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Après Matonne, mémoires de Fresnes et d’ailleurs, éditions Ramsay, 2002

      Matonne de jeunes, éditions de l’arbre, 2010



                               Corinne Héron-Mimouni




                       La peur dans l’ombre

                                     Roman suspense




                                       Prologue




      Elle alluma la télévision et la voix nasillarde du présentateur emplit la pièce.

Tout plutôt que le silence… Sur la table, le repas du soir refroidissait. Encore une

soirée qui commençait. Verrous tirés à 18 heures, c’était une nuit en plein jour. La

voix de la fille d’à côté couvrit le bruit de la télévision. « Qui c’est qu’a des

clopes ». Comme si c’était l’heure de s’en préoccuper ! Ça allait encore faire toute
une histoire. Elle allait brailler à n’en plus finir jusqu’à ce que la surveillante

vienne derrière sa porte. De toute façon, ce ne serait pas elle. Prise la main dans le

sac, elle dirait que c’est la main de la détenue d’à côté.

      - Tu peux pas te taire ! se mit à crier Linda.

      Au son de cette voix, Jessica sentit sa peau se glacer. La prison, c’était dur à

crever, mais fallait encore qu’elle en bave avec cette garce de Linda qui lui menait

des journées d’enfer.

      - Ta gueule ! insulta une autre.

      Bien envoyé…Son petit plaisir du soir. Entendre ce qu’elle ne pouvait pas

dire. Par peur. Pourtant, Linda c’était pas une costaud. Des bras maigres comme

des bâtons de réglisse mâchouillés. Une face en biseau aux joues creuses. Des yeux

bleus délavés de voir le mal partout, et d’en souhaiter dix fois plus. Une bouche

serrée qui ne laisse passer que de l’acide. Et l’acide de Linda, en ce moment, il était

pour Jessica. Du coup, plus personne n’osait lui parler de peur de recevoir des

éclaboussures. De mensonges en rumeurs, Linda avait transformé le délit de vol de

Jessica en maltraitances à enfants. Parfois, attaques de petits vieux. Cela dépendait

de son humeur. Rien qui ne tenait la route, mais restait accroché à sa réputation

comme à une toile d’araignée. À trente trois ans, Jessica vivait sa plus pénible

détention. Et ce n’était pas parti pour s’arranger.
Dans le couloir, la surveillante rôdait. Si la fille d’à côté n’avait pas pris la

peine de guetter la matonne, elle allait se faire pincer. Jessica frappa contre un

tuyau. Un coup bref lui répondit. Message reçu.

      Dans l’assiette transparente, les flageolets s’étaient figés au milieu de leur

sauce verdâtre. Du bout de la fourchette, Jessica retourna le morceau de viande, le

mit sous son nez et renifla. Il n’avait pas une mauvaise odeur, juste une sale

couleur. Faut que je mange, pensa-t-elle. Des trucs déguelasses, j’en ai mangé

dehors. La fine bouche, je la faisais pas même les jours de richesse. L’argent dans

la dope, et la bouffe ramassée devenait un festin.

      Calée contre l’oreiller, les jambes allongées le long de la couverture

rugueuse, Jessica essaya de sombrer dans le sommeil. Malheureusement, seule

l’angoisse l’engluait dans sa visqueuse mélasse. Sous sa maigre poitrine, elle sentit

son cœur bondir d’une telle force que son corps n’était plus que martèlements. Elle

n’y échapperait pas. Comme chaque soir, la bataille contre l’anxiété allait la briser

un peu plus. « Je vais lâcher du lest » décida t-elle. « Au point où j’en suis, un

cachet de plus ou de moins ne me tuera pas ». Sept, elle en était à sept par jour.

Qu’est-ce que c’était par rapport à une mixtion dardée dans ses veines trouées ?

Fallait passer à huit.

      Demain, elle règlerait le problème.
« Bon, Jessica ma fille, huit cachous, en plus de ton traitement de substitution

à la drogue, c’est beaucoup ». Mais il ne fallait pas qu’elle crève derrière la porte

de cellule. Et c’est ce qui lui pendait au nez si elle ne barrait pas le chemin à cette

bête malfaisante qui l’accaparait aux premiers silences. Médicament miracle !

paraît-il. Tant mieux. Jessica n’en pouvait plus de ses crises oppressantes qui la

saisissait le soir au mieux, à n’importe quel moment, au pire.

      Jessica serra les minuscules cachets roses. Deux pour voir venir. À prendre

en cas d’angoisse.

      - Le soir, en même temps que le somnifère, lui avait-on précisé. Avec ça,

vous allez faire des rêves de bébé.




      C’est curieux la vie, la vision des deux cachets roses sur la table la calmait

déjà. Mais il est encore tôt. Dans le couloir, elle imaginait le chariot qui déambulait

sur le sol cimenté. Derrière les portes, les filles obéissantes, ou trouillardes,

attendaient l’assiette à la main. Et puis quoi encore !

      - Tavrier , repas.

      - J’arrive, j’arrive, ronchonna Jessica. Y’a pas le feu…
L’assiette sur la table. Le cachet rose à côté. Dommage qu’elle n’avait pas le

courage d’affronter ses peurs nocturnes. Ou celles du jour. Parce que la Linda, ne

lâchait pas prise. Ce matin, qu’est-ce qu’elle avait trouvé à dire, en plein milieu de

la cour, « que Jessica racontait sa vie et celles des autres aux surveillantes, et que

elle, Linda, elle allait lui faire la peau si elle continuait ». Une menace pour lui

foutre la trouille. Encore qu’avec Linda, allez savoir ? Cette salope avait sorti son

mensonge avec un tel aplomb, que les filles bruyantes telles des abeilles dans une

ruche avaient ravalé leurs cancaneries. Ce foutu silence, aussi soudain que sinistre,

lui avait coupé la respiration. Le silence, Jessica détestait ça comme un tombeau.

Alors, pas moyen de se libérer de sa frayeur et de répliquer du tac au tac, de lui

clouer le bec au moins une fois à cette salope de Linda. Bien sûr, ce n’était pas vrai.

Et les autres filles le savaient. De là à blaguer avec Jessica….fallait pas trop en

demander à ces petites jeunes qu’avaient pas fait comme elle des années de prison.

Il était loin le temps de la maison d’arrêt d’Avignon. Quelle équipe elles faisaient

toutes ! Une ambiance du tonnerre. Faudrait qu’elle se tire de cet endroit, y avait

bien des taules plus cool qu’ici. Mais quelle justification pour un transfert ? Sans

famille pour légitimer une demande de rapprochement, ça allait pas être de la

tarte... Et pourquoi pas dire que Linda l’avait menacée ? C’est ça, un courrier bien

tourné, une louche de formule de politesse. Pourquoi pas ?
En fait l’idée n’est pas bonne et Jessica le savait. Tout ce qu’elle allait y

gagner ce serait d’être isolée des autres. Elle se sentait assez seule comme ça,

merci.

         A ses souvenirs, l’angoisse esquissa un prélude à ses assauts. Cloîtrée pour la

nuit… L’oppression était forte, elle redevenait l’unique réalité. Le monde

disparaissait. Jessica n’était plus qu’une masse de chairs. Un cercueil avec son

corps dedans. À peine si son âme volait au-dessus.

         Jessica remplit son verre d’eau d’une main tremblante. Pour une fois, elle

n’eut pas le réflexe de bloquer sa respiration afin de ne pas sentir l’odeur d’urine

qui montait des toilettes jusqu’à sa bouche. Le liquide glissa dans sa gorge. Le

cachet rose effleura les parois de son tube digestif. Elle sentit le médicament la

pénétrer et ce contact lui redonna le sentiment d’exister.

         « Pour un effet garanti, il faut prendre le somnifère en même temps que le

cachet rose », lui avait-on expliqué.




         Voilà dix minutes que Jessica était allongée sur son lit. Les médicaments

commençaient à agir. Ses muscles se détendaient. Au creux de sa poitrine, les

battements de son cœur ne menaçaient plus. Elle était en paix.
Le pied de la surveillante frôla la porte. Ce bruit vint chercher Jessica au

creux de son sommeil. Etait-elle réveillée ? Non... C’était comme si elle flottait. Un

rêve certainement… Ou un trip en trop …Voyons, qui lui avait vendu sa dose hier ?

Impossible de se souvenir…Essayer de rassembler les images de la veille. Une rue,

une maison, un bout de puzzle sur lequel poser l’histoire de sa soirée.

      Jessica tenta de remuer dans son lit. Juste un mouvement, pour activer sa

cervelle figée contre son crâne. Non…La main alors, un doigt … Son corps

n’obéissait plus. La paix qui la berçait quelques secondes auparavant se fissurait. Il

y avait un truc qui ne collait pas… Où était-elle ? Et pourquoi ne pouvait-elle pas

se souvenir du visage du dealer ? Peut-être n’y en avait-il pas ? Si, il y avait

quelqu’un. Une main, un cachet rose. A prendre impérativement le soir, avec le

somnifère. Qui parle ? Des yeux derrière une porte. Close. Et puis des grilles. Et le

silence, le soir. Prison…Elle était en prison ! Pas d’overdose alors... Tant mieux,

elle croyait qu’elle allait crever là. Mais non. Elle était en prison, dormait dans

« son » lit. Jessica était détendue grâce au cachet. Dans ce cas, pourquoi sa main ne

bougeait t-elle pas ? Pourquoi son corps refusait-t-il d’obéir au besoin impérieux de

savoir si elle était vivante ? L’inquiétude à nouveau s’insinuait. Côtoyait le calme

qui la rendait sereine malgré la certitude. Parce qu’elle savait…Mais pourquoi ? Par

quel tortueux chemin du destin elle avait survécu à l’enfer de la drogue, pour venir

mourir dans cette prison.
Dans le couloir, le bruit des pas de la surveillante résonnaient. Jessica tenta

de rallier le peu de force qui lui restait. Elle devait appeler…Mais aucun son ne

montait de sa gorge. Elle essayai pourtant, encore et encore. Puis résignée, bercée

par la plénitude qui l’envahissait, Jessica cessa de lutter contre la mort.
Partie 1




      Je n’ai jamais pris la décision de me laisser guider par les évènements. J’étais

déjà une jeune fille mal dans ma peau lorsque je me suis résignée à ne plus lutter

contre mon destin. Mon désir d’être simplement heureuse n’avait pas résistée aux

premières vagues d’une mère agitée par la haine de sa propre fille.

      Je n’ai pas toujours été comme ça, indolente et sans futur. Cependant, ce

n’était pas mieux, juste différent. Je suis doucement devenue ce que je suis encore

aujourd’hui, une jeune femme qui se laisse flotter. Je sais que résister serait

inutile…. Il y a en moi une force, la seule à laquelle j’obéisse bien malgré moi, et

cette force m’entraîne vers mon histoire.

      Aux yeux du peu de personnes qui me côtoient, je suis assez docile et

souriante pour être utile. Par exemple, je peux avoir un effet potiche dans les

soirées qui manquent d’invités ou lorsque l’un d’eux s’est désisté au dernier

moment. Comme je ne refuse rien, j’ai un cercle de connaissances suffisant. Tous

ces gens là ne cherchent pas à approfondir notre relation et, si c’était le cas, je

fuirais à toute allure. Mais je suis injuste. Il y a tout de même un être qui s’intéresse
vraiment à moi : ma propre fille. Malheureusement, elle a dû comprendre depuis

pas mal de temps que quelque chose ne tournait pas rond chez moi. Emma a quatre

ans et je l’aime. Elle et moi ne vivons pas ensemble. Ce n’est pas un choix : je ne

suis pas capable de m’occuper de mon enfant, c’est tout.

       Il ne faudrait pas imaginer que je me suis débarrassée de Emma pour « vivre

ma vie » ou ce genre de stupidités. Non, un jour j’ai déposé le couffin chez sa

grand-mère et puis voilà, elle y est restée… Que pouvais-je faire d’autre ? Les

belles théories sur l’amour maternel, l’instinct ou toutes ces balivernes sont du

remplissage pour revues féminines ou feuilletons télé, rien de plus. La réalité, c’est

autre chose ! Non, il vaut mieux que je la confie à ma mère. Maman n’est pas

parfaite, bien sûr. Elle est même bourrée de défauts : je suis bien placée pour le

savoir. Cependant, elle est capable de s’occuper de Emma. Je dois me satisfaire de

la situation.

       Ma fille n’est pas comme moi, elle est intelligente. Elle me fixe souvent avec

ses petits yeux furtifs qui me jaugent, inspectent. Parfois elle regarde sous mes

habits et ses petits doigts potelés soulèvent ma jupe, mes bas de pantalons ou

encore glissent sous les manches de mon pull, comme pour sentir ce qui se cache

derrière l’apparence. Dans ces moments là, je suis envahie d’une telle tendresse que

je la prends dans mes bras et la serre très fort. C’est ma façon de lui exprimer ce

que j’ai dans le cœur.
Depuis quelques temps, je ne rate pas une occasion de me fourrer dans le

pétrin et ma vie s’effiloche encore un peu plus dans tous les sens. Pour commencer,

j’ai encore changé de travail. J’ai beau reprendre le film à l’envers, je n’arrive pas à

réaliser à quel point je me suis faite avoir. D’autant plus que je n’étais pas trop mal

dans ma dernière place. Pas le Pérou, rien de quoi fantasmer, mais je ne m’y sentais

pas trop en danger. Pas d’hommes à me tourner autour, un travail facile où seul

mon bras se fatiguait à glisser des étiquettes dans des colis de frusques minables

destinées aux supermarchés du coin. Mal payé, mais ça ce n’etait pas nouveau.

      Il a fallu que j’écoute ce type aussi paumé que moi me parler de ses projets.

De son copain qui se lance dans les affaires, en or, paraît-il. Une urgence, pas le

temps de réfléchir. « Tu veux un vrai travail ou pas ? ». J’avais une petite voix dans

ma tête qui me disait, cet homme est ringard et les histoires merveilleuses

n’existent pas. Pourtant j’ai dit : « oui ».

      Je me suis retrouvée coincée entre un comptoir et des cartons vides à faire

semblant d’avoir du travail par-dessus la tête. A l’instant où j’ai passé la porte de la

soi-disant entreprise, j’ai compris que j’avais fait une erreur. Une de plus, et je me

suis retrouvée au chômage.

      Après bien sûr, je me rends malade. Ma tête me harcèle de questions. De

bonnes raisons tournent dans ma tête sans que je puisse les attraper. Si je les tenais,
je ne recommencerais pas les mêmes bêtises. Je n’aurais pas une fille sans père, une

adhésion à pôle emploi, un appartement avec moi toute seule dedans.

       C’est à cause de ma solitude sans boulot que le pire a commencé. Comme

d’habitude, sans savoir de quelle manière, j’ai compris que j’allais en prendre plein

la figure.

       À croire que j’aime ça !

                                                       2




       « Louise, ma fille, ce n’est pas un bon programme », me dis-je. Mais plus je

me persuade de l’absurdité de mon projet, plus je reste le nez collé dans les petites

annonces. Voyons, non, celui là est trop vieux, je ne vais pas tourner dans la

gérontologie…Blond, la quarantaine, jamais marié, cadre supérieur, celui là prend

les femmes pour des gourdes…le pire est que j’ai envie de me laisser attraper à son

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Premières pages la peur dans l'ombre

  • 1. Après Matonne, mémoires de Fresnes et d’ailleurs, éditions Ramsay, 2002 Matonne de jeunes, éditions de l’arbre, 2010 Corinne Héron-Mimouni La peur dans l’ombre Roman suspense Prologue Elle alluma la télévision et la voix nasillarde du présentateur emplit la pièce. Tout plutôt que le silence… Sur la table, le repas du soir refroidissait. Encore une soirée qui commençait. Verrous tirés à 18 heures, c’était une nuit en plein jour. La voix de la fille d’à côté couvrit le bruit de la télévision. « Qui c’est qu’a des clopes ». Comme si c’était l’heure de s’en préoccuper ! Ça allait encore faire toute
  • 2. une histoire. Elle allait brailler à n’en plus finir jusqu’à ce que la surveillante vienne derrière sa porte. De toute façon, ce ne serait pas elle. Prise la main dans le sac, elle dirait que c’est la main de la détenue d’à côté. - Tu peux pas te taire ! se mit à crier Linda. Au son de cette voix, Jessica sentit sa peau se glacer. La prison, c’était dur à crever, mais fallait encore qu’elle en bave avec cette garce de Linda qui lui menait des journées d’enfer. - Ta gueule ! insulta une autre. Bien envoyé…Son petit plaisir du soir. Entendre ce qu’elle ne pouvait pas dire. Par peur. Pourtant, Linda c’était pas une costaud. Des bras maigres comme des bâtons de réglisse mâchouillés. Une face en biseau aux joues creuses. Des yeux bleus délavés de voir le mal partout, et d’en souhaiter dix fois plus. Une bouche serrée qui ne laisse passer que de l’acide. Et l’acide de Linda, en ce moment, il était pour Jessica. Du coup, plus personne n’osait lui parler de peur de recevoir des éclaboussures. De mensonges en rumeurs, Linda avait transformé le délit de vol de Jessica en maltraitances à enfants. Parfois, attaques de petits vieux. Cela dépendait de son humeur. Rien qui ne tenait la route, mais restait accroché à sa réputation comme à une toile d’araignée. À trente trois ans, Jessica vivait sa plus pénible détention. Et ce n’était pas parti pour s’arranger.
  • 3. Dans le couloir, la surveillante rôdait. Si la fille d’à côté n’avait pas pris la peine de guetter la matonne, elle allait se faire pincer. Jessica frappa contre un tuyau. Un coup bref lui répondit. Message reçu. Dans l’assiette transparente, les flageolets s’étaient figés au milieu de leur sauce verdâtre. Du bout de la fourchette, Jessica retourna le morceau de viande, le mit sous son nez et renifla. Il n’avait pas une mauvaise odeur, juste une sale couleur. Faut que je mange, pensa-t-elle. Des trucs déguelasses, j’en ai mangé dehors. La fine bouche, je la faisais pas même les jours de richesse. L’argent dans la dope, et la bouffe ramassée devenait un festin. Calée contre l’oreiller, les jambes allongées le long de la couverture rugueuse, Jessica essaya de sombrer dans le sommeil. Malheureusement, seule l’angoisse l’engluait dans sa visqueuse mélasse. Sous sa maigre poitrine, elle sentit son cœur bondir d’une telle force que son corps n’était plus que martèlements. Elle n’y échapperait pas. Comme chaque soir, la bataille contre l’anxiété allait la briser un peu plus. « Je vais lâcher du lest » décida t-elle. « Au point où j’en suis, un cachet de plus ou de moins ne me tuera pas ». Sept, elle en était à sept par jour. Qu’est-ce que c’était par rapport à une mixtion dardée dans ses veines trouées ? Fallait passer à huit. Demain, elle règlerait le problème.
  • 4. « Bon, Jessica ma fille, huit cachous, en plus de ton traitement de substitution à la drogue, c’est beaucoup ». Mais il ne fallait pas qu’elle crève derrière la porte de cellule. Et c’est ce qui lui pendait au nez si elle ne barrait pas le chemin à cette bête malfaisante qui l’accaparait aux premiers silences. Médicament miracle ! paraît-il. Tant mieux. Jessica n’en pouvait plus de ses crises oppressantes qui la saisissait le soir au mieux, à n’importe quel moment, au pire. Jessica serra les minuscules cachets roses. Deux pour voir venir. À prendre en cas d’angoisse. - Le soir, en même temps que le somnifère, lui avait-on précisé. Avec ça, vous allez faire des rêves de bébé. C’est curieux la vie, la vision des deux cachets roses sur la table la calmait déjà. Mais il est encore tôt. Dans le couloir, elle imaginait le chariot qui déambulait sur le sol cimenté. Derrière les portes, les filles obéissantes, ou trouillardes, attendaient l’assiette à la main. Et puis quoi encore ! - Tavrier , repas. - J’arrive, j’arrive, ronchonna Jessica. Y’a pas le feu…
  • 5. L’assiette sur la table. Le cachet rose à côté. Dommage qu’elle n’avait pas le courage d’affronter ses peurs nocturnes. Ou celles du jour. Parce que la Linda, ne lâchait pas prise. Ce matin, qu’est-ce qu’elle avait trouvé à dire, en plein milieu de la cour, « que Jessica racontait sa vie et celles des autres aux surveillantes, et que elle, Linda, elle allait lui faire la peau si elle continuait ». Une menace pour lui foutre la trouille. Encore qu’avec Linda, allez savoir ? Cette salope avait sorti son mensonge avec un tel aplomb, que les filles bruyantes telles des abeilles dans une ruche avaient ravalé leurs cancaneries. Ce foutu silence, aussi soudain que sinistre, lui avait coupé la respiration. Le silence, Jessica détestait ça comme un tombeau. Alors, pas moyen de se libérer de sa frayeur et de répliquer du tac au tac, de lui clouer le bec au moins une fois à cette salope de Linda. Bien sûr, ce n’était pas vrai. Et les autres filles le savaient. De là à blaguer avec Jessica….fallait pas trop en demander à ces petites jeunes qu’avaient pas fait comme elle des années de prison. Il était loin le temps de la maison d’arrêt d’Avignon. Quelle équipe elles faisaient toutes ! Une ambiance du tonnerre. Faudrait qu’elle se tire de cet endroit, y avait bien des taules plus cool qu’ici. Mais quelle justification pour un transfert ? Sans famille pour légitimer une demande de rapprochement, ça allait pas être de la tarte... Et pourquoi pas dire que Linda l’avait menacée ? C’est ça, un courrier bien tourné, une louche de formule de politesse. Pourquoi pas ?
  • 6. En fait l’idée n’est pas bonne et Jessica le savait. Tout ce qu’elle allait y gagner ce serait d’être isolée des autres. Elle se sentait assez seule comme ça, merci. A ses souvenirs, l’angoisse esquissa un prélude à ses assauts. Cloîtrée pour la nuit… L’oppression était forte, elle redevenait l’unique réalité. Le monde disparaissait. Jessica n’était plus qu’une masse de chairs. Un cercueil avec son corps dedans. À peine si son âme volait au-dessus. Jessica remplit son verre d’eau d’une main tremblante. Pour une fois, elle n’eut pas le réflexe de bloquer sa respiration afin de ne pas sentir l’odeur d’urine qui montait des toilettes jusqu’à sa bouche. Le liquide glissa dans sa gorge. Le cachet rose effleura les parois de son tube digestif. Elle sentit le médicament la pénétrer et ce contact lui redonna le sentiment d’exister. « Pour un effet garanti, il faut prendre le somnifère en même temps que le cachet rose », lui avait-on expliqué. Voilà dix minutes que Jessica était allongée sur son lit. Les médicaments commençaient à agir. Ses muscles se détendaient. Au creux de sa poitrine, les battements de son cœur ne menaçaient plus. Elle était en paix.
  • 7. Le pied de la surveillante frôla la porte. Ce bruit vint chercher Jessica au creux de son sommeil. Etait-elle réveillée ? Non... C’était comme si elle flottait. Un rêve certainement… Ou un trip en trop …Voyons, qui lui avait vendu sa dose hier ? Impossible de se souvenir…Essayer de rassembler les images de la veille. Une rue, une maison, un bout de puzzle sur lequel poser l’histoire de sa soirée. Jessica tenta de remuer dans son lit. Juste un mouvement, pour activer sa cervelle figée contre son crâne. Non…La main alors, un doigt … Son corps n’obéissait plus. La paix qui la berçait quelques secondes auparavant se fissurait. Il y avait un truc qui ne collait pas… Où était-elle ? Et pourquoi ne pouvait-elle pas se souvenir du visage du dealer ? Peut-être n’y en avait-il pas ? Si, il y avait quelqu’un. Une main, un cachet rose. A prendre impérativement le soir, avec le somnifère. Qui parle ? Des yeux derrière une porte. Close. Et puis des grilles. Et le silence, le soir. Prison…Elle était en prison ! Pas d’overdose alors... Tant mieux, elle croyait qu’elle allait crever là. Mais non. Elle était en prison, dormait dans « son » lit. Jessica était détendue grâce au cachet. Dans ce cas, pourquoi sa main ne bougeait t-elle pas ? Pourquoi son corps refusait-t-il d’obéir au besoin impérieux de savoir si elle était vivante ? L’inquiétude à nouveau s’insinuait. Côtoyait le calme qui la rendait sereine malgré la certitude. Parce qu’elle savait…Mais pourquoi ? Par quel tortueux chemin du destin elle avait survécu à l’enfer de la drogue, pour venir mourir dans cette prison.
  • 8. Dans le couloir, le bruit des pas de la surveillante résonnaient. Jessica tenta de rallier le peu de force qui lui restait. Elle devait appeler…Mais aucun son ne montait de sa gorge. Elle essayai pourtant, encore et encore. Puis résignée, bercée par la plénitude qui l’envahissait, Jessica cessa de lutter contre la mort.
  • 9. Partie 1 Je n’ai jamais pris la décision de me laisser guider par les évènements. J’étais déjà une jeune fille mal dans ma peau lorsque je me suis résignée à ne plus lutter contre mon destin. Mon désir d’être simplement heureuse n’avait pas résistée aux premières vagues d’une mère agitée par la haine de sa propre fille. Je n’ai pas toujours été comme ça, indolente et sans futur. Cependant, ce n’était pas mieux, juste différent. Je suis doucement devenue ce que je suis encore aujourd’hui, une jeune femme qui se laisse flotter. Je sais que résister serait inutile…. Il y a en moi une force, la seule à laquelle j’obéisse bien malgré moi, et cette force m’entraîne vers mon histoire. Aux yeux du peu de personnes qui me côtoient, je suis assez docile et souriante pour être utile. Par exemple, je peux avoir un effet potiche dans les soirées qui manquent d’invités ou lorsque l’un d’eux s’est désisté au dernier moment. Comme je ne refuse rien, j’ai un cercle de connaissances suffisant. Tous ces gens là ne cherchent pas à approfondir notre relation et, si c’était le cas, je fuirais à toute allure. Mais je suis injuste. Il y a tout de même un être qui s’intéresse
  • 10. vraiment à moi : ma propre fille. Malheureusement, elle a dû comprendre depuis pas mal de temps que quelque chose ne tournait pas rond chez moi. Emma a quatre ans et je l’aime. Elle et moi ne vivons pas ensemble. Ce n’est pas un choix : je ne suis pas capable de m’occuper de mon enfant, c’est tout. Il ne faudrait pas imaginer que je me suis débarrassée de Emma pour « vivre ma vie » ou ce genre de stupidités. Non, un jour j’ai déposé le couffin chez sa grand-mère et puis voilà, elle y est restée… Que pouvais-je faire d’autre ? Les belles théories sur l’amour maternel, l’instinct ou toutes ces balivernes sont du remplissage pour revues féminines ou feuilletons télé, rien de plus. La réalité, c’est autre chose ! Non, il vaut mieux que je la confie à ma mère. Maman n’est pas parfaite, bien sûr. Elle est même bourrée de défauts : je suis bien placée pour le savoir. Cependant, elle est capable de s’occuper de Emma. Je dois me satisfaire de la situation. Ma fille n’est pas comme moi, elle est intelligente. Elle me fixe souvent avec ses petits yeux furtifs qui me jaugent, inspectent. Parfois elle regarde sous mes habits et ses petits doigts potelés soulèvent ma jupe, mes bas de pantalons ou encore glissent sous les manches de mon pull, comme pour sentir ce qui se cache derrière l’apparence. Dans ces moments là, je suis envahie d’une telle tendresse que je la prends dans mes bras et la serre très fort. C’est ma façon de lui exprimer ce que j’ai dans le cœur.
  • 11. Depuis quelques temps, je ne rate pas une occasion de me fourrer dans le pétrin et ma vie s’effiloche encore un peu plus dans tous les sens. Pour commencer, j’ai encore changé de travail. J’ai beau reprendre le film à l’envers, je n’arrive pas à réaliser à quel point je me suis faite avoir. D’autant plus que je n’étais pas trop mal dans ma dernière place. Pas le Pérou, rien de quoi fantasmer, mais je ne m’y sentais pas trop en danger. Pas d’hommes à me tourner autour, un travail facile où seul mon bras se fatiguait à glisser des étiquettes dans des colis de frusques minables destinées aux supermarchés du coin. Mal payé, mais ça ce n’etait pas nouveau. Il a fallu que j’écoute ce type aussi paumé que moi me parler de ses projets. De son copain qui se lance dans les affaires, en or, paraît-il. Une urgence, pas le temps de réfléchir. « Tu veux un vrai travail ou pas ? ». J’avais une petite voix dans ma tête qui me disait, cet homme est ringard et les histoires merveilleuses n’existent pas. Pourtant j’ai dit : « oui ». Je me suis retrouvée coincée entre un comptoir et des cartons vides à faire semblant d’avoir du travail par-dessus la tête. A l’instant où j’ai passé la porte de la soi-disant entreprise, j’ai compris que j’avais fait une erreur. Une de plus, et je me suis retrouvée au chômage. Après bien sûr, je me rends malade. Ma tête me harcèle de questions. De bonnes raisons tournent dans ma tête sans que je puisse les attraper. Si je les tenais,
  • 12. je ne recommencerais pas les mêmes bêtises. Je n’aurais pas une fille sans père, une adhésion à pôle emploi, un appartement avec moi toute seule dedans. C’est à cause de ma solitude sans boulot que le pire a commencé. Comme d’habitude, sans savoir de quelle manière, j’ai compris que j’allais en prendre plein la figure. À croire que j’aime ça ! 2 « Louise, ma fille, ce n’est pas un bon programme », me dis-je. Mais plus je me persuade de l’absurdité de mon projet, plus je reste le nez collé dans les petites annonces. Voyons, non, celui là est trop vieux, je ne vais pas tourner dans la gérontologie…Blond, la quarantaine, jamais marié, cadre supérieur, celui là prend les femmes pour des gourdes…le pire est que j’ai envie de me laisser attraper à son jeu de dupe. La feuille vole et vient rejoindre le tas qui jonchent le sol. Les annonces d’emploi sont criblées d’annotations et de grands coups de crayons rageurs. La suite sur Amazon.fr http://www.amazon.fr/La-peur-dans-lombre-ebook/dp/B007GWKHFI/ref=sr_1_1? ie=UTF8&qid=1366184309&sr=8-1&keywords=la+peur+dans+l%27ombre Fnac.fr http://www4.fnac.com/livre-numerique/a4828509/Corinne-Heron-Mimouni-La-peur-dans-l-ombre - FORMAT=ePub Et bien sur Apple....