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Les bureaux se sont métamorphosés, le
travail se modifie, les modes de management
ont évolué. Les entreprises deviennent
citoyennes et les bâtiments sont respectueux
de l’environnement. Dans cette affluence de
changements, qu’en est-il de la conception
et de la construction des immeubles de
bureaux ? Les architectes ont-ils eux aussi
bouleversé leurs habitudes et leurs manières
de faire ? Jean-Paul Viguier a dessiné et
conçu un grand nombre de sièges sociaux
en France. Projet après projet, le créateur
de Cœur Défense participe activement à la
transformation de l’architecture tertiaire.
Photo Zabou Carriere
Jean-Paul Viguier
Un architecte en
mouvement
« La construction d’un nouveau siège social est un bouleversement
pour une entreprise, car par ses propositions, l’architecte provoque de
fait l’évolution des pratiques de travail » explique Jean-Paul Viguier.
« Ce sont de nouvelles solutions techniques qui ont permis à une
époque donnée la conception de très larges plateaux sans piliers ;
les façons de travailler et la représentation hiérarchique s’en sont
trouvées immédiatement transformées. L’architecte Richard Rogers
a initié le mouvement : faire tomber les cloisons, ouvrir les esca-
liers et montrer les déplacements ; le travail dans sa variété et sa
multiplicité d’actions ne se cachait plus ». Aujourd’hui un plateau
Tour Majunga, La Défense, Paris,
Document : L’autre image
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Siège social SFR , Saint-Denis
Réalisations
Cœur Défense, Paris
IBM France, Bois-Colombes, 2010
L’Atrium, Boulogne-Billancourt, 1991
Bureaux, Cœur Bastide, Bordeaux, 2012
Hôtel Sofitel Water Tower, Chicago, 2002
Pôle de Commerces et de Loisirs, Lyon, 2012
Quartier de l’amphithéâtre, Metz, en cours
Aménagements, Pont du Gard, Nîmes, 2000
France Télévision, Paris 15e, 1998
Parc André Citroën, Paris 15e, 2000
Cœur Défense, Paris La Défense, 2001
Tour Majunga, Paris, La Défense, en cours
Médiathèque, Reims, 2002
Campus SFR, Saint-Denis, en cours
GEC Alsthom, Saint-Ouen, 1996
Immeuble mixte, place Vörösmarty, Budapest, 2007
The McNay Art Museum, San Antonio Texas, 2008
Muséum d’histoire naturelle, Toulouse, 2008
Siège d’AstraZeneca, Rueil-Malmaison, 1997
Siège de Prisma Presse, Gennevilliers, 2010
Maquette « Cool model » Siège du journal l’Équipe, Boulogne-Billancourt, 2008
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4. Un architecte en mouvement a & d | 9
New-York City, Projet
ouvert et des aménagements intérieurs sophistiqués sont devenus Jean-Paul Viguier travaille toujours en étroite proximité avec les
des modèles courants de l’organisation spatiale des espaces de tra- futurs utilisateurs, pourtant le processus de conception d’un bâti-
vail. « La position d’un collaborateur dans l’entreprise ne s’exprime ment tertiaire s’est modifié notablement au cours des années. « Le
plus par la dimension d’un bureau individuel mais par la nature principal changement vient de la façon dont la maîtrise d’ouvrage
de son travail effectué aux yeux de tous. L’exposition du travail est structurée. Longtemps le commanditaire finançait seul son futur
dans son mouvement, dans sa dynamique, est une idée qui n’a siège social et la relation entre le maitre d’ouvrage et l’architecte
pas gagné les pays latins où le travail est toujours vécu comme une était directe. Aujourd’hui le montage financier des opérations
contrainte. Les anglais éprouvent un plaisir sincère immobilières implique un plus grand nombre d’ac-
à voir les gens travailler » note Jean-Paul Viguier. L’espace est teurs. » Un projet se met en place selon le schéma sui-
La création d’un siège social correspond très souvent une matière en vant : un promoteur et une entreprise avec un besoin
à la nécessité de rassembler des collaborateurs sur transformation d’immobilier tertiaire recrutent ensemble un architecte
un même lieu suite à des rachats d’entreprises, une en lançant un concours pour que soit imaginé un
fusion ou une restructuration. Le rôle de l’architecture est de créer un bâtiment. Lorsque l’architecte est choisi, l’entreprise se retire du
bâtiment cohérent qui extérieurement exprime l’unité de l’entreprise montage et se positionne comme le futur locataire des bureaux à
tandis que l’espace intérieur doit aider les collaborateurs (qui souvent construire. Le locataire étant trouvé, le promoteur cherche alors un
se connaissent peu) à bien travailler ensemble. La mission de tout investisseur pour lui vendre le projet immobilier et assurer ainsi
architecte est donc de concevoir une solution en trois dimensions en le financement de la construction.
réponse à des demandes parfois complexes ou contradictoires. Ce
qui est essentiel, c’est de trouver un langage, des outils de médiation Face à cette multiplicité d’interlocuteurs, l’architecte
pour que la compréhension entre le commanditaire et l’architecte doit créer un projet immobilier moderne et innovant ;
soit fluide. « Lorsque je conçois un siège social, je travaille en direct il doit œuvrer sans céder aux requêtes des uns et des autres qui
avec le futur occupant. Le dialogue est toujours passionnant, j’écoute sont souvent persuadés qu’un immobilier banal et standard a plus
les attentes et les besoins, les espoirs ; un nouveau bâtiment peut de chances de plaire à de futurs locataires. Dans le montage d’un
apporter beaucoup à une entreprise. Aux questionnements je réponds projet immobilier tertiaire, toutes les parties engagées ont des res-
bâti, espace, façon d’occuper les lieux mais surtout j’utilise des cool ponsabilités. « Une vision du projet doit se dégager et s’exprimer
models, des maquettes d’assemblage à la plus petite échelle possible. clairement » souligne Jean-Paul Viguier. « Le choix de l’architecte
Grâce à cela le projet devient plus perceptible et accessible, le futur est fondamental, il doit être capable de construire cette vision. »
occupant peut prendre la maquette en main, la manipuler, avoir Une idée couramment répandue laisse entendre que plus un bâti-
conscience de sa structure. Cet outil représente le bâtiment au mini- ment est adapté à son premier utilisateur moins il conviendra à
mum de l’idée et le met en jeu par rapport à l’espace. » des utilisateurs futurs. C’est une idée fausse : « une forte identité
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5. 10 | a & d
Pôle de Commerces et de Loisirs
Confluence de Lyon
Photo : Takuji Shimmura
architecturale est une garantie de valeur patrimoniale sur le long utilisé habituellement à plat pour habiller les parois et les façades
terme pour l’immobilier tertiaire » constate l’architecte. « Éviter la des immeubles et s’en est servi pour réaliser des structures. Ce
banalité et préférer la modernité n’entre pas en contradiction avec nouvel usage a modifié immédiatement et radicalement ce maté-
la recherche d’un équilibre entre ce qui est durable, utile et beau ». riau. Il cherche sans cesse à tirer parti de techniques nouvelles.
Jean-Paul Viguier tient compte du contexte dans lequel un nouveau Aujourd’hui il s’attache à construire avec moins de matière, à
bâtiment sera construit. Il aime prendre le temps d’arpenter longue- réaliser des « bâtiments secs », plus légers et plus transparents.
ment un quartier, une zone en friche avant de construire. Le futur Pour construire il privilégie les plaques pré-industrialisées de plâtre,
édifice et le territoire existant sont pour lui indissociablement liés. de béton ou d’acier, du bois. « Le chantier sec est un chantier
« De nouveaux bâtiments transforment fondamentalement le quar- moderne ; travailler avec des éléments secs permet de faire bou-
tier ou la ville où ils sont construits : ils fondent ger davantage les formes. Cette liberté d’action
le lieu » décrypte Jean-Paul Viguier. Avant toute Tout lieu exige permet d’édifier des bâtiments fonctionnels pour
construction ou rénovation, l’architecte passe une réponse les utilisateurs mais aussi plus attrayants, ori-
beaucoup de temps à comprendre une région, à architecurale unique ginaux et modernes. » A Lyon Confluence une
s’imprégner de son histoire, de sa culture. « On toiture réalisée en coussins se révèle être l’élé-
ne bâtit pas à Chicago comme à Paris, Asnières ou Budapest » ment fondateur d’un bâtiment abritant de très nombreuses acti-
rappelle-t-il. Un futur bâtiment se crée en fonction des attentes des vités et incarne par extension le point de ralliement symbolique
différents interlocuteurs du projet, mais pas seulement. Selon les autour duquel s’organise tout un quartier. Jean-Paul Viguier est
pays, les relations avec l’architecture sont teintées d’enthousiasme un adepte du mouvement, celui qui permet d’initier des trans-
ou de suspicion. « Budapest est une ville sophistiquée, complexe, formations d’envergure. « La modernité naît du mouvement des
et tout architecte a d’office les habitants contre lui. A l’opposé idées et des concepts ».
Chicago est une ville radicale, ses habitants sont imprégnés de
la tradition moderne du Bauhaus, ils accompagnent l’architecte à De nouvelles manières de concevoir l’architecture,
chaque nouveau projet emblématique » décode Jean-Paul Viguier. inspirées du modèle hollandais de « l’atelier »,
Ces phénomènes se répètent à des échelles moindres, comme celles se développent aujourd’hui en France. Des architectes
d’un centre-ville ou d’une zone d’aménagement. travaillent en concertation avec un directeur d’atelier. « Chacun
Jean-Paul Viguier observe que des « métamorphoses s’opèrent apporte ses travaux, ils sont discutés collectivement, adaptés pour
spontanément ; les conventions et les idées changent, la société se qu’ils s’intègrent à l’ensemble, pour que se créent des synergies. »
renouvelle sous l’effet d’un effort collectif, d’un consensus social. » Selon cette méthodologie Jean-Paul Viguier a dirigé à Metz la
L’architecte cherche « en agissant sur un point donné à accélérer refondation du quartier autour du centre Georges Pompidou (170
ces transformations. » Jean-Paul Viguier s’est emparé du verre 000 m²). Dans un cadre similaire, il participera en tant qu’archi-
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Bureaux, Coeur de Bastide, Bordeaux
Photo : Takuji Shimmura
tecte au projet de rénovation du quartier de Clichy-Batignolles à
Paris. Les créations en atelier transforment les habitudes de travail
des architectes. La concertation et l’échange entre pairs favorisent
l’implantation équilibrée de nouveaux édifices dans des zones où le
bâti est déjà dense. Dans la période de l’après guerre, de nombreux
immeubles de grande hauteur ont été construits sur un même
modèle et donnaient le sentiment d’une architecture répétitive,
morne, toujours la même où que l’on aille. « Le travail à sec, les
nouvelles matières, les structures en bois et en métal, les façades
en aluminium et en bois permettent désormais de construire des
tours claires et agréables. » De plus les sièges sociaux ne sont
plus conçus comme des repaires ou des forteresses. « Les tours
tertiaires modernes ne fonctionnent plus égoïstement en vase clos »
analyse Jean-Paul Viguier. « De plus en plus on réfléchit très en
amont à comment partager ou mutualiser certains espaces ou
services et à en faire bénéficier des entreprises voisines ou des
habitants des zones résidentielles proches. » Des balcons végéta-
lisés, des terrasses privatives, des loggias d’étage, des jardins en
sortie d’étage, des salles de réunions accessibles aux habitants des
quartiers proches, des restaurants ouverts à tous les publics, des
services installés dans les étages supérieurs transforment radica- Lyon, Pôle de Commerces
et de Loisirs Confluence
lement une tour. « Les tours délaissent la sévérité et deviennent Photo : Takuji Shimmura
des totems urbains, architecturalement intéressants, écologique-
ment équilibrées. » « Les tours vont de nouveau séduire le grand
public » pronostique l’architecte. Les nouvelles configurations qu’il
imagine induisent de nouveaux usages des espaces ; les immeubles
de bureaux conçus par Jean-Paul Viguier anticipent de facto les
évolutions des modes de travail dans le secteur tertiaire.
Pour aller plus loin
• Jean-Paul Viguier, Architecte,
Brigitte Mantel Éditions Odile Jacob, 2009
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