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Lec¸on B 
Pr´eparation `a l’agr´egation SVTU 
Les strat´egies ´evolutivement stables 
Table des mati`eres 
1 Introduction 1 
2 Que s´electionne la s´election naturelle ? 2 
2.1 S´election et adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 
2.2 Les effets de la s´election au niveau populationnel . . . . . . . . . . . . . . . . 4 
2.3 Le succ`es reproducteur est un estimateur de la valeur s´elective . . . . . . . . . 4 
3 La th´eorie des jeux mod´elise efficacement les conflits 5 
3.1 Description de la th´eorie des jeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 
3.1.1 La th´eorie des jeux ´economique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 
3.1.2 L’application de la th´eorie des jeux `a l’´evolution . . . . . . . . . . . . . 5 
3.2 Exemple de jeu ´eco-´evolutif simple et d´efinition des ESS . . . . . . . . . . . . 6 
3.2.1 Faucon vs. Colombe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 
3.2.2 Le bourgeois : strat´egie mixte ´evolutivement stable . . . . . . . . . . . 8 
4 Les dynamiques adaptatives : le lien entre ´ecologie et ´evolution 11 
4.1 L’´equation de Wright et Fisher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 
4.2 L’´equation canonique des dynamiques adaptatives . . . . . . . . . . . . . . . . 13 
4.3 ´Etude des isoclines de la fitness et caract´erisation des ESS . . . . . . . . . . . 14 
4.4 Conflits de s´election et autres singularit´es ´evolutives . . . . . . . . . . . . . . . 16 
5 Conclusion 18 
A Bibliographie 19 
B Nota bene 19 
C Calcul du gradient de s´election des dynamiques adaptatives 20 
Jean-Olivier Irisson 
irisson@normalesup.org
Les strat´egies ´evolutivement stables 
1 Introduction 
Pour commencer, l’int´erˆet peut ˆetre port´e `a un probl`eme d’´ecologie comportementale : 
les combats entre cerfs mˆales. Les combats entre mˆales sont assez fr´equents chez les 
esp`eces sociales ou/et polygames. L’issue de ces combats d´etermine l’acc`es aux femelles. Ils 
sont ainsi directement li´es au succ`es reproducteur1 des individus, donc tr`es ´etudi´es. Or 
toutes les ´etudes convergent pour montrer que ces combats sont rarement dommageables 
pour les individus : seuls 10% des cerfs de 1 `a 5 ans portent des marques de blessures li´ees 
aux combats. 
De plus ces combats sont tr`es ritualis´es et comportent plusieurs ´etapes bien d´efinies 
illustr´ees dans la Figure 1. L’issue de chacune de ces ´etapes conditionne le passage `a la 
suivante. Si un mˆale brame plus fort que l’autre la confrontation s’arrˆete et le mˆale au 
brame le plus puissant a acc`es au harem de femelles. Si le brame est ´egal alors commence 
la marche d’´evaluation de la corpulence de l’adversaire et c’est uniquement quand les deux 
adversaires sont de corpulence ´egale que le combat a lieu. 
brame 
marche d’évaluation 
de la corpulence 
combat modéré 
(bois contre bois) 
Fig. 1 – Combat ritualis´e chez le cerf (Cervus elaphus)[Krebs & Davies, p.162] 
Il existe donc une certaine “convention sociale” au sein des populations de cerfs. 
Pourtant des animaux ne respectant pas cette convention et attaquant syst´ematiquement 
leurs adversaires par le cˆot´e, leur infligeant des blessures importantes sans risque, au-raient 
probablement acc`es `a beaucoup de femelles et augmenteraient fortement leur succ`es 
1Def. succ`es reproducteur: nombre de descendants survivant jusqu’`a l’ˆage de premi`ere reproduction. 
1
Les strat´egies ´evolutivement stables 
reproducteur individuel. Apparemment l’´evolution n’aboutit pas `a de telles strat´egies 
comportementales car elles ne sont jamais observ´ees. Plusieurs hypoth`eses peuvent ˆetre 
´emises pour expliquer ce ph´enom`ene : 
1. Le succ`es reproducteur n’est pas la quantit´e ayant de l’importance au niveau ´evolutif 
2. Le succ`es reproducteur est une quantit´e importante mais lors des conflits entre in-dividus 
il existe des forces de s´election complexes et l’´equilibre ´evolutif auquel elles 
conduisent n’est pas trivial 
Une br`eve premi`ere partie s’int´eressera donc `a la nature de la valeur s´elective (la quan-tit 
´e d’int´erˆet en ´evolution) afin de poser quelques d´efinitions utiles pour la suite de la 
r´eflexion. La seconde partie se focalisera sur les ph´enom`enes de s´election associ´es aux 
conflits entre individus et `a leurs cons´equences ´evolutives. Nous verrons alors que les 
strat´egies s´electionn´ees au cours de l’´evolution se caract´erisent en terme de stabilit´e et 
non de qualit´e et d´efinirons ainsi les strat´egies ´evolutivement stables. La derni`ere partie 
portera la r´eflexion sur la dynamique d’atteinte de ces ´equilibres ´evolutifs. 
2 Que s´electionne la s´election naturelle ? 
2.1 S´election et adaptation 
Il paraˆıt int´eressant de se pencher sur un exemple de s´election naturelle bien connu : les 
morphes color´es du phal`ene du bouleau (Biston betularia). Le phal`ene est un papillon 
de nuit qui pr´esente un polymorphisme de couleur. La couleur la plus r´epandue avant la 
r´evolution industrielle ´etait le blanc, les morphes noirs ´etant pr´esents mais extrˆemement 
rares. Lors de la r´evolution industrielle il a ´et´e constat´e en Angleterre que la fr´equence 
des morphes noirs augmentait largement dans les zones de bois proches des villes. L’aug-mentation 
de la fr´equence des morphes noirs est interpr´et´ee comme un effet de la s´election 
naturelle par pr´edation diff´erentielle des deux morphes en fonction de leur couleur. En 
effet, comme le montre la Figure 2, en zone non pollu´ee les troncs des bouleaux sur les-quels 
ces papillons passent la journ´ee sont couverts de lichens et sont blancs. Dans ce cas, 
les morphes blancs sont cryptiques, ´echappent aux pr´edateurs et c’est ce qui expliquerait 
leur abondance avant la r´evolution industrielle. En revanche, en zone pollu´ee les lichens 
disparaissent et les troncs r´ev`elent la couleur sombre de leur ´ecorce. Les morphes noirs 
deviennent alors cryptiques et c’est ce qui expliquerait leur augmentation en fr´equence 
aux alentours des villes. 
La s´election naturelle semble donc r´esulter en une adaptation des individus `a leur 
milieu. Une bonne caract´erisation des effets de la s´election au cours de l’´evolution pourrait 
donc ˆetre une sorte de degr´e d’adaptation des individus. Cela se sent bien dans le mot 
anglais d´efinissant la valeur s´elective des individus : la fitness = le fait de correspondre `a 
l’environnement (de to fit : “bien aller `a”). 
2
Les strat´egies ´evolutivement stables 
zone propre zone polluée 
Fig. 2 – Le cryptisme des morphes du phal`ene du bouleau 
N´eanmoins la d´efinition d’adaptation pose probl`eme. Ridley en donne une d´efinition2 
difficilement v´erifiable dans la plupart des cas. En effet, comment tester le succ`es d’un 
individu priv´e d’une seule de ses caract´eristiques, toutes les autres restant strictement 
´egales ? 
De plus on peut se demander pourquoi les individus que nous observons `a l’heure ac-tuelle 
ne sont pas tous compl`etement adapt´es `a leur environnement, r´esultat logique d’une 
longue s´election naturelle. Par exemple l’allongement du cou de la girafe, qui semble ˆetre 
un caract`ere adaptatif en savane (qui lui permet de brouter les hautes feuilles des arbres, 
inaccessibles `a la plupart des animaux), s’accompagne de caract`eres anatomiques ´etranges. 
On peut citer l’exemple du nerf laryngien r´ecurrent, quatri`eme branche du nerf vague, 
qui se d´etache du cerveau post´erieur, descend tout le long du cou pour faire une boucle 
au voisinage du coeur, avant de remonter le cou pour finalement aboutir au larynx. Entre 
ces deux points il n’´etablit aucune connection nerveuse. Ce trajet a une origine ancestrale 
pour les mammif`eres et il est particuli`erement surprenant chez la girafe du fait de l’allon-gement 
de son cou. Ce caract`ere n’a rien d’adaptatif (on pourrait mˆeme consid´erer que la 
construction d’un nerf aussi long, sans connections, est un coˆut) mais il est li´e `a l’allonge-ment 
du cou. Cet exemple met en valeur l’existence de contraintes d´eveloppementales et 
architecturales dans l’organisation des ˆetre vivants qui font que chaque ´el´ement n’est pas 
une r´eponse parfaite `a une pression de s´election pr´ecise. Chaque organisme ne peut donc 
ˆetre compl`etement adapt´e `a toute situation. La s´election naturelle favorise finalement ceux 
qui, en moyenne, r´eussissent “moins mal” que que les autres. 
Il semble donc impossible de d´efinir une caract´eristique intrins`eque des individus, li´ee 
`a leur degr´e d’adaptation au milieu, qui rende r´eellement compte des effets de la s´election 
naturelle. `A 
ce point, la valeur s´elective ne peut ˆetre d´efinie que de fa¸con conceptuelle3. 
N´eanmoins, l’int´erˆet peut ˆetre port´e aux cons´equences d’une s´election positive au niveau 
populationnel. Elles permettraient peut-ˆetre de caract´eriser plus pr´ecis´ement la fitness. 
2Def. adaptation: la caract´eristique d’un individu qui lui permet de survivre et de se reproduire dans 
son environnement naturel mieux qu’en l’absence de cette caract´eristique [Evolution, Ridley]. 
3Def. valeur s´elective: ce qui est favoris´e par la s´election naturelle au cours de l’´evolution dans un 
environnement donn´e. 
3
Les strat´egies ´evolutivement stables 
2.2 Les effets de la s´election au niveau populationnel 
Darwin d´efinit ainsi la s´election naturelle : I have called this principle, by which each 
slight variation, if useful, is preserved, by the term of Natural Selection, [The origin of 
species, 1859]. Elle se d´efinit donc pour toute entit´e polymorphe capable de se r´epliquer et 
signifie qu’un morphe du r´eplicateur s´electionn´e positivement augmente en fr´equence 
dans la population. Traditionnellement deux r´eplicateurs sont consid´er´es : les individus, 
vus comme un ensemble de caract`eres, et les g`enes. 
Au niveau individuel : la s´election entraˆıne une augmentation en fr´equence des ph´eno-types 
s´electionn´es. La fitness peut ˆetre d´efinie pour un ph´enotype comme le taux 
d’accroissement d´emographique relatif d’un groupe de mutants portant 
ce ph´enotype au sein d’une population de ph´enotype diff´erent. 
Au niveau g´en´etique : l’int´erˆet est port´e aux fr´equences all´eliques. La fitness se d´efinit, 
pour un all`ele, comme le taux de croissance de la fr´equence de cet all`ele, 
relativement `a la croissance d´emographique de la population. 
La valeur s´elective peut donc ˆetre caract´eris´ee au niveau populationnel par un taux de 
croissance relatif du r´eplicateur consid´er´e. N´eanmoins, ces d´efinitions sont th´eoriques et 
peu efficace au niveau des ´etudes de terrain. Un retour au niveau individuel semble donc 
n´ecessaire pour d´evelopper des estimateurs des taux de croissance consid´er´es. 
2.3 Le succ`es reproducteur est un estimateur de la valeur s´elective 
En biologie des populations : le taux de croissance d’une population est li´e aux pa-ram` 
etres de naissance et de mortalit´e des individus. Le succ`es reproducteur de chaque 
individu4 semble donc ˆetre une quantit´e appropri´ee pour l’estimer. Cette quantit´e 
est elle-mˆeme souvent estim´ee par des mesures annuelles comme la taille de ponte 
ou le nombre de jeunes `a l’envol du nid pour les oiseaux par exemple. 
En g´en´etique des populations : les fr´equences all´eliques peuvent ˆetre estim´ees direc-tement 
en g´enotypant un ´echantillon de la population. Les taux de croissance des 
fr´equences all´eliques peuvent ˆetre calcul´es quand l’´echantillonnage est conduit sur 
plusieurs cycles de reproduction. 
Il existe donc une quantit´e, nomm´ee valeur s´elective, caract´erisant les effets de la 
s´election naturelle au niveau populationnel. Le succ`es reproducteur est un bon estima-teur 
de cette quantit´e au niveau individuel et a donc une grande importance ´evolutive. 
Il convient alors de s’interroger sur les m´ecanismes de s´election lors des conflits interin-dividuels 
et plus pr´ecis´ement sur la nature des forces ´evolutives qui peuvent expliquer la 
ritualisation des combats entre les cerfs mˆales. 
4Def. succ`es reproducteur: nombre de descendants survivant jusqu’`a l’ˆage de premi`ere reproduction. 
4
Les strat´egies ´evolutivement stables 
3 La th´eorie des jeux mod´elise efficacement les conflits 
Pour expliquer la ritualisation des combats, il est possible d’invoquer la s´election de 
groupe : la multiplication de combats in´egaux, mˆeme si elle est b´en´efique aux individus 
tricheurs les pratiquant, est mauvaise pour l’esp`ece car elle entraˆıne beaucoup de mortalit´e. 
N´eanmoins, les ph´enom`enes de s´election de groupe sont toujours sujets `a controverse et 
une explication individuelle a ´et´e recherch´ee : est-il possible que, pour chaque individu, il 
soit plus avantageux d’´eviter les combats, au moins en partie ? La th´eorie des jeux est un 
formalisme adapt´e `a cette ´etude individuelle. 
3.1 Description de la th´eorie des jeux 
3.1.1 La th´eorie des jeux ´economique 
L’origine de cette discipline est la th´eorie ´economique. Elle repr´esente les interactions 
entre des agents ´economiques rationnels, formalis´ees sous forme de jeux. La force de cette 
th´eorie, et son int´erˆet ici, est que, dans un jeu5, le gain6 apport´e par une strat´egie7 
d´epend des strat´egies choisies par les autres joueurs. Il existe souvent des conflits 
d’int´erˆet entre les joueurs et cette th´eorie devait permettre de les r´esoudre en trouvant la 
solution la “moins mauvaise” pour chacun. 
Le probl`eme est que nous ne sommes pas des agents enti`erement rationnels. La preuve : 
• Jeu 
– Prix du ticket de m´etro parisien : 1 euro 
– Prix d’une amende : 25 euros ; probabilit´e d’occurrence : 1/100 
• Strat´egies et gains associ´es 
– je paie mon ticket, gain = −1 euro (n´egatif : c’est un coˆut. . .) 
– je ne paie pas, gain = −0, 25 euro 
Pourtant une majorit´e de parisiens paient leur ticket ! Cet exemple met en valeur le fait 
que pour des agents ´economiques (= des humains) des jugements de valeurs, des habitudes 
ou encore des tendances de groupes peuvent entrer en consideration dans le choix. 
3.1.2 L’application de la th´eorie des jeux `a l’´evolution 
L’evolutionary game theory de Maynard-Smith et Price (1973) est n´ee dans le domaine 
de l’´ecologie comportementale, afin de r´epondre `a des questions similaires `a celle qui nous 
int´eresse maintenant. Dans ce cas : 
– strat´egie = ph´enotype h´eritable, 
– gain = valeur s´elective. 
5Def. jeu: mod`ele math´ematique d´efinissant les r`egles d’un conflit entre plusieurs d´ecisions 
6Def. gain: une quantit´e qui mesure le succ`es individuel 
7Def. strat´egie: plan contenant des instructions pour n’importe quelle situation 
5
Les strat´egies ´evolutivement stables 
Comme on l’a vu pr´ec´edemment la valeur s´elective est d´efinie comme le taux de croissance 
d’un groupe de mutants dans une population de ph´enotype donn´e. Donc : 
strat´egie qui re¸coit en moyenne le gain le plus ´elev´e 
= 
ph´enotype qui maximise la moyenne du taux d’accroissement de la population le portant 
Comme nous l’avons vu dans le 2.2, c’est ainsi que joue la s´election naturelle et la 
solution la “moins mauvaise” est bien celle choisie par la s´election. Par l’interm´ediaire des 
jeux, nous observons donc les effets de la s´election naturelle dans les populations. Or 
la s´election naturelle est consid´er´ee comme rationnelle : elle ne fait pas de jugement de 
valeurs ou n’a pas d’habitudes. Si la s´election naturelle d´ecidait dans le jeu pr´ec´edent, elle 
ne ne paierait pas son ticket de m´etro ! Cela permet de supposer des r´eactions rationnelles 
des joueurs et rend l’adaptation de la th´eorie des jeux `a l’´evolution tr`es efficace. 
3.2 Exemple de jeu ´eco-´evolutif simple et d´efinition des ESS 
3.2.1 Faucon vs. Colombe 
• Jeu : Des individus sont mis en comp´etition pour l’acc`es `a un territoire. S’il y a 
combat le premier bless´e abandonne, l’autre est gagnant. Si l’un des deux individus 
refuse le combat l’autre gagne par “forfait”. 
• Strat´egies : 
– agressive, nomm´ee “faucon” : se bat pour le territoire (risque d’ˆetre bless´e). 
– pacifique, nomm´ee “colombe” : ´evite le combat quitte `a laisser le territoire. 
• Gains : 
– Gain du gagnant (occupe le territoire) : Gg 
– Coˆut des blessures : −Gb 
On r´esume les r´esultats possibles du jeu dans une matrice de gains qui donne les gains 
de chaque strat´egie rencontrant toutes les autres. Ici sont donn´es les gains des strat´egies 
en ligne rencontrant les strat´egies en colonne (Cf. fl`eche). 
% Faucon Colombe 
Faucon 1/2 × Gg − 1/2 × Gb Gg 
Colombe 0 1/2 × Gg 
Quand un faucon rencontre un autre faucon il a une chance sur deux de gagner 
(1/2 × Gg) et une chance sur deux d’ˆetre bless´e et de perdre (1/2 × (−Gb)). 
Quand un faucon rencontre une colombe la colombe fuit et le faucon gagne le ter-ritoire 
sans combat (Gg). 
Quand une colombe rencontre un faucon elle fuit et laisse le territoire (0). 
6
Les strat´egies ´evolutivement stables 
Quand une colombe rencontre une autre colombe elle a une chance sur deux de 
gagner le territoire parce que l’autre fuit (1/2 × Gg). 
Chaque individu peut ˆetre faucon ou colombe dans ce conflit et, comme cela a ´et´e soulign´e 
plus haut, ceci est d´etermin´e par la s´election naturelle, en fonction de la la valeur s´elective 
de chaque ph´enotype. Comme on l’a vu dans la partie 2.2, la d´efinition de la valeur s´elective 
est relative. Ce qui importe ici n’est donc pas la valeur absolue des gains (=valeurs 
s´electives) mais la diff´erence entre les gains (=valeurs s´electives) des deux ph´enotypes. La 
diagonale repr´esente ce qui se passe pour une population dans laquelle les individus jouent 
tous la mˆeme strat´egie (les faucons ne rencontrent que des faucons ou les colombes ne 
rencontrent que des colombes). Il faut donc comparer le gain de ce ph´enotype r´esident8 
avec le gain obtenu par le ph´enotype alternatif (=l’autre valeur en colonne). 
Faucon vs colombe. Un individu jouant “faucon” arrivant dans une population r´esidente 
“colombe” obtient un gain Gg, sup´erieur `a Gg/2, celui des individus r´esidents. Ceci est 
compr´ehensible car toutes les colombes fuient devant ce faucon qui gagne donc un ter-ritoire 
`a chaque interaction. Comme son gain = sa fitness = son taux de croissance est 
sup´erieur, le mutant envahit la population r´esidente. 
Colombe vs faucon. Un individu jouant “colombe” arrivant dans une population 
r´esidente “faucon” obtient un gain de 0, qu’il faut comparer `a (Gg − Gb)/2, celui des 
individus r´esidents. 
1. Si Gg > Gb alors Gg −Gb > 0 et la “colombe” n’envahit pas. Le ph´enotype “faucon” 
est stable. C’est une strat´egie ´evolutivement stable. Ce r´esultat parait ´egalement 
logique : quand le coˆut du combat est inf´erieur `a ce que le combat peut rapporter, 
il faut se battre. Nous pouvons remarquer ici que le gain obtenu, (Gg − Gb)/2, est 
inf´erieur `a Gg/2, celui obtenu en absence de faucons. Ceci met en valeur le fait que 
la s´election naturelle aboutit `a des strat´egies stables mais pas forc´ement optimales. 
2. Si Gg < Gb alors Gg−Gb < 0 et le mutant “colombe” envahit la population “faucon”. 
Cela se comprend car cet individu ne subit pas le coˆut ´elev´e des combats que paient 
par contre tous les “faucons”. Dans ce cas aucun des deux ph´enotypes n’est stable 
car ils sont r´eciproquement envahissables. 
La d´efinition relative de la fitness nous am`ene donc `a ne pas juger les strat´egies en 
terme de qualit´e mais en terme de stabilit´e. Une strat´egie ´evolutivement stable9 
est une strat´egie qui, une fois ´etablie, n’est pas envahissable. Cette partie per-met 
d’expliciter `a quelle condition l’´evolution tend vers une multiplication des combats. 
N´eanmoins elle n’explique pas pourquoi, dans l’autre cas, il y a une r´eduction des combats 
comme nous l’avons remarqu´e dans le cas des cerfs. 
8Def. r´esident: pr´esent en tr`es large majorit´e dans la population 
9ou ESS : Evolutionary Stable Strategy 
7
Les strat´egies ´evolutivement stables 
3.2.2 Le bourgeois : strat´egie mixte ´evolutivement stable 
Dans le jeu pr´ec´edent, le gain moyen de chaque strat´egie d´epend de la proportion de 
faucons et de colombes dans la population. Soit p la proportion de faucons, 1 − p celle de 
colombes. Les gains moyens sont : 
GF = p × 
Gg − Gc 
2 
+ (1 − p) × Gg (1a) 
GC = p × 0 + (1 − p) × 
Gg 
2 
(1b) 
Il existe un ´equilibre ´evolutif quand les deux gains sont identiques : 
GF = GC () p × 
Gg − Gc 
2 
+ (1 − p) × Gg = p × 0 + (1 − p) × 
Gg 
2 
(2a) 
() pe = Gg 
Gb 
(2b) 
Remarque : et on retrouve que pe −! 1 quand Gg augmente par rapport `a Gb. 
L’existence de cet ´equilibre est li´ee `a la propri´et´e d’invasibilit´e r´eciproque mise en valeur 
plus haut. Cette propri´et´e peut ˆetre caract´eris´ee sur la matrice des gains. R´e´ecrivons la 
matrice de gains du jeu faucon-colombe en notant les gains des deux joueurs : 
PPPPP 2 . 
1 % PPPP 
Faucon Colombe 
Faucon 
PPPPPPPPP GF×F 
GF×F 
PPPPPPPPP GC×F 
GF×C 
Colombe 
PPPPPPPPP GC×F 
GF×C 
PPPPPPPPP GC×C 
GC×C 
On remarque une sym´etrie dans ce tableau. C’est cette sym´etrie qui est caract´eristique 
de l’invasibilit´e r´eciproque ou, pour le dire `a la fa¸con de la th´eorie des jeux, de fait que 
deux strat´egies soient chacune la meilleure r´eponse `a l’autre. En effet, si on se place dans 
les conditions non-triviales o`u faucon n’est pas une ESS pure on peut choisir Gg = 50 et 
Gb = 100. Un petit calcul donne alors : 
PPPPPPPPP 2 . 
1 % 
Faucon Colombe 
Faucon 
HHHHHH -25 
-25 HHHHHH 0 
50 
Colombe 
HHHHHH 0 
50 HHHHHH 25 
25 
Les gains de 1 ont ´et´e marqu´e en gras. On remarque que quand 2 est un faucon, il vaut 
mieux que 1 soit une colombe (0 > −25). Sym´etriquement, quand 2 est une colombe, 
il vaut mieux que 2 soit un faucon (50 > 25). L’´equilibre d´efinit par cette propri´et´e se 
nomme ´equilibre de Nash10. 
10De John Nash Jr, le math´ematicien qui en a d´ecouvert les propri´et´es et qui est le p`ere de la th´eorie 
des jeux ´economique. Ceci lui a valu le prix Nobel en 1994. Il a accessoirement ´et´e interpr´et´e par Russel 
Crowe dans A beautiful mind. Vous voulez ˆetre fort en maths ? devenez schizophr`ene ! 
8
Les strat´egies ´evolutivement stables 
Le fait que cet ´equilibre existe sugg`ere qu’une strat´egie mixte jouant faucon ou co-lombe 
dans des proportions d´efinies peut ˆetre stable. Les papillons Pararge aegaria mˆales 
pr´esentent un comportement mixte lors de leurs interactions avec les autre mˆales. Comme 
cela est illustr´e sur la Figure 3, ces papillons prennent possession d’une tache de lumi`ere 
dans laquelle les femelles peuvent les rejoindre pour la reproduction. Lorsqu’un mˆale ar-rive 
sur une tache d´ej`a occup´ee, le propri´etaire le d´efie et l’arrivant accepte rapidement 
sa d´efaite, quelque soit sa corpulence. Par contre, lorsque deux mˆales sont plac´es simul-tan 
´ement dans une tache de lumi`ere, ils se d´efient mutuellement lors d’un vol en spirale 
tr`es long dont l’un ou l’autre sort vainqueur au hasard. 
Le propriétaire chasse 
systématiquement l’intrus 
Quand les deux se croient propriétaires, l 
le combat pour le territoire est intense 
Fig. 3 – Combat ritualis´e et respect de la propri´et´e chez les papillons Pararge aegarie. 
[Gouyon, Henry, Arnoult, p. 222][J. Maynard-Smith, PLS, 1978] 
Une telle strat´egie est nomm´ee strat´egie du “bourgeois” : quand un individu est 
premier sur le territoire, il combat pour le d´efendre face `a n’importe quel type d’agresseur 
(il joue alors faucon) ; quand il arrive en second par contre il ´evite le combat quitte `a 
laisser le territoire (il joue alors colombe). On consid`ere que les deux ´ev`enements sont 
´equiprobables : un individu a une chance sur deux d’ˆetre premier et une chance sur deux 
d’ˆetre second. Cette strat´egie est commune dans la nature, notamment chez les animaux 
territoriaux. 
9
Les strat´egies ´evolutivement stables 
La matrice de gains devient donc : 
% Faucon Colombe Bourgeois 
F GF×F GF×C 1/2 × GF×F + 1/2 × GF×C 
C GC×F GC×C 1/2 × GC×F + 1/2 × GC×C 
B 1/2 × GF×F + 1/2 × GC×F 1/2 × GC×F + 1/2 × GC×C 1/2 × Gg + 1/2 × Gp 
o`u GX×Y d´esigne le gain de X interagissant avec Y (ceux calcul´es pr´ec´edemment). Les 
gains calcul´es pourles interactions faisant intervenir la strat´egie bourgeois se comprennent 
en gardant `a l’esprit qu’un bourgeois se comporte une fois sur deux comme un faucon et 
l’autre fois comme une colombe. Par exemple un faucon interagissant avec un bourgeois 
interagit une fois sur deux avec un autre faucon (1/2 × GF×F ) et une fois sur deux avec 
une colombe (1/2 × GF×C). Il suffit donc de faire les moyennes des gains en ligne et en 
colonne pour trouver les gains des interactions faisant intervenir un bourgeois. 
En reprenant le cas non trivial ´etudi´e ci-dessus, la matrice de gains est la suivante : 
% Faucon Colombe Bourgeois 
Faucon −25 50 12,5 
Colombe 0 25 12,5 
Bourgeois −12, 5 37,5 25 
Dans ce cas, en comparant les chiffres de la diagonale au reste de chaque colonne on 
observe que 
– les strat´egies faucon et colombe ne sont toujours pas stables (´evidemment rien n’a 
vraiment chang´e pour elles) 
– les individus d’une population ayant la strat´egie bourgeois ont une fitness plus ´elev´ee 
que n’importe quel mutant (faucon ou colombe) tentant de l’envahir (25 > 12, 5). 
La strat´egie bourgeois, une fois ´etablie, est donc dominante. Pour ce jeu, la strat´egie 
bourgeois est une strat´egie ´evolutivement stable car elle n’est envahissable par 
aucun mutant. 
La strat´egie comportementale “bourgeois” est un exemple d’argument individuel 
expliquant l’´evolution de la limitation des interactions agressives. Dans le cas des 
cerfs, la “convention sociale” adopt´ee par l’esp`ece est une ritualisation des combats. Celle 
d´evelopp´ee ici est un certain respect de la propri´et´e (territorialit´e) mais l’argument 
´evolutif est identique dans les deux cas : dans une population o`u les individus “respectueux” 
sont suffisamment nombreux, des tricheurs qui essaieraient de combattre in´egalement ou 
de conqu´erir n’importe quel territoire sont moins performants individuellement que les 
autres individus. Il y a donc bien un effet de groupe (cf. “suffisamment nombreux”) mais 
qui a des cons´equences au niveau de la fitness individuelle. 
N´eanmoins, la dynamique d’atteinte de cet ´etat stable n’est pas triviale. En effet, dans 
une population de faucons, la strat´egie dominante est colombe et non bourgeois ; dans une 
population de colombes, le ph´enotype dominant est faucon et non bourgeois. Il est donc 
difficile de dire s’il est mˆeme possible d’atteindre l’´etat o`u bourgeois est r´esident ! 
10
Les strat´egies ´evolutivement stables 
La th´eorie des jeux a donc permis de d´efinir les strat´egies ´evolutivement stables comme 
des ph´enotypes non-envahissables. N´eanmoins la dynamique d’atteinte de ces strat´egies 
n’est pas abord´ee. Afin de traiter ce probl`eme, il est n´ecessaire de d´ecrire explicitement les 
interactions ´ecologiques et d’en d´eduire l’´evolution des ph´enotypes. C’est ce que se propose 
de faire la th´eorie des dynamiques adaptatives. 
4 Les dynamiques adaptatives : le lien entre ´ecologie et ´evolution 
Les dynamiques adaptatives se limitent11 `a : 
– une population ferm´ee, d´emographiquement `a l’´etat stationnaire 
– un trait ph´enotypique quantitatif (taille corporelle, poids des oisillons `a l’envol, in-tensit 
´e de la couleur des plumes etc.) que nous consid´erons ici comme une strat´egie, 
au sens de la th´eorie des jeux 
Dans ce cadre, `a partir d’une ´equation d´ecrivant l’´evolution du trait ph´enotypique 
en fonction de la fitness des individus, cette th´eorie se propose de d´eduire l’´evolution 
du trait `a partir des interactions ´ecologiques dans la population. La difficult´e tient donc 
dans la formalisation du rapport entre fitness et ´evolution. 
4.1 L’´equation de Wright et Fisher 
Un exemple simple permet d’obtenir de premiers r´esultats. Consid´erons une esp`ece 
pour laquelle le choix du partenaire revient aux femelles, ce qui est le cas le plus r´epandu 
quand il y a choix du partenaire. Chez le T´etras-lyre (Tetrao terix ) par exemple, les 
femelles circulent entre les aires de parade (ar`enes) des mˆales et font leur choix en fonction 
de plusieurs param`etres. Certains comme la corpulence, l’intensit´e de la coloration du 
plumage (particuli`erement celui de la queue, en forme de lyre, qui leur vaut leur nom) et 
des caroncules (excroissances de chair en forme de sourcils, de couleur rouge vermillon) 
sont illustr´es dans la Figure 4. 
queue en forme 
de lyre 
caroncules 
corpulence 
Fig. 4 – T´etras lyre mˆale en parade sexuelle 
11il existe ´evidemment des extensions `a cette th´eorie qui permettent de s’affranchir de certaines de ces 
limites mais c’est bien assez compliqu´e comme ¸ca ! 
11
Les strat´egies ´evolutivement stables 
Consid´erons la corpulence. Les mˆales plus gros sont plus choisis et se reproduisent 
plus. Mais il y a un coˆut `a ˆetre gros, en terme de temps pass´e `a rechercher de la nour-riture 
voire de difficult´e `a ´echapper aux pr´edateurs par exemple. Donc, pour un petit 
mˆale, une augmentation de corpulence repr´esente un gain de fitness et est s´electionn´ee 
positivement. Pour un gros mˆale le coˆut d’une augmentation de corpulence d´epasse le gain 
de fitness qu’il pourrait en tirer et le bilan est globalement n´egatif. Cette augmentation 
est donc s´electionn´ee n´egativement. Entre ces deux cas extrˆemes il existe donc un point 
o`u la s´election s’inverse, o`u la fitness est maximale et vers lequel tend le ph´enotype de la 
population. L’inversion du sens de s´election pour la valeur du ph´enotype correspondant au 
maximum de fitness fait penser `a une relation entre la d´eriv´ee de la fitness par rapport 
au ph´enotype et le sens d’´evolution de celui-ci. 
Wright et Fisher ont, les premiers, propos´e ce mod`ele simple d´ecrivant l’´evolution du 
trait ph´enotypique en fonction de la fitness : 
dx 
dt 
= kx. 
dw 
dx 
(3) 
o`u 
– x est le trait, donc dx 
dt = x˙ repr´esente l’´evolution du trait en fonction du temps 
– kx est le taux d’´evolution (grosso modo un taux de mutation), toujours positif 
– w est la fitness, donc dw 
dx , appel´e gradient de s´election, d´ecrit la variation de fitness 
suite `a une variation de la valeur du trait. C’est la d´eriv´ee de la fitness par rapport 
au trait. Elle d´etermine bien le signe de dx 
dt et donc le sens d’´evolution du trait. 
Le gradient de s´election peut ´egalement ˆetre interpr´et´e comme la pente du paysage 
adaptatif12. Comme nous pouvons le remarquer sur la Figure 5, l’´equation (3) signifie 
que l’´evolution remonte les pentes du paysage adaptatif. L’´evolution s’arrˆete bien sur des 
maxima de fitness (pente = 0). Une fois que le ph´enotype de la population est ´egal la 
valeur procurant la plus grande fitness (¯x), tout mutant de ph´enotype diff´erent aura par 
d´efinition une fitness (=un taux de croissance) plus faible et ne pourra envahir le r´esident. 
Le maximum du paysage adaptatif est une strat´egie ´evolutivement stable. 
x 
w(x) 
_ 
x 
Fig. 5 – Paysage adaptatif de Wright et Fisher et sens de l’´evolution 
Il faut remarquer que, comme sur la Figure 5, le paysage adaptatif peut avoir plu-sieurs 
maxima. Au niveau local (pour de faibles variations du ph´enotype par mutation) 
12Def. paysage adaptatif: courbe d´ecrivant la relation entre la fitness et le trait. 
12
Les strat´egies ´evolutivement stables 
des strat´egies peuvent donc ˆetre ´evolutivement stables. Par contre, si on consid`ere des 
mutations de fort effet (grand changement de ph´enotype) seul le maximum global sera 
une strat´egie ´evolutivement stable. On met donc le doigt sur une premi`ere diff´erence avec 
la th´eorie des jeux dans la d´efinition d’une ESS. 
De plus, cette ´equation simple propos´ee par Wright et Fisher est assez r´eductrice 
car elle suppose une relation absolue entre la fitness et le ph´enotype. Or, comme on l’a 
vu en premi`ere partie, toute d´efinition de la fitness d’un individu est relative `a un autre 
individu : faire 2 kg dans une population de ph´enotype moyen 10 g ou dans une population 
de ph´enotype moyen 5 kg ne veut pas dire la mˆeme chose ! Le paysage adaptatif devrait 
donc d´ependre du ph´enotype moyen de la population et n’est r´eellement d´efini qu’au 
voisinage de ce point. 
4.2 L’´equation canonique des dynamiques adaptatives 
La th´eorie des dynamiques adaptatives propose une nouvelle ´equation d´ecrivant l’´evo-lution 
du trait en fonction de la fitness. On ne d´etaillera pas les maths qui permettent 
d’y arriver mais il faut savoir que cette ´equation ne tombe pas de nulle part. En gros : `a 
partir d’un mod`ele stochastique ( = probabiliste) qui fait naˆıtre, mourir ou se reproduire 
des individus avec certaines probabilit´es en fontion de la valeur de leur trait ph´enotypique, 
on fait une g´en´eralisation d´eterministe ( = une ´equation diff´erentielle) de l’´evolution du 
ph´enotype de toute la population en faisant une moyenne. 
Cette g´en´eralisation est l’´equation canonique des dynamiques adaptatives 
x˙ = kx.n¯(x). 
dw(x, x0) 
dx0 
¯¯¯¯ 
x0=x 
(4) 
o`u 
– x est le trait, donc x˙ repr´esente l’´evolution du trait en fonction du temps 
– kx est le taux d’´evolution (grosso modo un taux de mutation), toujours positif 
– ¯n(x) est la taille de la population `a l’´etat stationnaire. Multiplier par la taille de la 
population revient `a consid´erer que, plus la population est grande, plus la probabilit´e 
d’avoir des variants est ´elev´ee. 
– w(x0, x) est la fitness, cette fois d´efinie de fa¸con relative : c’est la fitness d’un mutant 
de ph´enotype x0 dans une population r´esidente de ph´enotype x. dw(x,x0) 
dx0 
¯¯¯ 
x0=x 
est 
toujours le gradient de s´election mais calcul´e de mani`ere locale13 : pour x0 proche 
de x. 
Ce qui varie (et qu’on connaˆıt donc mal) c’est ¯n(x) et le gradient de s´election. On peut 
consid´erer ¯n(x) comme strictement positif (´etudier une population ´eteinte n’a pas grand 
int´erˆet). La direction d’´evolution du trait d´epend donc encore uniquement du signe du 
gradient de s´election. Pour le calculer, on part d’un mod`ele ´ecologique de la population14. 
13Par passage `a la limite, on se ram`ene mˆeme `a x0 = x. 
14voir appendice C 
13
Les strat´egies ´evolutivement stables 
Ce mod`ele ´ecologique d´etermine donc le sens d’´evolution du trait. En cela les dynamiques 
adaptatives font le lien entre ´ecologie et ´evolution. 
Calculer ce gradient explicite compl`etement le ph´enom`ene ´evolutif. Il est alors pos-sible 
de d´eterminer les points d’arrˆet de l’´evolution, leur stabilit´e etc. notamment par des 
r´eflexions sur la forme locale du paysage adaptatif. N´eanmoins, ceci est plutˆot compliqu´e 
et nous allons donc nous restreindre `a une analyse plus intuitive, sous forme graphique. 
4.3 ´Etude des isoclines de la fitness et caract´erisation des ESS 
Comme on l’a vu dans la partie 2.2, la d´efinition de la fitness d’un ph´enotype est le 
taux d’accroissement dans une population r´esidente. Comme la population r´esidente est 
`a l’´etat stationnaire (taux de croissance nul), sa fitness peut ˆetre d´efinie comme nulle. 
De plus, dire que le gradient de s´election est positif, c’est dire que la pente du paysage 
adaptatif est localement positive, autour de x (le ph´enotype du r´esident). Comme on le 
voit sur la Figure 6 cela signifie que : 
– des mutants avec x0 > x auront un taux de croissance plus ´elev´e que celui des 
r´esidents (= positif ) et envahiront la population ; 
– des mutants avec x0 < x auront un taux de croissance moins ´elev´e que celui des 
r´esidents (= n´egatif) et finiront par disparaˆıtre. 
w(x,x’) 
0 
x’ 
x’ 
fitness x’>0 
fitness x’<0 
x 
Fig. 6 – Comportement local du paysage adaptatif autour du ph´enotype du r´esident 
Le raisonnement peut ˆetre reconduit `a l’identique quand le gradient de s´election est 
n´egatif. Nous pouvons en d´eduire que le signe de la fitness des mutants suffit `a conclure 
quand `a leur invasibilit´e. Il semble alors judicieux d’´etablir le signe de la fitness d’un 
ph´enotype mutant x0 en fonction du ph´enotype du r´esident, x. 
Cette repr´esentation est nomm´ee digramme d’invasion ou PIP : Pairwise Invasi-bility 
Plot. Sur ces diagrammes, sont repr´esent´ees les zones o`u la fitness du mutant est 
positive (+) et celles o`u elle est n´egative (−). Ces zones sont s´epar´ees par des courbes sur 
lesquelles la fitness du mutant est nulle (pour passer de n´egatif `a positif il faut forc´ement 
passer par z´ero `a un moment !). On appelle ces courbes des isoclines nulles de la fitness. 
Ces coubes caract´erisent compl`etement les dynamiques ´evolutives au sein du graphique. 
Il nous sufit donc maintenant de d´efinir les isoclines nulles de la fitness = de chercher 
comment la valeur s´elective du mutant peut s’annuler. 
14
Les strat´egies ´evolutivement stables 
La Figure 7 illustre un cas trivial : quand le mutant a exactement le mˆeme ph´enotype 
que le r´esident15, sa fitness est ´egale `a celle du r´esident, donc `a 0. Une premi`ere isocline 
nulle, pr´esente dans tous les graphiques, est donc la premi`ere bissectrice. 
              
              
+ 
x’ − 
x 
mutant 
résident 
isocline nulle de la fitness 
zone où la fitness du mutant 
est positive 
zone où la fitness du mutant 
est négative 
Fig. 7 – Diagramme d’invasion simple 
Les dynamiques ´evolutives sont alors simples : pour un r´esident x donn´e, tous les 
mutants avec x0  x ont une fitness positive et envahissent (zone hachur´ee). Prenons un 
tel x0, comme sur la figure. Celui-ci envahit et le nouveau ph´enotype r´esident devient donc 
´egal `a ce x0 : on le reporte sur la bissectrice16. On a alors un nouvel ´etat initial dans 
lequel de nouveaux mutants peuvent encore envahir. On reportera leur ph´enotype sur la 
bissectrice etc. Le trajet ´evolutif des ph´enotypes de la population est ainsi repr´esent´e par 
cette fl`eche en marches d’escalier. Elle symbolise les invasions des mutants successifs. Ici, 
apparemment, la valeur du ph´enotype va augmenter jusqu’`a l’infini. 
N´eanmoins, ayant calcul´e la valeur de la fitness du mutant17 on peut trouver comment 
l’annuler, autrement que trivialement avec x0 = x. Cela donnera une autre isocline nulle de 
la fitness sur le PIP. Les intersections des deux isoclines sont des singularit´es ´evolutives 
= des points o`u le gradient de s´election est nul = des points o`u l’´evolution s’arrˆete. Certains 
de ces points sont donc des ESS et nous allons voir comment les caract´eriser de mani`ere 
graphique sur les PIPs dans la Figure 8. 
Sur le PIP de gauche on observe que partant en 1 ou en 2, l’´evolution rapproche les 
ph´enotypes de ¯x, la singularit´e ´evolutive. Cette singularit´e est donc attractive. De plus 
quand on se place en ¯x (sur la verticale en pointill´es), on observe que tout mutant (x0  ¯x 
ou x0  ¯x) a une fitness n´egative donc ne peut envahir le r´esident. Cette singularit´e est 
donc attractive et stable : c’est une ESS. 
Sur le graphique de droite, tout ce qui est dit ci-dessus est encore valable. Nous avons 
donc encore affaire `a une ESS. N´eanmoins, quand on se place en x0 = ¯x on observe (sur 
15Un mutant se d´efinit comme le r´esultat d’une mutation. Quand celle-ci est silencieuse, le mutant a le 
mˆeme ph´enotype que le r´esident. 
16La bissectrice `a dans ce cas un rˆole purement graphique : on se sert la propri´et´e x = x0 pour reporter 
les points et on se fiche pas mal que ce soit une isocline 
17Voir Appendice C 
15
Les strat´egies ´evolutivement stables 
_ 
x 
x’ x’ 
_ 
x 
_ 
x 
_ 
x 
+ 
− 
− 
+ 
x 
1 2 1 2 
x 
+ 
+ 
− 
− 
Fig. 8 – Caract´erisation d’un ESS 
l’horizontale en pointill´e) que la fitness d’un mutant ¯x est toujours n´egative. Cela signifie 
que l’ESS n’est pas invasive18, `a la diff´erence du cas pr´ec´edent. C’est un peu ce qui se 
passe pour la strat´egie du bourgeois : une fois ´etablie, personne ne peut l’envahir mais 
elle-mˆeme ne peut envahir les autres. Le temps d’arriv´ee `a cet ´equilibre ´evolutif sera donc 
beaucoup plus long que pour le premier cas. Graphiquement, cela se sent bien car, plus on 
se rapproche de l’ESS, plus les isoclines “pincent” les zones de fitness positive : de moins 
en moins de mutants sont capables d’envahir le r´esident. L’´evolution proc´edera donc par 
petites mutations (petites marches d’escalier) pour arriver `a l’ESS et sera beaucoup plus 
lente. Cet exemple met en valeur une nouvelle innovation des dynamiques adaptatives par 
rapport `a la th´eorie des jeux : nous sommes maintenant capables de d´ecrire la dynamique 
d’atteinte des ESS. 
4.4 Conflits de s´election et autres singularit´es ´evolutives 
La st´erilit´e mˆale cytoplasmique chez les plantes est un exemple classique de conflit 
entre deux r´eplicateurs qui fait s’attendre `a des ph´enom`enes s´electifs complexes. Dans 
ce cas les r´eplicateurs sont le noyau, qui se transmet pour moiti´e dans chaque sexe, et 
les mitochondries, qui sont transmises de fa¸con cytoplasmique, donc uniquement par les 
femelles. Il existe un conflit entre le noyau, pour lequel les mˆales sont efficaces et les 
mitochondries pour lesquelles les mˆales entraˆınent une perte de g`enes. 
Chez les plantes hermaphrodites, les cons´equences de ce conflit se mat´erialisent. Comme 
le montre la Figure 9, des mitochondries induisant la disparition de la fonction mˆale chez la 
plante qui les portent ont un avantage s´electif important. En effet, supposons une allocation 
de ressources `a la reproduction constante (chaque plante produit soit 1 ovule + 10 grains 
de pollen, soit 2 ovules et 1 ovule = 10 grains de pollen) et deux descendants par plante. 
Il y a une mitochondrie par ovule, z´ero par grain de pollen. Un hermaphrodite transmet 
une seule mitochondrie `a des hermaphrodites de la g´en´eration suivante. Un mˆale-st´erile 
18un mutant de ph´enotype exactement ´egal `a ¯x ne pourra envahir aucune population de r´esident et finira 
donc par s’´eteindre, mˆeme si ¯x est une ESS ! 
16
Les strat´egies ´evolutivement stables 
( = une femelle) transmet 2 mitochondries qui induisent la st´erilit´e mˆale `a la g´en´eration 
suivante. La valeur s´elective des mitochondries induisant la st´erilit´e mˆale est le double de 
celle des mitochondries normales : elles se transmettent deux fois plus. Qui plus est, elles 
assurent la p´erennit´e de ce taux de transmission en st´erilisant les plantes dans lesquelles 
elles arrivent. 
n N,mt N,mtS male ^ 
10 grains de pollen 1 ovule 1 ovule 1 ovule 
n+1 
1/2 N 1/2 N,mt 1/2 N,mtS 1/2 N,mtS 
1 2 
Fitness mitochondrie 
= nb de descendants 
stérile 
(1 seul est efficace) 
Fig. 9 – St´erilit´e mˆale cytoplasmique chez les plantes [Marc-Andr´e Selosse] 
L’h´er´edit´e nucl´eaire induit un sex-ratio de 50-50 (c’est son ESS) mais l’h´er´edit´e cy-toplasmique 
biaise ce sex-ratio vers les femelles. L’optimum cytoplasmique est 100% de 
femelles, n´eanmoins, `a cet optimum la population n’est pas viable et il y a extinction des 
plantes et des mitochondries qu’elles portent. Cela induit la s´election de l’apomixie ou de 
r´eversions. Du point de vue des mitochondries, le point 100% de femelles est donc une 
singularit´e ´evolutive non-envahissable (c’est un maximum de fitness) mais qui n’est pas 
atteignable. Ce genre de singularit´e est po´etiquement nomm´e un jardin d’´Eden. Le PIP 
de la Figure 10 caract´erise cette singularit´e r´epulsive (on s’en ´eloigne) et stable (si on 
fixe x = ¯x aucun mutant ne peut envahir). 
_ 
x 
− 
+ 
+ 
− 
1 2 
x 
x’ 
Fig. 10 – Jardin d’´Eden 
17
Les strat´egies ´evolutivement stables 
Enfin, les dynamiques adaptatives permettent d’identifier les autres types de singula-rit 
´es ´evolutives, mentionn´es ci-dessous. 
x’ x’ 
− − 
_ 
x 
x x 
_ 
x 
+ 
+ 
− 
+ 
− 
+ 
1 2 1 2 
Fig. 11 – Autres type de singularit´es ´evolutives 
Le cas de gauche repr´esente une singularit´e r´epulsive (on s’en ´eloigne) et instable 
(mˆeme quand on fixe x = ¯x n’importe quel mutant a une fitness positive et peut envahir). 
Autant dire que l’´evolution n’ira jamais vers ce point. 
Le PIP de droite repr´esente une singularit´e attractive (on s’en rapproche) et in-stable 
(mˆeme quand on fixe x = ¯x n’importe quel mutant a une fitness positive et 
peut envahir). Cela signifie qu’une fois arriv´e `a ce point, de nouveaux mutants diff´erents 
peuvent apparaˆıtre et tous avoir des taux de croissance positifs. Il est donc possible que 
ces mutants coexistent et forment de nouvelles populations de ph´enotypes diff´erents qui 
pourront ´eventuellement s’isoler en esp`eces. C’est ce qu’on appelle un point de bifur-cation 
´evolutive (ou evolutionary branching) et c’est, au niveau th´eorique, une ca-ract 
´erisation de la sp´eciation sympatrique. 
5 Conclusion 
Nous avons donc vu que la valeur s´elective, d´efinie comme le taux de croissance 
d’un groupe de mutants au sein une population de r´esidents, ´etait un outil utile pour 
caract´eriser les strat´egies ´evolutivement stables en th´eorie des jeux comme en th´eorie 
des dynamiques adaptatives. Ces strat´egies se d´efinissent comme des ph´enotypes non 
envahissables. 
Cet expos´e met en valeur le fait que, au niveau th´eorique au moins, de nombreuses 
singularit´es ´evolutives peuvent ˆetre identifi´ees et que leur dynamique d’atteinte peut ˆetre 
non-triviale. Dans certains syst`emes biologiques des ph´enotypes semblent ˆetre identifi´es 
comme des ESS. C’est par exemple le cas pour la r´eduction des combats entre mˆales 
qui est une tendance ´evolutive tr`es r´epandue et que nous avons particuli`erement d´ecrite 
chez le cerf. Il n’en reste pas moins que ce n’est qu’une caract´erisation artificielle d’une 
situation biologique r´eelle et que la r´ealit´e des forces ´evolutives `a l’oeuvre dans ce syst`eme 
18
Les strat´egies ´evolutivement stables 
est probablement complexe. 
Enfin, les deux th´eories pr´esent´ees ici ont ´egalement d’autres r´epercussions. Les dy-namiques 
adaptatives ont par exemple permis d’´etudier plus intens´ement les dynamiques 
´evolutives dites de la Reine Rouge. Les avanc´ees de la th´eorie des jeux appliqu´ee `a 
l’´evolution sont, quand `a elles, `a nouveau utilis´ees en ´economie. 
A Bibliographie 
Du moins utile au plus utile : 
´ Ecologie g´en´erale. R. Barbault. Dunod. 
– Chap 6, derni`ere partie sur la s´election naturelle 
– Chap 7, sur les strat´egies biod´emographiques (surtout les deux premi`eres parties) 
Evolution. Ridley. Blackwell. 
– La discussion de la notion d’adaptation 
– L’exemple du nerf laryngien de la girafe 
– p. 215-219 (ed anglaise). Aborde tr`es l´eg`erement la notion de paysage adaptatif. 
Les avatars du g`ene. P.H. Gouyon, J.P. Henry, J. Arnoult. Belin. 
– p. 108 pour la d´efinition de la valeur s´elective en g´en´etique des populations 
– p. 309 (annexe) pour l’impact de la valeur s´elective sur l’´evolution des g´enomes 
– p. 222 et suivantes (Chapitre “Eh bien jouez maintenant !”). On y trouve notamment 
l’exemple des papillons territoriaux ainsi que le jeux faucon-colombe-bourgeois. 
An introduction to behavioral ecology. J.R Krebs, N.B Davies. Blackwell. 
– p.147-155 (Chapitre 7) pour l’evolutionary game theory. Il aborde les objectifs de 
la th´eorie, pr´esente tr`es clairement des jeux classiques et confronte les r´esultats 
th´eoriques avec la vraie vie. 
– p.162 pour l’exemple de la ritualisation des combats des cerfs 
B Nota bene 
La partie sur la fitness est tr`es d´evelopp´ee, trop pour cette le¸con, mais les id´ees peuvent 
resservir pour une autre d´em intitul´ee “La notion de valeur s´elective”. Il suffit peut-ˆetre de 
balancer quelques d´efinitions au d´ebut, en consid´erant le concept de fitness comme connu. 
La partie sur les dynamiques adaptatives est ´egalement largement d´evelopp´ee, ceci 
afin de comprendre tout le raisonnement. Tout n’est pas forc´ement `a refaire (surtout pas 
l’appendice qui suit !) mais la notion de paysage adaptatif est importante pour ce sujet et 
les PIPs me semblent une illustration efficace et convaincante du concept de singularit´e 
´evolutive. 
Enfin tout ¸ca est ´evidemment `a remanier en fonction des documents fournis par le jury, 
d’o`u l’int´erˆet de d´ecrire assez compl`etement chaque point afin de fournir des ´el´ement face 
`a diff´erents docs. Vive la d´em ! 
19
Les strat´egies ´evolutivement stables 
C Calcul du gradient de s´election des dynamiques adaptatives 
Le calcul de la taille de la population r´esidente `a l’´etat stationnaire (¯n(x)) et du gradient 
de s´election comprends 3 ´etapes simples : 
1. ´Ecrire un mod`ele de dynamique de la population r´esidente et calculer sa condition 
de stationnarit´e (on aura ¯n(x)). Allons-y : 
n˙ = f(n, x).n (5) 
o`u n est l’effectif de la population r´esidente et f(x, n) son taux de croissance qui est 
une fonction, que nous fixons, de la taille de la population et du ph´enotype (par 
exemple une croissance logistique). Cette ´equation dit seulement que la population 
d’effectif n se multiplie `a un taux f(x, n). L’´etat stationnaire pour cette population 
est l’´etat ou l’effectif ne varie plus, donc quand : 
n˙ = 0 () f(x, n¯).n¯ = 0 (6) 
Donc la d´efinition de ¯n d´epend bien de x et l’´equation 6 donne ¯n(x). 
2. Introduire un mutant et ´ecrire un mod`ele de comp´etition entre le r´esident et le 
mutant. 
n˙ = f(n, n0, x, x0).n (7a) 
n˙ 0 = f(n, n0, x, x0).n0 (7b) 
Les taux de croissance des deux populations d´ependent maintenant des param`etres 
de chacune des populations : cela signifie que les populations r´esidentes et mutantes 
interagissent. Le taux de croissance du mutant est par exemple f(n, n0, x, x0). Comme 
on l’a vu dans la partie 2.2, la d´efinition de la fitness d’un ph´enotype est le taux 
d’accroissement d’un mutant au sein de la population r´esidente (ici `a l’´etat station-naire). 
Nous nous restreignons ici `a des mutations g´en´etiques (pas de migration) le 
mutant est donc initialement rare19 Donc la fitness peut s’´ecrire comme : 
w(x, x0) = f(¯n(x), 0, x, x0) (8) 
3. Calculer le gradient de s´election. Pour cela il suffit de d´eriver la fitness ´ecrite en 8 
´etant donn´e qu’on connaˆıt tous les termes20. D’o`u : 
dw(x, x0) 
dx0 
¯¯¯¯ 
x0=x 
= df(¯n(x), 0, x, x0) 
dx0 
¯¯¯¯ 
x0=x 
(9) 
´Etant donn´e que f est une fonction connue on peut la d´eriver et voil`a on connaˆıt le signe 
du gradient de s´election et donc le sens de l’´evolution. 
19´A 
la limite, on consid`ere ici la taille de la population de mutant comme nulle. 
20¯n(x) a ´et´e calcul´e dans l’´etape 1. 
20

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  • 1. Lec¸on B Pr´eparation `a l’agr´egation SVTU Les strat´egies ´evolutivement stables Table des mati`eres 1 Introduction 1 2 Que s´electionne la s´election naturelle ? 2 2.1 S´election et adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 2.2 Les effets de la s´election au niveau populationnel . . . . . . . . . . . . . . . . 4 2.3 Le succ`es reproducteur est un estimateur de la valeur s´elective . . . . . . . . . 4 3 La th´eorie des jeux mod´elise efficacement les conflits 5 3.1 Description de la th´eorie des jeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 3.1.1 La th´eorie des jeux ´economique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 3.1.2 L’application de la th´eorie des jeux `a l’´evolution . . . . . . . . . . . . . 5 3.2 Exemple de jeu ´eco-´evolutif simple et d´efinition des ESS . . . . . . . . . . . . 6 3.2.1 Faucon vs. Colombe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 3.2.2 Le bourgeois : strat´egie mixte ´evolutivement stable . . . . . . . . . . . 8 4 Les dynamiques adaptatives : le lien entre ´ecologie et ´evolution 11 4.1 L’´equation de Wright et Fisher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 4.2 L’´equation canonique des dynamiques adaptatives . . . . . . . . . . . . . . . . 13 4.3 ´Etude des isoclines de la fitness et caract´erisation des ESS . . . . . . . . . . . 14 4.4 Conflits de s´election et autres singularit´es ´evolutives . . . . . . . . . . . . . . . 16 5 Conclusion 18 A Bibliographie 19 B Nota bene 19 C Calcul du gradient de s´election des dynamiques adaptatives 20 Jean-Olivier Irisson irisson@normalesup.org
  • 2. Les strat´egies ´evolutivement stables 1 Introduction Pour commencer, l’int´erˆet peut ˆetre port´e `a un probl`eme d’´ecologie comportementale : les combats entre cerfs mˆales. Les combats entre mˆales sont assez fr´equents chez les esp`eces sociales ou/et polygames. L’issue de ces combats d´etermine l’acc`es aux femelles. Ils sont ainsi directement li´es au succ`es reproducteur1 des individus, donc tr`es ´etudi´es. Or toutes les ´etudes convergent pour montrer que ces combats sont rarement dommageables pour les individus : seuls 10% des cerfs de 1 `a 5 ans portent des marques de blessures li´ees aux combats. De plus ces combats sont tr`es ritualis´es et comportent plusieurs ´etapes bien d´efinies illustr´ees dans la Figure 1. L’issue de chacune de ces ´etapes conditionne le passage `a la suivante. Si un mˆale brame plus fort que l’autre la confrontation s’arrˆete et le mˆale au brame le plus puissant a acc`es au harem de femelles. Si le brame est ´egal alors commence la marche d’´evaluation de la corpulence de l’adversaire et c’est uniquement quand les deux adversaires sont de corpulence ´egale que le combat a lieu. brame marche d’évaluation de la corpulence combat modéré (bois contre bois) Fig. 1 – Combat ritualis´e chez le cerf (Cervus elaphus)[Krebs & Davies, p.162] Il existe donc une certaine “convention sociale” au sein des populations de cerfs. Pourtant des animaux ne respectant pas cette convention et attaquant syst´ematiquement leurs adversaires par le cˆot´e, leur infligeant des blessures importantes sans risque, au-raient probablement acc`es `a beaucoup de femelles et augmenteraient fortement leur succ`es 1Def. succ`es reproducteur: nombre de descendants survivant jusqu’`a l’ˆage de premi`ere reproduction. 1
  • 3. Les strat´egies ´evolutivement stables reproducteur individuel. Apparemment l’´evolution n’aboutit pas `a de telles strat´egies comportementales car elles ne sont jamais observ´ees. Plusieurs hypoth`eses peuvent ˆetre ´emises pour expliquer ce ph´enom`ene : 1. Le succ`es reproducteur n’est pas la quantit´e ayant de l’importance au niveau ´evolutif 2. Le succ`es reproducteur est une quantit´e importante mais lors des conflits entre in-dividus il existe des forces de s´election complexes et l’´equilibre ´evolutif auquel elles conduisent n’est pas trivial Une br`eve premi`ere partie s’int´eressera donc `a la nature de la valeur s´elective (la quan-tit ´e d’int´erˆet en ´evolution) afin de poser quelques d´efinitions utiles pour la suite de la r´eflexion. La seconde partie se focalisera sur les ph´enom`enes de s´election associ´es aux conflits entre individus et `a leurs cons´equences ´evolutives. Nous verrons alors que les strat´egies s´electionn´ees au cours de l’´evolution se caract´erisent en terme de stabilit´e et non de qualit´e et d´efinirons ainsi les strat´egies ´evolutivement stables. La derni`ere partie portera la r´eflexion sur la dynamique d’atteinte de ces ´equilibres ´evolutifs. 2 Que s´electionne la s´election naturelle ? 2.1 S´election et adaptation Il paraˆıt int´eressant de se pencher sur un exemple de s´election naturelle bien connu : les morphes color´es du phal`ene du bouleau (Biston betularia). Le phal`ene est un papillon de nuit qui pr´esente un polymorphisme de couleur. La couleur la plus r´epandue avant la r´evolution industrielle ´etait le blanc, les morphes noirs ´etant pr´esents mais extrˆemement rares. Lors de la r´evolution industrielle il a ´et´e constat´e en Angleterre que la fr´equence des morphes noirs augmentait largement dans les zones de bois proches des villes. L’aug-mentation de la fr´equence des morphes noirs est interpr´et´ee comme un effet de la s´election naturelle par pr´edation diff´erentielle des deux morphes en fonction de leur couleur. En effet, comme le montre la Figure 2, en zone non pollu´ee les troncs des bouleaux sur les-quels ces papillons passent la journ´ee sont couverts de lichens et sont blancs. Dans ce cas, les morphes blancs sont cryptiques, ´echappent aux pr´edateurs et c’est ce qui expliquerait leur abondance avant la r´evolution industrielle. En revanche, en zone pollu´ee les lichens disparaissent et les troncs r´ev`elent la couleur sombre de leur ´ecorce. Les morphes noirs deviennent alors cryptiques et c’est ce qui expliquerait leur augmentation en fr´equence aux alentours des villes. La s´election naturelle semble donc r´esulter en une adaptation des individus `a leur milieu. Une bonne caract´erisation des effets de la s´election au cours de l’´evolution pourrait donc ˆetre une sorte de degr´e d’adaptation des individus. Cela se sent bien dans le mot anglais d´efinissant la valeur s´elective des individus : la fitness = le fait de correspondre `a l’environnement (de to fit : “bien aller `a”). 2
  • 4. Les strat´egies ´evolutivement stables zone propre zone polluée Fig. 2 – Le cryptisme des morphes du phal`ene du bouleau N´eanmoins la d´efinition d’adaptation pose probl`eme. Ridley en donne une d´efinition2 difficilement v´erifiable dans la plupart des cas. En effet, comment tester le succ`es d’un individu priv´e d’une seule de ses caract´eristiques, toutes les autres restant strictement ´egales ? De plus on peut se demander pourquoi les individus que nous observons `a l’heure ac-tuelle ne sont pas tous compl`etement adapt´es `a leur environnement, r´esultat logique d’une longue s´election naturelle. Par exemple l’allongement du cou de la girafe, qui semble ˆetre un caract`ere adaptatif en savane (qui lui permet de brouter les hautes feuilles des arbres, inaccessibles `a la plupart des animaux), s’accompagne de caract`eres anatomiques ´etranges. On peut citer l’exemple du nerf laryngien r´ecurrent, quatri`eme branche du nerf vague, qui se d´etache du cerveau post´erieur, descend tout le long du cou pour faire une boucle au voisinage du coeur, avant de remonter le cou pour finalement aboutir au larynx. Entre ces deux points il n’´etablit aucune connection nerveuse. Ce trajet a une origine ancestrale pour les mammif`eres et il est particuli`erement surprenant chez la girafe du fait de l’allon-gement de son cou. Ce caract`ere n’a rien d’adaptatif (on pourrait mˆeme consid´erer que la construction d’un nerf aussi long, sans connections, est un coˆut) mais il est li´e `a l’allonge-ment du cou. Cet exemple met en valeur l’existence de contraintes d´eveloppementales et architecturales dans l’organisation des ˆetre vivants qui font que chaque ´el´ement n’est pas une r´eponse parfaite `a une pression de s´election pr´ecise. Chaque organisme ne peut donc ˆetre compl`etement adapt´e `a toute situation. La s´election naturelle favorise finalement ceux qui, en moyenne, r´eussissent “moins mal” que que les autres. Il semble donc impossible de d´efinir une caract´eristique intrins`eque des individus, li´ee `a leur degr´e d’adaptation au milieu, qui rende r´eellement compte des effets de la s´election naturelle. `A ce point, la valeur s´elective ne peut ˆetre d´efinie que de fa¸con conceptuelle3. N´eanmoins, l’int´erˆet peut ˆetre port´e aux cons´equences d’une s´election positive au niveau populationnel. Elles permettraient peut-ˆetre de caract´eriser plus pr´ecis´ement la fitness. 2Def. adaptation: la caract´eristique d’un individu qui lui permet de survivre et de se reproduire dans son environnement naturel mieux qu’en l’absence de cette caract´eristique [Evolution, Ridley]. 3Def. valeur s´elective: ce qui est favoris´e par la s´election naturelle au cours de l’´evolution dans un environnement donn´e. 3
  • 5. Les strat´egies ´evolutivement stables 2.2 Les effets de la s´election au niveau populationnel Darwin d´efinit ainsi la s´election naturelle : I have called this principle, by which each slight variation, if useful, is preserved, by the term of Natural Selection, [The origin of species, 1859]. Elle se d´efinit donc pour toute entit´e polymorphe capable de se r´epliquer et signifie qu’un morphe du r´eplicateur s´electionn´e positivement augmente en fr´equence dans la population. Traditionnellement deux r´eplicateurs sont consid´er´es : les individus, vus comme un ensemble de caract`eres, et les g`enes. Au niveau individuel : la s´election entraˆıne une augmentation en fr´equence des ph´eno-types s´electionn´es. La fitness peut ˆetre d´efinie pour un ph´enotype comme le taux d’accroissement d´emographique relatif d’un groupe de mutants portant ce ph´enotype au sein d’une population de ph´enotype diff´erent. Au niveau g´en´etique : l’int´erˆet est port´e aux fr´equences all´eliques. La fitness se d´efinit, pour un all`ele, comme le taux de croissance de la fr´equence de cet all`ele, relativement `a la croissance d´emographique de la population. La valeur s´elective peut donc ˆetre caract´eris´ee au niveau populationnel par un taux de croissance relatif du r´eplicateur consid´er´e. N´eanmoins, ces d´efinitions sont th´eoriques et peu efficace au niveau des ´etudes de terrain. Un retour au niveau individuel semble donc n´ecessaire pour d´evelopper des estimateurs des taux de croissance consid´er´es. 2.3 Le succ`es reproducteur est un estimateur de la valeur s´elective En biologie des populations : le taux de croissance d’une population est li´e aux pa-ram` etres de naissance et de mortalit´e des individus. Le succ`es reproducteur de chaque individu4 semble donc ˆetre une quantit´e appropri´ee pour l’estimer. Cette quantit´e est elle-mˆeme souvent estim´ee par des mesures annuelles comme la taille de ponte ou le nombre de jeunes `a l’envol du nid pour les oiseaux par exemple. En g´en´etique des populations : les fr´equences all´eliques peuvent ˆetre estim´ees direc-tement en g´enotypant un ´echantillon de la population. Les taux de croissance des fr´equences all´eliques peuvent ˆetre calcul´es quand l’´echantillonnage est conduit sur plusieurs cycles de reproduction. Il existe donc une quantit´e, nomm´ee valeur s´elective, caract´erisant les effets de la s´election naturelle au niveau populationnel. Le succ`es reproducteur est un bon estima-teur de cette quantit´e au niveau individuel et a donc une grande importance ´evolutive. Il convient alors de s’interroger sur les m´ecanismes de s´election lors des conflits interin-dividuels et plus pr´ecis´ement sur la nature des forces ´evolutives qui peuvent expliquer la ritualisation des combats entre les cerfs mˆales. 4Def. succ`es reproducteur: nombre de descendants survivant jusqu’`a l’ˆage de premi`ere reproduction. 4
  • 6. Les strat´egies ´evolutivement stables 3 La th´eorie des jeux mod´elise efficacement les conflits Pour expliquer la ritualisation des combats, il est possible d’invoquer la s´election de groupe : la multiplication de combats in´egaux, mˆeme si elle est b´en´efique aux individus tricheurs les pratiquant, est mauvaise pour l’esp`ece car elle entraˆıne beaucoup de mortalit´e. N´eanmoins, les ph´enom`enes de s´election de groupe sont toujours sujets `a controverse et une explication individuelle a ´et´e recherch´ee : est-il possible que, pour chaque individu, il soit plus avantageux d’´eviter les combats, au moins en partie ? La th´eorie des jeux est un formalisme adapt´e `a cette ´etude individuelle. 3.1 Description de la th´eorie des jeux 3.1.1 La th´eorie des jeux ´economique L’origine de cette discipline est la th´eorie ´economique. Elle repr´esente les interactions entre des agents ´economiques rationnels, formalis´ees sous forme de jeux. La force de cette th´eorie, et son int´erˆet ici, est que, dans un jeu5, le gain6 apport´e par une strat´egie7 d´epend des strat´egies choisies par les autres joueurs. Il existe souvent des conflits d’int´erˆet entre les joueurs et cette th´eorie devait permettre de les r´esoudre en trouvant la solution la “moins mauvaise” pour chacun. Le probl`eme est que nous ne sommes pas des agents enti`erement rationnels. La preuve : • Jeu – Prix du ticket de m´etro parisien : 1 euro – Prix d’une amende : 25 euros ; probabilit´e d’occurrence : 1/100 • Strat´egies et gains associ´es – je paie mon ticket, gain = −1 euro (n´egatif : c’est un coˆut. . .) – je ne paie pas, gain = −0, 25 euro Pourtant une majorit´e de parisiens paient leur ticket ! Cet exemple met en valeur le fait que pour des agents ´economiques (= des humains) des jugements de valeurs, des habitudes ou encore des tendances de groupes peuvent entrer en consideration dans le choix. 3.1.2 L’application de la th´eorie des jeux `a l’´evolution L’evolutionary game theory de Maynard-Smith et Price (1973) est n´ee dans le domaine de l’´ecologie comportementale, afin de r´epondre `a des questions similaires `a celle qui nous int´eresse maintenant. Dans ce cas : – strat´egie = ph´enotype h´eritable, – gain = valeur s´elective. 5Def. jeu: mod`ele math´ematique d´efinissant les r`egles d’un conflit entre plusieurs d´ecisions 6Def. gain: une quantit´e qui mesure le succ`es individuel 7Def. strat´egie: plan contenant des instructions pour n’importe quelle situation 5
  • 7. Les strat´egies ´evolutivement stables Comme on l’a vu pr´ec´edemment la valeur s´elective est d´efinie comme le taux de croissance d’un groupe de mutants dans une population de ph´enotype donn´e. Donc : strat´egie qui re¸coit en moyenne le gain le plus ´elev´e = ph´enotype qui maximise la moyenne du taux d’accroissement de la population le portant Comme nous l’avons vu dans le 2.2, c’est ainsi que joue la s´election naturelle et la solution la “moins mauvaise” est bien celle choisie par la s´election. Par l’interm´ediaire des jeux, nous observons donc les effets de la s´election naturelle dans les populations. Or la s´election naturelle est consid´er´ee comme rationnelle : elle ne fait pas de jugement de valeurs ou n’a pas d’habitudes. Si la s´election naturelle d´ecidait dans le jeu pr´ec´edent, elle ne ne paierait pas son ticket de m´etro ! Cela permet de supposer des r´eactions rationnelles des joueurs et rend l’adaptation de la th´eorie des jeux `a l’´evolution tr`es efficace. 3.2 Exemple de jeu ´eco-´evolutif simple et d´efinition des ESS 3.2.1 Faucon vs. Colombe • Jeu : Des individus sont mis en comp´etition pour l’acc`es `a un territoire. S’il y a combat le premier bless´e abandonne, l’autre est gagnant. Si l’un des deux individus refuse le combat l’autre gagne par “forfait”. • Strat´egies : – agressive, nomm´ee “faucon” : se bat pour le territoire (risque d’ˆetre bless´e). – pacifique, nomm´ee “colombe” : ´evite le combat quitte `a laisser le territoire. • Gains : – Gain du gagnant (occupe le territoire) : Gg – Coˆut des blessures : −Gb On r´esume les r´esultats possibles du jeu dans une matrice de gains qui donne les gains de chaque strat´egie rencontrant toutes les autres. Ici sont donn´es les gains des strat´egies en ligne rencontrant les strat´egies en colonne (Cf. fl`eche). % Faucon Colombe Faucon 1/2 × Gg − 1/2 × Gb Gg Colombe 0 1/2 × Gg Quand un faucon rencontre un autre faucon il a une chance sur deux de gagner (1/2 × Gg) et une chance sur deux d’ˆetre bless´e et de perdre (1/2 × (−Gb)). Quand un faucon rencontre une colombe la colombe fuit et le faucon gagne le ter-ritoire sans combat (Gg). Quand une colombe rencontre un faucon elle fuit et laisse le territoire (0). 6
  • 8. Les strat´egies ´evolutivement stables Quand une colombe rencontre une autre colombe elle a une chance sur deux de gagner le territoire parce que l’autre fuit (1/2 × Gg). Chaque individu peut ˆetre faucon ou colombe dans ce conflit et, comme cela a ´et´e soulign´e plus haut, ceci est d´etermin´e par la s´election naturelle, en fonction de la la valeur s´elective de chaque ph´enotype. Comme on l’a vu dans la partie 2.2, la d´efinition de la valeur s´elective est relative. Ce qui importe ici n’est donc pas la valeur absolue des gains (=valeurs s´electives) mais la diff´erence entre les gains (=valeurs s´electives) des deux ph´enotypes. La diagonale repr´esente ce qui se passe pour une population dans laquelle les individus jouent tous la mˆeme strat´egie (les faucons ne rencontrent que des faucons ou les colombes ne rencontrent que des colombes). Il faut donc comparer le gain de ce ph´enotype r´esident8 avec le gain obtenu par le ph´enotype alternatif (=l’autre valeur en colonne). Faucon vs colombe. Un individu jouant “faucon” arrivant dans une population r´esidente “colombe” obtient un gain Gg, sup´erieur `a Gg/2, celui des individus r´esidents. Ceci est compr´ehensible car toutes les colombes fuient devant ce faucon qui gagne donc un ter-ritoire `a chaque interaction. Comme son gain = sa fitness = son taux de croissance est sup´erieur, le mutant envahit la population r´esidente. Colombe vs faucon. Un individu jouant “colombe” arrivant dans une population r´esidente “faucon” obtient un gain de 0, qu’il faut comparer `a (Gg − Gb)/2, celui des individus r´esidents. 1. Si Gg > Gb alors Gg −Gb > 0 et la “colombe” n’envahit pas. Le ph´enotype “faucon” est stable. C’est une strat´egie ´evolutivement stable. Ce r´esultat parait ´egalement logique : quand le coˆut du combat est inf´erieur `a ce que le combat peut rapporter, il faut se battre. Nous pouvons remarquer ici que le gain obtenu, (Gg − Gb)/2, est inf´erieur `a Gg/2, celui obtenu en absence de faucons. Ceci met en valeur le fait que la s´election naturelle aboutit `a des strat´egies stables mais pas forc´ement optimales. 2. Si Gg < Gb alors Gg−Gb < 0 et le mutant “colombe” envahit la population “faucon”. Cela se comprend car cet individu ne subit pas le coˆut ´elev´e des combats que paient par contre tous les “faucons”. Dans ce cas aucun des deux ph´enotypes n’est stable car ils sont r´eciproquement envahissables. La d´efinition relative de la fitness nous am`ene donc `a ne pas juger les strat´egies en terme de qualit´e mais en terme de stabilit´e. Une strat´egie ´evolutivement stable9 est une strat´egie qui, une fois ´etablie, n’est pas envahissable. Cette partie per-met d’expliciter `a quelle condition l’´evolution tend vers une multiplication des combats. N´eanmoins elle n’explique pas pourquoi, dans l’autre cas, il y a une r´eduction des combats comme nous l’avons remarqu´e dans le cas des cerfs. 8Def. r´esident: pr´esent en tr`es large majorit´e dans la population 9ou ESS : Evolutionary Stable Strategy 7
  • 9. Les strat´egies ´evolutivement stables 3.2.2 Le bourgeois : strat´egie mixte ´evolutivement stable Dans le jeu pr´ec´edent, le gain moyen de chaque strat´egie d´epend de la proportion de faucons et de colombes dans la population. Soit p la proportion de faucons, 1 − p celle de colombes. Les gains moyens sont : GF = p × Gg − Gc 2 + (1 − p) × Gg (1a) GC = p × 0 + (1 − p) × Gg 2 (1b) Il existe un ´equilibre ´evolutif quand les deux gains sont identiques : GF = GC () p × Gg − Gc 2 + (1 − p) × Gg = p × 0 + (1 − p) × Gg 2 (2a) () pe = Gg Gb (2b) Remarque : et on retrouve que pe −! 1 quand Gg augmente par rapport `a Gb. L’existence de cet ´equilibre est li´ee `a la propri´et´e d’invasibilit´e r´eciproque mise en valeur plus haut. Cette propri´et´e peut ˆetre caract´eris´ee sur la matrice des gains. R´e´ecrivons la matrice de gains du jeu faucon-colombe en notant les gains des deux joueurs : PPPPP 2 . 1 % PPPP Faucon Colombe Faucon PPPPPPPPP GF×F GF×F PPPPPPPPP GC×F GF×C Colombe PPPPPPPPP GC×F GF×C PPPPPPPPP GC×C GC×C On remarque une sym´etrie dans ce tableau. C’est cette sym´etrie qui est caract´eristique de l’invasibilit´e r´eciproque ou, pour le dire `a la fa¸con de la th´eorie des jeux, de fait que deux strat´egies soient chacune la meilleure r´eponse `a l’autre. En effet, si on se place dans les conditions non-triviales o`u faucon n’est pas une ESS pure on peut choisir Gg = 50 et Gb = 100. Un petit calcul donne alors : PPPPPPPPP 2 . 1 % Faucon Colombe Faucon HHHHHH -25 -25 HHHHHH 0 50 Colombe HHHHHH 0 50 HHHHHH 25 25 Les gains de 1 ont ´et´e marqu´e en gras. On remarque que quand 2 est un faucon, il vaut mieux que 1 soit une colombe (0 > −25). Sym´etriquement, quand 2 est une colombe, il vaut mieux que 2 soit un faucon (50 > 25). L’´equilibre d´efinit par cette propri´et´e se nomme ´equilibre de Nash10. 10De John Nash Jr, le math´ematicien qui en a d´ecouvert les propri´et´es et qui est le p`ere de la th´eorie des jeux ´economique. Ceci lui a valu le prix Nobel en 1994. Il a accessoirement ´et´e interpr´et´e par Russel Crowe dans A beautiful mind. Vous voulez ˆetre fort en maths ? devenez schizophr`ene ! 8
  • 10. Les strat´egies ´evolutivement stables Le fait que cet ´equilibre existe sugg`ere qu’une strat´egie mixte jouant faucon ou co-lombe dans des proportions d´efinies peut ˆetre stable. Les papillons Pararge aegaria mˆales pr´esentent un comportement mixte lors de leurs interactions avec les autre mˆales. Comme cela est illustr´e sur la Figure 3, ces papillons prennent possession d’une tache de lumi`ere dans laquelle les femelles peuvent les rejoindre pour la reproduction. Lorsqu’un mˆale ar-rive sur une tache d´ej`a occup´ee, le propri´etaire le d´efie et l’arrivant accepte rapidement sa d´efaite, quelque soit sa corpulence. Par contre, lorsque deux mˆales sont plac´es simul-tan ´ement dans une tache de lumi`ere, ils se d´efient mutuellement lors d’un vol en spirale tr`es long dont l’un ou l’autre sort vainqueur au hasard. Le propriétaire chasse systématiquement l’intrus Quand les deux se croient propriétaires, l le combat pour le territoire est intense Fig. 3 – Combat ritualis´e et respect de la propri´et´e chez les papillons Pararge aegarie. [Gouyon, Henry, Arnoult, p. 222][J. Maynard-Smith, PLS, 1978] Une telle strat´egie est nomm´ee strat´egie du “bourgeois” : quand un individu est premier sur le territoire, il combat pour le d´efendre face `a n’importe quel type d’agresseur (il joue alors faucon) ; quand il arrive en second par contre il ´evite le combat quitte `a laisser le territoire (il joue alors colombe). On consid`ere que les deux ´ev`enements sont ´equiprobables : un individu a une chance sur deux d’ˆetre premier et une chance sur deux d’ˆetre second. Cette strat´egie est commune dans la nature, notamment chez les animaux territoriaux. 9
  • 11. Les strat´egies ´evolutivement stables La matrice de gains devient donc : % Faucon Colombe Bourgeois F GF×F GF×C 1/2 × GF×F + 1/2 × GF×C C GC×F GC×C 1/2 × GC×F + 1/2 × GC×C B 1/2 × GF×F + 1/2 × GC×F 1/2 × GC×F + 1/2 × GC×C 1/2 × Gg + 1/2 × Gp o`u GX×Y d´esigne le gain de X interagissant avec Y (ceux calcul´es pr´ec´edemment). Les gains calcul´es pourles interactions faisant intervenir la strat´egie bourgeois se comprennent en gardant `a l’esprit qu’un bourgeois se comporte une fois sur deux comme un faucon et l’autre fois comme une colombe. Par exemple un faucon interagissant avec un bourgeois interagit une fois sur deux avec un autre faucon (1/2 × GF×F ) et une fois sur deux avec une colombe (1/2 × GF×C). Il suffit donc de faire les moyennes des gains en ligne et en colonne pour trouver les gains des interactions faisant intervenir un bourgeois. En reprenant le cas non trivial ´etudi´e ci-dessus, la matrice de gains est la suivante : % Faucon Colombe Bourgeois Faucon −25 50 12,5 Colombe 0 25 12,5 Bourgeois −12, 5 37,5 25 Dans ce cas, en comparant les chiffres de la diagonale au reste de chaque colonne on observe que – les strat´egies faucon et colombe ne sont toujours pas stables (´evidemment rien n’a vraiment chang´e pour elles) – les individus d’une population ayant la strat´egie bourgeois ont une fitness plus ´elev´ee que n’importe quel mutant (faucon ou colombe) tentant de l’envahir (25 > 12, 5). La strat´egie bourgeois, une fois ´etablie, est donc dominante. Pour ce jeu, la strat´egie bourgeois est une strat´egie ´evolutivement stable car elle n’est envahissable par aucun mutant. La strat´egie comportementale “bourgeois” est un exemple d’argument individuel expliquant l’´evolution de la limitation des interactions agressives. Dans le cas des cerfs, la “convention sociale” adopt´ee par l’esp`ece est une ritualisation des combats. Celle d´evelopp´ee ici est un certain respect de la propri´et´e (territorialit´e) mais l’argument ´evolutif est identique dans les deux cas : dans une population o`u les individus “respectueux” sont suffisamment nombreux, des tricheurs qui essaieraient de combattre in´egalement ou de conqu´erir n’importe quel territoire sont moins performants individuellement que les autres individus. Il y a donc bien un effet de groupe (cf. “suffisamment nombreux”) mais qui a des cons´equences au niveau de la fitness individuelle. N´eanmoins, la dynamique d’atteinte de cet ´etat stable n’est pas triviale. En effet, dans une population de faucons, la strat´egie dominante est colombe et non bourgeois ; dans une population de colombes, le ph´enotype dominant est faucon et non bourgeois. Il est donc difficile de dire s’il est mˆeme possible d’atteindre l’´etat o`u bourgeois est r´esident ! 10
  • 12. Les strat´egies ´evolutivement stables La th´eorie des jeux a donc permis de d´efinir les strat´egies ´evolutivement stables comme des ph´enotypes non-envahissables. N´eanmoins la dynamique d’atteinte de ces strat´egies n’est pas abord´ee. Afin de traiter ce probl`eme, il est n´ecessaire de d´ecrire explicitement les interactions ´ecologiques et d’en d´eduire l’´evolution des ph´enotypes. C’est ce que se propose de faire la th´eorie des dynamiques adaptatives. 4 Les dynamiques adaptatives : le lien entre ´ecologie et ´evolution Les dynamiques adaptatives se limitent11 `a : – une population ferm´ee, d´emographiquement `a l’´etat stationnaire – un trait ph´enotypique quantitatif (taille corporelle, poids des oisillons `a l’envol, in-tensit ´e de la couleur des plumes etc.) que nous consid´erons ici comme une strat´egie, au sens de la th´eorie des jeux Dans ce cadre, `a partir d’une ´equation d´ecrivant l’´evolution du trait ph´enotypique en fonction de la fitness des individus, cette th´eorie se propose de d´eduire l’´evolution du trait `a partir des interactions ´ecologiques dans la population. La difficult´e tient donc dans la formalisation du rapport entre fitness et ´evolution. 4.1 L’´equation de Wright et Fisher Un exemple simple permet d’obtenir de premiers r´esultats. Consid´erons une esp`ece pour laquelle le choix du partenaire revient aux femelles, ce qui est le cas le plus r´epandu quand il y a choix du partenaire. Chez le T´etras-lyre (Tetrao terix ) par exemple, les femelles circulent entre les aires de parade (ar`enes) des mˆales et font leur choix en fonction de plusieurs param`etres. Certains comme la corpulence, l’intensit´e de la coloration du plumage (particuli`erement celui de la queue, en forme de lyre, qui leur vaut leur nom) et des caroncules (excroissances de chair en forme de sourcils, de couleur rouge vermillon) sont illustr´es dans la Figure 4. queue en forme de lyre caroncules corpulence Fig. 4 – T´etras lyre mˆale en parade sexuelle 11il existe ´evidemment des extensions `a cette th´eorie qui permettent de s’affranchir de certaines de ces limites mais c’est bien assez compliqu´e comme ¸ca ! 11
  • 13. Les strat´egies ´evolutivement stables Consid´erons la corpulence. Les mˆales plus gros sont plus choisis et se reproduisent plus. Mais il y a un coˆut `a ˆetre gros, en terme de temps pass´e `a rechercher de la nour-riture voire de difficult´e `a ´echapper aux pr´edateurs par exemple. Donc, pour un petit mˆale, une augmentation de corpulence repr´esente un gain de fitness et est s´electionn´ee positivement. Pour un gros mˆale le coˆut d’une augmentation de corpulence d´epasse le gain de fitness qu’il pourrait en tirer et le bilan est globalement n´egatif. Cette augmentation est donc s´electionn´ee n´egativement. Entre ces deux cas extrˆemes il existe donc un point o`u la s´election s’inverse, o`u la fitness est maximale et vers lequel tend le ph´enotype de la population. L’inversion du sens de s´election pour la valeur du ph´enotype correspondant au maximum de fitness fait penser `a une relation entre la d´eriv´ee de la fitness par rapport au ph´enotype et le sens d’´evolution de celui-ci. Wright et Fisher ont, les premiers, propos´e ce mod`ele simple d´ecrivant l’´evolution du trait ph´enotypique en fonction de la fitness : dx dt = kx. dw dx (3) o`u – x est le trait, donc dx dt = x˙ repr´esente l’´evolution du trait en fonction du temps – kx est le taux d’´evolution (grosso modo un taux de mutation), toujours positif – w est la fitness, donc dw dx , appel´e gradient de s´election, d´ecrit la variation de fitness suite `a une variation de la valeur du trait. C’est la d´eriv´ee de la fitness par rapport au trait. Elle d´etermine bien le signe de dx dt et donc le sens d’´evolution du trait. Le gradient de s´election peut ´egalement ˆetre interpr´et´e comme la pente du paysage adaptatif12. Comme nous pouvons le remarquer sur la Figure 5, l’´equation (3) signifie que l’´evolution remonte les pentes du paysage adaptatif. L’´evolution s’arrˆete bien sur des maxima de fitness (pente = 0). Une fois que le ph´enotype de la population est ´egal la valeur procurant la plus grande fitness (¯x), tout mutant de ph´enotype diff´erent aura par d´efinition une fitness (=un taux de croissance) plus faible et ne pourra envahir le r´esident. Le maximum du paysage adaptatif est une strat´egie ´evolutivement stable. x w(x) _ x Fig. 5 – Paysage adaptatif de Wright et Fisher et sens de l’´evolution Il faut remarquer que, comme sur la Figure 5, le paysage adaptatif peut avoir plu-sieurs maxima. Au niveau local (pour de faibles variations du ph´enotype par mutation) 12Def. paysage adaptatif: courbe d´ecrivant la relation entre la fitness et le trait. 12
  • 14. Les strat´egies ´evolutivement stables des strat´egies peuvent donc ˆetre ´evolutivement stables. Par contre, si on consid`ere des mutations de fort effet (grand changement de ph´enotype) seul le maximum global sera une strat´egie ´evolutivement stable. On met donc le doigt sur une premi`ere diff´erence avec la th´eorie des jeux dans la d´efinition d’une ESS. De plus, cette ´equation simple propos´ee par Wright et Fisher est assez r´eductrice car elle suppose une relation absolue entre la fitness et le ph´enotype. Or, comme on l’a vu en premi`ere partie, toute d´efinition de la fitness d’un individu est relative `a un autre individu : faire 2 kg dans une population de ph´enotype moyen 10 g ou dans une population de ph´enotype moyen 5 kg ne veut pas dire la mˆeme chose ! Le paysage adaptatif devrait donc d´ependre du ph´enotype moyen de la population et n’est r´eellement d´efini qu’au voisinage de ce point. 4.2 L’´equation canonique des dynamiques adaptatives La th´eorie des dynamiques adaptatives propose une nouvelle ´equation d´ecrivant l’´evo-lution du trait en fonction de la fitness. On ne d´etaillera pas les maths qui permettent d’y arriver mais il faut savoir que cette ´equation ne tombe pas de nulle part. En gros : `a partir d’un mod`ele stochastique ( = probabiliste) qui fait naˆıtre, mourir ou se reproduire des individus avec certaines probabilit´es en fontion de la valeur de leur trait ph´enotypique, on fait une g´en´eralisation d´eterministe ( = une ´equation diff´erentielle) de l’´evolution du ph´enotype de toute la population en faisant une moyenne. Cette g´en´eralisation est l’´equation canonique des dynamiques adaptatives x˙ = kx.n¯(x). dw(x, x0) dx0 ¯¯¯¯ x0=x (4) o`u – x est le trait, donc x˙ repr´esente l’´evolution du trait en fonction du temps – kx est le taux d’´evolution (grosso modo un taux de mutation), toujours positif – ¯n(x) est la taille de la population `a l’´etat stationnaire. Multiplier par la taille de la population revient `a consid´erer que, plus la population est grande, plus la probabilit´e d’avoir des variants est ´elev´ee. – w(x0, x) est la fitness, cette fois d´efinie de fa¸con relative : c’est la fitness d’un mutant de ph´enotype x0 dans une population r´esidente de ph´enotype x. dw(x,x0) dx0 ¯¯¯ x0=x est toujours le gradient de s´election mais calcul´e de mani`ere locale13 : pour x0 proche de x. Ce qui varie (et qu’on connaˆıt donc mal) c’est ¯n(x) et le gradient de s´election. On peut consid´erer ¯n(x) comme strictement positif (´etudier une population ´eteinte n’a pas grand int´erˆet). La direction d’´evolution du trait d´epend donc encore uniquement du signe du gradient de s´election. Pour le calculer, on part d’un mod`ele ´ecologique de la population14. 13Par passage `a la limite, on se ram`ene mˆeme `a x0 = x. 14voir appendice C 13
  • 15. Les strat´egies ´evolutivement stables Ce mod`ele ´ecologique d´etermine donc le sens d’´evolution du trait. En cela les dynamiques adaptatives font le lien entre ´ecologie et ´evolution. Calculer ce gradient explicite compl`etement le ph´enom`ene ´evolutif. Il est alors pos-sible de d´eterminer les points d’arrˆet de l’´evolution, leur stabilit´e etc. notamment par des r´eflexions sur la forme locale du paysage adaptatif. N´eanmoins, ceci est plutˆot compliqu´e et nous allons donc nous restreindre `a une analyse plus intuitive, sous forme graphique. 4.3 ´Etude des isoclines de la fitness et caract´erisation des ESS Comme on l’a vu dans la partie 2.2, la d´efinition de la fitness d’un ph´enotype est le taux d’accroissement dans une population r´esidente. Comme la population r´esidente est `a l’´etat stationnaire (taux de croissance nul), sa fitness peut ˆetre d´efinie comme nulle. De plus, dire que le gradient de s´election est positif, c’est dire que la pente du paysage adaptatif est localement positive, autour de x (le ph´enotype du r´esident). Comme on le voit sur la Figure 6 cela signifie que : – des mutants avec x0 > x auront un taux de croissance plus ´elev´e que celui des r´esidents (= positif ) et envahiront la population ; – des mutants avec x0 < x auront un taux de croissance moins ´elev´e que celui des r´esidents (= n´egatif) et finiront par disparaˆıtre. w(x,x’) 0 x’ x’ fitness x’>0 fitness x’<0 x Fig. 6 – Comportement local du paysage adaptatif autour du ph´enotype du r´esident Le raisonnement peut ˆetre reconduit `a l’identique quand le gradient de s´election est n´egatif. Nous pouvons en d´eduire que le signe de la fitness des mutants suffit `a conclure quand `a leur invasibilit´e. Il semble alors judicieux d’´etablir le signe de la fitness d’un ph´enotype mutant x0 en fonction du ph´enotype du r´esident, x. Cette repr´esentation est nomm´ee digramme d’invasion ou PIP : Pairwise Invasi-bility Plot. Sur ces diagrammes, sont repr´esent´ees les zones o`u la fitness du mutant est positive (+) et celles o`u elle est n´egative (−). Ces zones sont s´epar´ees par des courbes sur lesquelles la fitness du mutant est nulle (pour passer de n´egatif `a positif il faut forc´ement passer par z´ero `a un moment !). On appelle ces courbes des isoclines nulles de la fitness. Ces coubes caract´erisent compl`etement les dynamiques ´evolutives au sein du graphique. Il nous sufit donc maintenant de d´efinir les isoclines nulles de la fitness = de chercher comment la valeur s´elective du mutant peut s’annuler. 14
  • 16. Les strat´egies ´evolutivement stables La Figure 7 illustre un cas trivial : quand le mutant a exactement le mˆeme ph´enotype que le r´esident15, sa fitness est ´egale `a celle du r´esident, donc `a 0. Une premi`ere isocline nulle, pr´esente dans tous les graphiques, est donc la premi`ere bissectrice. + x’ − x mutant résident isocline nulle de la fitness zone où la fitness du mutant est positive zone où la fitness du mutant est négative Fig. 7 – Diagramme d’invasion simple Les dynamiques ´evolutives sont alors simples : pour un r´esident x donn´e, tous les mutants avec x0 x ont une fitness positive et envahissent (zone hachur´ee). Prenons un tel x0, comme sur la figure. Celui-ci envahit et le nouveau ph´enotype r´esident devient donc ´egal `a ce x0 : on le reporte sur la bissectrice16. On a alors un nouvel ´etat initial dans lequel de nouveaux mutants peuvent encore envahir. On reportera leur ph´enotype sur la bissectrice etc. Le trajet ´evolutif des ph´enotypes de la population est ainsi repr´esent´e par cette fl`eche en marches d’escalier. Elle symbolise les invasions des mutants successifs. Ici, apparemment, la valeur du ph´enotype va augmenter jusqu’`a l’infini. N´eanmoins, ayant calcul´e la valeur de la fitness du mutant17 on peut trouver comment l’annuler, autrement que trivialement avec x0 = x. Cela donnera une autre isocline nulle de la fitness sur le PIP. Les intersections des deux isoclines sont des singularit´es ´evolutives = des points o`u le gradient de s´election est nul = des points o`u l’´evolution s’arrˆete. Certains de ces points sont donc des ESS et nous allons voir comment les caract´eriser de mani`ere graphique sur les PIPs dans la Figure 8. Sur le PIP de gauche on observe que partant en 1 ou en 2, l’´evolution rapproche les ph´enotypes de ¯x, la singularit´e ´evolutive. Cette singularit´e est donc attractive. De plus quand on se place en ¯x (sur la verticale en pointill´es), on observe que tout mutant (x0 ¯x ou x0 ¯x) a une fitness n´egative donc ne peut envahir le r´esident. Cette singularit´e est donc attractive et stable : c’est une ESS. Sur le graphique de droite, tout ce qui est dit ci-dessus est encore valable. Nous avons donc encore affaire `a une ESS. N´eanmoins, quand on se place en x0 = ¯x on observe (sur 15Un mutant se d´efinit comme le r´esultat d’une mutation. Quand celle-ci est silencieuse, le mutant a le mˆeme ph´enotype que le r´esident. 16La bissectrice `a dans ce cas un rˆole purement graphique : on se sert la propri´et´e x = x0 pour reporter les points et on se fiche pas mal que ce soit une isocline 17Voir Appendice C 15
  • 17. Les strat´egies ´evolutivement stables _ x x’ x’ _ x _ x _ x + − − + x 1 2 1 2 x + + − − Fig. 8 – Caract´erisation d’un ESS l’horizontale en pointill´e) que la fitness d’un mutant ¯x est toujours n´egative. Cela signifie que l’ESS n’est pas invasive18, `a la diff´erence du cas pr´ec´edent. C’est un peu ce qui se passe pour la strat´egie du bourgeois : une fois ´etablie, personne ne peut l’envahir mais elle-mˆeme ne peut envahir les autres. Le temps d’arriv´ee `a cet ´equilibre ´evolutif sera donc beaucoup plus long que pour le premier cas. Graphiquement, cela se sent bien car, plus on se rapproche de l’ESS, plus les isoclines “pincent” les zones de fitness positive : de moins en moins de mutants sont capables d’envahir le r´esident. L’´evolution proc´edera donc par petites mutations (petites marches d’escalier) pour arriver `a l’ESS et sera beaucoup plus lente. Cet exemple met en valeur une nouvelle innovation des dynamiques adaptatives par rapport `a la th´eorie des jeux : nous sommes maintenant capables de d´ecrire la dynamique d’atteinte des ESS. 4.4 Conflits de s´election et autres singularit´es ´evolutives La st´erilit´e mˆale cytoplasmique chez les plantes est un exemple classique de conflit entre deux r´eplicateurs qui fait s’attendre `a des ph´enom`enes s´electifs complexes. Dans ce cas les r´eplicateurs sont le noyau, qui se transmet pour moiti´e dans chaque sexe, et les mitochondries, qui sont transmises de fa¸con cytoplasmique, donc uniquement par les femelles. Il existe un conflit entre le noyau, pour lequel les mˆales sont efficaces et les mitochondries pour lesquelles les mˆales entraˆınent une perte de g`enes. Chez les plantes hermaphrodites, les cons´equences de ce conflit se mat´erialisent. Comme le montre la Figure 9, des mitochondries induisant la disparition de la fonction mˆale chez la plante qui les portent ont un avantage s´electif important. En effet, supposons une allocation de ressources `a la reproduction constante (chaque plante produit soit 1 ovule + 10 grains de pollen, soit 2 ovules et 1 ovule = 10 grains de pollen) et deux descendants par plante. Il y a une mitochondrie par ovule, z´ero par grain de pollen. Un hermaphrodite transmet une seule mitochondrie `a des hermaphrodites de la g´en´eration suivante. Un mˆale-st´erile 18un mutant de ph´enotype exactement ´egal `a ¯x ne pourra envahir aucune population de r´esident et finira donc par s’´eteindre, mˆeme si ¯x est une ESS ! 16
  • 18. Les strat´egies ´evolutivement stables ( = une femelle) transmet 2 mitochondries qui induisent la st´erilit´e mˆale `a la g´en´eration suivante. La valeur s´elective des mitochondries induisant la st´erilit´e mˆale est le double de celle des mitochondries normales : elles se transmettent deux fois plus. Qui plus est, elles assurent la p´erennit´e de ce taux de transmission en st´erilisant les plantes dans lesquelles elles arrivent. n N,mt N,mtS male ^ 10 grains de pollen 1 ovule 1 ovule 1 ovule n+1 1/2 N 1/2 N,mt 1/2 N,mtS 1/2 N,mtS 1 2 Fitness mitochondrie = nb de descendants stérile (1 seul est efficace) Fig. 9 – St´erilit´e mˆale cytoplasmique chez les plantes [Marc-Andr´e Selosse] L’h´er´edit´e nucl´eaire induit un sex-ratio de 50-50 (c’est son ESS) mais l’h´er´edit´e cy-toplasmique biaise ce sex-ratio vers les femelles. L’optimum cytoplasmique est 100% de femelles, n´eanmoins, `a cet optimum la population n’est pas viable et il y a extinction des plantes et des mitochondries qu’elles portent. Cela induit la s´election de l’apomixie ou de r´eversions. Du point de vue des mitochondries, le point 100% de femelles est donc une singularit´e ´evolutive non-envahissable (c’est un maximum de fitness) mais qui n’est pas atteignable. Ce genre de singularit´e est po´etiquement nomm´e un jardin d’´Eden. Le PIP de la Figure 10 caract´erise cette singularit´e r´epulsive (on s’en ´eloigne) et stable (si on fixe x = ¯x aucun mutant ne peut envahir). _ x − + + − 1 2 x x’ Fig. 10 – Jardin d’´Eden 17
  • 19. Les strat´egies ´evolutivement stables Enfin, les dynamiques adaptatives permettent d’identifier les autres types de singula-rit ´es ´evolutives, mentionn´es ci-dessous. x’ x’ − − _ x x x _ x + + − + − + 1 2 1 2 Fig. 11 – Autres type de singularit´es ´evolutives Le cas de gauche repr´esente une singularit´e r´epulsive (on s’en ´eloigne) et instable (mˆeme quand on fixe x = ¯x n’importe quel mutant a une fitness positive et peut envahir). Autant dire que l’´evolution n’ira jamais vers ce point. Le PIP de droite repr´esente une singularit´e attractive (on s’en rapproche) et in-stable (mˆeme quand on fixe x = ¯x n’importe quel mutant a une fitness positive et peut envahir). Cela signifie qu’une fois arriv´e `a ce point, de nouveaux mutants diff´erents peuvent apparaˆıtre et tous avoir des taux de croissance positifs. Il est donc possible que ces mutants coexistent et forment de nouvelles populations de ph´enotypes diff´erents qui pourront ´eventuellement s’isoler en esp`eces. C’est ce qu’on appelle un point de bifur-cation ´evolutive (ou evolutionary branching) et c’est, au niveau th´eorique, une ca-ract ´erisation de la sp´eciation sympatrique. 5 Conclusion Nous avons donc vu que la valeur s´elective, d´efinie comme le taux de croissance d’un groupe de mutants au sein une population de r´esidents, ´etait un outil utile pour caract´eriser les strat´egies ´evolutivement stables en th´eorie des jeux comme en th´eorie des dynamiques adaptatives. Ces strat´egies se d´efinissent comme des ph´enotypes non envahissables. Cet expos´e met en valeur le fait que, au niveau th´eorique au moins, de nombreuses singularit´es ´evolutives peuvent ˆetre identifi´ees et que leur dynamique d’atteinte peut ˆetre non-triviale. Dans certains syst`emes biologiques des ph´enotypes semblent ˆetre identifi´es comme des ESS. C’est par exemple le cas pour la r´eduction des combats entre mˆales qui est une tendance ´evolutive tr`es r´epandue et que nous avons particuli`erement d´ecrite chez le cerf. Il n’en reste pas moins que ce n’est qu’une caract´erisation artificielle d’une situation biologique r´eelle et que la r´ealit´e des forces ´evolutives `a l’oeuvre dans ce syst`eme 18
  • 20. Les strat´egies ´evolutivement stables est probablement complexe. Enfin, les deux th´eories pr´esent´ees ici ont ´egalement d’autres r´epercussions. Les dy-namiques adaptatives ont par exemple permis d’´etudier plus intens´ement les dynamiques ´evolutives dites de la Reine Rouge. Les avanc´ees de la th´eorie des jeux appliqu´ee `a l’´evolution sont, quand `a elles, `a nouveau utilis´ees en ´economie. A Bibliographie Du moins utile au plus utile : ´ Ecologie g´en´erale. R. Barbault. Dunod. – Chap 6, derni`ere partie sur la s´election naturelle – Chap 7, sur les strat´egies biod´emographiques (surtout les deux premi`eres parties) Evolution. Ridley. Blackwell. – La discussion de la notion d’adaptation – L’exemple du nerf laryngien de la girafe – p. 215-219 (ed anglaise). Aborde tr`es l´eg`erement la notion de paysage adaptatif. Les avatars du g`ene. P.H. Gouyon, J.P. Henry, J. Arnoult. Belin. – p. 108 pour la d´efinition de la valeur s´elective en g´en´etique des populations – p. 309 (annexe) pour l’impact de la valeur s´elective sur l’´evolution des g´enomes – p. 222 et suivantes (Chapitre “Eh bien jouez maintenant !”). On y trouve notamment l’exemple des papillons territoriaux ainsi que le jeux faucon-colombe-bourgeois. An introduction to behavioral ecology. J.R Krebs, N.B Davies. Blackwell. – p.147-155 (Chapitre 7) pour l’evolutionary game theory. Il aborde les objectifs de la th´eorie, pr´esente tr`es clairement des jeux classiques et confronte les r´esultats th´eoriques avec la vraie vie. – p.162 pour l’exemple de la ritualisation des combats des cerfs B Nota bene La partie sur la fitness est tr`es d´evelopp´ee, trop pour cette le¸con, mais les id´ees peuvent resservir pour une autre d´em intitul´ee “La notion de valeur s´elective”. Il suffit peut-ˆetre de balancer quelques d´efinitions au d´ebut, en consid´erant le concept de fitness comme connu. La partie sur les dynamiques adaptatives est ´egalement largement d´evelopp´ee, ceci afin de comprendre tout le raisonnement. Tout n’est pas forc´ement `a refaire (surtout pas l’appendice qui suit !) mais la notion de paysage adaptatif est importante pour ce sujet et les PIPs me semblent une illustration efficace et convaincante du concept de singularit´e ´evolutive. Enfin tout ¸ca est ´evidemment `a remanier en fonction des documents fournis par le jury, d’o`u l’int´erˆet de d´ecrire assez compl`etement chaque point afin de fournir des ´el´ement face `a diff´erents docs. Vive la d´em ! 19
  • 21. Les strat´egies ´evolutivement stables C Calcul du gradient de s´election des dynamiques adaptatives Le calcul de la taille de la population r´esidente `a l’´etat stationnaire (¯n(x)) et du gradient de s´election comprends 3 ´etapes simples : 1. ´Ecrire un mod`ele de dynamique de la population r´esidente et calculer sa condition de stationnarit´e (on aura ¯n(x)). Allons-y : n˙ = f(n, x).n (5) o`u n est l’effectif de la population r´esidente et f(x, n) son taux de croissance qui est une fonction, que nous fixons, de la taille de la population et du ph´enotype (par exemple une croissance logistique). Cette ´equation dit seulement que la population d’effectif n se multiplie `a un taux f(x, n). L’´etat stationnaire pour cette population est l’´etat ou l’effectif ne varie plus, donc quand : n˙ = 0 () f(x, n¯).n¯ = 0 (6) Donc la d´efinition de ¯n d´epend bien de x et l’´equation 6 donne ¯n(x). 2. Introduire un mutant et ´ecrire un mod`ele de comp´etition entre le r´esident et le mutant. n˙ = f(n, n0, x, x0).n (7a) n˙ 0 = f(n, n0, x, x0).n0 (7b) Les taux de croissance des deux populations d´ependent maintenant des param`etres de chacune des populations : cela signifie que les populations r´esidentes et mutantes interagissent. Le taux de croissance du mutant est par exemple f(n, n0, x, x0). Comme on l’a vu dans la partie 2.2, la d´efinition de la fitness d’un ph´enotype est le taux d’accroissement d’un mutant au sein de la population r´esidente (ici `a l’´etat station-naire). Nous nous restreignons ici `a des mutations g´en´etiques (pas de migration) le mutant est donc initialement rare19 Donc la fitness peut s’´ecrire comme : w(x, x0) = f(¯n(x), 0, x, x0) (8) 3. Calculer le gradient de s´election. Pour cela il suffit de d´eriver la fitness ´ecrite en 8 ´etant donn´e qu’on connaˆıt tous les termes20. D’o`u : dw(x, x0) dx0 ¯¯¯¯ x0=x = df(¯n(x), 0, x, x0) dx0 ¯¯¯¯ x0=x (9) ´Etant donn´e que f est une fonction connue on peut la d´eriver et voil`a on connaˆıt le signe du gradient de s´election et donc le sens de l’´evolution. 19´A la limite, on consid`ere ici la taille de la population de mutant comme nulle. 20¯n(x) a ´et´e calcul´e dans l’´etape 1. 20