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VIE DE CLINIQ uE

emploi

AAron AmAt - FotoliA

Quel avenir pour
nos jeunes femmes

Les jeunes ont peur du lendemain. Les étudiants vétérinaires sont essentiellement des femmes.
avenir.

Par Christelle Fournel
32

vetlife N°56 - octobre 2013
oixante-trois pour cent des
vétérinaires se sentent menacés par la possibilité donnée
à un confrère de posséder plusieurs
cliniques (enquête de branche I+C,
novembre 2009) et un tiers pratique
seul : les libéraux s’affichent comme
de farouches indépendants !
Les réseaux de cliniques se multiplient eu égard à la féminisation
de la profession, à leur envie de
salariat, de vie de famille et à l’impossibilité d’investir suite à la crise
économique.
C’est l’avis de certains experts en
management vétérinaire. Qu’en
pensent les principales concernées,
nos jeunes vétérinaires femmes,
fraîchement moulues de l’école ?
Trouver un emploi à pleinTempS, paS Si facile
Pour Nina (Alfort 2012), trouver un
emploi à temps plein correctement
rémunéré fut rude.
Sa promotion «  de transition  » a
bénéficié de quelques mois de pratique en plus. Heureusement, car
les vétérinaires installés cherchent
des remplaçants attestant d’une
expérience significative. Avec  2
à 3 ans de clinique, Nina a ainsi été
reçue dans les cliniques, contrairement aux générations futures qui
sortiront avec moins d’expérience
pratique et devront aller chercher
un diplôme de spécialiste européen pour faciliter leur embauche.
Comme par le passé, le parcours
gagnant passe par les gardes dans
une belle structure, avec l’espoir
d’être embauché de jour, par la
suite. Mais les places y sont chères
et souvent prises d’assaut par certains étudiants privilégiés.
À l’exigence des vétérinaires s’ajoute une baisse de
l’offre…
Les libéraux réduisent leurs frais
à cause du contexte économique
défavorable. Le travail à temps

DoC rABE mEDiA - FotoliA

S

plein en Île-de-France  : mieux
vaut oublier ! Seuls le mercredi et
le samedi sont demandés. Quand,
fatalement, on arrive à travailler pour deux ou trois cliniques,
les employeurs se battent pour
les remplacements pendant les
vacances –  cette problématique
ancienne semble s’amplifier.
Alors Nina a trouvé un emploi à
temps plein à 1 h 30 de Paris, dans
une seule clinique. Elle accepte
volontiers cette solution : compte
tenu du salaire conventionnel des
vétérinaires, elle n’aurait pas les
moyens de vivre à Paris. En effet,
cadre débutant, elle touche une rémunération de 2 100 € bruts/mois.
… et des salaires
En comparaison, une étude du cabinet Towers Perrin pour L’Expansion (2010) donne un salaire à l’embauche de 31 500 € bruts annuels
minimum (2 625 €/mois) pour les
écoles d’ingénieurs, 31 000 € pour
les écoles de commerce. Bien
entendu, ajouter à cela la part
variable, participation et intéressement, habituels dans les grandes
entreprises… Même si les jeunes
d’HEC Paris ont vu leur rémunération se dégrader de 7 %, à euros

constants en douze ans (Conférence des grandes écoles, enquête
insertion professionnelle 2012), ils
ne font pas partie des plus mal lotis.
En outre, plus de 80 % des jeunes
issus d’une école de commerce ou
d’ingénieur décrochent un emploi
(à temps plein !), moins de deux
mois après la fin du cursus.
Mesdemoiselles, arrêtez de penser
qu’en suivant l’un des cursus les
plus difficiles qui soient en France,
on gagne bien sa vie !
la féminiSaTion de la profeSSion eST-elle liée à la baiSSe
Tous secteurs confondus, il existe
bien une différence de salaire
entre hommes et femmes contre
laquelle luttent de plus en plus de
femmes… Pour s’en convaincre, il
suffit de lire le rapport du cabinet
McKinsey (Women Matter 2012 Making the Breakthrough), d’assister à une conférence sur le leadership des femmes en école de
commerce ou de faire partie de
réseaux comme EPWN (European
Professional Women’s Network).
Ces actions quasi-féministes reflètent un besoin croissant d’autonomie financière et de reconnaisvetlife N°56 - octobre 2013

33
VIE DE CLINIQ uE

emploi
sance sociétale de la femme dans
sa singularité. L’homme représente désormais le cocon familial stabilisateur qui permet à la
femme de s’émanciper.
Un métier de passion, encore
et toujours
Alors pourquoi voit-on de plus en
plus de femmes dans les écoles
vétérinaires ?
En posant la question à nos
jeunes consœurs, il m’a été répondu que ce métier est un rêve
de petite fille et que la force physique n’est plus aussi nécessaire
qu’auparavant. La prépa Bio-Véto, riche en biologie, attire plutôt
les filles qui font preuve de persévérance pour s’accrocher à ce
rêve… Et les lycéens ne posent
pas la question des salaires lors
de leur orientation. Donc la féminisation ne s’expliquerait pas par
la paupérisation de la profession,
mais par une volonté d’atteindre
son rêve et d’avoir un métier
proche du vivant…
Alors pourquoi ne pas s’associer ?
Si la position de salarié en structure vétérinaire ne semble pas
très confortable, pourquoi ne pas
s’associer rapidement ? La réponse
est simple : l’expérience pratique
en sortant de l’école est pauvre, les
bas salaires ne leur permettent pas
d’apporter des fonds (donc des garanties) suffisants pour décrocher
un prêt bancaire. Étonnant, pour
une profession qui avait la réputation de ne pas connaître la crise…
Autrement dit, plusieurs solutions
pour s’installer aujourd’hui : procéder comme hier (on reprend
la clinique de Papa), gagner au
Loto, épouser un homme riche,
ou enfin bifurquer vers un métier
plus lucratif avant de revenir à la
pratique. Bref, mieux vaut être née
sous une bonne étoile…
34

Oui et non, ça dépend des situations et des tempéraments.

vetlife N°56 - octobre 2013

uE AyBl
norw

liA

Foto
monkEy BusinEss - FotoliA

de la profession, mais par une volonté d’atteindre son rêve

une généraTion de réSeauTeurS Qui refuSenT de Travailler à la chaîne…
On dit que les jeunes s’intéressent plus aux loisirs, aux
amis et à la famille, que leur
travail compte moins, qu’ils
refusent les responsabilités et
l’esclavage en entreprise. Tout
cela me paraît discutable… ne
serait-ce pas le contraire ?
Les jeunes veulent travailler,
apprendre et se développer. En
revanche, la crise, la hausse du
chômage, les licenciements récurrents et les nouveaux statuts
professionnels (portage salarial,
auto-entrepreneur, marketing
de réseaux…) font entrevoir de
nouvelles façons de gagner sa
vie. Les employés n’ont plus de
repères. Les jeunes, en perte de
confiance, doivent en retrouver.
Face à cet environnement instable, ils prennent leur ancrage
dans un milieu familial, amical et
de loisirs plus épanouissants.
Pourtant, conscients de cette nécessité d’adaptation, ils sont devenus

agiles. La sécurité de l’emploi importe moins ; ils souhaitent s’épanouir dans une activité professionnelle qui a du sens pour eux et
cherchent une reconnaissance
pour eux-mêmes plutôt que par
leur statut. Les « travailleurs » d’hier
deviennent des « volontaires payés »
en recherche d’authenticité et de
confiance dans les relations. L’entreprise doit incarner les valeurs
qu’elle revendique et offrir un environnement de travail en cohérence
avec ces valeurs.
Nos jeunes vétérinaires n’adhéreront à un réseau de clinique que s’il
y a cohérence entre la stratégie, le
positionnement, la culture d’entreprise et le paradigme. Volatils, ils
diversifieront éventuellement leurs
sources de revenu (un salariat sécurisant financièrement un projet
entrepreneurial par exemple).
D’après les vétérinaires interrogées, les jeunes sortent encore
des écoles avec de grosses lacunes
en management vétérinaire. C’est
pourquoi en s’installant, elles auront besoin d’un accompagnement

personnel qualifié ; à l’itinérant en
échographie d’hier, s’ajoutera demain le spécialiste en comptabilité
analytique vétérinaire.

Ainsi, rien ne permet à ce jour
d’affirmer que nos jeunes vétérinaires préféreront se salarier
dans des réseaux de cliniques
plutôt que d’avoir leur propre
structure. Ils auront simplement
plus de choix ! Si l’occasion leur
en est donnée, ils continueront à
s’installer par volonté d’indépendance. Les vétérinaires, tout au
moins en France, qui sont choisis
pour leur esprit bien structuré, ont
acquis de multiples compétences
et une démarche analytique et
synthétique irréprochable. Ils ne
manquent pas d’imagination et
sont tout à fait capables de se
réinventer. Puisque le meilleur arrive lorsqu’on se trouve en dehors
de notre zone de confort, faisons
donc confiance aux jeunes générations : elles sauront trouver les
clés de leur réussite. ;-)
I
vetlife N°56 - octobre 2013

35

	
  

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  • 1. VIE DE CLINIQ uE emploi AAron AmAt - FotoliA Quel avenir pour nos jeunes femmes Les jeunes ont peur du lendemain. Les étudiants vétérinaires sont essentiellement des femmes. avenir. Par Christelle Fournel 32 vetlife N°56 - octobre 2013
  • 2. oixante-trois pour cent des vétérinaires se sentent menacés par la possibilité donnée à un confrère de posséder plusieurs cliniques (enquête de branche I+C, novembre 2009) et un tiers pratique seul : les libéraux s’affichent comme de farouches indépendants ! Les réseaux de cliniques se multiplient eu égard à la féminisation de la profession, à leur envie de salariat, de vie de famille et à l’impossibilité d’investir suite à la crise économique. C’est l’avis de certains experts en management vétérinaire. Qu’en pensent les principales concernées, nos jeunes vétérinaires femmes, fraîchement moulues de l’école ? Trouver un emploi à pleinTempS, paS Si facile Pour Nina (Alfort 2012), trouver un emploi à temps plein correctement rémunéré fut rude. Sa promotion «  de transition  » a bénéficié de quelques mois de pratique en plus. Heureusement, car les vétérinaires installés cherchent des remplaçants attestant d’une expérience significative. Avec  2 à 3 ans de clinique, Nina a ainsi été reçue dans les cliniques, contrairement aux générations futures qui sortiront avec moins d’expérience pratique et devront aller chercher un diplôme de spécialiste européen pour faciliter leur embauche. Comme par le passé, le parcours gagnant passe par les gardes dans une belle structure, avec l’espoir d’être embauché de jour, par la suite. Mais les places y sont chères et souvent prises d’assaut par certains étudiants privilégiés. À l’exigence des vétérinaires s’ajoute une baisse de l’offre… Les libéraux réduisent leurs frais à cause du contexte économique défavorable. Le travail à temps DoC rABE mEDiA - FotoliA S plein en Île-de-France  : mieux vaut oublier ! Seuls le mercredi et le samedi sont demandés. Quand, fatalement, on arrive à travailler pour deux ou trois cliniques, les employeurs se battent pour les remplacements pendant les vacances –  cette problématique ancienne semble s’amplifier. Alors Nina a trouvé un emploi à temps plein à 1 h 30 de Paris, dans une seule clinique. Elle accepte volontiers cette solution : compte tenu du salaire conventionnel des vétérinaires, elle n’aurait pas les moyens de vivre à Paris. En effet, cadre débutant, elle touche une rémunération de 2 100 € bruts/mois. … et des salaires En comparaison, une étude du cabinet Towers Perrin pour L’Expansion (2010) donne un salaire à l’embauche de 31 500 € bruts annuels minimum (2 625 €/mois) pour les écoles d’ingénieurs, 31 000 € pour les écoles de commerce. Bien entendu, ajouter à cela la part variable, participation et intéressement, habituels dans les grandes entreprises… Même si les jeunes d’HEC Paris ont vu leur rémunération se dégrader de 7 %, à euros constants en douze ans (Conférence des grandes écoles, enquête insertion professionnelle 2012), ils ne font pas partie des plus mal lotis. En outre, plus de 80 % des jeunes issus d’une école de commerce ou d’ingénieur décrochent un emploi (à temps plein !), moins de deux mois après la fin du cursus. Mesdemoiselles, arrêtez de penser qu’en suivant l’un des cursus les plus difficiles qui soient en France, on gagne bien sa vie ! la féminiSaTion de la profeSSion eST-elle liée à la baiSSe Tous secteurs confondus, il existe bien une différence de salaire entre hommes et femmes contre laquelle luttent de plus en plus de femmes… Pour s’en convaincre, il suffit de lire le rapport du cabinet McKinsey (Women Matter 2012 Making the Breakthrough), d’assister à une conférence sur le leadership des femmes en école de commerce ou de faire partie de réseaux comme EPWN (European Professional Women’s Network). Ces actions quasi-féministes reflètent un besoin croissant d’autonomie financière et de reconnaisvetlife N°56 - octobre 2013 33
  • 3. VIE DE CLINIQ uE emploi sance sociétale de la femme dans sa singularité. L’homme représente désormais le cocon familial stabilisateur qui permet à la femme de s’émanciper. Un métier de passion, encore et toujours Alors pourquoi voit-on de plus en plus de femmes dans les écoles vétérinaires ? En posant la question à nos jeunes consœurs, il m’a été répondu que ce métier est un rêve de petite fille et que la force physique n’est plus aussi nécessaire qu’auparavant. La prépa Bio-Véto, riche en biologie, attire plutôt les filles qui font preuve de persévérance pour s’accrocher à ce rêve… Et les lycéens ne posent pas la question des salaires lors de leur orientation. Donc la féminisation ne s’expliquerait pas par la paupérisation de la profession, mais par une volonté d’atteindre son rêve et d’avoir un métier proche du vivant… Alors pourquoi ne pas s’associer ? Si la position de salarié en structure vétérinaire ne semble pas très confortable, pourquoi ne pas s’associer rapidement ? La réponse est simple : l’expérience pratique en sortant de l’école est pauvre, les bas salaires ne leur permettent pas d’apporter des fonds (donc des garanties) suffisants pour décrocher un prêt bancaire. Étonnant, pour une profession qui avait la réputation de ne pas connaître la crise… Autrement dit, plusieurs solutions pour s’installer aujourd’hui : procéder comme hier (on reprend la clinique de Papa), gagner au Loto, épouser un homme riche, ou enfin bifurquer vers un métier plus lucratif avant de revenir à la pratique. Bref, mieux vaut être née sous une bonne étoile… 34 Oui et non, ça dépend des situations et des tempéraments. vetlife N°56 - octobre 2013 uE AyBl norw liA Foto
  • 4. monkEy BusinEss - FotoliA de la profession, mais par une volonté d’atteindre son rêve une généraTion de réSeauTeurS Qui refuSenT de Travailler à la chaîne… On dit que les jeunes s’intéressent plus aux loisirs, aux amis et à la famille, que leur travail compte moins, qu’ils refusent les responsabilités et l’esclavage en entreprise. Tout cela me paraît discutable… ne serait-ce pas le contraire ? Les jeunes veulent travailler, apprendre et se développer. En revanche, la crise, la hausse du chômage, les licenciements récurrents et les nouveaux statuts professionnels (portage salarial, auto-entrepreneur, marketing de réseaux…) font entrevoir de nouvelles façons de gagner sa vie. Les employés n’ont plus de repères. Les jeunes, en perte de confiance, doivent en retrouver. Face à cet environnement instable, ils prennent leur ancrage dans un milieu familial, amical et de loisirs plus épanouissants. Pourtant, conscients de cette nécessité d’adaptation, ils sont devenus agiles. La sécurité de l’emploi importe moins ; ils souhaitent s’épanouir dans une activité professionnelle qui a du sens pour eux et cherchent une reconnaissance pour eux-mêmes plutôt que par leur statut. Les « travailleurs » d’hier deviennent des « volontaires payés » en recherche d’authenticité et de confiance dans les relations. L’entreprise doit incarner les valeurs qu’elle revendique et offrir un environnement de travail en cohérence avec ces valeurs. Nos jeunes vétérinaires n’adhéreront à un réseau de clinique que s’il y a cohérence entre la stratégie, le positionnement, la culture d’entreprise et le paradigme. Volatils, ils diversifieront éventuellement leurs sources de revenu (un salariat sécurisant financièrement un projet entrepreneurial par exemple). D’après les vétérinaires interrogées, les jeunes sortent encore des écoles avec de grosses lacunes en management vétérinaire. C’est pourquoi en s’installant, elles auront besoin d’un accompagnement personnel qualifié ; à l’itinérant en échographie d’hier, s’ajoutera demain le spécialiste en comptabilité analytique vétérinaire. Ainsi, rien ne permet à ce jour d’affirmer que nos jeunes vétérinaires préféreront se salarier dans des réseaux de cliniques plutôt que d’avoir leur propre structure. Ils auront simplement plus de choix ! Si l’occasion leur en est donnée, ils continueront à s’installer par volonté d’indépendance. Les vétérinaires, tout au moins en France, qui sont choisis pour leur esprit bien structuré, ont acquis de multiples compétences et une démarche analytique et synthétique irréprochable. Ils ne manquent pas d’imagination et sont tout à fait capables de se réinventer. Puisque le meilleur arrive lorsqu’on se trouve en dehors de notre zone de confort, faisons donc confiance aux jeunes générations : elles sauront trouver les clés de leur réussite. ;-) I vetlife N°56 - octobre 2013 35