2. 32-225-A-20 Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs Radiodiagnostic
En 1964, Malan [62] et Puglionisi publiaient un important rapport où
était proposée une classification des angiodysplasies qui distinguait
les dysplasies veineuses, artérielles, mixtes et les formes complexes.
Les dysplasies veineuses comprenaient :
– les phlébectasies ;
– les phlébangiomes ;
– la phlébangiomatose ;
– ou leur association.
Une autre classification a été proposée par Belov ; [7] plus
anatomique, elle divise les anomalies en artérielles, veineuses, ou
mixtes avec ou sans participation lymphatique. Chacune de ces
grandes catégories est ensuite subdivisée selon que les lésions sont
tronculaires ou extratronculaires. Les lésions tronculaires sont
identifiées par l’absence, l’hypoplasie, ou la dilatation de vaisseaux
différenciés ; ce sont des lésions plus localisées que diffuses et sont
souvent significatives au plan hémodynamique. Les formes
extratronculaires sont divisées en formes limitées et en formes
infiltrantes et sont faites de vaisseaux immatures.
En 1982, Mulliken et Glowacki [65] ont proposé une classification
reprise par l’International Scientific Society of Vascular Anomalies
(ISSVA, 1992) [27] qui permet de différencier les tumeurs vasculaires
à cellules immatures (hémangiomes essentiellement) des
malformations vasculaires faites de cellules à faible potentiel
évolutif. Cette classification tient en outre compte de
l’hémodynamique des vaisseaux impliqués dans la malformation en
distinguant les formes à haut et à bas débit, et de la structure
anatomique désignant l’élément principal incriminé : capillaire,
artériel, veineux ou lymphatique (Tableau 1). Elle est largement
adoptée dans la littérature. [10, 11, 16, 17, 20, 22, 25, 26, 27, 70]
Les malformations congénitales à prédominance veineuse peuvent
être localisées, régionales ou diffuses et prennent la forme
d’angiomes plans, d’anomalies des troncs veineux superficiels et/ou
profonds, accompagnés éventuellement de localisations tissulaires
diverses : os, articulations, muscles. [56]
Les anomalies congénitales fixées sont les aplasies valvulaires, les
agénésies, hypoplasies et anomalies de développement des troncs
principaux (anévrismes veineux, vaisseaux embryonnaires
persistants) ; [57, 81, 90] elles peuvent être diffuses et s’inscrire dans des
tableaux complexes tels que le syndrome de Klippel-Trenaunay, de
Parkes-Weber et autres syndromes apparentés.
Nous limitons notre présentation à la description des anomalies
veineuses isolées et des formes complexes rencontrées dans la
pratique de la médecine vasculaire.
RAPPELS EMBRYOLOGIQUES
Le développement des anomalies veineuses congénitales des
membres inférieurs se base sur des altérations du déroulement
normal de l’embryologie des vaisseaux entre la quatrième et la
a b c
dixième semaine du développement du foetus. Les travaux de Sabin
et Woollard (1920) repris par de nombreux auteurs [5, 20, 95] ont permis
de déterminer, au plan embryologique, trois stades dans le
développement du système vasculaire (Fig. 1).
¶ Stade indifférencié (plexiforme)
C’est le stade le plus précoce, où on observe la condensation des
cellules mésenchymateuses angioformatrices en cordons ; les cellules
périphériques donnent les angioblastes, futurs capillaires primitifs.
Par un phénomène de bourgeonnements et de connexions successifs,
ces capillaires s’étendent et se rejoignent pour former le réseau
capillaire primitif.
¶ Stade réticulaire
La circulation sanguine à travers les interconnexions du réseau se
polarise avec un versant « artériel » et un autre « veineux ». Un
schéma morphogénique mal connu s’installe, remodelant à plusieurs
reprises le plexus veineux pour en délimiter des vaisseaux
reconnaissables.
Tableau 1. – Classification de Mulliken et Glowacki.
Tumeurs vasculaires Malformations vasculaires
Simples
Flux lent :
Hémangiome de l’enfance - capillaire
- veineuse
- lymphatique
Hémangioendothéliome kaposiforme
Angiome capillaire
Granulome pyogénique Flux rapide :
Hémangiopéricytome - artérielle
- artérioveineuse
Complexes
Flux lent :
- capillaro-veino-lymphatique
- capillaroveineuse
- lymphaticoveineuse
- capillarolymphatique
Flux rapide :
- capillaroveineuse avec shunts ou fis-tules
artérioveineuses
- artérioveineuse
- capillaro-lymphatico-artério-veineuse Vasculogenèse Angiogenèse
a b
A
Stade plexiforme Stade réticulaire Stade tronculaire
B
a b c d e
C
Figure 1 Développement des veines.
A. Vasculogenèse (a) et angiogenèse (b).
B. Stades de Woolard. a. Stade plexiforme ; b. stade réticulaire ; c. stade troncu-laire.
C. Anomalies tronculaires. a. Veine normale ; b. avalvulie ou hypoplasie valvu-laire
; c. anévrisme ou phlébectasie ; d. hypoplasie-agénésie ; e. coarctation.
2
3. Radiodiagnostic Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs 32-225-A-20
¶ Stade tronculaire
Certains plexus disparaissent, d’autres se forment, d’autres
fusionnent pour donner des structures plus grosses, alors que
d’autres sont épargnés pour donner les capillaires définitifs.
À la lumière des publications dans le domaine génétique, trois
étapes de différenciation tissulaire sont individualisées : [11] la
vasculogenèse, l’angiogenèse et le remodelage qui se succèdent,
aboutissant à la maturation du système vasculaire.
¶ Vasculogenèse
Dans la vasculogenèse, un plexus vasculaire primitif est établi à
partir des précurseurs endothéliaux ; dès la fin de la deuxième
semaine, le plexus vasculaire primitif est formé. Les amas
précurseurs de cellules endothéliales et du sang se différencient en
groupes de cellules épithéliales et en masses isolées appelés les îlots
sanguins. Les cellules internes se différencient en précurseurs
hématopoïétiques et les couches externes de ces amas s’aplatissent
pour former les premières cellules primitives qui se creusent d’une
lumière. Les couches périphériques sont recrutées pour envelopper
l’endothélium ; dans les capillaires, ce sont les péricytes ; dans les
gros vaisseaux, ce sont les cellules musculaires dérivées, quant à
elles, du neuroectoderme (crêtes neurales).
¶ Angiogenèse
Quand le plexus primaire est formé, de nouveaux contingents de
cellules endothéliales apparaissent pour former de nouveaux
vaisseaux. L’angiogenèse survient alors par différents mécanismes :
– bourgeonnement à partir d’un gros vaisseau ;
– intussusception (invagination) quand les vaisseaux préexistants
sont clivés par des piliers transcapillaires ou des invaginations des
péricytes et de la matrice extracellulaire ;
– par croissance intercalée des vaisseaux autorisant la fusion de
capillaires préexistants pour augmenter diamètre et longueur. La
membrane basale périphérique est localement dégradée, permettant
la réorganisation des cellules endothéliales qui adhèrent fermement
les unes aux autres pour former la lumière du nouveau vaisseau.
¶ Processus de remodelage
Durant cette période mal connue, certains vaisseaux régressent et
d’autres se forment. Leur diamètre change pour s’adapter aux
besoins des tissus environnants ; l’action des facteurs de croissance
tissulaires y a été démontrée.
¶ Maturation du système veineux
La maturation du système veineux définitif est donc caractérisée par
l’apparition successive de vaisseaux qui involueront tour à tour pour
laisser place à des éléments plus développés. [39]
Le réseau veineux primitif initial du membre pelvien est superficiel ;
il est fait des veines marginales externes (système postaxial) et
interne (système préaxial) ramenant vers le coeur du foetus le sang
apporté par l’artère axiale. Secondairement, la veine marginale
interne disparaît et la veine marginale externe donnera la veine
tibiale antérieure et la petite veine saphène (saphène externe). La
grande veine saphène (saphène interne) est issue directement de la
veine cardinale postérieure qui donnera naissance aussi à la veine
fémorale et aux veines tibiales postérieures. Le système veineux
profond naîtra de la succession de trois réseaux primitifs :
– un plexus axial satellite du nerf sciatique ; il prolonge la veine
hypogastrique ;
– un plexus préaxial qui suivra le développement de l’axe artériel
iliaque externe. Ces deux courants, en se réunissant, vont former la
veine poplitée ;
– le plexus fémoral restera localisé à la cuisse qui donnera la veine
fémorale profonde (veine profonde de la cuisse) ; il connecte le
Veine cardinale
Veine supracardinale
Veine subcardinale
Anastomose intercardinale
Anastomose sub-supracardinale
Anastomose inter-subcardinale
Figure 2 Principales étapes de l’organogenèse de la veine cave caudale.
réseau axial par les futures veines perforantes, et le déverse dans le
plexus préaxial pour former le futur confluent fémoral.
La partie proximale du réseau veineux profond verra l’involution
de la veine sciatique primitive qui donnera la veine hypogastrique
et le développement de la veine iliaque externe à partir du
développement du confluent de la veine cave inférieure.
La formation de la veine cave caudale (inférieure) (VCI) fait appel à
trois réseaux veineux primitifs différents (Fig. 2) : [75, 82]
– le système des veines cardinales postérieures drainant la région
caudale de l’embryon ;
– le réseau veineux induit par l’apparition du corps de Wolff : les
veines subcardinales ou veines internes du mésonéphros ;
– les veines issues de la région dorsale juxtasympathique de
l’embryon : les veines supracardinales ou sympathiques externes.
Ces trois réseaux involuent tour à tour partiellement après avoir
établi de nombreux ponts anastomotiques entre eux :
– anastomoses intersubcardinales ;
– anastomoses subsupracardinales ;
– anastomoses intercardinales ;
– anastomoses cardinosubcardinales.
Une asymétrie à prédominance droite va se constituer, aboutissant à
la configuration habituellement rencontrée (disposition modale) de
la VCI. Sa constitution définitive est donc issue des différents
segments suivants :
– anastomose intercardinale postérieure ;
– veine supracardinale droite ;
– anastomose subsupra-cardinale droite ;
– veine subcardinale droite.
La partie rétrohépatique de la VCI dépend de l’évolution de la veine
vitelline droite.
ÉTIOPATHOGÉNIE
Si l’on s’accorde à admettre que ces anomalies sont issues d’un arrêt
de l’organogenèse des veines, les causes qui le déterminent restent à
ce jour hypothétiques.
¶ Hypothèse hémodynamique
Pour certains, (Thoma cité par [95]) le remodelage des vaisseaux est
conditionné par les contraintes hémodynamiques appliquées sur ce
3
4. 32-225-A-20 Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs Radiodiagnostic
vaisseau entraînant son développement si la pression augmente ou
son involution si la pression baisse. À l’opposé, les travaux de
Folkman [31] ont montré in vitro que des cellules endothéliales
conservaient la possibilité de donner de nouveaux réseaux
capillaires à tout instant de leur vie, impliquant par là même que la
formation de ce réseau puisse se faire en l’absence de flux sanguin.
¶ Facteurs tératogènes
D’autres facteurs de nature chimique, hormonale, ou toxique
pourraient intervenir. Cependant, l’incapacité des tératogènes
connus à produire des malformations est frappante et suggère
qu’une simple aberration des paramètres locaux physicochimiques
est exclue.
Certains ont évoqué un processus défectueux de la coagulation
(thrombose et fibrinolyse) de même qu’un rôle du système nerveux
autonome, ou une hypothèse infectieuse. [95] En fait, on ne dispose
d’aucune donnée histologique, embryologique ou expérimentale qui
puisse démontrer comment et surtout à quel stade le
dysfonctionnement survient. La variété des cibles suggère que la
cause puisse être présente à tout temps du développement et que,
lorsqu’elle a disparu, les anomalies puissent affecter leur propre
développement et celui des tissus environnants.
¶ Hypothèse génétique
La plupart des malformations veineuses sont sporadiques, mais il
existe des formes familiales à transmission autosomique dominante.
Vikkula et al., Boon et al. [9, 92] ont localisé, dans deux familles, un
gène muté sur le chromosome 9p identifiant la substitution d’un
acide aminé dans le domaine kinase de TIE2. Ils suggèrent que dans
ces malformations veineuses, cette mutation altère le signal entre
l’endothélium et les cellules musculaires lisses pariétales ; le TIE2
est un récepteur exprimé de façon prédominante dans les cellules
endothéliales ; ses ligands, l’angiopoïétine 1 et 2, sont sécrétés par
les cellules mésenchymateuses entourant les tubes endothéliaux en
développement. [11, 19, 27]
Les lésions observées impliquent une anomalie de développement
du mésoderme qui peut être régulée par des facteurs angiogéniques
et vasculogéniques tels que vascular endothelial growth factor
(VEGF) ; [66] la rupture d’équilibre dans la balance du remodelage
par le VEGF peut entraîner un développement anormal des
vaisseaux. Des études récentes montrent que les cellules
endothéliales continuent de produire du VEGF responsable de la
néovascularisation de ces lésions.
Wang [94] a montré que les différences pathologiques et fonctionnelles
entre artères et veines ne sont pas simplement dues aux lois
hémodynamiques ; les cellules sont distinctes au plan moléculaire et
génétiquement déterminées ; certains ligands (ephrin B2) se
localisent uniquement sur les cellules artérielles et non sur les
cellules veineuses.
En fait, le déterminisme de l’endothélium se joue sur les effets
combinés de multiples signaux positifs ou négatifs transmis aux
cellules par de nombreux récepteurs.
D’autres travaux, sur des formes familiales de nævi, suggèrent une
possible transmission autosomique dominante à expression variable.
Il est possible que les gènes impliqués dans les formes familiales le
soient également dans les formes sporadiques par un phénomène
de mosaïcisme du gène dont la forme entière serait létale.
PRÉVALENCE GÉNÉRALE
Les malformations vasculaires congénitales sont des lésions rares.
L’incidence globale de ces malformations est d’environ 1,5 %. Les
formes veineuses sont les plus communes et représentent les deux
tiers des malformations vasculaires. Les lésions peuvent survenir
isolément ou le plus souvent être associées à d’autres lésions des
tissus environnants. Les données sont résumées dans le Tableau 2. [21,
25, 51]
Tableau 2. – Prévalence des anomalies veineuses s’intégrant dans le
cadre des malformations veineuses
Auteurs Phlébectasies Aplasies/hypoplasies Anévrismes Avalvulie
Belov 52 % 8 % 20 %
Browse 18 % 6 %
Gloviczki 9 % 5 %
Malan 41 % 8 %
Paes-Vollmar 46 % 15 % 64 %
Servelle 36 % 6 % 8 %
Taute 14 % 2 %
Villavicencio 8 % 2 % 8 % 4 %
Moyenne 36 % 8 % 8 % 7 %
Tableau 3. – Prévalence des anomalies veineuses tronculaires dans la
population générale
Niveau Auteurs - références Pourcentages
Veine cave inférieure Villavicencio [90] 4 %
Lindhout [60] Veine cave gauche : 0,2 à 0,5 %
Veine cave double : 1 à 3 %
Uretère rétrocave ND
Anneau périaortique : 2,4 à 8,7 %
Absence de veine cave inférieure :
0,6 %
Axe fémoropoplité Kerr [51] Dédoublement : 9,1 %
Fémorale superficielle : 75 %
Fémorale profonde : 7,8 %
Poplité : 9,4 %
Dona [21] Fémorale et poplitée : 15%
Fémorale : 77 %
Poplité : 5%
Les deux : 18 %
Clinique
Il existe une grande multiplicité de tableaux cliniques qui dépendent
de l’importance de l’anomalie et de son retentissement sur les
organes voisins.
ANOMALIES MINEURES : VARIATIONS ANATOMIQUES
¶ Duplication des veines profondes (Tableau 3) [21, 51]
Leur connaissance est importante même si, le plus souvent, elles
sont asymptomatiques. L’échographie en permet facilement la
détection, comme le montre la série de Kerr, où 9,1 % des patients
examinés dans le cadre d’un bilan de thrombose veineuse profonde
avaient une anomalie. Celle-ci est unilatérale dans 67 % des cas ; il
n’y a pas de côté préférentiel. Les symptômes rapportés sont : la
douleur (75 %), l’oedème (45,7 %). Ceux-ci sont en partie inexpliqués
si l’on considère qu’il n’a été constaté qu’un seul reflux à
l’échographie. Dona rapporte des résultats similaires.
¶ Veines embryonnaires
Au niveau du membre pelvien à proprement parler, deux types de
vaisseaux embryonnaires peuvent persister : la veine sciatique
(ischiatique) persistante (VSP) ; la veine marginale externe ; il
convient d’y rajouter les anomalies caves en tenant compte de leur
retentissement éventuel sur les membres inférieurs.
Veine sciatique persistante
Elle est habituellement décrite dans les syndromes malformatifs de
type Klippel-Trenaunay ; [3, 15, 40, 56, 61, 69, 71, 73, 83, 91] elle peut cependant
être observée chez le sujet sain, chez qui sera porté à tort le
diagnostic d’angiodysplasie.
Trigaud en retrouve sept sur 2 000 patients par méthode
phlébographique chez le sujet sain ; [86] elle peut coexister avec un
réseau profond intact et perméable (Fig. 3), [14] ou à l’inverse
s’accompagner d’une agénésie partielle ou totale des voies veineuses
profondes. [42]
4
5. Radiodiagnostic Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs 32-225-A-20
La présence d’une veine sciatique a été invoquée dans les cas de
varices récidivantes. La survenue de l’IRM a accru la détection de
telles lésions difficiles à objectiver de façon certaine à la
phlébographie. Sa prévalence est estimée à l’heure actuelle sur les
seules données de la phlébographie. Elle est unilatérale dans 90 %
des cas, sans côté prédominant et non liée au sexe. Son étendue est
variable. Elle peut être complète, allant de la poplitée à l’iliaque
interne (38,1 %), de localisation haute (fesse et haut de la cuisse)
(28,6 %), ou localisée dans la partie basse de la cuisse se jetant dans
la veine fémorale profonde (33,3 %) [15] (Fig. 4). Elle est
exceptionnellement associée à une artère sciatique persistante. [61, 71]
Bien que le plus souvent asymptomatique, la veine sciatique peut
entraîner des complications autres que celles de l’insuffisance
veineuse chronique et peut être responsable notamment de
saignements (28,6 %) par hypertension veineuse dans le territoire
pelvien, [15] d’embolie pulmonaire (23 %) en raison de la stase induite
à ce niveau. Ce dernier chiffre, nettement supérieur à la prévalence
estimée de l’embolie pulmonaire dans le syndrome de Klippel-
Trenaunay (2,8 %), laisse à penser que la présence d’une VSP est un
marqueur des formes évoluées et graves de ce syndrome.
Le diagnostic repose sur la constatation d’un trajet veineux aberrant
à l’échographie ; l’exploration difficile de la région fessière peut
amener à la réalisation d’une angiographie par résonance
magnétique (ARM), surtout si le contexte d’une malformation
diffuse est évoqué ; la phlébographie a été également utilisée, mais
sa fiabilité n’est pas absolue.
Au plan thérapeutique, le traitement médical et la contention sont
de règle. La chirurgie d’excision de la VSP n’est pas indiquée dans
la majorité des cas ; [40] mais des gestes chirurgicaux ciblés visant à
réduire l’hypertension veineuse et les hémorragies sont parfois
nécessaires et font appel à la ligature de la VSP [42] ou à
l’embolisation de ses branches pelviennes.
Persistance de la veine marginale latérale
Elle est l’anomalie la plus commune et est également habituellement
associée à des malformations complexes comme le syndrome de
Klippel-Trenaunay (Fig. 5). [40, 56, 81, 90, 91]
Sa présence en tant que lésion isolée est exceptionnelle. Elle est
cliniquement facilement reconnaissable par son aspect de
phlébectasie et par son trajet sur le versant latéral de la jambe. Sa
terminaison est variable (Fig. 6). La veine marginale latérale peut se
drainer dans la veine poplitée (11 %), la veine fémorale superficielle
(17 %), la profonde (20 %), l’iliaque externe (5 %), la grande veine
saphène (14 %) et l’iliaque interne (33 %). [15]
La présence des veines marginales est souvent associée à une hypo-ou
aplasie des veines profondes et doit faire craindre une telle
éventualité, impliquant la réalisation d’un bilan échographique.
Les symptômes dérivant de la persistance de la veine marginale
peuvent être liés également aux déformations osseuses associées
dans les malformations complexes ou aux signes d’insuffisance
veineuse chronique. [42, 66]
Des phlébolithes, calcifications de ces veines anormales, traduisent
les séquelles de thromboses itératives et peuvent être repérés à la
radiographie standard.
Des gestes chirurgicaux sont parfois proposés sous réserve de la
perméabilité du réseau profond, une aplasie des veines profondes
contre-indiquant la chirurgie. [40, 41, 56]
Anomalies de la veine cave caudale (inférieure)
Elles sont nombreuses au plan théorique mais relativement rares.
Décrites en premier par Augier en 1914, elles représentent les jalons
des différentes étapes de l’organogenèse complexe de cette veine
(Fig. 7). [75, 82]
Figure 3 Dédoublement de la veine fémorale
superficielle et tronc sciatique persistant. Phlébo-graphie.
A B C
Figure 4 Différentes variations de la veine sciatique persistante, d’après Cherry.
A. Forme complète, 38,1 %.
B. Forme haute, 28,6 %.
C. Forme basse.
Figure 5 Aspects phlébographiques d’une veine marginale externe (variété longue)
chez un jeune garçon de 12 ans présentant un syndrome de Klippel-Trenaunay (flè-ches).
5
6. 32-225-A-20 Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs Radiodiagnostic
A B C D
Les travaux de Mac Clure et Butler 1925, Reagan et Robinson 1927
et Pillet 1980 ont apporté des renseignements précieux sur la
chronologie de ces malformations redécouvertes par l’intermédiaire
du scanner. Parmi les plus typiques citons :
– la veine cave gauche infrarénale : elle est issue de la persistance
de la veine supracardinale gauche ; le segment transversal provient
de l’anastomose subsupracardinale gauche et de l’anastomose
intersubcardinale. C’est une anomalie de découverte fortuite, parfois
accompagnée d’anomalies rénales ;
– la veine cave double sous-rénale (Fig. 8 , 9) : elle est liée à la
persistance des deux veines supracardinales conservant le plus
souvent l’anastomose transversale déjà décrite recevant la veine
rénale gauche, et l’anastomose intercardinale postérieure (future
veine iliaque commune gauche) ;
– l’uretère rétrocave : il contourne par l’arrière la VCC et se place en
médial puis en ventral de la veine cave. Le diagnostic est rarement
lié à une compression de l’uretère ; le plus souvent, c’est une
découverte d’examen radiologique : au plan embryologique, c’est
l’absence de développement de la veine supracardinale droite dans
son segment sous-rénal ; elle est alors remplacée par la veine
cardinale postérieure droite. Une variante en est l’anneau veineux
périurétéral (Fig. 10) se traduisant au plan clinique par la
compression de l’uretère avec hydronéphrose ; cette anomalie
comporte la persistance de la veine cardinale postérieure droite et le
développement de la veine supracardinale selon le schéma normal
entraînant le passage de l’uretère dans une pince veineuse ;
– les anomalies du segment rénal : elles forment les anneaux
veineux périaortiques ; les éléments préaortiques proviennent de
l’anastomose intersubcardinale et les éléments rétroaortiques de la
persistance de l’anastomose subsupracardinale. Des anomalies
ponctuelles peuvent aboutir à la formation de membranes
congénitales comme certains types de synéchies observés dans le
syndrome de Cockett. [6, 24] (Fig. 11).
Toutes ces malformations sont le plus souvent asymptomatiques et
de découverte fortuite lors d’un examen intercurrent. Il a été
notamment démontré qu’elles ne majoraient pas le risque d’embolie
pulmonaire. [60] Certaines peuvent toutefois entraîner des
complications d’organe (hémorragies, hydronéphrose). [1] Un même
déterminisme morphogénétique fait que la présence d’une anomalie
cave doit faire suspecter une anomalie rénale associée.
MALFORMATIONS STRUCTURALES ISOLÉES
¶ Phlébectasies [25, 41, 69] (8 à 36 % des malformations
veineuses complexes)
Elles désignent des dilatations régulières et étendues des veines
superficielles, présentes à la naissance et s’aggravant au fil des ans.
Isolées ou segmentaires, elles sont asymptomatiques et sans
conséquence hémodynamique ; plus diffuses, elles donnent des
manifestations qui sont celles de l’insuffisance veineuse chronique ;
elles sont pour certains hautement emboligènes et justifient une
sanction chirurgicale adaptée à l’état du réseau veineux profond.
¶ Aplasies et hypoplasies [25, 32, 42, 53, 77]
(2 à 8 % des malformations veineuses)
Elles peuvent rester non diagnostiquées toute la vie ou être une
partie d’autres malformations parlantes car disgracieuses et
symptomatiques (veines superficielles de type marginal externe ou
varices). Leur reconnaissance est indispensable car elles représentent
un obstacle sur la voie de retour nécessairement compensé par des
veines superficielles, normales ou non, forcément dilatées et qui
doivent être respectées ; elles seraient pour certaines engainées de
bandes fibreuses [83] dont la section chirurgicale permettrait une
récupération fonctionnelle partielle.
L’atrésie de la veine cave est exceptionnelle ; elle serait pour certains
à l’origine de thromboses veineuses du membre inférieur de cause
obscure. [25]
Le diagnostic repose sur la réalisation d’une IRM ou d’un scanner
montrant la compensation pariétale postérieure (système azygos) et
l’absence de signal en regard de la veine cave inférieure (Fig. 12).
Les ulcères de jambe sont une forme de révélation de ces aplasies.
¶ Anévrismes veineux [25, 88, 90]
Les anévrismes veineux représentent une entité clinique
relativement bien connue. La localisation poplitée est la plus
courante. Leur étiopathogénie est mal précisée, mais on distingue
des formes secondaires (insuffisance veineuse, traumatisme) et des
formes primitives. [35, 43]
La dysplasie congénitale est fortement évoquée dans les anévrismes
primitifs et en présence d’autres manifestations des formes
complexes de malformations veineuses. L’utilisation large de
Figure 6 Veine marginale externe : modes de terminaison (d’après Bakersville).
A. Abouchement haut de la veine iliaque interne, 33 %.
B. Abouchement haut de la veine iliaque externe, 5 % ; grande veine saphène, 14 %.
C. Abouchement intermédiaire des veines fémorales superficielle ou profonde, 17 et
20 %.
D. Abouchement bas de la veine poplitée, 11 %.
6
7. Radiodiagnostic Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs 32-225-A-20
l’échographie [33] en a révélé la réalité ; leur intérêt est lié à la menace
d’embolie pulmonaire qu’ils font peser. Le traitement en est discuté.
Les premières descriptions d’anévrismes ont été rapportées par May
et Nissel en 1968 et d’autres publications [2, 13, 28, 29, 36] ont mis en avant
la menace d’embolie pulmonaire que fait planer ce type de lésion.
Une dilatation est considérée comme anévrisme si la lésion est une
zone isolée, qui communique avec un vaisseau principal par un seul
chenal, sans fistule artérioveineuse ni faux anévrisme et si elle se
situe dans un segment indemne de varices ; la plus grosse série dans
la littérature fait état de plus de 600 cas. [63]
Figure 8 Veine cave double. Données phlébographiques.
Prévalence, épidémiologie [35, 38, 49]
Elle est estimée à 8 % dans le cadre des malformations veineuses. [25]
La localisation aux membres inférieurs est l’une des plus fréquentes
(28,8 %) avec la localisation cervicale (28 %). Pour les anévrismes
poplités, l’incidence annuelle (toutes étiologies confondues) serait
de 0,2 % à l’échodoppler ; il n’y a pas de prédominance de sexe ni
de côté. L’anévrisme veineux peut concerner le réseau superficiel
comme le réseau profond.
Au plan anatomopathologique, on distingue les anévrismes
fusiformes et les anévrismes sacciformes. Les premiers peuvent
correspondre à un renflement du sinus valvulaire et le diagnostic
différentiel est parfois difficile. Pour éviter toute confusion, on admet
que le calibre de la dilatation doit être une fois et demie à deux fois
celui de la veine sus-jacente ou de la veine poplitée controlatérale.
Le type fusiforme est le plus répandu dans la population
asymptomatique ; le type sacciforme, plus rare, est en cause dans la
majorité des accidents d’embolie pulmonaire et se développe le plus
souvent sur le versant externe de la veine.
A B
C D
Figure 7 Anomalies de la veine cave caudale, d’après Linthoudt.
A. Anneau périaortique, 2,5 à 8,7 %.
B. Anneau cave périurétéral, exceptionnel.
C. Double veine cave, 1 à3 %.
D. Veine cave gauche, 0,2 à 0,5 %.
Figure 9 Veine cave dou-ble.
Angio-imagerie par réso-nance
magnétique. Flèches :
veines caves.
A. Coupe horizontale.
B. Coupe frontale.
7
8. 32-225-A-20 Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs Radiodiagnostic
Les données histologiques sont peu contributives et contradictoires ;
[35] on note, soit une hypoplasie de la musculature lisse, soit au
contraire une hyperplasie musculaire avec fibrose.
Clinique
L’anévrisme veineux est le plus souvent asymptomatique et se
découvre à l’occasion d’un examen échographique pour tout autre
motif ; dans le cas contraire, il peut se manifester par les signes
habituels des anévrismes : [38] dans ce cas, la douleur est au premier
plan (79 %) puis la palpation d’une masse dans le creux poplité
(64 %) ou un oedème (43 %) ; il peut enfin se révéler par une
complication : thrombose veineuse, embolie pulmonaire. Les
anévrismes veineux profonds sont paradoxalement mieux
diagnostiqués que les anévrismes superficiels, souvent source
d’erreurs diagnostiques.
La menace évolutive la plus importante est la thrombose veineuse
et sa complication embolique dont la fréquence varie selon les
auteurs entre 17 et 71 %, [13, 28, 36] justifiant pour certains une approche
agressive, qu’elle soit médicale ou chirurgicale.
Diagnostic
L’utilisation de l’échodoppler a été prônée la première fois par Katz
et Comerota ; c’est l’examen de référence [33] (Fig. 13). Il permet, par
des coupes transversales, de mettre en évidence l’anévrisme, de
déterminer sa taille, l’importance de la stase traduite par un aspect
contraste spontané aux manoeuvres de compression et de préciser
l’existence d’une éventuelle thrombose endoanévrismale ; dans le
cadre des malformations vasculaires étendues, l’échographie cède le
pas à l’IRM.
Traitement
Le traitement de ces anomalies reste discuté. [2, 13, 38] Il dépend de la
taille de l’anévrisme, de son type fusiforme ou sacciforme, de son
expression clinique et de l’expérience des auteurs.
Le traitement conservateur est proposé pour les anévrismes de petite
taille, fusiforme et sous surveillance régulière.
Le traitement médical par anticoagulants est prôné par les partisans
de l’abstention chirurgicale en raison des risques de thrombose
postopératoires. Discuté si la lésion est muette, il sera proposé à vie
si l’anévrisme est symptomatique. Pour ses détracteurs, un tel
traitement n’apporte pas de sécurité suffisante puisque des cas de
récidive d’embolie pulmonaire parfois mortelle ont été décrits sous
anticoagulants à doses efficaces.
Le traitement chirurgical peut se matérialiser par un geste de
résection tangentielle dans les anévrismes sacciformes ou une
Figure 10 Uretère rétrocave : aspects phlébographiques (A) et tomodensitométri-ques
(B). Flèches : coupe des deux segments de la veine cave.
Figure 11 Syndrome de Cockett. Synéchies endoluminales.
8
9. Radiodiagnostic Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs 32-225-A-20
résection-anastomose, une greffe veineuse dans les fusiformes. Il doit
être suivi d’une thérapie anticoagulante pendant les 3 à 6 mois qui
suivent l’intervention. [2] Les résultats de perméabilité à long terme
pour les sacciformes donnent un taux variant de 40 à 93 % selon les
auteurs. [93]
¶ Avalvulie [25, 34, 76, 77]
Mise en avant par Luke en 1941, c’est une pathologie rare (4 à 7 %
des patients porteurs de malformations veineuses) et exceptionnelle
ailleurs ; sa prévalence est inconnue et si des dissections
cadavériques ont permis de constater l’absence de valvules
profondes dans 1,3 % des cas, [4] ce chiffre paraît discordant avec la
rareté des observations rapportées.
C’est une anomalie autosomique dominante comme l’ont montré les
publications de Lodin et de Plate entraînant un reflux majeur, par
agénésie des valvules dont le développement, décrit par
Kampmeyers, s’effectue en cinq stades sur une période comprise
entre le troisième et le cinquième mois de la vie intra-utérine. Ces
anomalies touchent aussi bien le réseau veineux superficiel que le
réseau profond ; les atteintes lymphatiques associées sont fréquentes.
Diagnostic
Le diagnostic doit en être suspecté chez des patients jeunes (voire
des enfants) porteurs de signes sévères d’insuffisance veineuse
profonde primitive : oedème, troubles trophiques cutanés,
acrocyanose sans antécédent clinique de thrombose veineuse
profonde ou chez le jeune adolescent. Les agénésies valvulaires sont
souvent diagnostiquées à tort comme des maladies post-thrombotiques
avec reflux complet malgré l’absence d’arguments
cliniques.
L’échographie permet de porter le diagnostic en montrant un reflux
majeur, une insuffisance veineuse profonde sévère sans les signes
Figure 12 Agénésie de la
veine cave caudale avec prolon-gement
azygos et polysplénie.
A. Coupe horizontale.
B. Coupe frontale.
habituels des séquelles de thrombose : absence d’irrégularité,
d’occlusion segmentaire ou de séquestre, de collatérales dilatées et
surtout impossibilité de mettre en évidence un sinus valvulaire, quel
que soit le niveau observé.
La phlébographie, lorsqu’elle est pratiquée, montre des images
« pseudoartérielles » de veines rectilignes, à parois parallèles : [40]
critère qui permet de les distinguer des hypoplasies valvulaires où
se dessine le sinus valvulaire ; il peut cependant apparaître des
ébauches de valvules au niveau jambier. [57, 74, 76, 77]
Au plan hémodynamique, les tests pléthysmographiques, rarement
pratiqués de nos jours, montrent une diminution sévère des
capacités de vidange veineuse.
Traitement [34, 74, 77]
La compression de force IV (pression de 40 à 50 mmHg) est le
traitement de base, suffisant dans la majorité des cas si la compliance
est bonne.
La chirurgie d’exérèse du réseau superficiel peut apporter une
amélioration des paramètres objectifs de retour veineux (exérèse des
varices superficielles et ligature des perforantes), mais le meilleur
traitement au plan théorique, quand on dispose d’un site donneur,
est une transposition valvulaire ; une exploration préalable est bien
sûr nécessaire.
¶ Insuffisance valvulaire profonde primitive
C’est une entité clinique non exceptionnelle secondaire à une
dysgénésie valvulaire dont la prévalence est diversement appréciée
(entre 15 et 71 %). [56, 57, 74, 79, 80]
Le concept de cette pathologie est basé sur la constatation d’une
insuffisance veineuse chronique, souvent chez l’adulte jeune, sans
argument en faveur d’antécédents thrombotiques ; elle s’en
distingue également par des perspectives thérapeutiques
spécifiques.
L’insuffisance valvulaire profonde primitive regroupe, dans son
étiopathogénie, trois types d’anomalies : l’aplasie valvulaire
congénitale décrite plus haut, l’insuffisance valvulaire primitive et
l’insuffisance valvulaire sur phlébectasie. [57] Il en résulte une
hypertension veineuse à son tour génératrice de lésions
sous-jacentes.
Clinique
Elle est basée sur la présence d’oedèmes et de complications
trophiques de l’insuffisance veineuse ; varices, dermite ocre, ulcères
sévères et survenant chez un sujet jeune en l’absence de tout élément
évocateur de séquelles de thrombose veineuse profonde.
Les investigations complémentaires reposent sur l’échodoppler et,
pour certains, les tests pléthysmographiques permettant de faire la
part de l’insuffisance veineuse superficielle et/ou profonde grâce
aux tests de garrot. Ils doivent, dans la perspective d’un geste
chirurgical, être complétés par une phlébographie dynamique. [74]
Figure 13 Anévrisme
sacciforme de la veine popli-tée.
Échographie mode B :
coupe axiale.
9
10. 32-225-A-20 Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs Radiodiagnostic
Traitement
Il est loin d’être codifié. Les objectifs visent à neutraliser les effets de
l’hypertension veineuse et/ou à rétablir la continence des valvules ;
face à un traitement purement médical, la chirurgie oppose, soit un
ensemble de gestes visant à éradiquer la composante superficielle
de la maladie par l’ablation des varices, ou la ligature des
perforantes, ou mieux à refaire un appareil valvulaire fonctionnel.
Le choix des indications se fait sur un ensemble d’arguments
cliniques et hémodynamiques. Au plan clinique, la chirurgie est
réservée aux formes graves (hypodermite évolutive, ulcère
récidivant, oedème de plus de 3 cm non résolutif), aux échecs du
traitement médical bien conduit. Au plan hémodynamique,
l’absence de chute de la pression veineuse aux manoeuvres
dynamiques, le reflux constaté sur les phlébographies rétrogrades
(correspondant à un type IV de la classification de Kistner) plaident
en faveur de la chirurgie.
Les résultats sont diversement appréciés, entre 50 et 75 % selon les
auteurs. [52, 74, 79]
MALFORMATIONS VEINEUSES RÉGIONALES
OU DIFFUSES
Ce sont des malformations vasculaires congénitales du réseau
veineux superficiel. Elles peuvent être délimitées, plus ou moins
invasives, ou diffuses. [16, 17, 26, 27]
Cliniquement, l’aspect est celui de dilatations ampullaires bleutées,
plus ou moins enchâssées dans le derme, de localisation atypique,
dépressibles à la palpation et se remplissant à la station debout.
¶ Malformations veineuses pures
Elles peuvent être osseuses, articulaires, musculaires ou cutanées.
Osseuses [8, 16]
Elles sont rares ; leur localisation peut être intracorticale, périostée
ou médullaire.
La localisation intracorticale, la plus rare des trois, survient dans la
seconde partie de la vie ; elle se traduit par une lésion
radiotransparente entourée de sclérose.
La localisation périostée, très rare, se retrouve chez l’enfant comme
chez l’adulte ; au plan radiologique, elle se traduit par une
dépression cupuliforme de la corticale externe, avec épaississement
réactionnel de cette dernière et une fibrose du périoste.
La localisation médullaire se manifeste par des douleurs localisées
et la perception d’une masse survenue en l’absence de tout
traumatisme. L’aspect radiographique de la lésion est dite en « bulle
de savon » avec souvent des modifications de la médullaire et lyse
de la corticale. L’IRM donne un hyposignal en T1 et un hypersignal
en T2.
Articulaires [16, 56]
La gravité de la malformation dépend de son degré de pénétration
articulaire. La symptomatologie clinique est en effet marquée par le
risque d’hémarthrose avec douleur, limitation de la mobilité
articulaire ou amyotrophie.
La localisation de ces malformations peut être :
– intra-articulaire ou synoviale détruisant le cartilage et érodant
l’os ; son extension est variable ;
– juxta-articulaire, n’atteignant pas la capsule ni la synoviale, se
traduisant par une masse palpable ;
– mixte, à la jonction des deux.
Les signes d’appel sont le plus souvent orthopédiques (hémarthrose)
en l’absence de signe cutané. La radiographie standard montre des
signes indirects (phlébolithes, épanchement ou réaction périostée).
L’arthroscopie a cédé la place à l’IRM qui fait le diagnostic en
montrant, sur les séquences T2, un hypersignal caractéristique des
flux lents veineux, ainsi que son degré d’extension.
Le traitement en est, soit chirurgical, soit radiologique par
embolisation à l’éthanol.
Intramusculaires [16, 56]
Ce sont les plus fréquentes, et la littérature fait état de plus de
550 cas. [18]
La clinique rapporte des douleurs localisées plus ou moins
permanentes suivant le degré d’inflammation du muscle ou une
thrombose locale. La masse est pratiquement toujours palpable et
possède les caractéristiques des masses veineuses.
Son diagnostic, le plus souvent clinique, est confirmé par l’IRM.
Celle-ci permet de visualiser un hypersignal en T1 moins important
que la graisse et un hypersignal en T2 ; le diagnostic pouvant se
poser, même à l’IRM, avec une tumeur musculaire, une biopsie peut
être parfois nécessaire.
Le traitement est chirurgical et peut être accompagné d’une
embolisation.
Cutanées
De diagnostic facile, les malformations veineuses cutanées n’ont pas,
en dehors du préjudice esthétique, de répercussion clinique.
¶ Malformations extensives
Très souvent rattachées à tort au syndrome de Klippel-Trenaunay,
elles ont été mieux précisées par certains auteurs comme Servelle ou
Malan.
Ces malformations veineuses pures se manifestent dès la naissance
par un réseau superficiel dilaté en nappes et secondairement par
des varices induites par la malformation.
Au plan osseux, il existe le plus souvent une hypoplasie plutôt
qu’une hypertrophie. La douleur est le symptôme qui oriente vers
la constatation d’une masse bleutée qui gonfle en orthostatisme. Ces
veines sont dilatées et souvent calcifiées et entraînent une
déminéralisation osseuse ; le réseau veineux profond est le plus
souvent normal.
Elles ont progressivement été individualisées sous l’éponyme de
syndrome de Servelle-Martorell.
Le diagnostic d’extension requiert l’IRM qui montre, grâce aux
séquences T2, un hypersignal modéré spécifique des lacunes
veineuses, les coupes longitudinales renseignant sur l’extension de
la lésion.
L’opacification iodée de cette malformation reste possible, mais ne
permet pas de connaître avec certitude l’extension des lésions.
Les complications sont d’ordre hématologique avec des troubles de
la coagulation liés à une coagulopathie intravasculaire localisée
entraînant des thromboses locales, ou des accidents hémorragiques
lors de gestes invasifs et imposant la mise en route d’un traitement
par héparine de bas poids moléculaire (HBPM). [26] Elles sont aussi
orthopédiques avec les modifications de longueur du membre,
l’ostéoporose et des fractures de fatigue. Des complications
trophiques ont également été rapportées.
Le traitement repose sur la contention élastique forte, l’embolisation
à l’Éthibloct ou la chirurgie, les HBPM en cas de coagulopathie de
consommation.
¶ Syndrome de Klippel-Trenaunay [3, 14, 40, 54, 56, 66, 69, 73, 83, 84,
95]
Décrit dans les années 1900 par ces deux auteurs, le syndrome est
encore appelé « nævus variqueux ostéohypertrophique ». Servelle en
a rapporté 768 cas en 1977. Il se définit par une triade (Fig. 14) :
– angiome plan ;
– varices unilatérales et constantes ;
– ostéohypertrophie du membre homolatéral.
Il touche non seulement les veines mais également les capillaires et
les lymphatiques, [67] et induit un gigantisme monomélique
progressif.
10
11. Radiodiagnostic Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs 32-225-A-20
Ce syndrome est lié à une dysmorphogenèse des vaisseaux ainsi
que des structures dépendant du même blastème mésonéphrotique ;
au plan veineux, on constate donc des agénésies, hypoplasies et des
vaisseaux embryonnaires persistants.
Des études ont montré que ce syndrome, de survenue le plus
souvent sporadique, pouvait être occasionnellement associé à un
facteur génétique ; pour concilier ces deux aspects opposés, on a
évoqué la possibilité d’une hérédité multifactorielle à expression
variable et une mutation somatique survenant tôt dans
l’embryogenèse, ou encore la survie d’un fragment de gène létal
dans sa forme complète (mosaïcisme).
Au plan clinique, la triade, en théorie nécessaire au diagnostic, n’est
pourtant retrouvée au complet que dans environ deux cas sur trois.
Dans l’étude de Jacob, [48] 63 % des patients ont la triade, 37 % ont
deux des trois signes, 94 % ont un des trois signes précocement à la
naissance ; les malformations capillaires sont les plus fréquentes
(94 %), suivies des malformations veineuses (72 %) et des anomalies
osseuses (67 %) ; 90 % des atteintes concernent le membre inférieur
et dans 85 % des cas de façon unilatérale.
Le diagnostic est clinique et doit comporter la notion d’allongement
du membre. Les moyens complémentaires ont longtemps été
résumés à la pratique de phlébographie et/ou d’artériographie.
Actuellement le diagnostic est étayé par l’échodoppler et l’IRM qui
montrent un ou plusieurs des éléments suivants :
– atrésie, agénésie des veines profondes : fémorales, tibiales ;
– compression par brides fibreuses ; [83]
– dysplasie fibromusculaire des troncs profonds avec des vaisseaux
irréguliers, tantôt élargis, tantôt atrétiques par endophlébosclérose ;
– persistance des veines embryonnaires primitives ; [41] la plus
typique est la veine marginale externe, ou veine de Servelle, présente
dans 70 à 80 % des syndromes.
Les principales complications sont liées à l’allongement du membre
et ses répercussions orthopédiques, des troubles trophiques cutanés
en rapport avec la dysplasie vasculaire, des complications
hémorragiques rectales ou génitales par hyperpression de réseau
veineux de compensation ; méléna et hématuries sont rares mais
graves (0,9 % pour Servelle).
Le traitement est conservateur, et répond à la contention-compression
: selon les cas, il est nécessaire de recourir à la
sclérothérapie (cf. infra) ; la malformation veineuse s’affaisse une fois
sur deux et diminue dans un quart des cas ; le taux de
reperméabilisation est toutefois non négligeable. [14] Les angiomes
doivent être respectés chirurgicalement car ils cicatrisent mal ; les
formes localisées et pâles peuvent être traitées au laser. [56] Les avis
sont discutés sur l’opportunité de la chirurgie.
¶ Malformations artérioveineuses
de type Parkes-Weber [37, 45, 85]
Elles sortent du cadre de cet article mais peuvent parfois poser un
problème de diagnostic différentiel avec les malformations veineuses
complexes.
Ce syndrome ajoute aux signes cutanés et osseux du syndrome de
Klippel-Trenaunay des fistules artérioveineuses actives ou
potentiellement actives.
L’étiopathogénie de ce syndrome fait apparaître un arrêt au stade
intertronculaire de l’involution des communications entre artères
profondes et veines superficielles.
Sa localisation est le plus souvent située au membre inférieur et
entraîne des troubles trophiques volontiers hémorragiques pouvant
mettre en péril la vie du patient ou la conservation du membre.
Cliniquement, le membre est chaud, hypertrophique porteur de
varices monstrueuses et hyperpulsatiles. La main perçoit un thrill
caractéristique et le stéthoscope un souffle continu à renforcement
systolique.
L’échodoppler montre des flux de fistule avec un débit continu à
renforcement systolique. L’artériographie montre un retour veineux
précoce et la présence de fistules multiples. L’IRM fait partie du
bilan d’extension montrant en T1 et T2 des lacunes noires car il s’agit
de malformations à haut débit.
Le pronostic de ce syndrome est péjoratif compte tenu des
complications nombreuses, souvent sévères, émaillant l’évolution de
syndrome dans le temps : [1]
– décompensations cardiovasculaires si les fistules sont
hémodynamiquement actives ;
– fractures pathologiques ;
– retentissement cutané avec aspect de pseudo-Kaposi et
hémorragies dangereuses ;
– amputation du membre lorsque les gestes destinés à retarder
l’évolution des fistules dépassent leur but ou pour contrôler une
hémorragie à risque vital.
La prise en charge thérapeutique comporte les versants
orthopédiques et chirurgicaux identiques à ceux du syndrome de
Klippel-Trenaunay concernant les troubles de la croissance du
membre. Une chirurgie souvent itérative a été proposée pour
déconnecter les fistules et retarder l’évolution ; ses résultats sont
temporaires et inconstants. L’embolisation après cathétérisme sélectif
des artères nourricières de la malformation avec du matériel de
diverse nature (coils, ballonnets) permet de stabiliser ou de diminuer
le volume de la lésion et de limiter le retentissement général de ces
fistules à haut débit.
La maladie évolue par poussées souvent imprévisibles et peut
aboutir à l’amputation du membre. Le retentissement cardiaque de
la fistule impose une surveillance échographique de la fonction
ventriculaire gauche.
Approche diagnostique
Le bilan d’une anomalie veineuse des membres inférieurs repose à
l’heure actuelle, outre la clinique, sur la pratique d’explorations non
invasives, essentiellement l’échodoppler et l’imagerie ou l’ARM.
Figure 14 Aspect clinique d’un syn-drome
de Klippel-Trenaunay complet chez
un jeune garçon de 12 ans. Association
d’une veine marginale externe (flèche lon-gue),
d’un angiome plan (flèche courte) et
d’une hypertrophie du membre.
11
12. 32-225-A-20 Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs Radiodiagnostic
Les grandes séries sur les malformations veineuses font pour la
plupart appel aux investigations artériographiques ou
phlébographiques. La morbidité de ces méthodes les rend
actuellement peu utilisables.
Les buts de l’imagerie non invasive sont de caractériser et de
délimiter la lésion, permettant ainsi de définir une attitude
thérapeutique ciblée sur son importance et son retentissement, que
ce soit le traitement médical, une sclérothérapie, une embolisation
ou la chirurgie.
En fait, le point déterminant dans le cadre d’une malformation est
de savoir si c’est une lésion à haut débit ou à flux lent.
MOYENS
¶ Radiographie standard [46, 56]
Son intérêt essentiel est dans la visualisation des phlébolithes qui
accompagnent les malformations veineuses. Ces calcifications,
séquelles de thromboses itératives, seraient pathognomoniques, pour
certains, [12] des malformations veineuses. En cas d’atteinte osseuse
ou articulaire associée lors des anomalies complexes, elle permet
d’évaluer le retentissement sur la croissance osseuse de la
malformation.
¶ Explorations ultrasoniques [23, 56, 70]
Le doppler continu n’a que peu d’intérêt dans le cadre des
anomalies veineuses. L’échographie en mode B permet une étude
morphologique des veines. Au niveau des membres inférieurs, une
sonde de 7,5 à 10 MHz est habituellement utilisée. L’étude des
veines abdominales (iliaque ou cave) nécessite une sonde de 2,5 à
5 MHz. L’association échotomographie et doppler pulsé permet de
coupler les informations morphologiques et hémodynamiques, en
ciblant le tir au niveau de la veine étudiée. L’échotomographie-doppler
couleur permet une analyse morphologique et
hémodynamique dans le même temps. L’échelle d’intensité des
couleurs évalue la vitesse du flux ; celle-ci est lente dans les veines,
ce qui nécessite un réglage précis de l’appareil (PRF basses).
Le doppler puissance améliore le rapport signal sur bruit et permet
une meilleure visualisation des vitesses très lentes. Toutefois, son
utilisation ne permet pas l’étude du sens du flux et la zone étudiée
doit être indemne de tout mouvement parasite.
Réalisation pratique de l’examen [59]
L’examen est toujours bilatéral et comparatif. L’échographie en
mode B étudie la morphologie de la veine et l’échogénicité de son
contenu ; la veine cave et les veines iliaques sont étudiées depuis la
fosse iliaque jusqu’à l’oreillette droite en coupes longitudinales et
transversales sur un patient en décubitus dorsal. En cas de difficultés
(obésité, gaz), le décubitus latéral gauche facilite l’exploration. Les
veines iliaques primitives et externes sont étudiées en décubitus
dorsal. La flexion de la hanche homolatérale améliore la
visualisation et la compression de l’axe iliaque. L’exploration des
veines abdominales est facilitée par la vacuité vésicale.
Objectifs
L’examen des troncs superficiels saphènes permet de détecter une
anomalie tronculaire, le degré d’activité compensatrice du réseau
superficiel et de répondre partiellement quant à la nature des lésions
angiomateuses superficielles associées par leur retentissement en
termes de débit : flux lent ou flux rapide, orientant ainsi la suite des
examens.
Les ultrasons permettent, dans les mains de certaines équipes, de
différencier par la densité vasculaire et les vitesses systoliques
artérielles, les hémangiomes des malformations veineuses. [23, 69] Ils
montrent, au plan échographique, de petites zones hypoéchogènes,
très mal limitées, d’aspect lobulé et s’affaissant sous la pression de
la sonde. Aucun flux artériel n’est visible ; les manoeuvres de chasse
peuvent montrer un flux de vidange de type veineux.
La recherche de veines anormales : la veine marginale externe est
d’accès facile, la veine sciatique plus délicate à observer ; il est
important d’en noter l’origine et la terminaison, ainsi que la présence
et la perméabilité du réseau profond. [14, 66, 90]
Le bilan du réseau veineux profond se fait à la recherche d’une
anomalie morphologique, aplasie, hypoplasie ou anévrisme ; une
anomalie de trajet sera facilement détectée ; une analyse attentive
permet de repérer les sinus valvulaires et d’évaluer, par une
manoeuvre dynamique, la fermeture des cuspides. Le temps
hémodynamique comportant l’utilisation du doppler pulsé et/ou de
la couleur permet d’évaluer un reflux et d’en localiser l’origine.
L’échographie est donc un excellent outil de dépistage qui peut,
dans les formes localisées des malformations veineuses, répondre
parfaitement aux besoins du praticien. Elle reste limitée toutefois
dans l’évaluation des lésions complexes ou profondes et doit alors
amener à la réalisation d’examens plus complets.
¶ Tomodensitométrie [50, 56]
Largement diffusée, la tomodensitométrie a permis d’aller au-delà
des investigations traditionnelles, par sa capacité à montrer les
différentes structures anatomiques en coupes horizontales. Elle a
permis d’objectiver un certain nombre d’anomalies totalement
latentes et s’est progressivement substituée aux bilans
phlébographiques. Dans sa forme primitive, dite incrémentale, le
scanner s’est vu limité dans le bilan de malformations vasculaires,
par les principes mêmes des acquisitions : fugacité du rehaussement
de la lumière vasculaire par le bolus de produit de contraste
imposant des injections itératives, épaisseur des coupes rendant
délicates les reconstructions multiplanaires. [87] L’angioscanner
hélicoïdal (spiralé) a très nettement renforcé l’intérêt de ce type
d’examen dans le domaine vasculaire. Il permet, grâce à un
rehaussement vasculaire maximal, et à la possibilité de coupes fines,
l’acquisition d’images de la paroi du vaisseau et de son contenu.
L’injection d’iode se fait au pli du coude à une dose de 120 à 140 ml
à travers un cathéter de 18 G ; le temps d’acquisition artériel est de
30 secondes et la deuxième acquisition d’images au niveau des
membres inférieurs est de l’ordre de 2 minutes ; la détermination de
ce délai est empirique. L’épaisseur nominale est de 3 à 5 mm et la
reconstruction est effectuée tous les 1,5 mm. L’utilisation de produit
de contraste reste nécessaire pour visualiser de façon correcte les
vaisseaux dans des quantités supérieures à l’angiographie.
Son intérêt actuel réside dans l’accessibilité de cet examen largement
diffusé et dans son rôle pour évaluer la nature d’une malformation
au niveau pelvien ou abdominal. Il est cependant moins performant
que l’IRM par l’absence d’information sur les flux observés, par son
médiocre pouvoir à différencier les structures de densité avoisinante
(graisse et vaisseaux notamment). [72] La valeur de cet examen dans
ce cadre n’est pas démontrée. [87]
¶ Imagerie par résonance magnétique (Fig. 15)
L’IRM fait appel à la combinaison de séquences en écho de spin
pondéré en T1 qui délimitent l’anatomie, et d’autres, en écho
pondéré en T2 avec effacement des tissus graisseux pour déterminer
l’existence et la nature du flux ; les images en écho de gradient, en
montrant une haute intensité de signal, permettent de rattacher les
lacunes [10] à la stagnation du flux sanguin dans ces poches
veineuses. Chacune des séquences est réalisée en plans axiaux, avec
addition de coupes coronales et sagittales en écho de fast spin
pondérées en T2 quand nécessaire.
Sur les images, les malformations veineuses ont un aspect serpentin
avec des stries internes et des cloisons. Le signal décrit est plus
intense que celui du muscle à la fois sur les séquences T1 et T2, et
moins que celui de la graisse sous-cutanée sur les séquences T1 alors
qu’il est supérieur sur les séquences T2.
Les différents auteurs [10, 30, 47, 78] confirment la capacité de l’IRM à
distinguer les malformations veineuses pures des malformations
artérioveineuses.
L’IRM est une méthode non invasive et non irradiante sans effet
secondaire décrit à ce jour ; ses contre-indications absolues sont la
12
13. Radiodiagnostic Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs 32-225-A-20
présence de stimulateurs, pompes ou appareils électroniques
implantés à demeure. L’absence de corps étranger métallique devra
être vérifiée par un interrogatoire soigneux complété au besoin
d’examens radiographiques standards appropriés.
Les patients agités, claustrophobes, les enfants devront bénéficier
d’une prémédication adaptée, l’acquisition des images nécessitant
une immobilité complète pendant de longues minutes. Enfin, la
nécessité d’une assistance respiratoire, une étroite surveillance
hémodynamique peuvent être des limites à la faisabilité de
l’examen.
Actuellement, d’autres séquences d’imagerie sont mises en avant
pour une évaluation des malformations veineuses : c’est le cas de
l’ARM [55] (Fig. 16 , 17). Elle nécessite des machines à hauts champs
(1-1,5 T) avec des gradients élevés, et des temps de montée des
gradients rapides sont les plus adaptés aux explorations
vasculaires. [50, 59] Les séquences dites de flux (sans injection de
gadolinium) sont représentées par l’ARM avec séquences en temps
de vol (time-of-flight imaging : TOF) et l’ARM par contraste de phase
(phase-contrast imaging : PC).
L’ARM par temps de vol est une séquence en écho de gradient
pondérée en T1. Elle repose sur l’arrivée dans le plan de coupe de
sang frais non saturé. Le signal des tissus stationnaires est supprimé
grâce à l’utilisation de temps de relaxation (TR) courts. Le flux
circulant perpendiculairement au plan de coupe apparaît en
hypersignal. Des gradients de compensation de flux sont inclus dans
le gradient de lecture et de sélection de coupe pour minimiser les
pertes de signal intravasculaire liées au déphasage des spins. La
technique d’acquisition 3D est actuellement la plus utilisée car, bien
que le temps d’acquisition soit majoré, la résolution spatiale est
supérieure. Les séquences les plus récentes durent 3 minutes pour
un volume exploré d’environ 25 cm de hauteur. L’exploration ne
peut être que segmentaire ; il faut donc reproduire la séquence
plusieurs fois si le volume à explorer est important. Une autre limite
est le manque de résolution anatomique au niveau jambier. Enfin,
seuls les vaisseaux perpendiculaires au plan de coupe ont un
hypersignal témoignant de leur perméabilité.
L’ARM par contraste de phase utilise le déphasage des spins
mobiles induits par deux gradients bipolaires de polarité inverse
réalisant de cette façon un véritable « encodage par la vitesse ».
L’encodage de vitesse est choisi en fonction du type de flux
vasculaire étudié ; un encodage de 20-40 cm/s est adapté à une
cartographie veineuse. Cette séquence est donc bien adaptée aux
flux lents mais ne visualise pas correctement les vaisseaux
comportant des zones de turbulences physiologiques ; il s’agit d’une
séquence longue. Le même algorithme de reconstruction peut être
utilisé pour une représentation volumique de l’image.
L’utilisation des sels de gadolinium permet de raccourcir le T1 du
sang circulant, d’où un renforcement de son signal. Il s’agit de
séquences 3D rapides, en apnée, en écho de gradient pondérées T1.
plusieurs acquisitions sont généralement déclenchées les unes à la
Figure 15 Coupes en imagerie par résonance magnétique sagittale (A) et horizon-tale
(B) d’une malformation veineuse de type Klippel-Trenaunay.
Figure 16 Veine marginale latérale
dans le cadre d’un syndrome de Klippel-
Trenaunay.
Figure 17 Angiographie par résonance magnétique d’une malformation complexe
à prédominance veineuse. Veine marginale externe (a). Localisation des malformations
veineuses (b).
13
14. 32-225-A-20 Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs Radiodiagnostic
suite des autres ; la première représente le réseau artériel et les
suivantes le réseau artérioveineux et veineux. La visualisation des
veines peut être également obtenue par technique de soustraction
entre la phase artérielle et la phase artérioveineuse. C’est une
méthode invasive nécessitant l’injection au pli du coude de
gadolinium à la dose de 0,2 mmol/kg. Le volume d’étude par
acquisition est supérieur à celui des séquences de flux ; toutefois, il
est impossible de définir avec précision le délai au bout duquel le
rehaussement veineux est maximal ; au niveau jambier, la résolution
anatomique est médiocre en raison de la petite taille des structures
anatomiques étudiées.
L’utilisation du gadolinium dans le cadre des malformations
veineuses est discutée ; jugé utile pour les uns, [64, 78, 89] il est de peu
d’intérêt pour d’autres. [22]
Au total, l’IRM est l’examen de choix dans le bilan d’extension de
malformations vasculaires ; il permet en effet de visualiser la masse
angiomateuse, d’en évaluer, par les séquences pondérées en T2, le
flux en distinguant l’hypersignal des vaisseaux du reste des tissus
graisseux ou par les séquences T1 l’existence d’un flux rapide
traduisant une participation artérielle. Il montre les rapports avec
les structures avoisinantes, articulaires, musculaires et osseuses. La
réalisation de coupes sagittales est un complément très utile pour
montrer l’extension de la lésion et les limites d’un éventuel geste
chirurgical. Parmi les limitations de l’IRM, citons son côté onéreux,
l’absence de visualisation des capillaires, et en l’absence d’agent de
contraste, l’impossibilité de discerner les anomalies veineuses et
lymphatiques. Certaines tumeurs comme les angiosarcomes ou les
tumeurs myxoïdes peuvent être confondues avec de banales
malformations veineuses.
¶ Explorations invasives
Phlébographie [46, 50]
Qu’elle se fasse au fil de l’eau à partir de veines du dos du pied ou
par ponction poplitée ou fémorale, la phlébographie vise à donner
une image globale du retour veineux du membre.
Son caractère invasif et son manque de fiabilité sur des
malformations un peu complexes l’ont progressivement conduite à
disparaître de l’arsenal des moyens diagnostiques courants. Naguère
considérée comme indispensable dans tout bilan d’une
malformation complexe ou pour définir le trajet d’une veine
embryonnaire par ponction directe, l’intérêt actuel de la
Figure 18 Syndrome de Klippel-Trenaunay. Embolisation sélective des artères
nourricières (A). Aspect postembolisation (B).
phlébographie s’est limité pour certaines équipes à l’évaluation
préopératoire des insuffisances valvulaires profondes quand un
geste de valvuloplastie est envisagé. [52, 74, 79]
Artériographie
Elle s’adresse avant tout aux malformations artérioveineuses ; elle
en demeure le temps indispensable pour l’exploration et la stratégie
thérapeutique en visualisant les artères nourricières en vue d’une
embolisation hypersélective (Fig. 18).
STRATÉGIE À ADOPTER DEVANT UNE ANOMALIE
VEINEUSE DU MEMBRE (Fig. 19) [45, 69, 72, 95]
Les multiples facettes des anomalies congénitales veineuses des
membres inférieurs constituent autant de tableaux aux expressions
variées dont la gravité est le critère principal permettant le choix
d’une simple surveillance ou au contraire d’un geste thérapeutique
ciblé. C’est en priorité la clinique qui oriente vers la pratique
d’examens complémentaires. Les points sur lesquels elle peut
répondre sont :
– localisation de l’anomalie : est-ce une zone à risque ?
– importance apparente ;
– structure concernée en priorité : veines, articulation, muscle,
viscère ;
– retentissement fonctionnel.
La réponse permet :
– soit d’éliminer la présence de lésions complexes ;
– soit, dans le cas contraire, d’en évaluer le retentissement sur les
organes ou tissus de voisinage.
Neuf fois sur dix le diagnostic est établi cliniquement. Dans le cas
contraire, l’examen de seconde intention paraît être l’échographie-doppler
qui apporte des éléments de réponse complémentaires :
– est-ce une lésion à haut débit, ou à flux lent (résistances
vasculaires périphériques élevées ou basses) ?
– quelle en est l’extension locale ou régionale, dans la limite des
possibilités de cet examen ?
– le réseau veineux profond ou superficiel est-il modifié, altéré,
absent, dilaté ?
14
15. Radiodiagnostic Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs 32-225-A-20
Isolé Retentissement
Écho IRM
Non
clinique
– quel est le statut hémodynamique du réseau veineux du membre ?
reflux, obstruction ? vicariance ?
Cette seconde étape sélectionne un groupe de patients pour lesquels
un traitement, médical ou chirurgical, sera entrepris en fonction de
ces informations.
Pour les autres, la complexité des malformations, leur localisation
dangereuse, leur diffusion dépassant les possibilités de l’échographie
impliquent une attitude plus agressive et imposent un bilan plus
complet. C’est l’imagerie, scanner ou IRM, qui répond à l’ultime
série d’interrogations :
– extension de la malformation ;
– risque évolutif ;
– retentissement fonctionnel, osseux, articulaire.
La phlébographie ne trouve plus guère d’indication que dans les
insuffisances veineuses profondes primitives, dans le cadre du bilan
préopératoire ; le problème de la réalisation d’une artériographie se
pose dans les malformations à participation artérielle marquée.
Aspects thérapeutiques
Les principes thérapeutiques spécifiques de chaque tableau ont été
évoqués plus haut. Il nous a paru souhaitable cependant d’en
reprendre ici les points forts. Les données récentes de la littérature
soulignent la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire
associant médecins vasculaires, dermatologues ou pédiatres,
chirurgiens et radiologues. La discussion se fait à deux niveaux :
– nature et pertinence des explorations complémentaires ;
– stratégie thérapeutique consensuelle.
TRAITEMENT MÉDICAL
Il repose avant tout sur les mesures orthopédiques au premier rang
desquelles se place la contention-compression élastique ; celle-ci doit
être adaptée à l’importance de l’insuffisance veineuse associée. Elle
permet dans la majorité des cas de stabiliser les lésions et de
diminuer le retentissement tissulaire à long terme des malformations
veineuses. Elle comporte également, au plan orthopédique, la
compensation d’une inégalité de longueur dans les malformations
complexes, ainsi que la prévention ou la correction des
malformations.
Non
De nombreuses publications plaident pour la sclérothérapie
percutanée dans les malformations veineuses ; c’est devenu le
traitement de choix en raison de sa facilité de réalisation et des
résultats encourageants. [14, 20, 22, 23, 44, 58, 68] Les produits utilisés sont
l’éthanol, le tétradécyl sulfate de sodium (Trombovart) ou le
polidocanol (Aetoxisclérolt) ; la ponction, sur un patient sédaté, se
fait sous contrôle échographique ; les doses estimées de façon
empirique sont variables pour chaque patient (dose maximale
d’éthanol : 1ml/kg et par site). [44] Elle aboutit à un affaissement de
la lésion dans des délais de plusieurs mois. Les résultats publiés
font état de bons résultats dans 78 % à 87 % des formes localisées,
dans 42 à 60 % des formes diffuses. [23, 44]
À défaut d’une disparition complète de la malformation, elle
apporte une amélioration des symptômes chez 60 % des patients, au
prix d’une morbidité oscillant entre 4 et 25 % : nécrose cutanée,
atteinte neurologique périphérique, choc. [22, 44] Il ne faut pas hésiter
à multiplier les séances et les sites d’injections.
Les effets secondaires sont présents dans plus de 30 % des gestes
effectués.
Dans les formes à haut débit, une embolisation hypersélective des
artères actives sur le centre de la malformation est réalisée ; les
matériaux utilisés sont les coils, la mousse d’alcool, les ballons
largables et le cyanoacrylate.
L’échoguidage permet d’accéder directement aux artères
nourricières dans les cas difficiles. La chirurgie est éventuellement
un geste de complément. L’embolisation semble apporter un
meilleur bénéfice pour le patient : selon Ford, 85 % d’amélioration à
3 ans face à des complications pouvant aller jusqu’à 50 % pour la
chirurgie.
CHIRURGIE
Les complications osseuses, articulaires ou viscérales des
malformations veineuses impliquent des prises en charge
spécifiques. La chirurgie des anomalies veineuses a vu reculer ses
indications devant des résultats globalement peu satisfaisants.
Lorsqu’il s’agit d’anomalies isolées, touchant les vaisseaux
superficiels, la chirurgie peut être envisagée pour diminuer
l’insuffisance veineuse chronique ou pour des raisons cosmétiques.
Elle implique bien entendu d’avoir vérifié l’intégrité du réseau
veineux profond. Quand la malformation touche ce dernier, il paraît
nécessaire de confronter les résultats d’une chirurgie rarement
pratiquée aux retentissements constatés de l’anomalie. C’est le cas
dans les insuffisances valvulaires profondes primitives où la
Stratégie de prise en charge
Oui
Oui
Oui Oui
Non
Non
Bilan clinique
Bilan extension
Angiographie
Contributif
Contributif
Discussion
médicoradiologique
chirurgicale
Abstention
Geste thérapeutique
Figure 19 Anomalies veineuses congénitales des mem-bres
inférieurs : stratégie de prise en charge. IRM : image-rie
par résonance magnétique.
15
16. 32-225-A-20 Anomalies veineuses congénitales des membres inférieurs Radiodiagnostic
valvuloplastie, la transposition valvulaire donnent à moyen terme
des résultats diversement appréciés (48 à 71 %). [74, 80]
La chirurgie des anévrismes est l’objet de controverses, liées aux
complications du traitement chirurgical (thrombose) face aux
insuffisances du traitement médical (récidive d’embolie pulmonaire).
La tendance est toutefois en faveur de cette dernière dans les cas
d’anévrisme sacciforme où une excision du sac peut être réalisée.
Les agénésies ont fait l’objet de quelques gestes de transposition ou
pontages veineux, mais ce sont des cas isolés, l’absence d’un axe
veineux profond étant la plupart du temps compensée par les
nombreuses suppléances naturelles. Les anomalies caves sont un
danger pour la chirurgie mais ne nécessitent pas de traitement
spécifique. La chirurgie des malformations veineuses complexes est
souvent mutilante et n’apporte que des résultats partiels ou
temporaires.
Les chiffres rapportés par la littérature sont contradictoires et
doivent être analysés avec prudence : certains [3, 41, 66] rapportent une
rétrocession des stades CEAP (score consensuel de sévérité basé sur
la clinique, l’étiologie, l’anatomie et la physiopathologie de
l’insuffisance veineuse) significative chez les syndromes de Klippel-
Trenaunay opérés de ligatures des perforantes ou veines
embryonnaires ; ces résultats sont infirmés par d’autres.
Servelle [83] rapporte des résultats positifs sur une importante série
malheureusement ancienne. Ces séries concernent avant tout la
chirurgie de l’insuffisance veineuse chronique (traitement des
varices, ligature de perforantes). Dans le cadre de malformations
avec participation capillaire marquée, le but doit être de traiter une
complication plus que de traiter la malformation. Les angiomes
plans peuvent faire l’objet d’une photocoagulation au laser ; [56]
l’extension aux tissus musculaires ou articulaires doit faire envisager
les avantages respectifs de la chirurgie et de l’embolisation, les deux
pouvant être combinées.
Les résultats chirurgicaux sont peu significatifs avec un taux
d’aggravation parfois déroutant. [37, 85] Des interventions lourdes
peuvent être faites en cas d’hémorragies de menace vitale ou
fonctionnelle. [56, 90]
Conclusion
Les anomalies veineuses congénitales sont fort heureusement rares. Les
formes localisées ont une incidence souvent négligeable sur l’état de
santé du patient. L’abstention thérapeutique est de règle en dehors de
considérations fonctionnelles ou esthétiques particulières et à traiter au
cas par cas. Les malformations complexes posent, en revanche, de
difficiles problèmes de diagnostic et de prise en charge. Seuls 20 à 30 %
des patients sont candidats à une cure définitive.Un bilan initial précis
et complet, où les méthodes non invasives tiennent une grande place,
une surveillance à long terme avec éducation des patients sont
nécessaires en sachant que la stabilisation des lésions est plus fréquente
que la guérison. Une stratégie thérapeutique concertée doit être prise
dans un cadre multidisciplinaire incluant, selon les besoins, chirurgiens
et médecins vasculaires, radiologues et plasticiens, dermatologues,
chirurgiens orthopédistes, pour apporter au patient un résultat optimal.
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