2. 19-1590 Syndrome des loges Angéiologie
CONSÉQUENCES
Figure 1 Schéma d’une coupe de
Quel que soit le primum movens de l’hyperpression intratissulaire, la jambe (tiers inférieur). A : loge an-
celle-ci peut engendrer un cercle vicieux hémodynamique, pouvant térieure ; E : loge externe ; S : loge
aboutir à la forme aiguë qui est caractérisée par une nécrose A postérieure superficielle ; P : loge
tissulaire et par une neuropathie ischémique. Les mécanismes postérieure profonde ; JP : loge du
intimes qui conduisent à l’autoaggravation du processus restent jambier postérieur.
E
imparfaitement élucidés. [1] JP
Selon le concept de Burton, lorsque la pression tissulaire atteint le
P
seuil de 30 mmHg, la pression critique de fermeture du vaisseau est
atteinte et la perfusion musculaire s’interrompt provoquant une
ischémie tissulaire. [12] Cette ischémie peut être aggravée par la
diminution du gradient artérioveineux du fait de l’augmentation de S
la pression veineuse consécutive à la gêne au retour
veinolymphatique, celle-ci étant due à l’hyperpression. Cette cascade
qui associe hyperpression-œdème-ischémie autoaggravée aboutit à
la survenue d’une douleur obligeant le sportif à interrompre son
effort, voire, dans de rares cas, à la forme aiguë. La douleur serait
due soit à l’ischémie musculaire, soit à la compression des Causes traumatiques
terminaisons nerveuses sensitives musculaires par l’œdème. [2, 13] Les fractures à faible déplacement sont les grandes pourvoyeuses
Comme l’ischémie se situe à l’étage microcirculatoire, les pouls d’un syndrome aigu, car dans ce cas, les structures aponévrotiques
distaux sont toujours conservés, même en présence d’un syndrome sont préservées. Il peut s’agir d’interventions orthopédiques variées,
aigu. surtout en l’absence de drainage. Ailleurs, ce sont des traumatismes
des tissus mous sans fracture et qui n’impliquent par nécessairement
une atteinte artérielle.
Clinique
Causes vasculaires
Le syndrome des loges peut se présenter selon deux aspects Elles comprennent, outre les traumatismes vasculaires, les
cliniques opposés. thromboses et les embolies artérielles ainsi que les phlébites ; ce
syndrome a également été rapporté au cours de la chirurgie de
revascularisation.
SYNDROME AIGU
Causes diverses
¶ Clinique
Les étiologies chirurgicales les plus diverses ont été rapportées,
Quelles que soient la localisation et l’étiologie, cinq signes ont favorisées par la durée du temps opératoire et par la position du
démontré leur fiabilité : [1] malade exigée par le type d’intervention. Parmi les causes médicales
– une douleur disproportionnée avec le traumatisme responsable, sont cités en particulier : les états comateux, l’épilepsie, les brûlures,
et qui résiste aux antalgiques usuels ; c’est habituellement le premier la gangrène gazeuse et les troubles de la coagulation, ainsi que les
signe et le plus constant ; perfusions intraveineuses mal surveillées. L’accent est mis
actuellement sur la survenue de syndromes des loges chez les
– une douleur à l’étirement musculaire, lors de la mobilisation drogués par malposition prolongée d’un membre ; sont également
passive ; cités des cas relevant de la pose de brassards tensionnels trop serrés.
– une tension du compartiment atteint par un œdème dur, avec en
regard une peau chaude et luisante ;
SYNDROME CHRONIQUE
– une hypoesthésie dans le territoire concerné ; Le syndrome des loges de jambes sera pris comme type de
– des troubles moteurs sous la forme d’une faiblesse musculaire, description en raison de son atteinte préférentielle.
qui sont des signes tardifs. Quatre loges sont classiquement décrites (Fig. 1) :
La triade classique associe un syndrome douloureux, un aspect
pseudo-inflammatoire localisé et des troubles neurologiques. La – la loge antérieure, dont l’atteinte est responsable de la variété
présence des pouls périphériques et un remplissage vasculaire clinique la plus connue : le syndrome tibial antérieur ; [15, 16]
souvent normal n’éliminent pas le diagnostic puisqu’il s’agit d’une – la loge externe ou latérale ou loge des péroniers ;
véritable tamponnade microcirculatoire. Ces constatations – la loge postérieure superficielle ;
trompeuses sont à l’origine de retards diagnostiques redoutables.
Toutefois, la présence de ces symptômes est inconstante, voire – la loge postérieure profonde, au sein de laquelle a été isolé un
absente, [14] et l’examen clinique suppose une parfaite coopération cinquième compartiment représenté par le muscle jambier
du malade. postérieur.
Les loges atteintes sont, essentiellement, celles de la jambe puis de
¶ Clinique
l’avant-bras, du bras, de la cuisse, de la fesse et du deltoïde.
C’est une douleur à type de tension, de crampe, voire de brûlure,
¶ Évolution d’intensité modérée et sourde au début, puis qui a tendance à se
majorer pour devenir plus ou moins aiguë et invalidante. L’atteinte
Faute d’une prise en charge immédiate, l’évolution est rapidement est bilatérale dans 70 à 100 % des cas, avec souvent une
catastrophique sur le plan fonctionnel aboutissant à une nécrose prédominance d’un côté. Cette douleur rythmée par l’activité
musculaire plus ou moins étendue associée à une atteinte physique a une caractéristique essentielle qui doit attirer l’attention ;
neurologique irréversible dans le territoire correspondant. en effet, elle persiste après l’arrêt de l’effort pendant une durée
volontiers prolongée, [17, 18] contrairement à la claudication artérielle
¶ Étiologies classique.
Elles sont multiples et volontiers intriquées. Aucune tranche d’âge Le tableau clinique peut être moins stéréotypé et parfois même
n’est épargnée. déroutant : la douleur est dans ce cas plus ou moins permanente,
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3. Angéiologie Syndrome des loges 19-1590
aggravée par l’activité physique, ou encore de description
imprécise ; [17] il est rare qu’elle n’apparaisse qu’après l’arrêt de
l’effort.
L’apparition des troubles se produit généralement au début de la
saison sportive ou au décours d’une période d’inactivité, à l’occasion
de la reprise d’un entraînement physique souvent trop intense, voire
inadapté. [19] Enfin, il est rare de retrouver à l’anamnèse la notion
d’un traumatisme antérieur. [17, 20]
¶ Terrain
Dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’un adulte jeune et
sportif, âgé en moyenne de 20 à 30 ans, sans prédominance de sexe ;
certains sports exposent plus particulièrement à ce syndrome : il
s’agit essentiellement de la course à pied et de sports collectifs.
Figure 2 Moniteur de pression miniaturisé (Strykert).
¶ Examen clinique
hépariné, est introduit dans la loge et il est relié à un capteur de
Au repos pressions et à des enregistreurs. Cette technique permet un
En dehors de muscles volontiers hypertrophiés, le seul signe enregistrement en continu des pressions au cours de l’effort mais
d’orientation est représenté par l’existence de hernies musculaires l’appareillage complexe réserve son utilisation à l’expérimentation.
constatées dans 20 à 60 % des cas, [16] qui parfois ne sont décelées Le STIC catheter (Solid state transducer intracompartmental catheter) [5]
qu’après l’effort. comporte un capteur de pressions situé dans une aiguille (4F)
introduite dans un tube en polyéthylène (11F) dont l’extrémité est
Au décours de l’effort multiperforée. Un système infuse du sérum physiologique hépariné
dans le cathéter alors que le capteur est relié à un enregistreur qui
L’épreuve d’effort revêt un triple intérêt : outre celui de reproduire permet d’effectuer des mesures en continu.
et de localiser le syndrome douloureux, elle permet d’évaluer le
degré de gêne fonctionnelle, tout en recherchant des signes objectifs L’infusion microcapillaire [23] est basée sur l’injection d’une quantité
de mauvaise tolérance. Ce test d’effort, indispensable, doit être prédéterminée de sérum physiologique pendant la phase de
couplé à la prise des pressions tissulaires. [21] Parfois, on constate relaxation musculaire. Il s’agit d’un procédé fiable, mais le matériel
une diminution de la force segmentaire ou un trouble de la nécessaire est complexe.
sensibilité ; le compartiment apparaît plus tendu, voire induré à la Le slit-catheter : [4, 21, 24] cette technique utilise un cathéter fendu à
palpation. son extrémité. Celui-ci est relié à un capteur de pression et à un
enregistreur à affichage digital miniaturisé (Strykert). Il permet aussi
¶ Évolution une mesure en continu au cours de l’effort. Sa fiabilité est excellente,
ce qui en fait la méthode de référence.
Elle est fonction à la fois de l’importance de la gêne fonctionnelle,
Le moniteur de pression miniaturisé (Strykert) [25] est le dernier-né des
du degré de motivation des intéressés à poursuivre leurs activités
appareils proposés ; il est facile d’utilisation car il tient dans une
physiques et du niveau des performances réalisées. Or l’expérience
main et son affichage est digital (Fig. 2). Il permet d’être relié soit au
montre que les sportifs de haut niveau renoncent rarement à leur
slit-catheter soit à une simple aiguille pour des mesures instantanées
activité. [20]
avant et après effort. L’aiguille dont l’extrémité est multiperforée est
La disparition spontanée des troubles est inhabituelle. [16] Si la gêne reliée au capteur lequel est en contact avec une seringue de 2 ml
fonctionnelle peut demeurer stable, elle a le plus souvent tendance remplie de sérum physiologique. Au moment de la mesure,
à se majorer de manière progressive ; ailleurs, cette aggravation est l’injection de sérum permet d’obtenir au bout de 30 secondes
brutale et le syndrome douloureux peut devenir à ce point environ un équilibre de la pression tissulaire qui s’affiche alors de
invalidant qu’il interdit le moindre effort physique. L’extension à façon stable. C’est une excellente technique ambulatoire, pratique et
d’autres compartiments musculaires est possible, et la rapide.
bilatéralisation des troubles devient habituelle. Le risque d’un Des études de corrélation ont été réalisées entre ces diverses
syndrome aigu fait toute la gravité de cette affection, et il constitue méthodes plus ou moins complexes et onéreuses. La très bonne
une éventualité toujours possible. Tantôt, il inaugure la maladie, et fiabilité du moniteur de pression miniaturisé a été confirmée : [26] ses
il fait suite à un effort intense et inhabituel chez un sujet non résultats avec une mesure directe à l’aiguille sont superposables à
entraîné ; tantôt, il complique une forme chronique jusqu’ici négligée ceux obtenus avec le slit-catheter ; en revanche, la technique de
ou ignorée. l’aiguille de Whitesides ne devrait plus être recommandée.
¶ Mesure de la pression intratissulaire Bien qu’il y ait une quasi-unanimité pour reconnaître la nécessité de
recourir à l’enregistrement des pressions intratisssulaires, il n’y a
Les nombreuses techniques utilisées sont basées sur l’évaluation pas de consensus, ni sur la méthode la plus appropriée ni sur les
directe des pressions grâce à l’utilisation d’une aiguille ou d’un critères à retenir, d’autant plus que chaque laboratoire ne possède
cathéter. pas systématiquement ses propres valeurs de référence obtenues en
comparaison à une population témoin. [4, 21]
Méthodes
Résultats
La technique de l’aiguille a été vulgarisée par Whitesides et al. ; [22]
elle a transformé l’approche diagnostique de cette affection grâce à Ils sont fonction des techniques utilisées, des protocoles employés,
l’utilisation d’un matériel d’usage courant. Cette méthode, la plus des critères pathologiques retenus et du moment de
ancienne, a le mérite d’une relative simplicité, ce qui explique sa l’enregistrement.
très large diffusion mais elle exige la présence de deux opérateurs. Pression au repos. Dans le cas d’un syndrome chronique, la pression
Le cathéter à mèche ou wick-catheter (Mubarakt) utilise un cathéter dépasse 15–20 mmHg par la technique du slit-catheter. Toutefois, en
épidural contenant deux faisceaux de dexon reliés par un raison d’importantes variations individuelles, il n’est pas noté dans
monofilament 6/0 qui sortent à son extrémité pour favoriser le certaines études de différence significative avec la pression normale
contact avec les tissus. Le cathéter, rempli de sérum physiologique de repos estimée inférieure ou égale à 10 mmHg.
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4. 19-1590 Syndrome des loges Angéiologie
Pression au cours de l’effort. L’évaluation de la pression de relaxation
musculaire est un paramètre fiable, dont l’élévation est bien corrélée Tableau 1. – Syndrome des loges de jambes associé à une affection
musculaire (série personnelle)
à l’augmentation de la pression de repos et à un retard significatif à
sa normalisation après l’effort. Cet enregistrement exige cependant Pathologie musculaire Nombre de cas
une bonne compétence technique et un matériel sophistiqué. [21]
Myopathie à inclusion 1
Pression au décours de l’effort. Elle est constamment retrouvée élevée Myopathie mitochondriale 1
et il existe un retard important à sa normalisation, à l’inverse du Déficit en maltase acide 1
sujet normal. Ce retard peut atteindre d’ailleurs deux heures. Avec Myopathie lipidique 1
la méthode du slit-catheter, les critères pathologiques acceptés Myopathie inclassée 1
Rhabdomyolyse isolée 4
correspondent à des pressions supérieures à 30 et 20 mmHg à la Myosite sarcoïdosique 1
première et à la 5e minute [21] et à 15 mmHg à la 15e minute. [24] Les Myosite toxoplasmique 1
mêmes constatations sont faites avec la mesure directe à l’aiguille Myosite non spécifique 1
utilisant le moniteur miniaturisé. [27] Hyperthermie maligne d’effort 2
Total 14
Dans la pratique, deux critères diagnostiques sont à retenir : le
niveau de pression enregistré au repos et surtout au décours
immédiat de l’effort. un bilan musculaire systématique. Il comporte habituellement un
Malgré une apparente simplicité, l’enregistrement des pressions dosage des enzymes musculaires (créatine phosphokinases [CPK])
intratissulaires requiert une grande expérience. [17, 28, 29] Pedowitz et au repos et après effort, le jour même et le lendemain. Il est
al. [21] ont chiffré le taux de mesures ininterprétables ou de résultats recommandé au patient de s’abstenir d’activité sportive 1 semaine à
équivoques à 8 %, et celui des enregistrements impraticables au 15 jours avant ce dosage car l’entraînement, en particulier lorsqu’il
décours immédiat de l’effort à 15 %. Par ailleurs, l’impossibilité assez est intensif, élève très significativement ce taux, si bien que son
fréquente de reproduire le syndrome douloureux au cours de dosage constitue un élément d’appréciation du niveau
l’enregistrement des pressions mérite d’être signalée. Ces difficultés d’entraînement. Sont réalisés également : un dosage de l’acide
techniques sont plus grandes lorsqu’il s’agit des loges postérieures. lactique selon le protocole de Mac Ardle et un électromyogramme.
Une anomalie constatée à l’un de ces examens impose une enquête
neurologique plus poussée comportant une spectro-RMN, une étude
Formes cliniques du syndrome du métabolisme oxydatif musculaire à l’effort, voire une biopsie
musculaire. Cette enquête est d’autant plus importante qu’une
chronique myopathie peut parfois être associée à un syndrome des loges
(Tableau 1). [27, 32]
LOGES DE JAMBES Plus rarement, certains muscles accessoires de jambes peuvent être
touchés comme le court péronier latéral ou le muscle soléaire
¶ Formes asymptomatiques accessoire. Le diagnostic est difficile car une tendinopathie est le plus
souvent évoquée. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire
Leur prévalence est difficile à établir ; elle se situe autour de 20 % (IRM) permet de préciser ces variantes anatomiques et seule la
dans notre expérience. Ces formes sont mises en évidence lors de mesure directe et sélective des pressions permet d’établir le
l’exploration complète de patients qui accusent des douleurs diagnostic.
unilatérales à l’effort ou qui sont porteurs d’autres pathologies. Elles L’atteinte extensive simultanée des quatre membres est rare, puisque
imposent d’informer le patient sur les risques encourus par une très peu d’observations ont été rapportées [33] et nous n’avons
pratique sportive intensive et sur la nécessité de réduire leur activité, observé que cinq cas dans notre série. Les sports responsables sont
en se montrant plus attentif à la moindre apparition de douleurs au variés : planche à voile, moto-cross, vélo tout terrain, squash et un
cours ou au décours de l’effort. Leur risque potentiel réel est pour cas chez un pianiste, non sportif. Cette forme extensive doit conduire
l’instant inconnu. à une enquête exhaustive pour éliminer une myopathie.
¶ Formes atypiques
FORMES ASSOCIÉES OU SECONDAIRES
On distingue :
Le syndrome des loges de jambes peut être associé à certaines
– les formes retardées : parfois, les douleurs qui ont débuté au cours pathologies rencontrées fréquemment chez le sportif, comme une
de l’effort peuvent s’aggraver après celui-ci ; plus déroutantes périostite tibiale, une fracture de fatigue, une déchirure ou un
encore, mais plus rarement, elles surviennent exclusivement après hématome musculaire. En revanche, il n’est que très rarement
l’arrêt de l’effort avec un délai variable de quelques minutes à secondaire à certaines affections, essentiellement musculaires.
plusieurs heures. Ces formes trompeuses sont particulièrement
dangereuses car la douleur ne représentant plus l’élément limitant ¶ Pathologie musculaire (Tableau 1)
de l’effort, un syndrome aigu peut s’installer brutalement sans signe
prémonitoire ; Dans certains cas, le syndrome des loges est concomitant d’une
rhabdomyolyse aiguë ou subaiguë (CPK = cinq fois la norme)
– la forme diffuse jambière : le syndrome des loges peut affecter en déclenchée par un effort inhabituel. Il peut soit nécessiter un geste
même temps l’ensemble des loges de jambe, de façon uni- ou d’aponévrotomie en urgence si les pressions sont spontanément très
bilatérale, réalisant un tableau volontiers invalidant et parfois élevées soit, au contraire, disparaître rapidement avec l’amélioration
trompeur. Si l’atteinte des loges postérieures est fréquente (40 % des anomalies biologiques. Parfois, il persiste pour devenir
dans notre série), [30] la localisation simultanée aux quatre loges de chronique malgré la normalisation du taux des enzymes
jambe est plus rare (14 %). musculaires. Plus rarement, cette rhabdomyolyse peut être
Autant le diagnostic est facile au niveau des loges postérieures secondaire à une myopathie métabolique, mitochondriale ou non
superficielles car la mesure est aisée, autant il est techniquement classée ; plus rarement il s’agit d’une hyperthermie maligne d’effort.
plus difficile à établir au niveau des loges profondes, en particulier Une telle association a été retrouvée 14 fois sur plus de 500
lorsqu’il s’agit du muscle jambier postérieur. La méthode la plus syndromes de loges de jambes explorés dans le service entre 1988 et
sûre consiste à se guider par échographie, [31] mais ce geste, plus 1998. De façon encore plus exceptionnelle, le syndrome des loges
lourd, allonge le temps d’examen. peut être secondaire à une myosite évolutive sarcoïdosique ou être
Dans la mesure où l’atteinte diffuse des jambes peut être simulée séquellaire à une infection toxoplasmique musculaire comme ce fut
par différentes myopathies, il est important dans ce cas de réaliser le cas chez deux de nos patients.
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5. Angéiologie Syndrome des loges 19-1590
¶ Pièges de l’artère poplitée
Chez un sujet jeune et sportif peuvent coexister soit un piège
fonctionnel de l’artère poplitée ou faux piège soit, beaucoup plus
rarement, un piège organique ou vrai piège. [34] Aussi, la mesure des
pressions intratissulaires doit être associée à une exploration
échodoppler poplitée statique et dynamique de principe. S’il existe
un piège hémodynamique poplité à l’examen échodoppler 10
dynamique, l’IRM permet habituellement d’éliminer un piège
organique qui montre dans ce cas des anomalies d’insertion 9
musculaire, intéressant le plus souvent le muscle jumeau interne. [34,
35]
En cas d’IRM normale, il s’agit plutôt d’un faux piège poplité qui 1 8
7
correspond à la compression extrinsèque, dynamique, du paquet
vasculaire poplité par les structures musculoaponévrotiques en 2
6
place, sans anomalie de leur insertion ou du trajet vasculaire. Il reste
à savoir si les douleurs sont dues au faux piège lui-même ou à un
syndrome des loges associé. Dans la majorité des cas, le responsable 3 5
est le syndrome des loges. Très rarement, ces douleurs peuvent être
rattachées au seul faux piège artériel poplité lorsque l’on a éliminé
un syndrome des loges et toute autre pathologie. Ainsi, sur une série 4
Loge postérieure (muscles ischiojambiers)
de 120 patients sportifs, souffrant de douleurs des mollets à l’effort,
Loge antérieure (quadriceps)
Turnipseed et al. [2, 36] ne retrouvent que sept cas de faux pièges isolés
Loge interne (muscles adducteurs)
et cinq cas associés à un syndrome des loges. Parmi les 622 patients
symptomatiques dans notre série, suspects de syndrome des loges, Figure 3 Coupe transversale de la cuisse à sa partie moyenne (d’après Testut).
un piège fonctionnel poplité a été recherché 160 fois et nous n’avons 1 : artère et veine ischiatiques ; 2 : nerf sciatique ; 3 : biceps crural ; 4 : semi-tendineux ;
constaté que six cas de faux pièges artériels poplités isolés et 35 cas 5 : semi-membraneux ; 6 : grand adducteur ; 7 : moyen adducteur ; 8 : artère et veines
fémorales profondes ; 9 : artère et veine fémorale superficielles ; 10 : couturier.
associés à un syndrome des loges. [34]
FORMES TOPOGRAPHIQUES
¶ Loges de cuisse
La forme chronique est rare puisque moins d’une cinquantaine de
cas ont été rapportés, sans être toujours bien documentés. [37–39] Les
syndromes aigus sont moins exceptionnels ; [40] ils surviennent en
général au décours de traumatismes, le plus souvent fermés, ou
d’intervention chirurgicale, [ 4 1 ] voire, plus rarement, de
rhadomyolyse d’effort. [ 4 0 ] Il existe trois loges de cuisse
individualisées (Fig. 3) : la loge postérieure, la plus fréquemment
atteinte, contient les muscles ischiojambiers, la loge antérieure est Loge interosseuse Loge médiale
constituée par le quadriceps et la loge interne par les adducteurs. Il Loge centrale Loge latérale
faut ajouter un quatrième compartiment latéroexterne, si on
Figure 4 Coupe frontale du pied au niveau de la base des métatarsiens (d’après Lo-
individualise le muscle tenseur du fascia lata. [42] Le syndrome
kiec F, J Bone Joint Surg [Br] 1991;73 B:178-9).
chronique touche essentiellement la loge postérieure [37] et plus
rarement les autres loges. [38] Notre série comprend quatre cas de
syndrome des loges des muscles vastes internes chez des cyclistes intéresse les muscles interosseux, [52] les loges thénar et
amateurs. Ce syndrome affecte habituellement le coureur de fond et hypothénar [53] et les doigts ; plus rarement encore sont concernés
plus rarement le footballeur, [43] le basketteur ou l’haltérophile. [39] Le les muscles du bras, biceps et triceps, où prédominent surtout des
diagnostic est établi grâce à la prise des pressions dans les muscles formes aiguës. [54]
intéressés.
Au niveau de l’avant-bras, la loge antérieure est la plus souvent
¶ Loges du pied atteinte devant la loge postérieure, [55] celle du muscle anconé [56] et
de la loge externe des muscles radiaux [6, 57] (Fig. 5). L’existence de
Il s’agit essentiellement de formes aiguës post-traumatiques, [44] les deux loges antérieures, une superficielle et l’autre profonde, est
formes chroniques étant ici exceptionnelles. Quelques cas isolés ont discutée car moins bien individualisée qu’au niveau des loges de
été rapportés chez des danseuses. [45] Le diagnostic n’est pas aisé car jambes. [50] Toutefois, pour certains auteurs, [57, 58] cette distinction
sur les quatre loges du pied, la loge des muscles interosseux n’est doit être faite car l’attitude thérapeutique en dépend. Quant à
pas très facile d’accès (Fig. 4). l’atteinte du muscle carré pronateur, elle n’a été rapportée qu’une
seule fois dans une forme aiguë. [59]
¶ Membres supérieurs
Le terrain habituel est celui de l’adulte jeune, pratiquant une activité
À la différence des formes aiguës, bien plus fréquentes, qui sont en physique souvent intense, avec utilisation spécifique des membres
général secondaires à un traumatisme dans 97 % des cas pour supérieurs, laquelle est souvent responsable d’une hypertrophie
McQueen, [46] à une blessure par balle, une injection locale, une musculaire. [60] Il s’agit de sports plus volontiers de conduite (moto-
morsure de serpent, etc., [47–49] la fréquence des formes chroniques cross, vélo-cross) [3, 57, 60] d’activité de musculation, de sports de
est difficile à établir. En effet, il n’existe ni étude épidémiologique, ni raquette (tennis, badminton, squash), [61] de la pratique de la planche
grandes séries dans la littérature, et les cas rapportés restent à voile [62] et du ski nautique, laquelle est volontiers responsable de
inférieurs à une centaine. [3, 6, 50, 51] Dans notre expérience, le syndrome des loges étendu aux quatre membres, du tir à l’arc, de
syndrome des loges de l’avant-bras n’a été rencontré que 18 fois l’escrime, de l’escalade, [63] de sports de combat (judo, karaté), du
alors que, pendant la même période, ce diagnostic au niveau des hockey, [33] ou de l’haltérophilie. Plus rarement, il s’agit de travaux
loges de jambes a été porté chez 250 patients. Néanmoins, il s’agit manuels comme le bricolage, le port de charges, les activités de
de la localisation préférentielle, [48] devant l’atteinte de la main qui terrassement et de charpente, [51] ou de déménagement, [6] voire aussi
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6. 19-1590 Syndrome des loges Angéiologie
thallium, voire au méthoxy-iso-butyl-isonitrile (MIBI). [67] Toutefois,
1 2 3 4 5 6 7 8 9
la recherche d’une anomalie musculaire est utile en cas de syndrome
des loges étendu aux jambes.
10
L’évolution spontanée est variable : si la guérison est rare, on assiste
11
souvent à une stabilisation des symptômes car le patient s’est adapté
à son handicap et a modifié son rythme d’activité. Parfois,
l’aggravation conduit le patient à consulter, mais l’acutisation est
rare dans cette localisation.
30 12
¶ Localisations exceptionnelles
29 13
28 14 Elles réalisent exclusivement des formes aiguës, que ce soit au
niveau des muscles sus-épineux, [68] du deltoïde [33] et des muscles
27 15
paravertébraux. [69] Quant au rare syndrome des loges de l’abdomen,
il peut se produire de façon aiguë au décours d’une chirurgie ou
d’un traumatisme de l’abdomen mais aussi lors d’un sepsis, d’une
ascite importante d’un choc quelle que soit son origine. Il
26 25 24 23 22 21 20 19 18 17 16 s’accompagne d’une hyperpression intra-abdominale supérieure à
Figure 5 Coupe de l’avant-bras à l’union tiers supérieur-tiers moyen du côté droit. 25 mmHg et d’une défaillance multiviscérale avec oligurie, hypoxie,
Segment inférieur de la coupe (d’après Boucheret et Cuilleret). 1 : veine cubitale ; 2 : ar- hypotension, hyperpression pulmonaire, insuffisance cardiaque et
tère cubitale ; 3 : petit palmaire ; 4 : fléchisseur commun superficiel ; 5 : grand pal- acidose. Le traitement consiste à effectuer une laparotomie
maire ; 6 : nerf médian ; 7 : rond pronateur ; 8 : veine médiane ; 9 : long supinateur ; urgente. [70] Enfin, aucun cas n’a été décrit au niveau de la face ou
10 : artère radiale ; 11 : branche antérieure du nerf radial ; 12 : veine radiale superfi- du cou.
cielle ; 13 : 1er radial ; 14 : radius ; 15 : 2e radial ; 16 : court supinateur, faisceau pro-
fond ; 17 : court supinateur, faisceau superficiel ; 18 : extenseur commun des doigts ;
19 : branche postérieure motrice du radial : 20 : fléchisseur propre du pouce ; 21 : ex-
tenseur propre du 5 ; 22 : artère interosseuse antérieure : 23 : long abducteur du pouce ; Diagnostic différentiel
24 : nerf interosseux antérieur ; 25 : court extenseur du pouce ; 26 : cubital postérieur ;
27 : cubitus ; 28 : cubital antérieur ; 29 : nerf cubital ; 30 : fléchisseur commun pro-
fond. SYNDROME AIGU
Si le diagnostic est souvent aisé chez un patient conscient et
la pratique de la guitare ou du piano. Contrairement aux formes coopérant, la mesure directe de la pression tissulaire est d’un apport
aiguës, il n’existe que très peu de facteurs déclenchants décisif chez le malade comateux ou non coopérant. Toutefois,
traumatiques. certaines affections sont parfois évoquées comme une thrombose
veineuse profonde, une arthrite aiguë ou une myosite.
L’expression clinique est souvent stéréotypée. Ce sont des douleurs
des loges antérieures et/ou postérieures de l’avant-bras survenant à
l’effort, qui s’aggravent progressivement pour entraîner une SYNDROME CHRONIQUE
diminution de la force musculaire imposant l’arrêt de l’activité. La
Faute de signes spécifiques, son diagnostic est difficile, de sorte que
douleur persiste après l’arrêt de l’effort pendant quelques minutes à
le retard diagnostique varie en moyenne de un à trois ans. La
plusieurs heures et elle se reproduit rapidement si la reprise de
mesure des pressions tissulaires demeure la base du diagnostic.
l’activité est trop précoce. Il s’agit habituellement de crampes ou de
paresthésies gagnant le poignet et les doigts. [61, 64] L’examen clinique La forme chronique des loges de jambes soulève le problème des
au repos est normal, hormis une hypertrophie musculaire adaptative douleurs de jambe chez le sportif dont les étiologies sont multiples :
rencontrée habituellement chez les athlètes. À l’effort, il est possible – le shin splint qui est un terme générique, purement descriptif,
d’objectiver un œdème induré de la loge musculaire, douloureux à largement utilisé dans la littérature anglo-saxonne et qui recouvre
la palpation et des troubles sensitifs dans le territoire du nerf médian les syndromes douloureux de jambe englobant notamment la
ou du cubital, voire un trouble moteur. Contrairement aux atteintes périostite tibiale interne. [71] Malgré des mises au point successives,
des jambes, la présence de hernies musculaires est ici plus rare. une confusion certaine entoure cette terminologie ;
Le diagnostic peut longtemps rester ignoré, malgré une – la fracture de fatigue qui survient à l’occasion d’un surmenage
symptomatologie évocatrice, car il est souvent méconnu. Il repose mécanique ;
essentiellement sur la mesure des pressions intratissulaires, en
particulier après effort. L’épreuve d’effort consiste à utiliser des – les syndromes vasculaires artériels et veineux qui concernent
appareils (vigorimètre, musclet, etc.) qui permettent de solliciter l’adulte jeune, notamment les pièges des vaisseaux poplités ;
surtout les muscles des avant-bras, de la main, voire des bras. – les myopathies, dont certaines ont une expression clinique à partir
Les différentes techniques utilisées [27, 32, 42, 64–66] selon des protocoles de l’adolescence et qui exigent des investigations spécifiques.
propres à chaque équipe, conduisent à définir des valeurs Si le diagnostic de syndrome des loges est facile quand il touche la
pathologiques variées. Ainsi, pour Pedowitz, [21] les pressions sont loge antérieure, il se complique devant des douleurs diffuses de
pathologiques lorsqu’elles sont supérieures ou égales à 15 mmHg jambes dans la mesure où ces différentes affections peuvent
au repos et supérieures ou égales à 25 mmHg, 5 minutes après effort. coexister, éventualité constatée dans plus de 10 % des cas dans notre
Dans notre expérience, sont retenues comme pathologiques, des série. [30]
pressions supérieures à 15 mmHg, mesurées immédiatement après L’atteinte des loges de cuisses peut faire errer le diagnostic et évoquer
effort, grâce au moniteur miniaturisé (Strykert) ; elles correspondent une tendinopathie, une arthropathie de hanche, une sciatalgie, une
à la moyenne plus trois écart-types par rapport aux valeurs pathologie vasculaire notamment l’endofibrose iliaque externe ou
constatées dans un lot de sujets témoins. [3] Cette technique est fémorale du cycliste, ou une pathologie musculaire.
rapide, puisque seules les pressions après effort sont enregistrées et
Le syndrome des loges des membres supérieurs peut être simulé par
sa fiabilité est reconnue. [27] Les pressions au repos ne permettent
différentes affections :
pas habituellement de différencier les syndromes des loges des
autres pathologies, comme cela a été noté au niveau des jambes. [27, – une rhadomyolyse aiguë ou subaiguë, quelle que soit son
32]
Les autres explorations ont un intérêt diagnostique limité, que ce étiologie ; cette rhabdomyolyse pouvant d’ailleurs se compliquer
soit l’IRM [56] ou la scintigraphie musculaire au technétium, au d’un syndrome des loges ;
6
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7. Angéiologie Syndrome des loges 19-1590
Tableau 2. – Résultats postopératoires
Références Années Opérés (n) Très bons résultats a Rechutes (n) Suivi (mois)
bibliographiques (%)
Reneman [16] 1975 40 97 0 2–48
Sudmann [78] 1979 29 85 0 8–30
Allen [4] 1986 84 96 1 3
Turnipseed [20] 1989 100 b 11 48
109 c 93 2 36
Pedowitz [21] 1990 21 67 – 6–108
Moeyersoons [18] 1992 85 84 0 > 24
Larroque [30] 1995 101 93 3 27 ± 10
a Très bons résultats : guérison et/ou très nette amélioration ;
b aponévrotomie ;
c aponévrectomie.
– les tendinopathies du coude ou surtout du poignet peuvent ¶ Loges de jambes
occasionner des douleurs de l’avant-bras, mais elles ont une
expression clinique le plus souvent univoque, reproduite lors de la L’aponévrotomie sous-cutanée demeure la méthode le plus
flexion ou de l’extension contrariée, voire à la pression locale. Il peut couramment pratiquée. Ses nombreuses variantes visent à limiter
exister un empâtement et une rougeur localisée avec crépitation l’étendue de l’incision cutanée, tout en permettant une
comme dans le syndrome du « aïe crépitant de Tillaux » ; [72] aponévrotomie aussi complète que possible. L’aponévrectomie
consiste en une excision de l’aponévrose de 6 à 8 cm de long sur 2 à
– parmi les syndromes canalaires, le syndrome du canal carpien est 3 cm de large, qui est complétée par une aponévrotomie sous-
le plus fréquent et sa forme aiguë pourrait aussi être secondaire à cutanée étendue. Si cette technique peut être réalisée en première
un syndrome des loges. intention, [20] elle est habituellement utilisée en cas d’échec de
l’aponévrotomie ou de récidive. [17, 76]
Traitement
Indications
Il est basé sur le principe de la décompression musculaire, qui vise à
réduire l’élévation pathologique des pressions intratissulaires. [1] Elles sont réservées aux malades très limités dans leurs activités,
mais l’appréciation de la gêne fonctionnelle est variable d’une étude
SYNDROME AIGU à l’autre. La chirurgie est habituellement portée dans environ deux
tiers des cas documentés. À l’inverse des loges antéroexternes, la
Il faut privilégier l’aponévrotomie ouverte qui est réalisée sous
conduite à tenir en présence d’un syndrome postérieur profond
contrôle direct de la vue, et qui consiste en une incision
apparaît plus difficile et elle fait encore l’objet de controverses. [27]
longitudinale étendue de la peau en regard du compartiment
atteint ; elle s’oppose à l’aponévrotomie à l’aveugle ou sous-cutanée,
Résultats
pratiquée à travers des incisions cutanées limitées, et qui est
rarement indiquée ici. [ 7 3 ] Une grande variété de procédés Ils sont excellents : le taux de guérison ou d’amélioration
d’aponévrotomie a été proposée, mais aucune méthode n’est adaptée significative atteint généralement 85 à 90 % (Tableau 2). La
à toutes les situations où elle s’impose. mobilisation postopératoire précoce est capitale, et la reprise de la
L’enregistrement des pressions constitue une tentative de marche et des activités physiques doit être rapide. Les complications
standardisation des indications de l’aponévrotomie. Toutefois, il n’y postopératoires sont quasi inexistantes sinon minimes, et les
a pas de consensus sur le seuil critique à partir duquel la récidives demeurent rares. Enfin, les réserves suscitées par les
décompression doit être réalisée, [74] et il est vraisemblable que possibles conséquences néfastes de l’aponévrotomie chez un sportif
celui-ci n’existe pas. [29] En effet, les études expérimentales et ont pu être écartées, et la plupart des malades opérés sont même
cliniques ont bien montré que la tolérance tissulaire à capables d’améliorer leur niveau de performance. [28]
l’hyperpression est éminemment variable d’un individu à l’autre ; Sur le plan prophylactique, il importe d’insister sur l’intérêt d’un
elle dépend de nombreux paramètres, et notamment de la pression entraînement physique régulier et surtout progressif, seul moyen de
artérielle diastolique. Plusieurs valeurs ont été suggérées ; en réalité, prévenir l’apparition d’un tel syndrome. [19]
l’augmentation dans le temps des pressions représente certainement
le meilleur critère, la surveillance devant s’échelonner pendant la ¶ Loges de cuisses
période à risque de 48 à 60 heures. Dans notre expérience, des
pressions intratissulaires de repos supérieures ou égales à 30 mmHg Comme au niveau des jambes, le traitement est souvent chirurgical
au niveau de la loge antérieure de jambe et à 20 mmHg au niveau et il consiste en une aponévrotomie de tous les muscles concernés.
de la loge postérieure, constatées lors de la première prise ou lors Ainsi, pour la loge postérieure, il est réalisé à la fois une incision
des contrôles ultérieurs, sont des valeurs qui incitent à une cutanée verticale à la partie haute de cuisse et une autre, horizontale,
aponévrotomie urgente. au pôle supérieur du losange poplité. [43] Les résultats sont en
général satisfaisants avec une reprise de l’activité sportive à un
Le syndrome aigu constitue une urgence chirurgicale [75] dont le
niveau comparable à celui atteint avant l’intervention.
succès dépend de la précocité du diagnostic et de la rapidité de la
mise en œuvre de l’aponévrotomie. Une décompression dont le délai
est supérieur à 12 heures laisse une faible chance de récupération
¶ Loges des membres supérieurs
fonctionnelle et s’accompagne d’un taux élevé de complications ; L’absence de traitement médical efficace conditionne une attitude
après 12 heures, ce risque est multiplié par 12. Ainsi, 75 % des thérapeutique assez univoque conduisant à proposer un traitement
amputations de la série de Feliciano et al. [74] sont liées à une chirurgical aux patients invalidés et très désireux de poursuivre leur
aponévrotomie trop tardive ou incomplète. En cas de doute activité sportive ou à ceux gênés dans leur vie quotidienne. Deux
diagnostique, mieux vaut envisager une aponévrotomie de principe. types d’intervention peuvent être réalisés, soit l’aponévrotomie
conventionnelle qui permet de traiter aussi bien les loges
SYNDROME CHRONIQUE superficielle et profonde, [6, 57] mais qui reste vulnérante, soit
Quelle que soit la localisation du syndrome des loges, le traitement l’aponévrotomie par voie endoscopique, utilisée depuis une dizaine
chirurgical est le seul moyen qui se soit avéré efficace. [20] d’années [3, 50] (Fig. 6), moins délabrante sur le plan cutané, mais qui
7
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8. 19-1590 Syndrome des loges Angéiologie
Une aponévrectomie partielle est réalisée d’emblée par certains
auteurs. [51, 56] alors que pour d’autres, elle est plutôt réservée aux
récidives. [3]
Les résultats apparaissent équivalents, qu’il s’agisse de la méthode
conventionnelle, avec 79 % de guérisons, [6, 57, 58, 60, 64] ou de la
méthode endoscopique avec 78 %. [3]
Conclusion
Le syndrome des loges est d’une grande actualité. En présence d’une
forme aiguë, l’aponévrotomie ouverte réalisée précocement diminue
l’incidence des complications et des séquelles.
Figure 6 Aponévrotomie par voie endoscopique. La variété des tableaux anatomocliniques que peut revêtir la forme
chronique ne doit pas faire oublier qu’il s’agit de cas peu nombreux en
peut être incomplète car elle ne traite que les loges superficielles. regard de la localisation habituelle au niveau des loges de jambes. Il faut
Une évaluation in vitro de ces techniques a montré une efficacité savoir néanmoins évoquer ce diagnostic. La mesure des pressions
moindre de l’aponévrotomie endoscopique du fait du caractère intratissulaires prend ici une place particulièrement déterminante, bien
incomplet du geste. [77] Si pour certains auteurs, l’aponévrotomie doit qu’elle se heurte au manque de consensus concernant aussi bien le type
impérativement intéresser aussi bien les loges superficielles que d’appareils que la technique utilisée ainsi que le seuil des valeurs
profondes, [6, 57, 58, 60] pour Fontes, [3, 50] elle doit rester la moins pathologiques. Le seul traitement est chirurgical, il est représenté par
vulnérante possible dans la mesure où elle concerne une population l’aponévrotomie, dont l’indication doit être bien pesée selon le degré de
de sportifs, souvent de haut niveau, voire féminine. En effet, il handicap, les souhaits du patient et la localisation du syndrome. En
n’existe pas toujours d’individualisation précise de ces deux loges si effet, les résultats sont habituellement excellents au niveau des loges
bien que la décompression de l’une peut suffire. En outre, l’efficacité antérieures de jambes [78] et des loges des avant-bras mais ils ont
du geste peut être vérifiée par la mesure des pressions de la loge tendance à se dégrader principalement au niveau des loges postérieures
profonde en peropératoire. de jambes.
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