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DE L’INNOVATION PEDAGOGIQUE DANS LES UNIVERSITES DE LA PERIPHERIE
                       REALITES ET POSSIBILITES

                                      Yaovi Akakpo
                                    Laboratoire HIPHIST
                                    Université de Lomé




Résumé

        Le monde contemporain, en faisant de l’invention un de ses traits fondamentaux, a un
rythme d’évolution de plus en plus accéléré. Concrètement, ce qui s’accélère, c’est la
dynamique évolutionnaire ou révolutionnaire des sous-systèmes sociaux que sont l’économie,
le droit, les institutions, etc. Dans le monde puissant, où cette dynamique s’exprime mieux,
l’invention/innovation pédagogique fait partie de la normalité sociale. En revanche, dans les
nations de la périphérie, l’invention/innovation pédagogique qui s’impose plutôt comme effet
de la mondialisation, a du mal à faire corps avec la dynamique de son environnement local.
Les manifestations de cet effet de la mondialisation dans l’enseignement supérieur africain
ont servi de référence empirique pour souligner que l’innovation continue des offres
pédagogiques, dans les nations périphériques, ne peut être efficace et efficiente que si elle
intègre la dynamique d’évolution économique, politique, social… culturel.

Mots-clés : innovation, invention, pédagogie, enseignement supérieur, périphérie, éducation,
milieu innovateur.



Abstract

         The contemporary world, taking the invention as one of its main features, has an
evolution rythm which is more and more accelerated. Concretely, what accelerates is the
evolutionary or revolutionary dynamics of social sub-systems that are economy, rights,
institutions, etc. In the powerful world where that dynamics is expressed better, pedagogic
invention/innovation is part of social normality. On the other hand, in the outskirts nations,
pedagogic invention/innovation which is rather set as the worldwide development effect, finds
it difficult to embody with dynamics of its local environment. The manifestations of this
worldwide development effect in the African university standard have serve as empirical
reference for pointing out that the continuous pedagogic proposals in the outskirts nations,
cannot be effective and efficient of economic, political, social… cultural evolution.

Key-words: innovation, invention, pedagogy, university standard, outskirts, education,
innovation area.



Introduction
                                              1
La mondialisation montre, de plus en plus, qu’elle a le pouvoir de générer et/ou
d’influencer, dans les espaces nationaux, les formes que prennent les sous-systèmes sociaux.
Il en est ainsi parce que la « nouvelle mondialisation » (S. Amin, 1991) se présente comme
l’expansion des formes concrètes (historiques, contextuelles) que prend l’agenda du monde
moderne. Il est alors fondé de convenir que les situations concrètes, historiques et
contextuelles, dans les périphéries du « système-monde », restent sous la pression forte du
procès des « centres ». Cette appréciation de la logique du monde moderne, ce n’est pas
seulement l’économie et les rapports politiques qui la valident, mais ce qu’il est pertinent
d’appeler la « nouvelle figure de l’enseignement ». Il s’ensuit qu’on ne peut appréhender la
dimension de la pression que l’enseignement supérieur, dans les nations périphériques en
particulier celles d’Afrique, subit si on ne la tient par pour une émanation de la logique
d’évolution du monde moderne. Il faut alors revenir utilement à un schéma d’analyse de
l’éducation moderne qu’on trouve chez Gaston Berger, pour saisir les réalités et les
possibilités relatives à l’impératif d’appropriation, dans les nations périphériques, de la
nouvelle figure de l’enseignement supérieur.

I. De l’innovation pédagogique dans un monde où l’invention a une place fonctionnelle

       Parler d’innovation pédagogique dans un monde où l’invention a une place
fonctionnelle majeure, peut se laisser voir, dans une mesure, comme une dette envers la
pensée de Gaston Berger. Cette dette réside, en effet, dans l’option et le besoin de souligner
de façon plus attentive le défi « d’invention pédagogique» (1967 : 121), en le mettant en
rapport avec « quelques uns des traits les plus originaux » que G. Berger (1967 : 115)
reconnaît au « monde moderne ».

        L’auteur de L’homme moderne et son éducation considère que les traits
caractéristiques de notre monde sont l’interdépendance, la mobilité et l’accélération.
L’interdépendance, telle qu’elle est entendue par G. Berger, traduit le fait que « aucun pays,
quelle que soit sa puissance, ne peut s’isoler des autres et ne peut construire son destin comme
si les autres n’existaient pas » (1967 : 115). Sous cet angle, l’interdépendance exprime la
mondialisation, comprise comme la croissance des espaces collectifs dans lesquels les nations
se frottent pour négocier leurs destins. Mais l’interdépendance exprime aussi « la mobilité des
individus », « la mobilité des masses », le fait pour les hommes d’aller « vite et loin » dans
« l’espace ».

        Une autre forme que la mobilité prend et que l’auteur ne semble pas lier à
l’interdépendance dans l’espace, est la « mobilité des situations ». La mobilité des situations
est plutôt synonyme de « l’accélération de l’histoire », d’un « monde en accélération » dans le
temps, d’un « monde » qui « change », « change vite », « change de plus en plus vite »
surtout. Alors l’accélération du monde ou de l’histoire, étant entendue comme la mobilité des
situations dans le temps, elle permet de comprendre que « notre monde est un univers de la
nouveauté » (G. Berger, 1967 : 117). L’univers de la nouveauté est celui qu’est devenu un
monde où « les valeurs sont précaires », les connaissances et techniques font long feu, la
durée de vie des modèles se rétrécit, les biens et les services perdent leur valeur marchande
avant d’être usés.
                                               2
En faisant de la mobilité, de l’accélération, de la nouveauté les traits les plus originaux
de notre monde, G. Berger a certainement compris que l’évolution des sociétés modernes et
contemporaines est essentiellement marquée du sceau de la dynamique innovante ou de
« l’invention sociale » (M. Weber), ou encore de « l’ouragan perpétuel de destruction
créatrice » (J. Schumpeter).

        En soulignant la dynamique innovante de l’évolution des sociétés modernes et
contemporaines, G. Berger a voulu insister sur la nécessité que l’enseignement/éducation
prenne « une figure nouvelle ». Mais cette nouveauté du défi éducatif n’est pas toujours bien
perçue si on ne souligne pas ce qui sert de moteur à la dynamique innovante de l’évolution
sociale contemporaine.

       G. Berger présente le monde en mouvement accéléré sans rendre compte de ce qui met
le monde en mouvement. L’ouragan perpétuel de destruction créatrice qui caractérise
désormais les sous-systèmes sociaux (l’économie, le droit, l’administration, la gouvernance,
la culture…) se comprend relativement à la place fonctionnelle que l’activisme
technoscientifique ou l’invention a fini par se donner dans la contemporanéité.

         L’économie est sans doute l’un des sous-systèmes sociaux par lesquels ce qui est dit
ici s’illustre. En effet, la mondialisation du marché donne suffisamment la preuve que les
batailles que se livrent les firmes capitalistes transnationales, pour la conservation et la
conquête des positions économiques, se mesurent aussi à leur capacité à innover et à rendre
performants les biens et les services. C’est parce que l’innovation continue des biens et
services est déterminante dans les batailles économiques que le monde de la recherche
(université, institut, laboratoire) est devenu un partenaire et/ou une composante du monde des
affaires. L’innovation d’un bien que l’industrie met sur le marché est d’abord une invention
venue du laboratoire. Alors la dynamique d’évolution des biens et services économiques reste
déterminée par l’invention précisément. C’est l’invention qui permet aux firmes puissantes en
compétition de tirer profit du fait que les biens et les services perdent leurs valeurs
marchandes avant d’être usés.

        La place fonctionnelle que l’invention occupe dans l’évolution performante des biens
et services économiques, elle l’a également dans le procès du droit et de l’administration. Les
révisions sans cesse répétées des législations nationales et internationales sur la criminalité
endémique, le terrorisme, l’immigration, l’environnement, le nucléaire… sont, à bien
d’égards, déterminées par, entre autres motifs, la marque de complexité que le savoir et le
savoir-faire impriment à ces questions.

        Il faut le souligner, l’expression nouvelle des ces questions réside dans leur complexité
croissante qui procède de la technicisation de la structure et du fonctionnement de la société.
La société contemporaine devient continuellement plus technicienne que symbolique. Les
sociétés sont inondées de biens constamment performants de la haute technologie. Le pouvoir
qu’ont acquis les biens technologiques d’imposer leur logique à la structure et au
fonctionnement de la société est réel. Les TIC, pour ne donner qu’un exemple, colonisent la
structure et le fonctionnement des sociétés. Même les sociétés en développement se trouvent

                                                3
de plus en plus dans l’incapacité de se mettre en marge de la structure technicienne que les
TIC leur imposent. La complexité croissante des biens technologiques induit donc une
complexification de la structuration et du fonctionnement de la société. Cela induit aussi la
croissance de la puissance des groupes privés. Des groupes économiques ou idéologiques
rivalisent avec la puissance publique grâce aux moyens que le savoir et le savoir-faire mettent
à leur disposition.

        Dans les sociétés qui deviennent de plus en plus complexes, les législations juridiques,
les dispositifs institutionnels et administratifs, pour leur application, ont besoin de vibrer en
phase avec la dynamique évolutionnaire ou révolutionnaire de l’invention. Sinon comment
faire face efficacement aux crimes professionnalisés et organisés par des groupes qui
disposent du savoir et savoir-faire si l’expression de la légalité ne fonde pas son pouvoir de
coercition sur l’invention continue ? Comment appliquer les législations contre la criminalité
professionnelle si les institutions et l’administration d’Etat ne prouvent pas leur avance
scientifique et technologique sur les groupes privés puissants ?

        En soulignant clairement que l’évolution accélérée des sous-systèmes sociaux
modernes et contemporains, ce que G. Berger appelle l’accélération du monde ou de
l’histoire, est déterminée par la place fonctionnelle de l’invention, on peut prendre une mesure
plus exacte de la dynamique des modèles éducatifs en expansion, des modèles qui s’inscrivent
dans la logique d’évolution du monde puissant. L’on veut dire que le monde puissant étant
compris comme « un univers de la nouveauté », on peut s’interroger, à la manière de G.
Berger (1967 : 143) :

       les jeunes gens que nous formons, les jeunes gens de nos grandes écoles, de nos facultés, qui
       ont 20 à 25 ans vont travailler pendant une quarantaine d’années dans la direction qu’ils
       auraient choisie. A quoi allons-nous les préparer ? Allons-nous les former pour des tâches très
       précises, très définies, alors que nous savons fort bien que ces tâches vont se trouver
       transformées en chemin, voire même bouleversées ?

G. Berger (1967 : 144) répond à ces interrogations en avertissant :

       on ne peut pas enseigner à un ingénieur, à un professeur, à un médecin, en quelques années,
       tout ce qu’il a besoin de savoir pendant toute sa carrière. Ce n’est pas possible parce que les
       choses changent trop vite ; il faut donc que, sans cesse, l’esprit reste en éveil ; il faut que nous
       renoncions à cette chère tranquillité qui nous promettait, qui semblait nous promettre un long
       et paisible sommeil. Il faut que, je le disais tout à l’heure, l’éducation s’associe à l’instruction,
       mais il faut aussi que l’éducation soit permanente. Il faut qu’elle soit permanente pour que
       ceux à qui on la donnera pendant tout le cours de leur vie, non seulement soient informés des
       connaissances nouvelles qui, continuellement, viennent bouleverser chaque discipline, mais
       pour que restent vivants, dans l’esprit de chacun, le désir d’inventer et la possibilité de
       découvrir.

        G. Berger avertit, pour ainsi dire, que la « figure nouvelle » de
l’enseignement/éducation, celle que répand le monde en accélération, a pour trait fondamental
l’invention pédagogique.

      L’ouragan perpétuel de destruction créatrice des offres pédagogiques, s’il est un
mécanisme efficace de reproduction des nations puissantes, il est toujours à l’épreuve dans les

                                                    4
sociétés qui ont du mal à maîtriser les turbulences qu’elles reçoivent du dehors, de la nouvelle
mondialisation.

II. La figure nouvelle de l’enseignement supérieur dans les nations périphériques

        Les universités africaines ont commencé par voir le jour, depuis les années 40 et 50 du
siècle passé, avec le souci de réforme de l’éducation. Ce souci de réforme de l’enseignement
supérieur, il est normal que les universités africaines de la première génération l’aient partagé
pour la raison qu’elles sont issues de la transformation d’écoles et instituts coloniaux. On
avait compris alors la réforme comme le souci de décoloniser l’enseignement supérieur en
l’africanisant. La réforme de l’enseignement supérieur, on l’a beaucoup entendue, après, dans
la phase de multiplication des universités et de la croissance exponentielle des effectifs
d’apprenants, comme besoin d’adéquation entre les offres de formation, la société et la
culture. La réforme, on l’a inscrite, depuis les états généraux de l’éducation, issus des
conférences nationales, dans la lutte contre le chômage des jeunes. L’on veut que la formation
supérieure ne soit plus déphasée du monde de l’emploi. La mode, c’est, depuis les dernières
décennies du siècle passé, la prolifération des offres professionalisantes. Cette orientation de
la formation supérieure en Afrique francophone, dont on a dit à tort ou à raison qu’elle est le
modèle que pratiquent les universités anglophones, c’est d’abord les établissements privés qui
l’on apportée. Les établissements publics d’enseignement public n’ont commencé par en faire
leur nouveau cheval de bataille qu’à partir de ce qui est, de plus en plus, appelé « la réforme
LMD ».

        En passant en revue l’évolution de l’emploi de la notion de réforme dans les
universités africaines, l’on peut voir comment la figure nouvelle que l’enseignement prend
dans le monde dominant s’en distingue. En parlant, sans précaution, de « réforme LMD », les
universités francophones d’Afrique sont toujours tentées de croire que la nouveauté réside
dans la substitution d’un modèle de formation supérieur et de certification, qui dans sa forme
achevée, réglerait les questions d’employabilité et de mobilité des diplômés. On le sait, les
universités anglophones d’Afrique qui pratiquent ce système d’enseignement supérieur et de
certification n’affichent pas non plus de statistiques satisfaisantes sur l’employabilité et la
mobilité des diplômés.

        La nouvelle figure de l’enseignement supérieur qui semble interpeller les universités
africaines parait résider plutôt dans le fait que les modèles d’offres de formations que répand
le monde puissant ne s’inscrivent plus dans le « long et paisible sommeil » qu’on connaissait
à l’éducation académique, mais dans le bouleversement continuel des contenus pédagogiques.

        Les universités africaines (y compris les anglophones) ne peuvent se venter d’être déjà
massivement installée dans l’ouragan perpétuel de destruction créatrice par lequel s’identifie
la nouvelle figure de l’enseignement supérieur, celle que le monde puissant répand. En tant
que modèle éducatif du monde puissant, la nouvelle figure de l’enseignement a le pouvoir de
mettre la pression sur les systèmes d’enseignement moins performants ou moins efficaces, et
de les soumettre à rudes épreuves. Ces épreuves sont les réalités ou les tares ordinaires par
lesquelles les « nations périphériques » se distinguent des « centres ». Ces réalités à la

                                               5
périphérie, sont les contre-performances de l’économie, des services, des métiers, de
l’administration…

        En soulignant qu’une conséquence de l’accélération du monde ou de l’histoire « est
que les écarts ne feront que s’accroître entre les peuples inégalement développés », G. Berger
(1967 : 118) nous permet de considérer que ces contre-performances demeurent des épreuves
pour l’expansion de la nouvelle figure de l’enseignement supérieur.

        Dans ce sens, il faut indiquer que les analyses internalistes qui lisent, de façon
exclusive, dans le système éducatif supérieur africain, les raisons de son inefficacité, doivent
être nuancées. Il est vrai que le déphasage entre les compétences des diplômés et les
compétences attendues par le monde de l’emploi et du travail demande qu’on s’interroge sur
la qualité interne de la formation. L’enseignement supérieur public et privé en Afrique, a des
difficultés connues, relatives à la logistique, à la documentation, aux laboratoires, au
personnel enseignant, aux curricula… Mais ces difficultés réelles paraissent toujours comme
celles qui affectent essentiellement la qualité de la formation supérieure africaine parce que
l’environnement ou le milieu social les entretient. Cela s’entend du fait que l’université
africaine ne serait confrontée à ces problèmes primaires si elle fonctionne dans un
environnement ou milieu social qui fait d’elle la cheville ouvrière de la production
économique, des services, du travail, de l’administration…

       L’on peut se rendre compte alors que les problèmes internes dans lesquels s’empêtre la
nouvelle figure de l’enseignement supérieur en Afrique sont normalement ceux qui mettent
les sociétés en développement en marge ou à la « périphérie » du « système-monde ». En
guise d’arguments pour cette manière de voir, nous mettons deux traits fondamentaux des
« nations périphériques » en rapport avec les problèmes réels que ne peuvent sous-estimer les
acteurs des nouvelles perspectives pédagogiques.

        Les théories critiques du « système-monde » entendent par nations périphériques,
celles qui sont appauvries, assujetties « à la logique de l’expansion du capitalisme » (S. Amin,
1991 : 9). Connectées au système-monde pour le faire fonctionner, les nations périphériques
au même niveau d’évolution que les nations développées, les « centres ». Cette mise au point
sur la notion de « centres/périphéries » aide à se rendre compte que les universités africaines
cherchent à mettre la figure nouvelle de l’enseignement supérieur dans un environnement
économique local qui est en contraste avec l’évolution de l’économie dominante. Les unités
de production, les métiers auxquels doivent être naturellement destinées les compétences que
l’université se donne de former, se présentent comme des ilots dans l’immense désert que
constituent l’économie rudimentaire et les catégories sociales sur lesquelles elle repose. Ces
ilots ont le quasi-monopole des capitaux et autres moyens d’investissement, mais c’est
l’économie artisanale qui emploie la grande masse des travailleurs. Les secteurs économiques
qui emploient la grande masse des travailleurs en Afrique demeurent l’agriculture villageoise,
le petit commerce, les ateliers artisanaux (forge, menuiserie, couture, coiffure, tissage,
cordonnerie). Cet environnement économique et de travail n’est sans doute pas celui qui peut
mettre la pression sur l’université, obliger et accompagner l’université à s’inscrire dans la
nouvelle figure de l’enseignement supérieur que le monde puissant répand. L’environnement
                                               6
économique local est une des épreuves de taille pour l’élan des universités périphériques à
entrer dans la dynamique de l’invention pédagogique, une figure de la mondialisation.

        Il y a une deuxième épreuve de taille à ne pas sous-estimer, c’est l’environnement
administratif et institutionnel dans lequel la nouvelle figure de l’enseignement supérieur doit
s’enraciner. L’Etat demeure en Afrique le plus grand bailleur de fonds de l’enseignement
supérieur. Les universités, les écoles, les instituts qu’il a créés demeurent les plus importants
centres de formation de diplômé. L’administration d’Etat demeure aussi en Afrique le plus
grand employeur de diplômés. Il est vrai que l’incompétence des cadres diplômés est le
résultat de la mauvaise qualité de l’enseignement supérieur. Mais le chômage endémique des
diplômés est plutôt un indicateur d’une économie passive et d’une administration qui a des
difficultés à évoluer et à être performante.

        Les deux arguments, ici évoqués rapidement, laissent voir les réalités locales qui sont
en contraste avec la nouvelle figure de l’enseignement supérieur. Ces arguments induisent,
pour cette raison, l’idée que la possibilité d’engager les nations africaines dans la nouvelle
figure de l’enseignement supérieur réside doublement dans l’invention/innovation
pédagogique continuelle et dans l’évolution sans cesse bouleversante des sociétés qui doivent
en faire l’appropriation.

III. Rendre possible l’appropriation de la nouvelle figure de l’enseignement supérieur

         On l’a souligné, le devenir de l’enseignement supérieur en Afrique ne peut plus être
exprimé simplement en termes de réforme de l’éducation. La nouvelle figure de
l’enseignement supérieur traduit beaucoup plus la demande sociale permanente et croissante
d’invention/innovation pédagogique. Ce qui donne la vitalité à la nouvelle figure de
l’enseignement réside dans le fait qu’elle s’affiche de plus en plus comme l’instrument
privilégié par lequel toute nation en quête de puissance, fournit des ressources humaines
compétentes et performantes à la science, à l’économie, à l’administration. C’est dire que
l’université africaine n’a pas aujourd’hui à choisir un système achevé d’enseignement
supérieur. La pression qui s’exerce sur elle, l’invite à suivre la logique d’un monde qui fait de
l’éducation un des partenaires de la dynamique sociale d’accumulation de la richesse,
d’affirmation de la puissance de l’Etat. L’université africaine ne peut suivre, bien évidemment
à sa propre manière, cette logique du monde contemporain, que si la formation qu’elle donne
se fait sous la double pression d’un milieu social innovateur et d’une recherche innovante.



III.1. Milieu innovateur et invention pédagogique

        Pour une appropriation de la notion de « milieu innovateur », dans ce texte, il est
besoin de rappeler qu’elle porte les empreintes d’un schéma d’analyse économique « des
processus d’innovation qui s’est trouvé conforté », selon les mots d’Olivier Coppin (2002 :
32), « par le fait que certaines régions parvenaient mieux que les autres à répondre aux effets
de la globalisation ». Le constat est, ainsi que le rappelle O. Coppin (2002 : 32), que :


                                               7
« dans un contexte marqué par une accélération des mutations technologiques, l’ajustement
       des structures productives aux exigences des marchés devenait en effet une variable-clé de la
       compétitivité des économies locales. Or, il fallait bien se rendre à l’évidence : tous les
       territoires ne disposaient pas des mêmes conditions de base pour s’adapter aux nouvelles
       règles du jeu concurrentiel. De ce constat naquit alors l’idée que le milieu local tenait un rôle
       essentiel dans la dynamique économique, qu’il était le support adéquat aux processus
       endogène de croissance ».

       Qu’est-ce qui caractérise et détermine un milieu innovateur local ? Il ressort du point
qu’O. Coppin (2002 : 33) fait sur les travaux de l’OCDE (1993), de Maillat (1996) qu’un
milieu est innovateur

       « lorsqu’il intègre :
       - un collectif d’acteurs (entreprises, centre de recherches et de formation, université, instituts
       de financement, associations professionnelles, administration publique,…) se caractérisant par
       sa cohérence et sa cohésion économique ;
       - des ressources matérielles, humaines, financières, technologiques ou encore
       informationnelles aussi nombreuses que diverses ;
       - des savoir-faire garantissant une maîtrise du processus productif au sens large, qu’ils soient
       techniques, commerciaux ou organisationnels ;
       - du capital relationnel favorisant la constitution de réseaux en tant que vecteurs de
       connaissances et de reconnaissance à la fois économique mais aussi politique dans la mesure
       où les relations politiques déterminent la capacité de négociation des acteurs du milieu avec
       les autorités locales, nationales ou supranationales ;
       - des normes, règles et valeurs régissant le comportement des acteurs économiques et les
       relations que ceux-ci entretiennent ».

       L’argumentaire global de ce texte ne nous engage pas dans le débat économique sur
 l’innovation. L’attention à ce débat conforte notre sensibilité à un schéma d’analyse qui
 considère que l’invention/innovation ne s’active que dans une dynamique de permanente
 évolution bouleversante de l’environnement économique, social, institutionnel. Le système
 éducatif ne peut s’affirmer de plus en plus innovant, sans compter avec la dynamique
 d’évolution performante des sous-systèmes sociaux.

       En effet, il faut mettre en exergue le réel défi de transformation profonde de
l’économie, de l’administration, de l’Etat que la nouvelle figure de l’enseignement supérieur
lance aux nations africaines. L’université ne se trouve dans la nécessité de former des
ressources humaines performantes qu’en raison des attentes d’une économie dynamique et
volontariste, d’une administration publique et privée qui a soif de performance. Si l’économie
est massivement artisanale ou rudimentaire, si l’administration ne se transforme pas,
l’université ne peut être qu’un centre de formation de chômeurs. L’on doit comprendre, en
Afrique, que le choix légitime de l’invention pédagogique engage nos sociétés à devenir des
milieux innovateurs.

III.2. Transfert pédagogique de la recherche et innovation curriculaire

       Parlant de la nouvelle figure de l’enseignement, G. Berger a raison de dire qu’elle doit
reposer aussi sur le fait que le contenu curriculaire se laisse, continuellement et de plus en
plus vite, bouleverser par de nouvelles connaissances. L’enseignement supérieur ne peut
donner satisfaction au monde du travail et des métiers (environnement économique,
                                                   8
administratif, institutionnel) en évolution rapide s’il ne renouvelle pas le contenu intellectuel
qui fait et refait les profils de sortie des apprenants. L’enseignement supérieur en Afrique ne
peut s’inscrire dans cette logique que s’il se sent tenu par ce qu’il convient de désigner
transfert pédagogique des résultats de recherche. L’on entend par là le fait que dans les
nations développées, l’enseignement supérieur intègre à la dynamique normale de révision
des contenus de cours, l’exploitation brute et directe des travaux et résultats de recherche. On
le sait, les établissements d’enseignement supérieur restent les plus gigantesques structures de
recherche. Ils produisent et ont à leur disposition la masse la plus importante de personnel
scientifique. Ils sont impliqués dans l’animation de la vie scientifique des laboratoires
industriels privés et celle des recherches stratégiques étatiques. Ils ont une part importante
dans les publications scientifiques. Ce sont là des atouts qui font des établissements
d’enseignement supérieur, dans les nations développées, l’espace social qui a la primeur des
échos bruts ou directs qui viennent de la « science en action », pour nous exprimer comme
Bruno Latour. Le bouleversement constant de la recherche produit, pour ainsi dire, dans ces
nations, un effet instantané sur les contenus pédagogiques. Les enseignants intègrent à leurs
cours les résultats des travaux de recherche.

         L’enseignement supérieur africaine ne peut renoncer à l’immobilisme des contenus
pédagogiques et curriculaires qu’en se résolvant à être l’espace de résonnance des échos
immédiats de la recherche. Il s’agit pour l’enseignement supérieur africain d’être l’espace
social où résonnent les échos immédiats des activités scientifiques dans lesquelles ses
ressources humaines prennent une part active. On ne peut former des ingénieurs, des
médecins, des gestionnaires, des économistes, des sociologues, si les contenus curriculaires
qui les moulent ne sont pas constamment renforcés par les travaux, les résultats, les méthodes
d’approches des problèmes qui les attendent dans l’environnement économique, administratif,
institutionnel.

Conclusion

        La pression qu’exerce la nouvelle figure de l’enseignement sur les universités
périphériques est un trait fondamental d’un monde, où l’invention a une place fonctionnelle
majeure, et qui, pour cette raison accélère sans cesse la dynamique évolutionnaire ou
révolutionnaire des sous-systèmes sociaux que sont l’économie, le droit, l’administration, la
culture. Il peut se comprendre alors que l’expansion de la nouvelle figure de l’enseignement
supérieur dans les nations périphériques soit négativement éprouvée par un contexte
économique, administratif, social et culturel qui a du mal à suivre le rythme du monde
puissant. Cette manière de voir met l’accent sur l’invention/innovation pédagogique comme
constitutive de la nouvelle figure de l’enseignement supérieur. Pour cette raison,
l’engagement des universités périphériques dans la nouvelle dynamique pédagogique que le
monde puissant répand, n’aura de chance de succès que s’il va de pair avec le volontarisme
économique, la modernisation des services, de l’administration, des institutions… Au total, la
nouvelle dynamique pédagogique doit être inscrite, dans les nations périphériques, dans la
dynamique sociale globale de développement.

Bibliographie : ouvrages et articles consultés et/ou cités
                                               9
Amin S. (1991), L’empire du chaos. La nouvelle mondialisation capitaliste, Paris,
      L’Harmattan.
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  • 1. DE L’INNOVATION PEDAGOGIQUE DANS LES UNIVERSITES DE LA PERIPHERIE REALITES ET POSSIBILITES Yaovi Akakpo Laboratoire HIPHIST Université de Lomé Résumé Le monde contemporain, en faisant de l’invention un de ses traits fondamentaux, a un rythme d’évolution de plus en plus accéléré. Concrètement, ce qui s’accélère, c’est la dynamique évolutionnaire ou révolutionnaire des sous-systèmes sociaux que sont l’économie, le droit, les institutions, etc. Dans le monde puissant, où cette dynamique s’exprime mieux, l’invention/innovation pédagogique fait partie de la normalité sociale. En revanche, dans les nations de la périphérie, l’invention/innovation pédagogique qui s’impose plutôt comme effet de la mondialisation, a du mal à faire corps avec la dynamique de son environnement local. Les manifestations de cet effet de la mondialisation dans l’enseignement supérieur africain ont servi de référence empirique pour souligner que l’innovation continue des offres pédagogiques, dans les nations périphériques, ne peut être efficace et efficiente que si elle intègre la dynamique d’évolution économique, politique, social… culturel. Mots-clés : innovation, invention, pédagogie, enseignement supérieur, périphérie, éducation, milieu innovateur. Abstract The contemporary world, taking the invention as one of its main features, has an evolution rythm which is more and more accelerated. Concretely, what accelerates is the evolutionary or revolutionary dynamics of social sub-systems that are economy, rights, institutions, etc. In the powerful world where that dynamics is expressed better, pedagogic invention/innovation is part of social normality. On the other hand, in the outskirts nations, pedagogic invention/innovation which is rather set as the worldwide development effect, finds it difficult to embody with dynamics of its local environment. The manifestations of this worldwide development effect in the African university standard have serve as empirical reference for pointing out that the continuous pedagogic proposals in the outskirts nations, cannot be effective and efficient of economic, political, social… cultural evolution. Key-words: innovation, invention, pedagogy, university standard, outskirts, education, innovation area. Introduction 1
  • 2. La mondialisation montre, de plus en plus, qu’elle a le pouvoir de générer et/ou d’influencer, dans les espaces nationaux, les formes que prennent les sous-systèmes sociaux. Il en est ainsi parce que la « nouvelle mondialisation » (S. Amin, 1991) se présente comme l’expansion des formes concrètes (historiques, contextuelles) que prend l’agenda du monde moderne. Il est alors fondé de convenir que les situations concrètes, historiques et contextuelles, dans les périphéries du « système-monde », restent sous la pression forte du procès des « centres ». Cette appréciation de la logique du monde moderne, ce n’est pas seulement l’économie et les rapports politiques qui la valident, mais ce qu’il est pertinent d’appeler la « nouvelle figure de l’enseignement ». Il s’ensuit qu’on ne peut appréhender la dimension de la pression que l’enseignement supérieur, dans les nations périphériques en particulier celles d’Afrique, subit si on ne la tient par pour une émanation de la logique d’évolution du monde moderne. Il faut alors revenir utilement à un schéma d’analyse de l’éducation moderne qu’on trouve chez Gaston Berger, pour saisir les réalités et les possibilités relatives à l’impératif d’appropriation, dans les nations périphériques, de la nouvelle figure de l’enseignement supérieur. I. De l’innovation pédagogique dans un monde où l’invention a une place fonctionnelle Parler d’innovation pédagogique dans un monde où l’invention a une place fonctionnelle majeure, peut se laisser voir, dans une mesure, comme une dette envers la pensée de Gaston Berger. Cette dette réside, en effet, dans l’option et le besoin de souligner de façon plus attentive le défi « d’invention pédagogique» (1967 : 121), en le mettant en rapport avec « quelques uns des traits les plus originaux » que G. Berger (1967 : 115) reconnaît au « monde moderne ». L’auteur de L’homme moderne et son éducation considère que les traits caractéristiques de notre monde sont l’interdépendance, la mobilité et l’accélération. L’interdépendance, telle qu’elle est entendue par G. Berger, traduit le fait que « aucun pays, quelle que soit sa puissance, ne peut s’isoler des autres et ne peut construire son destin comme si les autres n’existaient pas » (1967 : 115). Sous cet angle, l’interdépendance exprime la mondialisation, comprise comme la croissance des espaces collectifs dans lesquels les nations se frottent pour négocier leurs destins. Mais l’interdépendance exprime aussi « la mobilité des individus », « la mobilité des masses », le fait pour les hommes d’aller « vite et loin » dans « l’espace ». Une autre forme que la mobilité prend et que l’auteur ne semble pas lier à l’interdépendance dans l’espace, est la « mobilité des situations ». La mobilité des situations est plutôt synonyme de « l’accélération de l’histoire », d’un « monde en accélération » dans le temps, d’un « monde » qui « change », « change vite », « change de plus en plus vite » surtout. Alors l’accélération du monde ou de l’histoire, étant entendue comme la mobilité des situations dans le temps, elle permet de comprendre que « notre monde est un univers de la nouveauté » (G. Berger, 1967 : 117). L’univers de la nouveauté est celui qu’est devenu un monde où « les valeurs sont précaires », les connaissances et techniques font long feu, la durée de vie des modèles se rétrécit, les biens et les services perdent leur valeur marchande avant d’être usés. 2
  • 3. En faisant de la mobilité, de l’accélération, de la nouveauté les traits les plus originaux de notre monde, G. Berger a certainement compris que l’évolution des sociétés modernes et contemporaines est essentiellement marquée du sceau de la dynamique innovante ou de « l’invention sociale » (M. Weber), ou encore de « l’ouragan perpétuel de destruction créatrice » (J. Schumpeter). En soulignant la dynamique innovante de l’évolution des sociétés modernes et contemporaines, G. Berger a voulu insister sur la nécessité que l’enseignement/éducation prenne « une figure nouvelle ». Mais cette nouveauté du défi éducatif n’est pas toujours bien perçue si on ne souligne pas ce qui sert de moteur à la dynamique innovante de l’évolution sociale contemporaine. G. Berger présente le monde en mouvement accéléré sans rendre compte de ce qui met le monde en mouvement. L’ouragan perpétuel de destruction créatrice qui caractérise désormais les sous-systèmes sociaux (l’économie, le droit, l’administration, la gouvernance, la culture…) se comprend relativement à la place fonctionnelle que l’activisme technoscientifique ou l’invention a fini par se donner dans la contemporanéité. L’économie est sans doute l’un des sous-systèmes sociaux par lesquels ce qui est dit ici s’illustre. En effet, la mondialisation du marché donne suffisamment la preuve que les batailles que se livrent les firmes capitalistes transnationales, pour la conservation et la conquête des positions économiques, se mesurent aussi à leur capacité à innover et à rendre performants les biens et les services. C’est parce que l’innovation continue des biens et services est déterminante dans les batailles économiques que le monde de la recherche (université, institut, laboratoire) est devenu un partenaire et/ou une composante du monde des affaires. L’innovation d’un bien que l’industrie met sur le marché est d’abord une invention venue du laboratoire. Alors la dynamique d’évolution des biens et services économiques reste déterminée par l’invention précisément. C’est l’invention qui permet aux firmes puissantes en compétition de tirer profit du fait que les biens et les services perdent leurs valeurs marchandes avant d’être usés. La place fonctionnelle que l’invention occupe dans l’évolution performante des biens et services économiques, elle l’a également dans le procès du droit et de l’administration. Les révisions sans cesse répétées des législations nationales et internationales sur la criminalité endémique, le terrorisme, l’immigration, l’environnement, le nucléaire… sont, à bien d’égards, déterminées par, entre autres motifs, la marque de complexité que le savoir et le savoir-faire impriment à ces questions. Il faut le souligner, l’expression nouvelle des ces questions réside dans leur complexité croissante qui procède de la technicisation de la structure et du fonctionnement de la société. La société contemporaine devient continuellement plus technicienne que symbolique. Les sociétés sont inondées de biens constamment performants de la haute technologie. Le pouvoir qu’ont acquis les biens technologiques d’imposer leur logique à la structure et au fonctionnement de la société est réel. Les TIC, pour ne donner qu’un exemple, colonisent la structure et le fonctionnement des sociétés. Même les sociétés en développement se trouvent 3
  • 4. de plus en plus dans l’incapacité de se mettre en marge de la structure technicienne que les TIC leur imposent. La complexité croissante des biens technologiques induit donc une complexification de la structuration et du fonctionnement de la société. Cela induit aussi la croissance de la puissance des groupes privés. Des groupes économiques ou idéologiques rivalisent avec la puissance publique grâce aux moyens que le savoir et le savoir-faire mettent à leur disposition. Dans les sociétés qui deviennent de plus en plus complexes, les législations juridiques, les dispositifs institutionnels et administratifs, pour leur application, ont besoin de vibrer en phase avec la dynamique évolutionnaire ou révolutionnaire de l’invention. Sinon comment faire face efficacement aux crimes professionnalisés et organisés par des groupes qui disposent du savoir et savoir-faire si l’expression de la légalité ne fonde pas son pouvoir de coercition sur l’invention continue ? Comment appliquer les législations contre la criminalité professionnelle si les institutions et l’administration d’Etat ne prouvent pas leur avance scientifique et technologique sur les groupes privés puissants ? En soulignant clairement que l’évolution accélérée des sous-systèmes sociaux modernes et contemporains, ce que G. Berger appelle l’accélération du monde ou de l’histoire, est déterminée par la place fonctionnelle de l’invention, on peut prendre une mesure plus exacte de la dynamique des modèles éducatifs en expansion, des modèles qui s’inscrivent dans la logique d’évolution du monde puissant. L’on veut dire que le monde puissant étant compris comme « un univers de la nouveauté », on peut s’interroger, à la manière de G. Berger (1967 : 143) : les jeunes gens que nous formons, les jeunes gens de nos grandes écoles, de nos facultés, qui ont 20 à 25 ans vont travailler pendant une quarantaine d’années dans la direction qu’ils auraient choisie. A quoi allons-nous les préparer ? Allons-nous les former pour des tâches très précises, très définies, alors que nous savons fort bien que ces tâches vont se trouver transformées en chemin, voire même bouleversées ? G. Berger (1967 : 144) répond à ces interrogations en avertissant : on ne peut pas enseigner à un ingénieur, à un professeur, à un médecin, en quelques années, tout ce qu’il a besoin de savoir pendant toute sa carrière. Ce n’est pas possible parce que les choses changent trop vite ; il faut donc que, sans cesse, l’esprit reste en éveil ; il faut que nous renoncions à cette chère tranquillité qui nous promettait, qui semblait nous promettre un long et paisible sommeil. Il faut que, je le disais tout à l’heure, l’éducation s’associe à l’instruction, mais il faut aussi que l’éducation soit permanente. Il faut qu’elle soit permanente pour que ceux à qui on la donnera pendant tout le cours de leur vie, non seulement soient informés des connaissances nouvelles qui, continuellement, viennent bouleverser chaque discipline, mais pour que restent vivants, dans l’esprit de chacun, le désir d’inventer et la possibilité de découvrir. G. Berger avertit, pour ainsi dire, que la « figure nouvelle » de l’enseignement/éducation, celle que répand le monde en accélération, a pour trait fondamental l’invention pédagogique. L’ouragan perpétuel de destruction créatrice des offres pédagogiques, s’il est un mécanisme efficace de reproduction des nations puissantes, il est toujours à l’épreuve dans les 4
  • 5. sociétés qui ont du mal à maîtriser les turbulences qu’elles reçoivent du dehors, de la nouvelle mondialisation. II. La figure nouvelle de l’enseignement supérieur dans les nations périphériques Les universités africaines ont commencé par voir le jour, depuis les années 40 et 50 du siècle passé, avec le souci de réforme de l’éducation. Ce souci de réforme de l’enseignement supérieur, il est normal que les universités africaines de la première génération l’aient partagé pour la raison qu’elles sont issues de la transformation d’écoles et instituts coloniaux. On avait compris alors la réforme comme le souci de décoloniser l’enseignement supérieur en l’africanisant. La réforme de l’enseignement supérieur, on l’a beaucoup entendue, après, dans la phase de multiplication des universités et de la croissance exponentielle des effectifs d’apprenants, comme besoin d’adéquation entre les offres de formation, la société et la culture. La réforme, on l’a inscrite, depuis les états généraux de l’éducation, issus des conférences nationales, dans la lutte contre le chômage des jeunes. L’on veut que la formation supérieure ne soit plus déphasée du monde de l’emploi. La mode, c’est, depuis les dernières décennies du siècle passé, la prolifération des offres professionalisantes. Cette orientation de la formation supérieure en Afrique francophone, dont on a dit à tort ou à raison qu’elle est le modèle que pratiquent les universités anglophones, c’est d’abord les établissements privés qui l’on apportée. Les établissements publics d’enseignement public n’ont commencé par en faire leur nouveau cheval de bataille qu’à partir de ce qui est, de plus en plus, appelé « la réforme LMD ». En passant en revue l’évolution de l’emploi de la notion de réforme dans les universités africaines, l’on peut voir comment la figure nouvelle que l’enseignement prend dans le monde dominant s’en distingue. En parlant, sans précaution, de « réforme LMD », les universités francophones d’Afrique sont toujours tentées de croire que la nouveauté réside dans la substitution d’un modèle de formation supérieur et de certification, qui dans sa forme achevée, réglerait les questions d’employabilité et de mobilité des diplômés. On le sait, les universités anglophones d’Afrique qui pratiquent ce système d’enseignement supérieur et de certification n’affichent pas non plus de statistiques satisfaisantes sur l’employabilité et la mobilité des diplômés. La nouvelle figure de l’enseignement supérieur qui semble interpeller les universités africaines parait résider plutôt dans le fait que les modèles d’offres de formations que répand le monde puissant ne s’inscrivent plus dans le « long et paisible sommeil » qu’on connaissait à l’éducation académique, mais dans le bouleversement continuel des contenus pédagogiques. Les universités africaines (y compris les anglophones) ne peuvent se venter d’être déjà massivement installée dans l’ouragan perpétuel de destruction créatrice par lequel s’identifie la nouvelle figure de l’enseignement supérieur, celle que le monde puissant répand. En tant que modèle éducatif du monde puissant, la nouvelle figure de l’enseignement a le pouvoir de mettre la pression sur les systèmes d’enseignement moins performants ou moins efficaces, et de les soumettre à rudes épreuves. Ces épreuves sont les réalités ou les tares ordinaires par lesquelles les « nations périphériques » se distinguent des « centres ». Ces réalités à la 5
  • 6. périphérie, sont les contre-performances de l’économie, des services, des métiers, de l’administration… En soulignant qu’une conséquence de l’accélération du monde ou de l’histoire « est que les écarts ne feront que s’accroître entre les peuples inégalement développés », G. Berger (1967 : 118) nous permet de considérer que ces contre-performances demeurent des épreuves pour l’expansion de la nouvelle figure de l’enseignement supérieur. Dans ce sens, il faut indiquer que les analyses internalistes qui lisent, de façon exclusive, dans le système éducatif supérieur africain, les raisons de son inefficacité, doivent être nuancées. Il est vrai que le déphasage entre les compétences des diplômés et les compétences attendues par le monde de l’emploi et du travail demande qu’on s’interroge sur la qualité interne de la formation. L’enseignement supérieur public et privé en Afrique, a des difficultés connues, relatives à la logistique, à la documentation, aux laboratoires, au personnel enseignant, aux curricula… Mais ces difficultés réelles paraissent toujours comme celles qui affectent essentiellement la qualité de la formation supérieure africaine parce que l’environnement ou le milieu social les entretient. Cela s’entend du fait que l’université africaine ne serait confrontée à ces problèmes primaires si elle fonctionne dans un environnement ou milieu social qui fait d’elle la cheville ouvrière de la production économique, des services, du travail, de l’administration… L’on peut se rendre compte alors que les problèmes internes dans lesquels s’empêtre la nouvelle figure de l’enseignement supérieur en Afrique sont normalement ceux qui mettent les sociétés en développement en marge ou à la « périphérie » du « système-monde ». En guise d’arguments pour cette manière de voir, nous mettons deux traits fondamentaux des « nations périphériques » en rapport avec les problèmes réels que ne peuvent sous-estimer les acteurs des nouvelles perspectives pédagogiques. Les théories critiques du « système-monde » entendent par nations périphériques, celles qui sont appauvries, assujetties « à la logique de l’expansion du capitalisme » (S. Amin, 1991 : 9). Connectées au système-monde pour le faire fonctionner, les nations périphériques au même niveau d’évolution que les nations développées, les « centres ». Cette mise au point sur la notion de « centres/périphéries » aide à se rendre compte que les universités africaines cherchent à mettre la figure nouvelle de l’enseignement supérieur dans un environnement économique local qui est en contraste avec l’évolution de l’économie dominante. Les unités de production, les métiers auxquels doivent être naturellement destinées les compétences que l’université se donne de former, se présentent comme des ilots dans l’immense désert que constituent l’économie rudimentaire et les catégories sociales sur lesquelles elle repose. Ces ilots ont le quasi-monopole des capitaux et autres moyens d’investissement, mais c’est l’économie artisanale qui emploie la grande masse des travailleurs. Les secteurs économiques qui emploient la grande masse des travailleurs en Afrique demeurent l’agriculture villageoise, le petit commerce, les ateliers artisanaux (forge, menuiserie, couture, coiffure, tissage, cordonnerie). Cet environnement économique et de travail n’est sans doute pas celui qui peut mettre la pression sur l’université, obliger et accompagner l’université à s’inscrire dans la nouvelle figure de l’enseignement supérieur que le monde puissant répand. L’environnement 6
  • 7. économique local est une des épreuves de taille pour l’élan des universités périphériques à entrer dans la dynamique de l’invention pédagogique, une figure de la mondialisation. Il y a une deuxième épreuve de taille à ne pas sous-estimer, c’est l’environnement administratif et institutionnel dans lequel la nouvelle figure de l’enseignement supérieur doit s’enraciner. L’Etat demeure en Afrique le plus grand bailleur de fonds de l’enseignement supérieur. Les universités, les écoles, les instituts qu’il a créés demeurent les plus importants centres de formation de diplômé. L’administration d’Etat demeure aussi en Afrique le plus grand employeur de diplômés. Il est vrai que l’incompétence des cadres diplômés est le résultat de la mauvaise qualité de l’enseignement supérieur. Mais le chômage endémique des diplômés est plutôt un indicateur d’une économie passive et d’une administration qui a des difficultés à évoluer et à être performante. Les deux arguments, ici évoqués rapidement, laissent voir les réalités locales qui sont en contraste avec la nouvelle figure de l’enseignement supérieur. Ces arguments induisent, pour cette raison, l’idée que la possibilité d’engager les nations africaines dans la nouvelle figure de l’enseignement supérieur réside doublement dans l’invention/innovation pédagogique continuelle et dans l’évolution sans cesse bouleversante des sociétés qui doivent en faire l’appropriation. III. Rendre possible l’appropriation de la nouvelle figure de l’enseignement supérieur On l’a souligné, le devenir de l’enseignement supérieur en Afrique ne peut plus être exprimé simplement en termes de réforme de l’éducation. La nouvelle figure de l’enseignement supérieur traduit beaucoup plus la demande sociale permanente et croissante d’invention/innovation pédagogique. Ce qui donne la vitalité à la nouvelle figure de l’enseignement réside dans le fait qu’elle s’affiche de plus en plus comme l’instrument privilégié par lequel toute nation en quête de puissance, fournit des ressources humaines compétentes et performantes à la science, à l’économie, à l’administration. C’est dire que l’université africaine n’a pas aujourd’hui à choisir un système achevé d’enseignement supérieur. La pression qui s’exerce sur elle, l’invite à suivre la logique d’un monde qui fait de l’éducation un des partenaires de la dynamique sociale d’accumulation de la richesse, d’affirmation de la puissance de l’Etat. L’université africaine ne peut suivre, bien évidemment à sa propre manière, cette logique du monde contemporain, que si la formation qu’elle donne se fait sous la double pression d’un milieu social innovateur et d’une recherche innovante. III.1. Milieu innovateur et invention pédagogique Pour une appropriation de la notion de « milieu innovateur », dans ce texte, il est besoin de rappeler qu’elle porte les empreintes d’un schéma d’analyse économique « des processus d’innovation qui s’est trouvé conforté », selon les mots d’Olivier Coppin (2002 : 32), « par le fait que certaines régions parvenaient mieux que les autres à répondre aux effets de la globalisation ». Le constat est, ainsi que le rappelle O. Coppin (2002 : 32), que : 7
  • 8. « dans un contexte marqué par une accélération des mutations technologiques, l’ajustement des structures productives aux exigences des marchés devenait en effet une variable-clé de la compétitivité des économies locales. Or, il fallait bien se rendre à l’évidence : tous les territoires ne disposaient pas des mêmes conditions de base pour s’adapter aux nouvelles règles du jeu concurrentiel. De ce constat naquit alors l’idée que le milieu local tenait un rôle essentiel dans la dynamique économique, qu’il était le support adéquat aux processus endogène de croissance ». Qu’est-ce qui caractérise et détermine un milieu innovateur local ? Il ressort du point qu’O. Coppin (2002 : 33) fait sur les travaux de l’OCDE (1993), de Maillat (1996) qu’un milieu est innovateur « lorsqu’il intègre : - un collectif d’acteurs (entreprises, centre de recherches et de formation, université, instituts de financement, associations professionnelles, administration publique,…) se caractérisant par sa cohérence et sa cohésion économique ; - des ressources matérielles, humaines, financières, technologiques ou encore informationnelles aussi nombreuses que diverses ; - des savoir-faire garantissant une maîtrise du processus productif au sens large, qu’ils soient techniques, commerciaux ou organisationnels ; - du capital relationnel favorisant la constitution de réseaux en tant que vecteurs de connaissances et de reconnaissance à la fois économique mais aussi politique dans la mesure où les relations politiques déterminent la capacité de négociation des acteurs du milieu avec les autorités locales, nationales ou supranationales ; - des normes, règles et valeurs régissant le comportement des acteurs économiques et les relations que ceux-ci entretiennent ». L’argumentaire global de ce texte ne nous engage pas dans le débat économique sur l’innovation. L’attention à ce débat conforte notre sensibilité à un schéma d’analyse qui considère que l’invention/innovation ne s’active que dans une dynamique de permanente évolution bouleversante de l’environnement économique, social, institutionnel. Le système éducatif ne peut s’affirmer de plus en plus innovant, sans compter avec la dynamique d’évolution performante des sous-systèmes sociaux. En effet, il faut mettre en exergue le réel défi de transformation profonde de l’économie, de l’administration, de l’Etat que la nouvelle figure de l’enseignement supérieur lance aux nations africaines. L’université ne se trouve dans la nécessité de former des ressources humaines performantes qu’en raison des attentes d’une économie dynamique et volontariste, d’une administration publique et privée qui a soif de performance. Si l’économie est massivement artisanale ou rudimentaire, si l’administration ne se transforme pas, l’université ne peut être qu’un centre de formation de chômeurs. L’on doit comprendre, en Afrique, que le choix légitime de l’invention pédagogique engage nos sociétés à devenir des milieux innovateurs. III.2. Transfert pédagogique de la recherche et innovation curriculaire Parlant de la nouvelle figure de l’enseignement, G. Berger a raison de dire qu’elle doit reposer aussi sur le fait que le contenu curriculaire se laisse, continuellement et de plus en plus vite, bouleverser par de nouvelles connaissances. L’enseignement supérieur ne peut donner satisfaction au monde du travail et des métiers (environnement économique, 8
  • 9. administratif, institutionnel) en évolution rapide s’il ne renouvelle pas le contenu intellectuel qui fait et refait les profils de sortie des apprenants. L’enseignement supérieur en Afrique ne peut s’inscrire dans cette logique que s’il se sent tenu par ce qu’il convient de désigner transfert pédagogique des résultats de recherche. L’on entend par là le fait que dans les nations développées, l’enseignement supérieur intègre à la dynamique normale de révision des contenus de cours, l’exploitation brute et directe des travaux et résultats de recherche. On le sait, les établissements d’enseignement supérieur restent les plus gigantesques structures de recherche. Ils produisent et ont à leur disposition la masse la plus importante de personnel scientifique. Ils sont impliqués dans l’animation de la vie scientifique des laboratoires industriels privés et celle des recherches stratégiques étatiques. Ils ont une part importante dans les publications scientifiques. Ce sont là des atouts qui font des établissements d’enseignement supérieur, dans les nations développées, l’espace social qui a la primeur des échos bruts ou directs qui viennent de la « science en action », pour nous exprimer comme Bruno Latour. Le bouleversement constant de la recherche produit, pour ainsi dire, dans ces nations, un effet instantané sur les contenus pédagogiques. Les enseignants intègrent à leurs cours les résultats des travaux de recherche. L’enseignement supérieur africaine ne peut renoncer à l’immobilisme des contenus pédagogiques et curriculaires qu’en se résolvant à être l’espace de résonnance des échos immédiats de la recherche. Il s’agit pour l’enseignement supérieur africain d’être l’espace social où résonnent les échos immédiats des activités scientifiques dans lesquelles ses ressources humaines prennent une part active. On ne peut former des ingénieurs, des médecins, des gestionnaires, des économistes, des sociologues, si les contenus curriculaires qui les moulent ne sont pas constamment renforcés par les travaux, les résultats, les méthodes d’approches des problèmes qui les attendent dans l’environnement économique, administratif, institutionnel. Conclusion La pression qu’exerce la nouvelle figure de l’enseignement sur les universités périphériques est un trait fondamental d’un monde, où l’invention a une place fonctionnelle majeure, et qui, pour cette raison accélère sans cesse la dynamique évolutionnaire ou révolutionnaire des sous-systèmes sociaux que sont l’économie, le droit, l’administration, la culture. Il peut se comprendre alors que l’expansion de la nouvelle figure de l’enseignement supérieur dans les nations périphériques soit négativement éprouvée par un contexte économique, administratif, social et culturel qui a du mal à suivre le rythme du monde puissant. Cette manière de voir met l’accent sur l’invention/innovation pédagogique comme constitutive de la nouvelle figure de l’enseignement supérieur. Pour cette raison, l’engagement des universités périphériques dans la nouvelle dynamique pédagogique que le monde puissant répand, n’aura de chance de succès que s’il va de pair avec le volontarisme économique, la modernisation des services, de l’administration, des institutions… Au total, la nouvelle dynamique pédagogique doit être inscrite, dans les nations périphériques, dans la dynamique sociale globale de développement. Bibliographie : ouvrages et articles consultés et/ou cités 9
  • 10. Amin S. (1991), L’empire du chaos. La nouvelle mondialisation capitaliste, Paris, L’Harmattan. Amin S. (1996), Les défis de la mondialisation, Paris, L’Harmattan. Anderson-Lévitt K. M. (2001), « Ambivalences : la transformation d’une rénovation pédagogique dans un contexte postcolonial », Education et sociétés, n° 7/1, pp. 151-168. Berger G. (1967), L’homme moderne et son éducation, Paris, PUF. Boutin G. (2004), « L’approche par compétences en éducation : un amalgame paradigmatique », Connexions, 81/1, pp. 25-41. Braudel F. (1985), La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud. Coppin O. (2002), « Le milieu innovateur : une approche par le système », INNOVATIONS, n ° 16/2, pp. 29-50. David P. A. et Foray D. (2002), « Une introduction à l’économie et à la société du savoir », Revue internationale des sciences sociales, n° 171/1, pp. 13-28. Hillier J., Moulaert F. et Nussbaumer J. (2004), « Trois essais sur le rôle de l’innovation sociale dans le développement territorial », Géographie Economie Société, vol. 6/2, pp. 129-152. Maillat D. (1996), « Du district industriel au milieu innovateur : contribution à une analyse des organisations productives territorialisées », Working Papers, n° 9601. OCDE (1993), Développement territorial et changement structurel. Une nouvelle perspective sur l’ajustement et la réforme, Paris. Pautrel X. (2001), « Formation dans la production, capital humain, innovation et croissance », Economie et Prévision, n° 150/4-5, pp. 171-185. Tremblay G. (2003), « Les partenariats : stratégies pour une économie du savoir », Distances et savoirs, vol. 1/2, pp. 191-208. Wallerstein I. (1990), Le capitalisme historique, Paris, La Découverte. 10