Intervention journée "Les Digital Humanities, un renouvellement des questionnements et des pratiques en SHS-ALL ?" - Université Toulouse II, 28 mai 2013.
2. Humanités numériques ?
« Les digital humanities désignent une
transdiscipline, porteuse des méthodes, des
dispositifs et des perspectives heuristiques liés au
numérique dans le domaine des Sciences
humaines et sociales. »
Manifeste des Digital humanities
7. Question (et paradoxe…)
Y a-t-il convergence entre les principes et
valeurs affichés par les Digital Humanities et
un recours effectif à des licences libres (au
sens propre du terme) pour diffuser les
résultats de la recherche ?
En pratique, c'est loin
d'être toujours le cas…
8. Par echiner1. CC-BY-SA.
« Si la nature a rendu moins susceptible
que toute autre chose l’appropriation
exclusive, c’est bien l’action du pouvoir
de la pensée que l’on appelle une idée,
qu’un individu peut posséder de façon
exclusive aussi longtemps qu’il la garde
pour lui ; mais au moment où elle est
divulguée, elle devient la possession de
tous, et celui qui la reçoit ne peut pas en
être dépossédé. Sa propriété
particulière, aussi, est que personne ne
la possède moins parce que tout le
monde la possède. Celui qui reçoit une
idée de moi reçoit un savoir sans
diminuer le mien ; tout comme celui
qui allume sa bougie à la mienne reçoit
la lumière sans me plonger dans la
pénombre. Que les idées circulent
librement de l’un à l’autre partout sur la
planète. »
Thomas Jefferson
Connaissance et
appropriation
9. La connaissance envisagée
comme bien commun
« On parle de « bien commun » chaque fois qu'une
communauté de personnes est animée par le même
désir de prendre en charge une ressource dont elle
hérite ou qu'elle crée et qu'elle s'auto-organise de
manière démocratique, conviviale et responsable
pour en assurer l'accès, l'usage et la pérennité dans
l'intérêt général et le souci du 'bien vivre' ensemble
et du bien vivre des générations à venir » - Alain
Ambrosi
Elinor Ostrom – Charlotte Hesse :
Understanding Knowledge As A Commons
PauloBrandao.CC-BY-SA.
15. Droit d’auteur et productions
scientifiques Horia Varlan CC-BY
- Les communautés scientifiques
produisent des données, des œuvres,
des contenus pédagogiques ;
- Chercheurs et enseignants sont le
plus souvent des agents publics ;
-En principe, les agents publics ne
bénéficient que d’un droit d’auteur
affaibli (loi DADVSI), limité au droit de
paternité, le reste étant
automatiquement cédé à l’Etat ;
- Mais la loi ménage une exception, qui
permet aux professeurs et aux
chercheurs de rester titulaires des
droits sur leurs créations.
Titulaires des droits sur leurs créations, les
communautés scientifiques sont donc en
mesure de peser sur leurs conditions de
diffusion.
16. Une situation complexe…
Titulaires de leurs droits, les
chercheurs sont en capacité
de les ouvrir, notamment
en utilisant des licences
libres.
Mais on ne peut les forcer à
le faire (ou difficilement) et
ils restent libres de céder
leurs droits à des tiers.
17. Mais le droit d’auteur a-t-il vraiment
un sens s’agissant des chercheurs ?
En tant que chercheur, la plupart des droits d’auteur que
je détiens portent sur des textes dont l’intérêt repose
sur le fond et non sur la forme. Je ne suis pas romancier
ni poète : du moment que mes textes sont clairs, bien
structurés et concis, mes lecteurs s’en contenteront,
sans que je sois tenu de faire du style […] la valeur des
textes que je peux écrire (si valeur il y a – aux reviewers
de le dire) tient dans les informations contenues dans le
texte, c’est à dire dans les archives dépouillées, dans la
mise en œuvre d’une culture historique, ainsi que dans
la capacité à rapprocher des faits afin de leur donner
une signification, dans la capacité à analyser des
données, les contextualiser, les expliquer, faire
des hypothèses puis tenter de les démontrer.
Or, le droit d’auteur repose sur la forme. Plagier
consiste à copier les phrases dans leur termes exacts (ou
très proches). En revanche, reprendre les informations
contenues dans un article ou un livre pour les publier
ailleurs n’est pas réprimé.
Rémi Mathis. Le droit d’auteur n’a aucun
sens pour un chercheur.
Par Christopher Dombres. CC-BY
18. Et pourtant, un hyper-sensibilité au
plagiat
Pétition : refusons de fermer les yeux sur le
plagiat dans la recherche.
Lorsque les diplômes et les
publications deviennent des
accessoires destinés à habiller
les apparences d'une autorité
intellectuelle ou artistique,
lorsqu'ils servent de tickets
d'entrée dans une institution
pour mieux en gravir les
échelons, lorsqu'ils prospèrent
sur le terrain de l'imposture et
de l'usurpation, c'est
l'ensemble de la communauté,
quelle qu'elle soit, littéraire,
politique ou spirituelle, qui se
sent flouée, pour ne pas dire
trahie.
Plagiat : les nouveaux faussaires.
Hélène Maurel-Indart
19. Un exemple de dérive….
Risque d’appropriation
d’éléments fondamentaux
(langage, faits, informations,
etc).
20. Libre accès, situation de crise ?
Pétition anti-elsevier et désabonnement de la bibliothèque d’Harvard
21. Par marinephotobank. CC-BY
Des pratiques de recherche
souvent engluées dans
les contraintes du droit d’auteur
La recherche et l'enseignement
nécessitent par définition de
réutiliser des œuvres protégées.
22. L’exception pédagogique et de recherche (art. L. 122-5.3)
La représentation ou la reproduction d'extraits d'œuvres, sous réserve des
œuvres conçues à des fins pédagogiques, des partitions de musique et des
œuvres réalisées pour une édition numérique de l'écrit, à des fins exclusives
d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à
l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que le public
auquel cette représentation ou cette reproduction est destinée est composé
majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants ou de chercheurs
directement concernés, que l'utilisation de cette représentation ou cette
reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu'elle est
compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans
préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie
mentionnée à l'article L. 122-10.
22
Pratiques de recherche et droit d’auteur en France
Un espoir d’évolution ? (Loi Peillon, Loi ESR, rapport Lescure)
23. Une situation ubuesque de complexité
"[Réutiliser un extrait tiré d'un manuel]? Pas plus de 4 pages consécutives,
pour une partition, 3 pages, pour un ouvrage de formation musicale, mais
pour un livre, 5 pages qui, dans le nouvel accord peuvent ne plus être
consécutives. En outre, l’extrait ne doit pas représentent plus de 20 % de
la pagination totale pour un ouvrage, pas plus de 10 % pour un
périodique, pas plus de 5% pour un OCFP etc.
Les précisions sur la notion d’extraits sont utiles pour donner un ordre de
grandeur, mais difficiles à respecter de manière scrupuleuse : va-t-on
calculer à chaque fois qu’on n’a pas dépassé les 20 % accordés ou le
nombre de 20 photos par travail pédagogique ?"
Michèle Battisti. Une exception pédagogique toujours complexe.
Comment innover dans ces conditions ?
24. Open Access, interrogations…
Par hto2008. CC-BY-NC
Interrogation sur la généralisation du modèle auteur/payeur et
questions sur la soutenabilité à long terme de l’Open Access
25. En SHS, nouveaux modèles et crispations…
Troisième voir pour l’Open Access :
Platinum
Modèle de Freemium d’OpenEdition
Modèle économique de vente de services aux bibliothèques,
sous forme d’abonnements
26. Open Access et licences libres : vers un paradoxe ?
Il existe des archives ouvertes utilisant les Creative Commons
(Ex : PLoS aux USA), mais elles fonctionnent souvent sur
un modèle auteur-payeur problématique et difficilement
transposable aux SHS. Dans le même temps, les plateformes
françaises de diffusion en libre accès des résultats de la recherche
ne promeuvent pas activement les Creative Commons. Quelle articulation
à terme entre licences libres et Open Access dans les SHSH ?
27. http://farm4.staticflickr.com/3505/3317232542_b4c2435583_z.jpg
Les ambiguïtés de la numérisation
c’est lorsqu’une œuvre a été numérisée que la
notion de domaine public prend vraiment tout
son sens, puisqu’elle peut alors être infiniment
copiée et que l’accès ne fait qu’en augmenter la
valeur. L’acte de numérisation d’une œuvre du
domaine public est un acte qui crée des droits
pour tout un chacun, pas un acte au nom duquel
on pourrait nous en priver. (Philippe Aigrain)
28. Ce que la numérisation fait aux images
Le droit aux images à l’ère de la
publication électronique.
19/12/2006
« Pour les œuvres relevant du domaine
public, il existe une différence essentielle
entre les contenus textuels et les
contenus iconographiques. Alors que
n’importe quel éditeur est libre de
réimprimer sans bourse délier un roman
de Victor Hugo ou un recueil de poèmes
de Charles Baudelaire, à quelques
exceptions près, le domaine public
n’existe pas réellement pour les œuvres
visuelles. Une image ne quitte le
territoire du droit d’auteur que pour
entrer dans celui du droit patrimonial :
elle appartient toujours à une collection
ou un ayant droit qui en octroie les
reproductions selon son bon vouloir. »
ParMarionBoucharlatpourOWNI.CC-BY-NC-SA.
29. 29
Vous avez dit « Copyfraud » ?
Arago – Le portail de
la photographie
Photographies
copyrightées, même lorsque
les œuvres sont dans le
domaine public
Mentions légales ne
permettent que la
consultation et suppriment le
droit à la copie privée
Verrouillage technique :
clic-droit désactivé
Affaire des Accords BnF : Copyfraud, le ministère de la Culture
privatise le domaine public
30. 30
Numérisation dans le respect du domaine public
Carnets géologiques de Philippe Glangleaud –
Clermont Université
Manifeste du domaine
public de Communia
« Ce qui est dans le domaine
public doit rester dans le
domaine public »
31. L’affaire Aaron Swartz
.
Nous avons besoin de récolter
l’information où qu’elle soit
stockée, d’en faire des copies et
de la partager avec le monde.
Nous devons nous emparer du
domaine public et l’ajouter aux
archives. Nous devons acheter
des bases de données secrètes
et les mettre sur le Web. Nous
devons télécharger des revues
scientifiques et les poster sur
des réseaux de partage de
fichiers. Nous devons mener le
combat de la guérilla pour le
libre accès.
Manifeste de la guerilla pour le
libre accès
33. « Dans le cadre du programme Persée, des outils technologiques
permettent d'isoler les contributions de chacun des auteurs afin qu'une
demande d'autorisation de diffusion sous une forme numérique puisse
être individuellement requise. Les revues recherchent les auteurs ou leurs
ayants droit et adressent un courrier individuel aux auteurs pour lesquels
une adresse récente a pu être identifiée. Cette procédure longue et
complexe est le garant du respect du droit d'auteur auquel le programme
Persée est attaché.
Néanmoins, la visibilité des revues françaises sur les réseaux étant
fondamentale pour la recherche française dans le contexte actuel et dans
un souci de cohérence des collections, il a été décidé :
• en l'absence de réponse dans un délai de trois mois à dater du jour
d'envoi du courrier, l'article correspondant sera diffusé. Si un auteur
souhaite retirer son article du portail, sa demande sera prise en compte à
compter de la réception de son courrier.
• cette clause ne concerne pas les reproductions (illustrations...) dont la
diffusion ne sera effective que si l'autorisation explicite a été donnée,
en dehors de tout délai »
Œuvres orphelines, œuvres épuisées
et limites à la numérisation
L’exemple du programme Persée
34. Aux Etats-Unis, espoirs du côté du projet de la DPLA
Le défi est considérable mais
nous sommes prêts: tout
fonctionne parfaitement sur
le plan technique, nous avons
une équipe et des bureaux à
Boston, et nous sommes
soutenus financièrement par
plusieurs fondations qui sont
à nos côtés depuis le début.
Le seul problème, mais il est
capital, concerne le droit
d'auteur. Robert Darton.
« Le public doit avoir accès à toute la
littérature du Xxème siècle »
35. En France, la loi sur les livres
indisponibles et le registre ReLIRE
De nombreux ouvrages scientifiques en
SHS ou de livres de presses universitaires
figurent dans le registre.
36. Les licences libres, pour que les Digital
Humanities contribuent aux biens communs
37. Les licences libres pour la diffusion
des images de la recherche
MédiHAL : Archive ouverte de
photographies et d’images scientifiques
40. Les licences libres pour les manuels
Et les manuels universitaires libres
devinrent réalité en Californie
41. Un enjeu : donner effectivement le choix du recours aux
licences libres aux chercheurs lorsqu'ils publient
Pour cela, il faut que la possibilité d'utiliser les licences
libres soient directement proposée aux chercheurs dans
les interfaces de publication.
Exemple : pourquoi ne peut-on pas choisir
explicitement de placer les articles déposés sur HAL
sous licence Creative Commons ?
A définition d'un recours obligatoire, imposé par les
textes, au moins donner aux chercheurs, titulaires des
droits, la possibilité de choisir.
42. 42
L’ouverture des données de la recherche, nouvelle frontière ?
Licence ouverte Etalab
Quelle place pour les données de la recherche dans l’Open Data ?
Avec là encore des paradoxes : Le groupe Nature a choisi de libérer
les métadonnées de 450 000 articles sous licence CC0.
Quel exemple équivalent citer du côté des structures publiques en France ?
43. Ambiguïté du terme « ouvert », le cas des MOOC
Affordance : De qui se MOOC t’on ?
44. Ambiguïté du partage : le cas des réseaux sociaux de chercheurs
Avril 2013 : rachat de
Mendeley par Elsevier
= risque majeur de captation
de données et d'enclosures
sur des données
volontairement partagées
45. Faire évoluer les choses par l’éthique ?
Avis du Comité
d’Ethique du CNRS du
29 juin 2012 sur le
Libre Accès aux
publications
scientifiques.