Conservation des documents au sein d'une association
Securite a l-ecole_-_preparer_le_pire_pour_depasser_la_peur
1. D
epuis que la France vit dans le risque-
attentat permanent, l'exigence
sécuritaire a gagné l'enceinte scolaire
avec son lot de procédures, de
réglementations et d'angoisses qui, toutes à
leur façon, peuvent conduire au sentiment
d'être totalement dépassé. Le congrès 2016
des directeurs de l'éducation des villes a
abordé le sujet avec réalisme, en invitant
notamment un policier et un psychiatre.
Dans le même temps, l'Association des
maires de France publie les résultats de son
enquête sur les travaux engagés dans les
communes.
"Face à un acte de violence d'une force inouïe,
le choc psychologique est tel qu'il faut, pour
pouvoir réagir, suivre une procédure simple."
"Mettre en place des procédures simples", c'est
le message que voulait faire passer le policier
Daniel Kerdraon, lors de l'atelier sur le thème
de l'exigence sécuritaire dans les écoles, orga
nisé le 8 décembre par l'Association nationale
des directeurs de l'éducation des villes (Andev)
dans le cadre de son congrès tenu durant trois
jours à Brest (voir ci-contre notre article du 9
décembre).
Ce fut certainement l'atelier qui a réuni le plus
de participants. L'actualité dramatique s'y
prête, l'actualité réglementaire aussi. Car du
rant l'année scolaire 2016-2017, toutes les
écoles ont l'obligation de mettre à jour leur
PPMS (plan particulier de mise en sûreté),
conformément aux circulaires du 25 novembre
2015 (voir notre article du 2 décembre 2015).
Et les collectivités doivent adapter ce PPMS au
risque terroriste si elles souhaitent bénéficier
de la nouvelle enveloppe de 50 millions d'euros
du FIPD (fonds interministériel de prévention
de la délinquance) destinée au financement
des travaux de sécurisation des établissements
scolaires (voir notre article du 12 octobre).
"Quand un enseignant voit un enfant à
terre, qui vient de recevoir une balle..."
Une enquête de l'Association des maires de
France, menée en septembre dernier et pu
bliée le 30 novembre, dresse une liste des diffi
cultés rencontrées par les communes dans
cette démarche (voir notre encadré ci-des
sous). Sur la liste, la première des difficultés se
rait de définir clairement les priorités... En ce
sens, l'intervention choc de Daniel Kerdraon,
chef adjoint du SSP (service de sécurisation de
proximité) pour la CSP (circonscription de sécu
rité de proximité) de Brest de la police natio
nale, au congrès de l'Andev, remet les enjeux
en place.
"Quand un enseignant ou un animateur voit un
enfant à terre, qui vient de recevoir une balle,
qui gît dans son sang et qui n'est pas encore
mort, vous croyez qu'il va naturellement cher
cher son sifflet dans ses poches, appeler avec
son téléphone portable ou aller chercher dans
le tiroir de son bureau la corne de brume ?"
Selon lui, ce n'est décidément "pas sérieux
d'avoir ce type d'alarme".
Doubler chaque bouton "incendie" d'un
bouton "sûreté"
Il préconise pour sa part de doubler tous les
boutons "incendie" d'un bouton "sûreté" à la
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Publié le jeudi 15 décembre 2016
Education / Sécurité
Sécurité à l’école : préparer le pire pour dépasser la peur
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2. sonnerie différente (attention, "pas plus de
deux sonneries" avertit au passage le policier).
Les boutons "incendie" ont l'avantage d'être
largement éparpillés dans les écoles, leurs em
placements sont connus et les réflexes pour les
déclencher sont acquis grâce aux exercices
déjà réalisés. Et comme Daniel Kerdraon
connaît les contraintes budgétaires des com
munes, il recommande de budgéter à l'avance
ce nouveau système d'alerte et de le prévoir
systématiquement dans le cadre des travaux
de réhabilitation d'un établissement scolaire et
évidemment lors de toute nouvelle construc
tion d'établissement scolaire.
Le policier a également quelques suggestions
pour établir "des procédures qui ne coûtent
rien". Par exemple, comment réagir à la pré
sence d'un colis suspect dans l'école ? Ou en
core : lors d'une attaque ou d'une intrusion,
dans quels cas les adultes responsables
doivent-ils opter pour le confinement plutôt
que l'évacuation ?
Plan A : évacuation. Plan B :
confinement.
Cette seconde question a soulevé bien des per
plexités. "Un gradé du Raid nous a expliqué
que le confinement était la pire des solutions",
a témoigné un agent de Vitry-sur-Seine, au mo
tif que "regrouper les enfants facilite la tâche
du terroriste ou du preneur d'otages". Or les
procédures mises en place dans le cadre de
PPMS sont axées sur le confinement, dès lors,
que faire ?
"Le collègue du Raid a raison, a confirmé Da
niel Kerdraon. Quand il y a une attaque, il faut
s'enfuir." C'est selon lui "la réaction naturelle",
le "plan A" à activer, et qu'il faut, insiste-t-il,
"organiser". Le confinement ne peut être que
le "plan B". Et si l'Education nationale a exigé
un exercice de confinement dans le cadre du
PPMS, ce serait uniquement parce que c'est le
seul qu'il connaît ! "Nous allons maintenant
vous épauler pour travailler au plan A", a
ajouté le policier.
L'important, c'est de "se rendre compte qu'il y
a toujours des choses à faire dans une situation
improbable", a poursuivi le psychiatre Olivier
Bodic, coordonnateur régional de la cellule
d'urgence médicopsychologique du CHU de
Nantes. Pour ce professionnel de la prise en
charge des victimes en situation post-trauma
tique, lorsque la fuite est impossible "tout ce
qui va permettre de garder une maîtrise psy
chique (repérer la couleur des yeux de l'agres
seur, la marque de ses baskets, choisir de ne
pas agir...) permet de se protéger des trauma
tismes ultérieurs". L'objectif n'étant pas direc
tement de pouvoir ultérieurement identifier
l'agresseur, mais bien de ne pas tomber dans
une situation d'"effroi", où l'on est "pétrifié" au
point de perdre tous ses moyens.
"Sauver trois enfants sur une classe de
24 est déjà 'quelque chose'"
Dans le cadre de la prévention des risques, le
pire, selon Olivier Bodic, c'est lorsque le per
sonnel enseignant ou le personnel d'animation
se dit "de toute façon, si quelque chose se
passe, on ne pourra rien faire". Lui, assure
avec sang-froid : "Sauver trois enfants sur une
classe de 24 est déjà 'quelque chose'."
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Education / Sécurité
Sécurité à l’école : préparer le pire pour dépasser la peur
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3. Le psychiatre est favorable au bouton "sécu
rité" installé à côté du bouton "incendie". Il est
également favorable aux exercices d'entraîne
ment, qu'il faut selon lui "banaliser" pour "rap
peler régulièrement que la violence peut se
produire". Certes, les enfants de petite section
de maternelle sont la première fois traumatisés
par l'exercice "incendie" (exercice sur lequel
on a le plus de recul), mais dès la grande sec
tion, ils ne sont "plus paniqués", a-t-il observé.
Preuve que "l'entraînement sert à quelque
chose".
Aux directeurs Education des villes qui témoi
gnaient des propositions "aberrantes" formu
lées par les équipes enseignantes lors des
concertations PPMS (murer des fenêtres dans
des salles de classe, installer des toboggans aux
étages, prévoir le confinement des enfants
dans les vides sanitaires...), Olivier Bodic ré
pond qu'il faut laisser libre court à ces "fan
tasmes" dans la mesure où "c'est toujours
mieux que de ne jamais imaginer" la situation
de violence. Cela peut même servir de base à
la recherche de solutions plus réalistes.
Clôtures plus hautes, visiophone,
mallettes première urgence...
L'enquête de l'AMF liste les travaux effective
ment engagés par les communes en septembre
dernier. Une part concerne l'accès à l'enceinte
scolaire : remise en état ou pose de grillages et
clôtures plus hautes, pose de barrières ou plots
devant l'entrée de l'école (afin d'empêcher le
stationnement), changement ou sécurisation
des portails et portillons dotés d'une fermeture
électromagnétique et équipés d'un système de
visiophone, équipement de vidéosurveillance.
L'autre part des travaux concernent les bâti
ments scolaires eux-mêmes : acquisition d'une
alarme intrusion, de cornes de brume, de sys
tèmes de brise-vues et de rideaux occultant, de
mallettes de première urgence ou encore mise
en place de nouvelles sorties de secours, pose
de serrures inviolables, retrait des poignées
des portes, mise en place d'un dispositif d'accès
aux bâtiments scolaires par badge...
30% des communes ayant répondu à l'enquête
ont dépensé moins de 1.000 euros de travaux,
9% ont dépensé plus de 50.000 euros.
22% des communes contactées par le
référent sûreté de l'Education
nationale
L'AMF note éga lement que "malgré la mise en
place d'un référent sûreté auprès de chaque
directeur d'académie, seules 22% des com
munes ont été contactées par ce référent au
moment de l'enquête (...). En revanche, elles
ont été, à ce moment-là, bien davantage en re
lation avec la police ou la gendarmerie (60%)".
De plus, "les pressions émises par les acadé
mies ont fait naître des tensions entre les mai
ries et les directeurs d'école pour engager des
travaux en urgence", souligne l'association
d'élus.
Peut-être les communes pourront-elles désor
mais davantage compter sur les "équipes mo
biles de sécurité" (EMS) des académies,
puisque Najat Vallaud-Belkacem en a annoncé
le 12 décembre le renforcement. Leur effectif
passerait de 490 postes en 2016 à 567 en 2017,
soit 77 postes supplémentaires (+ 15,7%).
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Education / Sécurité
Sécurité à l’école : préparer le pire pour dépasser la peur
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4. Créées en 2009, les équipes mobiles de sécurité
sont placées sous l'autorité du recteur et inter
viennent à la demande des établissements sco
laires sur la prévention des violences et sur la
sécurisation. Les EMS sont composées de per
sonnels de l'Education nationale (chef d'établis
sement, enseignant...) et de "spécialistes de la
sécurité recrutés avec l'aide du ministère de
l'Intérieur" (adjoint de sécurité, policier ou
gendarme à la retraite, médiateur, brigade des
mineurs, brigade de prévention de la délin
quance juvénile...). Un groupe de travail sur
leurs missions et sur l'évolution de leurs activi
tés vient également d'être installé "afin de ré
pondre au mieux aux besoins identifiés sur le
terrain", indique le ministère de l'Education
nationale. Occasion peut-être de s'interroger
très sérieusement sur le partenariat avec les
collectivités.
Le thème du congrès 2016 de l'Andev était :
"Parents, ville, école : construire une alliance
éducative, utopie ou réalité ?" La question
semble manifestement toujours ouverte.
Les difficultés rencontrées par les
communes dans leur démarche de
sécurisation des écoles
Selon l'enquête de l'AMF publiée le 30
novembre sur la sécurité à l'école, produite à
partir d'un sondage réalisé entre le 22 et le 30
septembre 2016 auprès de 144 répondants,
52% des communes ont dit avoir rencontré des
difficultés dans la démarche de sécurisation
des établissements accueillant des enfants, et
de leurs abords.
Les principales difficultés soulevées par ces
communes sont les suivantes :
"- manque d'informations, ou au contraire trop
d'informations, sur les nouvelles mesures de
sécurité à mettre en œuvre, sans directives
claires et précises. La difficulté s'est
notamment portée sur la définition des
priorités ainsi que sur l'information relative
aux aides et possibilités de financement
complémentaire ;
- accompagnement insuffisant à ce jour dans
l'établissement d'un diagnostic exhaustif et
manque d'expertise sur le repérage des
travaux pertinents à exécuter conformes aux
règles de sécurité ;
- configuration des locaux scolaires non
homogènes qui oblige à apporter des solutions
techniques sur mesure. Figurent parmi les
exemples cités les problèmes d'adaptation
techniques pour les bâtiments anciens, les
écoles dotées de grandes baies vitrées, les
écoles situées aux abords des rues et de
parkings où l'interdiction de stationnement est
difficile ou encore l'implantation de l'école dans
une impasse ;
- articulation avec les normes de sécurité :
sentiment de contradiction chez certains élus
entre les normes de sécurité liées aux ERP et
les consignes liées aux attentats (ex : les
différentes sorties que possède l'école afin de
permettre une évacuation en cas d'incendie
sont jugées autant d'entrées pour un éventuel
agresseur…) ;
- manque de personnels de sécurité dans les
communes non dotées d'une police municipale,
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Sécurité à l’école : préparer le pire pour dépasser la peur
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5. ou en effectif insuffisant, ou lorsque les forces
de police et de gendarmerie sont plus
éloignées ;
- sécurisation des déplacements des enfants
entre l'école et la cantine lorsque celle-ci se
situe en dehors de l'enceinte scolaire ;
- sécurisation de la sortie des classes
(attroupement des parents devant l'école) et
des accueils périscolaires lorsque celle-ci est
échelonnée (cas des garderies) ;
- coût des travaux : principale difficulté dans
un contexte où les moyens financiers et
humains dont disposent les communes et leur
groupement sont limités. Des élus ont demandé
la création d'un fonds spécifique pour la mise
aux normes et la sécurisation des accueils
périscolaires."
Sources : Enquête AMF sur la sécurité à l'école,
réalisée entre le 22 et le 30 septembre 2016,
publiée le 30 novembre 2016
En savoir plus
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L'enquête de l'AMF sur la sécurité dans les
écoles
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