée de son titre pour devenir « Duc des Francs ». A la mort de Pépin, son fils naturel, Karl, revendiqua le titre pour lui-même, au détriment des fils légitimes de Pépin. Pendant ce temps, l’Aquitaine, l’une des provinces composant le Regnum Francorum, tente de se séparer du pouvoir central et d’accéder à l’indépendance. Mais un événement extérieur vient rebattre les cartes : les « Sarrasins », ayant franchi les Pyrénées, s’élancent vers l’Aquitaine, d’une part, et vers la Provence, d’autre part, s’emparant des villes de Carcassonne, de Narbonne et de Nîmes. Eudes, duc d’Aquitaine, effrayé, oublie ses velléités d’indépendance et lance un appel au secours au duc des Francs, Karl, devenu, entre-temps, Charles Martel (Charles étant la francisation de son prénom germanique, et Martel étant le qualificatif que lui vaut sa pugnacité). Poitiers Orléans Autun Nîmes Narbonne Bordeaux ? Ebre Carcassonne Karl Abd erRahman Charles Martel se met en route pour fournir l’aide qui lui est demandée. La rencontre entre l’armée franque et l’armée sarrasine, commandée par Abd er Rahman, se déroule à Cénon, une bourgade des environs de Poitiers, en 732. Les cavaliers francs ont une très grande supériorité sur leurs adversaires, qui, après avoir perdu leur chef au cours du combat, se débandent. Si la percée de Sarrasins est stoppée à l’ouest, la menace persiste à l’est, où les Musulmans approchent d’Autun. Charles Martel, sentant qu’il n’a pas, à lui seul, les moyens nécessaires pour s’opposer au danger, envoie à Ravenne son fils, Pépin dit « le Bref » négocier un soutien militaire auprès du roi longobard, Liutprand. Ce soutien est accordé. Les Sarrasins, en position d’infériorité, rebroussent chemin. Après 732, la puissance de Charles Martel est immense. Son fils, Pépin le Bref, en tirera les bénéfices : en 751, il deviendra officiellement le roi des Francs.
  • 19. (16) 756, en Andalus (5 p.) Abd er Rahman crée un émirat indépendant Après quelques nouvelles difficultés, le Khalifat de Damas change de main une fois de plus, le khalife omeyade Marwan devant s’effacer devant le chiite Abu Abbas, premier représentant de la dynastie des « Abbassides ». Quatre ans plus tard, son frère, Abou Jafar lui succède. Après une première décision d’ordre purement géographique (il transfère de Damas à Bagdad la capitale de l’empire musulman), il entame le procès de la gouvernance omeyyade et décide de mettre à mort la totalité des membres de la famille de Marwan. Abd er Rahman (à ne pas confondre avec le vaincu de Poitiers de 732), seul, survit au massacre. En Andalus, la situation administrative n’est guère brillante : le pouvoir central, théoriquement implanté à Cordoue, s’est délité entre les mains de multiples petits gouverneurs locaux, les walis, théoriquement nommés par Damas (puis par Bagdad). Ces walis se jalousent mutuellement, et l’entente entre eux est très loin d’être parfaite. A l’issue d’un long et périlleux périple de cinq ans, Abd er Rahman arrive en Andalus, dont la population est restée fidèle à la dynastie omeyyade, au motif qu’elle a conquis la péninsule et y a établi un régime musulman. Après quelques affrontements avec les autorités administratives en place, il se fait nommer « émir de Cordoue », y centralisant à nouveau la gouvernance d’al Andalus qui s’étend sur les trois quarts de la péninsule. Seuls échappent à l’autorité de l’émir le royaume des Asturies (d’où partira la Reconquista), et le domaine des Vascons, ceux-là mêmes qui infligeront à Charlemagne, en 778, le désastre de Roncevaux. Le nouvel émir se déclare administrativement indépendant du khalife de Bagdad, tout en continuant à reconnaître sa primauté religieuse. Il règnera 32 ans (de 756 à 788), inaugurant la dynastie des « Omeyyades de Cordoue ». Durant une longue période, et en dépit d’un certain nombre de difficultés internes (une révolte des walis par-ci, la révolte du gouverneur de Saragosse par-là, ou encore les intrusions du roi des Francs …), Cordoue, la capitale administrative d’Al Andalus, sera l’un des foyers les plus brillants de la civilisation arabe, foyer vers lequel convergeront des artistes et des intellectuels de toutes spécialités : philosophes, poètes, mathématiciens, architectes … Cordoue Emirat de Cordoue Royaume des Asturies Vascons Saragosse Roncevaux
  • 20. (17) 756, au Saint Siège (6 p.) Pépin au secours du pape Etienne II Au milieu du VIIIe siècle, cinq « autorités » se partagent la péninsule italienne, où l’on distingue : – le royaume longobard dont la capitale est Pavie ; – le « couloir byzantin », possession de l’empereur de Constantinople, qui règne également sur le sud de la péninsule ; – la Papauté, établie à Rome ; – les deux duchés « sécessionnistes » de Spolete et de Bénévent, toujours indépendants de Pavie, et qui entendent le rester. Le pape Etienne II vit inconfortablement dans son évêché de Rome, cerné par Astolf, le roi des Longobards, qui est un ennemi potentiel, par l’empereur Léon III, qui est un ennemi déclaré depuis le déclenchement de la Querelle des Images, et par le duc de Spolète, dont les intentions sont peu connues. En cas de nécessité, Etienne ne pourrait avoir, pour allié éventuel, que Pépin le Bref, qui n’a aucune visée sur Rome, et qui reste auréolé de la gloire de son père Charles Martel, le vainqueur des Sarrasins. Pépin a, en outre, contracté une dette à l’égard de la Papauté en ce jour de 751 où Zacharie, prédécesseur d’Etienne, a déclaré Pépin « roi des Francs » en remplacement du « roi fainéant » Childéric III, relégué dans l’abbaye saint-Bertin de Saint-Omer. En 752, le roi longobard Astolf, soucieux de mettre enfin les deux duchés récalcitrants sous son autorité, traverse le Couloir Byzantin qui lui barre la route du sud, et, au passage, entame le siège de Rome, qu’il souhaite aussi mettre sous sa coupe. Etienne en appelle donc à l’aide de Pépin. Celui-ci commence par hésiter, parce qu’il a également une dette envers le roi longob ard qui l’a aidé à vaincre les musulmans. En 756, Pépin se décide enfin à intervenir. Il oblige Astolf à lever le siège de Rome, puis s’empare de Ravenne et de la Pentapole, qu’il offre officiellement au pape, au grand dam de l’empereur de Constantinople qui crie à la spoliation d’une partie de ses territoires italiens ! Le pape n’est plus seulement le souverain spirituel de la Chrétienté : il est aussi le souverain temporel d’un grand domaine, comprenant également la Romagne et la Marche d’Ancône, et qui porte, désormais, le nom de Patrimoine de Saint Pierre. Ce patrimoine perdurera durant plusieurs siècles. Rome Pavie Pentapole royaume longobard papauté Byzance Byzance Byzance Benevent Spolete Ravenne
  • 21. (18) 771-800, au royaume des Francs (12 p.) Charlemagne roi, puis empereur En 771, Charles, après avoir dû partager, durant trois ans, le Regnum Francorum avec son frère Karloman, devient le roi de tous les Francs. De nombreux problèmes se posent à lui, et Charles doit intervenir partout sur le continent : – En 772, en Italie, Didier, le roi de Pavie, profite du décès du pape Etienne III pour tenter de s’emparer du patrimoine de saint Pierre. Adrien, successeur d’Etienne, fait appel à Charles. L’intervention de celui-ci est décisive. Didier est vaincu et emprisonné. Le royaume de Pavie n’a plus de roi. Charles prend sa place : Adrien, en remerciement, le ceint de la « couronne de fer », emblème des rois longobards. – En 778, Al Andalus connaît des problèmes internes sérieux. Le gouverneur de Saragosse demande l’aide du roi des Francs. Charles franchit les Pyrénées, mais l’émir de Cordoue Abd er Rahman sort vainqueur de la confrontation (c’est au retour de cette intervention que Roland est défait à Roncevaux). – Les tribus germaniques profitent de l’éloignement de Charles au-delà des Pyrénées pour tenter de se libérer du joug franc. Charles doit alors remonter d’urgence pour aller guerroyer en Saxe et en Bavière. En 797, le trône de Constantinople est occupé non par un homme, mais par une femme, Irène, qui prend néanmoins le titre d’empereur (basileus) et non celui d’impératrice (basilissa).. Si les Grecs s’accommodent de cette situation originale, ce n’est pas le cas en Occident, où le pape Léon III déclare vacant le trône byzantin. Il profite de cette opportunité pour poser sur la tête du roi des Francs, le jour de Noël 800, la couronne impériale : le monde, qui ne saurait vivre sans empereur, en a retrouvé un ! Pour rétablir un lien entre Occident et Orient, un mariage entre Charles, devenu Charlemagne, et Irène, « l’empereur » grec, est envisagé. Les Grecs font échouer le projet : Irène est destituée, Nicéphore la remplace : il y a maintenant deux empereurs, dont l’un, lettré, supporte mal de voir une autre dignité impériale confiée à un barbare tudesque illettré ! Nonobstant cette situation, Charlemagne crée, à Aix la Chapelle, une cour impériale où le développement de la culture intellectuelle sera l’un des objectifs majeurs : ce sera la « Renaissance carolingienne ». En 814, la mort de Charlemagne ouvrira une période de déclin de l’empire franc : dans trente ans, il n’existera plus.
  • 22. (19) 825, en Bretagne (6 p.) La prééminence des Saxons Lorsque les Romains occupaient l’archipel brittonique, ils y avaient distingué trois territoires : la Brittania (actuelle Angleterre), sous domination romaine, la Caledonia (actuelle Ecosse), habitée par les Pictes, et l’Hibernia (actuelle Irlande), habitée par les Scots. Après leur départ, en 409, la situation avait profondément évolué. – Une partie des Scots avaient quitté l’Hibernie, au début du VIe siècle, pour s’établir en Calédonie, devenue la Scotland (la Terre des Scots). Les Pictes avaient alors disparu de l’Histoire ; – l’Hibernia avait changé de nom, pour devenir l’Erinland, la terre des Erins, du nom (croit-on) de l’une des peuplades celtiques implantées depuis plusieurs siècles ; – chez les Brittons, désormais gouvernés par les navigateurs scandinaves, la situation géopolitique était en perpétuelle évolution. Durant plus de deux siècles, en effet, les différents rois de l’Heptarchie se disputaient la suprématie, jusqu’en 796, où Offa, le roi de Mercie, sembla avoir gagné la partie en dominant les rois de Wessex, de Kent et de Northumbrie (carte ci- dessous à gauche). . C’était sans compter sur le Saxon Egbert. Exilé sur le continent durant sa jeunesse, il avait été élevé à la Cour de Charlemagne, près duquel il avait « pris des leçons de bonne gouvernance ». Monté sur le trône du Wessex en 802, il commence par réorganiser son petit royaume, puis, peu à peu, tente d’étendre son influence sur les royaumes voisins. C’est ainsi qu’il phagocyte le territoire celtique de Cornouailles, en 815, puis s’impose à la Mercie à l’issue de la grande bataille d’Ellendun de 825 (cette bataille passe pour l’un des « tournants » de l’histoire de l’Angleterre). Enfin, il étend sa royauté au Kent et à la Northumbrie (carte ci-dessus à droite). Proclamé « Bretwalda » (roi des Bretons) en 837, Egbert décède l’année suivante, après avoir ouvert la lignée des rois saxons, qui vont gouverner « l’Angleterre » durant deux siècles. Puis ceux-ci devront s’effacer, en 1066, devant les rois normands. Celtes Northumbrie Mercie Essex Sussex Kent Celtes east anglie Cornw. 796 : La Mercie domine l’Heptarchie Wessex Celtes Northumbrie Essex Wessex Sussex Kent Celtes East anglie Cornw. 829 : Le Wessex domine l’Heptarchie Mercie
  • 23. (20) 843, dans l’empire franc (10 p.) Le traité de Verdun met fin à l’empire Trois ans après avoir succédé à son père Charlemagne, l’empereur Louis le Pieux, très prévoyant, avait rédigé l’Ordinatio imperii (la « mise en ordre » de l’empire) prévoyant sa division entre ses trois fils, Lothaire Pépin et Louis. Divers événements familiaux (mort de Pépin, mort de Charles, remariage de Louis le Pieux et naissance d’un nouveau Charles en 823) entrainèrent de nombreux changements de situation (donation de Worms en 829, entrevue de Compiègne en 830, rencontre de Colmar et destitution de l’empereur par ses fils en 833, Diète de Nimègue et réhabilitation de l’empereur en 835, mort de l’empereur en 840…) La discorde s’installa entre les héritiers, discorde allant jusqu’à la confrontation armée : la bataille de Fontanet, entre Lothaire, d’un côté, Louis et Charles de l’autre, se termina par la défaite de Lothaire. A l’issue d’une nouvelle rencontre (les Serments de Strasbourg en 842), les trois héritiers signent en 843 le traité de Verdun qui règle définitivement la division de l’empire en trois parts : un royaume « éminent », la Francia orientalis, donné à Louis le Germanique avec le titre d’empereur, et deux royaumes « subalternes », la Francia occidentalis pour Charles (le Chauve), et la Francia media pour Lothaire, Charles et Lothaire n’étant que des simples rois sous la coupe théorique de leur frère Louis. La Francie médiane, étroite bande de terre qui s’étire de la Mer du Nord à la Méditerranée, aura une existence limitée dans le temps. Lothaire mort à son tour, ses deux fils auront l’un (Lothaire II) la moitié septentrionale, qui portera le nom de Lotharingie, origine de l’actuelle Lorraine, et l’autre (Charles) la moitié méridionale (Bourgogne-Provence). La Lotharingie fera l’objet permanent des convoitises de Louis et de Charles avant de disparaître complètement, après avoir fait l’objet d’un partage entre les deux souverains. Le traité de Verdun est, en quelque sorte, l’acte de naissance des deux nations qui se nommeront, plus tard, l’Allemagne et la France. Bremerhaven Munster Cologne Bale Rome Zeebrugge Cambrai Meuse Saone Rhone Lothaire LouisCharles Danube Elbe Patrimoine Spolete
  • 24. (21) 880, en Europe centrale (6 p.) Naissance de la Russie Au début du VIIe siècle, diverses ethnies d’origine indo- européenne firent leur apparition en Europe centrale sous le nom de « Slaves ». Sédentarisés, vers l’an 600, mais inorganisés, les Slaves s’adonnèrent, durant plus de deux siècles, à des luttes intestines, jusqu’à ce que certains d’entre eux prennent conscience de leur état anarchique en côtoyant les « Varègues », dotés, eux, d’un haut degré d’organisation en de nombreux domaines. Ces Varègues provenaient de l’actuelle Suède, état dépourvu de grands accès à la mer. Contrairement aux Vikings, explorateurs marins, ils étaient donc partis en expéditions commerciales dans les plaines d’Europe centrale. Au milieu du IXe siècle, quelques Slaves de la région de Novgorod se battent selon une vieille habitude. Prenant enfin en compte la stérilité de ces rivalités, ils demandent aux commerçants varègues de les aider à se départager et à mettre un peu d’ordre. Un chef varègue, Riourik, appartenant au groupe ethnique connu sous le nom de « Rus », (ou Rous) est pris comme arbitre. Il obtient une telle réussite dans sa mission de pacification et d’administration qu’il est désigné, en 860, comme chef de la région de Novgorod, qui devient ainsi une sorte de principauté. En 879, Oleg (que l’on nommera Oleg le Sage) lui succède et étend son influence jusqu’à Kiev, ville dont il fait la capitale de « l’État des Rous », la Roussia. Parvenu sur le rivage septentrional de la Mer Noire, il établit avec son voisin méridional, l’Empire grec, des liens culturels, commerciaux et même militaires (la « Garde Varègue » devient vite le corps d’élite de l’armée impériale). Après Oleg se succèdent, à la tête de la Roussia, Igor, Sviatoslav, dont l’épouse d’Hélène (sainte Hélène), adoptera la religion chrétienne orthodoxe et l’imposera à ses sujets, Vladimir le Grand et Iaroslav le Sage. C’est sous le règne de ce dernier (de 1015 à 1054), c’est à dire durant toute la première moitié du XIe siècle que le royaume de Kiev, la « Russie », parviendra au sommet de sa puissance. La Russie aura acquis un tel poids sur le plan géopolitique que la belle princesse Anne de Kiev, fille de Iaroslav Vladimirovitch, deviendra reine des Francs en épousant Henri Ier, en 1051 A la mort d’Iaroslav, ses onze fils se déchireront pour se partager le royaume. Ce sera, pour la Russie, le début d’un long déclin. Oural Carpates Mer Noire Mer Blanche Slaves Ladoga Niemen Vistule Dniestr Dvina Onega Danube Duna Dniepr Volga Vistule Niemen Dniestr Duna Volga Kiev (Moscou) Mer Noire Ladoga Roussia Novgorod Dniepr Bolgar Carpates Moscou située pour mémoire : la ville n'existe pas encore Finlande
  • 25. (22) 911, en Frankie Occidentale (6 p.) La Normandie entre dans l’Histoire Les Varègues, venus de l’actuelle Suède, s’étaient déployés du côté des terres. Les « Vikings », ces autres Hommes du Nord, venus de Norvège ou de Danemark, pays aux immenses façades maritimes, avaient naturellement préféré explorer les océans. Après avoir, en 793, débarqué en Hibernia (actuelle Irlande), et en Angleterre, ils entrèrent en territoire franc en 799, puis, un demi-siècle plus tard, en Italie, où ils pillent Rome en 846. Dans le dernier quart du IXe siècle, l’un de ces navigateurs aventureux, Rollon, répand la désolation dans le royaume des Francs. Vers 875, remontant la Seine avec 300 bateaux, il incendie abbayes, églises et exploitations agricoles après les avoir pillées. En 886, les pirates sont à Paris. Le roi des Francs Charles III le Simple n’a pas suffisamment d’autorité sur les barons du royaume pour réunir l’ost lui permettant de faire cesser les exactions. Il lui reste la négociation. En 911, il signe avec l’envahisseur le traité de Saint-Clair-sur-Epte, aux termes duquel Rollon, fatigué et vieillissant (il a 60 ans) s’engage à : - embrasser la foi chrétienne ; - cesser les pillages, et, au besoin, s’opposer par la force aux tentatives de pillage des autres Vikings ; - servir loyalement du roi des Francs. En contre partie, il épouse la fille du roi des Francs, la très jeune Gisèle, âgée de 14 ans, et se voit reconnaître le droit d’étendre son autorité sur les trois évêchés de Rouen, Évreux et Lisieux. Rollon devient ainsi « Comte de Rouen ». Après Guillaume Longue-Épée, fils de Rollon, Richard, petit-fils de Rollon, obtiendra du roi des Francs d’étendre son autorité sur les deux évêchés supplémentaires de Coutances et d’Avranches. Le territoire deviendra trop grand pour rester le « Comté de Rouen ». Prenant, alors, le nom de ses nouveaux maîtres, les Normands (les nord-men, les « Hommes du Nord »), il s’élèvera au rang de « Duché de Normandie ». Le descendant direct de Rollon à la cinquième génération, Guillaume le Bâtard, ajoutera à son titre de duc de Normandie celui, plus prestigieux encore, de roi d’Angleterre. Mais ceci est une tout autre histoire … Islande Feroe Shetland Orcades Hébrides Groenlandvers
  • 26. (23) 913, en Europe Centrale (6 p.) L’essor de la Bulgarie Vers l’an 630, l’empereur grec Heracleos (Heraclius) avait assisté à l’établissement, sur la rive septentrionale de la Mer Noire, d’un peuple turco-iranien venu d’Asie centrale : la « Vieille Grande Bulgarie » (en grec : palaïa megalè Boulgaria) venait de naître. Un peu plus tard, en 651, une partie des Bulgares se fixèrent en Dacie, dans la boucle du Danube. Ils se mélangèrent aux Slaves déjà présents dans cette zone, s’imposèrent à eux et en devinrent la classe dirigeante, tout en abandonnant leur langue originelle pour adopter le « slavon » des autochtones. Et en 681, la « Nouvelle Bulgarie » entrait dans l’Histoire. Des relations politiques mitigées s’établirent entre le nouvel et l’empire, les deux nations se trouvant parfois partenaires, et le plus souvent adversaires. En 893, un khan bulgare Siméon, de culture grecque (destiné à la vie sacerdotale, il a été élevé à Constantinople), tente de nouer des relations cordiales et stables avec l’Empire. Son essai est vain : les hostilités reprennent, les Bulgares s’emparent d’une portion du domaine impérial et leur sphère administrative va maintenant de la rive orientale de la Mer Adriatique à la rive occidentale de la Mer Noire. En 913, les Bulgares encerclent Constantinople. Pour sauver la ville, un accord de paix est conclu. Les Grecs doivent payer un tribut à Siméon, et se voient obligés de reconnaître désormais Siméon comme « Tsar des Bulgares », et non plus comme simple « khan » : la Bulgarie entend, par là, se hisser à un niveau politique égal à celui de l’Empire. Siméon envisage même de cumuler le titre de basileus grec avec celui de tsar bulgare. Mais il échoue également dans cette dernière tentative. Siméon se voit accorder, néanmoins, le titre de « Siméon le Grand », et son règne (893 – 927) est appelé « le Siècle d’Or Bulgare ». La situation va ensuite se dégrader : les Russes attaqueront la Bulgarie, et, sous prétexte de lui apporter une aide militaire, les Grecs vont annexer la moitié de son territoire. En 1018, l’empereur grec Basile le « Bulgaroctone » (le tueur de Bulgares) annexera l’autre moitié ! Une troisième fois, en 1186, la Bulgarie connaîtra un renouveau qui durera deux siècles, avant de tomber, pour une très longue période, sous la domination ottomane. Danube Dniestr Dniepr Mer Noire Mer Egée Adriatique Constantinople Preslav Magyars Bulgarie Grecs Croates
  • 27. (24) 929, en Andalus (6 p.) Un nouveau khalifat est créé A Bagdad, qui avait remplacé Damas pour devenir le siège du khalifat, la dynastie abbasside (successeur de la dynastie omeyyade) avait, durant un siècle, fait briller la culture arabe dans la péninsule arabique. Puis les khalifes sombrèrent dans le luxe et l’oisiveté. Ils perdirent leurs pouvoirs, politique et religieux, dont s’emparèrent les vizirs (sorte de premiers ministres). Le brillant empire musulman, jusqu’ici monolithique, commença à se lézarder. Le Maroc, aux mains d’un émir Idrisside, et l’Ifriqiya (Tunisie), aux mains d’un émir fatimide, commencèrent à prendre leur autonomie politique. Puis, allant plus loin dans la rébellion, l’émir de Bizerte s’autoproclama khalife. Le monde musulman comptait désormais deux successeurs du Prophète en même temps. Al Andalus n’échappe pas à la fièvre contestataire. Suite à un émiettement politique très important, les petits chefs locaux tentent de s’affranchir de la tutelle d’Abd er Rahman III, devenu, en 912, émir de Cordoue. Après quinze années de luttes incessantes, l’émir parvient à rétablir son autorité sur l’ensemble d’Al Andalus, et son prestige est considérable. En 929, fort de son pouvoir politique retrouvé et de son aura personnelle, Abd er Rahman se proclame, à son tour, khalife. Il rompt tous les liens avec Bagdad, et le monde musulman compte maintenant trois khalifes ! Devenu, lui aussi, lieutenant de Dieu sur la terre, il réussit à accroître encore son prestige en remportant trois victoires sur les troupes chrétiennes qui, parties de la province septentrionale des Asturies, ont voulu entamer la Reconquista. Hicham, fils et successeur d’Abd er Rahman III, poursuivra sur la lancée paternelle, et Cordoue continuera de briller de mille feux. Mais en 974, le tout jeune Hakam II, fils et successeur inconsistant d’Hicham, verra, lui aussi, son pouvoir se déliter lentement. En 1009, Hakam sera démis de ses fonctions par un individu brutal et sans scrupules, Djabbar-Mahdi, et la guerre civile éclatera sur tout le territoire d’Andalus. Pour trouver une solution à la crise, et en l’absence d’héritiers omeyyades, le khalifat héréditaire deviendra un khalifat électif. La fin du khalifat ibérique est, dès lors, programmée, et le déclin durera quatre siècles. En 1492, il n’y aura plus, en Espagne, la moindre trace de pouvoir musulman.
  • 28. (25) 955, en Germanie (8 p.) Les Magyars vaincus, la Hongrie se met à l’unisson Vers le milieu du Xe siècle, la Francia Orientalis, désormais appelée la Germania, est divisée en quatre duchés indépendants : la Saxe, la Franconie, l’Alémanie, la Bavière (carte ci-contre). Il est à noter que la dignité impériale, qui a cessé d’être héréditaire après l’extinction de la dynastie carolingienne, est mise en sommeil depuis l’année 924. Elle sera réveillée en 962, mais son attribution passera du mode héréditaire au mode électif. Outre la gestion des problèmes intérieurs, les souverains ont à lutter contre les Magyars. Ce peuple nomade, d’origine finno-ougrienne (finno = finlandais – ougrien = de la région des Monts Oural), a quitté les rivages de la Mer Blanche pour descendre vers la Volga, puis dans les Carpates (carte ci-dessous), où il vit un peu d’élevage transhumant, et beaucoup de rapines. Leurs exactions permanentes exaspèrent les voisins. Au cours de leurs migrations, les Magyars ont croisé, entre autres peuplades, une ethnie d’origine turque, les Ono gours, ou On gours, ou encore hungres, dont ils ont assimilé certains éléments de culture. Cette circonstance valut aux Magyars, dès le Moyen-âge, dans le monde occidental, l’appellation de Hungari, et, par voie de conséquence, le nom de Hungaria au pays où ils s’établirent, Mais le nom officiel de la Hongrie est, encore aujourd’hui, Magyarorszàg, le Pays des Magyars. En 955, le roi de Germanie Otton Ier a, une fois de plus, maille à partir avec les Magyars. Il réunit une puissante armée, et leur inflige, lors de la bataille du Lechfeld, en Bavière, une écrasante défaite. Les Magyars comprennent alors que, s’ils veulent rester là où ils sont, il leur sera désormais impossible de garder le style de vie vagabonde et pillarde qui est le leur, qu’ils doivent se sédentariser et passer du statut d’éleveurs à celui d’agriculteurs afin d’assurer des moyens « normaux » d’existence. Ils prennent en outre conscience que leur nouvelle nation se trouve dans un environnement chrétien, et qu’ils ne seront jamais admis dans la communauté des peuples s’ils n’adoptent pas, eux aussi, la religion de leurs voisins. En 972, ils se feront donc chrétiens, à la suite de Geysa, duc de Hongrie. Le fils de Geysa, Wajk, qui, le jour de son baptême, prendra le prénom chrétien Istvan (Etienne), épousera Gisèle, la fille du duc de Bavière. Mais le beau-père lorgnera sur le duché de son gendre avec avidité. Pour éviter une éventuelle annexion, Etsvan se mettra, en 999, sous la protection du Saint-Siège. Et l’année suivante, en l’an mil, le pape Sylvestre II posera sur la tête de Wajk-Istvan « la couronne sainte de Hongrie », acte qui marquera l’élévation du duché au rang de royaume. Bavière Alémanie Saxe Lorraine Carinthie Bohême - Moravie Danube Rhin Pô Elbe Franconie Marches du Nord Finlande Suède Volga Monts Oural Magyars Famille finno-ougrienne
  • 29. (26) 987, en Francie (6 p.) Hugues Capet est élu roi Des trois « Franciae » issues du partage de Verdun de 843, la Francia media a disparu rapidement du paysage politique et, au début du Xe siècle, la Francia Orientalis commence à devenir la Germania. Aussi n’est-il plus nécessaire de garder l’adjectif « occidentalis » pour la troisième partie de l’ancien empire carolingien, qui devient alors la Francia. Mais il faudra encore attendre deux siècles, et le règne de Philippe Auguste, pour que « la Francie » devienne « la France ». En Francie, donc, la dévolution de la couronne royale pose quelques problèmes dynastiques. Au décès de Charles III le Simple, et faute de descendant carolingien en âge de régner, la couronne changea de famille, allant du « Robertien » Robert Ier (fils de Robert le Fort, ancien duc des Francs) au duc de Bourgogne (Raoul Ier) avant de revenir dans la famille carolingienne (Louis IV, Lothaire, puis Louis V). Ces changements de lignes dynastiques desservaient profondément la fonction royale. Et voici que Louis V, monté sur le trône en 986, décède à son tour en 987. La Francie doit se chercher un nouveau roi … L’héritier « normal » est le duc Charles de Lorraine, frère cadet de Lothaire et oncle de Louis V. Mais Charles doit son titre ducal à l’empereur de Germanie, Otton II, la Lorraine étant, depuis quelques années, devenue terre d’empire. Les grands barons de Francie ne souhaitent pas élire un roi qui serait potentiellement inféodé à l’empereur. Alors un autre candidat se fait alors connaître : le duc des Francs Hugues dit Capet (en vertu du large vêtement – la cape – qu’il affectionne de porter). C’est un homme de petite envergure, et les barons voient en lui le candidat idéal, qu’il sera facile de circonvenir. Après avoir acheté un certain nombre de barons électeurs, Hugues est préféré au duc de Lorraine. Mais Hugues a associé son fils Robert à son nom, ce qui fait que les grands n’ont pas voté pour un roi, mais pour deux : celui-ci, et son successeur ! Une nouvelle dynastie est née, celle des Capétiens. Elle règnera huit cents ans sur la Francie, puis sur la France.
  • 30. (27) 992, en Europe centrale (4 p.) Boleslas met la Pologne sur la voie de l’indépendance Parmi tous les Slaves d’Europe centrale, trois tribus s’étaient implantées dans la région Vistule – Oder - Carpates : les Vislanes, sur les rives de la Vistule, les Slezanes, en Silésie, et les Polanes, dans la grande plaine (poliè) centrale entre Vistule et Oder. Les tribus décidèrent un jour de se confédérer et se choisirent un chef : Piast, chef des Polanes, fut élu. Il donna le nom de sa tribu d’origine au nouveau duché ainsi créé : la Polzka, le pays des Polanes. La Pologne venait de naître. Miezka, l’un des descendants de Piast, devenu duc de Pologne, eut un voisin encombrant en la personne d’Otton Ier, l’empereur germanique vainqueur des Magyars au Lechfeld en 955. Otton avait des vues sur le duché de Pologne. Ne pouvant lutter à armes égales, le duc fit acte d’allégeance à l’empereur, en 966, et des relations apaisées s’établirent. En 992, Boleslas, fils de Miezka, devient duc de Pologne. Il a des rêves d’extension territoriale et des rêves d’émancipation. Il commence par absorber quelques territoires contigus, dont la Poméranie (au nord). Puis il profite de la venue, sur ses terres, de l’empereur Otton III, en déplacement privé, pour entamer la seconde partie de son programme. Boleslas déploie, pour recevoir l’empereur, un faste royal et acquiert ainsi les faveurs d’Otton III, qui parle de lui en ces termes : frater et cooperator imperii (frère et coopérateur de l’empire). Otton considérant Boleslas comme un égal : c’est un premier pas prometteur … Mais Otton mourra en 1002. En l’an mil, la Pologne ne sera donc encore qu’un duché. Puis, après quinze années de relations tantôt apaisées, tantôt conflictuelles, avec le nouvel empereur Henri II, la paix de Bautzen sera signée en 1018. La Pologne connaîtra alors une période de calme. En 1025, Boleslas, duc de Pologne, deviendra roi de Pologne après la cérémonie de sacre célébrée par Hippolyte, l’évêque de Gniezno. Boleslas s’éteindra quelques semaines plus tard après avoir réalisé son second rêve : il aura été roi de Pologne durant deux mois … L’indépendance de la Pologne fera long feu : succédant à Henri II, Conrad II imposera à nouveau sa suzeraineté au successeur de Boleslas. E lbe O der Vistule Danube Niemen Carpates Pologne Poméranie Prusse Lusace Misnie Bohême Moravie MerBaltique
  • 31. (28) L’AN MIL (9 p.) L’Europe au milieu de Moyen-âge Le mythique An Mil, au cours duquel, selon les croyances occidentales, le monde devait disparaître, fut, en fait, l’année d’un non-événement. Si l’on excepte la toute récente naissance de la Hongrie, rien de marquant n’intervint sur le sol européen, en dehors des extravagances de deux illuminés, Vilgard de Ravenne en Italie, et Leutard de Vertus, en Francie, qui moururent tous deux, victimes de leur folie : le premier fut condamné à mort, le second se suicida. Faute d’un événement majeur à prendre en compte en cette année mil, il n’est possible que de procéder à une rapide comparaison de l’Europe de l’an 500 et de l’Europe de l’an Mil. Voici un demi-millénaire, il y avait, dans l’Europe « connue », six entités politiques plus ou moins nettement définies : la Papauté, le monde romain occidental (en voie de disparition), le monde grec, l’ancienne Gaule, devenue le Regnum Francorum, la péninsule ibérique, et les Iles Brittoniques. Au-delà du Rhin et du Danube se trouvait un vaste espace peuplé de « Barbares » dont la culture était quasi inconnue. Cinq cents ans plus tard, cette énumération s’est complétée de la Russie, de la Pologne, de la Hongrie, de la Bulgarie … et de l’Islam, venant contrebalancer l’influence de la Papauté romaine et du Patriarcat byzantin. Mais l’Europe n’a pas encore terminé sa mutation. D’autres états émergeront durant le Bas Moyen-âge : le Portugal, qui devra sa naissance à la bravoure d’un duc de Bourgogne, les états scandinaves (Norvège, Suède, Danemark), l’empire ottoman (avec son corollaire : la disparition de la Russie) … et quelques royaumes chrétiens, fondés en terres d’Islam, mais qui n’auront qu’une existence éphémère. Cette courte énumération signifie que le bas Moyen-âge sera, pour l’Europe, aussi riche en mutations diverses que le haut Moyen-âge qui vient de prendre fin.