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Les Yods
Pastiches
Laufon, juin 2015
LA PESTE 2.0
par Tobi
Le matin du 16 avril, le docteur Bernard Rieux est sorti de son
cabinet et a buté sur un rat mort, au milieu du palier. Sur le
moment, il a écarté la bête sans y prendre garde et est
descendu l’escalier.*
Pour lui cela ne prenait pas une grande importance. Mais, en
fait, ce rat représentait le début de quelque chose de terrible qui
allait changer la vie d’une ville entière.
Comme d’habitude il a commencé sa tournée par les
quartiers extérieurs où vivaient les plus pauvres de ses clients.
On trouvait là excréments, urine, déchets et puanteurs
repoussantes. En bref, il s’agissait d’un endroit où on ne
voudrait pas vivre. Son premier patient s’appelait Jean-Baptiste
Terrier et travaillait comme pêcheur. Rieux l’a trouvé dans une
chambre claire, mais meublée pauvrement. La femme du
malade l’a informé que son mari avait la fièvre depuis plusieurs
semaines. Il avait commencé à avoir une température élevée.
Après, l’étourdissement l’avait frappé, et maintenant il ne
pouvait bouger aucun de ses membres et dormait la plupart du
temps. Le docteur observait son pêcheur. Le souffle du malade
était fort, il respirait avec beaucoup de peine. En plus, ses yeux
étaient congestionnés. Avec son stéthoscope, Rieux l’a ausculté.
« Il faudrait une radiographie », s’est exclamé Rieux, « pour
savoir s’il va bientôt mourir d’asphyxie, ou non... ».
Le lendemain, il écrivait un rapport médical à l’attention de
l’hôpital. En même temps, beaucoup de gens appelaient le
service de dératisation qui était déjà surchargé. Il y avait
plusieurs appels pour des rats qui se trouvaient dans les caves,
1
les appartements. Pendant la nuit, on entendait les petits cris des
rats qui mouraient. Le lendemain, l’agence Ransdoc a lancé un
communiqué sur les six milles rats qui avaient été brûlés par le
service de dératisation. En effet, c’était un nombre très
inquiétant, mais ce message ne dérangeait pas les citoyens. Pour
eux il s’agissait d’une bagatelle et ils continuaient leur vie
comme avant. Le matin et l’après-midi on travaillait.
Le soir, après avoir quitté les bureaux, on vaquait à ses
loisirs. Rieux en revanche s’occupait de ses patients qui
présentaient des symptômes troublants. Quelques jours après sa
visite, Jean-Baptiste Terrier était mort, même s’il avait montré
d’abord des signes de convalescence. Sa température avait
baissé, mais ensuite elle était montée à une hauteur fatale et il
avait commencé à vomir. Pour Rieux, ce mort représentait un
mystère bizarre et troublant. Dans la ville d’Oran, les malades
décédaient en grand nombre de symptômes ressemblant à ceux
de M. Terrier. À l’hôpital se trouvaient des hommes prostrés,
aux yeux rouges, souffrant de maux de tête et couverts de
bubons.
Ces cas affolants donnaient du souci aux nombreux
médecins qui travaillaient à l’hôpital. Tous les médecins d’Oran
ont alors décidé de se réunir.
Le médecin en chef a ouvert la séance : « Mes chers
confrères, comme vous le savez déjà, il y a un mal effrayant qui
s’engouffre dans les rues de notre ville et les décime. Il s’agit
d’une épidémie qui n’a pas de nom et provoque la mort de
beaucoup d’hommes. Ce nombre est déjà immense et nous ne
pouvons pas risquer que ce nombre augmente. – Quoi que ce
soit, il faut attendre les analyses. Nous ne savons pas contre
quoi nous nous battons, a dit l’un des médecins. – Au contraire,
chers confrères, je sais, moi, de quoi il s’agit. En effet, c’est à la
2
peste que nous devons maintenant faire face. Il y a 10 ans, j’ai
été confronté à cette maladie, en Chine !, a répliqué Castel aux
médecins. – Alors, que proposez-vous de faire ? », a demandé
le médecin en chef. Avant que Castel n'ait répondu à cette
question, Rieux déclarait avec un visage désespéré : « A cause
de notre ignorance, il faut fermer les portes de la ville. »
D’abord, l’annonce de la quarantaine a frappé durement les
citoyens, mais avec le temps, ils se sont adaptés à la nouvelle
situation. Seuls ceux qui étaient séparés par la nouvelle barrière
ont protesté contre cela. Les journées s’allongeaient, devenaient
monotones. De plus en plus, les boutiquiers abandonnaient leurs
affaires, car ils dépendaient du commerce maritime qui était
maintenant aussi interdit. Cela a naturellement affecté les
marins d’Oran parce qu’ils n’étaient plus en mesure de
continuer leur travail. Cette interdiction n’a pas arrêté que le
commerce, mais aussi la vie quotidienne. Beaucoup de gens
sont devenus chômeurs. Ils passaient la plupart du temps au
café. Le matin au café. L’après-midi au café. La soirée au café.
À trois du matin, on pouvait entendre leurs voix d’ivrognes
mais également leurs cris de désespoir.
Le lendemain du début de la quarantaine, le gouvernement a
décidé de rationner la nourriture à cause du blocus. Chaque
citoyen recevait des tickets de repas. Malheureusement, ce
n’était point suffisant. Les gens ont commencé à se plaindre des
billets et du manque de nourriture. « Et les boulangers ? Est-ce
qu’ils ont besoin de ces billets ? Ils peuvent simplement stocker
une partie de leur pain. Leurs familles sont bien nourries, tandis
que nous crevons comme les rats qui nous ont apporté ce mal !»
Les habitants s’énervaient, leur mécontentement grandissait
lentement. Il y avait de plus en plus de gens saouls, au chômage
ou endettés, etc. Les manifestations grossissaient, elles aussi.
3
Chaque jour une grande partie de la population se rencontrait
sur la place d’Armes. On protestait devant le gouvernement
algérien contre le rationnement et l’insuffisance des vaccins
contre la peste. Le nombre de morts croissait, en conséquence
de tous les petits et grands manques. Ce nombre ne plaisait pas
aux gens et cela les a poussés à agir de façon terrible.
Le 26 août a représenté et représentera un nouveau chapitre
dans l’histoire de cette ville. Tout a commencé par l’attaque de
la mairie. D’abord la population est entrée dans le bâtiment et a
massacré tous ceux qui se trouvaient par hasard dans le hall
d’entrée. Quand ils sont arrivés au bureau du maire d’Oran, ils
l’ont tué. En même temps, dehors, l’armée est intervenue contre
la foule furieuse. Elle a commencé à l’attaquer avec des fusils et
des tanks. Beaucoup de gens y ont laissé la vie, ce jour-là. Les
citoyens qui se battaient contre l’armée allaient être vaincus
quand un nouveau renfort de citoyens est arrivé. En utilisant
tout ce qui leur tombait sous la main, ils ont donné la charge.
On voyait des soldats embrochés, pendus, fusillés. En l’espace
de quelques minutes la place d’Armes et tout Oran se sont
réduites à un carnage. Çà et là on entendait des cris de guerre ou
d’agonie. Partout il y avait des cadavres humains, partout des
cadavres de rats, partout des maisons brûlées. Une ville sans
plus aucuns habitants. Une ville morte.
Les corps étalés des soldats ou des gens du peuple se
tenaient dans des positions grotesques. Leur physionomie
trahissait l'instant de leur mort. Quelquefois c’était la surprise,
le plus souvent la rage, exceptionnellement : un sourire.
*D’après La Peste d'Albert Camus
4
L'ÉTRANGER
par Adrian
Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais
pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile: « Mère décédée.
Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien
dire. C’était peut-être hier.*
Il fait très chaud et je suis arrivé à Marengo où maman
habitait et où l’enterrement aura lieu. Les prochains jours, je
vivrai dans l’appartement de maman. Je n’avais plus été là
depuis la mort de mon père, il y a cinq ans. D’abord, j’ai
cherché quelque chose à boire dans le réfrigérateur et j’y ai
trouvé une bière. Je ne savais pas que maman buvait de l’alcool.
J’ai retrouvé la meilleure amie de maman. C’est elle qui a
découvert maman avant-hier dans son appartement. Maman lui
avait donné une clé de son appartement pour les cas d’urgence.
Je suis le seul enfant de mes parents, et donc le seul à devoir
ranger et vendre l’appartement au plus vite. L’enterrement aura
lieu cet après-midi. Ensuite, je boirai quelque chose avec les
amis de maman bien que je ne les connaisse pas. Puis je
rentrerai et je mettrai de l'ordre dans le bric-à-brac de
l’appartement.
Il y a environ une trentaine de personnes. Certains sont
venus parce qu’ils sont des copains de maman et certains ne
sont là que parce qu’il y aura un apéro après l’enterrement. Je
ne connais que la meilleure amie de maman, que j’ai déjà vue
ce matin. Je n’ai jamais vu les autres personnes.
Après la messe, nous sommes allés au cimetière. Il faisait très
chaud, la chaleur était insupportable. Heureusement, il y avait
des arbres. Tout le monde s’est planté dans leur ombre.
5
Le lendemain, j’ai commencé à ranger l’appartement de
maman. Dans les armoires du salon, il y avait des assiettes, des
couverts, des nappes et aussi des bougies. J’ai tout placé dans
des caisses pour le vendre à un vide-grenier. Au fond, j’ai
trouvé une petite boîte en métal. J’ai regardé à l’intérieur parce
que j’espérais qu’il y aurait de l’argent. Mais,malheureusement,
il n’y avait que des petites pierres. J’ai d’abord voulu jeter ces
pierres à la poubelle, or au dernier moment elles m’ont plu. J’ai
hésité et je les ai mises de côté.
Le soir, j’ai mieux regardé les pierres. J’ai pensé qu’elles
étaient très belles et qu’elles étaient peut-être de prix. Je suis
allé chez le bijoutier. Comme il était occupé, j’ai attendu un
peu. Pendant ce temps, j’ai pensé à ce que je ferais si les pierres
valaient beaucoup. Après cinq minutes il est venu et a étudié les
pierres. Il les a admirées longtemps. Je lui ai demandé ce qu’il
en pensait. Il m’a dit que les pierres étaient très rares et que
chacune d’elles valait au moins 10’000 dollars. J’en avais une
quarantaine. Il m’a demandé d’où je les avais eues. J’ai dit que
je les avais trouvées dans l’appartement de ma mère. Puis je
suis parti.
Je suis allé dans un restaurant. J’ai bien et beaucoup mangé,
sûr de ma nouvelle richesse. Je suis rentré et, devant la porte, il
y avait le bijoutier. Il m’a dit qu’il voulait acheter mes diamants
pour 500’000 dollars. S’il voulait les acheter pour ce prix, ai-je
répondu, c’était qu’elles valaient plus que 10’000 dollars la
pièce. Il n'a rien dit d'autre qu'un « non » énergique. Je lui ai
souhaité une bonne soirée. Une fois rentré, j’ai mis les diamants
sous l’oreiller pour être sûr qu’ils soient protégés.
Le lendemain j’ai reçu une lettre du bijoutier. Il m’offrait un
million de dollars. Je lui ai téléphoné et je lui ai dit que j’étais
d’accord. On a convenu qu’on se retrouverait à sept heures à la
6
plage. Ce jour-là, il faisait très chaud, c’était le même soleil que
le jour où j’avais enterré maman. À six heures, j’ai pris les
pierres. Avant de partir, j’ai mis mon revolver dans ma
poche pour protéger les diamants. Je ne voulais pas que
quelqu’un me les vole avant que je ne les aie vendus.
Je suis arrivé à la plage sans encombre. Le bijoutier était
déjà là et je lui ai demandé s’il avait l’argent. Il a tiré un
couteau de sa poche et il m’a répondu qu’il n’en avait pas
besoin. Il m’a dit qu’il allait me tuer et qu’il n’y aurait personne
qui remarquerait mon absence. Il s’est approché lentement de
moi avec le couteau, menaçant.
Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le
revolver. La gâchette a cédé, j’ai touché le ventre poli de la
crosse, dans le bruit à la fois sec et assourdissant. Alors, j’ai
tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles
s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups
brefs que je frappais sur la porte du malheur.*
*Passages tirés de L'Étranger d'Albert Camus.
7
LA RENTRÉE DE PATRICK
par Hannes
Claire avait répondu : « Caissière », ne trahissant pas ses
pensées : « Ça n’est plus mon métier, j’en ai marre de cette
Migrolino. Je veux étudier, mais d’abord je dois gagner de
l’argent. Donc, je changerai bientôt de métier. Toujours la
même chose, les touches de cette caisse me rendent folle ! Mais
je suis dépendante de ce travail, ici, parce que mes parents sont
pauvres et qu’ils n’ont pas assez d’argent pour me financer les
études... »
Laura lui avait encore demandé ce qu’elle voulait étudier à
l’université et Claire avait dit : « Je veux devenir professeur de
sport, mais la musique m’intéresse aussi beaucoup. Je pourrais
faire des concerts et je deviendrais célèbre. Ça me rendrait très
heureuse. – Une bonne idée !, avait répondu Laura, et changeant
de sujet : – Viens-tu aussi ce soir ? – Où ? – Chez Patrick, il
était avec nous au lycée à Lausanne, et après deux ans il avait
quitté le lycée pour faire un échange aux États-Unis. Il nous a
invités pour sa fête de retour, c’est ce soir.... Est-ce que tu n’as
pas vu son mail ? – Non, je ne l’ai pas vu... quelle bêtise,
pourquoi je ne regarde jamais mes mails... ? » Laura, un peu
énervée, lui avait demandé une dernière fois si elle viendrait ce
soir-là. Claire avait répondu qu’elle viendrait certainement, ce
qui était presque un « oui ». Elles avaient finalement convenu
d’aller ensemble chez Patrick. « À huit heures, devant la
boulangerie ? – Oui, pour moi c'est bon, à bientôt ! »
Quelques heures plus tard, Claire était un peu en avance et
elle a attendu Laura devant la boulangerie. Elle a attendu
longtemps mais personne n’est arrivé. Après une heure d’attente
8
devant la boulangerie, Claire est partie chez Patrick. Elle a
entendu le bruit de loin. Le genre préféré de Patrick est le rock,
c’est pourquoi elle lui avait acheté le nouveau CD de Black
Sabbat, intitulé « 13th », pour célébrer son retour des Etats-
Unis. Pendant qu’elle marchait, Claire a essayé de téléphoner à
Laura, cependant elle restait sans réponse...
Pourtant, elle avait encore l’espoir que Laura soit déjà à la
fête. Tout de suite après la rencontre avec Patrick, elle lui a
demandé si Laura était arrivée, mais il a dit, nerveux, qu’il n’en
avait aucune idée. Lentement mais sûrement, la peur rongeait
Claire, quelque chose n’était pas normal. Laura est toujours à
l’heure et elle est très sérieuse, pensait Claire, qui a attendu
encore et s’est alors décidée à aller la chercher.
Il faisait nuit, c’était la pleine lune et le ciel était très clair.
Quand Claire est arrivée à l’appartement, il y avait encore de la
lumière dans la chambre de Laura. Claire a sonné à la porte,
mais personne ne lui a ouvert. Elle s’est dit à soi-même qu’elle
avait perdu toute sa patience. Après cela, elle a pris la clé qui se
trouvait sous le tapis devant la porte et elle est tranquillement
entrée dans l’appartement. Aucune trace de Laura. Le vestibule
était ravagé et, sur le sol, il y avait des traces de chaussures
d’homme. Claire les a suivies vers la cuisine et ce qu’elle a
trouvé là était terrible...
La main d’une personne était au milieu de la cuisine. Il y
avait beaucoup de sang sur le sol. Claire avait peur. Elle
suffoquait, manquait de tomber. Après avoir repris son souffle,
elle a vu des flacons sur le rebord de fenêtre. Les pires pensées
lui couraient dans la tête. Soudain elle s’est souvenue de
quelque chose.
Dans la maison de Patrick il y avait des traces pareilles à
celles qu’elle avait découvertes dans l’entrée de Laura. Sous le
9
choc elle n’avait pas remarqué la ressemblance. Elle est donc
rentrée chez Patrick et là, elle devait bientôt faire une cruelle
découverte.
A peine revenue dans la fête, elle a demandé à Patrick : « Où
est-ce que tu as caché Laura? ». Il a répondu qu’il n’en avait
aucune idée. « Je suis folle de rage, putain! », a-t-elle braillé, et
pendant qu’elle commençait à pleurer, elle l’a tellement frappé
qu’il est tombé dans les pommes. Claire a ensuite suivi les
traces jusqu’au sous-sol et elle était certaine de trouver Laura.
Tout à coup, il n’y avait plus aucune trace au sol et la porte
devant elle était fermée. De toute sa force, elle a poussé la
porte. Elle a dû essayer plusieurs fois jusqu’à ce que la porte
s’ouvre*. Aussitôt que la porte a été ouverte, Claire a reconnu
l’odeur, la même odeur que dans la cuisine. Or il n’y avait pas
qu’une main dans cette salle...., mais un corps, le corps
éparpillé de Laura, la tête dans le coin à gauche, une jambe à
droite, l’autre à...
A ce moment, une personne est descendue les escaliers et a
poussé un cri :
– Claire, qu’est-ce que tu fais à la cave? Claire restait coite.
« Ouvre les yeux quand je te parle! », a insisté la voix énervée.
Soudain Claire a ouvert ses yeux et a réalisé qu’elle avait rêvé,
un rêve terrible! « Je suis somnambule, maman? – Ouais!, ça se
pourrait, mais file au lit, et illico presto ! »
*Il faudrait ici, au nom de la concordance des temps, un
subjonctif imparfait : « qu'il sût ».
10
AU REVOIR LES ENFANTS*
par Noé
Un soldat pousse brutalement le Père Jean dans la rue. Bonnet,
bousculé, se retourne un instant dans l’encadrure de la porte.
Julien le salue, Bonnet disparaît.
UN SOLDAT ALLEMAND : Schnell, schnell, wir haben
keine Zeit.
Bonnet et le Père Jean entrent dans la voiture qui démarre.
Silence. Le Père Jean et Bonnet regardent dans le vide, chacun
avec ses pensées. Le soldat allemand à leur côté regarde lui-
aussi dans le vide. Longtemps.
LE SOLDAT ALLEMAND : Was ist denn los?
LE CHAUFFEUR : Die Strasse ist gesperrt, wir können
nicht weiter! (La rue est occupée, nous ne pouvons plus
avancer !)
Soudain on a entendu des coups de feu. Plusieurs coups
détruisent le pare-brise et les pneus. La voiture fait une
embardée et s'arrête Le chauffeur s’aplatit contre le volant et il
perd connaissance. Le Père Jean réagit tout de suite et arrache
l’arme au soldat allemand. Il le frappe à la tête. Le Père Jean
demande à Bonnet s’il va bien, qui lui répond que oui.
Un homme ouvre la porte. Une femme à côté de lui. Les
deux portent une arme.
L’HOMME : Je m’appelle Hogan et elle s’appelle Lucie,
nous sommes de la résistance. Venez vite, il nous reste peu de
temps. Montez dans la voiture garée de l’autre côté du barrage.
Les deux descendent et obéissent sans hésitation. Lucie et
Hogan sortent les soldats de la voiture et ils les mettent dans
11
leur propre camionnette. Hogan les attache et Lucie met le feu à
la voiture allemande.
Après cela, elle court vers le barrage et l’escalade. Ensuite,
elle monte dans leur voiture. Hogan démarre et ils s’éloignent à
toute vitesse.
Un quart d’heure plus tard ils arrivent à l’internat. Hogan et
la femme entrent pour aller chercher Julien, l’infirmière et les
autres.
Quelques instants auparavant
Moreau a juste le temps de se cacher dans un placard. La porte
s’ouvre, un Feldgendarme entre, avance dans la pièce. Négus
remonte la couverture jusqu’à son nez. L’infirmière prend la
compresse et la met sur le front de Négus.
LE FELDGENDARME : Vous faites quoi, là ?
L’INFIRMIÈRE : Il a une fièvre de cheval, donc je lui ai fait
une compresse, en outre il a besoin de silence.
Elle lui prend la température.
LE FELDGENDARME (retroussant son nef, reniflant) : Il y
a un Juif ici, je le sais.
A ce moment-là, Julien fait un pas en avant.
JULIEN : On n’a vu personne, sauf eux.
L’infirmière reprend le thermomètre, elle lit à mi-voix.
L’INFIRMIÈRE : 38.5 degrés. Grâce à Dieu la fièvre a
baissé, mais il a vraiment besoin de silence. S’il vous plaît,
quittez la chambre !
Après une hésitation, le Feldgendarme quitte la chambre.
Ensuite Moreau quitte le placard et embrasse l’infirmière en la
remerciant en larmes.
12
L’INFIRMIÈRE : C’est tout bon, c’est tout bon. Mais
qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? Mets-toi donc dans un lit
et si quelqu’un revient, on verra ce qu’on fait.
Le temps passe très lentement. Ils parlent un peu ensemble,
mais, surtout, ils sont perdus dans leurs pensées.
Une heure plus tard, la porte s’ouvre et un homme et une
femme entrent.
* * *
Deux heures plus tard ils entrent tous, le Père Jean, Bonnet,
Julien, Moreau, Négus et l’infirmière dans l’aéroport de la
résistance. Une heure et demie plus tard, leur avion arrive en
Angleterre.
*D'après le scénario éponyme de Louis Malle.
13
ANTECHRISTA*
par Hanna
Aussitôt que je l’ai vue, j’ai voulu la connaître. Mais aller vers
elle, je n’en étais pas capable. J’attendais toujours que les autres
m’abordent: or personne ne venait jamais. C’était ça,
l’orphelinat: chacun ou chacune qui arrive est tout de suite le
nouveau copain ou la nouvelle copine de tous.
Malheureusement, c’était différent pour moi. Personne ne
m’avait aimée, ni quand j’étais arrivée, ni ensuite.
Jusqu’à ce qu’elle arrive.
La nouvelle devait partager une chambre avec moi. J’ai
pensé qu’elle voudrait changer, mais non. Après un bref
échange avec tous les autres, elle est venue dans ma chambre.
J’ai cru qu’elle sortirait directement après avoir mis ses choses
en ordre. Mais non. Elle s’est assise sur son nouveau lit et m’a
dit. « Je m’appelle Blanche. Et toi? » Je lui ai répondu :
« Christa ». Aussitôt, j’ai senti comme je rougissais jusqu’à la
racine des cheveux. Je détestais ma gêne.
– Ça va bien? Tu as l’air plus timide que les autres.
– Oui merci. Je sais, mais je ne peux rien y changer. Les
autres ne semblent pas m’aimer trop, alors je ne me sens pas si
sûre de partager une chambre avec toi. Mais je ne veux pas être
méchante, c’est juste pour dire pourquoi je suis timide et pour
t’avertir. Désolée, si ça sonne trop bizarre.
– Non, c’est chou. Mais n’aie aucun doute, je te trouve
sympathique.
– Hm, merci, on verra.
Elle avait l’air plus âgée que moi. Mais en fait elle était du
même âge. Après qu’elle avait parlé avec moi, elle est allée en
14
bas pour faire connaissance avec les autres. Quand je suis, moi
aussi, descendue pour manger, elle connaissait déjà tout le
monde. Et tout le monde l’aimait. Même la fille la plus âgée,
qui pensait qu’elle était meilleure que toutes les autres, qu’elle
pourrait tout faire, et tout ça seulement parce qu’elle était plus
vieille que nous, les autres pensionnaires. Quoiqu'elle ait déjà
fait la connaissance de tout le monde, Blanche a voulu s’asseoir
à côté de moi pour manger. J’étais choquée. C’était la première
fois que quelqu’un voulait être près de moi. Elle m’a même
souri devant tout le monde. Je pensais que, peut-être, elle serait
la première personne qui m’aimerait. Même mes parents ne
m’aimaient pas. D’abord, c’est mon père qui nous a quittés
quand j’avais moins qu’un an. Trois ans plus tard, ma mère m’a
abandonnée. Elle m’a mise devant la porte de l’orphelinat, puis
elle est partie. Depuis lors, je ne l’ai plus jamais vue.
Le soir, quand nous étions dans notre chambre, elle a
commencé à se changer. Elle a pensé que je le ferais aussi. Mais
je n’ai pas voulu, devant elle. Elle était beaucoup plus belle que
moi, elle avait des formes qui m’impressionnaient. Je suis allée
aux toilettes pour me changer. Quand je suis revenue, elle
dormait déjà. Chaque jour, pendant une semaine, ça a été plus
ou moins comme ça. Pendant le jour, elle faisait des choses
avec tout le monde, sauf moi. Je restais dans ma chambre et je
lisais. Mais à chaque repas, elle s’asseyait à côté de moi.
Une semaine après son arrivée à l’orphelinat, l’école a
recommencé. Sur le chemin de l’école elle marchait avec moi.
Quand nous sommes arrivées à l’école, elle m’a demandé si je
pourrais lui montrer où se trouve sa salle de classe. Après que
nous l’avons trouvée, je suis allée à ma leçon. Je ne l’ai pas vue
pour le reste du jour. À cinq heures du soir, j’ai été surprise
quand j’ai vu qu’elle m’attendait devant l’école. Nous sommes
15
rentrées ensemble. Elle m’a aidé à comprendre la physique et
nous avons parlé de la journée. Elle s’était fait encore plus
d’amis. Et tous les profs l’avaient trouvée sympathique.
Après le dîner, elle est restée en bas avec les autres. Pendant
ce temps, je me suis déjà changée pour ne pas devoir le faire
quand elle serait là, parce que, malgré son apparente
bienveillance, je ne voulais pas qu’elle voie mon corps.
Les semaines suivantes se sont déroulée de façon semblable.
Le jour de mon seizième anniversaire, elle m’a donné un
cadeau. Jamais je n'avais imaginé que quelqu’un de l’orphelinat
m’offrirait quelque chose. Je n’ai d’ailleurs jamais attendu que
quelqu’un me donnât quoi que ce soit. Je pensais que tout serait
comme chaque année. Dans le paquet, il y avait une robe. J’ai
dit merci et j’ai voulu sortir pour me préparer pour l’école. Mais
elle m’a retenue, et m’a demandé de la mettre. J’ai essayé de
trouver une excuse parce que je n’aime pas les robes et que je
ne voulais pas qu’elle me voie presque toute nue.
À la fin, elle m’a persuadée. Quand je me suis déshabillée,
elle m’a dit que j’avais une jolie silhouette et m’a demandé
pourquoi je la cachais tout le temps. J’ai voulu enlever la robe,
mais elle m’a dit de la garder pour aller à l’école où elle voulait
me présenter à ses copains. Elle a aussi voulu me maquiller,
juste pour voir quel air ça me donnerait. Jusque là, j’avais pensé
que jamais personne ne me remarquerait, et que donc je pouvais
porter des choses qui ne me plaisaient pas. J'avais la chance de
pouvoir me négliger.
Mais je l’ai laissée faire. Elle n’a pas voulu me dire son
opinion, elle voulait que je voie la réaction des autres à l’école.
Je n’avais aucune envie de cela, mais je l’ai fait pour lui plaire.
J’ai eu peur de perdre ma seule amie dans ce monde, si je ne le
faisais pas.
16
À l’école, quelque chose avait changé. Des gens me
regardaient. Les garçons aussi. Il y avait même quelques
personnes qui me saluaient. C’était vraiment différent, c’était
beau.
Je commençais à aimer ma robe et le maquillage.
A la pause, Christa est venue me chercher. Elle voulait faire
ce qu’elle m’avait dit quelques heures plus tôt, me présenter à
ses copains. J’étais vraiment nerveuse. Pourquoi ? Je ne sais
pas. J’étais simplement sûre que personne ne voulait parler avec
moi. Mais je me trompais. Des gens m’ont abordée et m’ont
parlé.
Le soir dans notre chambre, j’ai remercié Blanche pour
m’avoir démontré que je pouvais être aimée.
*Inspiré du roman éponyme d'Amélie Nothomb.
17
UN JOUR FANTASTIQUE
par Aïsha
Mon champ de vison a semblé se réduire à un minuscule point
noir, puis celui-ci a disparu, me laissant non pas dans
l’obscurité totale, mais dans un vide d’une luminosité éclatante.
Je me suis sentie tournoyer à toute allure, ou retournée comme
un gant de l’intérieur vers l’extérieur. Les mots me manquent
pour décrire cette sensation de déchirement total, cette
impression d’être projetée violemment contre quelque chose
qui n’existait pas.*
Je n’ai pas vraiment perdu connaissance, mais pendant un
certain temps je n’avais certainement plus en conscience de
moi-même. Je me suis réveillée trébuchant dans l’herbe. J’avais
la tête qui tournait et envie de vomir. Pour reprendre mes esprits
je me suis assise sur un vieux tronc tombé dans l’herbe. À
quelque distance je percevais des aboiements de chiens et des
voix d’enfants.
C'est avec un sentiment mitigé j’ai suivi ces petits bruits qui
semblaient plutôt pacifiques. Le soleil était en train de se
coucher et peignait des rayures rouges et oranges sur le ciel. La
température a baissé et, ne portant qu’une robe légère et des
ballerines, j’avais les pieds gelés après seulement quelques
minutes. En regardant les paysages je me demandais pourquoi
les gens n’avaient pas allumé les lumières dans les maisons. La
deuxième chose qui me semblait bizarre, c’était que je ne
voyais qu’un seul village dans ces paysages où il s’en trouvait
normalement trois.
Après quelques minutes de marche de plus, j’ai distingué la
source du bruit que j’avais suivi. En voyant un groupe d’enfants
18
avec plusieurs animaux, je me suis tout de suite cachée derrière
un buisson, mais une petite fille mince avec des yeux de
couleurs différentes m’avait déjà vue. Elle a couru vers moi,
suivie par un grand chien aux poils blancs. Je me suis levée et la
fille au chien, qui faisait peut-être deux fois sa taille, m’a
saluée. J’ai essayé de lui sourire mais j’étais complètement
embrouillée par toute la situation. « Comment tu t’appelles,
toi ? », m’a demandé la petite. « Claire » ai-je répondu. Elle
s’apprêtait à me dire son nom en me regardant avec un œil bleu
et un œil marron, quand le chien m’a sauté dessus et m’a
déchiré ma robe. « Arrête Milo ! », a-t-elle crié, et elle a essayé
de tirer le grand chien en arrière.
Ayant réussi à mettre à distance son accompagnateur, la fille
a mis la main dans ses cheveux roux et m’a regardé d’une
manière responsable. Elle s’est excusée plusieurs fois pour son
chien et la déchirure à ma belle robe d’été, et finalement elle
m’a dit son nom. Elle s’appelait Estelle.
Les autres enfants, leurs animaux et même le grand Milo,
avaient tous disparu au moment où notre discussion se
terminait, et nous avons voulu les rejoindre. Estelle
m’a d’ailleurs dit de venir avec elle pour qu’on puisse me
trouver une nouvelle robe. Encore une fois j’ai scruté le paysage
vallonné autour de moi mais de nouveau je n’ai aperçu qu’un
seul village à peine éclairé. Les silhouettes des maisons
semblaient être couvertes d’un voile de lueurs orange, à la
manière dont les bougies d’un arbre de noël éclairent les
visages à enfants qui sont assis autour, admirant les cadeaux. Je
n’ai pas osé demander Estelle où les autres villages avaient
disparus. Pourtant je lui ai demandé où nous étions en train
d’aller. Elle m’expliquait qu’on passerait la nuit chez sa grand-
maman qui nous cuisinerait un petit souper. J’ai hoché la tête et
19
elle a commencé à me fixer. « D’où viens-tu ? Je ne t’ai jamais
vue avant. Tu n’es pas de la région, n’est-ce pas ? », m’a
demandé la petite fille en jouant avec une mèche rousse bouclée
qui s’était détachée de sa tresse. Je cherchais intensément une
réponse convenable que j’aurais pu lui donner sans avoir l’air
stupide. J’ai décidé de lui raconter que je venais d’un village de
l’autre côté de la mer et que je voyageais à cheval, mais que des
bandits m’avaient menacée dans les bois quelques jours
auparavant. J’étais venue ici parce que je voulais aller dans le
nord de ce pays pour y rendre visite à des amis de mes parents,
qui étaient morts à cause d’une maladie le mois précédent. Or je
n’avais plus que quelques sous, un petit livre et mes habits
légers, et je ne connaissais personne dans cette région.
En marchant vers le village j’étais même un peu fière de
mon mensonge. La petite a semblé croire chaque mot de mon
histoire inventée en deux minutes et alors que j’avais la tête
complètement troublée. À peu près quinze minutes plus tard, on
est arrivées dans le village où deux garçons nous attendaient
devant une vieille maison en bois qui avait l’air un peu
abandonnée, mais que j’ai adoré tout de suite. Les garçons me
regardaient curieusement et le plus grand, qui avait des cheveux
courts et marron, m’a souri. Commençant tout de suite à
questionner Estelle dans une langue étrange que je ne
comprenais pas, le deuxième me semblait un peu méfiant.
Estelle m’a présenté ses deux frères avant de leur raconter mon
histoire et d’expliquer pourquoi mes habits étaient si mal-en-
point. De ces deux frères, celui qui était plus petit était plus âgé
que le plus grand, qui était apparemment plus gentil que l’autre.
Nous sommes entrés dans la maison où se passait encore une
fois la même chose : des regards méfiants, beaucoup de
questions et une langue bizarre que je n’avais jamais entendue
20
avant ce jour-là. Une partie me regardait avec la même
méfiance que les frères d’Estelle, tandis que l’autre partie de la
famille était très gentille. Après le souper, Estelle m’a montré
une petite chambre avec un lit et une bougie. J’étais tellement
fatiguée que je me suis rapidement endormie une fois couchée
sur le lit.
Le lendemain je me suis réveillée avec des douleurs
horribles. Ma tête faisait si mal que j’ai eu peine à ouvrir mes
yeux. Je me suis assise au bord du lit avant de me lever afin que
je ne tombe pas tout de suite. Tout à coup, les souvenirs de la
journée précédente sont revenus dans ma tête toujours
complètement troublée. Les premières choses dont je me
souvenais étaient le champ, le grand chien blanc et la fille qui
m’avait trouvée. Les souvenirs perturbants revenaient dans ma
tête l’un après l’autre. Même si j'étais assez certaine que toutes
ces choses bizarres s’étaient vraiment passées, je ne comprenais
plus rien, vu que je me trouvais dans mon propre lit dans mon
appartement et portant des habits qui n’étaient pas du tout
déchirés.
Je me suis levée et j’ai essayé de commencer la journée
comme d’habitude. J’espérais que tout cela n’avait été qu’un
rêve.
*Repris du livre que je lis (à vous de deviner lequel !), je n'ai
changé à ce paragraphe qu'un temps verbal : j'ai remplacé le
passé simple par le passé composé.
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Architecture
LE BIO C’EST L’AVENIR, OR L’AVENIR EST-IL TROP
CHER ?*
Par Gilles
L’architecte Vincent Callebaut ne cesse d’esquisser des projets
architecturaux aux titres évoquant la biologie : « Bio Arch »,
« Bionic Arch », « Physalia » et « Lilypad ». On vous présente
ici quelques-uns de ses – pour l’heure – trop chers projets
L’architecte belge Vincent Callebaut, né en 1977, développe
des projets futuristes qui sont révolutionnaires et idéologiques,
mais techniquement réalisables. Il essaye de tirer le meilleur de
la biologie, de la physique, de la nanotechnologie, des
mathématiques et en même temps de l’écologie. La grande
différence, si on le compare avec les autres architectes de classe
mondiale, est que ses projets sont écologiques. Lui n’aime pas
travailler contre la nature, bien au contraire, il essaye de
travailler avec elle et à son avantage. Il base son espoir sur les
pays émergents surtout, c a r l’Europe, d’après lui, est trop
coincée dans ses « tissus urbain sclérosés ».
« Lilypad », l’île supérieure
Le projet Lilypad est, d’après Callebaut, « une réaction au
développement de l’urbanisme le long des littoraux et une
solution plus durable que les polders éphémères. » L’idée est en
gros de construire une île artificielle qui pourrait accueillir
50’000 habitants et, en même temps, constituer une cité
autosuffisante. « Pourquoi ne pas être en accord avec
22
l’océan plutôt que toujours contre lui?», c’est la grande question
à laquelle son projet écologique entend répondre.
Callebaut remarque aussi que, d’après les scientifiques, le
niveau des mers montera toujours plus et que, par exemple, de
grandes parties des Pays-Bas et du Bangladesh risquent d’être
engloutis. Son île pourrait tantôt rester immobile, tantôt elle
pourrait aussi se déplacer avec les courants de mer. Elle aura
trois « montagnes »: une pour le commerce, une pour les loisirs
et, bien sûr, une pour le travail. Vincent Callebaut ne laisse rien
au hasard : les appartements ont des balcons avec des réservoirs
collecteurs d’eau de pluie. De là, l’eau s’écoule dans le lagon
central de l’île. La chose la plus sensationnelle est que
Callebaut a intégré toutes les énergies renouvelables existante :
des éoliennes (dont les turbines transforment l’énergie du vent
en électricité), des hydroliennes (dont les turbines hydrauliques
utilisent l’énergie des courants marins ou fluviaux) et, surtout,
des panneaux solaires photovoltaïques.
Callebaut a développé une île qui est totalement autonome et
qui, grâce à l’aquaculture et à la végétalisation des toits, est
autosuffisante en nourriture, pourvu qu’on aime les algues et le
poisson. L’architecte pense qu’on pourrait même agrandir les
territoires nationaux de pays comme Monaco. En résumé, l’île
flottante et écologique est donc une merveilleuse idée. Mais elle
a un hic: les coûts pour sa construction sont si énormes qu’elle
reste pour l’heure pure et séduisante visualisation d’un futur
enviable.
«Bionic Arch », la tour antipollution
Ce projet est développé pour le centième anniversaire de
Taiwan. C’est une tour qui doit devenir un symbole de la
nouvelle orientation de la ville-état face aux défis écologiques,
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politiques et sociaux qui l’attendent. Cette tour participe aussi
du plan « Taichung Gateway – Active Gateway city », le futur
point de ralliement, dans le centre de Taichung, des
consommateurs taïwanais ou étrangers pour ce qui concerne le
life style, les innovations technologiques, la culture et la
biodiversité.
Comme le projet « Lilypad », cette tour éco-conçue est
autosuffisante et n‘utilise que des énergies renouvelables. Le
niveau d’émission de CO2 est égal à zéro. Cela pourrait être
une révolution dans le combat contre la pollution. Même les
vents sont canalisés par le design aérodynamique de cette tour
dotée d’éoliennes. Les plantes intégrées recyclent les eaux usées
et les arbres, qui sont suspendus, aident au nettoiement de l’air.
Vincent Callebaut nous promet que cette tour est réalisable avec
les technologies d’aujourd’hui. Maisce projet à son prix : 160
millions d’euro pour une tour !
« Dragonfly », la tour qui vole de ses propres ailes
Ce projet très ambitieux pourrait être, comme presque tous les
projets de Callebaut, une révolution mondiale. Il répond aux
scientifiques, qui disent qu’en 2050, il y aura trois milliards
d’humain de plus. En tout, cela fera alors presque 11 milliards.
Or le grand problème est que plus de 80% des terres arables
disponibles seront déjà investies et cultivées. La disette
mondiale menacera !
Le projet « Dragonfly » est une tour autosuffisante du fait
que sa surface est recouverte par des panneaux solaires
photovoltaïques et que, de surcroît, elle est surmontée par des
éoliennes. Les biomasses sont recyclées directement dans la
tour. Une seule tour peut nourrir au moins 50’000 personnes.
« Dragonfly » mesure plus que 600 mètres et a une forme de
24
papillon. Extraordinaire non? Dans les locaux de la tour, il y a
bien sûr des bureaux, mais aussi, beaucoup plus remarquable :
des jardins potagers. !
La plus grande raison pour laquelle « Dragonfly » n’a pas
encore été construite est qu’elle est impayable, comme presque
tous les projets de Vincent Callebaut. Mais ce n’est qu’une
question de temps, sans doute.
Dans quelques années tous ces projets seront peut-être à portée
de main, financièrement et technologiquement. Alors partout
pousseront des tours, des îles et autres constructions
écologiques de Callebaut, cet architecte d'anticipation qui,
même si ses projets ne sont pas encore réalisés, est certainement
déjà l’un des plus grands aujourd’hui.
*Imitation d'un article journalistique
25
CYBER-ESPIONNAGE
Par Timon
Après le déjeuner, je me suis ennuyé un peu et j’ai erré dans le
dirigeable. Aujourd’hui en effet la moitié des bâtiments sont
aériens et bon marché. Quand l’espace sur terre est devenu trop
maigre, on a commencé à construire des dirigeables pour les
gens qui n’avaient pas de quoi acheter une maison sur le terrain
des vaches.
Le dirigeable était adéquat, lorsque maman était là.
Maintenant, il est trop grand pour moi, j’ai dû transporter dans
ma chambre la table de la salle à manger. Je ne vis plus que
dans cette pièce, entre les chaises un peu creusées, l’armoire
dont l’E.D.I.S (enregistrement direct de l’image de soi) a eu un
court-circuit, la table de toilette et le lit magnétique. Le reste est
trop dangereux à cause de la radioactivité qui s’est échappée du
réacteur nucléaire, c’est-à-dire la source d’énergie de cette
maison volante. C’est aussi à cause de cette fuite que ma mère
n’est plus là. Mais entretemps j’ai pu la stabiliser.
Un peu plus tard, pour faire quelque chose, j’ai cherché sur
internet l’image numérisée d’un vieux journal, je l’ai imprimée
et ensuite j’ai lu cette feuille. J’y ai découpé une réclame pour
les parachutes et je l’ai collée dans un document sur ma tablette
où je mets les choses des journaux qui m’amusent. Je me suis
aussi lavé les mains et finalement je suis descendu sur terre
pour regarder les gens riches. Je me sentais bien quand je
marchais sur la terre, mieux qu’à des centaines de mètres dans
les airs.
Ma chambre donne sur la route aérienne principale du
quartier. Les avions passaient maintenant au-dessus de moi,
26
comme jadis, plutôt qu’autour de ou à travers nos maisons
aériennes. L’après-midi était beau, mais cependant, l’air était
humide, les gens étaient rares et pressés. C’étaient d’abord des
familles qui marchaient, puis deux petits garçons sont arrivés
qui portaient des costumes isolant de l’électricité ambiante.
Derrière eux : une petite fille avec la tête rasée, une mère
énorme avec une robe de soie marron, habillée comme il y a
cent ans, et le père, un petit homme frêle. Je ne le connaissais
pas. Il portait des bagages. Je ne pouvais pas m’imaginer ce
qu’il y avait là-dedans. A un certain moment, j’ai pensé qu’il
voulait qu’on ne le sache* pas. Comme tout à coup il a dirigé
ses regards dans ma direction, le contenu de son bagage m’a
intéressé encore plus. Si ses regards avaient été normalement
indifférents, je n’aurais pas cherché son nom dans l’ordinateur.
Mais j’avais vu qu’il cachait quelque chose.
Une des plus belles choses dans ce monde digitalisé, c’est
que tout est là, rien ne peut nous échapper. J’en suis sûr ! Tout
est enregistré sur un disque dur. La seule difficulté est de
trouver les informations, parce que même les 1 et les 0, on peut
les cacher. Même si ce n’est pas plus difficile de trouver un
code sur un réseau électronique que de trouver une lettre sur
une feuille en papier, comme on les écrivait il y a cent-vingt
ans.
À ma grande surprise je n’ai rien trouvé sur lui. Alors j’ai
abandonné mon idée et j’ai continué normalement ma journée.
Le lendemain, je me suis souvenu en vitesse mais
intensivement de ce petit événement, et une question a surgi en
moi: « Pourquoi est-ce qu’il m’a regardé avec les yeux pleins de
peur ? »
Je ne voyais qu’une seule réponse. Lui, il me connaissait.
C’était tellement bizarre, j’étais tellement sûr que non, mais
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j’étais encore plus sûr que j’allais trouver la réponse chez moi,
dans le dirigeable.
* * *
Des vidéos de ma mère et de moi sur internet. Une caméra
montée dans le plafond du dirigeable...
Donc cet imbécile nous espionnait. Maintenant je
comprends! Hier dans la rue, il m’a reconnu, tandis que moi, je
ne l’avais jamais vu.
Je réfléchissais.
Dois-je m'en fâcher ? Qu'ai-je perdu à l'affaire ?
Dans l’histoire de l’homme il y a une chose qui s’améliore
sans cesse. La manière de tuer.
L’Homme existe depuis des millions d’année.
Or à moi, il ne me faudrait, mettons, que de deux jours pour
éliminer quelqu’un que je n’avais vu qu’une seule fois dans ma
vie.
*Il faudrait ici, au nom de la concordance des temps, un
subjonctif imparfait : « qu'il sût ».
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STATION SPATIALE*
par Yann
Par un après-midi du mois d’août, une voiture légère s’arrêta
brusquement devant deux chaumières et la jeune femme qui
conduisait dit au monsieur à côté d’elle: « Oh ! Regarde, Henri,
ce tas d’enfants ! Sont-ils jolis comme ça à grouiller dans la
poussière! »
L’homme ne répondit rien, accoutumé aux admirations de sa
collègue qui étaient pour elle une douleur et pour lui encore un
reproche qu'elle lui faisait de manière détournée.
La jeune femme reprit :
– Il faut que je les embrasse ! Oh comme je voudrais en
avoir un, celui-là, le tout petit !»
Henri était un homme au visage sombre. Il ouvrit sa portière,
prit le petit garçon et entra dans la voiture. La jeune femme pesa
sur la pédale et la voiture fit un saut en avant, partant à toute
allure. On n’en voyait plus qu’un nuage de poussière.
L’enfant hurla bien sûr, mais personne ne l’entendit, parce
que la voiture avait des vitres épaisses. La femme, qui
s’appelait Agathe, dit : « On va l’amener à la station de base. »
La voiture accéléra.
Le soir, lorsque la mère compta ses enfants, elle s’aperçut
qu’il lui manquait le plus jeune. Il avait 8 ans. Elle appela la
police, cependant on lui répondit qu’on ne pouvait consigner la
disparition de personnes qu’après un délai de 24 heures. La
mère cria de toutes ses forces. Elle commença à pleurer. Elle
pleura toute la nuit jusqu’au lendemain.
Pendant ce temps, Agathe, Henri et l’enfant nommé Florian
étaient arrivés à l’aéroport de Bordeaux. Ils passèrent le check-
29
in pour l’Amérique du nord et durent attendre pour rentrer dans
l’avion. Florian n’hurlait plus, mais ils durent le menacer de le
tuer pour qu’ils fussent certains qu’il se tût vraiment.
A trois heures de l’après-midi l’avion décolla qui arriva à
deux heures de l’après-midi (heure locale) à Dallas.
Le soir lorsqu’il fut minuit dans l’une des deux chaumières
la mère qui avait pleuré toute la journée rappela la police
Le policier : Poste de police de Lacanau, qui est à
l’appareil ?
La femme : Oui, bonjour, ici Lisa Gaillard, je veux signaler
une disparition d’enfant.
Le policier : Nom et adresse et nom de l’enfant puis
signalement de l’enfant, s'il vous plaît.
La femme : Alors le garçon s’appelle Florian, il a les
cheveux blonds…
A Dallas ils étaient déjà à la station de base.
Agathe était en train d’introduire Florian à leur plan :
– Alors Florian, le début sera très rapide, tu subiras une
accélération de 5G, c’est pour ça qu’on te donne un vêtement
anti-gravitationnel. Dans une heure, tu seras en haut. Une fois à
bord de la station spatiale, tu places la bombe que tu trouveras
dans la navette... dans un bocal sur l'évier de la cantine. Puis tu
pousses sur le bouton « liquider ». Après, tu as une minute pour
retourner dans ta capsule et repartir. Ensuite toute la station
spatiale explose. Pense que tu seras en état d’apesanteur, ça le
fera plus difficile.
Florian répondit : « Euh une petite question, elle est à qui
cette station spatiale? Parce qu’elle ne peut pas être à vous si
vous voulez la détruire. – Et ta sœur ?, lui cracha Agathe,
pulvérisant ainsi leur conversation. Demain, le projet
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commence. A bientôt. Si tu essayes de t’enfuir, on t’attrapera.
Au contraire, si tu nous aides, on te libérera après ».
* * *
Agathe : Allez, lève-toi Florian, le projet commence.
Florian : Déjà, mais il est 5 heures du matin !
Agathe : Si tu veux avoir finir à dix heures ce soir, il faut
commencer maintenant.
Florian : Ok, pourtant, je n’ai pas dormi de la nuit.
Agathe : Ca ne fait rien, allez lève-toi, on commence.
Florian reçut un vêtement et un casque pour aller dans
l’espace. Il s’habilla et entra dans la navette.
– Départ à 10 !… 9… 8… 7… 6… 5… four !
3… 2… 1… – zeroooo !
La terre trembla et la navette s’enfonça dans la matière
stellaire. Florian avait trouvé la bombe à côté de son siège, elle
se distinguait mal d'une sucette au cassis.
Puis Florian tomba dans les pommes.
Une fois arrivé en haut, il sortit de la navette et vola presque.
Il essaya de se diriger, mais se cogna la tête au plafond, son
casque ne le protégeant guère. Mais peu à peu, il s’habituait.
Quoique. Il perdit complètement la notion du temps. Il estima
qu’il était à peu près depuis dix minutes dans la station spatiale.
C’était faux, il y était déjà depuis une heure.
Lentement, il se dirigea vers la cantine et trouva un bocal.
Dans la poche de sa combinaison, ses doigts tenaient
nerveusement la bombe-sucette. Il l’activa, fit demi-tour et se
dirigea vers la navette. Tout à coup il entendit dans son casque
le compte à rebours: « Encore cinquante secondes ». Il se cogna
31
la tête une deuxième fois et perdit cinq secondes. Maudit
casque ! Tout à coup il trébucha et vola à dix mètres, mais il
retomba sur ses pieds. Il avait trouvé une technique. Il sautilla
ainsi vers la navette. Il ne lui restait que dix secondes avant
l’explosion. Il se précipita. Dès qu’il était dans sa capsule, il
ferma la porte et se dés-accosta de la station spatiale. Il sentit
une onde de pression et tomba dans les pommes. Il vit une balle
orange et sentit quelque chose de chaud. C’était trop, ça faisait
trop mal. Il voyait noir.
Il entendit des voix, où était-il ?
Il ouvrit les yeux, mais il les referma tout de suite. C’était
trop lumineux. Puis il les ouvrit lentement et vit qu’il était à
l’hôpital. Autour de lui sa maman et une femme qu’il ne
connaissait pas. Plus un homme.
La femme, c’était sûrement une infirmière, l’homme, le
médecin.
Il entendit : « Tu étais absent pendant toute une journée !
Demain tu pourras partir... »
Deux jours après, le bambin était de nouveau chez lui, sa
maman était folle de joie. Quand on vous dit que tout est bien...
*Pastiche d'un trait d'imagination personnel survenu ce
printemps un jeudi après-midi.
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LES YEUX COULEUR RUISSEAU*
Par Zoe
Je rentre du lycée et dépose mon sac à dos au milieu de l’entrée,
maman va réclamer, je le sais, mais c’est plus fort que moi, je
ne peux pas m’en empêcher. Je me dirige vers le salon. Il est là,
sur le sofa, assis en tailleur, sans chaussettes. Il ne m’adresse
pas un regard, il m’ignore complètement. Pourtant, je sais qu’il
sait que je suis là. Il a perçu ma présence, peut-être même avant
que je sois rentrée par la porte de la maison. Il tient la
télécommande dans la main et il regarde l’un de ses films
préférés, un Disney. Je lui dis « bonjour ». Toujours pas de
réaction. Je m’approche doucement et lui caresse le visage.
Alors il lève la tête et me regarde. Nos regards se croisent et il
me sourit. Nos nez se touchent presque. Il me regarde
intensément avec ses yeux verts. Des yeux magnifiques. Ils ont
la couleur des ruisseaux au printemps, vert transparent
accompagné de centaines de petits cailloux gris et ambre. Je
remarque comme son regard s’éloigne maintenant, j’essaie de le
retenir en lui parlant doucement, mais je sens que la liaison
entre nous est rompue. Je ne peux rien faire pour garder le
contact avec mon frère, il retourne dans son monde. Le monde
de l’autisme.
Maman m’appelle. La voix vient de la cuisine, je me dirige
dans cette direction et passe par l’entrée, à côté de mon sac à
dos. Je sais que je dois le ranger, mais pourtant je ne le fais pas.
Maman est en train de plier du linge sur la table de la cuisine et
range tout dans un panier.
« C’était comment à l’école ?
- Bien bien, comme d’habitude.
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- Tu as des devoirs ?
- Non, pas aujourd’hui, je dois juste répéter mon anglais.
- Est-ce que tu peux garder David vendredi soir ? Comme tu
le sais déjà, Evelyne m’a invitée à souper pour mon
anniversaire, et papa devait s’occuper de David, mais voilà ton
père a une réunion à la banque, et il rentrera tard... »
J’observe attentivement maman. C’est une femme qui a l’air
d’être usée, fatiguée. Elle vient d’avoir cinquante ans. Quand
elle était jeune, elle n’était peut-être pas une beauté, mais dans
tous les cas attirante. Elle a encore de beaux yeux. Ils ont la
couleur de l’océan atlantique au mois de juillet, un mélange
égal de vert et de bleu. Ses paupières tombent légèrement et elle
a des cernes noirs. De petites rides dans le coin des yeux sont
bien visibles, mais son regard est vif, brillant. Son sourire, très
doux. Elle a des lèvres bien dessinées. Ses dents sont
étonnamment blanches pour son âge. Et toutes bien alignées.
Pourtant elle n’a jamais porté d’appareil dentaire. Maman est
née au milieu des années soixante, le début de l’invasion des
appareils dentaires. Son nez est long, fin et aquilin, typiquement
basque, il dévoile ses origines. Au fond de moi, j’espère que
mon nez ne deviendra pas comme le sien, bien que celui de
Papa soit encore pire.
J’ai envie de lui dire non, car j’ai déjà promis à Aïsha et à
Julia d’aller avec elles à la Maison des jeunes. Je cherche une
excuse valable pour dire « non », et en même temps, j’essaie de
me souvenir de quand j’ai gardé David la dernière fois. Je
cherche tout au fond de ma mémoire, mais aucune date ne me
vient à l’esprit. C’est simple, je ne me suis jamais occupée de
lui le soir ! Parfois, Maman doit aller à la poste ou faire une
petite course, alors là, oui, je reste avec lui, mais cela dure au
maximum une heure, jamais plus. Mes parents ne m’ont encore
35
jamais donné la responsabilité de m’occuper de mon petit frère
autiste. Je m’entends dire « oui » sans réaliser vraiment.
Maman vient de terminer son pliage de linge. Elle fait glisser
le panier sur la table de la cuisine vers moi. « Quand tu montes,
prends le panier avec toi et dépose-le dans la chambre de David,
s’il te plaît. »
J’ai envie de lui demander si Aisha et Julia peuvent venir
vendredi soir, mais je ne le fais pas. Je prends le panier et me
dirige vers les escaliers. Soudain, mon pied rencontre un
obstacle, je trébuche, boum, le panier me tombe des mains et je
m’étale par terre. Maman, qui a entendu le bruit arrive en
courant. Devant ses yeux, la scène : le linge éparpillé, et moi,
sur le sol aussi, une tache rouge à mes côtés. Son regard s’arrête
sur le coupable et son expression change de l’inquiétude à la
rage. « Je t’ai déjà dit plus d’un millions de fois que tu dois
ranger ton sac à dos ! »
Pendant qu’elle crie comme une furie en me faisant la
morale, elle va à la salle de bains et prend tout ce qu’il faut pour
soigner ma blessure. Quelques secondes après, elle arrive avec
les mains chargées avec du coton, de produit désinfectant et de
pansements. Elle s’agenouille et commence à panser ma
blessure. Je me suis cognée juste au-dessus du sourcil. Je saigne
beaucoup et maman s’apaise. Son regard redevient doux et elle
pose un baiser sur mon front. « Je crois, que c’est mieux d’aller
à l’hôpital, la plaie est profonde »
Je demande : « Et David ?
- Pas le temps de chercher une baby-sitter, nous le prenons
avec nous. »
Quelques heures plus tard, pendant que je me brosse les
dents avant d’aller au lit, j’observe mon reflet dans le miroir.
Mes yeux sont en forme d’amande et d’un bleu intense, autour
36
de la pupille j’ai des éclats dorés. Mes cheveux sont blonds,
longs et légèrement ondulés. Mais en ce moment, je ne vois que
mon œil droit qui est enflé, et distingue un hématome sous le
pansement. Le médecin du service des urgences de l’hôpital
m’a fait deux points de suture. Il m’a dit qu’une petite cicatrice
resterait, mais que ça me rendrait « encore plus jolie ». Jolie ?
Moi ? Je fais peine à voir. Mes cheveux sont tâchés de sang, le
docteur m’a ordonné d’attendre vingt-quatre heures avant de les
laver afin que ma blessure ait le temps de se refermer.
Je penche ma tête sous le lavabo pour rincer les mèches
sales, mais ma tête me fait tellement mal que je décide de suivre
les ordres du médecin et je vais me coucher.
Une fois allongée dans mon lit, je respire profondément et
me dis que finalement, j’ai eu de la chance. J’aurais pu me
casser le nez ou me briser des dents. Une chose est sûre. Je ne
laisserai plus jamais mon sac à dos au milieu de l’entrée. À ce
moment-là, la porte de ma chambre à coucher s’ouvre
violemment et David entre. Il marche sur la pointe des pieds. Il
fait des allers et retours en poussant de petits cris. Je remarque
qu’il est tendu, nerveux. Je crois qu’il est inquiet. Je me lève et
le prends dans mes bras. Peu à peu il se calme, nous nous
asseyons sur le bord de mon lit et il pose sa main sur mon
pansement. Je lui parle tout bas.
« Ne t’inquiète pas mon chaton, je vais bien. »
Mon petit frère est né quand j’avais deux ans et quatre mois.
Au début, il se développait comme un petit garçon tout à fait
normal, mais, à dix-huit mois, il a eu une forte fièvre. Cette
fièvre a provoqué une convulsion avec complications, il en est
resté paralysé du côté gauche pendant plusieurs semaines, et
ensuite, son comportement a complètement changé. Une année
plus tard le diagnostic est tombé comme une bombe venant de
37
nulle part : autisme, syndrome de Tanner, atypique !, épilepsie
et hypotonie musculaire. Je n’ai qu’un vague souvenir de cette
période de ma vie. Mais si je me souviens d’une chose, c’est de
l’immense tristesse de mes parents, aussi grande que leur
impuissance.
Je remarque une autre présence dans la pièce. Maman est
appuyée au cadre de la porte et nous observe en silence. Je sens
une vague d’affection pour ma famille et je suis finalement
contente de m’occuper de David vendredi soir. Maman a besoin
de sortir un peu. En plus, avec la tête que j’ai, ce n’est pas le
moment idéal pour aller danser à la Maison des jeunes.
* * *
Vendredi arrive, la bonne chose c’est que comme je dois
m’occuper de David, et donc mes trois heures d’espagnol
tombent. Je grandis bilingue, papa me parle en suisse-allemand
et maman en espagnol. Je n’ai rien contre ces cours, mais après
une semaine de lycée, c’est très fatigant de passer le vendredi
soir dans une salle de classe jusqu’à 19 heures.
Pour la première fois je suis seule avec David. Pourtant, je
ne suis pas nerveuse. Nous allons passer une soirée tranquille.
Je vais faire une pizza pour le souper, car c’est son plat préféré.
Ensuite, je vais faire des popcorns dans le four à micro-ondes et
nous allons nous installer devant la télé et regarder un Disney.
David prend place sur le sofa, sans chaussettes, comme
toujours et moi je me dirige à la cuisine. Un peu plus tard le
repas est prêt.
« David, vient manger, il y a de la pizza ».
38
La moutarde et le ketchup ne peuvent pas manquer sur la
table. David mange tout avec du ketchup et de la moutarde,
même le gâteau au chocolat.
« Dis-moi, mon chaton, tu es allé nager avec l’école
aujourd’hui ? »
Je lui parle tout à fait normalement, même si je sais qu’il ne
me répondra pas. Mais je le fais, car il m’écoute et me
comprend.
Après avoir mangé, je prépare les popcorns et nous nous
installons au salon. Je lui passe le saladier rempli de ces petites
boules blanches qui me font penser à des moutons. Je lui fais
part de mes pensées, mais il ne m’honore d’aucun regard, ni
d’un sourire. J’ai mon portable à la main, je prends place à ses
côtés. Tout à coup, il commence à rigoler comme un fou. Dans
le film « Hercule » de Disney, le héros se bat contre un monstre
à cent têtes. Je ne sais pas pourquoi il trouve ça si rigolo, mais
j’aime quand il sort pour un petit moment de son monde et
réalise ce qui se passe devant ses yeux.
J’ai commencé à regarder le film avec lui, et posé le portable
sur mon ventre. Tel l’éclair David le saisit, entre sans problème
mon mot de passe et regarde mes photos. Il ne peut pas parler,
mais tout ce qui est électronique le fascine, et il est très doué en
cette matière. Il s’arrête longuement sur une photo. Celle qu’on
a faite ensemble sur le trampoline. Trois minutes au moins. Un
selfie** de nous deux.
Je laisse David au salon, car je dois encore faire la vaisselle
et préparer le lait avec ses antiépileptiques. Pendant que je
range la plaque à pizza dans le four, je vois mon hématome
dans le reflet sur la porte vitrée. Il a passé du bleu-violet au
vert-jaune. La blessure ne me fait presque plus mal. Lundi
matin, le docteur va m’enlever les fils.
39
Je sursaute. Un bruit de verre brisé arrive du salon. David a
sûrement laissé tomber le saladier et je ne veux pas qu’il se
coupe avec les débris, alors je cours jusque-là. Je vois
l’expression sur son visage et aussitôt je sais exactement ce qui
se passe. Une attaque épileptique.
« Ah non, pourquoi maintenant, pourquoi aujourd’hui,
pourquoi tu me fais une chose comme cela, aujourd’hui que je
suis seule avec toi ! »
Sans même le remarquer, je suis à ses côtés. Du pied je
pousse les morceaux de verre et j’essaie de placer mon frère
dans la bonne position. Je le mets sur le côté. Je commence à
ressentir de la panique, mais le calme reprend le dessus et j’agis
correctement. Mes mouvements sont comme programmés. J’ai
vu des dizaines de fois papa ou maman faire la même chose. Il
me faut une montre pour contrôler combien de temps dure la
crise, mais ma montre est sur ma table de nuit au premier étage
et je ne peux pas laisser David seul. Je cherche mon portable,
mais je ne le vois pas. C’est typique, quand on a besoin de ces
appareils, ils ne sont jamais là. La panique revient. Pendant que
je réfléchis, une de mes mains tient le corps de mon frère et
l’autre attrape la télécommande. Sur la télévision, je peux voir
l’heure exacte. Le calme est de retour en moi. J’ai l’impression
que cela fait au moins dix minutes que je suis près de lui, en
vérité nonante secondes sont passées. Si la crise n’est pas
terminée dans trois minutes, je dois lui mettre une pilule à
l’intérieur de la joue.
La pilule !!! Zut ! Je fais comment maintenant ? Je sens
battre mon cœur à toute allure. Les médicaments sont dans
l’armoire à pharmacie, à la salle de bains du premier. J’observe
mon frère, son corps est totalement tendu, ses lèvres sont
légèrement bleues, j’ai peur. Sa bouche tressaille, mais d’un
40
côté seulement. C’est comme si un fil transparent était attaché
au coin de ses lèvres et que quelqu’un tirait dessus en petits
mouvements rapides et réguliers. Je lâche David un instant et
prends tous les coussins et la couverture pour les placer autour
de lui en faisant comme un nid. Je pose ma main sur mon front
et me dis que je dois être prudente, ce n’est pas le moment de
perdre le contrôle sur moi et de me casser la figure dans les
escaliers. Je regarde l’heure, trois… deux… un !, je marche
d’un pas déterminé. Arrivée à l’entrée, avant de monter les
marches, mon regard se pose sur le sac à dos de David, bien
rangé sous le portemanteau. Je l’attrape d’une main et fais
demi-tour vers le salon. À son sac d’école est accroché un
porte-clés, et à celui-ci un petit container d’aluminium avec
dedans le médicament d’urgence. Je soupire bruyamment en
regardant l’heure, il ne m’a fallu que neuf secondes. Je suis à
nouveau près de lui, ses mains sont gelées, sa tête bouillante.
Mes mains tremblent, mais j’arrive à ouvrir sans problème le
petit et léger récipient bleu. La pilule tombe dans ma main. Elle
fait à peine cinq de diamètre, sur environ deux millimètres de
hauteur, elle est emballée. Les secondes sont des minutes et les
minutes des heures, tout se passe comme au ralenti. J’extirpe la
pastille de sa protection transparente et, alors que je rassemble
mes forces pour la lui introduire dans la bouche, une écume
commence à en sortir. Je suis presque soulagée de voir cette
masse blanche et sans odeurs couler lentement hors de sa
bouche. Son corps se détend peu à peu, les secousses s’arrêtent,
ses lèvres virent du bleu au rouge, sa respiration redevient
normale. Un coup d’œil à l’horloge de la TV me dit que la crise
a duré presque 3 minutes. Je vais à la salle de bains chercher des
lingettes et une serviette pour le nettoyer. Je ne presse pas, je ne
41
suis plus prisonnière du temps, car maintenant David dort
profondément et cela va durer plusieurs heures.
Après avoir terminé de tout remettre en ordre et noté la
durée de la crise sur le calendrier, je retourne au salon et
m’assieds sur le sofa. Précautionneusement je soulève la tête de
David et la pose sur mes genoux. La pièce est obscure, la seule
source de lumière est la petite lampe qui se trouve sur le
secrétaire derrière nous. Mon frère bouge pour trouver une
position confortable et ouvre les yeux. Je suis jalouse de ses cils
longs et courbés, noir de jais. Dans cette lumière, je peux voir
chaque détail de ses iris, toutes les formes qui ornent l’intérieur
de ses magnifiques yeux couleur ruisseau. Il lève sa main et me
caresse la joue.
« Dors mon chaton, tu dois être très fatigué. »
Il referme les yeux, je sens comme des larmes coulent sur
mon visage. Je ne peux rien faire pour les retenir.
J’entends une clé dans la serrure. J’ouvre les yeux, je
regarde l’heure sur mon portable, il est bientôt minuit. J’ai dû
m’assoupir. Ma nuque est douloureuse, je m’étire. A ce
moment, papa entre au salon.
« Bonsoir mon petit haricot ! »
J’ai 15 ans, et pourtant pour papa je suis encore toujours son
petit haricot. Il m’appelle comme cela, car la première fois qu’il
m’a vu, c’était chez le gynécologue sur une échographie. Il
avait dit alors que j’avais la forme d’un petit haricot blanc.
« Comment va le petit ? »
David a déjà dix centimètres de plus que moi, mais pour
papa, il reste le petit de la famille. Il n’attend pas ma réponse et
monte au premier pour se changer. Arrivé en haut de l’escalier,
il fait demi-tour et me demande : « Pourquoi David n’est pas
couché dans son lit ? »
42
Je réponds en parlant tout bas pour ne pas réveiller mon
frère : « Il a eu une crise à 19.30 heures.
- Je vais le mettre dans son lit et après tu me racontes tout. »
* * *
Mon réveil me montre qu’il est maintenant déjà 2 heures du
matin, et je ne trouve pas le sommeil. Je revis les événements
de ce soir. Maman était arrivée quelques minutes après papa.
Nous avons parlé longuement de ce qui s’était passé, ils
voulaient savoir tous les détails. Ils m’ont félicitée et ont répété
plusieurs fois qu’ils étaient très fiers de moi. Mais plutôt que de
me sentir bien, je suis frustrée. Un sentiment d’impuissance que
je n’arrive pas à analyser grandit en moi. Je dois dormir, demain
tout sera plus clair, mais mes pensées se bousculent dans ma
tête, passent par mon cœur et me font mal au ventre. Je me
concentre sur les choses positives, comme mes parents, nous
sommes une famille extrêmement unie... Mais ça ne sert à rien.
Je ne trouve pas le calme. J’allume mon laptop et commence à
faire des recherches sur le net. Les mots-clés en sont
« autisme », « épilepsie », « traitement », etc. Il est cinq heures
vingt du matin, d’un petit coup sec, je referme l’ordinateur et
débranche le Wi-Fi. Pas d’ondes dans les chambres à coucher,
ce sont les ordres de ma mère. Je pose l’appareil sous mon lit.
Je dors d’un sommeil sans rêves. Quand je me réveille je ne
suis plus frustrée. Je sens comme une force qui grandit en moi,
un chemin à suivre, un but à réaliser. J’ai passé plusieurs heures
à faire des recherches sur la maladie de mon frère. Je suis
choquée de ce que j’ai lu.
43
En Suisse, le nombre d’enfants atteints d’autisme ou de
troubles envahissants du développement n’est pas connu de
manière exacte. Toutefois, depuis une décennie, on assiste à une
augmentation constante des diagnostics - plus de dix pour-cents
chaque année -, et on estime aujourd’hui que cette maladie
toucherait environ un enfant sur cent. Aux USA, un sur quatre-
vingt-huit.
Il n’y a pas encore de traitement pour guérir l’autisme. Or
dans le monde de la recherche et des entreprises
pharmaceutiques, une course à la montre a commencé il y a
longtemps. C’est triste, mais comme il y a tellement de cas dans
le monde entier, il y a aussi beaucoup d’argent à gagner.
Et si papa avait raison ? Je suis peut-être un petit haricot
blanc, car quelque chose a commencé à germer en moi. Je veux
mieux connaître cette maladie pour mieux la combattre. Je ne
sais pas si je deviendrai neurologue ou si je travaillerai dans la
recherche. Mais je sais que l’élucidation de l’autisme sera ma
voie.
* Ce texte est le seul de la présente collection qui ne soit pas un
pastiche, il a été entrepris en parallèle aux pastiches en vue
d'un concours littéraire dont l'issue sera connue en août 2015
** On dit aussi un « egoportrait », voir : Larousse 2015
44
45
SOMMAIRE
9 pastiches :
1 Tobi : La peste 2.0 1
2 Adrian : L'étranger 5
3 Hannes : La rentrée de Patrick 8
4 Noé : Au revoir les enfants 11
5 Hanna : Antéchrista 14
6 Aïsha : Un jour fantastique 18
7 Gilles : Architecture. Le bio c'est l'avenir 22
8 Cyber-espionnage 26
9 Yann : Station spatiale 29
Supplément :
Zoe, Les yeux couleur ruisseau 34
46
47
Les Yods vous servent des pastiches
– Enivrante lecture !
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  • 3. LA PESTE 2.0 par Tobi Le matin du 16 avril, le docteur Bernard Rieux est sorti de son cabinet et a buté sur un rat mort, au milieu du palier. Sur le moment, il a écarté la bête sans y prendre garde et est descendu l’escalier.* Pour lui cela ne prenait pas une grande importance. Mais, en fait, ce rat représentait le début de quelque chose de terrible qui allait changer la vie d’une ville entière. Comme d’habitude il a commencé sa tournée par les quartiers extérieurs où vivaient les plus pauvres de ses clients. On trouvait là excréments, urine, déchets et puanteurs repoussantes. En bref, il s’agissait d’un endroit où on ne voudrait pas vivre. Son premier patient s’appelait Jean-Baptiste Terrier et travaillait comme pêcheur. Rieux l’a trouvé dans une chambre claire, mais meublée pauvrement. La femme du malade l’a informé que son mari avait la fièvre depuis plusieurs semaines. Il avait commencé à avoir une température élevée. Après, l’étourdissement l’avait frappé, et maintenant il ne pouvait bouger aucun de ses membres et dormait la plupart du temps. Le docteur observait son pêcheur. Le souffle du malade était fort, il respirait avec beaucoup de peine. En plus, ses yeux étaient congestionnés. Avec son stéthoscope, Rieux l’a ausculté. « Il faudrait une radiographie », s’est exclamé Rieux, « pour savoir s’il va bientôt mourir d’asphyxie, ou non... ». Le lendemain, il écrivait un rapport médical à l’attention de l’hôpital. En même temps, beaucoup de gens appelaient le service de dératisation qui était déjà surchargé. Il y avait plusieurs appels pour des rats qui se trouvaient dans les caves, 1
  • 4. les appartements. Pendant la nuit, on entendait les petits cris des rats qui mouraient. Le lendemain, l’agence Ransdoc a lancé un communiqué sur les six milles rats qui avaient été brûlés par le service de dératisation. En effet, c’était un nombre très inquiétant, mais ce message ne dérangeait pas les citoyens. Pour eux il s’agissait d’une bagatelle et ils continuaient leur vie comme avant. Le matin et l’après-midi on travaillait. Le soir, après avoir quitté les bureaux, on vaquait à ses loisirs. Rieux en revanche s’occupait de ses patients qui présentaient des symptômes troublants. Quelques jours après sa visite, Jean-Baptiste Terrier était mort, même s’il avait montré d’abord des signes de convalescence. Sa température avait baissé, mais ensuite elle était montée à une hauteur fatale et il avait commencé à vomir. Pour Rieux, ce mort représentait un mystère bizarre et troublant. Dans la ville d’Oran, les malades décédaient en grand nombre de symptômes ressemblant à ceux de M. Terrier. À l’hôpital se trouvaient des hommes prostrés, aux yeux rouges, souffrant de maux de tête et couverts de bubons. Ces cas affolants donnaient du souci aux nombreux médecins qui travaillaient à l’hôpital. Tous les médecins d’Oran ont alors décidé de se réunir. Le médecin en chef a ouvert la séance : « Mes chers confrères, comme vous le savez déjà, il y a un mal effrayant qui s’engouffre dans les rues de notre ville et les décime. Il s’agit d’une épidémie qui n’a pas de nom et provoque la mort de beaucoup d’hommes. Ce nombre est déjà immense et nous ne pouvons pas risquer que ce nombre augmente. – Quoi que ce soit, il faut attendre les analyses. Nous ne savons pas contre quoi nous nous battons, a dit l’un des médecins. – Au contraire, chers confrères, je sais, moi, de quoi il s’agit. En effet, c’est à la 2
  • 5. peste que nous devons maintenant faire face. Il y a 10 ans, j’ai été confronté à cette maladie, en Chine !, a répliqué Castel aux médecins. – Alors, que proposez-vous de faire ? », a demandé le médecin en chef. Avant que Castel n'ait répondu à cette question, Rieux déclarait avec un visage désespéré : « A cause de notre ignorance, il faut fermer les portes de la ville. » D’abord, l’annonce de la quarantaine a frappé durement les citoyens, mais avec le temps, ils se sont adaptés à la nouvelle situation. Seuls ceux qui étaient séparés par la nouvelle barrière ont protesté contre cela. Les journées s’allongeaient, devenaient monotones. De plus en plus, les boutiquiers abandonnaient leurs affaires, car ils dépendaient du commerce maritime qui était maintenant aussi interdit. Cela a naturellement affecté les marins d’Oran parce qu’ils n’étaient plus en mesure de continuer leur travail. Cette interdiction n’a pas arrêté que le commerce, mais aussi la vie quotidienne. Beaucoup de gens sont devenus chômeurs. Ils passaient la plupart du temps au café. Le matin au café. L’après-midi au café. La soirée au café. À trois du matin, on pouvait entendre leurs voix d’ivrognes mais également leurs cris de désespoir. Le lendemain du début de la quarantaine, le gouvernement a décidé de rationner la nourriture à cause du blocus. Chaque citoyen recevait des tickets de repas. Malheureusement, ce n’était point suffisant. Les gens ont commencé à se plaindre des billets et du manque de nourriture. « Et les boulangers ? Est-ce qu’ils ont besoin de ces billets ? Ils peuvent simplement stocker une partie de leur pain. Leurs familles sont bien nourries, tandis que nous crevons comme les rats qui nous ont apporté ce mal !» Les habitants s’énervaient, leur mécontentement grandissait lentement. Il y avait de plus en plus de gens saouls, au chômage ou endettés, etc. Les manifestations grossissaient, elles aussi. 3
  • 6. Chaque jour une grande partie de la population se rencontrait sur la place d’Armes. On protestait devant le gouvernement algérien contre le rationnement et l’insuffisance des vaccins contre la peste. Le nombre de morts croissait, en conséquence de tous les petits et grands manques. Ce nombre ne plaisait pas aux gens et cela les a poussés à agir de façon terrible. Le 26 août a représenté et représentera un nouveau chapitre dans l’histoire de cette ville. Tout a commencé par l’attaque de la mairie. D’abord la population est entrée dans le bâtiment et a massacré tous ceux qui se trouvaient par hasard dans le hall d’entrée. Quand ils sont arrivés au bureau du maire d’Oran, ils l’ont tué. En même temps, dehors, l’armée est intervenue contre la foule furieuse. Elle a commencé à l’attaquer avec des fusils et des tanks. Beaucoup de gens y ont laissé la vie, ce jour-là. Les citoyens qui se battaient contre l’armée allaient être vaincus quand un nouveau renfort de citoyens est arrivé. En utilisant tout ce qui leur tombait sous la main, ils ont donné la charge. On voyait des soldats embrochés, pendus, fusillés. En l’espace de quelques minutes la place d’Armes et tout Oran se sont réduites à un carnage. Çà et là on entendait des cris de guerre ou d’agonie. Partout il y avait des cadavres humains, partout des cadavres de rats, partout des maisons brûlées. Une ville sans plus aucuns habitants. Une ville morte. Les corps étalés des soldats ou des gens du peuple se tenaient dans des positions grotesques. Leur physionomie trahissait l'instant de leur mort. Quelquefois c’était la surprise, le plus souvent la rage, exceptionnellement : un sourire. *D’après La Peste d'Albert Camus 4
  • 7. L'ÉTRANGER par Adrian Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile: « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.* Il fait très chaud et je suis arrivé à Marengo où maman habitait et où l’enterrement aura lieu. Les prochains jours, je vivrai dans l’appartement de maman. Je n’avais plus été là depuis la mort de mon père, il y a cinq ans. D’abord, j’ai cherché quelque chose à boire dans le réfrigérateur et j’y ai trouvé une bière. Je ne savais pas que maman buvait de l’alcool. J’ai retrouvé la meilleure amie de maman. C’est elle qui a découvert maman avant-hier dans son appartement. Maman lui avait donné une clé de son appartement pour les cas d’urgence. Je suis le seul enfant de mes parents, et donc le seul à devoir ranger et vendre l’appartement au plus vite. L’enterrement aura lieu cet après-midi. Ensuite, je boirai quelque chose avec les amis de maman bien que je ne les connaisse pas. Puis je rentrerai et je mettrai de l'ordre dans le bric-à-brac de l’appartement. Il y a environ une trentaine de personnes. Certains sont venus parce qu’ils sont des copains de maman et certains ne sont là que parce qu’il y aura un apéro après l’enterrement. Je ne connais que la meilleure amie de maman, que j’ai déjà vue ce matin. Je n’ai jamais vu les autres personnes. Après la messe, nous sommes allés au cimetière. Il faisait très chaud, la chaleur était insupportable. Heureusement, il y avait des arbres. Tout le monde s’est planté dans leur ombre. 5
  • 8. Le lendemain, j’ai commencé à ranger l’appartement de maman. Dans les armoires du salon, il y avait des assiettes, des couverts, des nappes et aussi des bougies. J’ai tout placé dans des caisses pour le vendre à un vide-grenier. Au fond, j’ai trouvé une petite boîte en métal. J’ai regardé à l’intérieur parce que j’espérais qu’il y aurait de l’argent. Mais,malheureusement, il n’y avait que des petites pierres. J’ai d’abord voulu jeter ces pierres à la poubelle, or au dernier moment elles m’ont plu. J’ai hésité et je les ai mises de côté. Le soir, j’ai mieux regardé les pierres. J’ai pensé qu’elles étaient très belles et qu’elles étaient peut-être de prix. Je suis allé chez le bijoutier. Comme il était occupé, j’ai attendu un peu. Pendant ce temps, j’ai pensé à ce que je ferais si les pierres valaient beaucoup. Après cinq minutes il est venu et a étudié les pierres. Il les a admirées longtemps. Je lui ai demandé ce qu’il en pensait. Il m’a dit que les pierres étaient très rares et que chacune d’elles valait au moins 10’000 dollars. J’en avais une quarantaine. Il m’a demandé d’où je les avais eues. J’ai dit que je les avais trouvées dans l’appartement de ma mère. Puis je suis parti. Je suis allé dans un restaurant. J’ai bien et beaucoup mangé, sûr de ma nouvelle richesse. Je suis rentré et, devant la porte, il y avait le bijoutier. Il m’a dit qu’il voulait acheter mes diamants pour 500’000 dollars. S’il voulait les acheter pour ce prix, ai-je répondu, c’était qu’elles valaient plus que 10’000 dollars la pièce. Il n'a rien dit d'autre qu'un « non » énergique. Je lui ai souhaité une bonne soirée. Une fois rentré, j’ai mis les diamants sous l’oreiller pour être sûr qu’ils soient protégés. Le lendemain j’ai reçu une lettre du bijoutier. Il m’offrait un million de dollars. Je lui ai téléphoné et je lui ai dit que j’étais d’accord. On a convenu qu’on se retrouverait à sept heures à la 6
  • 9. plage. Ce jour-là, il faisait très chaud, c’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman. À six heures, j’ai pris les pierres. Avant de partir, j’ai mis mon revolver dans ma poche pour protéger les diamants. Je ne voulais pas que quelqu’un me les vole avant que je ne les aie vendus. Je suis arrivé à la plage sans encombre. Le bijoutier était déjà là et je lui ai demandé s’il avait l’argent. Il a tiré un couteau de sa poche et il m’a répondu qu’il n’en avait pas besoin. Il m’a dit qu’il allait me tuer et qu’il n’y aurait personne qui remarquerait mon absence. Il s’est approché lentement de moi avec le couteau, menaçant. Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j’ai touché le ventre poli de la crosse, dans le bruit à la fois sec et assourdissant. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.* *Passages tirés de L'Étranger d'Albert Camus. 7
  • 10. LA RENTRÉE DE PATRICK par Hannes Claire avait répondu : « Caissière », ne trahissant pas ses pensées : « Ça n’est plus mon métier, j’en ai marre de cette Migrolino. Je veux étudier, mais d’abord je dois gagner de l’argent. Donc, je changerai bientôt de métier. Toujours la même chose, les touches de cette caisse me rendent folle ! Mais je suis dépendante de ce travail, ici, parce que mes parents sont pauvres et qu’ils n’ont pas assez d’argent pour me financer les études... » Laura lui avait encore demandé ce qu’elle voulait étudier à l’université et Claire avait dit : « Je veux devenir professeur de sport, mais la musique m’intéresse aussi beaucoup. Je pourrais faire des concerts et je deviendrais célèbre. Ça me rendrait très heureuse. – Une bonne idée !, avait répondu Laura, et changeant de sujet : – Viens-tu aussi ce soir ? – Où ? – Chez Patrick, il était avec nous au lycée à Lausanne, et après deux ans il avait quitté le lycée pour faire un échange aux États-Unis. Il nous a invités pour sa fête de retour, c’est ce soir.... Est-ce que tu n’as pas vu son mail ? – Non, je ne l’ai pas vu... quelle bêtise, pourquoi je ne regarde jamais mes mails... ? » Laura, un peu énervée, lui avait demandé une dernière fois si elle viendrait ce soir-là. Claire avait répondu qu’elle viendrait certainement, ce qui était presque un « oui ». Elles avaient finalement convenu d’aller ensemble chez Patrick. « À huit heures, devant la boulangerie ? – Oui, pour moi c'est bon, à bientôt ! » Quelques heures plus tard, Claire était un peu en avance et elle a attendu Laura devant la boulangerie. Elle a attendu longtemps mais personne n’est arrivé. Après une heure d’attente 8
  • 11. devant la boulangerie, Claire est partie chez Patrick. Elle a entendu le bruit de loin. Le genre préféré de Patrick est le rock, c’est pourquoi elle lui avait acheté le nouveau CD de Black Sabbat, intitulé « 13th », pour célébrer son retour des Etats- Unis. Pendant qu’elle marchait, Claire a essayé de téléphoner à Laura, cependant elle restait sans réponse... Pourtant, elle avait encore l’espoir que Laura soit déjà à la fête. Tout de suite après la rencontre avec Patrick, elle lui a demandé si Laura était arrivée, mais il a dit, nerveux, qu’il n’en avait aucune idée. Lentement mais sûrement, la peur rongeait Claire, quelque chose n’était pas normal. Laura est toujours à l’heure et elle est très sérieuse, pensait Claire, qui a attendu encore et s’est alors décidée à aller la chercher. Il faisait nuit, c’était la pleine lune et le ciel était très clair. Quand Claire est arrivée à l’appartement, il y avait encore de la lumière dans la chambre de Laura. Claire a sonné à la porte, mais personne ne lui a ouvert. Elle s’est dit à soi-même qu’elle avait perdu toute sa patience. Après cela, elle a pris la clé qui se trouvait sous le tapis devant la porte et elle est tranquillement entrée dans l’appartement. Aucune trace de Laura. Le vestibule était ravagé et, sur le sol, il y avait des traces de chaussures d’homme. Claire les a suivies vers la cuisine et ce qu’elle a trouvé là était terrible... La main d’une personne était au milieu de la cuisine. Il y avait beaucoup de sang sur le sol. Claire avait peur. Elle suffoquait, manquait de tomber. Après avoir repris son souffle, elle a vu des flacons sur le rebord de fenêtre. Les pires pensées lui couraient dans la tête. Soudain elle s’est souvenue de quelque chose. Dans la maison de Patrick il y avait des traces pareilles à celles qu’elle avait découvertes dans l’entrée de Laura. Sous le 9
  • 12. choc elle n’avait pas remarqué la ressemblance. Elle est donc rentrée chez Patrick et là, elle devait bientôt faire une cruelle découverte. A peine revenue dans la fête, elle a demandé à Patrick : « Où est-ce que tu as caché Laura? ». Il a répondu qu’il n’en avait aucune idée. « Je suis folle de rage, putain! », a-t-elle braillé, et pendant qu’elle commençait à pleurer, elle l’a tellement frappé qu’il est tombé dans les pommes. Claire a ensuite suivi les traces jusqu’au sous-sol et elle était certaine de trouver Laura. Tout à coup, il n’y avait plus aucune trace au sol et la porte devant elle était fermée. De toute sa force, elle a poussé la porte. Elle a dû essayer plusieurs fois jusqu’à ce que la porte s’ouvre*. Aussitôt que la porte a été ouverte, Claire a reconnu l’odeur, la même odeur que dans la cuisine. Or il n’y avait pas qu’une main dans cette salle...., mais un corps, le corps éparpillé de Laura, la tête dans le coin à gauche, une jambe à droite, l’autre à... A ce moment, une personne est descendue les escaliers et a poussé un cri : – Claire, qu’est-ce que tu fais à la cave? Claire restait coite. « Ouvre les yeux quand je te parle! », a insisté la voix énervée. Soudain Claire a ouvert ses yeux et a réalisé qu’elle avait rêvé, un rêve terrible! « Je suis somnambule, maman? – Ouais!, ça se pourrait, mais file au lit, et illico presto ! » *Il faudrait ici, au nom de la concordance des temps, un subjonctif imparfait : « qu'il sût ». 10
  • 13. AU REVOIR LES ENFANTS* par Noé Un soldat pousse brutalement le Père Jean dans la rue. Bonnet, bousculé, se retourne un instant dans l’encadrure de la porte. Julien le salue, Bonnet disparaît. UN SOLDAT ALLEMAND : Schnell, schnell, wir haben keine Zeit. Bonnet et le Père Jean entrent dans la voiture qui démarre. Silence. Le Père Jean et Bonnet regardent dans le vide, chacun avec ses pensées. Le soldat allemand à leur côté regarde lui- aussi dans le vide. Longtemps. LE SOLDAT ALLEMAND : Was ist denn los? LE CHAUFFEUR : Die Strasse ist gesperrt, wir können nicht weiter! (La rue est occupée, nous ne pouvons plus avancer !) Soudain on a entendu des coups de feu. Plusieurs coups détruisent le pare-brise et les pneus. La voiture fait une embardée et s'arrête Le chauffeur s’aplatit contre le volant et il perd connaissance. Le Père Jean réagit tout de suite et arrache l’arme au soldat allemand. Il le frappe à la tête. Le Père Jean demande à Bonnet s’il va bien, qui lui répond que oui. Un homme ouvre la porte. Une femme à côté de lui. Les deux portent une arme. L’HOMME : Je m’appelle Hogan et elle s’appelle Lucie, nous sommes de la résistance. Venez vite, il nous reste peu de temps. Montez dans la voiture garée de l’autre côté du barrage. Les deux descendent et obéissent sans hésitation. Lucie et Hogan sortent les soldats de la voiture et ils les mettent dans 11
  • 14. leur propre camionnette. Hogan les attache et Lucie met le feu à la voiture allemande. Après cela, elle court vers le barrage et l’escalade. Ensuite, elle monte dans leur voiture. Hogan démarre et ils s’éloignent à toute vitesse. Un quart d’heure plus tard ils arrivent à l’internat. Hogan et la femme entrent pour aller chercher Julien, l’infirmière et les autres. Quelques instants auparavant Moreau a juste le temps de se cacher dans un placard. La porte s’ouvre, un Feldgendarme entre, avance dans la pièce. Négus remonte la couverture jusqu’à son nez. L’infirmière prend la compresse et la met sur le front de Négus. LE FELDGENDARME : Vous faites quoi, là ? L’INFIRMIÈRE : Il a une fièvre de cheval, donc je lui ai fait une compresse, en outre il a besoin de silence. Elle lui prend la température. LE FELDGENDARME (retroussant son nef, reniflant) : Il y a un Juif ici, je le sais. A ce moment-là, Julien fait un pas en avant. JULIEN : On n’a vu personne, sauf eux. L’infirmière reprend le thermomètre, elle lit à mi-voix. L’INFIRMIÈRE : 38.5 degrés. Grâce à Dieu la fièvre a baissé, mais il a vraiment besoin de silence. S’il vous plaît, quittez la chambre ! Après une hésitation, le Feldgendarme quitte la chambre. Ensuite Moreau quitte le placard et embrasse l’infirmière en la remerciant en larmes. 12
  • 15. L’INFIRMIÈRE : C’est tout bon, c’est tout bon. Mais qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? Mets-toi donc dans un lit et si quelqu’un revient, on verra ce qu’on fait. Le temps passe très lentement. Ils parlent un peu ensemble, mais, surtout, ils sont perdus dans leurs pensées. Une heure plus tard, la porte s’ouvre et un homme et une femme entrent. * * * Deux heures plus tard ils entrent tous, le Père Jean, Bonnet, Julien, Moreau, Négus et l’infirmière dans l’aéroport de la résistance. Une heure et demie plus tard, leur avion arrive en Angleterre. *D'après le scénario éponyme de Louis Malle. 13
  • 16. ANTECHRISTA* par Hanna Aussitôt que je l’ai vue, j’ai voulu la connaître. Mais aller vers elle, je n’en étais pas capable. J’attendais toujours que les autres m’abordent: or personne ne venait jamais. C’était ça, l’orphelinat: chacun ou chacune qui arrive est tout de suite le nouveau copain ou la nouvelle copine de tous. Malheureusement, c’était différent pour moi. Personne ne m’avait aimée, ni quand j’étais arrivée, ni ensuite. Jusqu’à ce qu’elle arrive. La nouvelle devait partager une chambre avec moi. J’ai pensé qu’elle voudrait changer, mais non. Après un bref échange avec tous les autres, elle est venue dans ma chambre. J’ai cru qu’elle sortirait directement après avoir mis ses choses en ordre. Mais non. Elle s’est assise sur son nouveau lit et m’a dit. « Je m’appelle Blanche. Et toi? » Je lui ai répondu : « Christa ». Aussitôt, j’ai senti comme je rougissais jusqu’à la racine des cheveux. Je détestais ma gêne. – Ça va bien? Tu as l’air plus timide que les autres. – Oui merci. Je sais, mais je ne peux rien y changer. Les autres ne semblent pas m’aimer trop, alors je ne me sens pas si sûre de partager une chambre avec toi. Mais je ne veux pas être méchante, c’est juste pour dire pourquoi je suis timide et pour t’avertir. Désolée, si ça sonne trop bizarre. – Non, c’est chou. Mais n’aie aucun doute, je te trouve sympathique. – Hm, merci, on verra. Elle avait l’air plus âgée que moi. Mais en fait elle était du même âge. Après qu’elle avait parlé avec moi, elle est allée en 14
  • 17. bas pour faire connaissance avec les autres. Quand je suis, moi aussi, descendue pour manger, elle connaissait déjà tout le monde. Et tout le monde l’aimait. Même la fille la plus âgée, qui pensait qu’elle était meilleure que toutes les autres, qu’elle pourrait tout faire, et tout ça seulement parce qu’elle était plus vieille que nous, les autres pensionnaires. Quoiqu'elle ait déjà fait la connaissance de tout le monde, Blanche a voulu s’asseoir à côté de moi pour manger. J’étais choquée. C’était la première fois que quelqu’un voulait être près de moi. Elle m’a même souri devant tout le monde. Je pensais que, peut-être, elle serait la première personne qui m’aimerait. Même mes parents ne m’aimaient pas. D’abord, c’est mon père qui nous a quittés quand j’avais moins qu’un an. Trois ans plus tard, ma mère m’a abandonnée. Elle m’a mise devant la porte de l’orphelinat, puis elle est partie. Depuis lors, je ne l’ai plus jamais vue. Le soir, quand nous étions dans notre chambre, elle a commencé à se changer. Elle a pensé que je le ferais aussi. Mais je n’ai pas voulu, devant elle. Elle était beaucoup plus belle que moi, elle avait des formes qui m’impressionnaient. Je suis allée aux toilettes pour me changer. Quand je suis revenue, elle dormait déjà. Chaque jour, pendant une semaine, ça a été plus ou moins comme ça. Pendant le jour, elle faisait des choses avec tout le monde, sauf moi. Je restais dans ma chambre et je lisais. Mais à chaque repas, elle s’asseyait à côté de moi. Une semaine après son arrivée à l’orphelinat, l’école a recommencé. Sur le chemin de l’école elle marchait avec moi. Quand nous sommes arrivées à l’école, elle m’a demandé si je pourrais lui montrer où se trouve sa salle de classe. Après que nous l’avons trouvée, je suis allée à ma leçon. Je ne l’ai pas vue pour le reste du jour. À cinq heures du soir, j’ai été surprise quand j’ai vu qu’elle m’attendait devant l’école. Nous sommes 15
  • 18. rentrées ensemble. Elle m’a aidé à comprendre la physique et nous avons parlé de la journée. Elle s’était fait encore plus d’amis. Et tous les profs l’avaient trouvée sympathique. Après le dîner, elle est restée en bas avec les autres. Pendant ce temps, je me suis déjà changée pour ne pas devoir le faire quand elle serait là, parce que, malgré son apparente bienveillance, je ne voulais pas qu’elle voie mon corps. Les semaines suivantes se sont déroulée de façon semblable. Le jour de mon seizième anniversaire, elle m’a donné un cadeau. Jamais je n'avais imaginé que quelqu’un de l’orphelinat m’offrirait quelque chose. Je n’ai d’ailleurs jamais attendu que quelqu’un me donnât quoi que ce soit. Je pensais que tout serait comme chaque année. Dans le paquet, il y avait une robe. J’ai dit merci et j’ai voulu sortir pour me préparer pour l’école. Mais elle m’a retenue, et m’a demandé de la mettre. J’ai essayé de trouver une excuse parce que je n’aime pas les robes et que je ne voulais pas qu’elle me voie presque toute nue. À la fin, elle m’a persuadée. Quand je me suis déshabillée, elle m’a dit que j’avais une jolie silhouette et m’a demandé pourquoi je la cachais tout le temps. J’ai voulu enlever la robe, mais elle m’a dit de la garder pour aller à l’école où elle voulait me présenter à ses copains. Elle a aussi voulu me maquiller, juste pour voir quel air ça me donnerait. Jusque là, j’avais pensé que jamais personne ne me remarquerait, et que donc je pouvais porter des choses qui ne me plaisaient pas. J'avais la chance de pouvoir me négliger. Mais je l’ai laissée faire. Elle n’a pas voulu me dire son opinion, elle voulait que je voie la réaction des autres à l’école. Je n’avais aucune envie de cela, mais je l’ai fait pour lui plaire. J’ai eu peur de perdre ma seule amie dans ce monde, si je ne le faisais pas. 16
  • 19. À l’école, quelque chose avait changé. Des gens me regardaient. Les garçons aussi. Il y avait même quelques personnes qui me saluaient. C’était vraiment différent, c’était beau. Je commençais à aimer ma robe et le maquillage. A la pause, Christa est venue me chercher. Elle voulait faire ce qu’elle m’avait dit quelques heures plus tôt, me présenter à ses copains. J’étais vraiment nerveuse. Pourquoi ? Je ne sais pas. J’étais simplement sûre que personne ne voulait parler avec moi. Mais je me trompais. Des gens m’ont abordée et m’ont parlé. Le soir dans notre chambre, j’ai remercié Blanche pour m’avoir démontré que je pouvais être aimée. *Inspiré du roman éponyme d'Amélie Nothomb. 17
  • 20. UN JOUR FANTASTIQUE par Aïsha Mon champ de vison a semblé se réduire à un minuscule point noir, puis celui-ci a disparu, me laissant non pas dans l’obscurité totale, mais dans un vide d’une luminosité éclatante. Je me suis sentie tournoyer à toute allure, ou retournée comme un gant de l’intérieur vers l’extérieur. Les mots me manquent pour décrire cette sensation de déchirement total, cette impression d’être projetée violemment contre quelque chose qui n’existait pas.* Je n’ai pas vraiment perdu connaissance, mais pendant un certain temps je n’avais certainement plus en conscience de moi-même. Je me suis réveillée trébuchant dans l’herbe. J’avais la tête qui tournait et envie de vomir. Pour reprendre mes esprits je me suis assise sur un vieux tronc tombé dans l’herbe. À quelque distance je percevais des aboiements de chiens et des voix d’enfants. C'est avec un sentiment mitigé j’ai suivi ces petits bruits qui semblaient plutôt pacifiques. Le soleil était en train de se coucher et peignait des rayures rouges et oranges sur le ciel. La température a baissé et, ne portant qu’une robe légère et des ballerines, j’avais les pieds gelés après seulement quelques minutes. En regardant les paysages je me demandais pourquoi les gens n’avaient pas allumé les lumières dans les maisons. La deuxième chose qui me semblait bizarre, c’était que je ne voyais qu’un seul village dans ces paysages où il s’en trouvait normalement trois. Après quelques minutes de marche de plus, j’ai distingué la source du bruit que j’avais suivi. En voyant un groupe d’enfants 18
  • 21. avec plusieurs animaux, je me suis tout de suite cachée derrière un buisson, mais une petite fille mince avec des yeux de couleurs différentes m’avait déjà vue. Elle a couru vers moi, suivie par un grand chien aux poils blancs. Je me suis levée et la fille au chien, qui faisait peut-être deux fois sa taille, m’a saluée. J’ai essayé de lui sourire mais j’étais complètement embrouillée par toute la situation. « Comment tu t’appelles, toi ? », m’a demandé la petite. « Claire » ai-je répondu. Elle s’apprêtait à me dire son nom en me regardant avec un œil bleu et un œil marron, quand le chien m’a sauté dessus et m’a déchiré ma robe. « Arrête Milo ! », a-t-elle crié, et elle a essayé de tirer le grand chien en arrière. Ayant réussi à mettre à distance son accompagnateur, la fille a mis la main dans ses cheveux roux et m’a regardé d’une manière responsable. Elle s’est excusée plusieurs fois pour son chien et la déchirure à ma belle robe d’été, et finalement elle m’a dit son nom. Elle s’appelait Estelle. Les autres enfants, leurs animaux et même le grand Milo, avaient tous disparu au moment où notre discussion se terminait, et nous avons voulu les rejoindre. Estelle m’a d’ailleurs dit de venir avec elle pour qu’on puisse me trouver une nouvelle robe. Encore une fois j’ai scruté le paysage vallonné autour de moi mais de nouveau je n’ai aperçu qu’un seul village à peine éclairé. Les silhouettes des maisons semblaient être couvertes d’un voile de lueurs orange, à la manière dont les bougies d’un arbre de noël éclairent les visages à enfants qui sont assis autour, admirant les cadeaux. Je n’ai pas osé demander Estelle où les autres villages avaient disparus. Pourtant je lui ai demandé où nous étions en train d’aller. Elle m’expliquait qu’on passerait la nuit chez sa grand- maman qui nous cuisinerait un petit souper. J’ai hoché la tête et 19
  • 22. elle a commencé à me fixer. « D’où viens-tu ? Je ne t’ai jamais vue avant. Tu n’es pas de la région, n’est-ce pas ? », m’a demandé la petite fille en jouant avec une mèche rousse bouclée qui s’était détachée de sa tresse. Je cherchais intensément une réponse convenable que j’aurais pu lui donner sans avoir l’air stupide. J’ai décidé de lui raconter que je venais d’un village de l’autre côté de la mer et que je voyageais à cheval, mais que des bandits m’avaient menacée dans les bois quelques jours auparavant. J’étais venue ici parce que je voulais aller dans le nord de ce pays pour y rendre visite à des amis de mes parents, qui étaient morts à cause d’une maladie le mois précédent. Or je n’avais plus que quelques sous, un petit livre et mes habits légers, et je ne connaissais personne dans cette région. En marchant vers le village j’étais même un peu fière de mon mensonge. La petite a semblé croire chaque mot de mon histoire inventée en deux minutes et alors que j’avais la tête complètement troublée. À peu près quinze minutes plus tard, on est arrivées dans le village où deux garçons nous attendaient devant une vieille maison en bois qui avait l’air un peu abandonnée, mais que j’ai adoré tout de suite. Les garçons me regardaient curieusement et le plus grand, qui avait des cheveux courts et marron, m’a souri. Commençant tout de suite à questionner Estelle dans une langue étrange que je ne comprenais pas, le deuxième me semblait un peu méfiant. Estelle m’a présenté ses deux frères avant de leur raconter mon histoire et d’expliquer pourquoi mes habits étaient si mal-en- point. De ces deux frères, celui qui était plus petit était plus âgé que le plus grand, qui était apparemment plus gentil que l’autre. Nous sommes entrés dans la maison où se passait encore une fois la même chose : des regards méfiants, beaucoup de questions et une langue bizarre que je n’avais jamais entendue 20
  • 23. avant ce jour-là. Une partie me regardait avec la même méfiance que les frères d’Estelle, tandis que l’autre partie de la famille était très gentille. Après le souper, Estelle m’a montré une petite chambre avec un lit et une bougie. J’étais tellement fatiguée que je me suis rapidement endormie une fois couchée sur le lit. Le lendemain je me suis réveillée avec des douleurs horribles. Ma tête faisait si mal que j’ai eu peine à ouvrir mes yeux. Je me suis assise au bord du lit avant de me lever afin que je ne tombe pas tout de suite. Tout à coup, les souvenirs de la journée précédente sont revenus dans ma tête toujours complètement troublée. Les premières choses dont je me souvenais étaient le champ, le grand chien blanc et la fille qui m’avait trouvée. Les souvenirs perturbants revenaient dans ma tête l’un après l’autre. Même si j'étais assez certaine que toutes ces choses bizarres s’étaient vraiment passées, je ne comprenais plus rien, vu que je me trouvais dans mon propre lit dans mon appartement et portant des habits qui n’étaient pas du tout déchirés. Je me suis levée et j’ai essayé de commencer la journée comme d’habitude. J’espérais que tout cela n’avait été qu’un rêve. *Repris du livre que je lis (à vous de deviner lequel !), je n'ai changé à ce paragraphe qu'un temps verbal : j'ai remplacé le passé simple par le passé composé. 21
  • 24. Architecture LE BIO C’EST L’AVENIR, OR L’AVENIR EST-IL TROP CHER ?* Par Gilles L’architecte Vincent Callebaut ne cesse d’esquisser des projets architecturaux aux titres évoquant la biologie : « Bio Arch », « Bionic Arch », « Physalia » et « Lilypad ». On vous présente ici quelques-uns de ses – pour l’heure – trop chers projets L’architecte belge Vincent Callebaut, né en 1977, développe des projets futuristes qui sont révolutionnaires et idéologiques, mais techniquement réalisables. Il essaye de tirer le meilleur de la biologie, de la physique, de la nanotechnologie, des mathématiques et en même temps de l’écologie. La grande différence, si on le compare avec les autres architectes de classe mondiale, est que ses projets sont écologiques. Lui n’aime pas travailler contre la nature, bien au contraire, il essaye de travailler avec elle et à son avantage. Il base son espoir sur les pays émergents surtout, c a r l’Europe, d’après lui, est trop coincée dans ses « tissus urbain sclérosés ». « Lilypad », l’île supérieure Le projet Lilypad est, d’après Callebaut, « une réaction au développement de l’urbanisme le long des littoraux et une solution plus durable que les polders éphémères. » L’idée est en gros de construire une île artificielle qui pourrait accueillir 50’000 habitants et, en même temps, constituer une cité autosuffisante. « Pourquoi ne pas être en accord avec 22
  • 25. l’océan plutôt que toujours contre lui?», c’est la grande question à laquelle son projet écologique entend répondre. Callebaut remarque aussi que, d’après les scientifiques, le niveau des mers montera toujours plus et que, par exemple, de grandes parties des Pays-Bas et du Bangladesh risquent d’être engloutis. Son île pourrait tantôt rester immobile, tantôt elle pourrait aussi se déplacer avec les courants de mer. Elle aura trois « montagnes »: une pour le commerce, une pour les loisirs et, bien sûr, une pour le travail. Vincent Callebaut ne laisse rien au hasard : les appartements ont des balcons avec des réservoirs collecteurs d’eau de pluie. De là, l’eau s’écoule dans le lagon central de l’île. La chose la plus sensationnelle est que Callebaut a intégré toutes les énergies renouvelables existante : des éoliennes (dont les turbines transforment l’énergie du vent en électricité), des hydroliennes (dont les turbines hydrauliques utilisent l’énergie des courants marins ou fluviaux) et, surtout, des panneaux solaires photovoltaïques. Callebaut a développé une île qui est totalement autonome et qui, grâce à l’aquaculture et à la végétalisation des toits, est autosuffisante en nourriture, pourvu qu’on aime les algues et le poisson. L’architecte pense qu’on pourrait même agrandir les territoires nationaux de pays comme Monaco. En résumé, l’île flottante et écologique est donc une merveilleuse idée. Mais elle a un hic: les coûts pour sa construction sont si énormes qu’elle reste pour l’heure pure et séduisante visualisation d’un futur enviable. «Bionic Arch », la tour antipollution Ce projet est développé pour le centième anniversaire de Taiwan. C’est une tour qui doit devenir un symbole de la nouvelle orientation de la ville-état face aux défis écologiques, 23
  • 26. politiques et sociaux qui l’attendent. Cette tour participe aussi du plan « Taichung Gateway – Active Gateway city », le futur point de ralliement, dans le centre de Taichung, des consommateurs taïwanais ou étrangers pour ce qui concerne le life style, les innovations technologiques, la culture et la biodiversité. Comme le projet « Lilypad », cette tour éco-conçue est autosuffisante et n‘utilise que des énergies renouvelables. Le niveau d’émission de CO2 est égal à zéro. Cela pourrait être une révolution dans le combat contre la pollution. Même les vents sont canalisés par le design aérodynamique de cette tour dotée d’éoliennes. Les plantes intégrées recyclent les eaux usées et les arbres, qui sont suspendus, aident au nettoiement de l’air. Vincent Callebaut nous promet que cette tour est réalisable avec les technologies d’aujourd’hui. Maisce projet à son prix : 160 millions d’euro pour une tour ! « Dragonfly », la tour qui vole de ses propres ailes Ce projet très ambitieux pourrait être, comme presque tous les projets de Callebaut, une révolution mondiale. Il répond aux scientifiques, qui disent qu’en 2050, il y aura trois milliards d’humain de plus. En tout, cela fera alors presque 11 milliards. Or le grand problème est que plus de 80% des terres arables disponibles seront déjà investies et cultivées. La disette mondiale menacera ! Le projet « Dragonfly » est une tour autosuffisante du fait que sa surface est recouverte par des panneaux solaires photovoltaïques et que, de surcroît, elle est surmontée par des éoliennes. Les biomasses sont recyclées directement dans la tour. Une seule tour peut nourrir au moins 50’000 personnes. « Dragonfly » mesure plus que 600 mètres et a une forme de 24
  • 27. papillon. Extraordinaire non? Dans les locaux de la tour, il y a bien sûr des bureaux, mais aussi, beaucoup plus remarquable : des jardins potagers. ! La plus grande raison pour laquelle « Dragonfly » n’a pas encore été construite est qu’elle est impayable, comme presque tous les projets de Vincent Callebaut. Mais ce n’est qu’une question de temps, sans doute. Dans quelques années tous ces projets seront peut-être à portée de main, financièrement et technologiquement. Alors partout pousseront des tours, des îles et autres constructions écologiques de Callebaut, cet architecte d'anticipation qui, même si ses projets ne sont pas encore réalisés, est certainement déjà l’un des plus grands aujourd’hui. *Imitation d'un article journalistique 25
  • 28. CYBER-ESPIONNAGE Par Timon Après le déjeuner, je me suis ennuyé un peu et j’ai erré dans le dirigeable. Aujourd’hui en effet la moitié des bâtiments sont aériens et bon marché. Quand l’espace sur terre est devenu trop maigre, on a commencé à construire des dirigeables pour les gens qui n’avaient pas de quoi acheter une maison sur le terrain des vaches. Le dirigeable était adéquat, lorsque maman était là. Maintenant, il est trop grand pour moi, j’ai dû transporter dans ma chambre la table de la salle à manger. Je ne vis plus que dans cette pièce, entre les chaises un peu creusées, l’armoire dont l’E.D.I.S (enregistrement direct de l’image de soi) a eu un court-circuit, la table de toilette et le lit magnétique. Le reste est trop dangereux à cause de la radioactivité qui s’est échappée du réacteur nucléaire, c’est-à-dire la source d’énergie de cette maison volante. C’est aussi à cause de cette fuite que ma mère n’est plus là. Mais entretemps j’ai pu la stabiliser. Un peu plus tard, pour faire quelque chose, j’ai cherché sur internet l’image numérisée d’un vieux journal, je l’ai imprimée et ensuite j’ai lu cette feuille. J’y ai découpé une réclame pour les parachutes et je l’ai collée dans un document sur ma tablette où je mets les choses des journaux qui m’amusent. Je me suis aussi lavé les mains et finalement je suis descendu sur terre pour regarder les gens riches. Je me sentais bien quand je marchais sur la terre, mieux qu’à des centaines de mètres dans les airs. Ma chambre donne sur la route aérienne principale du quartier. Les avions passaient maintenant au-dessus de moi, 26
  • 29. comme jadis, plutôt qu’autour de ou à travers nos maisons aériennes. L’après-midi était beau, mais cependant, l’air était humide, les gens étaient rares et pressés. C’étaient d’abord des familles qui marchaient, puis deux petits garçons sont arrivés qui portaient des costumes isolant de l’électricité ambiante. Derrière eux : une petite fille avec la tête rasée, une mère énorme avec une robe de soie marron, habillée comme il y a cent ans, et le père, un petit homme frêle. Je ne le connaissais pas. Il portait des bagages. Je ne pouvais pas m’imaginer ce qu’il y avait là-dedans. A un certain moment, j’ai pensé qu’il voulait qu’on ne le sache* pas. Comme tout à coup il a dirigé ses regards dans ma direction, le contenu de son bagage m’a intéressé encore plus. Si ses regards avaient été normalement indifférents, je n’aurais pas cherché son nom dans l’ordinateur. Mais j’avais vu qu’il cachait quelque chose. Une des plus belles choses dans ce monde digitalisé, c’est que tout est là, rien ne peut nous échapper. J’en suis sûr ! Tout est enregistré sur un disque dur. La seule difficulté est de trouver les informations, parce que même les 1 et les 0, on peut les cacher. Même si ce n’est pas plus difficile de trouver un code sur un réseau électronique que de trouver une lettre sur une feuille en papier, comme on les écrivait il y a cent-vingt ans. À ma grande surprise je n’ai rien trouvé sur lui. Alors j’ai abandonné mon idée et j’ai continué normalement ma journée. Le lendemain, je me suis souvenu en vitesse mais intensivement de ce petit événement, et une question a surgi en moi: « Pourquoi est-ce qu’il m’a regardé avec les yeux pleins de peur ? » Je ne voyais qu’une seule réponse. Lui, il me connaissait. C’était tellement bizarre, j’étais tellement sûr que non, mais 27
  • 30. j’étais encore plus sûr que j’allais trouver la réponse chez moi, dans le dirigeable. * * * Des vidéos de ma mère et de moi sur internet. Une caméra montée dans le plafond du dirigeable... Donc cet imbécile nous espionnait. Maintenant je comprends! Hier dans la rue, il m’a reconnu, tandis que moi, je ne l’avais jamais vu. Je réfléchissais. Dois-je m'en fâcher ? Qu'ai-je perdu à l'affaire ? Dans l’histoire de l’homme il y a une chose qui s’améliore sans cesse. La manière de tuer. L’Homme existe depuis des millions d’année. Or à moi, il ne me faudrait, mettons, que de deux jours pour éliminer quelqu’un que je n’avais vu qu’une seule fois dans ma vie. *Il faudrait ici, au nom de la concordance des temps, un subjonctif imparfait : « qu'il sût ». 28
  • 31. STATION SPATIALE* par Yann Par un après-midi du mois d’août, une voiture légère s’arrêta brusquement devant deux chaumières et la jeune femme qui conduisait dit au monsieur à côté d’elle: « Oh ! Regarde, Henri, ce tas d’enfants ! Sont-ils jolis comme ça à grouiller dans la poussière! » L’homme ne répondit rien, accoutumé aux admirations de sa collègue qui étaient pour elle une douleur et pour lui encore un reproche qu'elle lui faisait de manière détournée. La jeune femme reprit : – Il faut que je les embrasse ! Oh comme je voudrais en avoir un, celui-là, le tout petit !» Henri était un homme au visage sombre. Il ouvrit sa portière, prit le petit garçon et entra dans la voiture. La jeune femme pesa sur la pédale et la voiture fit un saut en avant, partant à toute allure. On n’en voyait plus qu’un nuage de poussière. L’enfant hurla bien sûr, mais personne ne l’entendit, parce que la voiture avait des vitres épaisses. La femme, qui s’appelait Agathe, dit : « On va l’amener à la station de base. » La voiture accéléra. Le soir, lorsque la mère compta ses enfants, elle s’aperçut qu’il lui manquait le plus jeune. Il avait 8 ans. Elle appela la police, cependant on lui répondit qu’on ne pouvait consigner la disparition de personnes qu’après un délai de 24 heures. La mère cria de toutes ses forces. Elle commença à pleurer. Elle pleura toute la nuit jusqu’au lendemain. Pendant ce temps, Agathe, Henri et l’enfant nommé Florian étaient arrivés à l’aéroport de Bordeaux. Ils passèrent le check- 29
  • 32. in pour l’Amérique du nord et durent attendre pour rentrer dans l’avion. Florian n’hurlait plus, mais ils durent le menacer de le tuer pour qu’ils fussent certains qu’il se tût vraiment. A trois heures de l’après-midi l’avion décolla qui arriva à deux heures de l’après-midi (heure locale) à Dallas. Le soir lorsqu’il fut minuit dans l’une des deux chaumières la mère qui avait pleuré toute la journée rappela la police Le policier : Poste de police de Lacanau, qui est à l’appareil ? La femme : Oui, bonjour, ici Lisa Gaillard, je veux signaler une disparition d’enfant. Le policier : Nom et adresse et nom de l’enfant puis signalement de l’enfant, s'il vous plaît. La femme : Alors le garçon s’appelle Florian, il a les cheveux blonds… A Dallas ils étaient déjà à la station de base. Agathe était en train d’introduire Florian à leur plan : – Alors Florian, le début sera très rapide, tu subiras une accélération de 5G, c’est pour ça qu’on te donne un vêtement anti-gravitationnel. Dans une heure, tu seras en haut. Une fois à bord de la station spatiale, tu places la bombe que tu trouveras dans la navette... dans un bocal sur l'évier de la cantine. Puis tu pousses sur le bouton « liquider ». Après, tu as une minute pour retourner dans ta capsule et repartir. Ensuite toute la station spatiale explose. Pense que tu seras en état d’apesanteur, ça le fera plus difficile. Florian répondit : « Euh une petite question, elle est à qui cette station spatiale? Parce qu’elle ne peut pas être à vous si vous voulez la détruire. – Et ta sœur ?, lui cracha Agathe, pulvérisant ainsi leur conversation. Demain, le projet 30
  • 33. commence. A bientôt. Si tu essayes de t’enfuir, on t’attrapera. Au contraire, si tu nous aides, on te libérera après ». * * * Agathe : Allez, lève-toi Florian, le projet commence. Florian : Déjà, mais il est 5 heures du matin ! Agathe : Si tu veux avoir finir à dix heures ce soir, il faut commencer maintenant. Florian : Ok, pourtant, je n’ai pas dormi de la nuit. Agathe : Ca ne fait rien, allez lève-toi, on commence. Florian reçut un vêtement et un casque pour aller dans l’espace. Il s’habilla et entra dans la navette. – Départ à 10 !… 9… 8… 7… 6… 5… four ! 3… 2… 1… – zeroooo ! La terre trembla et la navette s’enfonça dans la matière stellaire. Florian avait trouvé la bombe à côté de son siège, elle se distinguait mal d'une sucette au cassis. Puis Florian tomba dans les pommes. Une fois arrivé en haut, il sortit de la navette et vola presque. Il essaya de se diriger, mais se cogna la tête au plafond, son casque ne le protégeant guère. Mais peu à peu, il s’habituait. Quoique. Il perdit complètement la notion du temps. Il estima qu’il était à peu près depuis dix minutes dans la station spatiale. C’était faux, il y était déjà depuis une heure. Lentement, il se dirigea vers la cantine et trouva un bocal. Dans la poche de sa combinaison, ses doigts tenaient nerveusement la bombe-sucette. Il l’activa, fit demi-tour et se dirigea vers la navette. Tout à coup il entendit dans son casque le compte à rebours: « Encore cinquante secondes ». Il se cogna 31
  • 34. la tête une deuxième fois et perdit cinq secondes. Maudit casque ! Tout à coup il trébucha et vola à dix mètres, mais il retomba sur ses pieds. Il avait trouvé une technique. Il sautilla ainsi vers la navette. Il ne lui restait que dix secondes avant l’explosion. Il se précipita. Dès qu’il était dans sa capsule, il ferma la porte et se dés-accosta de la station spatiale. Il sentit une onde de pression et tomba dans les pommes. Il vit une balle orange et sentit quelque chose de chaud. C’était trop, ça faisait trop mal. Il voyait noir. Il entendit des voix, où était-il ? Il ouvrit les yeux, mais il les referma tout de suite. C’était trop lumineux. Puis il les ouvrit lentement et vit qu’il était à l’hôpital. Autour de lui sa maman et une femme qu’il ne connaissait pas. Plus un homme. La femme, c’était sûrement une infirmière, l’homme, le médecin. Il entendit : « Tu étais absent pendant toute une journée ! Demain tu pourras partir... » Deux jours après, le bambin était de nouveau chez lui, sa maman était folle de joie. Quand on vous dit que tout est bien... *Pastiche d'un trait d'imagination personnel survenu ce printemps un jeudi après-midi. 32
  • 35. 33
  • 36. LES YEUX COULEUR RUISSEAU* Par Zoe Je rentre du lycée et dépose mon sac à dos au milieu de l’entrée, maman va réclamer, je le sais, mais c’est plus fort que moi, je ne peux pas m’en empêcher. Je me dirige vers le salon. Il est là, sur le sofa, assis en tailleur, sans chaussettes. Il ne m’adresse pas un regard, il m’ignore complètement. Pourtant, je sais qu’il sait que je suis là. Il a perçu ma présence, peut-être même avant que je sois rentrée par la porte de la maison. Il tient la télécommande dans la main et il regarde l’un de ses films préférés, un Disney. Je lui dis « bonjour ». Toujours pas de réaction. Je m’approche doucement et lui caresse le visage. Alors il lève la tête et me regarde. Nos regards se croisent et il me sourit. Nos nez se touchent presque. Il me regarde intensément avec ses yeux verts. Des yeux magnifiques. Ils ont la couleur des ruisseaux au printemps, vert transparent accompagné de centaines de petits cailloux gris et ambre. Je remarque comme son regard s’éloigne maintenant, j’essaie de le retenir en lui parlant doucement, mais je sens que la liaison entre nous est rompue. Je ne peux rien faire pour garder le contact avec mon frère, il retourne dans son monde. Le monde de l’autisme. Maman m’appelle. La voix vient de la cuisine, je me dirige dans cette direction et passe par l’entrée, à côté de mon sac à dos. Je sais que je dois le ranger, mais pourtant je ne le fais pas. Maman est en train de plier du linge sur la table de la cuisine et range tout dans un panier. « C’était comment à l’école ? - Bien bien, comme d’habitude. 34
  • 37. - Tu as des devoirs ? - Non, pas aujourd’hui, je dois juste répéter mon anglais. - Est-ce que tu peux garder David vendredi soir ? Comme tu le sais déjà, Evelyne m’a invitée à souper pour mon anniversaire, et papa devait s’occuper de David, mais voilà ton père a une réunion à la banque, et il rentrera tard... » J’observe attentivement maman. C’est une femme qui a l’air d’être usée, fatiguée. Elle vient d’avoir cinquante ans. Quand elle était jeune, elle n’était peut-être pas une beauté, mais dans tous les cas attirante. Elle a encore de beaux yeux. Ils ont la couleur de l’océan atlantique au mois de juillet, un mélange égal de vert et de bleu. Ses paupières tombent légèrement et elle a des cernes noirs. De petites rides dans le coin des yeux sont bien visibles, mais son regard est vif, brillant. Son sourire, très doux. Elle a des lèvres bien dessinées. Ses dents sont étonnamment blanches pour son âge. Et toutes bien alignées. Pourtant elle n’a jamais porté d’appareil dentaire. Maman est née au milieu des années soixante, le début de l’invasion des appareils dentaires. Son nez est long, fin et aquilin, typiquement basque, il dévoile ses origines. Au fond de moi, j’espère que mon nez ne deviendra pas comme le sien, bien que celui de Papa soit encore pire. J’ai envie de lui dire non, car j’ai déjà promis à Aïsha et à Julia d’aller avec elles à la Maison des jeunes. Je cherche une excuse valable pour dire « non », et en même temps, j’essaie de me souvenir de quand j’ai gardé David la dernière fois. Je cherche tout au fond de ma mémoire, mais aucune date ne me vient à l’esprit. C’est simple, je ne me suis jamais occupée de lui le soir ! Parfois, Maman doit aller à la poste ou faire une petite course, alors là, oui, je reste avec lui, mais cela dure au maximum une heure, jamais plus. Mes parents ne m’ont encore 35
  • 38. jamais donné la responsabilité de m’occuper de mon petit frère autiste. Je m’entends dire « oui » sans réaliser vraiment. Maman vient de terminer son pliage de linge. Elle fait glisser le panier sur la table de la cuisine vers moi. « Quand tu montes, prends le panier avec toi et dépose-le dans la chambre de David, s’il te plaît. » J’ai envie de lui demander si Aisha et Julia peuvent venir vendredi soir, mais je ne le fais pas. Je prends le panier et me dirige vers les escaliers. Soudain, mon pied rencontre un obstacle, je trébuche, boum, le panier me tombe des mains et je m’étale par terre. Maman, qui a entendu le bruit arrive en courant. Devant ses yeux, la scène : le linge éparpillé, et moi, sur le sol aussi, une tache rouge à mes côtés. Son regard s’arrête sur le coupable et son expression change de l’inquiétude à la rage. « Je t’ai déjà dit plus d’un millions de fois que tu dois ranger ton sac à dos ! » Pendant qu’elle crie comme une furie en me faisant la morale, elle va à la salle de bains et prend tout ce qu’il faut pour soigner ma blessure. Quelques secondes après, elle arrive avec les mains chargées avec du coton, de produit désinfectant et de pansements. Elle s’agenouille et commence à panser ma blessure. Je me suis cognée juste au-dessus du sourcil. Je saigne beaucoup et maman s’apaise. Son regard redevient doux et elle pose un baiser sur mon front. « Je crois, que c’est mieux d’aller à l’hôpital, la plaie est profonde » Je demande : « Et David ? - Pas le temps de chercher une baby-sitter, nous le prenons avec nous. » Quelques heures plus tard, pendant que je me brosse les dents avant d’aller au lit, j’observe mon reflet dans le miroir. Mes yeux sont en forme d’amande et d’un bleu intense, autour 36
  • 39. de la pupille j’ai des éclats dorés. Mes cheveux sont blonds, longs et légèrement ondulés. Mais en ce moment, je ne vois que mon œil droit qui est enflé, et distingue un hématome sous le pansement. Le médecin du service des urgences de l’hôpital m’a fait deux points de suture. Il m’a dit qu’une petite cicatrice resterait, mais que ça me rendrait « encore plus jolie ». Jolie ? Moi ? Je fais peine à voir. Mes cheveux sont tâchés de sang, le docteur m’a ordonné d’attendre vingt-quatre heures avant de les laver afin que ma blessure ait le temps de se refermer. Je penche ma tête sous le lavabo pour rincer les mèches sales, mais ma tête me fait tellement mal que je décide de suivre les ordres du médecin et je vais me coucher. Une fois allongée dans mon lit, je respire profondément et me dis que finalement, j’ai eu de la chance. J’aurais pu me casser le nez ou me briser des dents. Une chose est sûre. Je ne laisserai plus jamais mon sac à dos au milieu de l’entrée. À ce moment-là, la porte de ma chambre à coucher s’ouvre violemment et David entre. Il marche sur la pointe des pieds. Il fait des allers et retours en poussant de petits cris. Je remarque qu’il est tendu, nerveux. Je crois qu’il est inquiet. Je me lève et le prends dans mes bras. Peu à peu il se calme, nous nous asseyons sur le bord de mon lit et il pose sa main sur mon pansement. Je lui parle tout bas. « Ne t’inquiète pas mon chaton, je vais bien. » Mon petit frère est né quand j’avais deux ans et quatre mois. Au début, il se développait comme un petit garçon tout à fait normal, mais, à dix-huit mois, il a eu une forte fièvre. Cette fièvre a provoqué une convulsion avec complications, il en est resté paralysé du côté gauche pendant plusieurs semaines, et ensuite, son comportement a complètement changé. Une année plus tard le diagnostic est tombé comme une bombe venant de 37
  • 40. nulle part : autisme, syndrome de Tanner, atypique !, épilepsie et hypotonie musculaire. Je n’ai qu’un vague souvenir de cette période de ma vie. Mais si je me souviens d’une chose, c’est de l’immense tristesse de mes parents, aussi grande que leur impuissance. Je remarque une autre présence dans la pièce. Maman est appuyée au cadre de la porte et nous observe en silence. Je sens une vague d’affection pour ma famille et je suis finalement contente de m’occuper de David vendredi soir. Maman a besoin de sortir un peu. En plus, avec la tête que j’ai, ce n’est pas le moment idéal pour aller danser à la Maison des jeunes. * * * Vendredi arrive, la bonne chose c’est que comme je dois m’occuper de David, et donc mes trois heures d’espagnol tombent. Je grandis bilingue, papa me parle en suisse-allemand et maman en espagnol. Je n’ai rien contre ces cours, mais après une semaine de lycée, c’est très fatigant de passer le vendredi soir dans une salle de classe jusqu’à 19 heures. Pour la première fois je suis seule avec David. Pourtant, je ne suis pas nerveuse. Nous allons passer une soirée tranquille. Je vais faire une pizza pour le souper, car c’est son plat préféré. Ensuite, je vais faire des popcorns dans le four à micro-ondes et nous allons nous installer devant la télé et regarder un Disney. David prend place sur le sofa, sans chaussettes, comme toujours et moi je me dirige à la cuisine. Un peu plus tard le repas est prêt. « David, vient manger, il y a de la pizza ». 38
  • 41. La moutarde et le ketchup ne peuvent pas manquer sur la table. David mange tout avec du ketchup et de la moutarde, même le gâteau au chocolat. « Dis-moi, mon chaton, tu es allé nager avec l’école aujourd’hui ? » Je lui parle tout à fait normalement, même si je sais qu’il ne me répondra pas. Mais je le fais, car il m’écoute et me comprend. Après avoir mangé, je prépare les popcorns et nous nous installons au salon. Je lui passe le saladier rempli de ces petites boules blanches qui me font penser à des moutons. Je lui fais part de mes pensées, mais il ne m’honore d’aucun regard, ni d’un sourire. J’ai mon portable à la main, je prends place à ses côtés. Tout à coup, il commence à rigoler comme un fou. Dans le film « Hercule » de Disney, le héros se bat contre un monstre à cent têtes. Je ne sais pas pourquoi il trouve ça si rigolo, mais j’aime quand il sort pour un petit moment de son monde et réalise ce qui se passe devant ses yeux. J’ai commencé à regarder le film avec lui, et posé le portable sur mon ventre. Tel l’éclair David le saisit, entre sans problème mon mot de passe et regarde mes photos. Il ne peut pas parler, mais tout ce qui est électronique le fascine, et il est très doué en cette matière. Il s’arrête longuement sur une photo. Celle qu’on a faite ensemble sur le trampoline. Trois minutes au moins. Un selfie** de nous deux. Je laisse David au salon, car je dois encore faire la vaisselle et préparer le lait avec ses antiépileptiques. Pendant que je range la plaque à pizza dans le four, je vois mon hématome dans le reflet sur la porte vitrée. Il a passé du bleu-violet au vert-jaune. La blessure ne me fait presque plus mal. Lundi matin, le docteur va m’enlever les fils. 39
  • 42. Je sursaute. Un bruit de verre brisé arrive du salon. David a sûrement laissé tomber le saladier et je ne veux pas qu’il se coupe avec les débris, alors je cours jusque-là. Je vois l’expression sur son visage et aussitôt je sais exactement ce qui se passe. Une attaque épileptique. « Ah non, pourquoi maintenant, pourquoi aujourd’hui, pourquoi tu me fais une chose comme cela, aujourd’hui que je suis seule avec toi ! » Sans même le remarquer, je suis à ses côtés. Du pied je pousse les morceaux de verre et j’essaie de placer mon frère dans la bonne position. Je le mets sur le côté. Je commence à ressentir de la panique, mais le calme reprend le dessus et j’agis correctement. Mes mouvements sont comme programmés. J’ai vu des dizaines de fois papa ou maman faire la même chose. Il me faut une montre pour contrôler combien de temps dure la crise, mais ma montre est sur ma table de nuit au premier étage et je ne peux pas laisser David seul. Je cherche mon portable, mais je ne le vois pas. C’est typique, quand on a besoin de ces appareils, ils ne sont jamais là. La panique revient. Pendant que je réfléchis, une de mes mains tient le corps de mon frère et l’autre attrape la télécommande. Sur la télévision, je peux voir l’heure exacte. Le calme est de retour en moi. J’ai l’impression que cela fait au moins dix minutes que je suis près de lui, en vérité nonante secondes sont passées. Si la crise n’est pas terminée dans trois minutes, je dois lui mettre une pilule à l’intérieur de la joue. La pilule !!! Zut ! Je fais comment maintenant ? Je sens battre mon cœur à toute allure. Les médicaments sont dans l’armoire à pharmacie, à la salle de bains du premier. J’observe mon frère, son corps est totalement tendu, ses lèvres sont légèrement bleues, j’ai peur. Sa bouche tressaille, mais d’un 40
  • 43. côté seulement. C’est comme si un fil transparent était attaché au coin de ses lèvres et que quelqu’un tirait dessus en petits mouvements rapides et réguliers. Je lâche David un instant et prends tous les coussins et la couverture pour les placer autour de lui en faisant comme un nid. Je pose ma main sur mon front et me dis que je dois être prudente, ce n’est pas le moment de perdre le contrôle sur moi et de me casser la figure dans les escaliers. Je regarde l’heure, trois… deux… un !, je marche d’un pas déterminé. Arrivée à l’entrée, avant de monter les marches, mon regard se pose sur le sac à dos de David, bien rangé sous le portemanteau. Je l’attrape d’une main et fais demi-tour vers le salon. À son sac d’école est accroché un porte-clés, et à celui-ci un petit container d’aluminium avec dedans le médicament d’urgence. Je soupire bruyamment en regardant l’heure, il ne m’a fallu que neuf secondes. Je suis à nouveau près de lui, ses mains sont gelées, sa tête bouillante. Mes mains tremblent, mais j’arrive à ouvrir sans problème le petit et léger récipient bleu. La pilule tombe dans ma main. Elle fait à peine cinq de diamètre, sur environ deux millimètres de hauteur, elle est emballée. Les secondes sont des minutes et les minutes des heures, tout se passe comme au ralenti. J’extirpe la pastille de sa protection transparente et, alors que je rassemble mes forces pour la lui introduire dans la bouche, une écume commence à en sortir. Je suis presque soulagée de voir cette masse blanche et sans odeurs couler lentement hors de sa bouche. Son corps se détend peu à peu, les secousses s’arrêtent, ses lèvres virent du bleu au rouge, sa respiration redevient normale. Un coup d’œil à l’horloge de la TV me dit que la crise a duré presque 3 minutes. Je vais à la salle de bains chercher des lingettes et une serviette pour le nettoyer. Je ne presse pas, je ne 41
  • 44. suis plus prisonnière du temps, car maintenant David dort profondément et cela va durer plusieurs heures. Après avoir terminé de tout remettre en ordre et noté la durée de la crise sur le calendrier, je retourne au salon et m’assieds sur le sofa. Précautionneusement je soulève la tête de David et la pose sur mes genoux. La pièce est obscure, la seule source de lumière est la petite lampe qui se trouve sur le secrétaire derrière nous. Mon frère bouge pour trouver une position confortable et ouvre les yeux. Je suis jalouse de ses cils longs et courbés, noir de jais. Dans cette lumière, je peux voir chaque détail de ses iris, toutes les formes qui ornent l’intérieur de ses magnifiques yeux couleur ruisseau. Il lève sa main et me caresse la joue. « Dors mon chaton, tu dois être très fatigué. » Il referme les yeux, je sens comme des larmes coulent sur mon visage. Je ne peux rien faire pour les retenir. J’entends une clé dans la serrure. J’ouvre les yeux, je regarde l’heure sur mon portable, il est bientôt minuit. J’ai dû m’assoupir. Ma nuque est douloureuse, je m’étire. A ce moment, papa entre au salon. « Bonsoir mon petit haricot ! » J’ai 15 ans, et pourtant pour papa je suis encore toujours son petit haricot. Il m’appelle comme cela, car la première fois qu’il m’a vu, c’était chez le gynécologue sur une échographie. Il avait dit alors que j’avais la forme d’un petit haricot blanc. « Comment va le petit ? » David a déjà dix centimètres de plus que moi, mais pour papa, il reste le petit de la famille. Il n’attend pas ma réponse et monte au premier pour se changer. Arrivé en haut de l’escalier, il fait demi-tour et me demande : « Pourquoi David n’est pas couché dans son lit ? » 42
  • 45. Je réponds en parlant tout bas pour ne pas réveiller mon frère : « Il a eu une crise à 19.30 heures. - Je vais le mettre dans son lit et après tu me racontes tout. » * * * Mon réveil me montre qu’il est maintenant déjà 2 heures du matin, et je ne trouve pas le sommeil. Je revis les événements de ce soir. Maman était arrivée quelques minutes après papa. Nous avons parlé longuement de ce qui s’était passé, ils voulaient savoir tous les détails. Ils m’ont félicitée et ont répété plusieurs fois qu’ils étaient très fiers de moi. Mais plutôt que de me sentir bien, je suis frustrée. Un sentiment d’impuissance que je n’arrive pas à analyser grandit en moi. Je dois dormir, demain tout sera plus clair, mais mes pensées se bousculent dans ma tête, passent par mon cœur et me font mal au ventre. Je me concentre sur les choses positives, comme mes parents, nous sommes une famille extrêmement unie... Mais ça ne sert à rien. Je ne trouve pas le calme. J’allume mon laptop et commence à faire des recherches sur le net. Les mots-clés en sont « autisme », « épilepsie », « traitement », etc. Il est cinq heures vingt du matin, d’un petit coup sec, je referme l’ordinateur et débranche le Wi-Fi. Pas d’ondes dans les chambres à coucher, ce sont les ordres de ma mère. Je pose l’appareil sous mon lit. Je dors d’un sommeil sans rêves. Quand je me réveille je ne suis plus frustrée. Je sens comme une force qui grandit en moi, un chemin à suivre, un but à réaliser. J’ai passé plusieurs heures à faire des recherches sur la maladie de mon frère. Je suis choquée de ce que j’ai lu. 43
  • 46. En Suisse, le nombre d’enfants atteints d’autisme ou de troubles envahissants du développement n’est pas connu de manière exacte. Toutefois, depuis une décennie, on assiste à une augmentation constante des diagnostics - plus de dix pour-cents chaque année -, et on estime aujourd’hui que cette maladie toucherait environ un enfant sur cent. Aux USA, un sur quatre- vingt-huit. Il n’y a pas encore de traitement pour guérir l’autisme. Or dans le monde de la recherche et des entreprises pharmaceutiques, une course à la montre a commencé il y a longtemps. C’est triste, mais comme il y a tellement de cas dans le monde entier, il y a aussi beaucoup d’argent à gagner. Et si papa avait raison ? Je suis peut-être un petit haricot blanc, car quelque chose a commencé à germer en moi. Je veux mieux connaître cette maladie pour mieux la combattre. Je ne sais pas si je deviendrai neurologue ou si je travaillerai dans la recherche. Mais je sais que l’élucidation de l’autisme sera ma voie. * Ce texte est le seul de la présente collection qui ne soit pas un pastiche, il a été entrepris en parallèle aux pastiches en vue d'un concours littéraire dont l'issue sera connue en août 2015 ** On dit aussi un « egoportrait », voir : Larousse 2015 44
  • 47. 45
  • 48. SOMMAIRE 9 pastiches : 1 Tobi : La peste 2.0 1 2 Adrian : L'étranger 5 3 Hannes : La rentrée de Patrick 8 4 Noé : Au revoir les enfants 11 5 Hanna : Antéchrista 14 6 Aïsha : Un jour fantastique 18 7 Gilles : Architecture. Le bio c'est l'avenir 22 8 Cyber-espionnage 26 9 Yann : Station spatiale 29 Supplément : Zoe, Les yeux couleur ruisseau 34 46
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  • 50. Les Yods vous servent des pastiches – Enivrante lecture ! 48