Pharmacien et Santé 2.0 : quel potentiel. (Quotidien du Pharmacien)
1. marketing et gestion
QUAND LA TECHNOLOGIE VIENT AU SECOURS DES MALADES
Des e-services pour patients connectés
La tendance est déjà
fortement ancrée. Près
de 100 000 applications
santé ont pris place
sur les smartphones.
Professionnels de santé et
patients sont eux-mêmes des
utilisateurs de premier choix
des nouvelles technologies.
La pharmacie saura-t-elle
se faire une place au soleil
dans un marché
particulièrement dense ?
Pharmacie physique et digitale.
Dans ce domaine, les idées ne
manquent pas et se développent
prioritairement aux États-Unis
grâce à leurs quatre incubateurs
d’entreprises destinées à la esanté : une coque d’iPhone qui réalise des électrocardiogrammes
fournie uniquement sur prescription médicale, une application qui
repère les mauvaises positions de
la colonne vertébrale et indique à
l’utilisateur de se redresser ou de
se lever. Citons aussi l’idée de disposer des capteurs sur les inhalateurs des asthmatiques, reliés à
une application iOS**, Android***
et à une plateforme en ligne. Le but ?
Les pharmaciens commencent tout juste
à répondre aux attentes des e-patients
Obtenir une géolocalisation précise permettant aux médecins de
repérer les zones géographiques
où l’asthme de leurs patients surgit plus fréquemment.
D’autres outils, encore en développement, vont plus loin. Ainsi,
on parle d’implants électroniques
pour effectuer un suivi médical sur
téléphone portable. Au-delà de ces
applications médicales, la e-santé
s’intéresse aussi à des outils équivalents pour le confort quotidien.
C’est le propre des bracelets, vecteurs d’automesure parfaits, par
exemple pour un suivi dans l’activité physique, intégrant les distances parcourues, les calories
brûlées, le rythme cardiaque...
Tous les jours, de nouvelles applications voient le jour, le digital gagnant du terrain à une vitesse
affolante. Et le pharmacien dans
tout cela ? Il faut reconnaître que la
DR
AUJOURD’HUI, l’information médicale pullule sur le Web, des communautés de patients et de médecins se sont développées pour
partager des expériences communes, des diagnostics, des cas
plus ou moins difficiles. Les principaux défis sont de savoir filtrer
la bonne information et de savoir
s’adresser à la bonne personne, ou
de savoir s’adapter à son interlocuteur. Face à cette évolution, ce
qu’on appelle les « objets connectés » ou « l’Internet des objets »*
prend une ampleur telle que les
investissements ne cessent d’affluer dans ce domaine. Pourtant,
leur intégration dans la pratique
n’est encore qu’anecdotique. Cela
pourrait néanmoins rapidement
évoluer.
France accuse un léger retard.
D’ailleurs, le groupe PHR, qui tient
à connaître tout ce qui se fait dans
le domaine, n’a pas hésité à passer
les frontières pour découvrir les
derniers outils en vogue : Italie, Irlande, Grande-Bretagne, et même
Canada sont les pays dans lesquels
les dirigeants ont dû se rendre
pour explorer la santé en mode digital. Le président, Lucien Bennatan, est rentré avec une conviction
profonde : « la pharmacie de demain sera physique et digitale. »
Pour autant, il n’est pas question
de mettre en application tous les
outils qu’on a pu lui présenter.
« Certains sont terribles. On entre
dans une pharmacie fournisseur
d’accès WiFi, le téléphone portable
du client est repéré, il sonne et le
client reçoit tout un flot de messages. J’ai trouvé cela assez horrible, à quoi on m’a répondu :
mais cela ne s’arrête pas là, le
même message a été envoyé à tous
les amis du client via Facebook ! »
Ce marketing digital sauvage n’est
évidemment pas ce que recherchent les patients connectés. Heureusement d’autres applications
présentées peuvent se révéler bien
plus intéressantes. « Nous avons
vu jusqu’où la technologie permet
d’aller, nous allons maintenant
faire des choix. Une commission
enseigne d’une trentaine de pharmaciens va travailler sur ce dossier, en février et mars prochains,
nous aurons donc un projet
abouti en avril ou mai 2014. Tout
est entre les mains des officinaux,
ils vont choisir les outils qu’ils
veulent utiliser et proposer à leurs
patients », ajoute Lucien Bennatan.
A minima, le site Internet mapharmacieservices.com permettra
TROIS QUESTIONS À…
Denise Silber, experte en santé 2.0*
LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Alors que les
médecins semblent s’être emparés du sujet
de la e-santé, les pharmaciens commencent
tout juste à répondre aux attentes des e-patients. Des groupements de pharmaciens développent aujourd’hui des services patients
sur Internet et débutent dans l’utilisation des
tablettes et du mHealth. Qu’est-ce que cela
vous inspire ?
E. LEGOUHY
DENISE SILBER. - Les pharmaciens
pourraient aller,
à la manière du
Baron de Coubertin, plus vite, plus
haut, plus fort que
les médecins. Davantage formatés et
informatisés comme une entreprise
que ne le sont les
cabinets médicaux,
davantage capables de traiter tous
les domaines de la santé et bien-être, davantage formés à une communication à
grande échelle, les regroupements pourraient être fondés de proposer des services
plus vastes et complets que les médecins.
À quel type d’attentes le pharmacien doit pouvoir répondre aujourd’hui ? Au vu de ce que
vous observez dans d’autres secteurs com-
me le domaine médical, quelles sont les tendances fortes des e-services où le pharmacien se devra d’être présent ?
Les e-patients sont avant tout des patients, leurs attentes ne sont donc pas différentes. Ils souhaitent pouvoir questionner
le pharmacien sur les médicaments et dispositifs médicaux, Ils sont intéressés par
des suggestions de produits sur des thématiques de bien-être et de confort. Comme
dans d’autres secteurs, ils sont de plus en
plus friands des commandes en ligne et des
livraisons à domicile. Les patients ont
confiance dans leur pharmacien, ils espèrent pouvoir bénéficier de ses recommandations, être par exemple orientés, en
fonction de leurs besoins, vers un médecin,
un établissement de santé, etc.
Les tendances fortes dans les e-services
concernent tout l’environnement du médicament (information, vente en ligne, livraison, renouvellement, pharmacovigilance,
suivi/observance), du bien-être et des recommandations en tous genres 24 heures
sur 24 et 7 jours sur 7. Parmi les sujets incontournables qu’il faut savoir traiter, je citerai notamment ce qui concerne les
régimes minceur et les compléments alimentaires en général. N’oublions pas non
plus les domaines qui touchent à l’intimité
de la personne et où la distance du Web met
le patient davantage à l’aise, tout en conser-
vant le bénéfice confiance d’une communication avec son pharmacien. Bien entendu,
tout ce que je viens d’évoquer doit se faire
avec les outils Web.
À l’heure où des officinaux peuvent développer des sites marchands, la proposition de eservices aux patients est-elle incontournable ?
En particulier dans le cadre de la montée en
puissance des nouvelles missions des pharmaciens ?
Incontournable, pas encore, mais ce sont
des activités qui prennent du temps à apprendre à bien faire. Donc, les pharmaciens
ont intérêt à s’y mettre dès à présent. Et
c’est incontournable quand même pour
celui qui veut rester compétitif. Car, effectivement, dans le cadre des nouvelles missions, il est quasiment indispensable de
bénéficier d’outils informatisés qui relient
officine et patient. C’est pourquoi nous réalisons des manifestations où ces outils et les
nouvelles attentes sont présentés. Diabète
2.0 le 3 février : http://www.doctors20.fr/diabete-2-0. Doctors 2.0 & You les 5 et 6 juin :
www.doctors20.fr.
> PROPOS RECUEILLIS PAR M. M.
* Denise Silber est la présidente de Basil Stratégie.
Membre du conseil consultatif international
de Standford Medicine X, elle est experte internationale
dans l’univers de l’e-santé, la santé 2.0 et les médias
sociaux.
12 - LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN - N° 3053 - LUNDI 9 DÉCEMBRE 2013 - www.lequotidiendupharmacien.fr
aux e-patients de prendre directement rendez-vous, que ce soit pour
un entretien de suivi thérapeutique, pour une consultation diététique ou infirmière. Il continuera à
proposer un carnet de vaccination
électronique, déjà en place et qui
fonctionne parfaitement. D’autres
services viendront agrémenter ce
portail, mais certainement aussi
des outils qui seront disponibles
sur différents objets connectés.
« J’ai vu des pharmacies où des
images de produits apparaissent
sur la vitrine, on peut poser la
main dessus et obtenir la description du produit. Plus classiquement, il y aura bientôt des
écrans tactiles dans toutes les
pharmacies. Cela permet de proposer un nombre considérable
de services », poursuit Lucien Bennatan.
Réduire les stocks. Certaines
officines en chaîne, en Italie, ont
ainsi abaissé leur niveau de stock à
3 % de leur chiffre d’affaires ; cela
veut dire qu’elles ne proposent
physiquement que très peu de références dans une grande gamme
cosmétique, le plus souvent avec
une profondeur de rayon limitée à
deux produits, tout le reste étant
disponible sur iPad, tout est commandé en ligne immédiatement
avec livraison dans la demi-journée, livraison qui peut être effectuée à la pharmacie ou au domicile
du patient. « C’est du flux extrêmement tendu, cela devient une
exposition virtuelle des produits,
mais l’idée est à garder à la fois
pour répondre au problème d’espace de certaines officines, mais
aussi et surtout pour répondre
aux difficultés économiques que
traverse la profession. Les pharmaciens n’ont pas énormément
de leviers sur lesquels faire des
économies. On nous dit de réduire les effectifs, c’est une bêtise
car cela signifie moins de service.
On nous dit de réduire les
charges, ce que les pharmaciens
ont fait depuis longtemps. La dernière possibilité est de réduire les
stocks. »
Une idée excellente pour tout ce
qui concerne le matériel médical
aux yeux de PHR. Dans 90 % des
cas, le patient doit commander et
revenir chercher (ou se fait livrer)
le matériel médical, il est donc
« inutile d’y consacrer une partie